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FACULTÉ
DEMÉDECINE
ET DEPHARMACIE
IDE BORDEAUX
ANNÉE 1894-95
N° 75I
NEURASTHÉNIE
E T
ll\(.!ES DES III !!l [ISIS
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
PRÉSENTÉE ET SOUTENUE PUBLIQUEMENT LE 14 JUIN 1895
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Léonard LAUTRAITE
Né à Massignac(Charente), le 29 avril 1864.
EXJ^JVLinsr.A.TEUIR.S IDE LA THÈSE MM. PICOT,
ARNOZAN, MESNARD, CASSAET,
?
Le Candidatrépondra auxquestions qui luiseront faites sur les diverses parties del'enseignementmédical.
professeur, 'président.
professeur,
j
agrège', \ juges.agrégé
\
I
BORDEAUXIMPRIMERIE V GADORET
17—RUEMOKTMÉJAN—17
1895
mut m; mntcmi it i, rumen m mmhiiï
MM. MICE...
AZAM.
M. PITRES
Doyen.
PROFESSEURS :
Professeurs honoraires.
Clinique médicale
....Clinique chirurgicale
Pathologie interne
.Pathologie
etthérapeutique générales Thérapeutique
Médecine
opératoire
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SECTION DES SCIENCES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES
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^ Histoire naturelle. N.SECTION DES SCIENCES
Physique
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Clin, interne des enfants Clin,des mal.
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Maladies mentales....
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MM. REGIS.
DENUCE.
RIVIÈRE.
DENIGÈS.
BEILLE.
LeSecrétaire de laFaculté, LEMAIRE.
* Par délibération du 5 août 1879, la Faculté a arrêté que les
opinions
émises dans les» Thèses
qui lui
sontprésentées doivent être considérées comme propres à leursauteurs» et qu'elle n'entend leur donner ni
approbation
niimprobation.
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A mon
Président de Thèse
Monsieur le Docteur
PICOT
Professeur de Cliniquemédicaleà laFaculté de Médecine deBordeaux,
Membrecorrespondantdel'Académie de Médecine, Officier del'Instruction publique.
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NEURASTHÉNIE
ET
BlORRHÂdS DIS MUQUEUSES
INTRODUCTION
S'il
est
unenévrose qui, dans notre civilisation moderne, où
le
struggle for life est poussé à ses dernières limites, ait
trouvé un
terrain propice pour se développer, c'est assuré¬
ment la
neurasthénie. Nous ne craignons pas de dire avec
Grasset
(de Montpellier) qu'elle sera la dominante de notre fin
de siècle
et
que nousignorons ce qu'elle nous réserve pour le
siècle futur.
La
neurasthénie est donc de nos jours très fréquente, mais
encore
fort difficile à étudier, parce qu'elle se montre sous
une
infinité de formes.
«S'il est une maladie protéiforme,
changeante et mobile dans ses allures, inconstante dans sa
durée et son
intensité, c'est bien le nervosisme chronique
(Huchard, Union médicale, 1882). « Non unam sedem habet
» sed
morbus totius corporis est » disait Mead.
En face de
la diversité de ces symptômes, si le médecin n'a
pas
beaucoup de sagacité et d'expérience, il se trompera et
attribuera à tel ou tel organe une
maladie essentielle
dont lessymptômes dépendent uniquement de la neurasthénie.
Il doit donc s'entourer de tous lessignes
propresà lui faire découvrir
cette maladie. Il ne faut pasnégliger quelques-uns
des
phénomènes
accessoiresqui peuvent, dans
certaines cir¬constances, prendre
uneplace prépondérante
ou bienqui ont
étéjusqu'alors si
peuobservés qu'il est tenté
de lesattribuera
une autre affection.
C'est
pourquoi
nousallons
consacrer ce travail à la neuras¬thénie en
général,
etparticulièrement
auxhémorrhagies
muqueuses
neurasthéniques, hémorrhagies
peusignalées
par les auteurs etqui pourraient bien
êtreplus fréquentes qu'on
ne le pense.
Mais avant
d'aborder
notresujet, qu'il
nous soitpermis d'exprimer toute
notrereconnaissance
à notre excellent maî¬tre, M. le professeur Picot, qui
abien
voulu nous faire l'hon¬neur
d'accepter la présidence
de notre thèse.Nous
prions également
notre maître etami, le professeur- agrégé
deL. Mesnard, à qui
nousdevons
lesujet de cette thèse,
recevoir ici le
témoignage de notre reconnaissance
et sincère affection pourl'inépuisable bienveillance qu'il
a miseà nous aider dans ce travail.
Nous remercions encore nos
professeurs
de laFaculté
deBordeaux
pourles
savantsenseignements qu'ils
nous ontdonnés.
Nous tenons
également à
remercier tous nosprofesseurs
de l'Ecole deLimoges, où
nous avons commencé nosétudes
médicales, de
l'accueilbienveillant
que nous avonstrouvé auprès d'eux.
Enfin remercions le D1'
Doursout, directeur-médecin
de l'asile deNaugeat (Haute-Vienne), dont
nous avons été l'in¬terne.
CHAPITRE
PREMIER
historique
« La
neurasthénie est
unemaladie générale du système ner-
» veux que
Beard, de New-York, a su dégager de l'ancien et
» vague
nervosisme ».
Le
père de la médecine semble avoir connu cette maladie et
avoir
décrit
engrande partie les troubles neurasthéniques,
témoin
lepassage suivant : « Damoclès paraissait avoir la vue
obscurcie et le
corpstout relâché; il n'aurait passé ni près
d'un
précipice, ni sur un pont, ni par-dessus le fossé le moins
profond, mais il pouvait cheminer dans le fossé même. Cela
lui arriva
quelque temps
»(1).
Au xviic
siècle, les différents états névropathiques sont tous
confondus.
