FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1900-1901 No 2
X> TJ
Dans l'Absorption de certains Médicaments
INTRODUITS PAR
LA VOIE HYPODERMIQUE ET PÉRITONÉALE
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue
publiquement le 16 Novembre 1900
PAR
IVla.r*i©—Lo"u.is-3FlerLO
MONTEL
Né à Constantine (Algérie), le
9; Décembre 1878
Élève du Service de Santé de la Marine Ancien Externe desHôpitaux
MM.ARNOZAN professeur.... Président.
MOUSSOUS professeur....\ RONDOT agrégé
(
Juges.BEILLE agrégé )
Examinateurs dela Thèse:
Le Candidat répondra aux questions
qui lui seront faites sur les
diverses parties de
l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI — PAUL
GASSIGNOL
91 - RUE PORTE-DIJEAUX — 91 1900
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. DE NABIAS, doyen — M. PITRES, doyenhonoraire.
PROFESSEURS
MM. MICÉ )
DUPUY MOUSSOUS
Professeurs honoraires.
MM.
Clinique interne PICOT.PITRES.
DEMONS.
LANELONGUE.
Clinique externe Pathologie et théra-
*peutique générales. YERGELY.
Thérapeutique ARNOZAN.
Médecine opératoire. MASSE.
Clinique d'accouche¬
ments LEFOUR.
Anatomie pathologi¬
que COYNE.
Anatomie CANNIEU
Anatomie générale et
histologie YIAULT.
Physiologie JOLYET.
Hygiène LAYET.
AGRÉGÉS 15 Hi
Médecine
Physique
Chimie
Histoire naturelle ...
Pharmacie
Matière médicale....
Médecine expérimen¬
tale
Clinique ophtalmolo¬
gique
Clinique des maladies chirurgicalesdes en¬
fants
Clinique gynécologique Clinique médicale des maladiesdesenfants Chimiebiologique...
EXERCICE :
MM.
M ORACHU.
BERGONIÉ.
BLAREZ.
GUILLAUD.
FIGUIER.
de NABIAS
FERRÉ.
BADAL.
PIECHAUD.
BOURSIER.
A. MOUSSOUS DENIGÈS.
section de médecine (Pathologieinterneet Médecine légale.) MM. CASSAET.
AUCHi^.
SABRAZÈS.
MM. LE DANTEC.
HOBBS.
sectionde chirurgieet accouchements /MM. DENUCÉ.
\
VILLAR Pathologieexterne) BRAQUEHAYE(
CHAVANNAZ.. , ., \MM. CHAMBRELENT Accouchements..
FII^UX.
Anatomie.
section des sciencesanatomiques et physiologiques
1MM. PRINCETEAU | Physiologie MM. PACHON,
■•••) N. | Histoire naturelle BEILLE.
sectiondes sciences physiques
Physique MM. S1GALAS. | Pharmacie M. BARTHE.
«lO11 IIS COSIPKiÉMEiATA1RES :
Clinique des maladies cutanées etsyphilitiques MM. DUBREl ILH.
Clinique desmaladies des Aboies urinaires POUSSON.
Maladiesdu larynx, des oreilleset dunez MOURE.
Maladies mentales REGIS.
Pathologieinterne RONDOT.
Pathologieexterne DENUCE.
Accouchements CHAMBRELENT.
Chimie DUPOUY.
Physiologie PACHON.
Embryologie N.
Ophtalmologie LAGRANGE.
HydrologieetMinéralogie CARLES.
Pathologie exotique LE DANTLC.
Le Secrétaire de la Faculté: LEMAIRE.
Pardélibération du 5 août1879, la Faculté aarrêté que les opinions émises dans les Thèsesqui luisontprésentées doivent être considérées commepropres à leurs auteurs,e qu'elle n'entendleurdonnerniapprobation niimprobation.
A LA
MÉMOIRE
DE MAMÈRE
A LA
MÉMOIRE
DE MAGRAND'MÈRE
En rappelant leur souvenir, je veux écrire ici les noms aimés de mon frère etde ma sœur, afin que nous soyons unis plusétroitementdans le
culte des deux chères mortes, dont
nous avonsgardé si fidèlementl'em¬
preintephysique etmorale,
Bordeaux,Novembre :goo.
