MUt I* MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
AISTIsTÉEl 1901-1902 N° 10
DILATATION
CYLINDRIQUE TOTALE
L'OESOPHAGE
thèse pouh JjE doctorat en médecine
présentée et soutenue publiquement le 20 Novembre 1901
Pierre-Louis-Charles
RIVIÈRE
Ancien Externe des Hôpitaux de Bordeaux Né à Lussac(Gironde),le 16 juin 1877.
MM. DEMONS, professeur... Président.
BOURSIER, professe DENUCÉ, agrégé.
BÉGOUIN, agrégé.
l°ZT'
^ Candidat répoudra aux questions qui lui seront faites sur les diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE Y. CADORET
17 — kue poquelin-molière — 11 (ancienne euemontmejan)
1901
FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE RE BORDEAUX
M. de NABIAS Doyen. j M. PITRES Doyenhonorair»,
PROFESSEURS
MM. MICÉ )
DUPUY Profesneur* honoraire».
MOUSSOUS
Clinique interne Cliniqueexterne Pathologieetthérapeu¬
tiquegénérales Thérapeutique
Médecineopératoire...
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LeSecrétaire de la Faculté.
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PACHON- princeteau.
lagrange.
cables.
le dantec.
lemaire.
Par délibérationdu 5 août1819, la Facultéaarrêté quelesopinions émise*dan» ]«ur
«ont présentée» doivent être considérée* comme propre* à leursauteurs,etquel«
donner ni approbation ni improbation.
A mon Président de Thèse,
Monsieur le Docteur DEMONS
ProfesseurdeClinique chirurgicale à la Faculté de Médecine de Bordeaux, OfficierdelaLégion d'honneur, Officier de l'Instruction publique,
Membrecorrespondant de l'Académie de Médecine, Membrecorrespondant de la Société dechirurgiede Paris.
Cher Maître,
Permettez-moi, audébut decemodeste travail, de vous remercier de l'extrême bienveillance aveclaquelle vous m'avez traitépendant l'annéequej'ai passéeprès
devousetdurantlaquelle il m'a étéper¬
mis de constater quelabontéetla science étaient parfois deux sœurs inséparables.
Vousavezbien voulumefaire l'honneur d'accepter la présidence de ma thèse, c'est encore une dette de reconnaissance que je contracteenvers vous. Soyezper¬
suadé, cher maître, demaprofondegra¬
titude, tant pour le profit que j'ai pu retirer de votre enseignementque pour la bienveillance que vous ne cessez de
metémoigner.
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; 'te.
INTRODUCTION
« L'obligation d'écrire, a dit La Bruyère, fait pardonner ce quel'onécrit ». Que lesjuges et lecteurs de cetravail veuillent bien se pénétrer de cette pensée du grand philosophe. Nous
avonsentrepris ici, moins d'apporter une idée nouvelle que de
mettreau point une question qui n'avait pas été traitée et que
quelques observations seules avaient fait entrevoir. Tel a été notre but : nos juges et lecteurs verront si nous avons tenu notre promesse.
Qu'il nous soit permis, au moment où une existence nouvelle
vas'ouvrir pour nous, maintenant que nous allonsnous séparer
de ceux qui furent nos maîtres, plusieurs nos amis, de leur apporterici le témoignage de notre profonde reconnaissance.
Que M. le professeur agrégé Bégouin, qui nous a suggéré 'idéede ce travail etduranttoute sonexécutiona été pour nous
duneextrême
bienveillance, veuille bien recevoir nos sincères remerciements.
Nous ne saurions passer sous silence les services que nous
°ntrendus MM. les Drs Verdalle et Baudrimont, qui ontconduit
n°spremiers pas dans l'étudede la médecine.
M. le DrMonod a été notre maître pendantun an à l'Hôpital
des
Enfants,
où il nous a initié à la thérapeutique si délicatemais si intéressante du premier âge. Qu'il soit persuadé de t°utenotre
reconnaissance.
Merciencore à M. le
professeur Lefour, qui a bien voulu nous
^mettre dans son service, où il
nous a permis d'accomplir plusieurs stages. Il
a été pour nous d'une bienveillance que uousnesaurons oublier.
^°usavonstrouvé en M. le Dr
Davezac plus qu'un maître :
- 12 —
un ami. Nous nous souviendrons toujours des conseils avisés qu'il n'a cessé de nous donner et de
l'excellente
année que nousavons passée auprès de lui.
