Fonctions m´eromorphes
On souligne dans ce document le fait qu’une fonction m´ eromorphe n’est rien d’autre qu’une fonction ` a valeurs dans la sph` ere de Riemann C Y t8u » S
2. Le crit` ere de compacit´ e de Marty qu’on trouve dans le th´ eor` eme 1 ci-dessous, pour une famille de fonctions m´ eromorphes d´ efinies sur un mˆ eme ouvert D de C, se comprend alors comme une simple reformulation du crit` ere bien connu d’Ascoli-Arzela, ici pour des fonctions ` a valeurs dans la sph` ere. H´ eritage historique, on parle de famille normale de fonctions m´ eromorphes plutˆ ot que de famille pr´ e- compacte. Une reformulation du r´ esultat de Marty due ` a Zalcman permet alors de voir que toute famille de fonctions m´ eromorphes d´ efinies sur un mˆ eme ouvert de C, et dont les images dans S
2´ evitent toutes trois points donn´ es de la sph` ere, forme une famille normale. On verra comment ce r´ esultat dˆ u ` a Montel implique un r´ esultat fameux de Picard sur le comportement d’une fonction m´ eromorphe au voisinage d’une singularit´ e essentielle.
Rappelons que la formule de Cauchy permet de compter avec multiplicit´ e le nombre de z´ eros d’une fonction holomorphe compris ` a l’int´ erieur d’un lacet simple. ll s’ensuit que si une suite de fonctions holomorphes ne s’annulant pas sur un ouvert donn´ e converge uniform ´ ment sur tout compact de cet ouvert vers une limite non nulle h, alors h est holomorphe et ne s’annule pas sur cet ouvert. Cette observation constitue le th´ eor` eme d’Hurwirtz.
1 – Familles normales
On identifie C Y t8u ` a la sph` ere unit´ e S
2de R
3en associant ` a un point z P C » R
2Ă R
3, le point d’intersection ppzq de la demi-droite de R
3d’origine le point p0, 0, 1q P S
2passant par z.
Le point 8 est envoy´ e sur le pˆ ole nord p0, 0, 1q . Si γ : r0, 1s Ñ C est une courbe C
1dans C, on v´ erifie que la courbe p ˝ γ ` a valeurs dans S
2a pour longueur
`pp ˝ γ q “ 2 ż
10
|γ
1psq|
1 ` |γ psq|
2ds
– on mesure la longueur d’une courbe sur S
2en la voyant comme une courbe de R
3. En particulier, si f : C Ñ C est de classe C
1, la courbe p ˝ f ˝ γ de S
2a pour longueur
2 ż
10
|f
1pγpsqq|
1 ` |γ psq|
2|γ
1psq| ds “ 2 ż
γ
|f
1|
1 ` |f|
2“: 2 ż
γ
f
7.
Notez que f
7est bien d´ efinie par continuit´ e en un pˆ ole d’une fonction m´ eromorphe f. Notez aussi que f
7“ p1{f q
7en dehors des pˆ oles. On voit une fonction m´ eromorphe comme une fonction ` a valeurs dans S
2. Soit D un ouvert de C.
Definition – Une famille F de fonctions m´ eromorphes d´ efinies sur D est dite normale si la famille p ˝ F de fonctions sur D ` a valeurs dans S
2est ´ equicontinue sur chaque compact de D.
La restriction sur chaque compact de D de la famille F est donc pr´ e-compacte pour la topologie uniforme, d’apr` es le th´ eor` eme d’Ascoli et Arzela.
1Th´ eor` eme 1 . Une famille F de fonctions m´ eromorphes d´ efinies sur D est normale ssi la famille de fonctions r´ eelles
f
7pzq “ |f
1pzq|
1 ` |f pzq|
2, f P F , z P D, est uniform´ ement born´ ee sur chaque compact de D.