A mon Président de Thèso
MONSIEUR LE
DOCTEUR ARNOZAN
PROFESSEUR DE THÉRAPEUTIQUE A LA
FACULTÉ DE MÉDECINE
DE BORDEAUX
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
AVANT-PROPOS
Nous avons
écrit, en tête de ce travail, deux noms qui nous
sontchers
entre tous. Mais, arrivé à cette étape dernière de
notre vie
d'étudiant, nous voulons dire à tous ceux qui
nousont
aimé, à tous ceux qui ont contribué à nous rendre
moins
pénible notre isolement, que nous n'oublions pas et
que
le souvenir que nous leur adressons ici ne marque pas
pour nous
le terme de notre dette de reconnaissance. Ils se
. reconnaîtront
ici
ceuxqui, à Paris, nous ont ouvert leur
cœur et leur
foyer et nous ont adouci bien des heures
pénibles; ils ne comptent pas leurs bienfaits et la bonté chez
euxest une
habitude du coeur. Nous n'oublierons pas non
plus
les affections que nous avons laissées à Rocliefort et
celles que nous
allons perdre en quittant Bordeaux. C'est
une tâche bien douce
de rappeler, en ce moment un peu
solennel, le
souvenir de ceux dont l'affection a toujours été
réconfortante, bien
souvent consolante.
C'està eux que nous
dovcmsle peu que nous sommes, mais
c'estaussi à nos
maîtres. Nous adressons un merci sincère à
9ceux dont
l'enseignement nous a fait éprouver les sensa¬
tions si fortes et si
solides de la communion intellectuelle :
M. le Dr Baudrimont,
dans le service duquel nous avons
passé une
année féconde; M. le Prof. Féré, qui a mis si
gracieusement
sonlaboratoire à notre disposition pour nous
aider dans ce travail. M.
le Prof. Pitres et M. le Prof. Mora-
che dont
l'enseignement restera pour nous la marque de ces
années d'études; M.
le Prof, agrégé Le Dantec, médecin
principal de
la marine, pour ses bons conseils et son si
précieux
enseignement.
Enfin, qu'il noussoitpermisderemercier iciunmaître dont la complaisance
inépuisable,
la causeriebienveillante
etclaire, la science éclairée nousontguidé dans le coursdenos
études, nous avons nommé M. le Prof.
Arnozan,
à quinous devons l'idée de ce travail. Il nous a préparé les émotions saines et fertiles que cette étude
scientifique
nousa fait éprouver.
En
terminant,
nous disons au revoir à ceux de noscamarades d'études en cette Faculté auxquels un lien de camaraderie oud'amitié plusétroitnous unit, en souhaitant que les hasards de notre carrière nous
donnent,
après delongues séparations,
la joie de retrouver des amis.Bordeaux,
Octobre 1900.INTRODUCTION
Quand
nousavons commencé ces recherches nous nous
étionsdonné pour
but de vérifier certaines expériences qui
avaient été faites pour
étudier l'action locale des injections
hypodermiques de calomel. Ces études, faites presque toutes
pardes
chimistes éminents, nous avaient paru trop s'attacher
aucôté
purement chimique de la question. Nous voulions
envisager son
côté vital, pour ainsi dire, et, le microscope à
lamain,saisir,dans
l'intimité des tissus, les transformations
du sel mercurique;
voir de quelle façon il était modifié par
lescellulesvivantes et
quelles réactions il faisait naître dans
ces cellules.
Les auteurs cfui
ont étudié la question au point de vue
chimique,
Blarez, Jeannel, Merget, Balzer sont unanimes à
reconnaître que
le calomel
setransforme définitivement en
bichlorure de mercureet en mercure
réduit au contact des
sels alcalins et des
principes albuminoïdes de l'organisme.
