FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1898-1899 I\'o 81
ETUDE
SUR
L'EMPLOI M SÉRUM OËLATIIÉ
Dans le Traitement des Anévrismes
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue publiquement
le 21 Juillet 1899
PAR
Pierre-Alexandre REGETT
Né à Paris (Seine), le 18 Novembre
1874.
Examinateurs de la Thèse:•
MM. PICOT professeur.... Président.
VERGELY professeur....j
CASSAET agrégé
|
Juges.AUCHÉ agrégé )
Le Candidat répondra aux
questions qui lui seront faites sur les
diverses parties de
l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE NOUVELLE —
DEMACHY, PECII & Cie
1899
Faculté de médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. DENABIAS,doyen — M. PITRES, doyen honoraire.
1» IlOV10S S13IIII£ MM. M1GÉ
AZAM DUPtJY MOUSSOUS
Professeurs honoraires.
Clinique interne...
Clinique externe...
Pathologie et théra¬
peutiquegénérales.
Thérapeutique
Médecineopératoire.
Clinique d'accouche¬
ments
Anatomie pathologi¬
que Anatomie
Anatomie générale et histologie
Physiologie Hygiène
MM.
PICOT.
PITRES.
DEMONS.
LANELONGUE.
VERGELY.
ARNOZAN.
MASSE.
LEFOUR.
COYNE.
N.
VIAULT.
JOLYET.
LAYET.
GHIOGIOS 10 N
Médecine légale Physique
Chimie
Histoire naturelle ...
Pharmacie
Matière médicale....
Médecine expérimen¬
tale
Clinique ophtalmolo¬
gique
Clinique des maladies chirurgicales des en¬
fants
Cliniquç gynécologique Cliniquemédicale des maladiesdesenfants Chimie biologique...
13X13IIC1C13 :
MM.
MORACHE.
BERGON1É.
BLAREZ.
GUILLAUD.
FIGUIER.
de NABIAS.
FERRÉ.
BADAL.
P1ECHAUD.
BOURSIER.
A. MOUSSOUS.
DENIGÈS.
section de médecine (Pathologie interneetMédecine légale.) MM. CÀSSAET. | MM. Le DANTEC.
AUCHÉ. | HOBBS.
SABRAZÈS. I
Pathologieexterne
Anatomie,
Physique.
sectionde chirurgie et accouchements
MM. BINAUD. | Accouchements
(MM. CHAMBRELENT
BRAQUEHAYE |
Accoucncments..
piEUX.CHAYANNAZ.
j
section des sciences anatomiques et physiologiques
MM. PRINCETEAU | Physiologie MM. PACHON,
••••) CANN1EU. | Histoire naturelle BEILLE.
section dessciences physiques
MM. S1GALAS. I Pharmacie M. BARTHE.
eouus coMi'iiiiiinfiiviini<:s Clinique des maladies cutanées etsyphilitiques
Clinique des maladies des voies urinaires Maladies du larynx, des oreilles etdunez Maladies mentales
Pathologie interne Pathologie externe Accouchements Chimie
Physiologie Embryologie Pathologie oculaire
Conférenced'Hydrologieet Minéralogie
Le Secrétaire de la Faculté,
MM. DUBREU1LH.
POUSSON.
MOURE.
RÉGIS.
RONDOT.
DENUCÉ.
CHAMBRELENT.
DUPOUY.
PACHON.
CANNIEU.
LAGRANGE.
CARLES.
LEMAIRE.
Pardélibération du 5 août 1879, laFaculté aarrêté que les opinions émises dansles Thèsesqui luisontprésentéesdoiventêtre considérées comme propres à leursauteurs, et qu'elle n'entend leur donner ni approbation ni improbation.
A MON TRÈS CHER AMI ANDRÉ VINSOT
ENSEIGNE DE VAISSEAU
En souvenir de notre bonne amitié.
A MON BIEN CHER AMI HENRY ROTITA ME L INTERNE DES HOPITAUX
En souvenir de nos années d'études.
A mon Président de Thèse MONSIEUR LE DOCTEUR
PICOT
PROFESSEUR DE CLINIQUE MÉDICALE A LA
FACULTÉ
DEMÉDECINE
DE BORDEAUX
MEMBRE CORRESPONDANT DE
L'ACADÉMIE
DEMÉDECINE
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
I
Sur le point
de quitter la Faculté de Médecine de Bordeaux,
où nous avons passé
des années trop courtes, à notre gré,
nous nous conformons
volontiers à l'usage courtois par
lequel on
remercie
sesmaîtres au début de son travail inau¬
gural.
QueM.
le Dr Gervais, chirurgien honoraire, notre premier
maître dans les hôpitaux,
veuille bien agréer nos remercî-
ments poursa
bienveillance particulière durant notre séjour
dansson service.
M. le
professeur agrégé Princeteau a été notre chef de
service durant notre
stage d'externat; nous lui exprimons
tous nos remercîments pour
l'intérêt qu'il nous a montré.
Externe de M.le Dr
Baudrimont, nous avons tenté, dans
ses salles, de
développai'
nosconnaissances de la chirurgie:
nousl'assurons de notre
reconnaissance.
Nous avons été au
même titre l'élève de M. le professeur
Picot; quece
maître éminent et bon nous permette de lui
dire toute l'admiration que nous
professons pour son haut
enseignement. Il
nousfait aujourd'hui le très grand honneur
de
présider notre thèse, c'est pour nous comme la marque
d'un intérêtdont nousnous
efforcerons toujours de rester
digne.
Interne
provisoire,
nousfûmes placé dans le service dirigé
par M.
le professeur Lefour; nous regrettons que des
circonstances
indépendantes de notre volonté nous aient
empêché de retirer
unplus grand bénéfice de cette partie de
notre existence universitaire.
