• Aucun résultat trouvé

MAN, L'ILE AUX TROIS JAMBES

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "MAN, L'ILE AUX TROIS JAMBES"

Copied!
9
0
0

Texte intégral

(1)

MAN,

L'ILE AUX TROIS JAMBES

« Sur cette île de soleil, de vacances, de fleurs, de poésie, existe un casino, le seul et unique en son genre dans le... ouvert tous les jours, même le dimanche, jusqu'à cinq heures du matin !

Les points de suspension suivant : « dans le... » sont de moi.

Car, devinette : dans quel pays se trouve cet établissement de jeux qui, circonstance aggravante, fonctionne d'un bout à l'autre de la semaine ? Inutile dç chercher, vous ne trouveriez pas. La réponse bouscule en effet toutes les idées reçues puisqu'il s'agit, cramponnez-vous ! du Royaume-Uni, de la Grande-Bretagne. Plus exactement : de cette portion minuscule, portion tout de même, du Royaune-Uni, de la Grande-Bretagne, qu'est l'Ile de Man.

Ile bien connue des amateurs de mots-croisés : « En trois lefc-, très, dans la mer d'Irlande ». Bien connue aussi des amis des chats, puisque Man a donné naissance à une race de matous sans beauté particulière, mais totalement privés de queue. Bien con- nue également des sportifs, à cause des courses de vélos et de motos qui s'y disputent chaque année. Mieux connue çncore des , Britanniques d'Angleterre, d'Ecosse, du Pays de Galles, d'Irlande du Nord qui, à la cadence de 500 000 environ, s'y rendent chaque année depuis près d'un siècle pour y boire, jouer, se détendre, échapper aux restrictions les frappant dans leurs contrées respec- tives — et qui n'en reviennent pas du bonheur dont jouissent leurs compatriotes mannois, qui ne paient que des impôts réduits et ignorent totalement les droits dç succession. Pour être complet, il convient d'ajouter que le charme de l'île justifie pleinement les termes de l'annonce précitée. Quant au soleil, je dirai pourquoi à la fin de cet article, il brillera bientôt à Man de janvier à dé- cembre, sans interruption.

(2)

MAN, L'ÎLE AUX TROIS JAMBES 36$

A distance à peu près égale de Belfast et de Liverpool, mais plus près du Canal du Nord que du Canal Saint George, une terre de 570 kilomètres carrés, en forme de feuille de laurier, abrite donc une population de quelque 50 006 £mes, hommes, femmes et enfants, comptant parmi les plus heureux du monde et qui se répartissent, quelques villages mis à part, entre des villes telles que Douglas, la capitale, Castletown, Port-Erin, Port-Saint-Mary, Peel et Ramsey.

Qui sont ces Mannois, ou ces Manxois, comme ils s'appellent eux-mêmes ? Des Britanniques à part entière mais dotés de pri- vilèges spéciaux. D'où viennent-ils, et pourquoi ces privilèges ? C'est là une longue histoire.

Des fouilles ont prouvé l'existence d'êtres humains aussi évolués qu'ils pouvaient l'être aux époques préhistoriques sur l'île de Man.

Puis, du temps de Saint Patrick, survinrent des moines mission- naires. D'où, peut-être, une certaine immigration irlandaise. Au

IX* siècle, bien des brumes se dissipent : les Vikings envahissent l'île, s'y installent, colonisent et, au XII* siècle, l'île de Man joue un rôle considérable dans les relations plus ou moins cordiales existant alors entre l'Angleterre, elle-même conquise par les hom- mes du Nord, et l'Ecosse. On peut donc dire les Mannois d'au- jourd'hui descendants de Celtes et de Vikings.

Les vestiges de la domination Scandinave abondent à Man : fermes fortifiées, tumuli funéraires, etc. Ici, l'on recommande aux fervents de la petite histoire un pèlerinage au musée de Dou- glas. A côté d'innombrables souvenirs tirés de tombeaux qu'on continue à découvrir un peu partout, se trouve en effet un crâne de jeune femme tranché si terriblement net dans sa partie arrière qu'on peut hasarder l'expression : décalottée. Ce crâne, chirur- giens, anthropologues l'ont examiné avec toutes les ressources de la science moderne. Leur verdict a été unanime : la jeune femme était vivante au moment où cela se produisit. Sa sépulture, un peu au-dessus de celle d'un grand chef viking, mais sous le même tumulus, semble indiquer qu'elle était son épouse ou sa favorite préférée. \

Petite histoire, ai-je dit. Touchons maintenant à la plus grande.

