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Article pp.117-132 du Vol.34 n°186 (2008)

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Cet article, construit autour de l’analyse de cas réels, aborde la question de l’assortiment et du réapprovisionnement des linéaires des points de vente. Le cas détaillé présente les résultats d’un mode de pilotage de la supply chain qui a pour effet d’augmenter les ventes de plus de 5 %, sans augmenter les stocks, ni les coûts et en réduisant la charge de pilotage.

Les principes décrits ont vocation à être applicables dans la plupart des secteurs de la distribution de produits.

LAURENT CHEVREUX A.T. Kearney, France

Piloter la supply chain de produits

qui ne se vendent pas

DOI : 10.3166/RFG.186.117-132 © 2008 Lavoisier, Paris

(2)

L

a faible consommation par référence dans un point de vente donné est une problématique commune à tous les secteurs de la distribution : habillement, pièces de rechange, produits blancs et bruns et même alimentaire. Un Executive Vice Presidentd’une grande chaîne de distribu- tion britannique proposant chaque jour des dizaines de milliers de références à ses clients déclarait récemment : “We have 3 segments for our products in terms of sales velocity : the slow movers, the very slow movers and… the deadly slow movers”.

Ce constat pose des questions d’optimi- sation de la chaîne de valeur en amont (gestion de la production, des fournisseurs et des sous-traitants afin de réduire les temps de cycle et gérer au mieux les capa- cités de production) et en aval (optimi- sation des approvisionnements des points de vente).

Il conduit également à ouvrir plus large- ment la réflexion sur un troisième axe d’amélioration de la chaîne de valeur : la gestion des assortiments en point de vente.

I – PRÉSENTATION DE LA PROBLÉMATIQUE

La gestion d’assortiment par point de vente pose 2 questions :

– L’adaptation de la gamme offerte au point de vente

- « Tel nouveau produit est-il plus légitime dans la boutique A ou dans la boutique B ? » - « Jusqu’à quel niveau de vente faut-il réfé- rencer un produit dans la boutique A : une unité tous les 3 jours ? tous les 27 jours ? »

– l’évaluation a priori de ce nombre de jours étant elle-même très délicate, … – La répartition des rôles entre le local (le point de vente, la région, etc.) et le central (le pays, la société) :

- En quoi le jugement de la boutique sur le potentiel de telle ou telle référence est-il plus légitime que celui d’un décideur « cen- tral » – a fortiorisi les rotations sont peu élevées ? À l’exception des articles perma- nents et des produits précommandés par les clients, la connaissance locale de la clien- tèle, tout en étant bien réelle, donne-t-elle pour autant une meilleure appréciation du potentiel de vente des articles ? Et ce d’au- tant plus que le succès de ces articles résulte parfois plus du plan de communica- tion et d’une mise en scène du produit créant le désir d’acheter – voire de la touche de génie du créateur – que de la réponse à un besoin identifiable a priori.

- Le degré de liberté laissé aux boutiques contribue-t-il à alimenter une plus grande prolifération des références et à limiter de ce fait la dynamique d’émergence des best- sellers ?

Pour éclairer ces questions, observons quelques typologies de consommation d’as- sortiment de leaders mondiaux de biens de consommation chez des leaders nationaux de la distribution :

1. Illustration cas 1

Un fabricant mondialement connu de pro- duits de petit électroménager distribuant une gamme d’une cinquantaine de produits chez un des leaders de la distribution aux États-Unis disposant de plusieurs milliers de grandes surfaces.

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L’analyse de la distribution numérique et de la vente hebdomadaire (figure 1) fait appa- raître trois constats principaux :

– en moyenne, un produit se vend 0,8 unité par semaine dans un point de vente où il est présent en linéaire, soit très peu pour un produit proposé dans une grande surface ; – une part très importante de l’assortiment – 40 % – n’est déployée que dans moins de la moitié des points de vente ;

– les produits peu déployés sur les linéaires (par exemple les 2 entourés dans la figure 1) ont une vente unitaire similaire à ceux qui sont déployés dans la plupart des points de

vente. La question est donc de savoir s’il aurait fallu les proposer à la vente dans la plupart des points de vente.