1Si la familleF est constitu´ee de fonctions holomorphes, la familleF est normale ssi toute suite d’´el´ements de F admet une sous-suite convergeant uniform´ement sur chaque compact soit vers une fonction holomorphe soit vers la constante8. En effet, soithest un point d’accumulation d’´el´ementshndeF. Sihne vaut nulle part 8, leshnenvoient uniform´ement ennun voisinage dez0 sur un voisinage dehpz0q, aussi la convergence est-elle localement uniforme ethholomorphe d’apr`es la formule de Cauchy. Sihpz0q “ 8en un pointz0, alors1{hest nulle enz0, aussi, si1{hn’´etait pas identiquement nulle, les1{hndevraient aussi s’annuler dans un voisinage de z0, d’apr`es le th´eor`eme d’Hurwirtz rappel´e en introduction. Leshn´etant holomorphes prennent leurs valeurs dansC, aussi1{hdoit-elle ˆetre identiquement nulle.
1
2
D´ emonstration – ðù Associons ` a un compact K de D une constante finie M
Ktelle que f
7pzq ď M
K, pour tout z P K et f P F . On peut supposer sans perte de g´ en´ eralit´ e que K est l’adh´ erence d’un ouvert connexe
˝
K. Comme on a pour toute courbe γ de classe C
1` a valeurs dans
˝
K, et toute fonction f P F ,
` `
p ˝ f ˝ γ ˘
“ 2 ż
γ
f
7ď 2M
Kż
10
ˇ ˇ γ
1psq ˇ
ˇ ds “ 2M
K`pγq,
on voit que les application p ˝ f sont toutes 2M
K-Lipschitz, si bien que la famille p ˝ F est
´
equicontinue sur K ; la conclusion provient donc du th´ eor` eme d’Ascoli et Arzela.
ùñ S’il existait un compact K de D sur lequel la famille des f
|K7n’´ etait pas born´ ee, on aurait une suite f
nde fonctions de F telle que sup
Kf
n7tend vers 8 avec n. La famille
´
etant normale, on peut cependant associer ` a chaque point de K un voisinage de ce point sur lequel une sous-suite de p ˝ f
nconverge uniform´ ement. L’ensemble K ´ etant compact, on peut le recouvrir par un nombre fini de tels voisinages, et trouver une sous-suite p ˝ f
nkde p ˝ f
nconvergeant uniform´ ement sur K. La convergence de f
n7k“ p1{f
nkq
7sur K s’ensuit, contredisant le fait que sup
Kf
n7tend vers 8 avec n – je rappelle que la formule de Cauchy assure que le convergence uniforme d’une suite de fonctions holomorphes implique
la convergence uniforme de ses d´ eriv´ ees. B
Ce crit` ere de pr´ e-compacit´ e n’est pas forc´ ement facile ` a utiliser. La reformulation suivante, due ` a Zalcman, pr´ ecise au contraire ce qui se passe lorsqu’on ` a affaire ` a une famille non normale.
On a l’id´ ee de zoomer de plus en plus sur le voisinage d’un point mobile.
Proposition 2 . Une famille de fonctions m´ eromorphes d´ efinies sur le disque unit´ e D n’est pas normale ssi il existe 0 ă r ă 1, des points z
navec |z
n| ă r, des fonctions f
nP F et ρ
ną 0 tendant vers 0, tels que
p ˝ f
npz
n` ρ
nζ q Ñ p ˝ gpζq,
converge uniform´ ement sur les compacts de C, pour une fonction m´ eromorphe non constante g d´ efinie sur C, satisfaisant g
7pζq ď g
7p0q “ 1, pour tout ζ P C. (La limite g est holomorphe si la famille F est form´ ee de fonctions holomorphes.)
D´ emonstration – ùñ On a d’apr` es le th´ eor` eme de Marty un rayon 0 ă r
1ă 1, des points z
n1tels que |z
n1| ď r
1et une suite de fonctions f
nP F tels que f
n7pz
n1q tend vers 8 . Prenons r tel que r
1ă r ă 1 et d´ efinissons
M
n:“ max
|z|ďr
ˆ
1 ´ |z|
2r
2˙ f
n7pzq.
