FACULTÉ DE
MÉDECINE
ETDE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1896-1897 »î
ESSAI SUR L'EMPLOI
de Sérum artificiel
*
dans le traitement
les gastro-entérites choléritormes les
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECIN
présentée et soutenue publiquementle 29
Juillet 1897
Edouard-Loïïis-Emile
DOTÉZAC
Né à Cambo (Basses-Pyrénées), le 24 septembre
1872.
Examinateursdela Thèse :
MM. PIECHAUD DEMONS POUSSON BINAUD
professeur.... Président.
professeur j agrégé ! Juges.
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur
les
diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI — PAUL
CASSIGNOL
91 — RUE PORTE-DIJEAUX — 91 1897
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. PITRES Doyen.
PROFESSEURS MM. MICE.
AZAM
Cliniqueinterne...
MM.
PICOT.
PITRES.
DEMONS.
LANEliONGUE.
DUPU Y.
Professeurs honoraires.
Clinique externe....
Pathologie interne.., Pathologie et théra¬
peutique générales. VERGELA.
Thérapeutique ARNOZAN.
Médecine opératoire. MASSE.
Clinique d'accouche¬
ments MOUSSOUS.
Anatomie pathologi¬
que COT NE.
Anatomie... BOUCHARD.
Anatomie générale et
histologie VIAULT.
Physiologie Hygiène Médecinelégale Physique Chimie
Histoire naturelle ...
Pharmacie
Matièremédicale....
Médecine expérimen¬
tale
Clinique ophtalmolo¬
gique
Clinique des maladies chirurgicales des en¬
fants
Clinique gynécologique
MM.
JOLYET.
LAYET.
MORACHE.
BERGON1É.
BLAREZ.
GU1LLAUD.
FIGUIER.
de NABI AS.
FERRÉ.
BADAL.
PIECHAUD.
BOURSIER.
AGRÉGÉS EX EXERCICE :
section de médecine(Pathologie interneetMédecine
MM. MESNARD. 1 MM. SABRAZÈS.
CASSAET. | Le DANTEC
AUCHÉ.
légale.)
section dechirurgie et accouchements
Accouchements...(MM. RIVIÈRE.
/ CHAMBRELENT (MM. YILLAR.
Pathologieexterne] BINAUD.
(
BRAQUEHAYE |section dessciencesanatomiques et physiologiques
(MM. PRINCETEAU | Physiologie MM. PACHON.
••••j GANNIEU. Histoire naturelle BEILLE.
Anatomie
section dessciences physiques
Physique MM. SIGALAS. | Pharmacie M. BARTHE.
CliinweclToxicologie DENIGÈS. |
C «U RS C « M P U KIIF X T AI R F S Clinique interne desenfants
Clinique desmaladies cutanéesetsyphilitiques.
Clinique desmaladies desvoies urinaires
Maladies dularynx, des oreillesetdu nez Maladiesmentales
Pathologie externe Accouchements Chimie
MM. MOUSSOUS.
DUBREUILH.
POUSSON.
MOURE.
RÉGIS.
DENUCÉ.
RIVIÈRE.
DENIGES Le Secrétaire dela Faculté: LEMAIRE.
Pardélibération du 5 août 1879, la Faculté aarrêté que les opinions émises dans les Thèsesqui lui sontprésentées doivent être considérées comme propres à leursauteurs, et qu'ellen'entend leurdonner ni approbationniimprobation.
A la mémoire de mon Grand-Père
LE DOCTEUR CHARLES DOTÈZAC
A MA MÈRE
A MON PÈRE LE DOCTEUR ALBERT DOTEZAC
A MES FRÈRES ET SŒURS
A MONSIEUR LE DOCTEUR LAYET
PROFESSEUR D'HYGIÈNE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX
CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
MÉDECIN PRINCIPAL DE LA MARINE EN RETRAITE
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
MEMBRE CORRESPONDANT DE LA SOCIÉTÉ DE MÉDECINE
A MONSIEUR LE DOCTEUR GRANCHER
PROFESSEUR DE CLINIQUE MÉDICALE INFANTILE A LA FACULTÉ
DE MÉDECINE DE PARIS
MÉDECIN DE L'HOPITAL DES ENFANTS MALADES OFFICIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
MEMBRE DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE
Amon Président deThèse
MONSIEUR LE DOCTEUR T.