Cependant, Blarez,
dans
sespremières expériences, démontre
in vitro que
lorsqu'on fait agir sur le calomel des solutions
de chlorures alcalins à des
températures
nedépassant pas
celle du corps
humain, cette influence est absolument nulle
et que les réactions
observées sont uniquement le fait de
l'eau de la dissolution.L'eau toute
seule,
eneffet, pure de tout
mélange, exerce sur le
calomel
uneaction décomposante
manifeste qui
produit le dédoublement Hg2Cl
=HgCl + In¬
action signalée pour la
première fois par Roloff et Vogel.
Avantces auteurs, Mialhe,
Voït et Overbeck avaient dit :
« Les sels mercuriels insolubles deviendraient d'abord du bichlorure qui formerait un
précipité
d'albuminate double susceptible de se dissoudre dans un excès de chlorure de sodium ou d'albumine dans le sang, à l'état de chloro-albu-minate;
attribuant ainsi unrôleplus importantàl'organisme lui-même, ils ouvraient la voie nouvelle qui donna auxexpérimentateurs l'idée de suivre au
microscope
les modifi¬cations qui avaient lieu à l'endroit où l'onavait injectélesel mercuriel. De nombreux
syphiligraphes depuis
Scarenzio et Ricordi, promoteurs de la méthode des injections sous- cutanées de calomel, avaient observé les nodules inflamma¬toires qui seformentau lieu d'injection. Neisser transporta
la question du terrain clinique sur le terrain expérimental : il injecte à des
cobayes
des suspensions de calomel dans de l'huile devaseline, 2 centigrammes environ;cinq à huit
joursaprès,
il incise les foyers et trouve des cristaux de calomel non modifiés; quinze à vingt joursaprès,
il recon- naît sous la peau l'existence d'un bourbillon caséeux formé deleucocytes,
de cellules très granuleuses et de gouttelettes d'huile, les vaisseauxétaient oblitéréspardes caillots et infil¬trés de nombreuses granulations noires de mercure réduit.
Buhl et Overbeck ont trouvé dans les
foyers
d'injection dumercure en fines granulations noirâtres.
Balzer, en 1888, a injecté à plusieurs cobayes des
doses
massives de calomel de 2 centigrammes. Ces animaux ont survécu. En incisant les nodus ainsi formés cinq
à huit
joursaprès
l'injection il y a trouvé des cristaux de calomelnon modifiés. Dans les foyers incisés duquinzièmeau
vingt-
cinquième jour, les vaisseaux étaient oblitérés pardes
caillots sanguins et infiltrés de nombreuses granulations
noires de mercure réduit. Dans la même année, Le Ray
dit
n'avoirjamais vul'anatomie pathologique des foyers
d'injec¬
tion mais il ajoute : «D'après les symptômes observés ilnous
est facile de tirer bien des
probabilités;
le selmercuriel
détermine une certaine irritation d'où extravasation d'une quantitévariable desérum et
diapéclèse
des globules blancs.»— 11 -
M.
Pilliet (1890), à l'examen anatomo-pathologique d'un
nodus
provenant d'une vieille injection sous-cutanée de
calomel,
examen fait pour M. Jullien, constate la présence
dans ce tissu
de vaisseaux veineux et lymphatiques béants
et très
dilatés, d'une zone de tissu conjonctif infiltré, de cel¬
lules
rondes, d'une couche friable de leucocytes à demi mor¬
tifiés;pas
de traces de mercure. Dans une communication
de lamême
année où il rapporte cet examen, M. Jullien dit :
«Michèle a pu
retrouver le sublimé à l'état naissant dans la
périphérie du foyer. C'est une action chimique dont l'orga¬
nisme est le
témoin.
»Cette
proposition ne nous paraît pas exacte et nous avons
montré, après vérification des expériences de nos prédéces¬
seurs, que
l'organisme, loin de rester le témoin muet et
inactif
qu'en fait M. Jullien, coopère, au contraire, de toutes
ses forces aux
transformations essentiellement vitales que
subitlesel
injecté
aulieu de l'injection.
