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Les électeurs étrangers

TANQUEREL, Thierry

TANQUEREL, Thierry. Les électeurs étrangers. In: Heckendorn Urscheler, Lukas.. et al.

Rapports suisses présentés au XVIIIe Congrès international de droit comparé . Genève : Schulthess, 2010. p. 179-219

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:14819

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Thierry Tanquerel"

Les électeurs étrangers

1. Introduction

1. Tel qu'il apparaît au travers du questionnaire qui a été soumis aux rapporteurs nationaux en vue du XVllème Congrès de droit comparé, le thème des électeurs étrangers se rapporte principalement à la participation des étrangers aux opéra- tions électorales organisées par l'Etat dans lequel ils résident. Beaucoup plus mar- ginale est la question de la participation de ces étrangers aux opérations électo- rales et aux campagnes y relatives organisées par leur pays d'origine. Le premier aspect du thème traité occupera ainsi l'essentiel du présent rapport.

2. La situation des électeurs étrangers en Suisse - ou plus exactement, pour reprendre la terminologie helvétique usuelle, la question des droits politiques des étrangers - ne saurait être exposée dans une perspective de droit comparé sans une brève présentation de deux éléments de contexte fondamentaux. Le premier est l'étendue particulière des droits politiques en Suisse, qui découle, d'une part, de la structure institutionnelle à trois niveaux du pays et, d'autre part, de l'omniprésence des institutions de démocratie directe. Le deuxième est la situation des étrangers en Suisse, notamment quant à leurs chances d'acquérir la nationalité suisse.

3. La question des droits politiques des étrangers, qui est un aspect particulier de la thématique plus vaste de l'accueil et de l'intégration des étrangers,l ne relève à l'évidence pas de la simple technique juridique. Les orientations politiques, les valeurs, les conceptions institutionnelles y occupent une place détenninante. Le questionnaire s'en fait l'écho, qui fait souvent appel au "sentiment», nécessaire- ment politique, du rapporteur. La doctrine nationale sur le sujet n'échappe pas au phénomène: les auteurs se contentent rarement d'un exposé du droit positif, mais consacrent souvent l'essentiel de leurs efforts à discuter, en prenant parti, le bien- fondé de l'octroi de droits politiques aux étrangers.' Il est donc vain, en la matière,

Professeur à rUniversité de Genève. L'auteur tient à remercier Mme Maria Rodriguez.

assistante à la Facuttê de droit de l'Université de Genève. pour son aide précieuse dans la recherche des sources et la mise au point de ce rapport, Il a par ailleurs trouvé de nom- breuses sources d'inspiration dans les débats de la commission des droits politiques de l'Assemblée constituante du canton de Genève, dont il est membre.

Cf D. BIANCHI, Die In/egra/ion der auslandischen Bellolkerung - Der In/egrationsprozess im Lich/e des schweizerischen Verfassungsrechts, Zurich et BSle et Genève: Schulthes5 2003, spéc. 66 55,

2 Reconnaissant le problème, P. HEUSSER, Stimm- und Wahlrecht für Aus/iinderinnen und Auslander. Zurich: Schulthess 2001. 3.

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de prétendre à une inaccessible neutralité. On visera donc à répondre aux attentes du questionnaire, qui appelle des prises de position, tout en exposant le plus hon- nêtement possible les différents points de vue.

2. Le contexte

2.1 Les droits politiques en Suisse 2.1.1 La double nature des droits politiques

4. On entend en Suisse par «droits politiques» la faculté conférée à ceux qui en sont titulaires de participer aux élections, de voter lors des scrutins résultant de référendums ou d'initiatives populaires,3 ainsi que de signer des demandes de référendum ou des initiatives populaires. On y ajoutera la garantie figurant à l'article 34 alinéa 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. féd.)' qui "protège la libre formation de l'opinion des citoyens et des citoyennes et l'expression fidèle et sûre de leur volonté», Celles et ceux qui sont titulaires des droits politiques jouissent ainsi de la citoyenneté «active».5 5. Dans un sens plus large, qui est celui qui nous intéresse dans la perspective de ce rapport, les droits politiques comprennent également l'éligibilité,' à savoir le droit d'être élu aux fonctions publiques, que l'on appelle parfois la citoyenneté "pas- sive).?

6. Dans la conception de la démocratie prévalant en Suisse, les droits politiques ont une double nature. C'est d'abord un droit individuel de participation au pro- cessus politique et un droit fondamental à ce que cette participation soit libre et fidèlement prise en considération. C'est aussi une fonction: le corps électoral est

3 Sur le référendum et l"initiative, voir infra N 1655.

" Recueil systématique du droit fédéral IRSI 101.

5 P. MAHON, La citoyenneté active en droit public suisse, in D. THÜRER et al. (édsl.

Verfassungsrecht der SchwelZ - Droit constitutionnel suisse, Zurich: Schulthess 2001, N 2.

335; HEU55ER (n. 21, 8; Y. HANGARTNER & A. KLEY. Die demokratischen Rechte in Bund und Kantonen der Schweizerischen Eidgenossenschaft, Zurich: Schulthess 2000, N 2; A. AUER et al., Droit constitutionnel suisse, vol. 1 «L'Etat», 2ème éd., Berne: Stampfli 2006, N 713 qui parlent de «capacité civique active», comme synonyme d'«exercice des droits politiques)).

6 Adoptant cette conception large des droits politiques, notamment, U. HAFELIN et al, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 7ème éd., Zurich et Bâle et Genève: Schulthess 2008, N 1363 ss; AUER et al. (n. 51. N 713 ss.

7 HANGARTNER & KLEY ln. 51, N 1; AUER et al In. 51. N 713 qui parLent de «capacité civique passive)). comme synonyme de (jouissance des droits politiques».

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LES ÉLECTEURS ÉTRANGERS

considéré comme un organe de l'Etats et chaque citoyen actif, quand il exerce ses droits politiques, remplit ainsi un devoir en tant que panie de cet organe.9

7. Cette double nature des droits politiques prend toute sa signification si l'on garde à l'esprit l'étendue des institutions de démocratie directe en Suisse. Le corps électoral helvétique, à tous les niveaux, ne se contente pas d'élire périodiquement ses représentants, voire de se prononcer exceptionnellement sur des questions fondamentales que lui posent ses dirigeants: il peut intervenir quand bon lui semble sur la législation, sur l'utilisation des deniers publics et même sur nombre de décisions concrètes adoptées par les organes élus." Sa qualité d'organe de l'Etat ne relève donc pas d'une vision théorique, mais d'une réalité politique tangible:

référendums et initiatives populaires correspondent en Suisse à une pratique régulière, tout à fait ordinaire et dédramatisée.