Un certain nombre de symptômes appartenant à la
pathologie mentale, tous les troubles nerveux alors mal con¬
nus
étaient compris
sousle nom de vapeurs, de maladies vapo¬
reuses,
mal hypochondriaco-hystérique. Dans ce cadre nosolo-
gique rentraient, comme on le voit, l'hystérie et l'hypochondrie
et, jusqu'à une époque peu éloignée, ces différents troubles
nerveux
étaient considérés
commeéchappant à toute classifi¬
cation
(Lepois, Sydenham, Willis, Hoffmann, Viridet, Fley-
ming, Raulin, Boeerhaave, Comparetti, Louyer-Villermay,
1802, Dubois, d'Amiens, 1833). Ce n'est qu'en 1765 que Whytt
tente
vainement de séparer les hystériques des hypochondria-
ques.
(1) Hippocrate.Epid., v, liv. II,p.
251, cité
parRetti.
Au xixe
siècle,
onanalyse plus profondément les symptômes présentés
parles malades désignés
sousle
nomde
nerveux.Plusieurs essais de
monographies paraissent alors, et
nous ne citerons que pourmémoire les articles de Pinel et Brichetau {Spasmes, 1819), de Darwall (Cérébral and spinal irritation, 1829), de Stilling (Spinal irritation, 1840), de Wunderlich (1854), de Leclerc (1852), de Walleix (Guide du praticien, 1854),
de
Fonssagrives (Névralgie générale, 1865), de Monneret (Pa¬
thologie générale, 1SSS1).
Grâce aux travaux des
neurologues français,
onétablit des
divisions
parmi les
nerveux.Les premiers, les hystériques,
sont
séparés des autres et les phénomènes qu'ils présentent
sont nettement décrits. Mais on ne s'arrêta pas
là; d'autres
efforts furent tentés pour
faire
encore untriage dans le
domaine des névroses. En
1869, Beard donne le
nomde
neu-rasthénie(nervous exhaustion)à
cesaffections décrites jusque-
là sous le nom d'irritation
spinale, de névralgie générale, de
faiblesse
irritable, d'état
nerveux.Malgré leur justesse, les premières observations de Beard passèrent inaperçues
surle continent. En France, Sandras et Bourguignon (Traité pratique des maladies
nerveuses,état
nerveux,
1860, t. I), Cerise (Œuvres complètes. Névralgie
pro¬têt
forme, faiblesse
nerveuse,1872, t. I), Bouchut {De l'état
nerveux
aigu et chronique,
ounervosisme, lre édit., Paris, 1860, 2e, 1877) continuent à décrire
cesdifférentes affections
àun
point de
vuegénéral. D'autres auteurs décrivent certaines
formesspéciales (Kinhaber, Névropathie cérébro-cardiaque, 1873; Armarngaud. Du point apophysaire dans les névralgies
et l'irritation
spinale, 1872; Cahen, Névroses vaso-motrices in
Gén. deméd., t. II, 1862).
Malgré
cestravaux et malgré les
ouvragesaméricains, la
neurasthénie n'était pas une
entité morbide. Plus près de
nous,en
1877,
untraité classique (Jolly, Ziemsseris Handbuclï) res¬
pectait la vieille division en hystérie et hypocliondrie. Les
neurasthéniques, suivant la prédominance de tel ou tel symp¬
tôme, étaient classés
sousla dénomination d'hystériques ou d'hypochondriaques.
«Il est parfois impossible de différencier
l'hystérie non convulsive de la neurasthénie avec laquelle elle
se confond en
plusieurs points et dont on peut dire qu'elle ne représente
quel'un des modes ou l'une des formes ». Ainsi
donc,
onle voit, la neurasthénie est à peine ébauchée, elle
n'est pas encore
tirée du cahos des maladies nerveuses.
Actuellement il ne
saurait plus
enêtre ainsi, Charcot et l'École
de laSalpêtrière, dans
ungrand nombre de travaux,
ont décrit
l'hystérie d'une façon nette et précise. Aujourd'hui,
on
connaît
bien cequi lui appartient en propre. Les symptô¬
mes
neurasthéniques peuvent lui être associés, mais ne peuvent
rentrer dans son
cadre.
En
effet,
en1880, Beard faisait paraître son second livre sur
la neurasthénie
qui eut
unretentissement énorme et bien
mérité.
Pour la
première fois la neurasthénie est nettement dégagée
de
l'hystérie et
yest tracée de main de maître. Le savant pro¬
fesseur de Paris
(1) contribua pour sa part dans ses leçons du
mardi à propager
les idées de Beard et à bien faire connaître
ceux
qu'il appelait ses galeati. Il fut suivi en France par
MM. Pitres
(2), Bouveret (3), Levillain (4), A. Mathieu (5),
Vigouroux (6), Grasset (7) qui ont laissé d'excellentes mono-
(1) Charcot, Leçons du mardi 1888-1889.
(2) Pitres, Progrèsmédical, 1889.—Congrèspour
l'avancement des sciences, 1892.
(3) Bouveret, Laneurasthénie, épuisement nerveux, 1890.
(4)Levillain, Laneurasthénie.
(5) A. Mathieu, Neurasthénie,épuisementnerveux, 1892.
(6) Vigouroux, Neurasthénieetarthritisme, 1893,
(7) Grasset, Traité desmaladiesnerveuses, 1894.
— 18 —
graphies
sur cesujet. Enfin de
nosjours
untraité complet rédigé
sousla direction du docteur Franz C. Muller (1). A côté
de ces travaux de
fond, il
y en ad'autres qui n'étudient qu'un
côté de la
question; telles sont les thèses de Lafosse
surla céphalée neurasthénique; de Monnier, de Hein
surles troubles gastriques de la neurasthénie; de Barreau
surles troubles
mus¬culaires dans la
même névrose; les articles de Grandelément
sur les troubles
visuels, de Régis
surl'aboulie, de Mesnard,
sur la
c.ystalgie.
