FACULTÉ
DEMÉDECINE
ET DE PHARMACIE DE BORDEAUXANNEE 1901-1902 H° 47.
DE LA
NEURASTHÉNIE SBNI LE
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
Présentéeetsoutenue publiquementle 8 Janvier 1902
PAR
Louis-Henri-Germain
GRIMAUDNé àSaint-Bonnet (Gard), le 31 Juillet 1874.
MM. PITRES, professeur, Président, ExaminateursdelaThèse•
\ VERGELY,
professeur.MONGOUR, agrégé. ) Juges.
REGIS, chargé de cours.
LeCandidat répondra aux questions qui lui seront faites surles diverse parties de l'Enseignementmedioal.
BORDEAUX
Imprimerie J. DURAND, 20, rue Condillac.
1902
FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
M. de NABIAS Doyen. |
M. PITRES.... Doyen honoraire.
PROFESSEURS :
MM. MIGÉ ,
DUPUY... /
Professeurs honoraires.
Moussôùs" ".11!!'....'.'..!...
Cliniqueinterne.
Clinique externe.
MM.
PICOT.
PITRES.
DEMONS.
, LANELONGUE.
Pathologie et théra¬
peutique
générales. VERGELY.
Thérapeutique
ARNOZAN.
Médecine opératoire..
MASSE.
Cliniqued'accouchements..,.
LEFOUR.
Anatomiepathologique
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Anatomie CANN1EU.
Anatomie générale et
histologie
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Physiologie
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Hygiène
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Médecinelégale.
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AGRÉGÉS EN EXERCICE:
sectionde médecine {Pathologie interneet
Médecine légale).
MM. SABRAZES.
Le DANTE':
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MM. MONGOUR.
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Pathologie externe.
section dechirurgie etaccouchements MM. V1LLAR.
I
Accouchements....
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Anatomie.
sectiondessciences anatomiques etphysiologiques
MM.
GENTÉS,
1 PhysiologieMM. PACHON.
CAVALIE. Histoirenaturelle..
Chimie.
section dessciences physiques M.BENECH. 1 Pharmacie. ..
BFILLE.
. M.
DUPOUY.
COURS COMPLEMENTAIRES
Clinique desmaladies cutanéeset
syphilitiques
...MM. DUBfHGJR
Clinique desmaladiesdes voies
urinaires
* tdu Maladies dularynx, des oreilles etdunezMQURL.
Maladiesmentales '.
^
ttopPathologie externe
Pathologie interne
KO^ ^ "
Accouchements
LIEUX.
Ophtalmologie
LAGRA
Hydrologieet minéralogie
CARLL -„
Pathologie exotique....
LE DaNTEC.
Le Secrétaire de la Faculté:
LEM A1RD^^
Par délibération du 5 août 1879, la Facultéa arrêté que les opinions
émises
Thèsesqui luisont présentéesdoivent êtreconsidéréescommepropres
à leurs a
qu'elle n'entendleur donnerni approbation ni
improbation.
MM.
Physique
BERG0N1É.
Chimie
BLAREZ.
Histoire naturelle....
GUILLAUD.
Pharmacie
FIGUIER.
Matière médicale de
NABIAS.
Médecineexpérimentale
FERRÉ.
Clinique
ophtalmolo¬
gique
BADAL.
Clinique desmaladieschirur¬
gicalesdesenfants
P1ÉCHAUD.
Cliniquegynécologique
BOURSIER.
Clinique médicaledesmaladies
des enfants A.
MOUSSOUS
Chimiebiologique .. .
DENIGÈS.
Physiquepharmaceutique.. .
SIGALAS
fieux.
ANDERODIAS
A MA FAMILLE
A MES AMIS
A TOUS CEUX QUI M'ONT
TÉMOIGNÉ
DEL'INTÉRÊT
A Monsieur M.
PIQUET
Sous-Intendant militaire àBordeaux, Chevalierde laLégion d'honneur.
A Monsieur le Docteur E.
RÉGIS
Chargédu cours
complémentaire des maladies mentales.
Officier
d'Académie.
A MON
PRÉSIDENT
DETHÈSE
Monsieur le Docteur A. PITRES
Doyenhonorairede la Faculté de médecinede Bordeaux, Professeurde clinique médicale.
Chevalier de la Légion d'honneur, Officier de l'Instructionpublique,
Membre associé nationalde l'Académiedemédecine.
Au moment où nous allons
quitter
la Faculté de méde¬cine et où, livre à
nous-même,
nous allons nous lancer dans la mêlée du «struggle for life
», il est de notre devoird'exprimer, dès
lespremières lignes de notre Thèse
inau¬gurale,
nos remerciements à nos maîtres de la Faculté et desHôpitaux qui
ont bien voulu s'intéresser ànous et nous ontappris,
tant par leur science que par leurdévouement
et leurexemple, à
aimer et àpratiquer l'art
de la médecine.Nous sommes heureux de
profiter de
cette occasionqui
nous est offerte pour remercier
particulièrement
M- le docteurRégis, à qui
nous devons l'idée de cetravail, du
bienveillant accueilqu'il
nous atoujours fait
et des excel¬lents conseils
qu'il
nous aprodigués.
Que
M. leprofesseur Pitres,
dont nous sommes fier d'avoir étél'élève,
veuille bien croire à notreparfaite grati¬
tude pour le
grand honneur qu'il
nous a fait enacceptant la
présidence de notre Thèse. Nous emportonsde
son ensei¬gnement
magistral
leplus durable
souvenir.Nous avons une dette de reconnaissance à
acquitter à
1
égard
de M. leprofesseur agrégé Princeteau
dont la grande affabilité nous atoujours touché
;de
M. le docteurDesmartin qui
nous a initié à lapratique médicale pendant
les
quinze
moisqu'il
nous aaccepté
comme sonsuppléant.
Nous adressons un respectueux merci
à
M. leprofesseur agrégé Parisot
pour avoir mis à notredisposition, d'une laçon
siaimable,
les documents que nous lui avonsdemandés.