Le déploiement complet de la gamme Trois objections sont souvent opposées à cette idée d’un déploiement complet de la gamme dans tous les points de vente : – le déploiement complet augmente les stocks ;

– il est inutile car les comportements d’achat varient d’une zone de chalandise à l’autre ;

– l’espace en linéaire est insuffisant ; Figure 1 –Distribution numérique et ventes moyennes

Notes : chaque point est une référence produit. En abscisses : distribution numérique (% des grandes surfaces où la référence est présente) ; en ordonnées : ventes hebdomadaires moyennes dans les points de vente où le produit est présent.

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1) Le déploiement complet de la gamme augmente les stocks

L’analyse des stocks par référence par point de vente (tableau 1) montre qu’il serait pos- sible d’offrir l’ensemble de la gamme sans augmenter (voire en réduisant) les stocks présents en point de vente.

– Le point de vente 100 a de nombreuses unités en stock mais n’offre pas à la vente l’ensemble de l’assortiment ; en particulier, il a 30 unités de plusieurs références, soit de nombreux mois de ventes.

– À l’inverse, le point de vente 120 a moins d’unités en stock mais offre l’ensemble de l’assortiment.

2) Les comportements d’achat varient d’une zone à l’autre

L’objection appelle deux réponses :

– évaluer – a priori – que tel produit se ven- dra dans tel point de vente et non dans tel autre est délicat lorsque la vente moyenne se compte en dixième d’unité par semaine dans des hyper accueillant chaque jour des mil- liers de personnes, de profils très différents et qu’il suffit que l’une d’entre elles – éven- tuellement atypique dans la population de la zone – en achète un exemplaire pour faire de ce produit un best-seller local !

– dans l’exemple décrit ici, les milliers d’hyper sont livrés à partir d’une cinquan- Tableau 1 –Stocks par point de vente

Lignes : points de vente, colonnes : références produits, valeur : quantité en stock. Tableau extrait pour quelques points de vente et quelques références de produits.

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taine d’entrepôts régionaux ; les 2 produits entourés dans la figure 1 (avec forte vente lorsque présents en linéaire mais déployés seulement dans 10 % de ceux-ci) sont pré- sents dans plus de 80 % des stocks régio- naux. Il est donc estimé que la spécificité de consommation n’est pas liée à la région (côte ouest versus côte est par exemple) mais est plus fine, ce qui est peu vraisem- blable. Mais surtout il est impossible de le décider de manière objective a priori.

Certes il est possible de constater a posterioriqu’un produit qu’on pensait légi- time partout se vend peu (quadrant en bas à droite figure 1), en revanche, il est douteux de pouvoir expliquer a priori et de façon solide qu’un produit mérite d’être déployé sur l’ensemble du territoire – américain ici

– mais seulement dans certaines villes de Floride ou du Nevada.

3) L’espace en linéaire est insuffisant Deux réponses encore :

– il est préférable de penser le linéaire pour gérer un nombre important de références avec peu d’unités de chacune (gestion du linéaire en 3 dimensions) ;

– l’expérience montre dans le cas décrit que certains points de vente de cette enseigne ont réussi à présenter l’ensemble de la gamme (par exemple le PdV 120 dans le tableau 1).

« Le cercle vicieux »

L’analyse du graphique de Pareto des ventes (figure 2) fait apparaître un autre enseigne- ment : les 2 produits entourés dans la figure 1

Abscisses : références, classées par ordre décroissant des ventes ; ordonnées : vente cumulée en %.