Malgré
cesnombreux travaux, l'attention est attirée de temps
entemps
sur unsymptôme
nouveauresté dans l'oubli.
C'est dans cet ordre
d'idées
que nous nous proposonsd'étudier
les
hémorragies
muqueusesprésentées
parles neurasthéniques.
Mais avant de décrire le
symptôme dont
nousvoulons
nous occuper,disons tout d'abord
quela neurasthénie n'est
pas une affection nouvelleproduite
parle
surmenageet la suractivité qui caractérisent notre siècle et en particulier la race améri¬
caine. En cela nous ne sommes
donc
pasde l'avis de Beard, qui prétend que la neurasthénie est une affection nouvelle,
surtout
fréquente
enAmérique.
Nous croyons au
contraire
quela neurasthénie
aexisté de
tout
temps bien
queméconnue à certaines époques. Les clini¬
ciens nous
apprennent chaque jour, et nous-mêmes
avons punous
apercevoir
ensuivant les consultations gratuites de M. le professeur agrégé Mesnard, que la neurasthénie est fréquente
chez nous.
Quoi qu'il
ensoit,
onpeut dire
quele
surmenage soustoutes
ses
formes, les passions dépressives et la diathèse neuro-arthri¬
tique sont les trois grands facteurs qui dominent l'étiologie de
la
neurasthénie dont voici les principaux symptômes.
(1) In Ilandbuch derneurasthénie.
CHAPITRE II
DESCRIPTION
Lafosse, qui
aconsacré
sathèse à l'étude de la céphalée neu¬
rasthénique, l'a rencontrée 44 fois sur 45.
Elle consiste en une
sensation de constriction, de pesanteur
de la calotte
crânienne. Les malades comparent volontiers
cette sensation
à
un casque ouà
unecalotte de plomb qu'ils
auraient sur la
tête, d'où le
nomde galeati que leur donnait
Charcot. Mais il s'en
faut
quecette sensation soit constamment
aussi nette. Elle
peut n'occuper qu'une portion du crâne. Elle
est alors
localisée
auxtempes,
commesi les malades avaient la
tête serrée dans un
étau,
oubien â la racine du nez, aux glo¬
bes
oculaires et surtout à l'occiput et à la nuque. Signalons
encore la
sensation de vide
oude
corpsflottant qui existe chez
ces
névrosés. Il leur semble
queleur
cerveaunage dans l'eau.
La
céphalée est loin d'être continue; elle passe par des pério¬
des
d'exacerbation et de répit. La moindre distraction su Ait
pour
la faire disparaître et en général l'étude, la lecture, l'écri¬
ture
l'accentuent. Chez quelques-uns, elle se montre â jeun
pour
disparaître après les repas ; chez d'autres c'est l'inverse.
Ajoutons que les paroxysmes s'accompagnent souvent d'obnu-
bilation de la vue,
de bourdonnements d'oreilles, de vertiges.
L'hypéresthésie du cuir chevelu est telle que les malades ne
peuvent supporter la moindre coiffure.
L'insomnie est
aussi fréquente. Elle se montre surtout chez
les
sujets surmenés intellectuellement, chez les adolescents qui préparent
un concours.Elle
commence par unassoupissement
d'oiseau et se termine souvent par
des cauchemars affreux qui empêchent tout sommeil. C'est
ungouffre dans lequel ils tom¬
bent,
unemaison qui les écrase. Cette insomnie persiste quel¬
quefois fort longtemps et résiste à tout traitement.
La
dépression cérébrale
serencontre aussi chez
presquetous
les malades
quelle
quesoit la forme clinique qu'offre cette
névrose. C'est un
affaiblissement
de la volontéqui rend tout
travail
impossible.
L'attention ne
peut
sefixer qu'avec peine
sur unsujet. Le neurasthénique lit-il
ouécrit-il,
sonesprit est ailleurs, attaché
à une idée
qui malgré lui le poursuit. Le défaut de volonté,
ou aboulie en unmot, caractérise cet état particulier. 11 s'y joint
souvent de
Xamnésie, qui décourage
cesmalades, les rend très impressionnables, leur fait croire qu'ils sont atteints de mala¬
dies graves.
A la faveur de cet état psychique,
onvoit
sedéve¬
lopper divers états mentaux particuliers. Ce sont des phobies
de toutes
sortes, des idées fixes d'ordres divers, des obsessions.
Rousseau ne se serait-il pas
suicidé dans
unaccès de
cegenre?
Amyosihènie.
—L'aboulie entraîne
avec elle une déchéance dusystème musculaire. L'affaiblissement
del'énergie motrice
est caractérisée par un
sentiment de lassitude, de faiblesse générale. Les malades
sefatiguent
pour passerd'une chambre
à une autre. Ce sentiment de faiblesse musculaire n'estqu'ap¬
parent
:qu'un danger imminent vienne les surprendre, qu'une grande joie leur arrive, qu'une passion les excite,
onles voit
aussitôtrécupérer
uneforce motrice dont ils
semblaient inca¬pables.
Racliialgie.
—C'est tantôt
d'unebrûlure, d'une
courbature que seplaignent les malades,
commesi
onles avait roués
de— 21 —
coups;
tantôt d'une plaque qu'ils ont entre les épaules, ou au
niveau du sacrum;
tantôt d'une douleur qu'exaspère la moin¬
dre
pression sur les apophyses épineuses. La peau est souvent
hypéresthésiée à ces divers endroits. La rachialgie peut être
très tenace.
La
dyspepsie neurasthénique ne diffère guère de la dyspepsie
en
général. Signalons cependant que les malades maigrissent
peu,
que l'appétit est très capricieux, qu'il peut y avoir hyper
ou
hypochlorhydrie.