8. Au-delà de son utilisation concrète vigoureuse, la démocratie directe a en Suisse une très large portée symbolique. Elle est devenue un facteur identitaire pour le citoyen suisse et panicipe de l'idée même que celui-ci se fait de l'Etat.11 Cet élé- ment n'est pas sans imponance dans le débat sur les droits politiques des étran- gers. Plus l'exercice de ceux-ci touche, idéologiquement, à l'essence de la démocra- tie suisse, plus difficile est le pas d'octroyer ces droits à des étrangers.12 L'étendue effective des institutions démocratiques, comprenant une large composante de démocratie directe, a aussi été invoquée pour souligner la portée particulière de l'octroi de droits politiques aux étrangers.13

2.1.2 Les trois niveaux d'exercice des droits politiques

9. La Suisse, on le sait, est un Etat fédéral dans lequel les cantons disposent d'importantes compétences normatives. En vertu de l'article 3 Cst. féd., «les can- tons sont souverains en tant que leur souveraineté n'est pas limitée par la Consti- tution fédérale et exercent tous les droits qui ne sont pas délégués à la Confédéra- tion».

B AUER et al. In. 51. N 609 ss.

9 HÂFELIN et al. In. 61. N 1381 et 1382; P. MAHON & B. PULVER, Droits politiques des étrangers et constitutions cantonales: l'exemple de Neuchâtel, RDAF2001 (1971. N 37; MAHON [no 51, N 6 et 7; HEUSSER ln. 21. 6 ss; P. TSCHANNEN, Sümmrechtundpolitische Verstfindigung, Bâle et Francfort-sur-le-Main: Helbing & Lichtenhahn 1995, N 20 sS.

10 Voir infra N 16 sS.

11 T. TANQUEREL, Les fondements démocratiques de la Constitution, in D. THÜRER et al. (édsl.

Verfassungsrecht der Schweiz - Droit constitutionnel suisse, Zurich: Schulthess 2001, N 26, 301.

12 MAHON & PULVER ln. 91, N 37.

13 E. GRISEL, Le droit de vote des étrangers en Suisse, comparaison avec t'Allemagne et quelques Etats étrangers, Rapport présenté lors de la Table ronde sur la «Participation des étrangers aux élections») du 27 mai 2005 à Moscou dans le cadre de la Commission euro- péenne pour la démocratie par le droit ICommission de Venise!. Il D, disponible sous httpJ/www.venice.coe.int/docs/2005/CDL-ELI200510 14-f.asp 117.05.101.

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10. Dans ce contexte, les cantons disposent d'une très large autonomie pour s'organiser et élaborer leurs institutions politiques. On parle à cet égard de leur autonomie constitutionnelle." La Cst. féd. (art. 51 al. 1) se contente d'exiger que les constitutions cantonales soient démocratiques, qu'elles aient été acceptées par le peuple (par référendum, donc) et qu'elles puissent être révisées si la majorité du corps électoral le demande.

11. Un des aspects de l'autonomie constitutionnelle des. cantons est leur organisation territoriale.1!. La question de savoir si les cantons pourraient se passer de communes - dont l'autonomie est garantie par )a Cst. féd. (dans les limites fixées par le droit cantonal" (art. 50 al. 1) - est discutée, la doctrine penchant cependant clairement pour une réponse positive.10 En pratique, tous les cantons connaissent l'existence des communes. L'étendue des compétences conférées aux communes et l'ampleur de leur autonomie organisationnelle est en revanche très variable d'un canton à l'autre.'? Il n'en reste pas moins que, dans chaque canton, il existe un niveau institutionnel communal, avec des autorités élues et des instru- ments de démocratie directe.

12. Il en résulte que l'exercice des droits politiques s'articule en Suisse sur les trois niveaux de la structure étatique du pays, le fédéral, cantonal et communal. Dans certains cantons, des modalités de participation démocratique sont également prévues à des niveaux intermédiaires entre les cantons et les communes, à savoir les districts ou les associations de communes;1" leur place reste cependant suffisamment marginale pour que l'on puisse en faire abstraction dans ce rapport.

13. Le contenu des droits politiques, soit la définition des objets sur lesquels ils s'exercent et les modalités de cet exercice,2D varie fortement entre les trois niveaux, entre les cantons et entre les communes. L'octroi de droits politiques aux étrangers n'aura donc pas la même signification concrète suivant le niveau et la collectivité dans laquelle il intervient.

14. Le mode de définition du corps électoral varie également. Pour les élections à la Chambre basse du parlement fédéral - le Conseil national, qui compte 200

U Sur ce sujet, V. MARTENEf, L'autonomie constilufionnetle des canIons, Bâle et Genève et Munich: Helbing & Lichtenhahn 1999, passim.

15 MARTENET ln. 141. 257 ss, parle à cet égard d'«autonomie structurelle interne».

l' MARTENET ln. 141. 260; V. MARTENET, la fusion de communes entre elles ou avec le canton, in T. TANOUEREL & F. BELLANGER lédsl, L'avenir jundique des communes, Genève et Zurich et Bâle: Schulthess 2007, 177-192, avec références.

17 S. GRODECKI, Les compétences communales - Comparaison intercantonale, in T. TANOUEREL

& F. BELLANGER (édsl. L'avenir juridique des communes, Genève et Zurich et Bâle: Schul- thess 2007,25-33 ss.

18 AUER el al. (n. 51. N 226; HAFELIN et al. (n. 6), N 937.

19 Voir. par exemple, l'art. 93 al. 2 de la Constitution du canton de Zurich du 27 février 2005 ICst./ZH - RS/ZH 101; RS131.2111.

2Q HEUSSER ln. 21. 5.

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membres répanis entre les cantons en proponion de leur population (art. 149 Cst.

féd.) - et pour les scrutins fédéraux, c'est bien entendu le droit fédéral qui est déterminant (an. 39 al. 1 et 136 Cst. féd.). En revanche, pour les élections et scru·

tins cantonaux et communaux, ainsi que pour les élections à la Chambre haute du parlement fédéral- à savoir le Conseil des Etats, formé de 46 députés des cantons (an. 150 Cst. féd.)" - c'est le droit cantonal qui définit les droits politiques (an. 39 al. 1 Cst. féd.). La Cst. féd. pose cependant trois principes qui s'imposent aux cano tons: les droits politiques s'exercent au lieu du domicile, la Confédération et les cantons pouvant prévoir des exceptions (an. 39 al. 2 Cst. féd.); nul ne peut exercer ses droits politiques dans plus d'un canton (an. 39 al. 3 Cst. féd.); les cantons peu·

vent prévoir un délai d'attente de trois mois au plus pour l'exercice des droits poli·

tiques des personnes nouvellement établies (par quoi il faut comprendre des pero sonnes de nationalité suisse ne possédant pas le droit de cité du canton dans lequel elles s'installent)" (an. 39 al. 4 Cst. féd.). Il arrive en outre que le droit cantonal délègue aux communes cenaines compétences en matière de droits politiques, notamment en ce qui concerne les étrangers.