Que MM.
les Drs Mongour et Fromaget nous laissent leur
exprimer
toute la gratitude que nous leur gardons pour le
rôle actif
qu'ils ont joué dons notre éducation médicale.
Puisse ce modeste hommage
les assurer de notre reconnais¬
sante
sympathie.
— 8 -
Pendant un séjour assez bref à
l'hôpital
Pellegrin nousavons pu
apprécier
des maîtres que nous regretterions de nepoint avoir connu : j'ai nommé MM. les professeurs agrégés Auché et Fieux, MM. les Drs Mesnard et Courtin.
Au sujet de notre thèse, nous remercions M. le professeur
Pitres d'avoir bien voulu nous communiquer une obser¬
vation.
Quant à MM. Abadie, Laubie, Gentès et Lafond, internes des
hôpitaux,
qui nous ont aidé dans l'élaboration de cetravail, nous les remercions très amicalement,
INTRODUCTION
L'expérimentation fait les
découvertes...
Le contrôleexpérimental fait la science...
Pouchet.
Après
tant de maîtres éminents, qui se sont attachés sans
grand
succès à la thérapeutique des anévrismes, nous serions
bien mal venu, avec
notre courte science, d'émettre une
théorie, dût-elle
bouleverser
unefaible partie de la science
médicale.
Bien que parue
à la fin d'un siècle où l'on a clamé bien
haut la « faillite de la science »,
notre thèse inaugurale n'est
point
l'œuvre d'un
«iconoclaste » nouvelle manière.
Si parfois,
malgré leur bienveillance, nos juges sont tentés
de nous
reprocher
nosconclusions un peu tranchantes,
nousles prions
de
nous excuseren faveur de l'intention.
Dans le courant de ce
travail,
nousdiscutons des conclu¬
sions posées par une
autorité scientifique dont nul ne
conteste la valeur; M. Lancereaux
est
unclinicien beaucoup
trop
distingué et
savaleur professorale le place trop au-
dessus de nous, pour que
(même Peussions-nous voulu)
nous
puissions l'atteindre.
Nous nous sommes
trouvé à même de voir, dans le cours
de nos études,
expérimenter
unprocédé de traitement
appliqué
à des lésions anatomiqu.es dont la philanthropie
médicale tentait depuis
longtemps la cure.
Unecommunication
relativement récente deM. Lancereaux
à l'Académiede médecine nous
mettait en droit de supposer
-lO-
que, comme lui, nous obtiendrions des résultats satisfai¬
sants. Il en a été autrement; nous le disons; c'est notre rôle, la science imposant la franchise... S'ily a
irrévérence,
les conclusions seules des observations sont irrévérencieuses.Notre œuvre en ce sens a son utilité puisqu'elle permet de fixer dans quelle proportionon peut comptersurdes succès, proportion qui serait fausse si on ne se basait que sur la
communication de M. Lancereaux.
L'essence même du contrôle scientifique
réside
dans le grand nombre des expériences, par CQilséqlient notre travaila sa valeur, puisqu'il permet de se rapprocher de la vérité.
Il se divise en quatre parties.
Dans un premier chapitre nous faisons un exposé rapide
des méthodes thérapeutiques appliquées aux
anévrismes,
et nous en donnons les résultats.
Notre second chapitre renferme ia communication de Lancereaux à l'Académie de médecine, sa technique, ses études cliniques et les discussions dont elles firent l'objet.
Nous plaçons dans le troisième chapitre nos observations personnelles, recueillies dans les divers services de l'hôpital
Saint-André de Bordeaux, et les résultats atteints.
Nous terminons enfin ce modeste travail, que nous pré¬
sentons à l'indulgence de nos juges, par des conclusions tirées des faits exposés.
CHAPITRE PREMIER
Les anévrismes
constituent
uneaffection redoutable, dont
les
complications, connues dès la plus haute antiquité, avaient
attiré l'attention des
praticiens. En feuilletant les traités
spéciaux
consacrés à cette maladie de l'appareil vasculaire
artériel, on est
tout d'abord surpris du nombre considérable
et du peude
cohérence des moyens d'action mis en œuvre.
Ce fait(que
l'on rencontre heureusement peu dans toute la
thérapeutique médicale) est un indice très net de l'inanité
des traitements, etleur
multiplicité n'est point un sur garant
de réussite.
Pourles anévrismes
petits, circonscrits, dont les rapports
neconstituent pas
de lourdes contre-indications, la méthode
de choix estla
méthode de dissection avec extirpation du sac.
Pierre Delbet obtint
à Paris de brillants succès par cette
intervention;
quant à
nous,dans le cours de nos études
médicales,nous avonspu
observer d'excellents résultats dus
à cette
opération dans les services de MM. les professeurs
Lanelongue et
Démons.
Malheureusement les grosses
artères
:l'aorte, le tronc
brachio-céphalique, les carotides, les sous-clavières peuvent
ellesaussi avoir à supporter
les conséquences de ces modifi¬
cations
pathologiques, et c'est alors que le chirurgien même
le plus osé,
même le plus confiant dans son art, est obligé
d'abandonner au
médecin la tentative d'une cure dont le
résultat pour
lui serait plus que négatif.
C'est à ces anévrismes que
s'adressent les moyens variés
dont nous allons nous occuper
ici-même, et bien souvent
- 12 —
(pour
ne pas diretoujours)
nous verrons les résultats obtenus peu en rapport avec les efforts tentés.La
thérapeutique
des anévrismes par les procédés médi¬caux peut
(dans
son essence la plussimple)
se diviser en deux groupes : les traitements qui intéressent le sac et comptent obtenirson oblitération parle bourgeonnement de la paroiinterne;
en second lieu, ceux qui essaientd'immo¬biliser lesang dans la poche, de le transformer encaillot, de l'organiserparl'intermédiairedesvasa vasorumetd'atteindre
un même résultat par un processus différent.