PIÉCHAUD
PROFESSEUR DE CLINIQUE CHIRURGICALE INFANTILE A LA FACULTÉ
DE MÉDECINE DE BORDEAUX CHIRURGIEN DES HOPITAUX
OFFICIER DE 1/INSTRUCTION PUBLIQUE
A MONSIEUR LE DOCTEUR GRANCHER
PROFESSEUR DE CLINIQUE MÉDICALE INFANTILE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE PARIS
MÉDECIN DE L'HOPITAL DES ENFANTS MALADES OFFICIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
MEMBRE DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE
Amon Président do Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR T.
PIÉCHAUD
PROFESSEUR DE CLINIQUE CHIRURGICALE INFANTILE A LA
FACULTÉ
DE MÉDECINE DE BORDEAUX CHIRURGIEN DES HOPITAUX
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
INTRODUCTION
La question des sérums et
de la sérothérapie
nedate que
d'hier. A l'époque où nous
commencions
nosétudes,
cesno¬
tions , produits exclusifs de
la science contemporaine, nais¬
saient à peine. Aussielles
frappèrent davantage notre atten¬
tion, tant par leur nouveauté
même
que parleurs impor¬
tantesapplications
thérapeutiques. C'est pourquoi, lorsque
dans le service et sur les conseils de M.
le professeur A.
Moussous, en juin 1896, nous fûmes
convié à faire l'essai de
la sérothérapiesur les enfants
atteints de diarrhée choléri-
formes,nousfûmestout
disposé à entreprendre
cetravail pour
en faire le sujet denotre thèse
inaugurale. Cette bonne for¬
tunenous a coûté, àvrai dire, bien des
essais et de longues
recherchespersonnelles, mais
les effets et les résultats obte¬
nus compensentlargement nos
efforts.
Nous apportons dans ces pages
surtout l'exposé de ces
résultats; mais nous y avons
joint,
pourla compréhension
du sujet, un premier
chapitre
surl'historique des injections
desérum en général, soit par
voie intra-veineuse soit par
voiesous-cutanée. Les IIe etIIIechapitres,
réservés
auxeffets
physiologiques et
thérapeutiques du sérum et aux observa¬
tions, traitent le fond
principal de notre sujet. Enfin dans le
IVeet dernierchapitre nous exposons
les indications de la
sérothérapie, le choix d'un
sérum, les doses à injecter et le
manuel opératoire dans
les divers
cas.Au reste nous devons
beaucoup auxconseils
et à l'enseignement de M. le profes-
- 10 —
seuragrégé A. Moussous à qui nous ne saurions trop mani¬
fester notre reconnaissance.
M. le professeuragrégé Villar a égalementdroit à tous nos remerciements pour la bienveillante sollicitude qu'il a ma¬
nifestée à notre égard durant le cours de nos études médi¬
cales.
Que M. le DrSaint-Philippe,qui a bienvoulu mettre à notre
disposition lespetits malades de son service, reçoive ici l'ex¬
pression de notrerespectueuse reconnaissance.
Nousn'oublieronsjamais les intéressantes leçons de M. le professeur Layet, et nous aurons toujours plaisir à nous rappeler les heures de causerie intime passées dans son laboratoirequi nousa toujours été gracieusement ouvert.
M. le professeurPiéchaud nous permettra de lui réserver
une place à part danscejuste tributde reconnaissance. Pen¬
dant toute la durée de nos études, il a bien voulu s'occuper
de nous avec une bienveillance et une bonté vraiment pater¬
nelles. Cette sollicitude à notreégard s'affirmeencore davan¬
tage aujourd'huipuisqu'il abienvouluaccepter la présidence de notre thèse. Nous le prions de vouloir bien recevoir l'assurance de notre vive reconnaissance et de notre plus profond dévouement. Qu'il voie là non pas l'exécution d'une banale formalité mais bien l'expression d'un sentiment sincère et vraiment parti du cœur.
Nous nousgarderons également d'oublierM. le Dr H. Ver¬
ger et notre collègue Soulé qui nous ont si amicalementaidé durant nos recherchescliniques etquiont droit aussi à nos
remerciementssympathiques.
CHAPITRE PREMIER
HISTORIQUE
APPLICATIONS DIVERSES DES INJECTIONS DE SÉRUM ARTIFICIEL
A DOSE MASSIVE PAR LA MÉTHODE INTRA-VEINEUSE
L'idée d'introduire dans les veines un liquide propre à
diluerle sang remonte à l'épidémie de choléra
qui décima
l'Europe en 1830.
En Russie, Hermannayant constaté quele choléra, par
les
vomissements et lesdéjections alvines, amenait une
déshy¬
dratation du sangetpartantson épaississementproposa
d'in¬
jecter de l'eau dans les vaisseaux
des malades. Son collègue
Janichen fît une injection légèrementacidulée à une
femme
agonisante. L'acide acétique
qu'il avait ajouté à
soninjection
étant destiné selon lui à remplacer celui que le sang
avait
perdu et dont la présence
était constatée
parl'acidité des
déjections (.sic). La malade
mourut deux heures après l'in¬
jection.