Ce maximum est atteint en un point z
n, comme f
n7est continue sur t|z| ď ru , et M
ně
` 1 ´ pr
1{rq
2˘
f
n7pz
n1q tend vers 8 . Posons
ρ
n:“ 1{f
n7pz
nq Ñ 0, si bien que
r´|zρnn|
“
r`|zr2Mnn|ď 2{prM
nq tend vers 0. La fonction g
npζq :“ f
n` z
n` ρ
nζ ˘ est donc d´ efinie pour |ζ| ă
r´|zρ n|n
, avec ce majorant tendant vers 8 avec n. Ces fonctions g
nsatisfont le crit` ere de compacit´ e de Marty. En effet, on a d’abord
g
n7p0q “ ρ
nf
n7pz
nq “ 1, pour tout n, et pour tout R ą 0 et |ζ | ď R ă
r´|zρ n|n
, on a |z
n` ρ
nζ| ă r, si bien que puisque ρ
ntend vers 0, on a, du fait de la d´ efinition de M
n,
g
n7pζq “ ρ
nf
n7`
z
n` ρ
nζ ˘ ď ρ
nM
n1 ´ |z
n` ρ
nζ |{r
2ď r ` |z
n| r ` p|z
n| ` ρ
nRq
r ´ |z
n|
r ´ p|z
n| ` ρ
nRq ,
3
avec un majorant qui tend vers 1. Le crit` ere de Marty s’applique donc bien. La limite g d’une sous-suite de g
nest non constante puisque g
7p0q “ lim
ng
n7p0q “ 1.
ðù Supposons par contraposition la famille F normale et soit M telle que max
|z|ďp1`rq{2
f
7pzq ď M,
pour toute f P F . ` A ζ P C fix´ e, on a |z
n` ρ
nζ| ď p1 ` rq{2, pour n assez grand, si bien que g
7npζq “ ρ
nf
n7pz
n` ρ
nζ q ď ρ
nM , tend vers 0. La limite g des g
nserait donc constante (possiblement infinie), contredisant l’hypoth` ese selon laquelle elle est non constante. B
2 – Th´ eor` emes de Montel et Picard
Th´ eor` eme 3 . Une famille F de fonctions m´ eromorphes, d´ efinies sur un ouvert D de C, dont toutes les images ´ evitent trois points donn´ es de S
2, est normale.
D´ emonstration – Puisque la propri´ et´ e de normalit´ e de la famille F est locale, on ne perd rien
`
a supposer que D est le disque unit´ e. On suppose aussi sans perte de g´ en´ eralit´ e que les trois points de S
2´ evit´ es par toutes les f P F sont 0, 1 et 8 , aussi la famille F est-elle form´ ee de fonctions holomorphes. Pour k ě 1, notons F
kĂ F la collection des fonctions sur D ´ evitant 0, 8 et l’ensemble Σ
kdes racines k-i` emes de l’unit´ e, pour k ě 1. On a donc F
1“ F , et f
1{kP F
ksi f P F , ainsi que f
kP F si f P F
k– on peut bien prendre une puissance d’une fonction ´ evitant 0. Raisonnons par l’absurde en supposant F non normale.
Aucune des familles F
kĂ F ne serait alors normale, sans quoi d´ esignant par f
nune suite de F sans sous suite convergence, une sous-suite des f
n1{kjP F
kconvergerait, impliquant la convergence des f
nj– une contradiction. La caract´ erisation de Zalcman nous donnerait donc pour tout k ě 1 une fonction g
pkqm´ eromorphe sur C, non constante, obtenue comme limite de fonctions ´ evitant 0 et Σ
k, et satisfaisant l’estim´ ee
g
pkq7pzq ď g
pkq7p0q “ 1. (2.1) Le th´ eor` eme d’Hurwitz nous assure que g
pkq´ evite elle ausi 0 et Σ
k. Consid´ erons alors la famille G :“ `
g
p2nq˘
ně0