L'île de Man se targue en effet de posséder le plus ancien parle- ment du monde, antérieur à celui, si célèbre en droit constitu- tionnel, de l'Islande. Je ne sais s'il y a, à ce sujet, débat, ni si celui- ci a été tranché. Il n'en reste pas moins, et ici il faut admirer le libéralisme, ou le sens de l'opportunité, de Londres, que depuis mille ans, l'île de Man vit selon les règles édictées par les hom- mes aux drakkars.

Il n'en faillit plus être ainsi en 1765 quand, après des héritages

(3)

364 MAN, L'ILE AUX TROIS JAMBES

compliqués, des guerres et d'autres incidents, un duc d'Atholl, qui avait renoncé au titre de roi de l'île pour celui, moins compromet- tant, de « seigneur de Man », vendit l'essentiel de ses droits sou- verains à la Couronne d'Angleterre. Un marché d'ailleurs appré- ciable : 70 000 livres comptant plus une rente viagère de 2 000 li- vres annuelles pour lui et la duchesse. Mais les Atholl ne sont pas pour rien de sang écossais. En 1828, ils s'arrangèrent pour mon- nayer les « manorial rights » qui leur restaient (les .414144 livres sterling que dut alors débourser le Trésor firent grincer bien des dents à Westminster) cependant que, dans sa somptueuse rési- dence de Castle Mona, à Douglas, le quatrième duc se voyait nommé gouverneur de son ancien fief, un peu comme le maharadjah de Mysore est devenu gouverneur de son ancien Etat. Désormais, des gouverneurs représentèrent la Couronne et le souverain anglais de- vint officiellement, c'est l'un de ses nombreux titres, « Seigneur de Man ».

Mais revenons-en à 1765, après la première vente. Pour les in- sulaires, ce fut une époque de détresse morale. Elle se prolongea cinq annés durant. Enfin, en 1770, on rentra dans la norme puis- qu'eut de nouveau lieu une cérémonie, annuelle, croit-on, dès 930, et qui, depuis, s'est répétée en grande pompe le 5 juillet de chaque année : le Tynwald. Autrement dit : l'Assemblée.

Assemblée ,en plein air, où L'on couronnait les rois de Man (qui, à un moment donné, possédèrent une partie de l'Irlande du Nord et toutes les îles écossaises de l'ouest), où l'on édictait les lois, où l'on jugeait les grands procès criminels (et exécutait sur l'heure les condamnés), où l'on réglait les différends entre seigneurs et, le verdict rendu, où on leur faisait jurer d'accepter la sentence.

Elle se tenait, et elle se tient toujours, à Saint John's, non loin de Peel, à l'ouest de l'île, sur une colline artificielle renfermant, af.

firment les spécialistes, les restes de chefs de l'Age du Bronze.

Là naquit, en tout cas, la Constitution, toujours en vigueur, de Man, avec ses deux assemblées : d'hommes élus par le peuple ; d'hommes nommés par le pouvoir, se réunissant pour former un troisième collège dont les décisions sont sans appel (sous réserve de l'accord de Londres qui, le plus souvent, entérine) et qui a toujours lutté pour que soit reconnue et respectée la quasi-sou- veraineté de la petite patrie dont il est l'émanation. Si bien qu'on ne peut mieux comparer le régime politique présent de Man qu'à celui de lTJlster. L'on comprend en outre pourquoi et comment Man a entendu bénéficier d'un statut spécial, qui ne rappelle que de très loin celui du reste de la Grande-Bretagne, dont les mal- heureux citoyens gémissent sous le faix des restrictions et des impôts.