Figure 2 –Graphique de Pareto des ventes

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(vente importante dans les points de vente où le produit est présent mais faible taux de déploiement) figurent dans la classe C dans le Pareto. Un cercle vicieux se crée alors : – ces produits ont été identifiés a priori comme ne méritant pas d’être proposés par- tout,

– ils ne sont proposés que dans 10 % des hypers,

– leur forte vente locale lorsqu’ils sont pré- sents ne compense pas globalement leur faible distribution numérique,

– ils apparaissent alors en classe C…

– … produits qui ne méritent pas d’être déployés partout, et la boucle est bouclée ! La gestion d’assortiment semble être cohé-

rente et attentive à ne pas augmenter les stocks indûment. Mais en réalité, il est fort probable que des ventes soient perdues alors même que les stocks sont trop importants.

2. Illustration cas 2

Un fabricant mondialement connu de pro- duits de parfumerie et cosmétique distri- buant une gamme de plusieurs centaines de produits de façon sélective dans des cor- ners chez un des leaders de la distribution en Espagne disposant de plusieurs dizaines d’hypermarchés.

L’analyse de la distribution numérique et de la vente hebdomadaire (figure 3) fait cette fois apparaître les 2 constats suivants :

Figure 3 –Distribution numérique et ventes moyennes

Abscisses : distribution numérique (% des corners où la référence est effectivement présente) ; ordonnées : vente journalière moyenne dans les points de vente où le produit est présent – Pour les 100 premières références en volume de vente pour un jour de semaine témoin.

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– Le top sellerse vend 0,3 unité par jour en moyenne par corner, soit très peu pour un pro- duit présent dans un corner de grand magasin.

– Les top sellersne sont pas présents dans 100 % des corners.

Comme dans le cas illustratif numéro 1, les analyses détaillées font apparaître qu’il aurait été possible de déployer l’ensemble de l’assortiment dans l’ensemble des points de vente sans augmenter (voire en rédui- sant) les stocks totaux.

Deux constats supplémentaires peuvent être faits dans ce cas numéro 2 :

– Lorsque la vente d’une référence se pro- duit dans un point de vente donné, dans 90 % des cas, le nombre d’unités vendues est 1, le reste étant des ventes quotidiennes de 2, le nombre de ventes supérieures ou égales à 3 d’une référence donnée dans un point de vente donné étant marginal (infé- rieur à 0,1 % des occurrences).

– L’analyse des stocks présents en point de vente montre que très peu de ventes se font même lorsque le produit est proposé : - dans ce cas, une gamme de plusieurs cen- taines de références dans un réseau de plu- sieurs dizaines de corners donne plusieurs milliers de combinaisons référence x point de vente ;

- même si l’on exclut les combinaisons pos- sibles mais non physiquement présentes, il reste plusieurs milliers de combinaisons référence (avec stock) x corner ;

- sur ce nombre de combinaisons – et donc de possibilités de vente – 97 % n’ont donné lieu à aucune vente le jour témoin retenu.

3. Le dilemme de la distribution

Ces deux illustrations, exemplaires de la situation générale de la distribution des pro- duits, autorisent à dire de façon provocatrice que « le sort normal pour un produit présent

sur une étagère – un jour donné, dans un point de vente donné – est de ne pas être vendu! »

II – LE CAS

Un distributeur mondialement connu de produits d’électronique grand public distri- buant sa gamme de produits et services dans une quinzaine de pays dans des réseaux de vente propriétaires ou des réseaux de distributeurs indépendants.

1. Présentation de la société et des produits

La société

– réseaux de distribution dans plus de 15 pays,

– ~1000 points de vente en propre, – ~10 000 points de vente indirects, – un environnement concurrentiel très bataillé,

– ~50 % EBITDA.

Les produits

– durée de vie courte,

– ventes unitaires par référence par point de vente faibles,

– prévision très difficile à élaborer, même à des niveaux élevés d’agrégation (géogra- phie, famille de produits),

– une relative pénurie de produits sur le marché fournisseur.