Dès l'abord,en
effet, il
nousa paru difficilement explicable
que
l'organisme opposât à l'injection de calomel des phéno¬
mènes
réactionnels si considérables pour assister à une
transformation
chimique dont il resterait pour ainsi dire le
spectateur indifférent. Cette réaction inflammatoire intense
ayant pour
but la formation d'un nodus plus ou moins
purulent
avectous les caractères d'un abcès enkysté était-
elleune simple
réaction de nécrose en présence d'un corps
caustique et
dangereux, ou fallait-il y voir une œuvre utile
de l'organisme pour sa
défense ou pour sa protection. Un
examenplus
attentif des faits s'imposait. Observant le liquide
crémeux contenu dans
le nodus kystique d'injection, nous
remarquâmes
d'abord une grande abondance de leucocytes
qui se
rassemblaient de préférence autour des cristaux de
calomel, età cet
endroit paraissaient plus granuleux, plus
noirâtres ;
à
unplus fort grossissement ils laissaient voir
dans leur
protoplasma des granulations noirâtres de mer¬
cureréduit etdes cristaux
microscopiques de calomel. Ces
observations sont
parfaitement en accord avec les expérien-
o
— 12 —
ces de Neisser constatant la présence de nombreux leuco¬
cytes et l'infiltration mercurielle du tissu, avec ce que dit M. Pilliet sur l'abondance des
leucocytes
et la dilatation inflammatoire des vaisseaux sanguins etlymphatiques,
avec les suppositions de Le Raysur l'existence d'une inflam¬
mation réelle, mais qu'il n'avaitjamais vue. Cette constata¬
tion, jointe àla lecturedes travaux publiés sur
l'absorption
de certaines substances par les
leucocytes,
nous incita à étudier cette particularitéphysiologique
sur plusieurs médi¬caments, et il nous faut
maintenant,
pour rendre plus clairce travail, esquisser l'histoire de l'action des
leucocytes
sur les substances injectées dans l'organisme et rappeler les travaux dont nous noussommes aidé et autorisé dans cespropres recherches.
CHAPITRE PREMIER
HISTORIQUE
Les
globules blancs
ouleucocytes ont été étudiés pour la
première fois
parl'anatorniste anglais Ilewson (1770), puis
par Mu
lier (1834), et par Donné (1844) ; jusqu'à cette date on
étudiait les
globules blancs comme des cellules isolées dans
l'organisme
et l'on ignorait s'ils participaient à l'équilibre
général; en un
mot, leurs fonctions physiologiques, à peine
esquissées,
étaient encore bien peu connues.On les désignait
sousdes noms qui
variaient avec les observateurs et tiraient
leurorigine de
propriétés diverses. II faut arriver jusqu'à la
première
moitié de
cesiècle, vers 1845, pour voir le leucocyte
acquériren
physiologie et en pathologie une importance qui
n'a fait que
s'accroître depuis. C'est avec les idées de
Virchow sur l'importance
de la cellule en pathologie que
les recherches s'orientent dece
côté. En 1846, Warthon Jones
décrivit les mouvements
amiboïdes des globules blancs ; en
1865, Max Schultze
signala dans le sang frais de l'homme
leurs différentesapparences
morphologiques; en 1867, Con-
lieirn découvrit la
diapédèse
; en1876, Ranvier montre que
les formes dites
polynucléaires n'ont en réalité qu'un seul
noyau,mais
contourné. A cette époque déjà, il apparaît net¬
tement que ces
éléments cellulaires, situés dans un tissu
essentiel quiva
porter la vie dans tout l'organisme, capables
parla diapédèse de se
glisser dans tous les tissus d'un être
vivant, sont doués de
propriétés physiologiques très impor¬
tantes etdoivent
coopérer à la défense de l'organisme. C'est
ce que Metchnikoffvientdémontrer,en 1892, dansses
leçons
sur la pathologie de l'inflammation. Réunissantles travaux de ses devanciers et y ajoutant les siens propres, il nous montre le rôle quejouent les globules blancs dans la
répa¬
ration des plaies et dans tous les processus inflammatoires
en général; sur ces donnéesil établit sathéorie de la défense de l'organisme contre l'infection et nous fait voir les glo¬
bules blancs englobant les corps étrangers introduits dans l'organisme et dangereux pour lui : tels que microbes, moisissures,
champignons
et corpsétrangers
irritants. C'est laphagocytose.