(4)

MAN, L'ÎLE AUX ïfcOÎS JAMBES 36&

Chose, à noter : aujourd'hui même, 80 H des membres du Tynwald, ou de ses composants, portent des noms que l'on re- trouve depuis quatre ou cinq cents ans dans les archives man- noises. Des noms tels que celui de Kermode. Je choisis celui-là parce que c'est celui d'un de mes amis de l'Office du Tourisme, qui jamais ne quitta son île, sauf pour de brefs voyages en Angleterre ou pendant la guerre, où il fut bien forcé de patrouiller en mer du Nord et en mer Blanche, sur les navires de Sa Majesté. Or, si l'on se réfère aux philologues, KERMODE vient sans aucun doute pos- sible de THORMODR, soit : « la colère de THOR », Thor, fils d'Odin étant, comme beaucoup l'ont oublié, particulièrement res- pecté par les Vikings, en tant que dieu de l'agriculture et défen- seur des hommes contre la maladie, la sorcellerie et toutes sortes d'autres dangers. Un dieu robuste et joyeux. Mais le courroux al- lumait des éclairs dans sa barbe rousse. Pour le surplus, il aimait le bruit et parcourait le ciel à grand fracas, dans un chariot traîné par des chèvres.

Des chèvres... Cela, brusquement, me rappelle qu'outre une race de chats privés de queue, Man s'enorgueillit de béliers (j'en ai vu) munis de deux et même de trois paires de cornes. Trois, pourquoi pas ? Les Mannois ont bien trois jambes.

Cela, du moins si l'on se fie aux armoiries de l'île : « d'argent sur fond de gueules, pliées et proprement armées et éperonnées ».

La devise : « De quelque façon que tu me jettes, je retomberai sur mes pieds ! » Merveilleuse assurance ! Tout à fait dans la ligne des Mannois, qui savent bien vivre, fort bien même, en éco- nomisant leurs efforts, sauf s'il s'agit de fumer des harengs parti- culièrement savoureux (les fameux Manx kippers), de pêcher la langouste ou la coquille Saint-Jacques et de tirer d'abondants pro- fits, d'ailleurs sans. trop fusiller personne, du tourisme. Avec, évidemment, pour couronner le tout et procurer des subsides sup- plémentaires, aux îliens : la Villa Marina, où se donnent des con- certs, le Palace et le Coliseum, lieux de réjouissances et, cela va sans dire, le Casino, ses pompes et ses œuvres.

Sur ces trois jambes, il faut d'ailleurs que je m'explique. Pas plus que les Cyclopes n'eurent un œil au milieu du front, les Man- nois de jadis, de naguère ou d'à présent ne se déplacent sur un 'trépied. Ces trois jambes des armoiries, armoiries remontant de façon prouvée au XVP siècle (et que l'on retrouve semblables^

sinon éperonnées, en Sicile, autre fief normand jusqu'aux sinistres Vêpres siciliennes de 1282) semblent n'être qu'une transposition Scandinave de la vie, du soleil, de la roue solaire, de laquelle naquit, selon les bons auteurs, le swastika. A mon sens, l'énigme de ce symbole n'a pas été complètement résolue. Mais passons.

(5)

366 MAN, L'ÎLE AUX TROIS J A M B E S

Pourtant, une remarque : rapide, fulgurant, cet emblème tri-jam- biste cadre mal avec un des moyens de transport les plus popu- laires de Douglas, celui qu'approuvent, qu'empruntent, que prônent tous les estivants : des tramways à chevaux, peut-être les derniers d'Europe et qui, du matin au soir, parcourent les quelques kilo- mètres d'une promenade longeant l'arc de cercle d'une baie char- mante, à une allure d'ailleurs beaucoup moins lente qu'on ne pourrait le croire.

Une baie charmante, et enjolivée de massifs aux fleurs plus vives, plus gaies les unes que les autres. Une baie et une ville propre, nette, construite comme dans la joie et que, de même que les autres beautés de Man, je ne puis qu'admirer sans réserve.

Jamais en effet, sauf à Formose, je n'ai vu sur une étendue si réduite agglomérations, paysages si divers et si prenants. Parfois j'y croyais retrouver l'Ecosse ; ailleurs, l'Irlande. Mais partout transparaissait ce caractère spécifiquement mannois, qui s'affirme dans les choses comme dans les gens.