En Allemagne, les tentatives ne furentpas
nombreuses.
Dieffenbackessaya de faire une transfusion
sanguine qui
fut du restesans résultat. Autant cette méthode trouva peu d'adeptes en Allemagneautant
les Ecossais s'en montrèrent
les chauds partisans. Le Dr Thomas
Latta préconisa les
injections à dose massive lors
de l'épidémie de 1832.
S'inspirant des importantes recherches de O'Shanghnessey, qui avait constaté la perte d'eau et des selsdu sang, il se ser¬
vait d'un liquide de la formule suivante :
Chlorure de sodium, de Sous-carbonatede soude Eau
. 3à 5 gr. environ.
1 gr.70 3 litres.
LeDrLewinsseservit de la mêmeformule, dont il augmenta
un peu la concentration.
En184-9,nous voyons Briquet et Gaupil,Hérow, Duchossay, appliquercette méthode au traitement de leurs cholériques
et entirer des bénéfices sérieux.
La courte épidémie qui éclata en France, en 1873, vit cette méthode un peu délaissée remise en honneur par Dujardin-
Beaumetz.
La question en était là lorsque éclata en France l'épidémie
de 1884. M. le professeur Ilayem, fort de ses remarquables études hématologiques, fit résolument des injections intra¬
veineuses à tous ses cholériques. La composition du liquide
était la suivante :
Les injections salines intra-veineuses n'ont pas été em¬
ployées uniquement dans le choléra. Ala suite des expérien¬
ces de MM. Jolyet et Laffont en France, de Kronecker et Sander enAllemagne, on appliqua cette méthode au traite¬
ment de l'anémie aiguë post-hémorragique.
Swhartz (de Halle) préconisa la solution suivante, dontla composition se rapproche de celle du sérum sanguin :
Chlorure de sodium pur Sulfate de soude Eaudistillée
5 gr.
10 —
1000 —
Eau 1000 gr.
Chlorure de sodium 5 —
Carbonate desoude, quelquescentigrammes.
Laformule deHayein,employéeenFrance,
est
conçuedans
le môme esprit :
Eaubouillieoustérilisée Chloruredesodium Hydratedesoude
Sulfatedesoude
1000 grammes.
5 1 10
Sidney Ringer additionne son
sérum de petites quantités
de chauxet de potasse, dansle
but de relever l'énergie du
cœur. Gaulepréconisedeson
côté d'ajouter quelque peu de
sucrede canne qui favorise la
réparation du
sang.Enfin, la Clinique
d'accouchements de l'hôpital Saint-André
de Bordeauxemploie la solution
suivante
:Chlorure desodium 7 grammes.
Glycérophosphate desoude
4
»Eaustérilisée 1000 »
Actuellement, touslesjeunes
médecins peuvent
enappré¬
cier les avantagesdans lesservices
de chirurgie et d'accou¬
chements.
L'année dernière, M. Portes, reprenantla
question
aupoint
devuedu traitementdel'anémie aiguë par
hémorragie pri¬
mitive, particulièrement en
'temps de guerre, arrive aux
conclusions suivantes (*) : « La valeur
thérapeutique de cette
méthode est au moinségale à celle des
autres méthodes qui
ont été proposées, ses
avantages pratiques sont très supé¬
rieurs ». Les grandes injections
salées sont donc une arme
puissantedont se
servira la chirurgie de guerre sur le champ
de bataille.
Non content de fairejouerau sérum
artificiel
sonrôle de
réparateur et
régénérateur de la masse et de la pression san¬
guine, lescliniciens
voulurent lui faire jouer aussi un rôle
épurateuret
antitoxique. Les études chimiques et bactério-
(!) Portes,ThèsedeBordeaux,
1896.
— 14 —
logiques venaientjustifier leur pensée. C'était là un vaste
champ ouvert à l'expérimentation. Les physiologistes se
mirentcourageusement à l'œuvre, ils pratiquèrent ce qu'on appelle « lelavage du sang ».
En 1888, MM. Dastre et Love instituent des recherches sur les animaux et communiquent au monde médical les résul¬
tats deleurs expériences (*). Ils n'étaient pas encourageants.