Dans un travail paru la môme année sur
l'absorption
des corps solides, Cassaët se range du côté de ceux qui veulent voir dansl'absorption
une manifestation de l'activitépropre du protoplasma cellulaire.« La plus grande partie de cette
absorption,
dit-il, qui se produit aussi bien sur le péritoine que dans les différents organes(foie, rate, intestin, pancréas,etc.),
et dans la paroi abdominale, revient aux globules blancs ou cellules migra¬trices ou
microphages.
Celles-ci se chargent d'une quantitétrès variable de corpsétrangers quelquefois minime, souvent énorme et si considérable que le corps cellulaire
disparaît
enentier derrière le corps étranger. Les corps solides sont transportés ultérieurement dans toutl'organisme à condi¬
tion qu'ils soient antérieurement absorbés par les globules blancs. »
Dans le tubedigestif, Cassaët attribue aux globules blancs seuls
l'absorption
des corps solides, comme cela a été noté pour les graisses de Zawarykin, Schafer et J. Renaut(de Lyon).
En somme, cet auteur finitpar conclureque
l'absorption
est exclusivement cellulaire et que les globules blancs ou
leucocytes
y concourent pour une bonne port.On attribue alors aux
leucocytes
une grandeimportance
dans la nutrition générale de l'organisme. AJtmann attribue aux granulations cellulaires les caractères de petits élé-
— 15 —
ments
représentant les unités vivantes les plus menues
dont la
réunion constituerait la cellule, laquelle ne serait
que
le composé d'une infinité d'éléments plus simples. A ces
unités,
auxquelles il avait donné le nom de bioblastes,
Altmann avait
attribué
unrôle prépondérant dans les pro¬
cessus
cellulaires de nutrition, dans les phénomènes de syn¬
thèse et de
destruction organique, d'oxydation et de réduc¬
tion ; il
avait désigné certaines de ces granulations sous le
nom d'ozonophores ou
convoyeurs d'oxygène.
Portiervient, en
1898, apporter à l'appui de cette thèse des
recherches sur
l'oxydase du
sangdes mammifères et sa
localisation dans le
leucocyte.
Kobert et les élèves de
Dorpat viennent démontrer que
cescellulesabsorbent le
saccharate de fer, fait bien reconnu
grâceà la
réaction micro-chimique du ferrocyanure de potas¬
sium. Ilsattribuent encore aux
leucocytes
unpouvoir d'ab¬
sorption
vis-à-vis des sels solubles de fer et d'argent.
En
physiologie, l'intervention des globules blancs ou
cellulesmigratrices
et, d'une manière générale, les mouve¬
ments amiboïdes de diverses
cellules, sont actuellement
invoqués pour
expliquer
uncertain nombre d'actes intimes,
par exemple celui de
l'absorption intestinale. L'accord n'est
pas encore fait surce
point entre les diverses théories; mais
en toutcas on s'efforce de voir dans l'acte
intime de l'absorp¬
tion non plus de
simples phénomènes physiques d'osmose,
commele voulait Dutrochet, mais
bien des phénomènes où
entre en jeu l'activité
protoplasmique. Les membranes
vivantesnepeuventêtre
comparées à des membranes inertes.
Pour les uns ce seraient lescellules
épithéliales de l'intestin
qui auraient la propriété
d'émettre,
parleur surface libre, de
fins et nombreux
pseudopodes, qui
commeles pseudopodes
del'amibe iraient plonger
dans les produits de la digestion
ety puiser les particules
assimilables
pourles incorporer
ensuiteet les faire pénétrer,par
leur rétraction, dans le corps
de la cellule épithéliale. Pour
les autres
ceseraient des glo¬
bulesblancs, des cellulesmigratrices,
qui, s'insinuant entre
- 16 -
les cellulesépithëliales,émettraient leurs
pseudopodes
jus¬quedans les produitsdedigestionencontact aveclescellules et seraient ainsi les agents actifs de
l'absorption.