Au premiergroupe, le moins riche, n'appartiennentguère que des procédés dont le moyen d'action réside dans l'irrita¬
tion locale.
L'application deperchloruredefersurla
peau,destyptiques,
de moxas, usitésparPelletan et Dupuytrenn'ontguèredonné lieu qu'à des améliorations
passagères
plutôt qu'à des gué- risons. C'étaient des irritantsbeaucoup
trop faibles pour que leur processus irritatif se transmit jusqu'aux cellules internes de Fendothélium. Pour peu que l'anévrisme se trouvât profondément situé, l'excitation cellulaire se perdait dans la masse et ne dépassait que très rarement le tissu conjonctif sous-jacent à la peau.Un moyen plus
énergique
consistedans l'emploi des réfri¬gérants. C'est une méthode fort ancienne, puisque, selon Bi'oca, ellese perd dans les ténèbres du moyen-âge. En effet,
en 1295, Lanfranc aurait publié l'histoire d'un anévrisme guéri par des applicationslocales deneige. Vers le milieu du xviie siècle,Bartholin et Mantani vantèrentcetteméthode. Un siècle plus tard, Donald Monrorappela quedepuis
longtemps
les praticiens portugais traitaient les anévrismes par des applications de glace. C'est en 1790, avec Guérin (de Bor¬
deaux),
que l'on trouve dans le Bulletin de la Société deSanté,
une modification de cette méthode qui donne des résultats certains. Ce médecin se contentaitd'appliquer
sur les tumeurs des compresses d'eauvinaigrée
froides, qu'ilrenouvelait toutes les sept minutes.
— 13 —
Plus tard, de
nombreux chirurgiens expérimentèrent cette
méthode. Bruchner,
dans
unecommunication datée
d'Iéna1797,
cite
uncasd'amélioration. Larrey, plus heureux,
rapporte trois
casde guérison dans son Mémoire de
chirurgie militaire. Sabatier n'éprouva que des succès ainsi
qu'il le dit,
en1812, à la Faculté de Médecine de Paris. Velpeau
lui-même fit usage de ce
traitement
avecdes alternatives
diverses, le
Bulletin de VAcadémie de Médecine (1853) en
fait foi.
Les médecins, surtout
Rodolosse, Reynaud et Labissal,
furent des
apôtres fervents de ce moyen thérapeutique. Les
deux derniers
obtinrent la guérison d'un énorme anévrisme
inguinal
pardes applications répétées de glace durant
plusieurs mois.
Il résulte deces
observations
quela coagulation sanguine
était obtenue non par
la réfrigération du sac diminuant la
fluidité du sang (comme on
le croyait alors), mais par
l'inflammation intérieure
du
sacqui amenait son bour¬
geonnement.
Les choses se
passent ainsi d'ordinaire; malheureusement,
les modifications
produites sont
engénéral peu stables; on
peut
bien, durant quelques jours, observer une apparente
amélioration, une
diminution et
uncertain durcissement de
la tumeur; mais
bientôt celle-ci recommence à battre comme
auparavant et à progresser parce que la réfrigération peut
produire des caillots passifs, mais non des caillots actifs,
seuls agents
de la guérison.
Cetraitement
présente
enplus des inconvénients nombreux
quienfont,*comme
dit Broca, «une arme à double tranchant».
Outre
qu'il détermine toujours de très fortes douleurs,
parfois
intolérables comme le font remarquer Hogdson et
Breschet, il peut amener
des troubles trophiques allant
jusqu'à la gangrène et hâter la terminaison. fatale d'une
affection
qu'elles avaient pour but de guérir. Il expose de plus
à la
production de bronchites, avec toux incessante, capables
de déterminer
l'augmentation de la tumeur et parfois sa
— 14 —
rupture. Il a peu d'action sur la contraction du sac, et même dans les cas heureux, c'est un moyen inconstant.
Le dernier coup fut
porté
à cette méthode, en 1882, par Yizioli et Butera qui prétendent que s'il se produit un béné¬fice
hypothétique
du fait du bourgeonnement interne, ce bénéfice estcompensé par l'augmentation de la tension arté¬rielle.
Dans un même ordre d'idée, certains auteurs, comme Fer- gusson, pensaient obtenir laprolifération curatrice de l'en- dartère parun massage tant soit peu brutal. Le résultat trop
souvent possible de cette
façon
d'agir était le détachement d'un caillot de la paroi pouvant amener une embolie dont l'issue toujours grave était parfois mortelle.Ces moyens aveugles et basés sur une méthode peu scien¬
tifique, après avoir jouid'un succès forcédurant tout le temps oùlesspéculations scientifiques nepermirentpas de s'arrêter à d'autres
procédés,
furent détrônés dès que l'on eut l'idée d'agirsurle sanget d'amener l'obturation de l'antre anévris- mal par des dépôts successifs de caillots.Ces traitements, basés sur des modifications du flux ou de la texture hématique, peuvent, nous semblent-ils, se diviser
enquatre groupes, suivant les types mécaniques quipeuvent les expliquer.
Lepremier agitsurlesang enessayant de l'immobiliserpar des obstaclesqu'on luioppose dans l'intérieur de l'anévrisme.
En 1820, Velpeau, laissant séjourner quelque temps
[une
aiguille àacupuncturedans l'artère!d'un animaletconstatant la formation autour d'elle d'un caillot suffisant à oblitérerle vaisseau,avait trouvéunmoyensusceptible
d'être-utilisé dans la cure des anévrismes. Les essais n'en furent pas heureux,Broca en montra toutes les
inconséquences
et tous les dangers. Gonzalès de Torre, dans une revue médicale de New-York) revientsur cette questionetmontreque le dangerpresque inévitable estla perforation de la poche par suppu¬
ration secondaire.
