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Bégaiements : Jean-Pierre GESLIN

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Bégaiements :

Le bégaiement est à distinguer du bégayage apparaissant dans les débuts du langage et se caractérisant par des hésitations transitoires entre 2 ans et 3, 5 ans.

Le bégaiement se définit comme un trouble du débit élocutoire caractérisé par une répétition saccadée et involontaire du premier phonème d’un mot (je ne veux p-p-p- p-p-p- pas partir)… on parle alors de blocage ou de bégaiement tonique, de la 1

ère

syllabe d’un mot de la phrase (ta ta ta tapis)… on parle ici de bégaiement clonique, par une prolongation de sons (vvvvvoiture) ou par l’impossibilité momentanée d’émettre certains mots. S’ajoutent des signes moteurs : tics, crispations, rougeurs.

Un bégaiement est considéré comme chronique au bout de 6 mois. Il disparaît en voix chantée ou lors de la lecture.

SYMPTOMES : Il existe des troubles :

* de l’articulation (avec blocages articulatoires de plus de 2 secondes)

* de la parole (3 ou plus de 3 répétitions d’une même syllabe avec augmentation progressive de l’intensité et de la tonalité),

* du langage (difficulté à trouver le bon mot au bon moment, difficulté à construire la phrase et à la rythmer)

* et de la communication (détournement du regard + crispation des muscles du visage et du cou + tremblement des lèvres et des mâchoires qui donne l’impression d’un effort + tics au niveau des yeux, de la tête et des bras).

La fatigue et l’émotion accentuent le bégaiement.

ORIGINE :

- On ne « naît » pas bègue, on le devient…. mais il existe peut- être une prédisposition

. WEBSTER en 1991 sur une population de 169 personnes bègues a établi que dans 66% des cas il y avait dans leur famille un parent bègue.

- Les facteurs prédisposants : le bégaiement se rencontre plus fréquemment en cas d’hyper- activité, dans les classes sociales modestes, les familles bilingues et chez les enfants présentant des troubles auditifs. Une souffrance psychologique de la

petite enfance, source d'angoisse peut aussi être invoquée.

L’articulation concerne l’organi- sation des sons pris isolément.

On parle de troubles de l’articulation quand il existe une difficulté à « articuler » certains phonèmes. Exemple : « Un zoli çat zaune » au lieu de « Un joli chat jaune »

La parole concerne l’orga- nisation des sons au sein des mots.

Le langage oral correspond à l’organisation des mots au sein de la phrase.

Dessin : Aline Bureau : « Vies de famille ». Janvier 1997.

Jean-Pierre

GESLIN

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Le risque est 3 fois plus fréquent dans une famille déjà touchée par un trouble de la parole.

- Le bégaiement surviendrait à la suite d’un ou plusieurs événement(s) déclenchant(s) : traumatisme affectif, choc émotionnel (accident, incendie, deuil mais plus banalement la naissance d’un autre enfant, la menace de divorce parental, un déménagement impliquant un changement d’école, un licenciement parental, un manque de disponibilité des parents…).

- Les facteurs de chronicisation :

Un bégaiement naissant, qui n’aurait pu être que transitoire, s'installe dans la durée. La chronicisation est en grande partie liée à l'attitude de l'entourage immédiat qui exprime des reproches, se moque, fait appel à la volonté de l’enfant ou serine des conseils répétitifs ou encore pratique une fausse indifférence.

CONSEQUENCES :

Répercussion sur la scolarité chez l’enfant.

Risque d’handicap social avec angoisse, isolement, repli sur soi.

« C’est un véritable handicap : on a tendance à se replier sur soi-même. Je

ne participais pas aux conversations, même si je souhaitais m’exprimer sur un sujet ou participer à un débat. Le pire a été ma vie au collège. Aucun souci à l’écrit, mais à l’oral c’était horrible. En grandissant, je me suis mis à craindre également toute rencontre avec de nouvelles personnes ». Emily.

STATISTIQUES :

- 500 000 à 600 000 bègues en France (1 % de la population), 5 % des enfants et 1% des adultes.

- 3 garçons pour une fille.

YAIRI (1983) a démontré qu’au début du bégaiement, il y avait autant de garçons que de filles atteintes. Néanmoins celles-ci peuvent, pour des raisons inexpliquées, surmonter plus facilement le trouble qui ne se chronicise donc pas

- Le bégaiement apparaît le plus souvent entre 3 et 6 ans, moins fréquemment vers 11 ou 12 ans, rarement après. Il survient encore plus rarement à l’âge adulte sauf s’il fait suite à un traumatisme crânien important.

Lewis Carroll (1832-1898) écrivain, mathématicien et photographe, auteur de « Alice

au pays des merveilles » et le physicien Albert Einstein (1879-1955) étaient bègues.

Etude de L. RUSTIN, Londres 1991

Age moyen de début 3 ans 6 mois

Avant 3 ans 27%

Entre 3 et 7 ans 68%

Après 7 ans 5%

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QUELS CONSEILS AUX PARENTS, QUELLE GUIDANCE PARENTALE ?