M. le professeur Démons sait combien nous
lui
sommes re¬connaissant de l'honneur qu'il nous fait aujourd'hui.
Puisque l'heure est venue de payer à
chacun
sontribut de
reconnaissance, nous serions ingrat si nous allions oublierceux
qui, dans des heures de défaillance,
furent
pour nousdes
con¬seillers précieux et qui nous ont, par la
suite, conservé
uneamitié à toute épreuve. Qu'ils reçoivent
ici l'expression de
notre plus profonde gratitude.
Enfin, dans la vie nouvelle qui vient de s'ouvrir pournous,
nous avons eu le bonheur de rencontrer des personnes dont
la
sympathie et le concours dévoué seront pour nous unprécieux
appui. Nous les remercions
du fond du
cœur.DILATATION CYLINDRIQUE TOTALE
L'OESOPHAGE
On appelle dilatation cylindrique totale de l'œsophage une augmentation des diamètres de cet organe, augmentation por¬
tantsur toute sa hauteuret ne se terminant pas à sa partie infé¬
rieure parun rétrécissement.
Nousneparlerons, danscetteétude, que deces dilatations. Les
casde ce genre sont très rares, c'est à peine si nous avons pu
enrelever quatorzeou quinze dans l'histoire médicale.
C'est Purdon qui, le premier, signala cette lésion qu'il avait
observée une fois.
Nous n'avons pu d'ailleurs lire sadescription.
En1833, deuxnouvelles observations furent publiées, la pre-
mière,par Alexandre Hannay, qui attribuait la mort à la com¬
pression des vaisseauxintrathoraciques parla tumeur œsopha¬
gienne, laseconde par Delle Chiaje qui avait suivi sa malade
pendant plusieurs années et qui avait cru à une affection de 'estomac. Puis successivement Spengler, dans le Viener med.
Wochenschrift,
1853, n° 25, en 1853; Yon Luschka, dans leArchiv Pathologische Anatom., en 1868; Wilks et Roots, dans
'a Translation of Pathologie, en 1866, citent des cas qu'ils
avaient observés et nous décrivent les lésions que l'autopsie
leur révéla.
- 14 —
Les derniers, Wiiks et Iiootes, sont les seuls qui, pendantla vie, aient pensé à une dilatation cylindrique de l'œsophage.
Cependant ils ne disent pas avoir porté le diagnostic fermede dilatation.
Plus récemment Stern, dans le Archiv cler Hillkunde, V,
p. 432-1876, en1876, a fait la description d'un cas de dilatation de l'œsophage : organe qui mesurait 0,n12 de diamètre danssa
partie moyenne et qui avait une épaisseur de 0m004.
Cognard, interne à l'Hôtel-Dieu, à Lyon, publie dans le Lyon médical, en 1878, une observation de dilatation de l'œsophage.
La lecture de cette publication, faite à la Société des sciences médicales de Lyon, est suivie d'une discussion durant laquelle M.Arloing,après avoirconstaté combiensontrares chez l'homme les cas decegenre,prétend qu'il estloin d'en êtreainsi chez les animaux; la dilatation siégerait alors dans la région diaphrag- matique. Il pense que le traumatisme doit être le plus souvent
lacause de cette affection.
En 1894, M. Faure, dans sa thèse de la Faculté de Paris,
nous donne trois nouvelles observationsprovenant : lapremière,
de M. Baumet (1890) ; la seconde, de M. Letulle; la troisième,
de M. Peron. Faure, après avoir donné ces observations,s'ef¬
force de démontrer que la mort subite est la terminaison de
presque tous les maladesqui sontatteints dedilatation de l'œso¬
phage.
Enfin,en1898, quatrenouvellesobservations ontété publiées:
la première par Mermod dans la Revue médicale de la Suisse Romande; la seconde, parRose dans le Post-Graduate N.-Y;la troisième, par Greffith dans le Médical Chronicle, et la qua¬
trième, par Handfort dans le Rristisli Médical JournalLondon.
Nous nous sommes efforcé de réunir dans cette étude toutes
les observations déjà publiées qu'il nous a été possible
de
nousprocurer, nous y avons ajouté celle que nous devons à
l'obli¬
geance de M. le professeur agrégé Bégouin.