Healt
(1880) emploie
des aiguillesjaponaises
aussi fines— 15 —
qu'un cheveu, les enfonce clans un anévrisme, puis les retire
au bout dequatre
jours. Le malade alla mieux, puis mourut :
« Il eûtété
préférable
»,dit Huchard
«qu'il allât moins bien
et ne mourût point. »
MacEwen emploie une
longue aiguille et
neréussit pas.
Ciniselli et
Wyeth notent des insuccès.
llerne en 1796, puis
plus tard Everard Home instituent la
caloripuncture
;les résultats sont inconstants. Même absence
de résultat pour
Laugier
en1849.
La
filipuncture oscille quelque temps entre les mains de
Moore
(1864), de Lévis (1873-1877), se transforme et se modifie
sans
pouvoir s'honorer d'un succès certain. Elle devient, en
1871,entre les
mains d'un Anglais, Domville, la fili-acupunc-
ture qui se
fait
remarquer parla régularité de ses insuccès.
Montevenosi etBaccelli
(1877)'laissent leurs
nomsà un procédé
où le fil est remplacé parun
ressort de montre. Résultat sur
trois cas : troisrevers.
De 1885 à 1888, les
observations de Loreta
enItalie : de J.
Ransohoff, West
Roosevelt, F. Lange Abbe, Richardson
Morse, Gerster en
Amérique; D. Cayley, R. Barwell, Howard,
Marsh, H.
White
etH. Pearce Gould, Liston en Angleterre;
Saboia au Brésil ; Folet,
Lépine, Bucquoy
enFrance se
terminenttoute par
la mention
:«A l'autopsie on trouve... »
C'étaient la des raisons plus que
suffisantes
poursubstituer
unautre traitement: on crut
l'avoir trouvé dans la galvano-
puncture
de Guérard et Pravaz qui dans les mains de Ciniselli
a donné
quelques succès. Le Fort, L.-H. Petit, Poinsott
enrichissent la statistique
de quelques
casheureux dus à
cetteméthode.
Dansledeuxième groupe, nous
allons ranger les tra i tements
qui agissentsur
lejsang d'une manière indirecte ou par une
modification chimique encore
mal déterminée.
Dans les anévrismes enimminence
de rupture
onpourrait
songer à diminuer
la poussée sanguine par la compression
de la tumeur. La lame de
plomb de Pelletan et la cuirasse de
fer-blanc deNiemeyer ne
sont
pasà recommander, il en est
de même del'application du collodion
plusieurs fois employé
par Broca et dont la faible force rétractile est illusoire
lorsqu'il s'agit
de lutter contrel'énorme forced'expansion dela tumeur. Esmarck, P.Woirhaye, Fauléon, J.Hilton,Bryant, Greenhowe, Murray, Weelhouse, successeurs en cela de Desault etSabatier,exercent une compression au moyen des doigts ou d'appareils compliqués. L'ingéniosité dont ils font preuve n'est pas couronnée de succès au moins dans une
proportion acceptable. Les embolies sont fréquentes. A ce groupe encore : les traitements médicamenteux proprement dits. La médication
iodurée[usitée
par Bouillaud, le premier,pour combattre un anévrisme dû à une lésion syphilitique,
est suivi, d'un résultat quasi
inespéré
tant il fut heureux.Nélaton, la même année, fut amené à employer avecsuccès l'iodure de potassium dans un cas d'anévrisme de l'artère, innommée.
Plus tard,
Chuckerbutty (de
Calcutta,1862),
Robert et Windsor (deManchester),
puis Balfour(1868
et 1876), firentmention du traitement ioduré dans les divers anévrismes.
Dyce Duckworth en 1873, Dreschfeld, Philipson, H. Simpson
en 1877, Byrom-Bramwell en 1878, Verneuil, Dujardin- Beaumetz, G. Sée et beaucoup de médecins en France publièrent des améliorations etdes guérisons.
L'action
antisyphilitique
que l'on avait d'abordinvoquée
pour
justifier l'emploi
de l'iodure n'est point la seule raison qui le puissefaire
utiliser; sonaction coagulantesur le sangexplique
suffisamment
son usage et les motifs quel'on peut avoir de l'employer; elle en fait un traitement susceptibled'être
appliqué
non seulement au cas particulier des lésionssyphilitiques mais
encore aux anévrismesde cause quelcon¬que, etde
donnerdes succès
dans tous lescas. L'ioduremême,d'après
desexpériences
de Schleich, confirmées par Heinz, augmenterait la vitalité de l'endartère et le mettraiten état de résister aux poussées toujours croissantes du flux ané7 vrismal.Malheureusement ce
médicament,
qui paraîtrépondre
à- il -
tous les desiderata,
est
assezdélicat à employer, non pas
qu'il soit toxique dans le fait absolu du terme, mais certains
maladesayantpource
médicament de l'idiosyncrasie présen¬
tent
après
soningestion, même à dose minime, des phénomè¬
nes
d'empoisonnement. Ce fait seul le fait repousser par
certains
praticiens.
Quoi
qu'il
ensoit, et malgré tout, c'est à lui que l'on doit le
plusnonpas
deguérisons (car ce mot serait trop ambitieux),
mais leplus
d'améliorations persistantes.
Dans le domaine
particulier des anévrismes syphilitiques
on a
expérimenté,
avecde médiocres succès, les préparations
mercurielles. Les
diminutions des aires de matité, que l'on se
plaisait à attribuer à la régression de la poche anévrismale,
sont le plus
souvent, ainsi que l'a expliqué M. Fournier à
l'Académie de
médecine
en1898, dues à la fonte d'une galette
gommeuse
intra-thoracique, fonte qui dans bien des cas à
pu
faire croire qu'on avait amélioré avec une rapidité
étonnantedes
anévrismes n'existant pas en réalité.
D'autres médications
ont joui de faveurs passagères : la
digitale,
les pilules d'elatherium composées, l'alun, le tanin,
l'acide gallique,
voire le furfurol et le chlorure de calcium.