Rassurer les parents sans minimiser le trouble.

NE PAS FAIRE : - Bien évidemment pas de moqueries.

- Ne jamais faire de reproche ou blâmer l’enfant parce qu’il bégaie. Ne pas froncer les sourcils.

- Ne pas faire appel à sa volonté. « Savoir que tout effort pour parler nuit à la parole » Anne-Marie Simon, orthophoniste.

- Ne pas donner trop de conseils du style « détends-toi », « calme toi », « prends ton temps », « respire bien », « va moins vite », « articule », « pense » ou « prépare » « ta phrase ». C’est la tension qui fait perdre le caractère naturel et spontané (les automatismes) de la parole (comme si l’on disait « regarde tes pieds en marchant »).

- Ne pas interrompre l’enfant constamment ou systématiquement finir ses phrases.

- Ne pas le corriger de façon réitérée ou lui faire répéter les mots.

- « Ne pas à l’inverse faire semblant de ne rien remarquer et d’attendre sans rien dire que l’enfant aille au bout de sa phrase »… « Pas de fausse indifférence qui crée un non-dit paralysant » …« L’enfant n’est pas idiot. Il comprend très bien ce qui se passe. Et il ne faut surtout pas faire mystère de son bégaiement devant lui ».

Dr Le Huche, phoniatre à Paris.

FAIRE :

- Parler vous-même lentement en articulant bien et en employant un langage simple.

- L’encourager à s’exprimer.

- Le regarder quand il parle (ou qu’il sente que vous l’écoutez).

- Lui donner le temps de répondre.

- Montrer votre intérêt pour ce qu’il dit et non pas sur la façon dont il le dit.

En d’autres termes… Nécessité de se comporter en interlocuteur actif : « Il faut être attentif à ce que l’enfant veut dire, s’intéresser au contenu de sa parole. Sans l’interrompre constamment, on peut lui proposer le mot qui accroche ou la fin de la phrase qui ne vient pas. Il ne s’agit surtout pas de lui imposer une phrase ou

de parler à sa place, mais simplement, à travers le dialogue, de l’aider à trouver les mots qui lui posent problème ». Dr François Le Huche.

- Diminuer le rythme des activités à la maison et à l’extérieur.

PRISE EN CHARGE :

Faire pratiquer un bilan orthophonique remboursé par la sécurité sociale.

Par qui ?

Alors… raconte…

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- Les orthophonistes sont spécialisés dans la rééducation du langage. Ce sont des auxiliaires médicaux qui travaillent sur prescription des médecins généralistes, des pédiatres et des oto-rhino-laryngologistes.

- Les phoniatres sont des médecins ayant passé un diplôme d’étude de la voix, de ses mécanismes et de ses troubles. Ce sont des spécialistes des troubles de la communication.

- Les psychologues dont le rôle est particulièrement important au-delà de 6 ans.

- Les maîtres spécialisés.

Quand ?

Le bégaiement cesse tout seul, sans rien faire pour 3 enfants sur 4… Mais comment identifier le Mais comment identifier le Mais comment identifier le Mais comment identifier le 4ème

4ème4ème

4ème ???? Il vaut mieux prendre en charge tous les enfants.

La prise en charge sera d’autant plus efficace qu ‘elle est effectuée plus tôt, si possible avant 5 ans. Presque 100 % de réussite avant 4,5 ans.

Réalisable dès 3 ans.

Comment ?

Séances courtes mais fréquentes.

« Cette rééducation a pour but de réapprendre à l’enfant à coordonner sa respiration, à corriger les éventuelles anomalies associées de parole et langage et à contrôler son débit » Dr Marie France Le Heuzey,

pédo-psychiatre à l’hôpital Robert Debré à Paris.

* Certaines méthodes mettent l’accent sur l’articulation (maîtrise du souffle respiratoire, débit, voix).

* D’autres s’axent sur la relaxation (on apprend à l’enfant à se détendre et certains exercices de posture doivent être répétés à la maison).

* Les thérapies comportementales (venues des Etats Unis) visent d’abord à identifier les situations gênantes puis à déconditionner les idées automatiques source d’angoisse et à se préparer à affronter les situations (par le biais de jeux de rôles). Exemple de situations : Comment répondre à un compliment ? A une critique ? Comment exprimer une émotion en public ? …

* L’hypnose peut aussi soigner le bégaiement.

Chez l’adulte,

en sus des séances d’orthophonie, certains médicaments peuvent être utiles… Rivotril ®, Melleril ®, Tiapride® en cas de tics ou pour traiter des états d'agitation.

CONSULTATION:

Hôpital George Pompidou : consultation sur le bégaiement ouverte le mercredi matin, uniquement sur rendez-vous. Téléphone : 01 56 09 34 53.

ASSOCIATIONS :

* Association Parole-Bégaiements (APB) : hôpital de la Salpétrière, 75013 Paris.

Téléphone : 01 46 65 36 39. Minitel : 36 15 BEB.

* Association des bègues de France : 7 rue de la Villette-75019 Paris.