Nous avons pris pour ligne de conduite de ne nous occuper
que des dilatations de l'œsophage sans rétrécissements sous- jacents. Nous ne parlerons point des dilatations
diverticu-
— 15 —
lairesquiontdéjà t'ait l'objet de nombreuses études. Les dilata¬
tions ampullaires siégeant au-dessus d'un rétrécissement, que
cerétrécissement soit congénital, cicatriciel ou cancéreux, nous
paraissent également tout à fait différentes. Nous ne nous en
occuperons pas davantage.
Ilneseraquestion, ici, que desdilatations cylindriquestotales
sansrétrécissement sous-jacent.
Voicid'ailleurs comment elle se présentent.
I
ANATOMIE PATHOLOGIQUE
L'œsophage atteint de dilatation cylindrique totale est avant tout, comme sa terminologie l'indique, régulièrement dilaté
dans toute son étendue.
A l'état normal, le diamètre de l'œsophage estde 2
centimè¬
tres et sa circonférence de 6 centimètres. L'organedilatépré¬
sente des dimensionsbeaucoup plus considérables.
Nous relevons, dans les observations que nous
publions,
jusqu'à 8 centimètres de diamètre. Nous ne pouvonsd'ailleurs
mieux faire que de donner le résultat de chacune des
observa¬
tions dont nous avons parlé :
Dans lecasde: Diamètre maximum. Circonférence.
Hannay.... Pas d'indication. 16centimètres.
Luschka. ... — 14 —
Letulle .... — 14 —
Baumet.... — 12 —
Peron... 6 centimètres. 17 —
Stern — 12 —
Greffeth. ... — 15 —
Roots — 16centimètres1/2.
Cognard.... 8 centimètres. 16 —
Handfort ... — 16centimètres.
Bégouin.... 5 centimètres. 16 —
Ainsi qu'on peut le voir, il a été observé des
circonférences
de 17 centimètres comme circonférence maximaet de 12
cenh
mètres comme circonférence minima. Peu de diamètresont
été
donnés. Cognard nous dit que sa malade avait un
œsoph<V
d'un diamètre de 8 centimètres, Peron nous donne
également
une indication de ce genre. Mais il est facile de
savoir que'-
— 17 —
étaient lesdiamètres qui ne sont pasindiqués étant donné qu'on possède la
circonférence. Un simple calcul mathématique arri¬
veraà résoudre le problème. Nous avons trouvé qu'aucun dia¬
mètre n'étaitinférieur à 4centimètres.
Ainsi donc les différents diamètres de l'œsophage dilaté va¬
rient habituellement entre 4 et 8centimètres, leur circonférence
entre12 et 17 centimètres. Ces chiffres indiquent naturellement
les dimensions de l'organe à l'endroit où il est le plus dilaté.
Nous avons dit plus haut que la dilatation était régulière.
C'est le cas leplus fréquent; cependant il n'en est pas toujours
ainsietnous avons trouvé des dilatations légèrement irréguliè¬
res etprésentant un oudeux renflements,une ou deux encoches.
C'est ainsi que Wilks et Roots ont trouvé deux saillies le long
del'œsophage,comme si cet organe était sur le point de former
deux diverticules.
Baumeta, au contraire, observé unedépression siégeant àla partie moyenne. De même, Greffeth a constaté, le long de cette
vastepoche,une encoche qui occupait, dit-il, une place située à
huitpouces de l'extrémité supérieure et à six pouces de l'extré¬
mitéinférieure. Pour cet auteur, l'encoche représentait la situa¬
tionoccupée par l'aorte au niveau de la crosse.
L'œsophage est donc notablement dilaté. Est-il également allongé?Cen'est pas constant; il est des cas oùil a conservé à
peu près sa longueur normale qui, on le sait, est d'ordinaire
dm25. C'est ainsi que Baumet a trouvé, dans le cas dont il a pu¬
blié
l'observation,
une longueurde 0m26.Maisil n'en est pas toujours ainsi. Greffethnous dit, en effet,
avoirconstaté une
longueur de 14 pouces (0m35 1/2). Luschka
avait enfin mesuré un œsophage de 0m46. M. le professeur agrég-é Bégouin a trouvé chez son malade un organe ayant 0m28
delongueur.
Dès lors qu'arrive-t-il? Cet œsophage trop long vient former
sescoudures, siégeant le plus souventau-dessus du diaphragme,
véritables poches rappelant quelque peu l'estomac. Ces poches
Peuventd'ailleurs acquérir des dimensions considérablesetfaire
saillie dans le médiastin.