« Contrairement à nos prévisions, concluent-ils, le lavage
a eu pour conséquence de hâter l'évolution des accidents et la terminaison mortelle. Dans tousles cas, les animaux (ino¬
culésou intoxiqués) lavés ont péri plus rapidement que les témoins. Nosexpériencesantérieuresayant démontré l'inno¬
cuité de l'opération du lavage enelle-même, l'aggravation ici observée ne saurait lui être attribuée. »
Cettepremièredéfaitenedécouragea pas les expérimenta¬
teurs. Et nous voyonsle professeur Sahli(de Berne) traiter
avec succèspar degrandesinjections de sérum artificiel ses
malades diabétiques, urémiques, typhiques graves (-).
M. Chassevantl'emploie pour lastrychnine.MM. Bosc etVedel pour l'infection coli-bacillaire. M. Delbetpourlastrychnineet quelquesautres poisons.
MM.Poraket Bernheim(3)en usent
dansl'albuminuriegra-
vidique et l'éclampsie puerpérale.
Enfin, M. de la Combe (4) nous fait voir les avantages que peut tirer la chirurgie de l'emploi d'une solution saline.
« Nous devons le préconiser, conclue-t-il, non seulement dans ces cas désespérées d'hypothermie post-opératoire,
mais chez desmalades affaiblis dont l'état précaire de santé fait souventreculer devant une opération nécessaire cepen¬
dant, carsans intervention c'est la mort à brève échéance.
(h DastreetLoye, Le lavage du sang (Arch. de physiologie, 15 août
1888). Lavage[-) VoirSemainedusangdansles maladies infectieuses(Sociétédebiologie1889).
médicale, 1eroctobre 1890.
(;t) Porak et Bernheim, Nouvelles Archives d'obstétriqueet de gynécolo¬
gie, 25mai 1893.
('<■) Dela Combe, Thèse de Paris, 1897.
— 15 —
Grâce à lui, il nousest permis de relever rapidement leurs
forces et de leur faire subir l'intervention chirurgicale avec
plusde chancede succès. »
Nous ne ferons que signaler en passant la transfusion péritonéale de sérum artificiel substituée à la transfusion sanguine de Ponflck (de Breslau). En 1884, M. Hayem (*) est
le seul en France à pratiquer cette opération sur deux petits cholériques qui, du reste, moururent du choléra et non de l'injection. EnAllemagne, 0. Bernhard l'emploie avec suc¬
cès dans un cas d'hémophilie grave avec hémorragie ombili¬
cale. Mais c'est là une thérapeutique exceptionnelle et il n'y
a pas lieu d'y insister davantage.
APPLICATIONS DIVERSES DES INJECTIONS DE SÉRUM ARTIFICIEL
A PETITE DOSE PAR LA VOIE SOUS-CUTANÉE
Nous n'avons parléjusqu'ici que desinjectionsde grandes quantités de sérum. Pour faciliter l'absorption d'une si grande masse de liquide, les cliniciens et les physiologistes
se sontadressés à la voieintra-veineuse. Une seconde façon
de seservir du sérum artificiel consiste à l'injecterdans le tissu cellulaire sous-cutané.
M. le professeur Luton (de Reims) estun des premiers mé¬
decinsqui sesontoccupésde l'introduction des médicaments parla voie hypodermique. « Déjà, dit-il, lorsqueen 1882 (2),
nous commencions nos injections de sel marin contre cer¬
taines douleurslocalisées, il était évident quel'action locale
sedoublait d'effets générauxremarquables. Lorsque,en 1874,
nous avons étudié l'effet des injections sous-cutanées des selspurgatifs, nousavons reconnu indépendamment du fait
(!) Revue de Hayem, t. XXXV.
(-) Luton (de Beims), De latransfusion hypodermique (Archivesgénérales
demédecine, 1884).
principal qu'on ne sauraitnier des
résultats accessoires des
plus intéressantsencore. C'est ainsi que
l'injection de 50
cen¬tigrammesà 1 gramme de sulfate de soude en
dissolution
pouvait combattre les vomissements sans
matière de la
coqueluche, de la dyspepsie, de la grossesse, et
jusqu'à
ceux d'origine organique ». M. Luton cite ensuite tout aulong
l'observationd'une femmeà qui une injection de5 grammes de solution de sulfate de soude au l/10e, faitetous les trois mois, calme les douleursd'une dyspepsie essentielle.
Une injection de 10 grammes de la môme solution guérit
une femme d'une métrorragiegrave.
Dans une seconde communication (*), il nous fait voir un ouvrier plombier très malade à qui uneinjection faite toutes
les six semaines rend la santé. Enfin unefoule de gens débi¬
lités doivent à ces injections les uns leur rétablissement complet, les autres la prolongation de leurexistence.