L. G.
INTRODUCTION
La neurasthénie est une affection très
répandue,
à telpoint qu'on
a étéjusqu'à l'appeler la
« maladie du siècle ».Quoi¬
que
exagérée
cette boutade ne manque pasd'un
certain fond de vérité car lesneurasthéniques
sontlégion
à notreépoque
et il n'est certainement personne
qui n'ait
maintes fois rencontréquelques
uns de ces malades bizarres quel'on
dénomme couramment « des maladesimaginaires
» deshypocondriaques,
quel'on plaint
peu parce quede prime
abord leur mal sembléplutôt
fictif queréel, qui cependant
souffrentbeaucoup
el sont une sourceconstante d'ennuis et dedésagréments
pour leurfamille,
leurentourage, voire
même pour leur médecin.Pourtant,
si la neurasthénie est à l'ordre dujour, si
ellea étéet se trouve encore
l'objet de
nombreux travaux, faut-il croire comme
beaucoup le prétendent, qu'en
notre siècle lesneurasthéniques
soientplus
nombreuxqu'au Moyen-Age
ou aux
temps
anciens ? Nous 11e le pensons pas.Nous
esti- mons aucontraire que de touttemps il
adu
yavoir
desneu¬rasthéniques
engrand nombre,
carquelle
quesoit l'époque
que l'on veuille
considérer,
011 constate queles
condi¬tions
d'existence
de l'homme nechangent guère
et quel'évolution
desindividus
est à peuprès invariable.
Eneffet,
les anciens étaientsoumis aussi bien quenous aux
conséquen¬
ces
perturbatrices
des excès de toute sorte,des
émotions mo¬rales
pénibles,
de l'anxiétéqui s'attache
aux difficultés de lavie,
àl'influence dépressive
de la mise enjeu exagérée
des forcesphysiques,
sanscompter le "
shock " nerveuxproduit dans les
grands
accidents et les intoxications de toutes sortes dont le rôlepathogénique
estdepuis quelque
temps
à peu prèsgénéralement
reconnu. •— 12 -
On pourra sans
doute
nousobjecter que les progrès de la
civilisation moderne, que
cette force irrésistible qui pousse
les individus
toujours de l'avant
versles créations et les
découvertes
nouvelles,
quel'intensité
«du .strugglefor life
», quel'hérédité accumulée,
quel'extension de la tare névro-
pathique ont rendu la neurasthénie plus fréquente en favo¬
risant son
développement (Mathieu). Cela paraît très
vraisemblable. Mais les
peuples anciens tant Hindous qu'Égyptiens, Grecs
ouRomains, etc., n'ont-ils pas eu éga¬
lement leur
période de civilisation et de vie parfois aussi
intensive que
la nôtre ? Ils
nedevaient
parconséquent pas
être
plus
que nousexempts de la maladie de Beard, pas plus qu'ils n'étaient exempts du mal comitial
oude l'hys¬
térie. Ils
manquaient seulement des
moyensd'investigation
clinique dont
nousdisposons; et c'est
parce quenous savons
et pouvons
mieux l'observer
quela neurasthénie nous parait plus fréquente.
Il résulte deces
quelques considérations
quesi le mot de
neurasthénie estrelativementrécent, la
maladie qu'il désigne
n'est pas
nouvelle
:elle est de tous les temps et de tous les
pays.
Allant plus loin,
nousdisons qu'elle est aussi de tous
les
âges de la vie. Cette idée
ne nousest point personnelle, car
nous avons entendu
fréquemment notre excellent maître
M. le docteur
Régis
nousrépéter qu'à côté de la classique
neurasthénie de
l'âge adulte il existe aussi
uneneurasthénie
de la vieillesse. En suivant ses consultations des
maladies
mentales de
l'hôpital Saint-André
nous avons eul'occasion
-d'observer assez
fréquemment des
casde maladie de Beard
chez des vieillards. Ces cas nous
présentaient un tel intérêt
que nous avons
saisi
avecempressement l'offre qui nous a
été faite par
M. Régis d'en faire le sujet de notre Thèse inaugurale.
\ oici le
plan
que nous avonsadopté
:Dans le
Chapitre I
nous faisons unrapide Historique de la
question.
— 13 —
Le
chapitre II
est consacré àl'Etiologie de la
neurasthénie chez le vieillard.Au
chapitre III figurent la Symptomatologie
etles formes cliniques de la
neurasthénie des gensâgés.
Dans le
chapitre IV
nous exposons nosconsidérations pathogéniques
sur la neurasthénie sénile et ses rapportsavecl'artério-sclérose.
Le
Diagnostic fait
lesobjets du chapitre V.
Après quelques
mots sur le Pronostic nousindiquons la Thérapeutique
àsuivre (chapitre VI).
Au
chapitre YJI
sontconsignées les Observations
de la maladie de Beard chez les vieillards.Nous terminons par
l'exposé de
nos Conclusions et parun Index
bibliographique.
CHAPITRE PREMIER
Historique
On a
beaucoup écrit
sur la neurasthénie et celadepuis l'antiquité. Les
auteursqui
se sontoccupés de la
maladie de Beard sont tellementnombreux,
il existe tant de monogra¬phies
surcesujet
quel'on
finit pars'y perdre
et cetteproli¬
xité de
travaux,
cette abondance dedocuments, dont
chacunajoute
à la richessedéjà si grande de
lasymptomatologie de
la
neurasthénie,
n'a pas peucontribué
en voulant faire la lumière à créer la confusion. Cela vient surtout de la tendancequ'ont
les auteurs à groupercertains symptômes,
etles présenter comme des
espèces
nouvelles dans la famille desnévroses,
alors que ce ne sontpoint
des névroses dis¬tinctes,
mais seulement des formescliniques d'une
même névroseplus générale. L'accentuation
même d'unsymptôme
est matière à création d'une forme
particulière.