« Quelle que soit celle de ces théorieset de leurs variantes qui doive triompher unjouron voit combien laphysiologie,
aidée des étudesmicroscopiques,
aura à tenir comptedes mouvements amiboïdes du protoplasma ». Ces idées, émises par Mathias Duval, furent reprises et portéessur le terraindel'expérience
en physiologie, mais surtout en pathologie.Ona cherché à se servir des
leucocytes
comme véhicules de certains médica¬ments, ou plutôt on s'estaperçu pardéduction que les leuco¬
cytes se chargeaient de diverses substanceset les portaient
aux points lésés, favorisant ainsi par une inflammation défensive et
thérapeutique
la guérison de ces lésions.Ici trois ordres de travaux doivent nous arrêter :
1° Les travaux deBesredka surle rôle des
leucocytes
dansl'intoxication par une combinaison sulfurée de l'arsenic, danslesquels il se place au point de vue de la défense de l'organisme contre une substance toxique. Nous verrons qu'on peut en tirer des conséquences au point de vue de
l'absorption
des substances utiles.2» Les travauxde Landerer sur le traitement de la tuber¬
culose etla cicatrisation des processus tuberculeux par les injections intra-verneuses de baume du Pérou et de cinna- matede soude.
3° Les communications à l'Académie des Sciences de Stas- sano sur
l'abs.orption
du mercureparlesleucocytes
quinous• conduiront directementà nos expériences personnelles.
En 1899, M. Besredka publia dans les Annales de VInstitut Pasteur trois mémoiressurl'immunitévis-à-vis des» composés arsenicaux, dont les deux premiers seuls nous intéressent directement.
Dans le premier, intitulé : du rôle des
leucocytes dans
l'intoxication par une combinaison sulfurée de l'arsenic, M. Besredka injecte à descobayes des suspensions de
Bisul¬
fure rouge d'arsenic ; l'injection sefait dans la cavité
périto-
néale et ilobserve les phénomènessuivants :
— 17 —
lo A dose
mortelle
011note d'abord une phase d'hypoleu-
cocytose
d'autant plus longue que la dose injectée est plus
forte. Cette
hypoleucocytose est due à une petite quantité du
corps
toxique qui se solubilise; c'est la chimiotaxie néga¬
tive, elle
est caractérisée surtout par la présence des petits
lymphocytes. Puis on constate une phase d'hyperleucocytose
d'autantplus
longue
quel'animal a été plus éprouvé. Les
leucocytes
s'emparent du trisulfure, on peut le voir dans les
corps
cellulaires. Enfin, à mesure que la mort approche les
leucocytes
deviennent très rares.
2° Quand
l'animal entre
enguérison on fait les consta¬
tationssuivantes : Déjà un
quart d'heure après l'injection, quand
onretire
unegoutte d'exsudat, on peut trouver dans
différentschamps
microscopiques
un ouplusieurs leucocytes
contenant dans leur intérieur une
substance jaune
rou-geâtre,
de forme irrégulière,
surla nature de laquelle il est
impossible de
seméprendre
: cesont bel et bien les grains
du trisulfure d'arsenic devenus la proie
des phagocytes
;à
côtéd'euxon voit une quantité
considérable d'autres grains
réunisenmassesvolumineuses,de mêmecouleur, flottanten liberté dans l'exsudat et frôlant impunément
les petits lym¬
phocytes incapables de
faire acte de phagocytose.
«On assiste,
ditBesredka, à un de ces
spectacles dont seule la nature
possède le secret. L'exsudatfourmille de leucocytes; à côté
despolynucléaires, on
voit surtout de beaux macrophages
bien vigoureux, bien mobiles, dont
la plupart sont remplis
des corpuscules rouges
de trisulfure;
onaurait beau
chercherdescorpuscules
libres,
onn'en trouverait
pas un seul; l'acte phagocytaireest à
sonapogée, il
nepeut
pasêtre
plus parfait. »
Peu à peule nombre des leucocytes
à corpuscules
rouges diminueet ceux-ci,au bout duquinzième jour, disparaissent
complètement.M. Besredkaconclut ainsi, résumantson travail que nous
necitons qu'en partie :
«Les
leucocytes
sont capablesd'englober les substances
toxiques n'ayant pas subid'atténuation humorale.