15. Il résulte de ce qui précède que la question des droits politiques des étrangers se décline en Suisse, tant juridiquement que politiquement, selon les niveaux insti·

tutionnels et selon les cantons. La suite de ce rapport montrera, en effet, que l'évolution historique, la configuration des confrontations politiques et le détail des solutions adoptées diffèrent fortement suivant les collectivités concernées.

Cela n'empêche cependant pas que dans le débat sur cette question les mêmes arguments se retrouvent régulièrement, ce qui permettra d'en faire la synthèse et d'en tenter révaluation.

2.1.3 Les instruments de démocratie directe

16. Les institutions suisses de démocratie directe comportent essentiellement trois instruments, qui se distinguent par leurs modalités et leur effet juridique: le réfé·

rendum obligatoire, le référendum facultatif et l'initiative populaire." Ces instru·

ments se retrouvent aussi bien au niveau fédéral qu'aux niveaux cantonal et com- munal. Ils sont incontournables en matière constitutionnelle et sont aussi présents dans tous les cantons en ce qui concerne la législation. Ils peuvent porter sur des objets qui ne constituent pas des règles de droit, mais des décisions concrètes: on parlera alors de référendum administratif ou d'initiative administrative. Leur

21 Chaque canton élit deux députés, sauf les six anciens «demi-cantons», qui n"en élisent qu'un fart. 150 al. 2 Cst. féd.!.

12 MAHON ln. SI, N 24 in fine; E, GRtSEL, Initiative et référendum populaires. Traité de la démocratie semi-direcfe en droit suisse, 3ème éd .. Berne: StampfLi 2004, N 195 et 202.

23 Pour une présentation des instruments suisses de démocratie directe. voir AUER et al. In. 51.

N 725 5S et 802 55; GRISEL ln. 221. passim; HANGARTNER & KLEY ln. 51. N 340 55, 704 ss et 1610 55.

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usage n'est nullement exceptionnel, mais représente une modalité tout à fait ordi- naire et régulière du fonctionnement du système politique suisse.

17. On parle de référendum obligatoire lorsqu'un acte du parlement ne peut entrer en vigueur qu'après avoir été accepté par le corps électoral lors d'un scrutin popu- laire. Ce type de référendum est de règle pour toute modification d'une constitu- tion cantonale (art. 51 al. 1 Cst. féd.) ou de la Cst. féd., ainsi que pour l'adoption des traités les plus importants (art. 140 Cst. féd.). Sur le plan cantonal et commu- nal, sa réglementation varie énormément d'un canton à l'autre; il est parfois imposé pour toute la législation cantonale et pour une grande partie des dépenses votées par le parlement cantonal ou communal (référendum dit ,(financier», qui est une variante du référendum administratif),2' alors que dans cenains cantons, son rôle dans le domaine législatif et adminisrratif est très limité.

18. Un référendum est dit facultatif lorsqu'il n'est organisé que sur demande d'une fraction du corps électoral, dont les signatures (50'000 sur le plan fédéral) doivent êrre récoltées dans un certain délai à partir de la publication de l'acte visé par le référendum. Cet acte n'entrera en vigueur que si le délai référendaire s'écoule sans que le nombre requis de signatures ne soit déposé ou si, le référendum ayant été demandé avec succès, l'acte en cause est approuvé par une majorité de votants lors du scrutin. Sont soumises au référendum facultatif, sur le plan fédéral, toutes les lois, à l'exception des lois urgentes dont la validité ne dépasse pas un an, ainsi que la ratification des rraités les plus importants (art. 141 Cst. féd.). Sur le plan canto- nal et communal, d'une manière générale, le référendum facultatif porte sur les actes législatifs et sur une rrès grande partie des actes administratifs des parle- ments qui ne sont pas déjà soumis au référendum obligatoire.

19. L'initiative populaire, dans son acception helvétique, permet à une fraction du corps électoral (100'000 électeurs sur le plan fédéral) de proposer elle-même l'adoption d'un acte en principe de la compétence du parlement. En règle géné- rale, cette proposition peut revêtir la forme d'un projet rédigé de toutes pièces ou être conçue sous forme de vœu, que le parlement doit concrétiser. Le corps électo- ral est amené à se prononcer sur le projet des initiants ou sur sa concrétisation par le parlement, lequel peut en ptincipe leur opposer son propre contre-projet s'il le juge opportun."

20. Sur le plan fédéral, l'initiative populaire n'existe qu'en matière consti- tutionnelle (art. 139 Cst. féd.). Cela étant, comme il n'existe aucune limite

" GRISEL ln. 221. N 973 55; HANGARlNER & KLEY ln. SI. N 1814.

2S Certaines réglementations cantonales ou communales prévoient cependant que si le parle- ment accepte une initiative populaire, celle-ci devient un acte du parlement soumis sim- plement au référendum facultatif, C'est par exemple ce qui est prévu a contrario par l'art, 68 de la Constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847 ICst./GE - RSJGE A 2 00; RS 131.2341.

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matérielle à la révision de la Cst. féd., sous réserve des règles impératives du droit international, une initiative peut proposer d'insérer dans ceUe-ci une règle qui, matériellement, devrait être de niveau législatif ou réglementaire, voire une pres- cription qui devrait trouver sa place dans un acte administratif individuel et concret.

21. Aux niveaux cantonal et communal, l'initiative populaire existe partout en Suisse, tant en matière constitutionneUe qu'en matière législative. L'admissibilité de l'initiative administrative dépend des diverses réglementations cantonales et communales. EUe peut intervenir lorsque la réglementation pertinente le prévoit expressément, mais aussi lorsque cette réglementation laisse la porte ouverte à l'initiative administrative en se référant à une conception large de la notion de loi, qui ne se limite pas aux règles générales et abstraites.

2.2 Les étrangers en Suisse 2.2.1 La notion d'étranger

22. Ni la Constitution ni la législation fédérales ne définissent la notion d'étranger.

L'article 121 alinéa 1 Cst. féd. se contente de prévoir une compétence fédérale pour légiférer sur l'entrée et le séjour des étrangers. Quant à la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr)," elle annonce régler l'entrée, la sortie, le séjour, le regroupement familial des étrangers, ainsi que l'encouragement à leur intégration (art. 1), mais eUe ne définit nullement ce qu'est un étranger.