Quelques
auteurs signalent le veratrum viride, la trinitrine
et le tétranitrate
d'erythrol.
A notre avis tous ces
traitements, pris en l'espèce, peuvent
avoir une valeur
relative, mais sont incapables d'amener à
eux seuls une
régression suffisamment persistante pour
mériter le titre de
guérison.
Laënnec,
Dupuytren, Bertin emploient l'acétate de plomb.
Laënnecdisait lui-même que «
l'acétate de plomb lui avait
paru
utile mais jamais héroïque ». Huchard considère son
emploi comme une «
invention théorique ».
Invention théorique
aussi l'emploi de l'ergotine et de l'ergot
deseigle et,
malgré l'affirmation de Langenbeck, qui assure
« avoir fait
disparaître
unanévrisme radial de la grosseur
d'uneaveline par une
seule injection d'extrait aqueux d'ergot
de seigle à 15
centigrammes autour de la tumeur, de Wolf
Reg\
2
- 18 —
(1873),
de Waldenburg et Schlesinger(1879),
— ce dernier recommandantl'injection de 8 à 10 centigrammes à la base de la tumeur tous les deux jours,—les résultats ont été inconstants. Angelini Arnoldo, par ce procédé, obtint pour¬tant la guérison d'unegrossetumeur anévrismale du tronc
brachio-céphalique.
Nous ne dirons qu'un mot, puisque nous sommes
appelé
à enparler, des injections coagulantes de Monteggia,et cela pour les condamner. Les succès sont trop contestables pour que l'on se risque de gaité de cœur à des malheurs presque certains. L'embolie pulmonaire mortelle en est la consé¬
quence presque inévitable et la guérison n'est que l'extrême exception.
Ces procédésnedonnant, somme toute, que des résultats plusque médiocres, l'évolution
thérapeutique
devait néces¬sairement conduire à rechercher d'autres traitements.
« Tout ce que l'art peuteffectuer avec sûreté pour la gué¬
rison de l'anévrismese réduità la diminution de la force de circulation », disait Hogdson. Rien de plus vrai, mais aussi rien de plus difficile à obtenir.
C'est cependant cette phrase qui servit de point de départ
pour
instituer
les médications que nous rangerons dans le troisième groupe : nous entendons celles ayant pour butidéal l'augmentation de la
quantité
relative de la fibrine du sang.Hippocrate usait des saignées et d'une diète rendant « les sujets très secs et très exsanguins » ;
Genga,
au xvne siècleen usait également; Rommelius
(de
Nuremberg), en 1688,annonceavoir traité avec un certain succès les anévrismes parles saignées et les purgations.
Valsalva et Albertini, en 1728, fondent, en réunissant et en classifiant ces principes
épars,
une médication portant lenom de « dicte débilitante » et ainsi
exposée
par Morgagni :«
Après
avoir tiré autant de sang qu'il fallait, Valsalva s'était accoutumé à diminuerchaque jour de plus en plus lanourriture et la boisson au point de ne donner le matin
— 19 -
qu'une
demi-livre de bouillie
etle soir moitié moins,
sans rien autrechose, si ce n'estde l'eau(et
encore dans une cer¬taine
mesure),
qu'ilpréparait
avec ce qu'on appellela
geléede coings...
Dès
qu'il avait assez amaigri lemalade
par ce moyen pour quecelui-ci eût de la peine à soulever la main
du lit où il était couché par sonordre
dès
le commencement,il augmentait insensiblement la
nourriture chaque jour jus¬
qu'à
ce queles forces nécessaires
pour sesoulever lui fus¬
sent revenues ». Enfin il était recommandé aux malades de faire souvent des immersions
fréquentes
dansl'eau très
chaude afin d'attirer le sangloin dela poitrine.
Ainsi, diète, saignées répétées, repos
absolu, tels sont les
trois moyens
dont
se composela méthode de Valsava. 11 fal¬
lait un courage peu commun
chez le malade et
unefoi parti¬
culière chez le médecin pour accepter un
traitement institué
dans des conditions aussi rigoureuses. Ce courage et
cette
foi se sont sans douterencontrés puisque
l'on
a punoter des
guérisons parcetteméthode.
Stancariose fit, en Italie, le promoteur
de
cerégime, qui
lui donna dessuccès.
Après lui Lancisi, Morgagni et Guattani
au siècle dernier, Pelletan,
Sabatier, Hogdson, Corvisart,
Laënnec
l'essayèrent; l'issue
enfut le plus généralement
heureuse.
Tuffnell modifia la diète et supprima
les saignées
en1878
et pourtant llecker
(1829), Luke, de London Ilospital (1815),
avaient été heureux par cette
médication. Les observations
suivies de résultats satisfaisants se comptent par
dizaines
pour un chiffre d'une
quarantaine
auplus de tentatives.
Les résultats furent pourtant
contestés
parRicheraud qui
affirmait, dansle
Dictionnaire des Sciences médicales,
quela
» méthode débilitante ne peut
être employée,
avecquelque
espoir de succès, que dans
les anévrismes commençants.
»Cette observation de Richeraud n'est qu'une
partie des
griefs que l'on peutfaire à la méthode. Outre
quel'on a noté,
à la suite de cette raréfaction des forcesvitales, dessyncopes dont les malades ne sont jamais sortis,
les inconvénients
— 20 —
dont nous avons l'ait justice
précédemment constituent
presque une
contre-indication.
La preuve
des difficultés
quecette médication rencontrait
dans son
application
setrouve contenue dans ce mot de
Lefort, qui
écrivait
en1870: «Les succès obtenus, quoique
rares,autorisentà
recourir à
cemode de traitement quand
il s'agit
d'anévrismes inaccessibles aux .moyens chirur¬
gicaux».
C'est dire
en unmot qu'il ne la considérait guère
que commeun
traitement de pis aller.