M. Luton se servait d'uneseringue de Pravaz etla formule
de la solution était la suivante :
« Nous avons employé l'expression de transfusion hypo¬
dermique, dit-il dansses conclusions, puisque nous avons obtenu des effets équivalents à ceux de la transfusion du
sang avec des injections ramenées à une proportion mini¬
mum de 5grammes. Ce quel'on ignore, c'est la persistance
des effets d'une pareille injection,etnous maintenons qu'une injection de 5 grammes pratiquée une fois par mois, peut répondreauxbesoins les plus impérieux. »
Nombreuses sont lesmaladies dans lesquelles M. Luton préconise cesinjections de sérum : le choléra vrai, choléra
Eau distillée
Phosphate de soudecristallisé
Sulfate de soude
100 grammes.
5 »
10 »
(fi Luton, De la transfusion hypodermique (Gaz. des hôpitaux, n°44, 1893).
— \i —
sporadique, choléra infantile, athrepsie, cachexieengénérai,
et spécialement la tuberculose par un sérum cuprique.
Que penser de ces résultats merveilleux obtenus par M. Lu ton avec des doses si peu élevées et si espacées? Nous croyonsqu'il vaut mieux mieux dire avecM. Huchard, que pour arriver à deseffets toniques et excitants il faut injecter les doses plus élevées et plus fréquemment répétées!
A la suite de M. Luton, MM. Chéron et Huchard formulent
une solution dans laquelle ils font entrer l'acide phénique neigeux. Ils l'emploient dans les inflammations pelviennes aiguës et chroniques et arrivent, disent-ils, à d'excellents résultats.
M.ChéronQ) attribuerait à cesinjectionsunehausse subite
de la pression artérielle et consécutivement une hyperglo-
bulie relative. En effet, dit-il. la vaso-constriction tassant les globules dans une quantité de liquide moindre, les faitappa¬
raîtrebeaucoup plus nombreux dans un espace donné. C'est
à ces deux phénomènes connexes qu'il attribue les bons
effets des injections. Il aurait pu ainsi avec une injection de
5 cc. de solution physiologique à 7 0/00, faire, à une jeune femme, élever la pression sanguine prise à la radiale de
10 à 14 centimètres de mercure en huit minutes.
En 1896, sept enfants athrepsiques de la Clinique médicale
infantile du Dr A. Moussous ont été traités systématique¬
ment par les injections de sérum artificiel par M. Verger,
interne du service, préparateur dephysiologie(2). Il n'apas voulu adopter la formule de Chéron, dans laquelle l'acide phénique lui paraît non seulement inutile mais encore dan¬
gereux, les enfants étant particulièrement sensibles à
l'action toxique de cet agent.
(0 Chéron, Congrès international de gynécologie et d'obstétrique de
BruxellesetBulletinmédical,21 septembre 1892. — Congrès de médecine
interne de Bordeaux en 1895(Comptes rendus, page592)
(2) H. Verger, Les injections hypodermiques de sérum artificiel dans
le traitement de l'athrepsie (Archives cliniques de Bordeaux novem¬
bre 1896).
Dot. 2
Voicisa formule :
— 18 —
Sulfate desoude 5 grammes.
Phosphate desoude....
10
— Chlorure desodium .... 2 —Eau 100
« En résumé, conclue-t-il,
dans
nosexpériences cliniques
lesinjections de
sérum ont toujours agi d'une façon utile en
donnant un coup de
fouet à la nutrition et jamais nous
n'avons constaté d'effets
nuisibles. Mais ces résultats clini¬
quessont
forcément incomplets ; ils se bornent à des com¬
paraisons de
poids, et, pour établir avec certitude nos
conclusions, il est besoin
de les corroborer par l'étude expé¬
rimentale de l'action
physiologique du sérum à petite dose. »
Laissant de côté la question
de l'byperglobulie, M. Verger
a repris sur
l'animal les expériences de M. Cliéron, au point
devue de la modification de
la pression artérielle.
«Nos con¬
clusions,dit-il,sont, ence
qui
concernela pression artérielle,
complètement
opposées à celles de M. Cliéron. Il est vrai que
ces expériences ont été
faites
surdes femmes, c'est-à-dire
sur des êtres émotifs, à réflexes
très développés, et à l'aide
du
spliygmomanomètre, instrument très imparfait, môme
entre des mains expérimentées.
Nous
pouvonsdire
quel'effet des injections desérum
à petite dose
surla pression
artérielle est à peu près nulle, au
moins dans
untemps
limité.
» L'action du sérum est une action beaucoup
plus
com¬plexe, encore
difficile à démêler, et, jusqu'à nouvel ordre,
nous devons nous contenter de
l'opinion formulée
parDebove « Tout liquide non toxique
introduit dans l'écono¬
mie amène nécessairement un surcroît
de vitalité», et dire
nous aussi qu'il y a une
stimulation des fonctions vitales
s'exerç.anten toutcas d'une
façon lente et progressive.