23. La doctrine s'accorde à considérer qu'est un étranger toute personne qui ne possède pas la nationalité suisse." Il en résulte que les Suisses qui possèdent égale- ment une ou plusieurs autres nationalités ne sont pas considérés comme des étrangers, mais comme des citoyens suisses.28

24. Il résulte également de cette approche que c'est exclusivement le droit suisse qui définit qui est étranger, à travers la législation sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse.

" RS 142.20.

27 AUER el al. In. 51. N .412; HEUSSER ln. 21. 15; T. LacATI HARZENMOSER. Warum ein Stimmrecht für Austanderinnen und Auslander? in P,M. SCHIESS RÜTIMANN léd.), SchweizerisclJes Aus- lfinderrecht in Bewegung?, Zurich et Bâte et Genève: Schulthess 2003. 165-167; M. S.

NGUYEN, Droit pUblic des étrangers - Présence. activité économique el statut politique, Berne: Stampfli 2003, 19: D. THÜRER, Einleitung: Gerechtigkeit im AusUinderrecht. in P. UEBERSAX el al. lédsl, Aus/anderrecht -eine umfassende Oarstellung der Rechtsstellung von Ausliinderinnen und Aus/andern in der Schweiz - von A(syIJ bis Z(ivilrechtJ, Bâle: Hel~

bing & Lichtenhahn 2009, N. 1.1. 3, qui relève ln. 21 qu·une tout autre conception a été avan~

cée par le norvégien A. Grahl~Madsen. L·approche de ce dernier apparaît beaucoup pLus inclusive.

'" AUER el al. ln. 51. N 412. n. 73; HEUSS'R ln. 21.15; NGUY'N (n. 271. 20.

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25. S'agissant du droit applicable aux étrangers qui séjournent en Suisse, c'est, en ce qui concerne le droit public, essentiellement le droit suisse, conformément au principe de territorialité." Cela étant, en vertu de ce même principe, le droit public suisse ne s'applique à un étranger qu'en raison et dans la mesure du séjour de celui-ci en Suisse. Il ne saurait régir les rapports d'un étranger avec son Etat d'origine. Les conséquences que l'Etat d'origine attache à la nationalité, comme par exemple la jouissance de droits politiques dans le cadre de cet Etat ou les obli- gations militaires, ne peuvent résulter que du droit de cet Etat. En ce qui concerne le droit privé, en parriculier le droit de la famille, c'est la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP)" qui détermine le droit appli- cable, qui peut dans certains cas être le droit national de l'intéressé.31

26. Doit être réservée, bien entendu l'application des traités internationaux, qu'il s'agisse des traités consacrant des droits fondamentaux sans égard à la nationalité, comme la Convention européenne des droits de l'homme et les Pactes de l'ONU, ou des traités accordant des droits particuliers. notamment de séjour et d'accès au marché du travail aux ressortissants de certains Etats, comme les accords bilaté- raux conclus entre la Suisse et l'Union européenne. Parmi ces derniers. il convient de mettre en exergue l'accord du 21 juin 1999 entte la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP)."

27. Cela étant, aucun accord international n'oblige la Suisse à accorder des droits politiques aux étrangers. N'étant pas membre de l'Union européenne, la Suisse n'est évidemment pas concernée par l'article 22 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,3J dont l'alinéa 1 prévoit le droit de vote et d'éligibilité au niveau communal pour les citoyens de l'Union résidant dans un Etat membre dont il n'est pas ressortissant. Les accords bilatéraux entre la Suisse et l'Union euro- péenne n'on! pas intégré cet élément. Par ailleurs, il est admis que l'article 25 du Pacte II de l'ONU relatif aux droits civils et politiques" ne garantit le droit de participer aux décisions politiques qu'aux citoyens, à savoir aux ressortissants de l'Etat en cause," et que l'article 16 CEDH permet aux Etats signataires d'exclure les

2'1 P. MOOR, Droil administratif. vol. 1 ~(Les fondements gênéramm. 2ème éd .• Berne: Süimpfli 1994.158 S5.

30 RS291.

31 Voir, par exemple, l·art. 44 al. 2 LDIP, sur les conditions d'un mariage entre étrangers.

3l RSO.142.112.681.

33 Anciennement art. 19 du Traité CE.

34 Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2.

35 B. RUDlN, Auslandische Personen in der PoUtik: Mogtichkeiten und Grenzen politischer Betatigung, in P. UEBERSAX et al. fédsl, Ausltinderrecht - eine umfassende Darstelfung der Rechtssteltung von Ausliinderinnen und Aus/â"ndern in der Schweiz - von Alsyl! bis ZlivHrechtl. Bâle: Helbing & Lichtenhahn 2009, N 25.14, 1293; O. R. WENGER, Das Auslan- derslimmrecht in der Schweiz und im europaischen Ausland - ein kommentierter 186

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étrangers des droits politiques." Enfin, la Suisse n'a pas signé la Convention du Conseil de l'Europe sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local du 5 février 1992," dont l'article 6 prévoit l'octroi du droit de vote et d'éligibilité sur le plan local aux étrangers après une résidence légale de cinq ans dans l'Etat en cause.38 C'est donc exclusivement le droit suisse qui détermine l'existence et l'étendue des éventuels droits politiques conférés aux étrangers."

2.2.2 La présence des étrangers en Suisse

28. Sur une population totale de 7'593'494 habitants, les étrangers résidant de façon permanente en Suisse représentaient, à fin août 2009, 1'666'935 personnes, soit une proportion de 21,4%, en augmentation de 0,4% par rapport à l'année précédente." Le canton ayant le plus fort pourcentage de population étrangère est Genève, avec un taux de 35,3%, celui ayant le plus faible pourcentage est Uri, avec un taux de 9,5%. Les principaux pays d'origine des étrangers sont l'Italie (17,4%

des étrangers de Suisse), l'Allemagne (14,7%), le Portugal (12,2%) et la Serbie (9,8%). Suivent assez loin la France (5,3%l, la Turquie (4,3%), l'Espagne (3,8%) et la Macédoine (3,6%)."

29. Du point de vue historique, on constate que la proportion d'étrangers dans la population résidant en Suisse avait connu un premier pic en 1910 avec 14,7%, puis était descendue à 5,2% en 1941. Après la deuxième guerre mondiale, cette proportion avait grimpé pendant 25 ans pour atteindre 17,2% en 1970. Après une légère baisse dans les années 1980, elle s'est établie un peu au-dessus de 20% dès 1994, pour augmenter ensuite régulièrement, mais faiblement. L'introduction de la libre circulation des personnes avec l'Union européenne en 2002, suite à l'entrée en vigueur de l'ALCP, n'a ainsi nullement fait bondir la proportion d'étrangers en Suisse.42

Rechtsvergleich. AJP2oo411011186. 1187; BIANCHI In. 11. 66; HEUSSER ln. 21. 84; HANGARINER

& KlEY ln. 51. N 54.