La situation initiale dans le pays retenu pour la présentation du cas

– leader sur son marché,

– plus gros marché de ce distributeur, – 600 points de vente en propre, – l’entrepôt national livrant à J+2,

– une supply chain très efficace avec un taux de service mesuré à 99 %.

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– seulement 10 jours de stock en point de vente,

– des décisions d’assortiment et de réap- provisionnement prises par une équipe de 80 personnes (passant une partie seulement de leur temps à ces activités), réparties sur le territoire et rapportant à la direction commerciale.

2. Les ruptures en point de vente

Le taux de rupture est en lui-même un sujet de débat dans la distribution. En effet, il est délicat à mesurer et, de fait, l’est rarement. Sa mesure est ardue car une rupture peut :

– soit n’avoir aucun effet, par exemple en cas de substitution possible par un autre produit ou d’acceptation par le prospect d’attendre la livraison prochaine,

– soit faire perdre la vente si le prospect pressé achète auprès de la concurrence, voire fait perdre le client excédé de ne trou- ver le(s) produit(s) qu’il cherche.

Un indicateur de rupture a été défini comme décrit dans le tableau 2.

Dans ce tableau, le taux de rupture vaut donc 3/12, soit 25 %. L’indicateur rend compte du produit B qui a atteint la rupture dans le point de vente 1 (PdV 1) et du pro- duit C qui a atteint la rupture dans le PdV 2 mais ne considère pas la rupture du produit C en PdV 1 ni du D en PdV 2 alors que ces absences – depuis le matin – représentent peut-être un problème. En fait, cet indica- teur a été retenu car :

– sa définition est simple et univoque, – il est prudent car il ne prend pas en compte toutes les ruptures,

– il évite les discussions interminables sur le thème « il y avait rupture le matin du pro- duit C en PdV 1, mais de toute façon ce produit ne se vendrait pas en PdV 1 car il ne correspond pas aux besoins de cette zone de chalandise ».

Selon cet indicateur, dans la situation du cas globalement considérée comme excellente,

Point

Produit Ventes Stock Contribution au

de vente fin de série taux de rupture

A 2 5

1 B 2 0 2

C 0 0

D 3 1

A 2 1

2

B 2 2

C 1 0 1

D 0 0

Total 12 3

Tableau 2 –Définition du taux de rupture quotidien

(9)

il semble cependant y avoir des ruptures sur les linéaires dans les points de vente (figure 4).

Sur la base de ce même indicateur, il est intéressant de détailler (figure 5) ce qui se passe le lendemain.

Puisque dans les deux tiers des cas en moyenne, les produits ayant atteint leur rup- ture la veille ne sont pas réapprovisionnés le lendemain matin, on peut conclure que 2/3X des ventes d’hier ne peuvent plus être effec- tuées le lendemain. Ceci ne prouve pas que

Figure 4 –Taux de rupture quotidien

Note : la valeur de X n’est ici pas importante pour le raisonnement et n’est donc pas indiquée.

Figure 5 –Taux de rupture quotidien et réapprovisionnement

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le chiffre d’affaires va souffrir mais, en tout cas, il ne pourra plus être fait avec les pro- duits ayant contribué localement hier à 2/3X.

3. L’idée d’un mode de pilotage différent Une idée – considérée comme contre-intui- tive – a alors été formulée :

1) Certaines ventes sont perdues en raison d’une indisponibilité partielle des produits en linéaire.

2) De façon générale, un plus grand déploiement de la gamme dans l’ensemble des points de vente serait bénéfique.

3) La concentration de compétences et d’autorité sur les décisions d’assortiment et de réapprovisionnement serait plus efficace que le fonctionnement actuel fondé sur une forte autonomie locale.

4) La fonction supply chain serait mieux à même de piloter ces décisions d’assorti- ment et de réapprovisionnement que la fonction commerciale.

… déclenchant instantanément des résis- tances très fortes, sur ces 4 dimensions.