Sous desdénominations
différentes on a fait bon nombre d'entitésmorbides;
en inventant un nom nouveau, oncroyait
avoirdécouvert
une maladie nouvelle. C'est ainsi queDupeau
a créé sa théorie de « l'Eréthisme nerveux »; — Franck celle de «l'Irritation spinale
» ; Cerise celle « de lanévralgie protéiforme
» ; Bouchut celle « du nervosisme »;—Krishaber celle « de lanévropathie cérébro-cardiaque
»; — Léven celle de la « maladiecérébro-gastrique
» ; — Glénard celle « de 1entéroptose,
» etc.Les
aliénistes
eux-mêmes ayant constatéquelquefois l'éclo—
sion de la neurasthénie chez des
dégénérés
en ont déduit (lue'iedevait
être de leur domaine.— 16 —
Il est un
point cependant
surlequel tous les neuropatholo- gistes semblent être d'accord
:c'est celui de l'âge où
semani¬
feste la neurasthénie. Sauf
quelques très
raresexceptions,
tous sontunanimes à faire de la maladie de Beard
l'apanage
àpeu
près exclusif de l'âge adulte. Ce n'est
quetout récem¬
ment,
ainsi
que nousle
verronsplus loin
en yinsistant, qu'on
aessayé de démontrer
quel'enfance et la vieillesse
•paient l'une et l'autre leur tribut à l'épuisement
nerveux.Il
suffit d'ailleurs de se
reporter
auxprincipales monographies
sur la maladie de Beard pour
constater
queleurs auteurs
: ou bien nientcatégoriquement la neurasthénie chez le vieillard,
oubien,
négligeant d'en signaler l'existence sont muets
surce
point
; oubien, si quelques
uns,très
rares,s'avisent d'en parler, ils le font si timidement
quela chose
passe presqueinaperçue. Et
pour prouver notredire,
nous ne pouvons mieux faire quede fournir quelques citations textuelles.
En 1890
Bouveret, dans
sonimportante monographie inti¬
tulée : « La Neurasthénie » écrit
simplement
: «Le passage
de l'enfance à la
puberté, puis
àl'adolescence
est une causeprédisposante».
« Nous pouvo-ns rencontrer,
dit Bordaries (Thèse de
Bordeaux
1890) dans les lycées
etles écoles primaires
cequ'on appelle la céphalée des adolescents,
nousn'y rencontrons point la neurasthénie. Plus fréquente chez l'homme que
chezla femme c'estentre20 et 50 ans
qu'on la rencontre le plus
communément. »Levillain en 1891 dans son
remarquable travail
surl'épui¬
sement nerveux
s'exprime ainsi
: «L'enfance
etla première
adolescence ne sont
jamais atteintes de neurasthénie. La
forme commune est une maladie de
l'âge adulte et surtout
de
l'âge mûr. C'est
entre 20 et 50 ansqu'elle est le plus
fréquemment
observée »..
Blocq écrit dans
la (lazetledeshôpitaux du 10 avril 1891 :
a On a
signalé des
cas de neurasthéniesurvenant debonne
heure,entre11 et20ans ; mais ces faits sont vraiment excep¬tionnelsetla maladie se
développe de préférence de 25 à 50 ans.
— 17 -
En 1891,
le professeur Grasset disait
au coursde
sesclini¬
ques : «
La neurasthénie peut
semanifester à tout âge; elle
atteint son maximum de
fréquence chez les adultes et
par contre s'observe rarement chez les enfants. » 11 admettrait donc enprincipe l'existence de la neurasthénie chez le
vieillard.
M. le docteur Mesnard
publiait
en1893 dans les Annales de
la
Polyclinique de Bordeaux
ses «Leçons
surla neurasthénie.
» Voici ce que -nous yrelevons
: «La neurasthénie n'est
pasune maladie de tous les
âges;
presqueinconnue dans l'en¬
fance avant 15 ans, elle est moins rare dans la
vieillesse,
mais c'est surtout
pendant la période de la vie acti
vequ'on
l'observe. Une recrudescence defréquence
est à noterchez la
femme au moment de laménopause. Cependant
ontrouve parfois
lespremiers symptômes neurasthéniques dès l'âge de
8 à 10 ans. Généralement la neurasthénie atteint les
sujets
de 20 à 50ans. »
Mathieu
prétend
que «le neurasthénique
estle plus
sou¬vent un homme
jeune
encore de20
à 50 ans. Au dessusde
50 ansla neurasthénie est
plus
rare.On
nedevient guère neurasthénique
à cetteépoque. Mais
onpeut continuer à
l'êtrelorsqu'on l'était déjà.