En gros, ces 570 km2 jetés dans la mer d'Irlande par le géant Finn Mac Coul (mais les Mannois font des gorges chaudes de cette légende, due au cerveau inventif de leurs voisins irlandais) se présentent de façon apparemment simple : une plaine au sud, une autre au nord, des plages, évidemment, le long des côtes, puis, oc- cupant le reste de l'île, des collines plus ou moins élevées mou- tonnant dans tous les sens et appuyant de leurs assises le haut- lieu, la seule vraie montagne de l'endroit : le Snaefel, qui dresse fièrement au-dessus des eaux ses quelque 700 mètres. De sa cime arrondie par l'érosion, on peut certes contempler, par temps clair, les côtes de l'Eire, de l'Ulster et du Westmorland. On peut surtout plonger sur les vallées, les vallons ravissants qui cloisonnent le centre de Man et que parcourent, entre des haies empourprées de fuchsias sauvages, des routes souvent sinueuses — la topogra- phie ! — mais admirablement entretenues, et qui comptent parmi les meilleures de l'Europe. Puis çà et là, au hasard des jumelles,

* apparaissent des villes. Oh, de petites villes ! Mais lourdes de passé. Ecrivant cela, je pense essentiellement à Castletown.

Ce fut, naguère, tout au sud, la capitale du royaume — du royaume de Man. Les initiés la connaissent aujourd'hui pour sa grâce, son musée naval, ses brasseries fabriquant une bière renom- mée, pour les teintes étonnamment douces dont elle se pare ainsi que ses environs, et surtout pour son château fort, « bijou » de l'architecture militaire du XII* siècle.

Ce < bijou », je l'ai visité, longuement. Le gardien ne m'en a rien caché, rien épargné. Il m'a dit notamment comment on l'agran- dit en 1340 ; comment, après l'invention de l'artillerie, on l'entoura,

(6)

MAN, L'ÎLE AUX TROIS JAMBES 367 vers 1550, d'un glacis et d'une muraille extérieure. J'en visitai tous les recoins, toutes les salles des gardes, de séjour, etc. J'y cons- tatai que des cheminées ornaient les pièces où se tenaient le sei- gneur et les gens de sa Cour, mais point celles où filait, en compa- gnie de ses suivantes, « la dame de Man ». Peut-être du reste le climat était-il à l'époque encore plus doux que de nos jours.

Pourtant, je l'avouerai, si impressionné que je sois par les manifestations de puissance que sont les châteaux forts, je m'atta- che, parfois, surtout à certains de leurs détails. Dans cette for- teresse dite de Rushen, à Castletown, l'un d'eux m'enchanta.

Comme il advient à maint édifice dépassé, par les événements, ledit château, qui sert aujourd'hui de tribunal de simple police, remplit aussi le rôle, au siècle dernier, de prison. Avec le scrupule qu'ont les Britanniques pour les archives, particulièrement quand elles ont trait à la liberté individuelle, des registres minutieuse- ment tenus font état des prisonniers enfermés dans cette geôle, des motifs de leur détention, des dates de leur élargissement ou de leur mort, etc. Or, aux alentours de 1850, l'on s'aperçoit de plu- sieurs choses : d'abord de ceci que, pour un même délit, les hom- mes subissaient des peines infiniment moindres que les femmes ; ensuite, le château de Rushen hébergea à de nombreuses reprises durant une quarantaine d'années une femme dont l'ivrognerie était le péché mignon. Et, c'est ceci qui me charme : le temps avait beau tourner, la dame, avec un imperturbable sang-froid, se don- nait toujours le même âge que lors de sa première incarcération.

Aussi imperturbable, le guichetier consignait ses dires. Beau re- cord à l'actif du whisky !

Si j'étais méchant, mais je n'ai nulle raison de l'être à propos d'un pays si accueillant, je ne parlerais ni des petites villes, polies, vernissées, fleuries, embaumées que sont la plupart des agglomé- rations s'étirant le long des côtes de Man. Je m'étendrais en re- vanche sur l'effarante contrebande de tabac, d'alcool, de soie brute qui, jusqu'au XVIII' siècle, assura la prodigieuse prospérité de l'île. Quel roman à écrire ! Quel Gone With The Wind à l'échelle anglo-irlandaise ! Il y a encore à Man de vieux bonshommes qui prétendent tenir de lointains aïeux des récits fantastiques de goélettes chargées de marchandises illicites et cinglant vers des points secrets des côtes d'Angleterre ou d'Ecosse. Des ancêtres, somme toute, des bootleggers américains. Personne d'un peu sé- rieux ne songerait évidemment à faire crédit à 100 % à des fabu^

listes du passé. L'imagination n'en marche pas moins.

A quoi des esprits positifs vous rétorquent :

— Le port de Douglas a été }e premier à être équipé au radar.

