Enoncé A1752 (Diophante)
Pioché dans un manuscrit de Fermat
Q1 Si l’on ajoute 1 à ce nombre premier pet à son carrép2, on obtient les doubles de deux carrés parfaits. Déterminerp et prouver qu’il est unique.
Déterminer le plus petit entiera >1 qui donne les doubles de deux carrés parfaits lorsqu’il est ajouté à un nombre premier q et à son carréq2. Démontrer qu’il existe une infinité d’entiers positifs distincts tels que cha- cun d’eux ajouté à un nombre premier et à son carré donne les doubles de deux carrés parfaits.
Q2 Si l’on ajoute 1 à cet entier positif n >1 et à son carrén2, on obtient les doubles de deux carrés parfaits. Déterminer les valeurs possibles de n . . .comme l’a fait Fermat.
Solution de Jean Moreau de Saint-Martin
Question 1
Je prends cette question par la fin. Soientaetp premier tels que a+p= 2x2,a+p2= 2y2.
Alorsp(p−1) = 2(y2−x2) = 2(y−x)(x+y).
p = 2 ne convient pas (x2 et y2 seraient deux entiers consécutifs, d’où x= 0). Doncp est impair, une des façons de satisfaire la condition est de prendrep=x+y, (p−1)/2 =y−x,x= (p+ 1)/4,y= (3p−1)/4, avec pde reste 3 modulo 4. Alors a= (p2−6p+ 1)/8.
Il existe une infinité de nombres premiers p de reste 3 modulo 4, d’où on tire une infinité d’entiers a ayant la propriété de l’énoncé. Les premières valeurs positives deasont 1, obtenue avecp= 7, et 7, obtenue avecp= 11.
Je ne prétends pas que les valeurs a= (p2−6p+ 1)/8 soient les seules.
Mais pour ce qui est des petites valeurs, on vérifie que p= 5 ne convient pas etp= 3 conduit àa=−1.
Remarque.a+ 1 est aussi un double carré, celui de (p−3)/4.
Question 2
Ecrivant les nombres en base n, les doubles carrés sont écrits 11 et 101, et leur produit 1111 est un carré parfait. On a vu dans le problème A581 que les solutions sont n= 1 etn= 7. A son habitude, Fermat a énoncé ce résultat sans en donner de preuve. En voici une.
Lemme TRN (Euclide ?) : Si a2 =b2+c2 (a, b, c entiers positifs), il existe d, p, q entiers, p etq premiers entre eux de parité contraire, avec
a=d(p2+q2), betc sont l’und(p2−q2) et l’autre 2dpq.
Preuve : (a+b)/c=c/(a−b) =p/q fraction irréductible entraîne (p2+q2)/a= (p2−q2)/b= 2pq/c= 1/d.
Alors (a+c)/b = b/(a−c) = (p+q)/(p−q), donc l’échange de b et c permet d’obtenirp etq de parité contraire.
TRN comme “triangle rectangle en nombres”, terminologie de Fermat pour un triangle rectangle à côtés entiers.
Théorème 1 (Fermat) : l’aire d’un TRN n’est jamais un carré.
Preuve : s’il en existait, le plus petit aurait pour côtés p2+q2, p2−q2,2pq et pour aire pq(p+q)(p−q). C’est un carré seulement si chacun des 4 facteurs est un carré. Les entiers 2√
p,√
p+q+√
p−q,√
p+q−√ p−q, sont les côtés d’un TRN d’aireq, carrée, plus petite que celle du plus petit : contradiction (“descente infinie” de Fermat).
Théorème 2 (Fermat) : Les équations x4 −8y4 = 1, u4−2v4 = 1 sont impossibles en entiers >0.
Preuve : supposons x4−8y4 = 1 ; (x2+ 1)/2 et (x2−1)/4 sont premiers entre eux et de produit y4, ce sontu4 etv4 vérifiant doncu4−2v4 = 1.
(u2+ 1)/2 etu2−1 sont premiers entre eux et de produit v4, ce sontz4 et 16w4 caru est impair, vérifiant doncz4−8w4= 1.
z < u < x montre qu’il n’y a pas de plus petite solution, donc pas de solution (descente infinie).
Théorème 3 (Fermat) : Six2−8y4 = 1,x= 3.
Preuve :x+ 1 etx−1 de produit 8y4 sont sans facteur commun autre que 2, soit l’un 2u4 et l’autre 4v4, avec u4−2v4 =±1.
u4−2v46= 1 (théorème 2), 2v4 =u4+ 1,
(v2+u)2+ (v2−u)2 = 2v4+ 2u2= (u2+ 1)2, ce sont les côtés d’un TRN d’aire (v4−u2)/2 = (u2−1)2/4, carrée.
Par le théorème 1 u > 1 est impossible, il faut u = 1, puis v = 1 = y, x= 3.
Théorème 4 (Fermat) : Six4−2y2 = 1,x= 1.
Preuve : (x2+ 1)/2 etx2−1 sont premiers entre eux et de produit y2, ce sont des carrés maisx2−1 et x2 sont des carrés entiers consécutifs.
Théorème 5 (Fermat) : Supposonsn+ 1 = 2y2,n2+ 1 = 2z2. Alorsz2 =y4+ (y2−1)2, ce sont les côtés d’un TRN.
• Si y est pair, y2 −1 = p2 −q2, p pair, q impair, y2 = 2pq, y = 2uv, p= 2u2,q =v2,
1 =y2+q2−p2= (v2+ 2u2)2−8u4.
Par le théorème 3u= 1, v2+ 2u2= 3, y= 2,n= 7.
• Si y est impair, y2 = p2 −q2, p, q, y sont côtés d’un TRN, p impair
=u2+v2,q pair = 2uv,
y2−1 = 2pq, 1 =p2−q2−2pq= (u−v)4−2q2. Par le théorème 4q = 0, p= 1 =y,x= 1.