»D'après
Rauzier(Sein. Méd. 1893)
«la neurasthénie peut
se manifesterà toutâge; elle atteint
sonmaximum de fréquence
chez les adultes et par contre
s'observe
rarementchez les
enfants. »Dutil,
dans le Traité de médecine deCharcot, Bouchard
et
Brissaud
émet cetteopinion
: «C'est
àla période tourmen¬
tée de la
vie,
de 20 à 50 ansqu'on l'observe le plus fréquem¬
ment. Elle est mre
après
cetâge et plus
rare encoreentre la dixième
etlavingtième
année. »Goubaut
écrit dans sa thèseinaugurale
sur «la névrose
cérébro-cardiaque
»(Bordeaux, 1896):
«le plus grand nombre
d
observations
de cette maladie serapporte
àdes
personnes de 20 à50 ans et c'est de 30 à 40 ansqu'elle
estle plus
sou¬vent constatée, »
- 18 -
Gilles cle la
Tourettes,
clans sonopuscule
sur « lesÉtats neurasthéniques
» nesignale point la
neurasthénie chez le vieillard. « Vous l'observerez chez lesadultes,
hommes etfemmes,
chez certainsadolescents;
elle est inconnue dans l'enfance. »D'après Martin (Th. Paris, 1898),
«la
neurasthénie peut se montrer à toutAge
;mais
on l'observefréquemment
entre20 et 50ans; elle est rareaprès 50
ans etplus
rare encore entre 10et 20 ans. »Dorliat
signale
aussi(Th. Paris, 1898) l'existence
d'une neurasthénie à tous lesAges;
mais il le fait trèssuperficiel¬
lement et sans y
insister
: « Aupoint de
vue del'Age la
neu¬rasthénie se rencontre A tout
Age,
mais c'est avant tout unepsychose
del'Age adulte;
c'estenti£ 20
et30
ansqu'elle sévit
avec le
plus
d'intensité. 11 ne faut pasoublier cependant
que certains auteurs ontdécrit une neurasthénie infantile et uneneurasthénie sénile. »
En
1899,
rompant avec la tradition etl'opinion générale¬
ment
admise, Boïadjefî
a démontré dans sa thèseinaugurale, inspirée
par M.Régis,
quela
neurasthénie n'estplus l'apa¬
nage exclusifde
l'Age adulte,
maisqu'elle
peutaussi
se ren¬contrer dans l'enfance. Cette thèse offre cette
particularité
très
intéressante,
c'est queBoïadjefî
apris
pourbase de
son travail sonauto-observation car il étaitlui-même, dit-il,
neu¬rasthénique depuis
saplus
tendre enfance. Il aprouvé
que« la neurasthénie existe et est très
répandue
dans le basAge;
que
les
troublespsychiques
sontgénéralement
lespremiers
symptômes de la maladie, quecl iniquement
laneurasthénie
desenfantsest la même que cellede
l'adulte,
saufqu'elle pré¬
senteune intensité moindredes
symptômes
etqu'elle s'accom¬
pagne d'un
degré, plus
ou moinsmarquée de dégénéres¬
cence, etc. »
Aveccetravail de
Boïadjefî,
la maladie de Beard a donc vu s'étendre le cadre de sapathologie.
Entre,
temps,
M. le docteurRégis
constataitd'après des
observations personnelles et au cours de ses consultations— 10 —
du Mardi à
l'hôpital Saint-André,
quela neurasthénie
pou¬vait atteindre aussi bien la vieillesse que
l'enfance
etl'âge
mûr. Son idée fut confirmée par une
communication de M.
leprofesseur agrégé Parisot, de Nancy, faite
auCongrèsde méde¬
cine de Paris en 1900. Dans cette
communication, M.
Parisot démontre quela neurasthénie
sénile n'estpoint
unesimple
vuede
l'esprit, mais qu'elle existe réellement; d'ailleurs
dansses observations
qui
ontporté
sur centsoixante-quatorze
personnes
âgées de 60
à90
ans,il
apurelever vingt-cinq
cas de neurasthénie.On voit
d'après
cetteesquisse, historique rapide,4que l'étude
de la neurasthénie chez les vieillards est d'une date très récente. Il y a
même
lieu d'êtresurpris
que,s'étant occupé de
la neurasthénie autant
qu'on l'a fait jusqu'à aujourd'hui,
on n'aitpoint songé plutôt
à rechercher l'existence de cette affection chez les gensâgés. A quoi cela peut-il tenir? Voici
sur ce
point
notrehumble avis.Quand
nous avonsentrepris
cetravail
nous avons tout d'aborddirigé
nos recherches documentaires vers les traités des maladies des vieillards. Non seulement dans les raresouvrages
qu'il
nous a été donné deconsulter,
nous n'avons point rencontré d'étude sur la neurasthéniesénile,
maisencore nous avons été très
surpris de voir dans quelle, pénurie d'ouvrages
se trouve lapathologie de la vieillesse. Il
sembleraitqu'à l'encontre
de cequi
aété fait
pourles mala¬
dies de l'enfance on se soit presque
entièrement désintéressé
des maladies
desvieillards.il
n'existe en effet quequelques
rares traités
spéciaux
d'une certaineétendue,
mais aucunouvrage n'embrasse
d'une manièrecomplète les maladies de
la
vieillesse;
en dehors dequelques traités déjà vieux, de quelques thèses,
on rencontre bien parci
parlà dans les
revues on les
périodiques
médicaux un certain nombre d'ar¬ticles
égarés
se rapportant àquelques affections du vieil âge,
mais c'est tout. Nous
espérons
quedans
un avenirplus
ou moins proche cette lacune sera comblée et quel'on
pourra voirfigurer
la neurasthénie à son rangparmi les névroses
séniles dansuntraitécomplet des
maladies des vieillards.CHAPITRE
IIÉtiologie.
Age.
—La première question qui
seprésente
a notreesprit
en abordant
l'étiologie de la
neurasthénie sénile est la sui¬vante : la vieillesse
peut-elle engendrer
parelle-même la
neu¬rasthénie?
M.
Parigot,
trèscatégorique
sur cepoint
optefranchement
pour la
négative;
selon lui « la vieillesse parelle-même
neprédispose
pasà laneurasthénie vraie. »Cependant,
si pardéfinition
la neurasthénie est réellementun
épuisement
nerveux, il'ne nousparaît
pasimpossible
que
l'âge
avancé ne soitsusceptible d'engendrer
cetépuise¬
ment. En
effet,
on sait quephysiologiquement chez
le vieil¬lard la
désassimilation l'emporte
surl'assimilation
;d'autre
part les
modifications
quela
vieillesseimprime
àl'individu
se résument en une
atrophie générale,
commel'a
démontréCharcot
dans ses études sur les maladies desvieillards;
et ce processusatrophique
porte non seulement sur lesmuscles,
le
squelette,
mais sur le cerveau, lamoelle,
les troncs ner¬veux, etc., en un mot sur tous les
organes^Si
ce processusd'atrophie,
cette sorte d'usure par vétusté suit une marchelente,
progressive et enquelque
sorteparallèle
pourchaque
organe,l'individu
finit pars'éteindre
peuà
peudu fait de
la cachexie sénile. Mais si au contraire cetépuisement
se can¬tonne
principalement
dans unappareil
ou unsystème
orga¬nique,
ici le système nerveux pourle sujet qui
nous occupe, cette usure dusystème
nerveux pourraengendrer de la
neu¬rasthénie d'où pourront
touv" à tour dériver
plus tard la
— 22 —
mélancolie
anxieuse,
la démence oud'autres vésanies ainsi-
que nous
le démontrerons plus loin.