A propos
de la dyspepsie des neurasthéniques, nous croyons
devoir
signaler ici une théorie qui eut un grand renom en
France :
c'est celle des ptôses de Glénard. Pour le savant pro¬
fesseur
de Lyon, la neurasthénie n'était que le troisième stade
d'un
état qui commençait par l'atonie gastro-intestinale. Il y a
certainement des ptôses des différents viscères, mais il y a aussi
des
neurasthénies
sansptôses.
Vertiges.
—On a dit aussi que l'estomac tenait sous sa
dépendance les vertiges. De ce qu'ils sont influencés par la
digestion stomacale, il ne faut pas trop conclure à leur origine
gastrique. Le vertige neurasthénique est caractérisé par une
sensation de
vide dans la tête, une obnubilation de la vue, de
la
pesanteur. Les malades se sentent poussés par une force
inconnue
soit
enavant, soit
enarrière et souvent il leur arrive
d'être
obligés de
seretenir pour ne pas tomber. Comme on le
voit dans
certains
cas,le vertige neurasthénique se rapproche
du
vertige de Ménière.
A ces
symptômes fondamentaux, on peut joindre d'autres
manifestations
secondaires.
Nous commencerons par
les troubles de la motilité. Indé¬
pendamment de l'amyosthénie, on note chez les neurasthéni¬
ques
des crampes dans les mollets, des contractions dans les
muscles, des myalgies affectant un groupe musculaire ou cer-
— 22 —
tains muscles. Le tremblement aurait aussi une valeur réelle
et, d'après le professeur Pitres, mériterait d'être rangé
au nombre desstigmates. Il
sefait surtout de bas
enhaut; il est
très
rapide et très accentué dans
certains cas. Quant aux para¬lysies motrices proprement dites
nousn'en
avonsjamais
vu.Les troubles de la sensibilité font rarement défaut. C'est presque
toujours de l'hyperesthésie, exceptionnellement de
l'anesthésie. Cettehyperesthésie est localisée à
unepartie du
corps.
C'est
unesensation
de froidanalogue à de l'eau glacée qu'on leur verserait
sur le corps :aussi les malades
se cou¬vrent-ils outre mesure; ou
bien
une sensation de chaleur intense. Aux troubles de la sensibilité se rattachent des sensa¬tions
bizarres, des picotements, des fourmillements.
Les mala¬des se
plaignent d'araignées, de mouches qui marchent entre
chair et peau.Enfin
on envoit qui ont de véritables douleurs
lancinantescomparables à celles du tabès. L'erreur
estquel¬
quefois très facile.
Les réflexespatellaires, le réflexe pharyn¬
gien sont abolis.
Nous-même avonspris l'observation' d'un
maladeneurasthénique qui avait été réformé
commeataxique.
Les organes
des
sens ne sont pasépargnés,
aupremier chef
ceux de la vision. C'est encore au
professeur Pitres qu'on doit
un nouveau
signe qu'il appelle le signe d'Argyll Robertson renversé, qui consiste dans l'abolition
de la contractilitépupillaire
sousl'influence de
l'accommodation avec conserva¬tion de la contractilité
pupillaire à la lumière.
On note aussi de
l'asthénopie accommodative. Si les mala¬
des sont
obligés de regarder
unobjet éloigné, leur œil
sefati¬
gue
vite et ils
nevoient plus
quedu brouillard. Grandclément (de Lyon), croit qu'à
ce.moment il
y a unecongestion passive
de la rétine. A
l'ophtalmoscope,
ontrouve
unœil normal.
Du côté de
l'ouïe, c'est
del'hyperesthésie.
excessive.Le-moin¬
dre bruit devient
insupportable.,
oubien
aucontraire, c'est
— 23 —
un
bourdonnement,
unson de cloches pouvant aller jusqu'à
la
surdité complète.
Les
neurasthéniques présentent aussi des perversions du
goût assez analogues à celles des hystériques.
La
constipation est souvent opiniâtre et rebelle à tout trai¬
tement.
• Les organes
génito-urinaires sont quelquefois profondé¬
ment
troublés. Les pertes séminales sont fréquentes; l'appétit
génésique disparaît et, du fait que les malades se croient
impuissants, quelquefois ils le deviennent réellement. D'au¬
tres ont
des picotements dans le canal, ils se croient atteints
d'un
calcul de la vessie.
Les
troubles de la respiration sont cités dans les auteurs
comme
étant
sansimportance, cependant nous croyons qu'il y
a des
bronchites à répétition et des bronchites chroniques sans
agents pathogènes, d'ordre neurasthénique et qu'on pourrait
rattacher aux
troubles de la circulation. C'est en s'appuyant
sur ces
derniers symptômes, que Krishaber a décrit la névro-
pathie cérébro-cardiaque.
Les
palpitations sont en effet très fréquentes. Quelquefois
les
malades viennent vous consulter pour ce seul symptôme et
vous
découvrez
que vousavez affaire à un neurasthénique. Le
Dr Ch.
Dance (de New-York), cite le cas de neurasthénie pul-
satile
qu'il rattache à des troubles vaso-moteurs.
«
L'irritabilité et le défaut de tonicité de l'appareil vaso-
» moteur
dont les expériences de Mosso, d'Engel ont démontré
» l'existence
chez
ungrand nombre de neurasthéniques, expli-
y>
quent la facilité avec laquelle les anémies et les congestions
»
cérébrales
seproduisent chez ces malades » {Traite cle méde¬
cine,
Charcot). Grasset, dans son Traité des maladies nerveuses,
parle à peu près dans les mêmes termes des poussées conges-
tives
qui
seproduisent à la face après le repas, du phénomène
— 24 —
vicieusement
dénommé raieméningitique. Tous les
auteurs sont donc d'accord pourconstater les troubles vaso-moteurs;
mais aucun d'eux n'avait
signalé les hèmorrhagies des
muqueu¬ses.
Cependant
nouslisons
dans le livre de Coutaret sur ladyspepsie,
p.23.