Rivière 2
— 18 —
On est parfois surpris, comme le dit Greffeth,une fois lacage
thoracique ouverte et avant qu'aucun organe ne soit déplacé, d'apercevoir une masse fluctuante faisant saillie dans la cavité
pleurale. Ce fait n'est d'ailleurs pas constant. Baumet nousdit que ce n'est qu'après avoir enlevé les poumons qu'il a trouvé appliqué surlecôtégauche de la colonne vertébrale l'œsophage
formant un canal considérablement distendu dans toutesa lon¬
gueur.
La poche ainsi formée a, dans certains cas, une contenance considérable. C'est ainsi que Greffeth a constaté qu'elle pouvait
contenirjusqu'à 560grammes de liquide et qu'elle était remplie
de matièresencore nondigérées et d'une odeurrepoussante.
L'aspect extérieur de l'œsophage représente donc, danscecas,
une forme conique très allongée à sommet supérieur et à base reposant sur le diaphgrame. Mais, lorsque l'organe n'a passubi d'allongement, lorsqu'il a conservé approximativement sa lon¬
gueur normale, son aspect est tout différent. Il représenteun véritable fuseau à petite extrémité inférieure et supérieure età
diamètre médian considérable.
Sa surface extérieure ne parait nullement être l'objet
d'une
transformation pathologique, mais, au contraire,
absolument
saine.
Les parois sont parfois d'une épaisseur normale, mais
le plus
souvent elles sont augmentées considérablement. Del le Cbiaje prétend qu'il ne pouvait mieux les comparer qu'à la
couche
musculaire d'une paroi abdominale.
L'examen histologique a été fait plusieurs fois et
notamment
par Letulle qui a constaté la structure normale des
couches de
l'œsophage. Letulle, dans le cas qu'il a examiné, a
également
reconnu l'absence complète de glandes en grappe.
Mais ceci
n'est pas constant et le plus souvent on se trouve en
présence
deparois présentant une structure normale avec
hypertrophie
de la couche musculaire. Cognard enfin a constaté des
lésions
d'un autre ordre.
« Les trois tuniques de l'œsophage, dit-il, sont
infiltrées de
leucocytes, rares dans la muqueuse mais fort
abondantes dans
— 19 -
lacouche celluleuse et plus encore dans les couches musculai¬
res,La couche des fibres horizontales la plus interne est sépa-
réedelacouche longitudinale par un amas de globules blancs,
réunis en foyer. Quant aux fibres musculaires longitudinales,
ellessontcomplètement dissociées, enveloppées de toutes parts
îleglobules de pus, maisnon détruites ».
11setrouvaiten présence de lésionsinflammatoiresévidentes.
La muqueuse de l'œsophage est parfois normale, on ne cons¬
tate, le plus souvent, ni varices œsophagiennes, ni lésions de
quelquenature que ce soit. Mais quelquefois on se trouve en
présenced'ulcérations, comme dans le cas de Baumé. Et alors,
voici les constatations histologiques qui y sont faites. « Les ulcérations montrent un aspect tout à fait typique, commun à toutes les ulcérations simples de l'œsophage, c'est-à-dire non tuberculeuses (il s'agissait d'un sujet mort de lésions tubercu¬
leuses non
douteuses).
La muqueuse est corrodée de la surfaceverslaprofondeur, de sorte que lesbords de l'ulcère sont tail¬
lésquelquepeu obliquement. Les couches épithéliales s'effon- foentetlaissentà nu la couche sous-muqueuse, si riche, on le sait,àl'état normal, en largesvaisseaux veineux. Lamusculeuse l'ela
muqueuse dont l'épaisseur normale est considérable, est normale
encore, à peine hyperhémiée sur les bords de l'ulcé-
^hon,tandis qu'au centre de l'ulcère les cellules musculaires lissessont
dissociées,
corrodées même au point de disparaître totalementen laissant à nu, surune certainedistance, la couchecllulo-vasculaire
et nerveusesous-muqueuse ».
Lextrémité supérieure de
l'œsophagene présente riend'anor-
llld' dans ses
rapports avec les organes voisins; il fait suite,
!dordinaire, au pharynx et se dilate peu à peu pour
rles dimensions que nous avons données plus haut.
Le cardiaest normal, l'examen histologique fait par Letulle
"arien révélé de pathologique. Il est cependantquelquefois un
Peudiminuélll°n decalibre. Certaines observationsnous apprennent
pouvait à peine y passer le doigt. Maisjamais on n'y a
°istaté ds au induration ni de lésion de quelquenature que ce soit,
contraire très souple et absolumentnormal.