Mais cequi a
donné le
coupde grâce à la méthode, c'est
l'ensemble desconclusions de
MM. Andral et Gavarret à la
suite deleurs expériences.
On crut pendant
longtemps
quela saignée de Valsalva
chassait au dehors une assez
grande partie du sérum
sanguin à
l'exclusion des éléments fibrinogènes qui demeu¬
raient dans le torrent
circulatoire. Par
cefait, la quantité
relative de la fibrine du sang se
trouvait augmentée, et ce liquide était plus coagulable.
A lavérité, ces
suppositions étaient
peuscientifiques, puis¬
que
le résultat de l'expérimentation moderne prouve que
« chaque
émission sanguine est suivie de la diminution, non
seulement de la
quantité absolue de fibrine, mais encore de
sa
quantité relative dans le sang
»et
«il est à craindre que la
défibrinationdu sang
neutralise et,
audelà, les effets avan¬
tageux
de la déplétion produite par les saignées. »
Chomel
(1832), suivi de Forster, de Dublin (1839), en secta¬
teurs trop
zélés, avaient fait presque abandonner le procédé,
à causedes accidents
qui leur étaient arrivés
parsyncope.
L'expérimentation scientifique réussit à faire abandonner
par «
raisons démonstratives » une thérapeutique qui pré¬
sentaitdesdangerset
n'était point particulièrement agréable.
Désespérant d'atteindre la formation du caillot par la sai¬
gnée et
la diète, des cliniciens eurent l'idée (très logique,
d'ailleurs)
d'augmenter la richesse fibrineuse du sang en
exagérantl'absorption quantitative de la nourriture azotée.
Les traitements
alimentaires de Tuffnell, de Beatty, de
— 21 --
Proudfoot et de
King
nesont que des modifications d'un
régime
qui
sefait surtout remarquer par sa richesse en
matières
assimilables et
sapauvreté en toxines alimentaires
toujours
vaso-constrictives. La « diète carnée» était instituée,
ellea l'avantage
de
ne pasaffaiblir les malades, de favoriser
la diurèse, de
diminuer la tension artérielle, de modérer
l'action du cœur et
d'agir ainsi favorablement sur la paroi
anêvrismale. En
fait absolu,
cerégime peut toujours être
établi, même
dans les
casdésespérés, puisqu'il est en accord
parfait
avecle principe immuable « primo non nocere ».
La « diète carnée»
est le premier terme d'un groupe théra¬
peutique
que,dans ce résumé rapide, nous plaçons en
dernier lieu et
auquel appartient aussi le traitement de
Lancereaux.
Tuffnell, imité en
cela
parles praticiens qui ordonnent les
lavements de
gélatine, comptait enrichir l'organisme de son
maladeen le
suralimentant.
M. Lancereaux, au
moment où les injections hypoder¬
miques
sont
envigueur, survient et, sur le vu des expé¬
riences de Dastreet
Floresco
en1895, de Paul Carnot en 1897,
institue un
traitement où la gélatine (partie active) est absor¬
bée par
l'intermédiaire des lymphatiques parcourant le tissu
sous-cutané.
En fait le
traitement de Lancereaux est survenu à une
époque
où il était logique de le voir apparaître, c'est la
résultante
normale d'une sélection thérapeutique dont la
ligne de
conduite n'est pas très nette, c'est un stade dans
cetteévolution ; est-ce
le terme ultime et concluant de ces
tentatives ingénieuses
mais sans cohérence? C'est ce que
nous verrons plus
tard.
CHAPITRE II
Ainsi que
l'a montré M. Paul Carnot dans son premier tra¬
vail de
septembre 1897, les différents moyens hémostatiques
que nous
possédons
seramènent à deux, et Ton peut ainsi
les diviser suivant
qu'ils ont
uneaction vaso-constrictive
ou bien coagulante.
Ces derniers, en
dernière'analyse, sont de beaucoup supé¬
rieurs aux autres. Ils ne font en
quelque sorte qu'exagérer
le processus
normal d'hémostase de l'organisme.
Parmi les substances qui
jouissent de cette propriété, la
gélatine tient
le premier
rang.Les premières constatations
à cetégard sontdues
à MM. Dastre et Floresco. Cherchant les
modifications que la
gélatine subit dans l'organisme ils dé¬
couvrirent ses propriétés
coagulantes. Leurs expériences,
nombreuses, consistent en
l'introduction dans la veine
tibiale d'un chien d'une solution à 5
9/0 de gélatine sèche
dansf du chlorure de sodium à 8
0/0. Ils virent la gélatine
s'éliminer
rapidement
parl'urine, qui présentait cette parti¬
cularité de se
gélifier
enrefroidissant.
Ces auteurs distinguèrent
la coagulation, ils constatèrent
qu'il y a entre ces
deux phénomènes une différence de degré
au
profit
dela gélifîcation.
En 1898, on trouve à ce sujet une
communication de Si-
redeyà la
Société médicale des hôpitaux. Peu après, M. Da-
lené
rapportait le résultat de
sesrecherches.
En octobre 1897, en juin
1898, puis octobre de la même
année, Lancereaux
fait à l'Académie de médecine la commu¬
nication suivante de 5 observations. Nous
les donnons in
extenso.
Observation I
(La.ncerea.ux, Bull. Acad. méd., 25 octobre
1898.)
Paludisme. Aortiteenplaque. Anévrisme de la crosse
de l'aorte.
CharlesP..., quarante-sixans, a des
antécédents héréditaires excel¬
lents. Lui-même s'est toujoursbien porté. A
dix-neuf
ans,il
va enAfri¬
que, où il contracte
le paludisme, mais à peine a-t-il
un oudeux accès
de fièvre rapidement combattuspar
la quinine.
Il n'a pas eu la syphilis, et
n'est
pasartério-scléreux. Depuis trois
ans, cethomme est atteint d'une anévrisme dela première portion
de la
crosse de l'aorte, occasionné par les efforts considérables
qu'il était
obligé de faireen travaillant àunemachine destinée à faire des bouton¬
nières.