1) Sur l’effet de la rupture :

« La rupture ne génère pas de perte de vente (sauf extrêmement marginalement) car la largeur et la profondeur de l’offre sont telles qu’une substitution est possible avec un produit « proche » ; de plus, les ventes sont assistées dans la plupart des cas par les forces de vente dont une des actions est d’aider à cette substitution. »

2) Sur un plus grand déploiement de la gamme, les réticences liées aux augmen- tations de stock ont été très fortes, en par- ticulier en provenance de la direction financière.

3) Sur la concentration des compétences, les réactions ont été unanimes sur le mode :

« Vous ne pouvez pas connaître les spéci- ficités de consommation de ma zone de cha- landise et donc vous ne pourrez pas décider mieux que moi de l’assortiment. »

4) Sur la supply chain comme pilote, les réactions ont été fortes également :

« … surtout si ce “vous” est la fonction sup- ply chain qui gère les flux mais, par essence, connaît moins les clients que la fonction commerciale ».

4. L’expérience pilote

Après plusieurs semaines de discussion, il a finalement été décidé de faire un pilote. Sur un plan pratique, le protocole suivant a été retenu :

– une région comportant 20 points de vente a été retenue (principalement sur la base de critères de proximité et d’acceptation par le management local) ;

– l’autorité de décision sur l’assortiment et les quantités réapprovisionnées par point de vente a été entièrement transférée à l’équipe projet composée de 2 personnes ;

– un ensemble de mesures quotidiennes a été mis en place, avec en particulier la mesure de l’effet sur les ventes.

Plus encore que les ruptures, la mesure d’une augmentation des ventes est particu- lièrement délicate. En effet, pour mesurer une augmentation, il faut une référence et dans un environnement fluctuant (nouveaux produits, promotions, etc.) celle-ci est diffi- cile à évaluer. Pour résoudre cette difficulté, il a été décidé de mesurer les ventes de façon relative et de bâtir l’indicateur illustré en figure 6. Cet indicateur mesure le volume de vente de la zone pilote relative- ment à une zone de référence (en général choisie plus grande)

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Cet indicateur a été retenu car : – sa définition est simple et univoque ; – il neutralise tous les paramètres ayant un effet sur les ventes (nouveaux produits, nouveaux tarifs, etc.) sous réserve que ces paramètres soient identiques dans la zone pilote et la zone considérée comme réfé- rence (même catalogue produit, même pro- motions, vacances, etc.) ;

– il neutralise également les effets liés aux clients qui, en cas de rupture, reviennent dans les jours suivants (puisque la mesure est faite dans le temps) et aux cannibalisa-

tions entre produits (les ventes mesurées étant les ventes totales, l’augmentation de A % ne se fait pas au détriment d’une autre partie de l’offre de produits) ;

– en conséquence, si la moyenne évolue de A % – et si cette évolution est « instanta- née » et durable – les nouvelles pratiques en matière d’assortiment et de réapprovision- nement ont effectivement augmenté les ventes de A %.

Dès le premier jour de mise en œuvre des nouvelles pratiques le taux de rupture a été très significativement réduit (figure 7).

Figure 6 –Définition du taux de croissance des ventes

Abscisses : jours ; ordonnées : poids des ventes de la zone pilote par rapport à une zone considérée comme référence en %.

Figure 7 –Effet sur le taux de rupture lors du pilote

(12)

L’impact sur les ventes a alors été mesuré : 1) Par rapport à une zone 2,5 fois plus importante en volume (la zone pilote

« pesant » donc environ 40 % de la zone de référence), sur la base de données hebdoma- daires de chiffre d’affaire et avec 3 semaines d’historique, une augmentation du poids relatif (et donc des ventes) de l’ordre de 10 % est mise en évidence (figure 8).

2) La mesure a ensuite été effectuée en com- parant à de nombreuses autres zones témoins et en faisant varier les périodes de référence, toujours avec la même nature de résultat.

5. La généralisation

La décision a alors été prise de déployer ces nouvelles pratiques sur l’ensemble des points de vente, en plusieurs vagues.