Les rapports de l'œsophage dilaté avec
les
autresorganes sont d'ordinaire peu changés. Cependant Greffeth nousditque dans son cas l'œsophage vient faire saillie dansla cavité
pleu¬raledroite,puisunpeuavantsonpassageà travers
le diaphragme
il passe à gauche où il se trouve en rapport avec
la plèvre
gau¬che. « Lorsqu'on insuffle de l'air dans
les
poumons,ajoute cet
auteur, onconstate une large et profonde
dépression du côté de
la cavité pleurale droite et une légère
du côté de la cavité pleu¬
rale gauche ». Ce sont les seuls rapports anormaux que
les
observations publiées nous décrivent.
Telleest,au point devue
anatomo-pathologique, la lésion dont
nous nous occupons. Nous allons
voir comment elle
seprésente
en clinique.
II
SYMPTOMATOLOGIE
Ladilatation cylindrique totale de
l'œsophage
est uneaflec-
tionchronique dont le diagnostic n'a
jamais
étéporté
avec cer¬titude. Cette lésion est plutôt une découverte
d'autopsie qu'une
découverte clinique.
Réunir les signes subjectifs puis objectifs qui se
rapportent à
cetteaffection, tel est le but que nous nous sommes
fixé dans
cechapitre avant d'examiner si avec un peu d'attention
le diag¬
nosticne pourrait pas être établi sur le
vivant.
Mais avant d'entrer dans la descriptiondes divers symptômes
ienousavonsretrouvésdans lesobservationsquenous
produi-
nsplus loin, nous croyons utile de montrer ce
qu'a de vrai
notre assertion du début, à savoir que la dilatation
de l'œso¬
phageest une''affection chronique.
Le malade qui présente lalésion dont nous nous occupons ne
Peut, le plus souvent, attribuer une date exacte au
début de la
maladie.
Lesphénomènes pathologiques qui l'amènent
auprès du
pra¬ticien ont apparu insensiblement et le plus souvent sans cause
connue.
Lemalade souffre longtemps pour mourir
enfin d'inanition,
('ecachexie.
^iCognard
nous a montré une malade enlevée en quelquesjours à la suite de cette affection, c'est qu'il s'agissait
d'une
lésionaigue surajoutée à la première, qui
présentait
commeles
auh'escesigne : la chronicité.
22
Voici d'ailleurs ce que nous révèle l'examen des observations qu'il nous a été possible de nous procurer :
Le malade de: Souffraitdepuis:
Ilannay. . . . Sonenfance; il avait 38ans.
Luschka . . . 35ans.
Delle Ghiaje. Pasd'indication.
LetuIIe.... 3ans1/2.
Baumet. . . . 13 ans.
Peron .... Pasd'indication.
Greffeth . . . Des années.
Roots Son enfance;ii avait 74ans.
Cognard. . . Pas d'indication.
Handfort. . . 5ans.
Bégouin . . . 28 ans.
Enfin, si nous ajoutons foi à ce qui nous est rapporté par
Greffeth, le malade de Purdon souffrait, depuis plus de vingt
ans.
Tels sont les faits qui nous autorisent à dire que ladilatation
de l'œsophage est une affection à allure essentiellementchro¬
nique.
Les signes révélés par les malades eux-mêmes, alors qu'ils
sont atteints de dilatation cylindrique totale de l'œsophage, sont
au nombre de quatre. Ce sont :
1° La sensation de malaise, d'arrêt des alimentsqueles
malades localisent au creux épigastrique.
2° Le vomissement.
3° La rumination.
4° La dyspnée avec accès de suffocation.
1° Cette sensation de malaise, d'arrêt des aliments, que les
malades localisentau creux épigastrique, est un des
premiers
symptômes qui amènent le patient auprès du médecin.
11 semble au malade que les aliments sont arrêtés au-dessus
de l'extrémité inférieure du sternum ; sensation qui détermine
des efforts douloureux et prolongés.
Les malades sont obligés de manger très lentement, de mas¬
tiquer avec soin et de prendre un abondant breuvage avec
cha¬
que bol alimentaire tout en faisant de violents effortscomme
— 23 —
s'ilsavaient à lutter contre un obstaclequ'ils localisent à l'épi- gastre.