36 WeNGER ln. 351. 1187; BLANCH ln. 0, 66; HeUSSER ln. 21. 79. qui reLève la contradiction entre cette règle et la systématique de la CEOH; HANGARTNER & KLEY ln. 51, N 54; Y. HANGARTNER, AusLander und schweizerische Oemokratie, RDS 1974 (1) 121, 123.

31 Série des Traités du Conseil de L'Europe, STCE nO 144, disponible sous http://conventions.coe.intfT rcaty/Com mun/QueVoulezVous.asp?NT .144&CM=8& DF= 19/111 2009&CL=FRE 117.05.1 DI.

38 HEUSSER ln. 21. 81-82; pour la liste des signatures et ratifications il jour, voir le site men- tionné n. 37.

l f BIANCHI (n. 11. 66.

40 OFFICE FEDERAL DES MIGRATIONS IOOMJ. Statistique des étrangers à fin août 2009, l, disponible sous http://www.bfm.admin.ch/etc/medialib/data/migration/statistik/auslaenderstatistikl 2009 .Par.o019.File.tmp/ausl.enderstalistik-2oo9-o8-f.pdf 117.05.1 DI.

" OOM ln. 401. 2 et 5.

"2 OFFICE FEDERAL DE LA STATISTIOUE IOFSI. La population étrangère en Suisse - Edition 2008.

Aperçu historique, 2 et 3, disponible sous http://www.bfs.admin.ch/bfs/portaLlfr/

index/themen/Ol/22/pubVausVpresentation.Oocument.116850.pdf 117.05.101.

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30. La réglementation légale du séjour des étrangers fait une claire distinction entre les ressortissants des Etats de l'Union européenne et de l'AELE, soumis prin- cipalement à l'ALCP et seulement subsidiairement à la LEtr (art. 2 al. 2 et 3 LEtr), et les étrangers provenant d'autres pays, dont le séjour est régi par la LEtr.

31. Pour l'essentiel, les ressortissants des Etats membres de l'Union Européenne et de l'AELE bénéficient du droit d'entrer et de séjourner en Suisse." Ce séjour est soit dispensé d'autorisation, soit soumis à une autorisation délivrée pour une courte période ou pour une période de cinq ans. S'ils remplissent les conditions prévues par l'ALCP, les requérants ont un droit à obtenir cette autorisation de séjour. La délivrance d'une autorisation d'établissement, de durée illimitée et qui offre des possibilités plus larges que l'autorisation de séjour, reste régie par l'article 34 LEtr et, le cas échéant, par les traités d'établissement passés entre la Suisse et le pays d'origine de celui qui la sollicite.

32. En ce qui concerne les ressortissants non européens, trois statuts principaux sont prévus par la LEtr. L'autorisation de courte durée est délivrée pour une durée d'un an au plus, pour un but détenniné et peut être assortie d'autres conditions;

elle peut être prolongée jusqu'à une durée totale de deux ans (art. 32 LEtr).

L'autorisation de séjour est délivrée pour une durée limitée, de plus d'une année, et peut être prolongée; elle est octroyée pour un but déterminé et peut être assor- tie d'autres conditions (art. 33 LEtr). Quant à l'autorisation d'établissement, elle est délivrée pour une durée indéterminée et sans conditions (art. 34 al. 1 LEtr).

Elle présuppose que le requérant a en ptincipe séjourné légalement au moins 10 ans en Suisse, cette durée pouvant être réduite à cinq ans en cas de bonne intégra- tion (art. 34 al. 2 à 4 LEtr) ou en vertu d'un accord international." Sauf exception prévue par la loi ou le droit international, il n'y a pas de droit à obtenir une des autorisations précitées. En pratique, même en dehors du régime de l'ALCP, les exceptions tendent à supplanter le principe.45 Par ailleurs, l'octroi d'autorisations de séjour en vue d'exercer une activité lucrative est soumis à un régime de contin- gentement (art. 20 LEtr)."

43 Sur le détail de la réglementation du séjour selon l'ALep, voir M. HOTTEUER, Droit constitutionnel suisse - Mise à jour au 31 août 2009, N 417 55, disponible sous http://www.pds.recht.ch/ [17.05.1 Dl; NGUYEN ln. 271. 335 ss; pour une présentation d'ensemble de la question de l'entrée et du séjour des étrangers, voir P. UEBERSAX. Einreise und Anwesenheit. in P. UEBERSAX el al. (éds), Ausla'nderrechl - eine umlassende Darslel- lung der Rechtsslellung von Auslanderinnen und Auslandern in der Schweiz - von Aisyl} bis Zlivitrechfj, Bâle: Helbing 8. lichtenhahn 2009, 221.

" Sur le détail de la réglementation en la matière, voir HOTTELIER ln. 431. N 452 55: NGUVEN ln.

271. 161 55; UEBERSAX ln. 431.

" UEBERSAX ln. 431. N 7.99 55.

46 Voir les art. 19 ss et les annexes 1 et 2 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.2011-

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33. Un régime particulier est prévu pour les fonctionnaires internationaux;" ainsi que pour les réfugiés et les demandeurs d'asile." Un autre régime concerne les travailleurs frontaliers qui, comme leur dénomination l'indique, ne résident pas en Suisse, mais dans les zones frontalières des pays voisins (art. 25 et 35 LEtr).