«Hardy et Béhier ont observé
des vomisse¬ments de sang
noir
sanslésions
de l'estomac.Guéneau
deMussy
enattribue quelques-uns à des émotions
moralesvives».Enfin, le 20 novembre 1894, M. le professeur agrégé Mes-
nard
publie
uneobservation
dans la Gazette hebdomadairedes sciencesmédicales
deBordeaux, observation qui
aété le sujet
d'une communication faite par
le docteur Ausset à
la Société debiologie de Paris.
Ces auteurs attirent l'attention sur
l'hématémèse
survenant chez lesneurasthéniques. Frappé de
cesymptôme,
nous avonssongé à établir
unrapprochement entre l'hématémèse
etl'hémoptysie neurasthénique et les hèmorrhagies
muqueuses,en
général. Il
nous a, eneffet, été donné
d'étudier onze mala- desneurasthéniques chez qui les hémoptysies
que nous avons constatées n'ont pufaire varier le diagnostic. Nous
avons été amenénaturellement
à nous demander si les hématémèses observéesparMM. Mesnard
et Ausset et leshèmorrhagies obser¬
vées par
nous-même,
nerelevaient
pasde la même
cause : les troubles vaso-moteurs. Si lepetit nombre de
nosobservations
ne suffit pas pour
démontrer le
fait que nous avançons,il est
du moins suffisant pour proposerà l'étude des cliniciens
l'obser¬vation de ce
symptôme nullement indiqué dans les études
clas¬siques.
CHAPITRE III
Observations.
OBSERVATION I
(Tirée desconfessions de
Rousseau).
Eû 1737, à la suite
d'une expérience qui faillit lui coûter la vie, il tombe
malade et crache du sang.
« Cette aventure m'arriva mal à propos pour ma
santé qui, depuis quel¬
que temps
s'altérait sensiblement. Je ne sais, qu'étant bien conformé pour le
coffre et ne faisantd'excès
d'aucune sorte, je déclinai à vue d'œil. J'ai une
assez bonne carrure, mes poumons
doivent
yjouer à leur aise; cependant
j'avais la courte
haleine; je
mesentais oppressé, je soupirais involontaire¬
ment,
j'avais des palpitations, je crachais du sang, la fièvre lente survint et
je
n'en ai jamais été bien quitte ». « Plus sédentaire, je fut pris non de
l'ennui, mais de
la mélancolie; les vapeurs succédèrent aux passions, ma
langueur
devint tristesse, je pleurais et soupirais à propos de rien, je sen¬
tais lavie m'échapper.
Enfin je tombai tout à fait malade Bref je lis
si bien qu'en
moins de deux mois je me détruisis totalement l'estomac, mes
artères se mirent à battre
d'une si grande force que non seulement je sen¬
tais leurbattement,
mais
queje l'eutendais même ».
Cette
hémoptysie, qui ne fut pas la seule si l'on consulte les
oeuvres de
Jean-Jacques, nous semble due à son état nerveux.
Rousseau ne
s'est
eneffet jamais plaint d'avoir eu la moindre
affection de
la poitrine. Il n'était pas non plus hystérique,
4 L.puis-
— 20 —
qu'il parle très ironiquement de la maladie de Grimm qui fut pris d'un sommeil léthargique de trois jours. La plupart des
auteurs sont unanimes à faire de Rousseau le
type du
neuras¬thénique
parexcellence.
OBSERVATION II
« Tout à coup craquement de la machine surmene'e; celacommença, en travaillant, par des sommes d'une minute, des assoupissements d'oiseau,
du tremblement d'écriture, une langueur interrompant la page, troublante,
invincible. Il fallut s'arrêter au milieu de
l'étape,
laisser passer lafatigue.
Je comptaissur les soins du bon docteur Potain, sur le repos de la cam¬
pagne pour rendre le ressort et la forceà mesnerfs distendus».
Amélioration passagère.
« Puis brusquement, sans douleur, une hémoptysie violente m'éveillait,
la bouche âcre et sanglante. J'eus peur,
je
crus que c'était la fin, qu'ilfallait laisser l'œuvre inachevée, et dans un adieu qui me semblait l'adieu suprême, j'eus tout juste le temps de dire à ma femme finis mon
bouquin».
« Doucementje repris mon travail,je
l'emportai
aux eaux d'Allerard où l'on m'envoyait. Maisje
sentais que quelque chose était brisé en moi».Quoique l'état des différents
organes nesoit
pasnoté dans
notre observation
II, qui est tirée des
oeuvresd'un
romanciercontemporain,
nous croyonspouvoir
nous appuyer surle dia¬
gnostic des maîtres de Paris
pouraffirmer
quecette hémoptysie
est bien d'ordre
neurasthénique. Nous ferons
remarquer en outre quecette hémoptysie est
survenueaprès les premiers symptômes de la maladie de Beard,
aumoment où l'auteur pré¬
parait les Rois
enexil
ettravaillait beaucoup.
— 27 —
OBSERVATION III
Publiée parM. leprofesseur
agrégé Mesnard. dans la Gazette hebdomadaire des sciences
médicales du25 novembre1894.
Mmeveuve D... est âgée de
53
ans,elle est mère de deux jeunes hommes
qui ont
toujours joui d'une bonne santé. Elle n'est plus réglée depuis plus
de trois ans.
Elle atoute savie été très nerveuse,
et rapidement déprimée pour une
contrariété un peu
sérieuse. Toute
savie aussi elle a été plus ou moins
dyspeptique,
mangeant très irrégulièrement et digérant très mal. Elle a
toujours été
sujette à des crises fréquentes de douleurs lombo-sacrées irra¬
diant à l'épigastre et
dans tout l'abdomen, y compris les régions infé¬
rieures. Elleéprouve
ordinairement depuis bien des années une sensation
de vague
cérébral,
avecparfois
unétat semi-vertigineux et souvent un sen¬
timent de casque pesant,
surtout frontal.