Au début de cette affection, cette sensation absolument passa¬
gèrene se montre que pendant le repas; puis, peu à peu, elle persiste plus longtemps pourenfin rester presque continue. Elle
estcependant influencée par les repas, puis par la digestion et
parle vomissement.
Ladouleur, vive pendant lerepas, s'accentued'autantplus que le repas a été plus copieux pour s'atténuer pendant la digestion
sans cependant disparaîtrecomplètement.
Le vomissement soulage le malade immédiatement.
2°Un second trouble de ladigestion quiaccompagne toujours
ladilatation de l'œsophage c'est le vomissement. Rare au début
del'affection, puis plus tard à peuprès constant, il estunecause d'affaiblissement considérable de l'organisme qui le plus sou¬
ventconduit le malade à la cachexie et à la mort.
11nous a paru intéressant de voir cequ'était ce vomissement, quelle était sa nature et celle des aliments rendus.
D'abord, s'agit-il de vomissement proprement dit? « Le vomissement., disent les auteurs, estun acte quasi-physiologique
par lequel les matières contenues dans l'estomac sont violem¬
mentrejetées au dehors ». Or les aliments expulsés ne sont pas contenus dans l'estomac mais bien dans lapoche œsophagienne.
Aous ne voulons pas dire par là que le rôle de l'œsophage
dans le vomissement soit celui d'un tube inerte livrant passage
aux matières expulsées. De même que dans l'acte de la dégluti- hon,il doits'adapter à ses nouvelles fonctions.
Mais ici le mécanisme par lequel s'opère cette expulsion
mérite toute notre attention. Ce n'est paslà, en effet, un vomis¬
sement véritable. L'estomac, les muscles abdominaux n'ont pas 'eur part d'action et ne sont pour rien dans l'acte que nous examinons ici, sauf de très rares exceptions.
Deu de
temps après la déglutition le malade perçoit une gêne
douloureuse,
puis rend des matièresalimentaires plus ou moins U1°difîées et en plus ou moins grande quantité. Et tout ceci se passe sans efforts. Bien mieux, les vomissements paraissentd'autant moins pénibles qu'ils mettent trêve, pendant quelque tempsdu moins, à cette sensation si pénible d'arrêtdes aliments que le malade localise au creux épigastrique et à la dyspnée
dontnous nous occuperons plus loin.
Certains malades paraissent accomplir cet acte sans secousse, à la suite d'une simple expuition, d'une légère quinte detoux,
comme le malade de Rootsqui prétendait n'avoir jamaissouffert.
Rose nous dit que sa malade rendait les aliments qu'elle avait pris chaque fois qu'elle occupait une position couchée. Tous les matins, ajoute-t-il, elle trouvait son oreiller couvert de nourri¬
ture qu'elle avait rendue pendant la nuit.
On le voitdonc, nous nous trouvonsen présenced'un vomisse¬
ment de nature spéciale. Nous n'y trouvons rien de son méca¬
nisme habituel. Ils'agitsimplement de véritablesrégurgitations.
C'est ce que Greffeth appelle de « faux vomissements », ce que l'on désigne encore sous le nom de vomissements œsophagiens.
Quand apparaissent ces vomissements? Les observations ne
nous donnent pas de détails très précis. Parfois, et c'estce qui
arrive leplus ordinairement, les alimentssont régurgitésquelques
instants seulement après le repas, parfois après un temps rela¬
tivement long. Delle Chiaje nous dit que sa malade avait
rendu
des aliments pris quatre jours auparavant. Ce n'estlà
évidem¬
ment qu'une exception.
Quelle estmaintenant lanature des matièresrendues. D'abord
tout le repas est-il rejeté ou reste-t-il au fond de cette
poche
quelques aliments qui seront plus tard envoyés dans l'estomacet permettront ainsi à l'organisme de recevoir des matériaux
utiles à son entretien? Il est probable que c'est cette
dernière
hypothèse qui doit être admise, si l'on songe qu'il estdes
cas,celui de Peron par exemple, où l'état général des
malades
semaintient satisfaisant.
Il est à regretter qu'il ne soit mentionné nulle part
quelle
était exactement la nature des matières rendues. Nous croyons
qu'il ne serait pas inutile de savoir quelles sont les
transforma-
lions subies par les aliments qui n'ont séjourné
qu'un temps
relativement courtdans la poche œsophagienne.