»— IN¬
APPLICATION PARTICULIÈRE DES INJECTIONS SOUS-CUTANÉES DE SÉRUM ARTIFICIEL AU TRAITEMENT DES DIARRHÉES DE LA PREMIÈRE ENFANCE.
En 1884, Luton (de Reims) est l'un des premiers qui ait appliqué les injections de sérum artificiel au traitement du
choléra infantile. « N'avons-nous pas aussi, dit-il (*), comme épreuve redoutable ces diarrhées cholériformes des très jeunes enfants qui, tous les ans, succombent en si grand
nombrependant la saison d'été? Renchérissant sur notre diète hydrique qui demande certains délais et aussi une bonne volonté qu'on rencontre rarement chez les parents et
les nourrices, nous avons injecté à ces malheureux petits êtres, voués à la mortpar avance, une solution saline à la
dose de 5 grammes, et nous avons eu la satisfaction de les
sauver en dépit des pronostics les plus fâcheux. C'est donc
un degré de plus de certitude que nous apportons dans le
traitement d'un mal qui décime une population déjà si peu prolifique.
» De là aux vices de nutrition de la première enfance, à la
cachexie des nouveau-nés, à l'athrepsie de Parrot, il n'y a qu'un pas, et l'on ne saurait croire quel coup de fouet on
donne aux actes de réintégration assimilatrice au moyen de
quelquesgrammes d'unsérum artificiel injecté sous lapeau
de ces enfants. »
Al'étranger, la méthodepréconisée par Luton trouva
de
nombreux partisans.
En 1888, M. Weiss traita par les injections de solution
saline 5 cas de choléra infantile et eut 3 guérisons et
2 décès.
En1890, M. Sahli (de Berne), qui avaitparticulièrementétu-
(!)Luton(de Reims), Delatransfusionhypodermique (Archives générales
demédecine, 1884).
- 20 —
dié la question au point
de
vuedu traitement de l'urémie
et del'état typhoïde,
recommande vivement les injections de
sérum artificiel dans le choléra
infantile.
En 1892, le DrWild traite par
cette méthode son propre
enfant, âgé de sept mois, atteint
d'une entérite cliolériforme
grave, et arrive à un
excellent résultat.
Nous lisons dansla Revue médicale
de la Suisse romande
une observation très intéressante du Dr P.
Demiéville qui,
par des injections desérum
artificiel,
aarraché à la mort un
nourrisson de quatremois et demi,
atteint d'un choléra des
plus graves.
M. le professeur
Hutinel pratique
sur unelarge échelle les
injectionsde sérum
artificiel à l'Hôpital des Enfants Malades
et obtient d'excellents résultats, qui sont
relatés,
en1893,
dansune thèse de M.Marvi eten1894, dans
celle de M. Thier¬
celin.
MM. Grancher, Comby et Marfan appliquent
également
cette méthode et nous rapportent de véritables
succès dans
d'intéressantes cliniques faites à cesujet.
MM. Barbier et Deroyer reprenant la question,
étudient
l'action du sérum sur la température et nous fontvoir à ce sujet de fort bellescourbes
thermométriques.
MM. Picot (de Genève) et Manuel Vicente
traitent de la
mêmefaçon des cholérasinfantiles et
arrivent à d'excellents
résultats.
M. Durodié (de Bordeaux) use de cette
méthode et s'en
déclare aussi l'ardent défenseur(d).
Nous sommés heureux de témoigner ici notre reconnais¬
sance à M. le professeur agrégé A. Moussous, qui a
bien
voulu pendant les mois de juin, juilletet août 1896,
mettre à
notre disposition les malades de son service, cequi nous a permis de traiter pardes injections sous-cutanées de sérum
de Hayeinlesnourrissons qui entraient à l'hôpital atteints
de gastro-entérite aiguë.
(!) Journal de médecine de Bordeaux, 1896.
CHAPITRE II
EFFETS PHYSIOLOGIQUES DES INJECTIONS SOUS-CUTANÉES
DE SÉRUMARTIFICIEL
Ce n'est pas sans une certaine appréhension que nous abordons cette partie de notre sujet. Nous nous inspirerons
des travaux de nos devanciers ainsi que de nos propres recherchescliniques, et heureux serons-nous si nous pou¬
vons arriver àjeter quelquepeu delumière sur ce chapitre,
encore bienobscur, de pathologie infantile.