Elle n'ajamais pu se
livrer à
aucuntravail sérieux à cause d'une impo¬
tence intellectuelleetmusculaire
survenant à la moindre tentative d'activité.
Sa maigreur est
grande,
sonpoids n'est que de 90 livres. Il lui semble
que sa
colonne vertébrale est trop faible pour la soutenir; aussi quand elle
estdeboutse tient-elle dans une
attitude notablement penchée en avant.
Les
périodes d'insomnie sont très fréquentes et très prolongées, les rêves
sonthabituellement
pénibles mais
sanscaractères spéciaux.
Il y a six ans,
quand j'ai commencé à donner mes soins à cette malade,
elle se
plaignait surtout de dyspepsie qui était excessive bien que médio¬
crementdouloureuse, et
s'accompagnait d'une constipation opiniâtre.
On ne note
qu'une légère dilatation de l'estomac, caractérisée par un peu
de
clapotement et
unléger tympanisme stomacal.
Le cœur etles poumons
sont sains; elle
netousse pas et n'a ni palpitation
ni œdème.
Depuis plus de vingt
ans,celte malade est sujette à des hématémèses
abondantes.J'en ai observé
deux, il
y acinq
anset il
y adeux ans.
— 28 —
La malade a rendu la première fois plus d'un litre d'un sang noir en 48heures; elle se plaignait,surtout après l'accident, de douleurs mal locali¬
séesà
l'épigaslre,
dans tout l'abdomen et dans le rachisà larégion lombo-sacrée.
La dyspepsie ne présente en somme rien qui la
dislingue
de la neuras¬thénie, symptôme tellement fréquent qu'on en a fait un des stigmates de
cette maladie. La digestion, habituellement pénible, ne produisaitjamais
les sensations atroces de brûlures de Valais
rotundum,
mais une sensation plutôt angoissante que vraiment douloureuse accompagnée parfois desueurs froides et rarementde
régurgitations
alimentaires.En dix ou quinze jours environ la violence de la crise était passée; puis peu à peu la malade revenait à son état neurasthénique ordinaire, dans lequel la
dyspepsie
ne prédominait pas très notablement sur les autresstigmates.
Depuis six ansla malade s'estsoumise au régime lactéexclusif; enoutre, par périodes, elle a subi un traitement
électrique
ouhydrothérapique.
On peut dire que depuiscelte époque ellevade mieux enmieux,, bienqu'il
per¬siste une sensation ordinaire de faiblesse musculaire et cérébralequi inter¬
dit à la malade touteoccupation suivie. Detemps en temps surviennent des périodes passagères de quinze jours à trois semaines, pendant lesquelles la faiblesse, l'insomnie, la
dyspepsie,
larachialgie
augmentent, mais il suffît à la malade de garder le lit et de diminuer saration journalière de lait pourles voir disparaître peu à peu sans traitement.Ces crises ne survien¬nent qu'une ou deux fois en moyenne par an.
L'amyosthénie, l'insomnie,
larachialgie
apparaissent toujours en même temps queladyspepsie
et s'améliorent en même temps que celle-ci. Les rêves sont pénibles ou bizarres comme ceux desneurasthéniques,
mais ilsne présentent pas les caractères de ceux des
hystériques.
La sensibilité générale et spéciale est normale, pasdesensation de boule, réflexepharyn¬
gien à peuprès normal;jamaisde paralysieni de parésie
localisée;
jamaisde grandes attaques avortées, telles que syncopes,
lipothymies,
vertiges, éblouissements. Bien que lechamp
visuel n'ait pas étéexploré méthodique-
— 29 —
ment,je
puis dire
quecette malade est une neurasthénique pure, sans tare
hystérique
cliniquement appréciable.
Elle n'est pas non
plus atteinte d'un ulcère simple de l'estomac, car elle
remarque fort
bien elle-même que, depuis trente ou trente-cinq ans qu'elle
estneurasthénique,
les crises de dyspepsie et de douleurs abdominales et
rachidiennes surviennent, comme
les autres stigmates neurasthéniques, à
la suite de fatigues ou
d'émotions prolongées.
Enfin ladouleur est
variable de siège, et n'est
querarement franchement
épigastrique. 11
y acinq ans, Mme D... a eu la première hématémèse que
j'ai observée de la façon suivante : se trouvant mieux à la suite du traite¬
ment etdu régime que
j'avais institués, elle fit un voyage de près de deux
mois dans la
Charente-Inférieure et dans la Vendée pour visiter plusieurs
membres de sa famille.De retour,
bien qu'elle eût continué le régime lacté
et
qu'elle n'eût
passouffert pendant le voyage, elle éprouve une grande
dépression
physique et morale à la suite, pense-t-elle, de la fatigue et surtout
desémotions causées par
les relations de famille reprises après de longues
années d'interruption.
Enfin
unsoir, inopinément, sans douleur gastrique
bien nette, elle
vomit du
sang un peunoir mais non coagulé; l'hématémèse
acontinué
pendant près de quarante-huit heures en diminuant progressive¬
ment eta
produit
unlitre de
sang.Tous les symptômes neurasthéniques
éprouvèrent alors
unerecrudescence pendant trois semaines, puis peu à peu
la crise disparut
tout-à-fait.
L'hématémèse est survenue
de
nouveautrois ans après, toujours avec
son cortège
neurasthénique habituel.
Ily a onzeans, une
hématémèse récente, ainsi que la grande maigreur
de la malade firent porter, par
les médecins, le diagnostic de cancer de
l'estomac. Ce
diagnostic aujourd'hui n'a même plus besoin d'être discuté,
du reste àla
palpation
on nesent aucune tumeur.