La vague 1 comportait 120 points de vente, et un accroissement de 11 % a été mesuré de façon quasi instantanée (figure 9).

Afin de vérifier que l’augmentation n’était pas due à une très forte augmentation dans une région masquant une stagnation ou une baisse dans les autres, une analyse a été réa- lisée pour chacune des régions de la vague 1 (figure 10).

Figure 8 –Poids relatif de la zone pilote et ventes incrémentales

Figure 9 –Poids relatif de la zone et ventes incrémentales en vague 1

(13)

À l’exception d’une région, il apparaît que le poids relatif de chacune des régions aug- mente par rapport au reste du pays, de façon significative et pour la quasi-totalité des semaines. Les raisons pour lesquelles la région 1 a vu ses ventes baisser n’ont pas été recherchées car l’augmentation des

5 autres zones suffit et il a été considéré que – comme les nouvelles pratiques ne pou- vaient pas réduire les ventes – cette baisse correspondait à la réalité statistique.

Réciproquement, une analyse de chacune des régions du pays en dehors de la vague 1 a été effectuée (figure 11).

Figure 10 –Évolution des ventes pour les différentes régions de la vague 1

Figure 11 –Évolution des ventes pour les différentes régions hors de la vague 1 par rapport aux ventes totales des régions de la vague 1

(14)

La claire baisse de poids relative de cha- cune des régions pour la quasi-totalité des semaines confirme que l’augmentation des ventes de la vague 1 n’est pas due à la sou- daine baisse drastique de ventes dans une région particulière hors pilote, confirmant encore la véracité de l’augmentation de la vague 1.

La vague 2 lancée ensuite a montré des résultats similaires avec une augmentation des ventes de 7 %.

La décision a alors été prise de poursuivre le déploiement des nouvelles pratiques sur l’ensemble des points de vente du territoire.

À l’issue du déploiement dans l’ensemble des points de vente du pays, il a par ailleurs été analysé en détail que les résultats sur les ventes étaient obtenus sans sacrifier aucune autre dimension de la performance, notam- ment que :

– les stocks n’ont pas été augmentés ; – les coûts, non plus ;

– la charge de pilotage (pour gérer les assortiments par point de vente et les réap- provisionnements) a baissé puisque cette

responsabilité est maintenant assumée par une équipe de 5 personnes.

Le processus de décision sur l’assortiment et l’algorithmique de détermination des quantités à approvisionner ne sont pas décrits dans cet article et feront l’objet d’une publication spécifique. Les principes fondamentaux qui ont permis les résultats décrits peuvent cependant être énoncés : – des règles simples de gestion d’assorti- ment par point de vente, tendant vers un déploiement plus exhaustif de la gamme ; – des modes de calcul simples eux aussi des quantités, n’incluant pas d’intégrale double ou d’exponentielle négative comme il est souvent rencontré dans le pilotage de la supply chain ;

– une équipe dédiée à ces problématiques.

6. L’extension

À l’issue de ce déploiement dans un pre- mier pays, la décision d’étendre à d’autres pays a été prise, de même que chez un autre distributeur, montrant à chaque fois des résultats similaires (tableau 3) :

Société Pays Canal de distribution Ventes incrémentales

Pays 1 600 magasins en propre + 8 %

Pays 2

250 magasins en propre + 7 %

Distributeur 1 Distributeurs indépendants ~+ 7 % selon les distributeurs (Europe)

Pays 3 Magasins en propre + 3 %

Pays 4 Distributeurs indépendants ~+ 11 % selon les distributeurs Distributeur 2

(Amérique Pays 5 Magasins en propre + 9 %

du Nord)

Tableau 3 –Ventes incrémentales dans les différents pays et canaux de distribution

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III – ENSEIGNEMENTS Le cas détaillé décrit ici a illustré la perti- nence d’une approche « centralisée » et d’un déploiement important de l’assorti- ment. Son domaine d’applicabilité est vaste et couvre la majorité des chaînes de distri- bution de produits.