Effets physiologiques. — Et d'abord nous
dirons
queles
injections sous-cutanées de sérum artificiel à dose moyenne, c'est-à-dire de 20 à 40 cc. chaque fois, relèvent la pression
artérielle fortement abaisséedu fait de la maladie. En effet,
que produisent ces affections cholériformes? Une
perte de
liquides par les vomissements et les selles séreuses, un épaississementconsécutif du sang. Par ailleurs,
la physiolo¬
gie nous apprenant les relations étroites qui
existent
entrela pression sanguine et l'intégrité soit quantitative
soit
qua¬litative de cette même masse sanguine, il est aisé de com¬
prendre d'une part l'action fâcheuse amenée parcette
déshy¬
dratation etd'autrepart leboneffet produitpar uneinjection
de sérum. Notre intention était de reprendre les expériences qui montrentl'action directe de l'injection
sous-cutanée
surla tension artérielle, mais nous avons été surpris par le temps et force nous a été, à notre grand regret, de nous en
— 22 —
rapporterpour cette
question
auxexpériences faites par nos
devanciers.
Nous rappellerons à ce
sujet les résultats signalés par
Luton (O,Weiss (2) et
plus récemment
ceuxde MM. Bosc et
Vedel. Il est. selon nous, d'une importance
capitale de bien
faire comprendre le rôle
primordial
quejoue la pression
sanguine dans les
phénomènes de la vie,
sonaltération dans
les affections
cholériformès,
ainsi que son heureusemodifi¬
cation par les injections
sous-cutanées.
La pression sanguine est un
élément important dans le
maintien des conditions nécessairesà la vie, et nous pou¬
vons dire avecBeaunis (3) : «En outre de son
double rôle de
liquidenourricier et
excréteur, le
sang, parsatension, donne
auxtissus et aux organes un certain degré de tension
qui
est nécessaire à leur fonctionnement et par cette tension règle aussi la transsudationdu plasma
sanguin à travers les
parois vasculaires,
transsudation qui est la condition
essen¬tiellede la circulation lymphatique etde la nutrition. » Ce rôle physiologique si multiple du sang
explique les
accidents qui surviennent lorsqu'il se trouve
atteint soit
d'une diminution de sa masse totale, soit d'unemodification
dans sa constitution histologique et chimique.
Malheureusement ils ne sont que trop nombreux les cas qui nous permettentdeconstater que
l'on
nesupporte
pas impunément des pertesconsidérables de
sang.Les animaux
à sang froid cependant feraient une exception. Nous en
avonsla confirmation dans la curieuse expérience faite par Conheim en 1869. Il injecte dans la veine abdominale
d'une grenouilleune solution de chlorure de sodium
à 0,75
pour 100 jusqu'à cetout le sang de l'animal ait
été entraîné
parl'injection et qu'il ne resteplus dansles vaisseauxque
la
solution saline; la grenouille continue à vivrecomme une (1) Revusgénéraledeclinique thérapeutique, 1892.
(2) Yien. Med.presse, 1888.
(3) Beatjnis, Traité dePhysiologie humaine.
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grenouille normale.
Cette expérience porte le nom d'expé¬
riencede la « grenouille salée ».
Ce rôle primordial de la pression
sanguine
nousestencore
démontré par les nombreuses
expériences des physiologistes
qui, à la suite de
Conheim, pratiquèrent des injections d'eau
saléeà des animaux privés préalablement
d'une certaine
partie et mômedela masse
totale de leur sang.
« Si l'on injecte, dit M. Jolyet dans une
communication à
la Société de biologie (*), de l'eau salée à 1/2
0/0, c'est-à-dire
la solution des histologistes,celle qui n'altère pas ou peu
les
globuleset qui diffuse
difficilement,
onranime les animaux
exsangues.
» Lorsqu'onsaigne un
animal à blanc les battements du
cœurs'affaiblissent, la pression artérielle
tombe, la respira¬
tion se ralentit et s'arrête etla mort a lieu parceque
les
cen¬tresnerveux nesont plussuffisamment
excités
parle
sang.» Comment se fait-il que l'injection d'eau
salée ranime
cependant les animaux?
Evidemment cette eau salée ne rem¬
placepaslesang,
c'est-à-dire
quecen'est pas elle qui peut por¬
ter auxcentres nerveux l'oxygènecapable de
les exciter et de
lesfairefonctionner. Pourremplircerôle,
il n'y
aabsolument
que le globule sanguin
normal, et l'on chercherait en vain,
par exemple, à
entretenir la vie
enremplaçant le sang par
une solution d'hémoglobineoxygénée.