M. 9
— 18 —
» Le trisulfure d'arsenic est actifen tant qu'il est soluble.
» La solubilisation commencéem vitro sepoursuit in vivo dans la cavité
péritonéale; elle
yestarrêtée
par l'interventiondes phagocytes,
d'où immunité relative de l'animal
vis-à-visdu trisulfure en suspensionaqueuse.
» La survie de l'animal se traduit par
unechimiotaxieposi¬
tive etune phagocytose intense; la mort, surtout lorsqu'elle
survient
rapidement,
par unechimiotaxie
négative prolongéeou définitive et par une phagocytose
insignifiante
ou nulle.»Ladiminutiondupouvoir fonctionnel desphagocytesrend l'animal moins résistant; le renforcement dusystèmephago- cytaire
accroît
sarésistance naturelle.
» L'acte
phagocytaire
ne seborne
pasà la chimiotaxie
età
l'englobement. Letrisulfure
subitenplus unesortede diges¬
tion
intra-phagocytaire qui
setraduit extérieurement
par sa désagrégation et sa transformation en uncomposésoluble;
comme tous les
composés
solubles d'arsenic letrisulfure, après
le passageà
traversles leucocytes, s'élimine surtout
par
le système rénal.»
Nousaurons à revenir sur cette dernière conclusion et à chercher si elle tient bien compte de tous les éléments
de la
question.Dans son deuxième mémoire intitulé : Du rôle des leuco¬
cytes dans
l'intoxication
par un composéarsenical soluble,
M. Besredka se sert de l'acide arsénieux injecté en
solution,
il observe les mêmes réactionsleucocytaires dans
le
sang qu'avec le trisulfure, quant p Lu survie et à la mort,mais
pour retrouver le composé arsenical dans les
leucocytes il
dutchercher unmoyen deréunirunegrande massede
leuco¬
cytes, cette substance étant incolore et soluble'; la
centrifu-
gation du sang lui permitde recueillir une certaine
quantité
de leucocytes. On en fit
l'analyse,
eton trouvade l'arsenic
uniquement dans cette couche, bien quela mpsse du
plasma
et des globules rouges fût beaucoup supérieure
à celle de
leucocytes elles n'encontenaientpas.Cetexpérimentateurapuréunir aussi de grandes quantités de leucocytes en
détermi-
nantdes
abcès froids chez des lapins
parl'injection, à huit
ou dix jours
d'intervalle, de cultures mortes de tuber¬
culose.
C'est par
cette dernière expérience
quenous allons passer
auxtravaux de M.
Landerer;
nous voyons, eneffet, l'arsenic
setransporterau
point lésé
parl'intermédiaire des leucocy¬
tes; une
autre substance
pourraagir ainsi, et cela dans un
but
thérapeutique. On peut
sedemander ici si, d'après la der¬
nière conclusion du premier
mémoire cité, tout l'arsenic
s'éliminepar
les urines; si
unecertaine quantité de cet arse¬
nic organique11e va pas
servir, transporté
parles globules
blancs, àla
nutrition de la
peauet des productions épider-
miques
dont parle Armand Gautier dans
unerécente com¬
munication à l'Académie des sciences; si les
préparations
pharmaceutiquesd'arsenic
nesont
pasainsi répandues à
travers l'organisme pour
servir à
sanutrition générale, les
injections sous-cutanées de
cacodylate de soude, récemment
préconisées, pourraientpeut-être servir de base à
uneexpé¬
rimentation daiqsce sens.
Mais si
nousentamions
cesujet,
il faudrait sortir du cadre un peu
général de
cetravail, et
nous sommes amené maintenant à parler
de Fœuvre de
M. Landererqui, le premier, a
émis des idées précises et ori¬
ginales surla question qui nous occupe.