Le
diagnostic
aété suffisamment discuté dans notre obser¬
vation,
parM. le professeur agrégé Mesnard pour que nous
n'ayons
pasy revenir. Nous dirons simplement qu'il nous
— 30 —
semble
qu'il
y alà plus qu'une simple coïncidence entre les phénomènes neurasthéniques présentés
parcette malade et les
hématémèsesrépétées qu'elle
a eues.Ce qui tend à
nous con¬firmer dans notre
opinion, c'est
quechaque hématémèse
aété
suivie d'unepériode d'exacerbation de
la maladie. Nousaurons l'occasion de faire cette même remarque
dans plu¬
sieurs de nos autres observations. Nous remarquerons
aussi
que
chez cette malade, les phénomènes de vaso-dilatation
sont très accusés ainsi quedans l'observation
IV.OBSERVATION IV
(inédite).
(Communiquéepar le M. professeur agrégéMesnard, médecindeshôpitaux).
M. X... otFre tous les signes d'un neurasthénique. Les troubles vaso- moteurs sont très accusés chez lui et sont caractérisés par une rougeur intense de la face se manifestant surtout après les repas. Il a aussi des hémorrhoïdesfluentes.
Il a eu une
hémoptysie,
il y a six ans,hémoptysie
caractérisée par descrachats sanguinolents furlement acides, glaireux ; dans quelques-uns, la proportion de sang dépassait les deux tiers. Outre cette
hémoptysie,
il en a eu deux autres qui se sont succédé àvingt
ans d'intervalle.Rien dans les antécédents, sinon quelques
palpitations
d'ordre évidem¬ment nerveux.
Rien au cœur.
Rien aux poumons.
Sensibilité àla piqûre normale.
Jamais
d'attaques d'hystérie.
OBSERVATION V
(personnelle).
Versla fin du mois d'avril, nousnous sommes
rendu chez Mme B..., ren¬
tière. Elle est âgée de 53 ans et
est
encoreréglée.
Rien à noter du côté de ses
antécédents paternels et maternels. Sœur
nerveuse
qui aurait
eudes attaques de nerfs.
Pas de maladies dans l'enfance; auraiteu une
fièvre intermittente à l'âge
de 19 ans.
A l'âge de 20 ans,
petites migraines durant un jour; un peu de dyspep¬
sie;
constipation opiniâtre; sommeil mauvais, rêves. En s'endormant, il lui
semblait roulerdans un gouffre.
A l'âge de 25 ans,
la malade, qui était corsetière et travaillait beaucoup,
futprise
d'une céphalée intense, principalement frontale. Il lui semblait que
ses tempes
étaient serrées dans
unétau;
soncerveau nageait dans l'eau.
Sensation de froid surles épaules et
le long de la colonne vertébrale; crai¬
gnait
le moindre courant d'air. La constipation était continue. Elle était
devenue sourde.
Elle fait un voyageà
Paris
pourconsulter
unmédecin et tout disparaît.
Plus tard, elleva
voir
unoncle qui la contrarie tellement qu'elle crache
un peu
de
sang,la valeur de deux cuillerées.
Plus tard encore, en 1880, à
l'âge de 40
ans,elle fait
uneperte d'argent
et a une seconde hémoptysie
plus abondante,
un verreà Bordeaux deux ou
trois fois par
jpur, pendant 4 jours d'un
sangnoir expulsé sans efforts.
La malade, très
impressionnée, reste alitée quinze jours et ne ressent, après
cette hémorrhagie,
qu'une faiblesse générale qui disparaît au bout de trois
mois.
Il y aseptans,
à la suite de la perte de sa mère, elle éprouve un grand
éblouissement, comme si tout
devenait noir; elle
ade la céphalée
encas¬
que,
des douleurs
auniveau des os iliaques, dans les jambes, dans les mol¬
lets, auniveau
de la région stomacale,
cesdernières simulant les douleurs
en ceinture de l'ataxie. Elle devient
dyspeptique et est obligée de
sedéla-
— 32 —
cer après les repas. La sensation de froid sur lesépaules est toujours aussi intense.
Constipation
continuelle. Enfin, troisièmehémoptysie.
La malade crache à peu près la valeur d'un verre à Bordeaux quatre ou cinq fois parjour,
pendant cinq jours, d'un sang noir, et cela sans aucun effort et sansdouleur.
Le médecin de Libourne, où elle était en ce moment, ne lui fait prendre, pendant quinze jours qu'elle reste alitée, que du bouillon.
MmoB... est restée toujours neurasthénique
depuis.
Le 23 avril,
lorsque
nous nous présentons, la malade nous paraît telle¬ment
fatiguée
que nous revenons le 27 et nous sommes tout étonné duchangement qui s'est opéré.
Mme B... a le teint rosé et nous décrit son état actuel aveccette prolixité qui caractérise les neurasthéniques.
Elle ressent, dit-elle, comme un casque de plomb quiluiserrerait la tète.
L'byperestbésie
du cuir chevelu est telle à certainsjours qu'elle nepeutpasse coiffer; c'est dans cet état que nousl'avons trouvée la première fois, les cheveux tombant sur les épaules. Elle a des vertiges; il lui semble qu'il y
a unvide sous ses pas et elle est
obligée,
pour marcher, de se retenir aux meubles.Elle a peur de traverser une place et peur des voitures. L'insomnie est constante. Elle ne peut ni lire ni écrire et sa céphalée lui fait perdre la mémoire des noms. Il existe une plaque sacrée.
L'amyosthénie
lui enlève la force de soutenir sa tête.Le creux
épigastrique
est douloureux, mais la douleur u'^st pas compa¬rableà celle de l'ulcère rond et il n'a jamais existé de point douloureux du côté de la colonne vertébrale. Légère dilatation d'estomac.
Elle se plaint de palpitations du cœur avec pâleur de la face au moment des crises.
Elle sentbattre sesartères dans le bout des
doigts.
L'auscultation du cœur ne révèle aucune affection de cet organe.Les
artères sont souples.