Ce processus
crée la neurasthénie sénile d'emblée, primitive,
mais cette même neurasthénie peut encore se
manifester
dans la vieillesse de deux autres
façons
: oubien le vieillard éprouve
à cetteépoque avancée de
savie
unecrise de
neuras¬thénie
qui n'est
quela répétition de crises identiques qu'il
adéjà
euesantérieurement, mais d'une façon intermittente et
avec des intervalles desanté
parfaite
oubien la neurasthénie
sénile ne sera que
la continuation
pureet simple d'une
neu¬rasthénie
chronique ayant débuté
àl'âge adulte
oumême
dans l'enfance et J.-J.
Rousseau,
sibien étudié
ces temps derniers parM. Régis,
en est untype frappant.
Hérédité. — On connaît le rôle que
joue l'hérédité dans l'étiologie de la neurasthénie infantile
etdans celle de l'adulte,
quecette
hérédité soit dite similaire
oubien de transformation
et constitue ce
qu'on appelle la prédisposition, le tempéra¬
ment nerveux héréditaires. De
prime abord, il peut paraître singulier
queles manifestations héréditaires de la neurasthé¬
nie attendent la vieillesse pour se
produire,
car1'iniïuence de
l'hérédité semblerait devoir s'atténuer avec les années.
«
Or,
il n'en est rien, dit M.Régis,
etla clinique'nous
montre que
l'hérédité attend parfois le déclin de la vie avant
de se manifester.
« On sait
déjà
quepareil
à cestuberculeux séniles qui
voient successivement mourir toute leur descendance
avant
d'être emportés à
leur
tour, certains individus nedeviennent
aliénés que
plus
oumoins longtemps après leurs enfants.
' « On sait aussi que
c'est
seulement àl'âge critique et sous
l'influence de son action
perturbatrice
surl'organisme que
certaines femmes héréditaires sont
prises de folie.
»« On sait enfin que chez les
dégénérés des lésions céré¬
brales
multiples produites
parl'âge,
peuventdevenir la cause
déterminante de délires ordinairement
proportionnés à l'affai¬
blissement intellectuel.
— 23 —
« Ces faits
qui
sont horsdedoute,
établissentquel'hérédité
.peut encore exercer son action au-delà de
l'âge
mûr lors¬qu'une
cause occasionnellepuissante,
vient stimuler soninfluence latente. »
De même les manifestations héréditaires de la neurasthénie peuvent se
produire tardivement,
alors quel'homme
mûr est devenu un vieillard. Il y alieu,
eneffet,
dedistinguer
dans la vieillesse deux sortes d'hérédité: l'unetransmise,
l'autreacquise.
Lapremière
formequi, selon
M.Régis, prend
sa source dans différentesdiathèses,
notamment dans lesnévroses,
lespsychoses, l'alcoolisme, l'arthritisme,
lasyphilis,
dans un état dedégénérescence
dontpouvaient
être affectés les parents ou lesancêtres,
peutdemeurer longtemps
à l'état
latent,
attendant une occasion ou des circonstancesfavorables
pourprovoquer
le développement
de lamaladie, circonstances qui
peuventn'apparaître
que très tardivement.Mais cette
prédisposition
à la neurasthénie peut encore sedévelopper accidentellement
chezun vieillard antérieurement sain aupoint
de vue dusystème
nerveux. Ainsiqu'on l'a dit,
« on hérite de soi-même » et selon Brochin « à côté du
tempérament natif,
il faut considérer letempérament acquis, qui dépasse parfois
ensusceptibilité
toutceque peutatteindre
le
tempérament originel.
» C'est letempérament
quel'on
seformeles
depuis
lajeunesse d'après les
circonstancesextérieures, impressions bienfaisantes
ounéfastes,
les influences de• toute nature
qui
nousassaillent dans le cours de la vie.Sexe. —
D'après
M.Parisot,
chez levieillard,
le sexeféminin
paraîtplus
prédisposé
à la neurasthénie quele
sexe masculin. Il relèved'après
ses observations un taux dedix-huit femmes
âgées neurasthéniques
sursoixante-trois,
et de neufhommes neurasthéniques
surcent onze. La conclusiona tirer de ces
derniers chiffres, ajoute-t-il,
est quela
neuras¬thénie féminine
est tenace etdisparaît
difficilement avec les anset quemême les femmes exemptes de la névrosepétulant
1
adolescence
etl'âge
adulte y sontplus sujettes,
une fois- 24 —
arrivées à la vieillesse, que
les hommes. Cette particularité s'explique facilement, croit-il,
parla conservation prolongée
de
l'impressionnabilité morale de la femme. Chez le vieillard
les sentiments affectifs s'émoussent bien souvent, et avec eux
disparaît toute
unesérie de
causesde perturbations ner¬
veuses. .
Nous ne
prétendons
pascontester l'opinion de M. Parisot,
mais
d'après les observations
que nous avonsrassemblées,
nous relevons sur un total de
vingt-six
casde neurasthénie
sénile,
douze neurasthéniques hommes, et quatorze femmes.
Malgré cette différence,
nous croyons queles deux sexes peuvent être chez le vieillard également atteints d'épuisement
nerveux,et que
les statistiques n'ont,
commetoujours, qu'une
valeur très
relative;
chezl'un
etl'autre
sexe,certaines
causesde la maladie de Beard sont
différentes, mais
autotal le
nombre est à peu
près le même.
Surmenage intellectuel et moral.
—Le
surmenageintellectuel
qui joue
unrôle important dans la neurasthénie de l'adulte
ne
paraît plus avoir qu'une valeur étiologique secondaire
chez le vieillard. Ce n'est
plus l'âge des
examens,des
concours, des
efforts de
toutes sortes pourarriver à
secréer
unesituation, à
s'assurer
unavenir.