C'est, paraît-il, exact. Il semble même que l'île de Man ait joué

(7)

368 MAN-, L'ÎLE AUX TROIS JAMBES

lin rôle point du tout négligeable durant la seconde guerre mon- diale. Pour moi qui, par force, m'attache surtout au présent, je noterai simplement, en ce qui concerne Man, deux ou trois choses.

D'abord ceci, qui véritablement m'éberlua. Je me trouvais der- nièrement au Castle Mona, l'ancienne résidence des ducs d'ÀthoIl, transformée en hôtel. On me signala que le soir commencerait le 21e Otd Time Dance Festival. J'y allai par acquit de conscience, m'attendant à voir de ces danses folkloriques qui sont un peu par- tout les mêmes.

Il n'était pas du tout question de cela ! Je pénétrai dans une salle, un hall immense, du Palace ou du Coliseum, je me rappelle mal, En tout cas, à mon ahurissement, 3 500 couples occupaient une piste dont on devine les dimensions. D'autant plus qu'ils y étaient fort à l'aise et que rien ne les troublait dans leurs évolu- tions. Les femmes s'y exhibaient en robes du soir de toutes cou- leurs, les hommes en tenue sombre. Les calvities s'y révélaient aussi nombreuses que les lunettes et les barbes. On n'était pas le moins du monde entre yé-yés. Un coup de baguette, pensai-je, et tout va s'effondrer, se réduire en poussière.

Le coup de baguette fut bien donné, mais par le chef d'or- chestre, Instantanément, comme s'il se fût agi d'automates de Vaucànson, mes 3 500 couples « entrèrent dans la danse ». Je le dis et le proclame : depuis trente ans que je bourlingue sous tdtttês les latitudes, où j'ai vu beaucoup de choses, jamais je n'avais vu cela. Ces 7 000 personnes réagissaient comme si elles avaient été entraînées pour se produire devant la Reine. Tel motif de l'orchestre déclenchait telle figure, tel autre un autre mouve- ment, En plusieurs heures, je ne vis pas une seule erreur commise, L'esprit de système, la discipline l'emportaient sur l'individua- lisme, l'improvisation. Jusqu'alors j'avais cru savoir danser, je m'étais imaginé qu'il devait y avoir accord entre le rythme qu'on porte en soi et celui de l'orchestre, que la fantaisie, l'initiative ont elles aussi leur part à jouer. J'avais tort — au moins à Man.

Toutes considérations accessoires mises de côté, le fait que, depuis vingt ans, des milliers dé couples font à leurs frais le Voyage de Man pour pouvoir ressusciter pendant plusieurs jours ces danses — bôston, slow, blues, valse, tango, polka, maxixe — qu'oh ftommé â présent « anciennes », est tout de même extraordi- naire. ïl y a plus : le même soir, le lendemain et les jours suivants, .diverses écoles « du continent », c'est-â-dire d'Angleterre, disputè-

*••' rentdes compétitions « de figures », « d'ensembles ». Là il était étdnhâfit de voir des centaines de petits garçons, en habit et cra- vate blanche, dé petites filles en robes gonflées par une dizaine de

(8)

M AN, L'ÎLE AUX TROIS JAMBES 3 6 9

jlipons, évoluer comme à la parade» sans une hésitation, avec un sérieux, Une gravité méritant tous les applaudissements.

Peu après, ils laissaient d'ailleurs la place aux Rôlling Stones, une équipe d'émulés des Beatles, et dont je préfère ne rien dire, sinon qu'ils firent eux aussi salle comble, que des milliers de « fans » affrétèrent des navires pour venir dé Liverpool, Belfast ou Dublin, se livrer, au son de leurs guitares, à des trémoussements de jungle africaine. Ce qui prouve que malgré ses « danses anciennes » Man est aussi « dans i è vent de l'histoire ».

Llle le sera encore bien davantage d'ici peu. Une équipe de « pro- moteurs », travaillant en plein accord avec la municipalité de Dou- gïasV a décidé de rénover le visage de Man. Certes, je le répète, l'île est bien une sorte de Mecque du cyclisme et plus encore de la moto.