— 25
Nous savons que ces derniers, en arrivant dans l'œsophage,
n'ont étésoumisqu'à l'influence de la salive qui,àl'état normal,
estfranchement alcaline. Une simple manipulation chimique pourrait donc nous faire savoir si ces aliments ont été soumis
àl'influence du suc gastrique qui est acide ou s'ils ont séjourné
seulement dans une poche œsophagienne.
En est-il de même des matières qui n'ont été rendues que
longtemps après avoir été prises? Les recherches faites par les
farsauteurs qui se sontoccupés de dilatation de l'œsophage siégeant au-dessus d'un rétrécissement méritent d'être renouve¬
lées pourles dilatations qui nous occupent. Behier, après avoir
commenté l'observation de Rokitansky concernant une dilata¬
tion del'œsophage siégeant au dessus d'un rétrécissement con¬
génital, dit:« Les matières alimentairescontenues dans ces dila¬
tationsysubissent, quand elles y séjournent, des modifications qu'onacomparées à la digestion stomacale. On y dit que pour satisfaireà ce travail préparatoire de la digestion la muqueuse del'œsophage, dans les portions élargies, présentait une multi¬
plication très grande des glandes dont la sécrétion était consi¬
dérablement augmentée. On a même dit qu'elle était changée dénaturéetqu'ellese rapprochait, par ses qualités, de la sécré¬
tion stomacale. Tout en serappelantque chez les animauxpour-*
vusdunjabot la digestion semblecommencer dans l'œsophage,
selonla
remarque deSpallanzini, on ne peutcependant considé¬
rerleramollissement et la fermentation que subissent les ali¬
mentsdans la poche œsophagienne comme une véritable diges¬
tion>>.
Nousn'avons
pasessayé de faire une étude de ce genre dans
'escasde dilatation cylindrique totale de l'œsophage. 11 est possiblequ'il y ait sécrétion d'un suc nouveau, que l'œsophage
soitlesiège d'unedigestion ressemblant quelque peu à la diges¬
te
stomacale,
mais nous pensons qu'une étude chimique per¬mettraitde différencier cette digestion d'une véritable digestion stomacale.
Un troisième trouble de la digestion que nous n'avons
trouvé mentionné que deux fois, c'est la rumination ou méri-
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cysme. Il était surtout très net chez le malade de Roots, qui, dit
ce dernier, avait toujours été considéré comme un ruminant.
4° Outre ces troubles relatifs à la digestion,il en estunautre, c'est la dyspnée avecaccès intermittents de suffocation. Ce phé¬
nomèned'oppression est undes signes constants de la dilatation de l'œsophage, nous dit Greffeth. Cette sensation est également
influencée par les repas, la digestion et le vomissement.Insigni¬
fianteou nulle après la digestion, l'oppression atteint son maxi¬
mum d'intensité pendant et immédiatement après les repas, surtout les repas copieux, et disparaît complètement après le
vomissement.
Cette suffocation, de même que la sensation d'obstacle au
creux épigastrique, est-elle susceptible d'être influencée parla
nature de l'alimentation?C'est probable, mais rien nevient,dans
les observations, appuyer cette hypothèse.
Tels sont les symptômes qui nous sont révélés parlesmala¬
des eux-mêmes. Voyons, maintenant, ce que nousdonneral'exa¬
men du malade.
Inspection. — L'inspection, même aidée de la palpation, ne
nous révélera, le plus souvent, rien qui nous permette
d'affir¬
mer que nous sommes en présence d'une dilatation de l'œso¬
phage, mais on ne doit pas cependant négliger les renseigne¬
ments que cette inspection nous donnera, ils auront euxaussi
leur importance. Rokitansky, lorsqu'il parle, il est
vrai, de dila¬
tation de l'œsophage siégeantau-dessus d'unrétrécissement
du
cardia, nous dit qu'il a observé une modification de la partie
antérieure du cou, sinoncontinue, du moins très apparente pen¬
dant la déglutition. M. le professeur agrégé Bégouin,
dans le
cas qu'il a observé, atrès bien remarqué que le cou
était nota¬
blement projeté en avant, et la chose était d'autant plus
nette,
qu'il comparait son malade à un sujet sain. « L'examendu
coune donnait, tout d'abord, aucune indication nette, mais en) regardant de plus près, on constatait que la partie
inférieure et
antérieure du cou était plus volumineuse qu'elle
n'aurait du
l'être chez une femme aussi amaigrie; d'autre part
la trachée
était reportée en avant, ce qui diminuait la profondeur
du
cieux
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sus-sternal, enfin, les veines de la base du cou étaient un peu dilatées. Tout cela ne sautait pas aux yeux, mais devenait évi¬
dentàun examen un peu approfondi ». Ce sont certainement là des éléments qui peuvent avoir une très grande valeur pour le diagnostic. Il va sans direque l'inspection, demême que la pal- pation du thorax, ne nous révélera rien d'intéressant.