Mais il n'en est
plus de même du
surmenagemoral. La
neurasthénie
peut survenir fréquemment chez le vieillard à
lasuite de
chagrins, d'anxiété prolongée, de pertes d'argent,
de
déceptions de
toute nature,de
reversde fortune, qui d'un
rang
élevé font déchoir jusqu'à la misère; la maladie et la
mort de
proches
parents,de l'un des époux, des enfants,
ont souvent une influence de ce genre;
tout
seréunit pour
amener la
dépression
nerveuse,les fatigues, les angoisses
provoquées
parla maladie
etenfin la perte de l'être aime
après
unepériode plus
oumoins longue de surmenage physique
etmoral. (Mathieu.)
La neurasthénie n'est pas rare
chez les
gensâgés à qui
la
politique sourit
encore et quel'ambition
expose ausurmç-
— 25 —
nage
du
corps etde l'esprit, doublé
depréoccupations
morales excessives du sentiment de la
responsabilité
et defréquentes déceptions.
La peur peut être une cause de neurasthénie chez le vieillard.Elle
agit
à lafaçon
d'une sortede traumatismequi,
comme letraumatisme
physique
peutdonner
naissance à la neurasthénie pure ou à la combinaisonhystéro-neurasthé- nique.
•
Surmenage génital.
— On a incriminé chez l'adulte lesurmenage génital
comme causepossible
de la neurasthénie.On sait, en
effet,
queles
abus sexuelsproduisent
chez ceuxqui
y sont portés un étatneuritique
passager, quela persis¬
tance de ces abus peut rendre définitif. A
plus forte
raison les excitationsexagérées
de lasphère génitale,
doivent-elles avoir chez le veiIlard un retentissement néfaste. Il est évident que chez les personnesâgées l'incitation génésique
parle
coït ou la masturbation se fait
plus difficilement;
à celas'ajoute l'élimination plus pénible
de l'humeurspermatique
dont la
déperdition
incessanteparaît être particulièrement
funeste à laréparation
de la force nerveuse.(Bôuveret.)
Ménopause.—
Laménopause
a-t—ellequelque influence
surla neurasthénie?
L'âge critique, dit Souleyres,
peut être lepoint dedépart
d'une foule de perturbations dusystème
nerveux.
Barié,
dans sa thèseinaugurale,
nousapprend
que les troubles lesplus fréquents
de laménopause
sont destroubles
nerveux.D'après
Bouchut «l'âge critique
ou deretour,
autant par le"changement qu'il
apporte, à la vie dequelques
femmesqui
vieillissent et cessent d'être entourées quepar le faitde la cessation desrègles,
est souventl'origine
de
l'état
nerveuxchronique.
» « Etvraiment,
ditChahinian,
" est-il pas
péniblepour
ces femmesqui
onteu lesplus beaux
succès de voir leurs charmes
disparaître
tous lesjours,
dedescendre
cepiédestal
que leur avaient élevé des milliers3
— 26 —
d'adorateurs, pour
être reléguées dans l'oubli comme un
meuble inutile que
la société rejette avec dédain.
« Cemiroir où elles se
contemplaient autrefois
avectant de
satisfaction ne leur montre
plus
quedes ruines et leur
arrache des larmes de
dépit. Un désir, celui de plaire, qui a
dominé dans leur enfance et leur
jeunesse, qui
afaçonné en quelque sorte leur organisme, qui a créé des habitudes
profondes,
untel désir lorsqu'il doit succomber, humilié et
vaincu, devant les déceptions cruelles d.e la réalité, et lorsque
la vie compte encore
de longues années, est une source de
bien cruelles souffrances.
« Les modifications
qui s'opèrent dans l'être moral de la
femme travaillé par
la ménopause sont très évidentes. La
mauvaise
réputation dont jouissent les belles-mères n'a pas
d'autre
origine, c'est l'opinion de Bail qui la justifie pleine¬
menten faisant remarquerque vers
cinquante ans, beaucoup
de femmes ont uncaractère
insupportable.
»Chahinian
signale aussi l'érotisme de la ménopause,
comme cause de la neurasthénie. «
Aux approches de la
ménopause, des femmes qui jusque-là avaient des instincts
érotiques modéfés et qui même avaient de l'indifférence pour
les
rapports sexuels, sont parfois surmontées par des exci¬
tations
génésiques violentes, insupportables que le séjour au
lit
augmente quelquefois; mais d'autres fois elles se font
sentir
pendant le jour
endehors de toute provocation exté¬
rieure,
de tout entraînementde l'imagination, dans les
circonstances mêmes
qui sembleraient devoir écarter ces
aberrations sensitives. C'est au milieu de leur
famille, de
leurs enfants, debout, en
voiture,
aumilieu d'étrangers que
ces sensations irrésistibles,
viennent chercher les malades
accompagnées
ousuivies d'impressions voluptueuses. Ces,
espèces de pollutions féminines fatiguent les malades, les
épuisent
et sonthabituellement accompagnées de
.troubles
névropathiques.
»Affection utéro-annexielle.
—Chez les femmes âgées, ut-
— 27 -
teintes de lésions
chroniques de l'utérus
et de ses annexes, la neurasthénie estquelquefois observée.
«Quoi
d'étonnantqu'elle apparaisse dans
les conditions où tout se réunit sou¬vent pour susciter les
névropathies. Les
douleursrépétées, parfois
unelongue réclusion,
les ennuis de toute sorte quecréent,
à unefemme, l'existence
et la conscience d'une infir¬mité
sexuelle;
tout cela est bien fait pour amener le décou¬ragement,
la dépression
et pourl'appeler
par son nom,la
neurasthénie. »(Souleyre.)
Traumatismes. — La
neurasthénie, dit
M. leprofesseur Pitres,
peutsurvenir à la suite degrands ébranlements
trau-matiques.