Il était occupé à ce travail depuis six
mois, lorsqu'il
commençaà
éprouver desdouleurs névralgiques
surle trajet des premiers nerfs
intercostaux droits. Bientôt, à ces douleurs névralgiques
s'ajoutèrent
de véritables crises d'angine de poitrine et, enjuin 1896,
le malade
constata l'apparition, au niveau des 3e et 4e
cartilages costaux droits,
d'une tumeur pulsatile qui, depuis
lors, n'a fait
ques'accroître.
Le 23décembre 1893, le maladenous est adressé par le Dr Besançon qui le soignedepuis un
certain
temps.Il présente alors, à la partie
supérieure de la poitrine, une tumeurpulsatile mesurant 12 centi¬
mètres sur12 cent. 5, laquelle avait érodé les 2e, 3e et4e
cartilages
cos¬taux droits, les extrémités des côtes correspondantes et, de plus, une grande partie du sternum.
Animée de battements synchrones
auxpul¬
sations des artères etd'un mouvement d'expansion très net, suivant de près la systoleventriculaire, cette tumeur ne
présente
pasde frémisse¬
ments à la palpation, etl'auscultation permet
d'entendre,
à sonniveau,
deux battements réguliers non accompagnés de
souffles.
Le cœur est légèrement augmenté de volume;le pouls
estrégulier (100 pulsations
parminute), il est synchrone aux
deux radiales
etde même intensité.
Les autresorganes n'offrent rien à noter.
Le malade souffrebeaucoup; il a, presquetoutes les nuits,
des crises
d'angine de poitrine; laseule position qu'il lui soitpossible de
conserver- 25 —
estledécubituslatéral
droit, et chaque fois qu'il essaie de se dresser ou
de secouchersurle dos,
il est pris de quintes de toux pénibles, coque-
luchoïdes, avec
raucité de la voix;
enmême temps, il éprouve de l'op¬
pression et des douleurs profondes accompagnées d'angoisse. La poche
anévrismale augmente
progressivement et rapidement de volume ; le 15
janvier
1897, elle
mesure14 sur 15 centimètres et, de plus, à sa sur¬
face, ont apparu
des bosselures ecchymotiques, molles et dépressibles,
au niveaudesquelleson
sent
quele sang est directement en contact avec
la peau
très amincie. La situation est critique et le danger imminent.
Le20janvier, pour
la première fois, on pratique dans le tissu cellu¬
lairesous-cutané de la
fesse gauche
uneinjection avec 250 centimètres
cubesd'une solution
contenant 5
grammesde gélatine pour 100 de sé¬
rumartificiel : stérilisée et
maintenue à 37 degrés. Le lendemain même
on put
constater
quela tumeur était devenue manifestement plus ferme.
Lesjours
suivants, la tumeur diminue, mais elle reprend bientôt ses
dimensions
primitives,
sesparois redeviennent molles et on sent de nou¬
veau le sang battresous
la
peau.Le 10 février, on fit au malade une
injection de 150 centimètres cubes de gélatine à 1 p. 100; à la suite, la
poche
diminue de nouveau de volume et devient ferme ; mais ce qu'il y
ade
remarquable, c'est la cessation complète de toute douleur. Le ma¬
ladecessedese
plaindre de douleurs intercostales et de crises d'angine
depoitrine,
il peut
secoucher sur le dos et même sur le côté gauche,
sanséprouver
de toux coqueluchoïde et sans que la voix devienne rau-
que.
Du 10févrierau 7 mai, on
pratique 12 injections semblables à la
précédente:
le résultat est la diminution considérable de la tumeur (2
centimètresdansle sens
vertical
sur1 centimètre dans le sens transver¬
sal);
etd'ailleurs, celle-ci, devenue ferme, n'est plus animée de mouve¬
ments
d'expanskfn. Le malade, n'éprouvant plus aucune souffrance,
quitte
l'hôpital le 25 mai 1897 et recommence immédiatement à travail¬
ler. Un mois plus
tard, l'état satisfaisant se maintenait et, le 22 juin,
nous pûmesvous
le présenter ici même.
Pendant toute uneannée ce
malade,
nesouffrant plus, a mené sa vie
ordinaire eta
continuellement travaillé, soit à écrire ou dessiner, soit à
broder.Vers le15juin
1898, il commence à ressentir des douleurs né¬
vralgiques
intercostales et,
enmême temps il s'aperçoit que la partie
— 26 —
inférieure de sa tumeur a augmenté de volume. Le 23juin, il entre à l'hôpital oùnous constatons que l'ancienne poche anévrismale a con¬
servéson volume et sa fermeté, mais qu'à sa partie inférieure, du côté
du ventricule, s'est surajoutée une petite poche nouvelle, molle et dé- pressible. Deux injections, chacune de 200 grammes, d'une solution de gélatine à 2 p. 100, suffisent pour faire durcir cette nouvelle poche et fairecesser les douleurs. Le 2juillet, nousenvoyons ce malade à l'hô¬
pital Trousseau, où il est radiographié par le l)r Variot, qui a bien voulu nous remettrele calque radiographiquequevoici. Le 4juillet,il quiite notre hôpital et reprend son travail; vers la fin de juillet, il vientnous dire que son état desanté estsatisfaisant.
Le 12 août, sans causeappréciable, ce malade ressent, tout à coup, desdouleurs intercostalesà droiteet presque en même temps il cons¬
tate l'apparition, àla partie inférieure de l'anévrisme, d'une nouvelle
tumeurassez volumineuse et allongée transversalement, accompagnée d'une douleur tellement violente qu'il cesse de dormiret ne peut plus
manger à cause d'une gêne dans les mouvements de déglutition. Il
rentre àl'hôpitalle 1er septembre, exténué de fatigue et considérable¬
mentamaigri. Le jour même, on lui pratique uneinjection de 200cen¬
timètrescubes d'une solution de gélatine à 2p. 100 et, dès le lendemain, la partie molle de l'anévrisme devient manifestement plus ferme; les douleurs diminuent pourdisparaître bientôt après la troisième injection qui est faite le 10 septembre.