Auscultation. Percussion. — L'auscultation et la percussion
aurontégalement leur importance. Cette question d'auscultation œsophagienne a étéexaminée pour la première fois par Hambur¬
ger en 1868; puis Elsberg, en Amérique, s'est occupé de la question(1875). 11 dit qu'au cou l'œsophage doit être ausculté
ducôtégauche, en arrière de la trachée, depuis l'os hyoïde jus¬
qu'àla région sus-claviculaire. Le stéthoscope doitêtre appliqué
aumoment de la déglutition. Dans la poitrine, l'auscultation se
fait docôté gauche de la colonne vertébrale de la première à la huitièmevertébrale dorsale. Le stéthoscope ne doit être appli¬
qué que lorsque le malade absorbe des aliments liquides.
D'après Hamburger, on doit percevoir, dans les cas de dilata¬
tion, de gros râles muqueux, de véritables gargouillements.
Greffeth, qui,plus récemment, s'est occupé de la question, pré¬
tend qu'il n'a pas entendu de bruit de glou-glou, mais qu'il a
remarqué une obscurité du murmure vésiculaire du côté gau¬
checomme si, au lieu d'un énorme tube rempli d'aliments, on avaiteu affaire à une pleurésie avecépanchement cloisonné.
Exploration. — Enfin le praticien a, à sa disposition, un moyend'explorer l'œsophage : c'est la sonde œsophagienne.Les résultats de cette
opération seront différents suivant que l'exa¬
men sera fait pendant ou après la digestion. Si l'exploration est
pratiquée lorsque l'œsophagea été vidé, soit par le passage des alimentsdans l'estomac, soit par vomissement, théoriquement la
sondedoitpénétrer librement au travers de l'œsophage jusque dans 1estomac. En sera-t-il toujours ainsi? Certainement non, car souvent la sonde viendra s'engager dans la poche formée
Par1œsophage, trop long, en se repliant surle diaphragme. On
pourrait dès lors être conduit à penser à un rétrécissement de 01§'ane,mais on ne doit pas s'arrêter à une premièretentative;
il faut s'efforcer de voir si l'instrument ne trouve pas ailleurs
une ouverture par laquelle il puisse passer facilement. Toutes
ces manœuvres doivent naturellement être faites avec la plus grande prudence. Durant cette opération, on pourra se deman¬
der si le tube se trouve dans l'œsophage ou dans l'estomac.
Nous ne pouvons que rappeler ce qu'avait remarqué Rose.
« On introduit letube, dit ce dernier, dans l'œsophage. Lors¬
qu'il est arrêté dans ce conduit, les aliments qui y sont conte¬
nus passent au travers du tube et surtout sur les côtés.
La
masse alimentaire rendueestalors de réaction neutre outoutau
plus légèrementacide. Le contenu de l'estomac, au
contraire,
estfranchement acide. De plus, si l'on introduit de l'air dans
la
poche œsophagienne, il s'en échappe immédiatementle long
des parois tandis que s'il avait été introduit dans l'estomac,
il
yaurait été retenu et ne se seraitéchappé au travers du
tube
que lorsque l'estomac aurait été rempli au maximum ».Après l'exploration à vide, une seconde
exploration, faite
comme Roots la pratiquait chez son malade,
c'est-à-dire après
un repas d'épreuve, s'impose. Ce dernier faisait, en
effet,
pren¬dre un repas copieux à son malade et
introduisait la sonde.
Il est évident que si cette sonde est arrêtée à
mi-chemin de
l'estomac, l'obstacle qui n'existait pas avant le repas
doit être
formé par les aliments que le malade vient
d'ingérer. Toute
idée de spasme de l'œsophage doit être éloignée,car
d'ordinaire
la sonde a raison de lui et à plus forte raison si, à
l'aide d
une longue pince ou du panier de Greff, on parvient àretirer quel¬
ques parcelles de la nourriture précédemment
ingérée.
Enfin la radiographie elle-même est
susceptible de donner
des renseignements précieux pour le diagnostic;
c'est pourquoi
elle devra être utilisée.