Techniquement, un tel mode de pilotage de la chaîne de valeur est facile à mettre en œuvre, la difficulté principale réside dans les impacts sur la gouvernance de la chaîne de valeur.

1. Le domaine d’applicabilité

Le mode de pilotage décrit ici a vocation à s’appliquer lorsque les ventes par réfé- rence par point de vente sont petites – se comptant en unités par semaine ou mois – ce qui est le cas de l’immense majorité des produits, y compris dans la grande distribution. Dans un tel cas, la prévision à la référence, par point de vente de la consommation du produit n’a pas de sens et il faut alors changer de paradigme (figure 12) :

2. L’impact sur la gouvernance de la chaîne de valeur

Le pilotage central des assortiments et des réapprovisionnements pose des problèmes de deux natures en matière de gouvernance du point de vue des directions locales de points de vente :

– « Je suis en charge de mon compte de résultats, je dois donc avoir la liberté sur les décisions qui l’influencent : assortiment, niveaux de stock, etc. »

– « Je connais bien ma zone de chalandise et suis mieux à même de choisir mon assor- timent et les quantités nécessaires ».

Figure 12 –Le changement de paradigme

(16)

Sur la liberté de choix en raison de la responsabilité sur le compte de résultats

En réalité, cette responsabilité est très insuffisante pour justifier complètement l’autonomie sur l’assortiment. En effet, de nombreux autres éléments qui ont au moins autant d’impact sur la profitabilité sont hors de la responsabilité des directeurs de points de vente et des forces de vente locales : le référencement global (si les directeurs locaux peuvent souvent décider de ne pas inclure certains produits sur leurs étagères, il ne leur est presque jamais laissé le choix de référencer des produits non connus du Groupe, notamment en cas de distribution exclusive), le prix de revient des produits, les plans de communication, etc.

Sur la connaissance de la zone de chalandise

Les directeurs de points de vente ont des responsabilités nombreuses : ils doivent d’abord être des animateurs de la force de vente, mais aussi être des responsables RH locaux (pour sélectionner/intégrer les inté- rimaires, élaborer les plans de progrès et faire les évaluations des salariés, résoudre les problèmes court-terme liés aux absences), gérer les clients mécontents, assumer les fonctions régaliennes (sécurité par exemple), etc. Il est difficile de réunir toutes ces qualités. Donc s’il faut y ajouter la capacité à identifier a priori si un produit – dont la vente de toute façon est petite et erratique – mérite d’être sur le linéaire de tel point de vente, le profil devient très éli- tiste. Et dans les réseaux de distribution de

taille significative, il est virtuellement impossible de trouver des dizaines ou des centaines de professionnels de ce genre.

CONCLUSION

Une plus grande directivité en central est incontestablement bénéfique dans des contextes où les ventes unitaires par réfé- rence sont faibles et difficilement prévi- sibles du fait du renouvellement fréquent de l’offre. Non parce que les décideurs locaux ne font pas bien leur travail en fonction des données dont ils disposent, mais plutôt car le questionnement n’est lui-même pas adapté à la situation :

– « Tel nouveau produit qui va se vendre – a priori – à 3 ou 5 unités par mois est-il plus légitime dans la boutique A ou dans la bou- tique B ? »

– « Jusqu’à quel niveau de vente faut-il référencer un produit dans la boutique A : une unité tous les 17 jours ? tous les 27 jours ? » – l’évaluation a priori de ce nombre de jours étant lui-même non déci- dable.

Cependant, ce mode de pilotage ne saurait représenter une victoire du « central » sur le

« local ». Il traduit seulement la prise de conscience que la question initialement posée au point de vente était non pertinente et qu’il est préférable de le soulager de la charge de travail correspondante afin qu’il dédie le plus possible de son temps et de son énergie sur ses missions fondamen- tales : la relation avec les clients et le déve- loppement des ventes.

Références

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