(Étf compagnie de celui qui, en septembre dernier, devait être le vainqueur de sa série : Dennis Craihe, lord Snowdon, mari de la princesse Margaret, â peu auparavant conquis le cœur des Man- nois en couvrant à bonne vitesse, sur une grosse moto, le circuit qu'empruntent deux fois l'an les coureurs). Cet aspect jeune, yi- . vant, sportif de Mah, les promoteurs en question veulent l'inten- sifier, en utilisant les beautés naturelles de l'île, ses plages, ses vallons, ses collines, pour favoriser le camping, un camping où tout serait fourni aux intéressés, du lit Picot à la tente, des ustensiles de cuisine aux divertissements collectifs.

En même temps, et voici le grand projet, les visiteurs trouve- ront bientôt à Douglas même un établissement comme il en existe peu au monde. Il fera- corps, au bout de la longue promenade ourlant la baie avec des falaises couvertes de verdure et commu- niera avec le large par d'immenses parois transparentes. Il com- prendra des piscines d'eau de mer, avec vagues artificielles, des jardins de rocailles, des arbres tropicaux et autres, des restaurants, des boîtes de nuit, des bowling alleys, un immense dancing, des salles de douches, des bains turcs, des saunas finlandaises, des boutiques de toutes sortes et surtout — surtout ! — un solarium où, dans une ambiance de brise marine, l'on pourra, grâce aux rayons infra-rouges, se bronzer mieux encore qu'en plein air...

Auteur de ce projet, dont la seule réalisation coûtera 1191 000 li- vres sterling : l'architecte de Douglas J. Philipps Lomas, FRIBA (1), en association avec la firme Gillinson, Barnett & partners, de Leeds. A l'Hôtel de Ville de Douglas, l'ingénieur-en-chef de l'île m'a montré de bien attrayantes maquettes de cet ensemble, qu'il voyait déjà, on le sentait, en pleine activité.

— Jusqu'à présent, me dit-il, nous pouvions offrir beaucoup de (1) Membre de l'Institut Royal des Architectes britanniques.

(9)

370 MAN, L'ÎLE AUX TROIS JAMBES

choses à nos visiteurs, et notamment un climat d'une douceur exceptionnelle. Il n'y avait qu'une chose que nous ne pouvions leur garantir en été, car nous appartenons, climatiquement, au système des Iles britanniques : un soleil constant. Avec notre solarium, nous le pourrons. .

L'idée fait couler beaucoup d'encre dans le Royaume-Uni, et ailleurs. En attendant, et pour rappeler son île au bon souvenir de ses compatriotes londoniens, Sir Ronald Garvey, gouverneur de Man, a envoyé ces temps<i à la Tour de Londres un magnifique corbeau mannois. De tradition, la Tour entretient en effet à de- meure six corbeaux nourris aux frais de l'armée. Une superstition veut que (comme à Gibraltar pour les singes) l'Empire doive s'écrouler le jour où les corbeaux abandonneraient la Tour. Or l'un des pensionnaires des beefeaters était mort, ou s'était évadé.

Comme bien on le suppose, la presse britannique consigna l'inci- dent. Sir Ronald, alors, d'intervenir : il ne convenait pas que rien arrivât à l'Empire alors que 111e de Man allait connaître un nou- veau départ.

PAUL MOUSSET

Références

Documents relatifs

Mais surtout une des qualités qui est reconnue au CPIE est de parvenir à maintenir la dynamique et faire du lien, comme le dit une élue : « ils font un

Piquer l’aiguille droite dans la « vague » à la base du rang précédent de la maille suivante (ceci peut-être fait dans la maille précédente mais c’est plus compliqué !). On

Le CPIE et la CCBI souhaitent s’associer dans ce projet pour renforcer et démultiplier ces actions de sensibilisation et d’information, communiquer sur l’AMP en se dotant de

Pour les autres valeurs de a, nous avons f(n)#g(m) ou bien nullité du

On trace trois polygones réguliers, respectivement un pentadécagone (15 côtés), un heptadécagone (17 côtés) et un octadécagone (18 côtés). Deux sur trois peuvent être tracés

On peut donc conjecturer que l’octadécagone aura ces trois droites concourantes car ce polygone ne servirait sinon à rien dans ce problème. [AB] est un diamètre du cercle passant

seul le nouveau monde, dans une lan gue étrange et une école austère… Bientôt rien ne va plus : dans les difficultés, il réagit avec violence, ne retient pas sa fureur, frap

Mise en situation Projet: produire un exercice pour un fichier d'entrainement à l'accord sujet- verbe ou écrire un conte de randonnée à la manière du Navet géant offert en