Tous les auteursqui
ont étudié leRailway Spine,
le
Railway Brain
ontlonguement insisté
surl'espèce de
névrose anxieuse
qui s'empare des
malades. Chez levieillard,
le traumatisme de
quelque
nature,qu'il soit, quel
quesoit
son
siège
sur le corps,quelle
quesoit
sonintensité,
peut produirel'apparition
de la neurasthénie isolée, ou bien dephénomènes
purementhystériques,
ouplus fréquemment,
d'une association des deux névroses,
l'hystéro-neurasthénie- traumatique.
Intoxications.
— Nous en sommes arrivé à unepartie très
importante,
laplus importante,
selon nous, del'étiologie de
la neurasthénie sénile : nous voulons
parler de
l'influence desintoxications,
des infections soitaiguës,
soitchroniques
sur cette
affection.
Mlle
Kascheperov prétend,
et avecraison,
quele fonction¬
nement
exagéré
du système nerveux est une source d'intoxi¬cation. En
effet,
cefonctionnement
anormal provoque unaccroissement
des déchetstoxiques. Ces
déchets entraînés dans desorganes
déjà affaiblis,
soitsimplement
parle fait
de
l'âge,
soit par l'association de la sénilité etd'uneprédispo¬
sition morbide
héréditaire
ouacquise,
créent dés altérations de cesorganes et les rendent
impropres
à unedépuration
complète.
11 en résulte donc une auto-intoxication consé-— 28 —
cutive
qui, à
sontour, retentit
surle système nerveux qu'elle
déprime, qu'elle épuise
:d'où, conséquemment, l'apparition
de
phénomènes neurasthéniques.
A côté de cette
auto-intoxication du système
nerveux, d'autres intoxications,plus sérieuses, celles-là peuvent,
con¬duire le vieillard à la
neurasthénie; c'est
cequi
seproduit
chez les
alcooliques. L'alcoolisme aigu, mais surtout l'alcoo¬
lisme
chronique, prédispose le vieillard à l'épuisement
nerveux. Et,
d'ailleurs, n'est-il
pasdémontré, d'une façon
absolue, que
l'alcoolisme est
undes facteurs les plus impor¬
tantsde
l'étiologie névropatliique ?
En dehors des
intoxiqués alcooliques, il
y ales grands
fumeurs, les
morphinomanes ainsi
queles hommes et même
les femmes
qui, aujourd'hui, de plus
enplus nombreux,
usent et abusent de l'éther, du
chloroforme, de la cocaïne.
Certaines autres intoxications,
dites professionnelles, celles
par
le plomb, le
mercure,le sulfure de carbone peuvent
aussi, à une
échéance plus
oumoins longue, engendrer des
trouh les né
vrosiqu
es.A ces
intoxications,
on peutjoindre les intoxications d'ori¬
gine alimentaire, fort bien étudiées
parM. Huchard. Selon
lui, l'alimentation carnée, l'alimentation
avecdes viandes
faisandées,
peucuites, de mauvaise qualité
versedans l'or¬
ganisme
ungrand nombre de ptomaïnes qui, incomplète¬
ment éliminées,
produisent des effets toxiques.
Ces accidents
toxiques
setrouvent,
enoutre, favorisés chez
le
vieillard,
par unétat d'élimination insuffisante dû à l'âge,
qui,
enretenant dans l'organisme
ungrand nombre de pro¬
duits de déchets peut
devenir
une causede la névrose neu¬
rasthénique.
Maladies
infectieuses.
—D'une façon générale, le résultat
commun des maladies infectieuses
aiguës, est de perturber,
d'ébranler le
système
nerveux,d'appauvrir la constitution et
d'abaisser le niveau des forces
organiques, toutes conditions
éminemment favorables aux troubles
névropathiques. Le
- 29 -
vieillard n'est pas
moins
quel'adulte apte à
ensubir le
contre¬coup.
C'est,
eneffet,
cequi
seproduit dans la grippe, mala¬
die essentiellement
déprimante
etdans laquelle le système
nerveux est
particulièrement frappé
commesi le poison grippal avait
pourlui
uneaffinité
élective. Demême,
lepaludisme
peut, à toutes sespériodes donner,
chez levieillard,
naissance à laneurasthénie,
et l'héréditénévropathique
peut aider àdiriger,
sur lesystème
nerveuxseul, l'influence
nocive de la malaria.
La vérole,
plus qu'aucune
autreaffection,
est faite pour produire des accidents nerveux chez le vieillard aussi bien que chez l'adulte ; c'est la maladie débilitante parexcellence;
c'est,
comme disaitRicord,
« un branle-basgénéral qui
secoue l'économie. »
C'est,
deplus,
une maladiequi effraie
etqui
attristephysiquement
commemoralement; la syphilis
a donc tout ce
qu'il faut
pourproduire la
neurasthéniechez les gensâgés.
Artériosclérose. —
Puisque la neurasthénie
sénile reconnaîthabituellement
uneorigine toxique
ouinfectieuse (arthri- tisme, syphilis, alcoolisme,
maladiesinfectieuses,
surmenage,émotions, etc.),
elle peutêtre
considérée en dernièreanalyse,
selon M.
Régis,
« comme un étatd'épuisement organique
produit par un trouble de la
nutrition,
avec élection sur le système nerveux.Or,
l'artério-sclérose dérive exactement, cela estacquis,
de la même source, de sortequ'on
est en droit de se demander si l'une ou l'autre ne sontpoint
sous ladépendance
d'une cause commune etprimordiale
: le trouble de la nutrition. Dèslors,
il ne semblerait pasimpos¬
sible (pie ces deux
affections aient entre elles certains rap¬
ports
d'influence.. C'est,
eneffet,
cequ'a démontré
M.Régis,
en
1895,
auCongrès
de Médecinede Bordeaux : « A côté de la neurasthénienévrose,
disait-il à cetteépoque,
on apublié
ces
dernières années,
des faits de neurasthéniepréorganique
(Levillain, Ballet),
des. cas de neurasthéniesyphilitique
(Fournier).