34. En 2009, 63,2% (1'053'084) des étrangers résidant en Suisse provenaient des pays de l'Union européenne et de l'AELE, bénéficiant donc de l'ALCP. En tennes de type d'autorisation, 1,1% (18'706) disposaient d'un pennis de courte durée d'un an ou plus, 32,2% (537'452) d'une autorisation de séjour et 66,7% (l'110'777) d'une autorisation d'établissement.~9 On constate ainsi que les deux tiers des étran- gers bénéficient du statut d'établissement, dont la doctrine a pu dire qu'il «confère à l'étranger une situation assez semblable à celle des Suisses, sauf en ce qui concerne les obligations militaires, les droits politiques et la liberté d'établissement».50

2.2.3 L'acquisition de la nationalité suisse

35. Le droit suisse de la nationalité présente un trait original: il est structuré en trois degrés interdépendants. En effet, l'article 37 Cst. féd. prévoit que «a la ci- toyenneté suisse lOute personne qui possède un droit de cité communal et le droit de cité du canton ... A lire la lettre de cette disposition, la nationalité suisse n'est que la conséquence du «droit de cité» - helvétisme pour «citoyenneté» comprise ici comme synonyme de nationalité - communal et cantonal. La règlementation de l'acquisition de plein droit de la nationalité dément cette impression, cette régle- mentation étant d'abord fédérale. Il n'en reste pas moins que les trois degrés de nationalité sont toujours absolument liés. 51

36. La réglementation de l'acquisition de plein droit de la nationalité suisse - par filiation, par mariage ou par adoption - est de la compétence de la Confédération

47 Voir C. KRAEGE, Sonderregelungen für Persanen, die Vorrechte und ImmunitlH geniessen. in P. UEBERSAX et al. (édsl, Auslanderrecht - eine umfassende Darstellung der Rechtsslellung von Auslanderinnen und Ausliindern in der Schweiz - von AIsy" bis Z(ivHrechtl. Bâle: Hel- bing & Lichtenhahn 2009, 153.

48 Pour le détail de la réglementation, voir W. SrOCKlI, Asyl, in P. UEBERSAX el al. (édsl. Aus(an- derrecht - eine umlassende Darslellung der Rechlssleltung von Ausliinderinnen und Aus- landern in der Schweiz - von A(syl) bis Z(ivilrechtl, Bâle: Helbing & Uchtenhahn 2009. 521;

HOTIEUER ln, 431. N 532 55, ainsi que la loi fédérale sur l'asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.311.

49 ODM ln, 401. 1, Les fonctionnaires internationaux et les membres de leurs familles 127'3001.

les titulaires d'un permis de courte durée de moins d'un an 156'349) et les requérants d'asile [40'905) ne sont pas compris dans cette statistique,

50 HOTTELIER [n, 431. N 496,

51 C. GUTlWILLER, Droit de (a nationalité et fédéralisme en Suisse, Genève et Zurich et Bâle:

SchuLthess 2008, N 152; AU'R el al. In, 51. N 380; H'F'"N et al, ln. 61. N 1308; P. TSCHANN'N, Staatsrecht der Schweizerischen Eidgenossenschaft, 2ème éd" Berne: Stampfli 2007, § 13 N 26.

189

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(art. 38 al. 1 Cst. féd.). Elle est régie par la loi fédérale sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse du 29 septembre 1952 (loi surla nationalité, LN)."

37. L'acquisition de plein droit de la nationalité est fondée exclusivement en Suisse sur le droit du sang." Elle s'opère à la naissance, quel que soit le lieu de celle-ci, si l'un des parents mariés est suisse ou si la mère non mariée est suisse (art. 1 al. 1 LN). Elle intervient au moment de l'établissement du rapport de filiation avec le père, si celui-ci n'est pas marié avec la mère, comme si elle avait été acquise à la naissance (art. 1 al. 2 LN). Elle bénéficie aussi à l'enfant trouvé de filiation incon- nue (art. 6 LN) et à l'enfant adopté dès l'adoption (art. 7 LN).

38. Les dispositions qui liaient directement l'acquisition ou la perte de la nationalité au mariage et celles qui différenciaient la transmission de la nationalité par le père ou par la mère ont aujourd'hui été abandonnées.54

39. La LN prévoit une procédure de naturalisation facilitée, qui est accordée si le requérant est intégré en Suisse, se conforme à la législation suisse et ne compro- met pas la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse (art. 26 LN). La naturalisa- tion facilitée ne peut être demandée que par certaines catégories bien délimitées d'étrangers: le conjoint d'un ressortissant suisse qui a résidé en Suisse pendant cinq ans en tout, y réside depuis une année et vit depuis trois ans en communauté conjugale avec un ressortissant suisse (art. 27 LN); le conjoint d'un ressortissant suisse qui vit ou a vécu à l'étranger, qui vit depuis six ans en communauté conju- gale avec le ressortissant suisse et qui a des liens étroits avec la Suisse (art. 28 LN);

l'étranger qui a vécu pendant cinq ans dans la conviction qu'il était suisse et a été traité comme tel par les autorités (art. 29 LN); l'enfant apatride mineur qui a résidé cinq ans en Suisse (art. 30 LN); ainsi que, à certaines conditions, l'enfant étranger qui n'a pas été compris dans la naturalisation de ses parents (art. 31a LN) et celui dont le parent avait perdu la nationalité suisse avant sa naissance (art. 31b LN).

40. C'est l'Office fédéral des migrations (ODM) qui statue sur les demandes de naturalisation facilitée (art. 32 LN). Ses décisions peuvent faire l'objet d'un recours au Tribunal administratif fédéral puis au Tribunal fédéral.55 La question de

52 RS141.0.

53 GUTZWILLER (n. 511. N 145 ss; HAFELIN etaI. (n. 6), N 1318; K. HARTMANN & L. MERZ, Einbürge- rung: Erwerb und Verlust des Schweizer Bürgerrechts, in P. UEBERSAX et al. (éds). Auslan- derrecht - eine umfassende Darsteltung der Rechtsstellung von Auslanderinnen und Aus- landem in der Schweiz - von A!sytJ bis Z!ivitrechtJ, Bâle: Helbing & Lichtenhahn 2009, N 12.8, 589; voir aussi, sur ["origine historique du jus sanguinis et la résistance à lïntroduction d'éléments de jus soti, 8. STUDER et al., Das Schweizer Bürgerrecht, Zurich:

Neue Zürcher Zeitung 2008, 119 ss.

54 GUTZWILLER (n. 51), N 139 ss et 415 ss; HAFELIN et al. (n. 6), N 1314.

55 HARTMANN & MERZ ln. 531. N 12.91 et 12.92; GUTZWILLER ln. 511. N 1358; TSCHANNEN ln. 511. § 13 N 42 in fine.

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savoir si les requérants qui en remplissent touces les conditions disposent d'un droit à la naturalisation facilitée est controversée en doctrine, sans que le Tribunal fédéral ait pris position de façon motivée."

41. Pour les étrangers qui ne remplissent pas les conditions d'une naturalisation facilitée, ce sont les règles de la naturalisation ordinaire qui s'appliquent. A cet égard, le droit fédéral fixe des conditions minimales (art. 38 al. 2 Cst. féd.), le droit cantonal, voire communal pouvant compléter celles-ci. 51 C'est donc dans le domaine de la naturalisation ordinaire que la nationalité suisse à trois degrés prend toute sa signification.