Les poumons sont sains ainsi que les autres organes.
La malade, qui a
été toujours très émotive, n'a jamais eu d'attaques de
nerfs.
La sensibilité
générale et particulière est normale. Les réflexes rotuliens
sontconservés; le réflexe
pharyngien est aboli.
Champ
visuel normal.
Dans cette
observation,
nousvoyons qu'à côté des symptô¬
mes
nettement neurasthéniques, il y en a eu d'autres qui peuvent relever d'une autre maladie. L'hystérie tout d'abord.
La malade a une sœur
qui est atteinte de cette névrose, et
on sait avec
quelle facilité les femmes en contact d'hystériques
deviennent hystériques à leur tour. Elle est très émotive.
Elle a eu
étant jeune des migraines, plus tard un grand
éblouissement, et
seshémoptysies pourraient bien n'être que
des
hémoptysies hystériques, phénomène bien connu chez
ces
malades. Mais, à côté de ces petits symptômes, elle n'a pas
la
boule, la sensibilité est normale et le champ visuel n'est
pas
rétréci.
On
pourrait encore rattacher ses hémoptysies à l'ataxie
locomotrice, puisqu'elle a eu des crises gastriques. Il nous
semble que
depuis sept ans que cette malade est sujette à avoir
des crises
gastriques, elle aurait eu d'autres symptômes, tels
qu'abolition des réflexes, incoordination des mouvements, dou¬
leurs
fulgurantes, arthropathies diverses, qui nous auraient
permis de déceler la sclérose.
Les
hémoptysies sont encore fréquentes dans le cours de la
tuberculose.
Cependant, malgré les soins avec lesquels nous
avons
ausculté le
cœuret le poumon de Mme B..., nous
n'avons
jamais rien découvert du côté de ces organes.
La malade ne
tousse
paset n'a jamais eu aucune affection
de la
poitrine. D'ailleurs notre diagnostic est le même que
celui
porté
parMM. Pitres et Mesnard (de la Faculté).
— 34 —
Une
objection qu'on
nepourrait
manquerde
nousfaire,
c'est que
les hémoptysies ont
puproduire la neurasthénie
sans se rattacher à cette névrose. Oui si la malade n'avait pas
eu
déjà des symptômes neurasthéniques et si
cesmêmes symptômes s'étaient aggravés après la première hémoptysie,
ce
qui n'a
eulieu qu'après la troisième.
Nous croyons
donc
queles hémorrhagies de Mmo B... doi¬
vent se rattacher aux
phénomènes de vaso-dilatation
assez accentués chez cette malade.OBSERVATION VI
(inédile).
(Communiquée par M. le Dr Rolland, ex-interne des hôpitaux).
H. G..., garçon de 22 ans, excellente santé, sans antécédents héréditai¬
res; dans une partie de chasse s'éloigne de ses compagnons et tombe dans
un puits
d'où l'on
avait extrait du minerai de fer. Ce garçon reste dix heures dans le fond du puits, en proie à une terreur profonde causée par la crainte de se voir perdu et de finirsesjours en cet endroit.Lorsqu'on le retrouve, il n'accuse aucun traumatisme, revient gaillarde¬
ment chez lui, est trèsjoyeux d'avoir échappé à la mort et console ses
parents.
La nuit se passe bien, mais un ou deux jours après son appétit s'alan- guit, son
intelligence
devient paresseuse. Il est absolument insensible à toutes les distractions et fuit la compagnie.Cet étatse
prolonge
une huitaine de jours, et ce qui vientl'aggraver
sont deux hémoptysies assez abondantes qui surviennent coup sur coup.
Un médecin examine le malade et conclut à une tuberculose aiguë.
Mais cejeune homme reste pendant huit mois faible, courbaturé, sans
vigueur intellectuelle,
d'un appétit chancelant
et ayant en horreur pro¬fonde le mouvement. Il se plaignait de douleurs à fleur de tête et formant le casque. En proie aux
idées sombres, il
arrivaitmême à avoir du délire mélancolique.— 35 —
Aprèsces
8 mois, les phe'nomènes s'amendent peu à peu ; il récupère bien¬
tôt sa santé
complète
etneprésente plus aucune trace de neurasthénie.
Il s'est marié et est devenu
le père d'enfants
entrès belle santé. Il a aujourd'hui 38
ans.Dans
l'observation VI,
nousvoyons un garçon de 22 ans jouissant d'une santé excellente qui, à la suite de secousses
physiques et morales vives, est pris d'une hémoptysie abon¬
dante, hémoptysie qui fait porter par le médecin un diagnostic
effrayant pour la famille. La tuberculose aiguë, en effet, ne
pardoniîe guère et, cette guérison survenant après huit mois
sans
manifestations ultérieures, ni chez le malade, ni chez ses descendants,
nousparaît extraordinaire; pourqui ne pas la
rattacher aux
phénomènes qui ont précédé et suivi ces hémop-
tysies? La secousse morale a été, croyons-nous, assez forte,
pour
créer la neurasthénie. De plus, nous remarquerons que
les
liémoptysies sont bien plus fréquentes chez les neurasthéni¬
ques
à la suite d'émotions, de frayeurs que les hémorrhagies
des
autres
muqueuses.OBSERVATION VII
(inédite).
(Communiquée par M. Jacques,
interne de l'hôpital Saint-André.)
M. J... entre à
l'hôpital Saint-André (salle 4, lit 23) parce qu'elle souffre
de l'estomac depuis très
longtemps et surtout depuis trois semaines.
Antécédents héréditaires : Père
mort de maladie inconnue, mère morte à
60ans d'une maladie d'estomac au
dire de la malade, deux sœurs mortes
toutes
petites,
unfrère mort au service militaire elle ne sait pas de quoi.
Antécédents
personnels
:Rien de particulier jusqu'à il y a 10 ans, à part
une variole à30ans.
Il y a