De moncôté, j'ai observé plusieurs faits,
sem¬blant
démontrer
quela
neurasthénie est souvent liée àl'artéro-sclérose. Ce
qui prouve" le bien fondé de cette
asser¬tion,
c'est
quesi l'on suit longtemps
cestypes de
neu¬rasthénie on constate
qu'ils finissent absolument
comme les artério-scléreux,c'est-à-dire
quela mort survient chez
eux, du
fait de
leurslésions viscérales organiques (néphrite, apoplexie, ramollissement). La coexistence de la neurasthénie
et de l'artério-sclérose est, encore selon M.
Régis,
non seu¬lement
possible, mais fréquente
et pourdire vrai,
cesdeux syndromes sont
nonseulement souvent
enrapport de coexis¬
tence,
mais
encore en rapportd'influence, si bien
quedans beaucoup de
cas,l'état neurasthénique n'est
pas unesimple
névrose, une maladie
imaginaire, mais l'expression d'une
altération
organique,
enparticulier de la sclérose artérielle.
Darroux a étudié dans sa thèse, les rapports
de la
neuras¬thénie et de l'artério-sclérose. 11 endéduit que
la neurasthénie
se rencontre très
fréquemment chez des sujets artério-sclé¬
reux, et elle se manifeste alors par
des symptômes qui sont
d'autant
plus accentués
queles lésions artérielles sont elles-
mêmes
plus
avancées.D'après lui,
cesdeux affections ont de
nombreux
points de ressemblance dans leur symptologie et
leur
pathogénie
;elles
ontaussi
uneétiologie
communeet le
traitement est le même. Sans aller
jusqu'à prétendre
queces
deux états morbides ne peuvent
aller l'un
sansl'autre,
Darroux est d'avis
qu'un grand nombre de neurasthéniques
ne doivent la franche manifestation de leur
névropathie qu'à
ce
qu'ils
sontdéjà des artério-scléreux.
Puisque l'influence
de l'artério-sclérose sur laneurasthé¬
niea été démontrée chez
l'adulte,
àplus forte raison cette
influence doit-elle se faire sentir chez le vieillard. En
effet
personne,
aujourd'hui,
ne conteste quel'artério-sclérose ne
soit le
stigmate de la
sénilité. Bienplus, il
y aréciprocité de
rapports entre
la
vieillesse et la sclérose artérielle.On peut
être artério-scléreux parce
qu'on
estvieux et inversement
on peut
être vieux
avantl'âge, du seul fait qu'on est artério-
scléreux, et ce mot de Cazalis demeure
toujours vrai
: «On a
l'âge de
ses artères. »— 31 -
Telle est
l'étiologie de la neurasthénie sénile. Toutes les
causes que nous avons
exposées,
peuvent se ramener ender¬
nière
analyse à l'artério-selérose, laquelle n'est
quela résul¬
tante
générale des divers
processusmorbides qui assiègent l'organisme. Cela
ne veutpoint dire
que tousles vieux
artério-scléreux deviennent fatalement
neurasthéniques
; niais la neurasthénie choisit, depréférence
pourvictimes,
des artério-scléreux
qui
ont uneprédisposition névropathi-
que
quelconque, soit héréditaire, soit acquise. C'est ainsi
que,sur 174 vieillards
examinés,
tousartério-scléreux,
M. Parisota pu trouver
vingt-sept
casde neurasthénie sénile, soit
un taux d'environ 150/0. 11
estd'ailleurs
nettement démontré queles
artério-scléreux sontprédisposés d'une façon parti¬
culière,
auxintoxications,
et l'on sait combien lesystème
nerveux est sensible aux agents
toxiques;,
unexemple bien frappant
est c&lui des délires d'intoxicationspost-opératoires.
On a constaté, en etîet que,
si
cesdélires
peuventsurvenir
aprèsdesopérations
graves,ils acquièrent
unegravité parti¬
culière après
l'opération bénigne de la
cataracte,laquelle affection,
n'est autre quele
résultat d'un processusde sclé¬
rose localisée au
cristallin,
maisdépendant d'une sclérose
plusgénérale,
l'artério-selérose.CHAPITRE
III
Sympton\atologie
—Formes cliniques
On rencontre dans la neurasthénie de la vieillesse à peu
près
tousles symptômes de la neurasthénie de l'âge adulte.
Disons
cependant dès maintenant
qued'une façon générale
lesmanifestations
neurasthéniques
sontbien moins éclatantes
chez le vieillard que
chez l'adulte. C'est peut-être là
une causequi fait
quela neurasthénie
duvieillard
adû
être souvent méconnue, « Si lesneurasthéniques adultes, dit M. Parisot,
n'ont pas
besoin
d'êtreprovoqués
pourexhaler leurs plaintes
avec une
loquacité vraiment caractéristique, il n'en
est pas ainsi chez le vieillard dont il fautdépister la névrose,
»Quels sont donc
d'après leur ordre d'importance et de fré¬
quence les
principaux symptômes de la maladie de Beard
chez le vieillard ?
Céphalée
—Lacéphalée
estunsymptôme
quel'on rencontre constamment, 2(>
fois sur 27d'après M. Parisot, et à des degrés
d'intensité variable chez le vieillardfrappé de
neuras¬thénie. Cette
céphalée
peutrévêtir la forme
en casqueselon
le
type
décrit par Charcot. « Habituellementfrontale,
rare¬ment
occipitale,
tantôtlancinante, tantôt gravative où
cons-trictive,
elles'accompagne d'hyperestlïésie du cuir chevelu
bu sommet de la tête ; les vieillards
qui ont déjà éprouvé
cette
céphalée pendant
leurjeunesse la reconnaissent et la différencient
très bien des autres maux de tête. »(Parisot).
A noteraussi
quelquefois
desbattements
douloureuxdans la tète,
chacun d'euxcorrespondant
à unepulsation cardiaque.
On ne rencontre pas