A NNALES DE LA FACULTÉ DES SCIENCES DE T OULOUSE
C HARLES F ERT
Hommage à Henri Bouasse
Annales de la faculté des sciences de Toulouse 4
esérie, tome 18 (1954), p. 1-3
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HOMMAGE A HENRI BOUASSE
Henri BOUASSE 1866-1955
Le dimanche 15 novembre 1953 s’est
éteint,
àl’âge
de 87 ans,Henri
Bouasse, professeur
honoraire à laFaculté
des Sciences de Tou- louse.Suivant sa
volonté,
sesobsèques
ont eu lieu dans laplus
stricte inti- mité.Malgré
le désir desimplicité
de HenriBouasse,
nous voulonsrendre ici un
hommage
à sa belle carrièrescientifique
soutenue par la°
passion
del’enseignement
et de la recherche.Henri Bouasse est né à
Paris,
le 16 novembre1866,
d’une familled’imprimeurs,
rueGarancière, près
deSaint-Sulpice.
Il entre auLycée
Louis-le-Grand en
1883,
àl’Ecole Normale Supérieure
en1885,
et estreçu à
l’agrégation
dePhysique
en 1888.’
..
De 1888 à 1891 il reste à Paris comme
préparateur
de Mascart auCollège
de France.Après
un courtséjour
dansl’Enseignement
Secon-daire,
auLycée d’Agen puis
auLycée
deToulon,
il estappelé
en 1892à la Faculté des Sciences de
Toulouse,
où ilrestera j usqu’à
la fin desa carrière.
En novembre
1892,
il soutient une thèse de doctorat ès SciencesMathématiques
sur la « Réflexion et la réfraction dans les milieux iso-tropes, transparents
et absorbants », et, en1897,
une thèse de doctorat ès SciencesPhysiques
sur la « Torsion des fils fins ». La mêmeannée,
2
Henri Bouasse succédait à Berson comme
professeur
titulaire dePhy- sique.
,,
En
1937~:’ lorsque
est venul’âge
de saretraite, l’Université,
luiconfère
l’honorariat et met à sadisposition
un laboratoire où Bouassepoursuit
ses recherchesd’hydrodynamique
etd’acoustique, j usqu’à
ceque le déclin de ses forces lui
impose
deraccourcir, puis d’abandonner,
ses visites
quotidiennes
au laboratoire.De 1892 à
1937,
c’est-à-dirependant 44 années,
Henri Bouasse aenseigné
à la Faculté des Sciences de Toulouse. C’était unprofesseur incomparable.
La clarté de sonexposition,
songrand
bon sens, sonesprit critique,
l’étendue et laprofondeur
de sesconnaissances,
ontmarqué
ses élèves etimpressionné
tous ceuxqui
l’ont connu.Ces
qualités apparaissaient quel
que soit le niveauauquel
il seplaçait.
Il aécrit,
en collaboration avecBrizard,
un livre destiné auxélèves des classes des
Lycées
etCollèges, qui
est un modèle de clartéet de
rigueur.
L’oeuvre maîtresse de Henri Bouasse est le
traité
dePhysique auquel
il a consacré
plus
de 30 ans, etqui
fut édité sous le nom de « Biblio-thèque Scientifique
del’Ingénieur
et duPhysicien
».Ce
traité,
sous sa formedéfinitive, comprend
45 volumes de 600 à 900 pages.Cette
tâche estprodigieuse,
si on songe à la masse desmémoires,
écrits en touteslangues,
que Henri Bouasse dut lire et assi- miler pour en extraire l’essentiel et leplacer
dansune juste
perspec-tive,
si on songe encore que Henri Bouasse et ses collaborateursrépé-
tèrent un très
grand
nombre desexpériences qui
sont décrites dans ces ouvrages.Pour dominer un
sujet
aussi vaste, traité avec autant dedétails,
sui-vant
unplan soigneusement
conçu, il fallait unepuissance
detravail,
un.
pouvoir d’assimilation
et desynthèse,
unesprit critique,
une maî-trise de
pensée exceptionnels.
Un solide bon sens, unegrande
clartéd’exposition
caractérisent cette oeuvrequi
a connu et connaîttoujours
un très
grand
succès en France et dans le mondeentier..
Henri Bouasse a
longuement présenté
sesconceptions pédagogiques
et
scientifiques
dans les célèbrespréfaces
de ses ouvrages. Cespréfaces,
dont les titres
parlent
d’eux-mêmes : « Science etprofessorat
», « Surquelques
erreurs à éviter dans la rédaction d’un cours dePhysique
~,« Conseils aux savants
qui
veulent être lus », « Desprincipes,
de leuremploi,
et dela
nature de leur certitude », etc... sont écrites dans unstyle
depolémiste
ardent etmordant qui
a valu à son auteurquelques
rancunes, mais elles ont exercé une
grande
influence sur les méthodesde
l’enseignement
enFrance.
L’oeuvre
de
chercheur de Henri Bouasse n’est pas moindre que son oeuvre deprofesseur.
3
Certains de ses ouvrages de la
Bibliothèque
del’Ingénieur
et duPhysicien,
les ouvragesd’Acoustique
etd’Hydrodynamique,
enparti- culier, comprennent
unepart personnelle importante.
Nous avons
déjà
cité ses deux thèses deMathématiques
et de Scien-ces
Physiques,
cette dernière suivie de nombreux etimportants
mémoi-res sur la théorie de l’élasticité et la résistance des matériaux.
A
partir
de1932,
il commence une séried’investigations expérimen-
tales
d’hydrodynamique
dont les résultats furentpubliés
aux Annalesde
Physique,
aux Annales de la Faculté des Sciences deToulouse,
auxPublications
Scientifiques
etTechniques
du Ministère de l’Air. Ilpoursuivit
ses recherchesaprès 1937,
dans le laboratoire mis à sa dis-position
par la Faculté des Sciences de Toulouse. Les résultats obtenusaprès
cette date constituent un ensemble deplusieurs
miliers de pagesqui
n’ont été quepartiellement publiées
du fait de la guerre.Nous avons
parlé
duprofesseur
et du savant. Réduire cethommage
à ce seul
aspect
de sapersonnalité,
ce serait donner une idée bienincomplète
de Henri Bouasse.Sa culture et son érudition étaient d’une richesse
exceptionnelle.
Excellent
musicien, grand voyageur,
lecteurinfatigable,
sa connaissance des beautés de la nature ou des oeuvres de l’homme était vaste et pro- fonde.La
vigueur
de son oeuvré depolémiste
a pu lui donnerfigure
d’unhomme rude et de commerce difficile.
Rien n’est
plus
faux.Ceux
qui
l’ont bien connu ontapprécié
l’aménité de sonaccueil,
son
exquise sensibilité, et, plus
que tout, laprofondeur
de l’affectionqu’il
nourrissait àl’égard
de sesélèves,
et que, dans satimidité,
il apeut-être trop
souventmasquée.
Charles FERT.