» Quand on injecte l'eau
salée
pourremplacer le sang
perdu, on voit les
pulsations cardiaques reprendre de la
force, les respirations renaître
et la pression du sang dans
lesartères remonter. Eh bien! l'eau
salée agit simplement en
remplaçantle sang
perdu
commemasse et en faisant la ten¬
sion artérielle, tensionqui est une
des conditions essentielles
de la vie. Pour que les centres nerveux
soient excités, il faut
qu'il leur arrivedu sang
contenant des globules normaux
chargés d'oxygène, mais
aussi
que ce sangarrive sous une
(i) JolyetetLaffont, Surles effets
des injections d'eau salée dans le sys¬
tème^circulatoire desanimaux exsangues(Sociétédebiologie,
novembre 1878).
certaine pression. L'eau salée
injectée
a poureffet de rétablir
cettecondition chez les animaux exsangues, et
si l'eau
purene le faitpas c'estparce qu'elle
altère le globule sanguin.
»Ces résultats d'expériences rigoureuses et
plusieurs fois
répétées nous montrentbien que
la pression sanguine est
unélément important dans le maintien
des conditions néces¬
saires à la vie.
L'action physiologique de
l'injection sous-cutanée
surla
tension artérielle devra être d'autant plus signalée
à l'atten¬
tion desmédecinsque les autres effets physiologiques
qu'ils
seront amenés à constater n'en sont que les conséquences
nécessaires. Parmi ces effets, nous citerons l'augmentation
de la contractiondu cœur, une régularisationde la circula¬
tion et de la respiration, une amélioration
du pouls,
uneinfluence favorable sur la diurèse, enfin une modification
très appréciable de l'étatgénéral.
Actionsurla température. —Laissant de côté
la question
des modifications du pouls et dela diurèse, nous avons cru devoir nousattacher plus particulièrement à l'étude des
phé¬
nomènes thermiques; la vérification des variations
de la
pulsation radiale et de la composition
de l'urine aurait du
reste exigé une instrumentation trop compliquée et une compétence supérieureà la nôtre.
Un fait qui frappe l'observateur
lorsqu'il examine attenti¬
vementun petitmalade atteint d'une gastro-entérite
choléri-
forme, c'est la rupture de l'équilibre entre la température périphérique prise dans l'aisselle et la température
centrale
prise dans le rectum.
Si l'on poursuitl'examen, l'on voit que les extrémités des
mains, des pieds, du nez, présentent une teinte légèrement violacée,symptômecaractéristique d'unecirculation sanguine
entravée etpartant d'une hématose imparfaite. Au contraire,
du côtéde l'abdomen, onconstatera la plupart du temps un léger gonflement, de la douleur à la pression, tous symptô¬
mesd'une fluxion viscérale et expliquant fort bien l'hyper-
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thermie constatée. Si à cela onajoute le peu de stabilité que peut offrir un thermomètre placé dans l'aisselle d'un petit malade quela douleuragite dans son lit, on aura les motifs qui nous ont engagé à prendre les températures dans le
rectum.
Une première température a été prise avant l'injection,
une seconde, demi-heureaprès. Telle est la marcheque nous avons suivie pour la composition de nos courbes; et nous
avons eu la satisfaction de voir qu'une demi-heure après l'injection ilse produisait un rétablissement manifeste de l'équilibre thermique, la température rectale baissant de
2 à 6 et8/10e de degré pourchaque injection et cela au profit
de la températurepériphérique.
Quelle estla durée que l'on peut assigner à ce phénomène
quel'on appelle, avecjuste raison, réaction thermique? 11
nous semble qu'après trois heures, du moins autant que permetd'en juger l'aspectextérieur du malade, onpeutcon¬
sidérer la réaction comme terminée.
Cette règle n'a assurément rien d'absolu, la réaction ther¬
miquevariantavec chaque malade, soit dans sa durée, soit
dans son intensité.
Chezceux qui ne sont pas profondément intoxiqués, la
réaction est des plus nettes ; nos courbes en donnent la
preuve palpable; au contraire, lorsqu'on à affaire à des
enfants qui entrent à l'hôpital dans unétat de collapsus, la
réaction est beaucoupmoins appréciable. Environ trois heu¬
res après l'injection, la température rectale tend
à
remonteret,lorsque septheuresaprèsnous avonspratiquéla deuxième
injection, nous avonsobservé une ascension constante.
Mais il est un fait digne de remarque, c'est que la tempé¬
rature du soir était presque toujours inférieure de 2 à 5/10"
de degré à celle du matin, d'où nous devons
conclure
quel'action des injections sous-cutanées ne se manifeste pas seulement par une période passagère dite de
réaction
ther¬mique, mais qu'elle abaisselentementla
courbe générale de
la température rectale, de façon à amener