42. La nationalité suisse par naturalisation ordinaire s'acquiert ainsi par la naturalisation dans un canton ou une commune (art. 12 al. 1 LN), celle-ci ne pou- vant cependant intervenir qu'après qu'une autorisation fédérale ait été accordée par l'office compétent (an. 12 al. 2 LN), soit l'DDM. L'autorisation fédérale ne peut être donnée que si le requérant a résidé en Suisse pendant douze ans, dont trois au cours des cinq années qui précèdent la requête (art. 15 al. 1 LN). Toutefois, dans le calcul des douze ans, le temps que le requérant a passé en Suisse entre dix et vingt ans révolus compte double (art. 15 al. 2 LN). Lorsque des conjoints vivant en communauté conjugale depuis trois ans fonnent simultanément une demande et que l'un deux remplit la condition de résidence, le délai de résidence est ramené à cinq ans pour le second (an. 15 al. 3 LN). Ce délai s'applique aussi pour le requé- rant dont le conjoint a déjà été naturalisé à titre individuel (an. 15 al. 4 LN) et pour celui qui vit en partenariat enregistré depuis trois ans avec un ressortissant suisse (an. 15 al. 5 LN). L'office doit en outre examiner l'aptitude du requérant à la naturalisation notammem sous l'angle de son intégration dans la communauté suisse (an. 14 LN). La décision de l'office peut faire l'objet d'un recours au Tribu- nal administratiffédéral."

43. Les cantons disposent d'une large Iibené pour poser des conditions supplémentaires à la naturalisation, notamment quant à l'apticude des candidats."

Ils règlent aussi la procédure et la répartition des compétences entre le canton et les communes (an. 15a al. 1 LN). Le Tribunal fédéral a cependant considéré que la formule du scrutin populaire à l'ume sur les demandes de naturalisation, prati-

5~ HARTMANN & MERZ ln. 531. N 12.12, en particulier n. 16 et 17 pour les références; TSCHANNEN

ln. 511. § 13 N 34.

57 AUER el al. In. 51. N 388; HÂFELIN el al. In. 61. N 1327; GUTZWILLER (n. 511. N 522, HARTMANN &

MERl ln. 531, N 12.23.

58 HARTMANN & MERZ ln. 531. N 12.91; ces auteurs relèvent {N 12.1121 que la question de savoir si la décision du Tribunal administratif fédéral peut être portée devant le Tribunal fédéral est discutée en doctrine Iils sont, pour leur part, favorables à cette solution] et a été laissée ouverte par le Tribunal fédéral lui-même IATF non publié du 28 mai 2008, lC_238/20081;

GUTZWILLER (n. 51J. N 1347 S5, qui estime que le recours au Tribunal fédéral n'est ensuite pas ouvert IN 13551-

5~ HARTMANN & MERZ ln. 531, N 12.23; GUTZWILLER (n. 51), N 522 et 572 S5.

191

(15)

quée dans certaines communes alémaniques, n'était pas conforme à la .constitu~

tian.'" Le législateur fédéral a dès lors tout récemment précisé que les cantons peuvent prévoir que les demandes sont soumises au vote de l'assemblée commu·

nale (art. 15a al. 2 LN), assemblée à laquelle tous les électeurs de la commune sont conviés. Tout rejet d'une demande de naturalisation doit être motivé (art. 15b al. 1 LN); en particulier, une demande de naturalisation ne peut être rejetée par les électeurs que si elle a fait l'objet d'une proposition de rejet motivée (art. 15b al.

2 LN). La procédure ne doit pas empiéter sur la sphère privée des requérants (art.

15c LN). Enfin, les cantons doivent prévoir une voie de recours judiciaire contre les décisions de refus de naturalisation (art. 50 LN), un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral pouvant ensuite être fonné, sous certaines condi- tions qu'il n'est pas possible de détailler ici." Si la plupart des cantons ont main- tenu de larges compétences communales, tel n'est pas le cas du canton de Genève"

où les communes n'ont plus qu'une compétence de préavis.6J

44. La commune et le canton disposent d'une très large liberté d'appréciation dans l'octroi ou non de la naturalisation ordinaire," à laquelle le requérant n'a pas un droit, sous réserve de rares exceptions prévues par quelques lois cantonales.65 Les autorités compétentes en matière de naturalisation doivent cependant respecter les principes constitutionnels et le droit international, en particulier la CEDH. Elles ne peuvent violer le principe d'interdiction des discriminations et doivent motiver leurs décisions, ce que le Tribunal fédéral a rappelé dans ses arrêts concernant le vote à l'ume sur les naturalisanons.66

45. En raison de l'absence complète de droit du sol, de la durée de résidence minimale exigée pour la naturalisation ordinaire, à laquelle il convient d'ajouter en règle générale deux à trois ans de procédure, ainsi que de l'absence de droit à la naturalisation, les conditions d'acquisition de la nationalité suisse peuvent être considérées, en comparaison internationale, comme extrêmement sévères Y Les

60 ATF 1291217 1 Commune d'Emmen-20031; ATF 12912321Union démocrat;que du centre de

ta Vine de Zurich - 20031. Voir à ce sujet T. TANOUEREL. La protection des droits des étran- gers par le juge, limite ou prolongement de la démocratie?, in Terres du droit - Mélanges en l'honneur d'Yves Jegouzo, Paris: Dalloz 2009, 519-524 ss et les références citées, ainsi que GUTZWILLER (n. 511, N 902 55.

61 HARTMANN & MERl (n. 531. N 12.9555; GUTZWILLER ln. 511. N 143755.

62 Sur les évolutions différenciées à Berne, Bâle et Genève, cf. STUOER et al. In. 531. 151 55.

63 Voir la loi sur la nationalité genevoise du 13 mars 19921LNat - RS/GE A 4 051.

M Sur les problèmes posés par cette liberté d'appréciation fErmessenl, cl. Y. HANGARTNER.

Grundsatzfragen der Einbürgerung nach Ermessen. ZBI2009 (293); TSCHANNEN (n. 511. § 13 N 47 55 et BIANCHI In. 11. 18755.