Observation II
(Lancereaux, Ibid.)
Anévrisme de la crosse aortique traité par des injections
sous-cutanées de gélatine. Guérison.
Louis Ch..., chauffeur, âgé de quarante-huit ans, entredans notre service le 16 mai 1868. Huit mois auparavant, un matin, pendant une
pituite, cet homme ressentittout à coup un craquement dans la poi¬
trine et crachaun peude sang; à partir de ce moment, il éprouva, de tempsà autre, au même endroit, des douleurs profondes et,depuis deux
àtrois mois, il ne peut plusfaire aucun effort, car dès qu'il essaye de soulever un certain poids ou même simplement de se baisser pour
— 27 -
ramasser quelque chose, il devient
immédiatement violet et éprouve
uneviolente oppression.
C'est un hommerobuste et bien constitué qui, depuis l'âge de vingt-
six ans, travaille dans les lavoirs, et se trouve dans la nécessité de
souleverdes charges trèslourdes. Il a
le
couépais,
sans quele
corps thyroïde soitaugmenté de volume
; sonthorax, très large, est sillonné,
dans sa partie supérieure et
principalement du côté droit, de
nom¬breuses veinessuperficielles sinueuses,
résultant d'une stase manifeste
dansla circulation veineuse de latète et de toute la partie supérieure
du thorax. Le cœur est normal et,à part les battements
de la pointe,
on constateun second centre de battements dans le deuxième espace intercostal droit. On ne perçoit pas de
frémissement
à ceniveau
:la
percussion donne unematité s'étendant à 10 centimètres du bord droit
du sternum. A l'auscultation du cœur, on n'entend rien
d'anormal,
mais à droite du sternum, au niveau de l'anévrisme,on
perçoit
un double souffle allongé, très doux. Les battementsdes carotides et des
radiales sont normauxet synchrones des deux
côtés. Les autres
orga¬nes neprésentent rien de
particulier
àsignaler.
Le20 mai,il estpratiqué unepremière
injection sous-cutanée de gé¬
latine(4grammes
dans 200 de sérum artificiel); jusqu'au 1er août,
onfait dix injections
semblables,
une parsemaine environ, et,
cejour-là,
on constate d'unefaçon manifeste que le souffle
entendu
auniveau de
l'anévrisme n'existeplus et queles veines
sous-cutanées très dilatées et
sinueuses de toutela partie supérieuredu thorax ont
disparu. Le malade
n'est plus ni cyanosé, ni
oppressé
et, sesentant tout à fait bien, il de¬
mande à sortir pour reprendre son
travail. On lui fait, néanmoins
encore, deux injections
semblables
auxprécédentes, la dernière le
17 août. Ilquitte
l'hôpital
le 6septembre et, depuis lors,
sonétal,
comme vous pouvezle constater, se
maintient est aussi satisfaisant
que possible.Le 2juillet,ce malade
avait été radiographié
parle D1' Variot qui
nous en a remisle calque radiographique.
- 28 —
Observation III
(Lancereaux, Ibid.)
Anévrisme de l'artère sous-clavière droite. Traitement parles injections sous-cutanées de gélatine. Guérison.
Achille F..., cocher, âgé de cinquante ans,entre
dans notre service
le 11janvier 1898. Ce malade,
qui
nous aété envoyé
parM. le I)r
Jousset, éprouva tout àcoup, enjuillet 1897, en
lavant
savoiture,
un engourdissementavec fourmillement dansle
brasdroit. Les jours sui¬
vants, cet accident s'étant renouvelé, accompagné de douleurs
lanci¬
nantes sur le trajet des nerfs du bras, ce
malade vit
unmédecin qui
constata, dans lecreuxsous-claviculaire droit, l'existence d'une tumeur pulsatileet prescrit remploi de
l'iodure de potassium. Mais,
peuà
peu, le brasdevint faible et le malade, pouvant à peine s'en servir, pritle
parti de quitter sontravailetd'entrer
àl'hôpital.
C'est un hommerobuste qui se serait toujours bien porté,
si
àl'âge
detrente-quatre ansil n'avait contracté la
syphilis.
Dansle triangle
sus- claviculairedroit, immédiatement en dehors des scalènes, il existe unetumeurd'une grosse noix,
appréciable
au palper etmême
àla
vue, lorsque le malade estdebout. Cette tumeur,animée de battements
syn¬chrones auxpulsations de l'artère, présente, en outre, un mouvement d'expansion très
manifeste
; mais on n'yperçoit ni frémissement ni
souffle à l'auscultation. Au delàde l'anévrisme, les pulsations ne sont
perceptibles
ni àlaradiale, ni
àl'humérale.
Toutle membre supérieur
droit estplus chaudquele gauche; les extrémités des
doigts du côté
droit sont le siège d'un engourdissement pénible; les dernières pha¬
langes sont augmentées de volume et
les
onglesrecourbés,
surtoutdans
lesens de la longueur. Le malade éprouve, au niveau de
l'anévrisme,
des élancements douloureux qui s'irradient toutle long du bras.
Le 18 janvier, une première injection de
gélatine (200
grammes d'une solutionà2p.100)
estpratiquée, et,jusqu'au
9avril, il
estfait
onze injectionsidentiquesàla précédente. Dès la
première injection, la
poche anévrismale durcit; aprèsla troisième,
onperçoit
unsouffle
double très doux qui
n'existait
pas auparavant; puis cesouffle dispa¬
raîtet, aveclui lesmouvements d'expansion delapoche. On ne sentait