* Association française des bègues : 60 rue du Général de Gaulle - 68240 Kaysersberg.

LIVRE :

"Le bégaiement" par le docteur François Le Huche (médecin phoniatre). Editions Albin Michel. 1999.

EN S@VOIR + :

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Le bégaiement de Mélanie :

Mélanie a trois ans et demi. Depuis six mois, elle qui parlait si claire s'est mise à bégayer. Un bégaiement effrayant, avec des grimaces et des contorsions de son corps telles qu'elle ne peut plus s'exprimer... et que l'entourage familial est consterné de ne plus la comprendre. Une première série d'entretiens avec un psy a permis d'apaiser l'angoisse et de diminuer l'intensité des symptômes, mais depuis deux mois, ça piétine et la maman, impatiente, me l'amène (la sœur aînée, étudiante en médecine, a fait son stage auprès du praticien chez moi... ).

La maman me raconte comment Mélanie s'est mise à bégayer à la suite d'événements bien précis.

Comme habituellement avec les enfants, je tourne résolument ma chaise vers Mélanie et je reformule ce que j'entends de sa maman en lui parlant à elle.

« Oui, ta maman me dit que le jour où son papa est tombé malade, elle a dû partir à Lyon rapidement et n'a pas eu le temps de te prévenir que ce serait la voisine qui

viendrait te chercher à l'école...

Oui, j'entends que ça a été difficile pour toi, que tu ne voulais pas aller chez la voisine, que tu voulais ta maman, que tu ne comprenais pas, que tu avais peur...

Oui, ta maman me dit que tes frères font beaucoup de bêtises avec toi...

J'entends que ta maman se rappelle d'un jour où Pierre se moquait de toi et il disait « Mais non, tu ne la reverras pas maman, elle est morte ! »... et que tu as bégayé encore plus à partir de ce jour-là ! Eh bien vrai, ce sont vraiment des grosses bêtises ! Comment on pourrait représenter les bêtises à Pierre ? »

Je prends un papier et je le froisse pour en faire une grosse boule. Je commence à faire des taches noires dessus avec un feutre, en disant « Ah çà! Ce sont vraiment de grosses bêtises, c'est les bêtises à Pierre ! Ah oui, c'est les bêtises à Pierre ! »

Je mets le crayon dans la main de Mélanie et elle couvre toute la boule de papier en marmonnant :

« C'est les bêtises à Pierre ! C'est les bêtises à Pierre ! » La boule est toute noire maintenant et elle y a mis de l'application !

Je crois la consultation achevée, mais elle insiste : « Et les bêtises à Paul ! Il faut aussi les bêtises à Paul ! » Je crains de tout mélanger, qu'il n'y ait trop de blessures relationnelles dans deux relations différentes, et qui risquent de se mélanger dans son vécu émotionnel : différencier les relations me semble important (c'est mon chemin à moi), mais elle insiste avec agitation et un brin de colère : « Il faut aussi les bêtises à Paul ! »

Alors, je prends un autre papier (elle s'apaise) et je le chiffonne et avec un autre crayon pour tenter au moins d’introduire une différenciation par la couleur, je commence à griffonner de grosses taches et lui laisse, comme tout à l’heure, achever la symbolisation des « bêtises à Paul ».

Voilà qui est fait, représenté, symbolisé, extériorisé, mis en dehors d'elle, et son corps y a participé.

Je reprends la parole pour confirmer ce qui est : « Et moi, je vois que ta maman est là, bien vivante, et même si elle doit s'absenter pour quelque chose d'important, elle reste reliée à toi... Peut-être ta maman trouvera un petit objet qu'elle te donnera quand elle devra s'absenter : ce petit objet, il te dira que ta maman est toujours là, qu'elle n'est pas perdue, qu'elle pense à toi et te retrouvera ce soir. Et les bêtises à Pierre, et les bêtises à Paul, je ne sais pas ce que tu vas en faire : ce sont vraiment des bêtises qui sont à eux ! Maintenant que tu les as sorties de toi, tu vas peut-être pouvoir les leur rendre

!» Elle ne réagit pas à la proposition. « Oui, c'est à eux, ces bêtises-là : je t'invite à ne pas les garder ! » Au moment de dire au revoir, je vois qu'elle ne prend pas les boules de papier pour les rendre à Pierre et à Paul. Je lui demande si elle désire les emporter ou que je les garde. « Faut les jeter ! », me dit-elle. Ce que je fais... avec une petite hésitation : c'était les bêtises à Paul et Pierre, elles ont leur place... chez eux. Mais, pour le moment, c'est là que Mélanie en est. Je respecte son acte symbolique à elle.

Huit jours après, la maman m'annonçait que le bégaiement avait disparu le soir même de la consultation.

Docteur Françoise Rodary.

Le Dr Rodary a été médecin généraliste pendant vingt ans ; elle est l'auteur d'un livre

« Docteur, s'il vous plait, écoutez-moi ». Editions Jouvence.

« Le Généraliste » N° 1725 – Mardi 29 0ctobre 1996.

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