65 AUER et al. (n. 51, N 393. spéc. n. 50; HANGARTNER ln, 64J. N 82, 310.

66 ATF 129 1 217 (Commune d'Emmen - 2003); ATF 1291 232 (Union démocrat;que du centre de la Vitte de Zurich -2003).

6'1 MAHON & PULVER ln. 9J. N 46; K. PLÜSS, Der AUS5Chluss vom Wahlrecht als Demokratiedefi- zit, in P.M. SCHIESS RÜTlMANN (éd.!, Schweizensches Auslanderrecht in Bewegung? Zurich

192

(16)

assouplissements en la matière sont restés assez modestes et limités à la procédure de naturalisation. Certains cantons ont révisé leur législation, comme celui de Genève, qui a centralisé et simplifié sa procédure.68 Par ailleurs~ les voies de reœurs ont été précisées, la double nationalité a été adnùse" et les taxes de naturalisation, qui pouvaient être fort élevées dans certains cantons, ont été réduites à de simples émoluments (art. 38 al. 1 LN). Mais les propositions de facili- ter la naturalisation des jeunes étrangers de la deuxième génération et l'acquisition de la nationalité pour les étrangers de la troisième génération (droit du sol) ont été repoussées lors de scrutins référendaires en 1983," 1993" et 2004." A l'inverse, la tentative d'imposer le référendum communal en matière de naturalisations et la suppression de tout recours en ]3 matière a elle aussi échoué devant le peuple en 2008."

46. Le Conseil fédéral vient d'ouvrir une procédure de consultation en vue de la révision totale de la LN." Le projet mis en consultation prévoit de préciser la condi- tion de bonne intégration à laquelle une naturalisation est subordonnée, en impo- sant notamment la titularité d'une autorisation d'établissement. Il entend égaIe- ment hannoniser les conditions et la procédure prévues par les cantons en matière de naturalisation ordinaire. Enfin, il comporte une réduction de la durée minimale fixée par le droit fédéral pour obtenir l'autorisation de naturalisation. Ce projet durcit ainsi certaines conditions de naturalisation, mais il assouplit en contrepartie

et Bâle et Genève: Schulthe5s 2003,133-161; LOCATI HARZ EN MOSER ln. 271, 182; GRIS El (n.

131. Il 0; HANGARTNER ln. 641. 309; voir aussi GUTlWllLER ln. 511, N 1628 et, pour un aperçu de quelques réglementations européennes N 41 ss.

68 Cf n. 63.

09 Par l"abrogation dès 1992 de l'ancien art. 17 LN, selon lequel toute personne désireuse de se naturaliser ne devait rien entreprendre dans Le but de conserver sa nationalité anté- rieure et elle devait y renoncer pour autant que l'on pouvait l'attendre d'elle dans les cir- constances de l'espèce, voir Office fédéral des migrations IOOf\oll. Rapport concernant les questions en suspens dans le domaine de la nationalité du 20 décembre 2005, 39 S5, dispo- nible sous http://www.bfm.admin.ch/etc/medi alib/data/ mig ration/buergerrecht/berichte.

Par.0003.File.tmp/ber_buergerrechte-f.pdf 117.05.10); voir aussi GUTZWILlER (n. 511, N 128

55.

70 Feuille fédérale (FF) 1984 l, 621; voir aussi: http://www.admin.ch/ch/f/pore/va/

19831204/deI314.hlmll17.05.101.

11 FF 1994 III. 1232; voir aussi: http://www.admin.ch/ch/f/pore/va/19940612/det411.html 117.05.101.

" FF 2004 p. 6249; voir aussi, hllp.//www.admin.ch/ch/f/pore/vaI20040926/deI510.hlml

117.05.101 et http;//www.admin.ch/ch/f/pore/vaI20040926/deI511.html 117.05.101. Sur ces questions, voir aussi ODM ln. 691, 1 55.

73 L'initiative populaire «pour des naturalisations démocratiques» a été rejetée par 63,8% des électeurs, FF 2008. 5599; voir aussi: http://www.admin.ch/ch/f/pore/va/20080601/

deI532.hlmlI17.05.101.

1~ Voir te communiqué de presse annonçant l'ouverture de la consultation, Le projet de Loi et le rapport explicatif à l'adresse: http://www.ejpd.admin.ch/ejpd/fr/home/dokumentation/mi/

2009/2009-12-172.hlmlI17.05.101.

193

(17)

l'exigence essentielle de durée de séjour en Suisse. Son sort apparaît très incertain.

Il n'est pas exclu qu'il ne vienne jamais àjour ou que seules ses dispositions restric- tives soient adoptées.

47. Selon l'Office fédéral de la statistique COFS), comparée à l'effectif de la population étrangère résidante permanente, la proportion d'étrangers obtenant le passeport suisse reste faible en Suisse; pour l'OFS, l'appartenance à un Etat de l'Union Européenne, l'interdiction de la double nationalité" et les exigences par- fois sévères sont vraisemblablement autant de facteurs qui retiennent nombre d'étrangers d'acquérir la nationalité suisse,1b La naturalisation ordinaire est le mode le plus fréquent d'acquisition de la nationalité suisse; elle concernait 80%

des acquisitions en 2007. Le taux brut de naturalisation, soit le nombre d'acquisitions de la nationalité suisse pour 100 titulaires d'une autorisation de séjour ou d'établissement au début de l'année, était monté à 4% en 1978, pour redescendre à moins de 1% en 1991. Il est depuis progressivement remonté à

environ 3%.17

3. Les droits politiques des étrangers en Suisse:

état de La situation

3.1 Au niveau fédéral

48. L'article 136 Cst. féd. prévoit qu'ont les droits politiques en matière fédérale - à savoir qu'ils peuvent prendre part à l'élection du Conseil national et aux vota- tions fédérales et lancer et signer des initiatives populaires et des demandes de référendum en matière fédérale - tous les Suisses et toutes les Suissesses ayant 18 ans révolus qui ne sont pas interdits pour cause de maladie mentale ou de faiblesse d'esprit. La doctrine est unanime pour considérer que cette formule réserve sans ambiguïté les droits politiques fédéraux aux personnes qui sont titulaires de la nationalité suisse." Il faudrait donc modifier la Cst. féd. pour accorder des droits politiques aux étrangers au niveau fédéral.

49. La doctrine relève aussi qu'il n'existe actuellement pas de véritable mouvement en ce sens.79 Une proposition visant à pennettre à la loi d'accorder des droits poli- tiques aux étrangers a bien été formulée lors du débat sur la révision totale de la Cst. féd., à la fin du siècle passé. Mais elle n'a pas été retenue, au premier motif

15 Cette interdiction ne découle plus. on

ra

vu, du droit suisse. mais elle peut être prévue par le droit du pays d'origine d'un éventuel candidat à ta naturalisation.

76 OFS ln. 421, 8. Pour une réflexion analogue, PlÜSS (n. 671. 160-161.

" DFS ln. 421. 8-9.

" RUDIN ln. 351. N 25.12; WENGER ln. 351. 1188; GRISEL ln. 13), 1 A; MAHON ln. 51. N 30; HEUSSER

ln. 21. 47.

" RUDIN ln. 351. N 25.15; GRISEL ln. 131. 1 A; NOUYEN ln. 271. 702; HEUSSER ln. 21. 47,

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