Ces idées sont réu¬
nies dans son ouvrage sur le
traitement de la tuberculose.
Elles trouvent leurplace ici.
Après avoir examiné les procédés
employés jusqu'alors
pour le traitement de la tuberculose et les avoir reconnus actuellementinsuffisants, M. Landererse propose
d'obtenir
une inflammation aseptique au
point lésé
pardes
moyenschimiques.
«Amener, dit-il, lesprocessustuberculeux à l'état
de cicatrices solides, telle est, en ce
moment, la tâche de la thérapeutique
». Pour celui quivoit dans l'inflammation
un processus utile, servant à éloigner l'influencenuisible de
l'excitant inflammatoire, il est à peine
douteux
quela guéri-
sonspontanée des processus
tuberculeux
11eréside précisé¬
mentdans ce défaut des
phénomènes inflammatoires. Il
y a— 20 —
trop peu de sang et, par suite, trop peu de matériaux pour
qu'une réparation,une cicatrice puissent se produire. Ils'est adressé d'abord à l'iodoforme, dont nous aurons à reparler
au cours de cette
étude,
et qui l'a peusatisfait.
Il en vint à apprécier le baume du Pérou comme un excellent antituber¬culeux. A ce sujet, il émet des idées qui présentent pour nous la plus grande importance et que nous devons rappor¬
ter ici : « Faisant abstraction de la porte d'entrée, le plus
souvent inconnue, du poison, nous voyons les foyers tuber¬
culeux prendre naissancepar voie embolique, ousi l'onveut
s'exprimer
autrement par voie métastatique. Le torrent san¬guin a enlevé les bacilles de l'endroit où ils s'étaientdévelop¬
pés et les a portés au point où s'est formée alors la nouvelle localisation, le nouveau foyer tuberculeux. Le torrent san¬
guin ayant
apporté
les bacilles, ne pourrait-il pas aussi por¬ter les agents curatifs à l'endroitaffecté ?
» C'est cette idéequi m'a conduit aux injections intravei¬
neuses de l'émulsion de baume du Pérou.
» Qn medira : c'est une idée en l'air, les granulations de baume du Pérou n'iront pas trouver justement l'endroitma¬
lade, elles se
déposeront
dans dix autres endroits différents, et peut-être provoqueront-elles une inflammation là où il ne le faudrait nullement. Mais il n'en est pasainsi.
Quandnous mêlons au torrent sanguin des éléments solides à l'état d'ex¬trême division, le sort de ces éléments n'est pas du
tout
soumis au hasard. Des recherches nombreuses sur cesujet
nous ont permis de savoir ce qu'ils deviennent
(Conheim,
Ponflck, Slaviansky, Rutimeyer etd'autres).
Chez lesani¬
maux, à l'état normal, ils se
déposent,
portés leplussouvent
parles globules blancs du sang, dans le foie, la moelle des
os, etc. Il n'en est pas de même chez les animaux malades: le premier qui, sur ce sujet, nous a donné des renseigne¬
ments du plus haut intérêta été Schuller. Il a trouvé queces éléments corpusculaires (par exemple le
cinabre)
sedépo¬
sent d'une manière prédominanteaux endroits où aupara¬
vant il s'étaitproduit une inflammation ou une lésion. Ces
- 21 -
observations ont été confirmées pour les bactéries par Rib-
bert,
Ortli, Wissokowitscli. »
Landerer
emploie pour ses expériences une émulsion très
fineet
très stable de baume du Pérou faite avec du jaune
d'œuf, etil
fait
sesrecherches à l'aide de l'appareil de Holm-
gren sur
la grenouille curarisée. Une telle émulsion ayant
été
injectée dans la veine abdominale de la grenouille, on
voit en
examinant la circulation pulmonaire cette circula¬
tions'accélérer.
Mais
onn'aperçoit, au milieu des globules
rouges
du
sangqu'un petit nombre de granulations fines et
fortement
réfringentes. Bientôt un autre phénomène captive
l'attention. Avant
l'injection
onne voyait qu'un petit nombre
de
globules blancs du sang, et ces globules étaient petits,
sphériques, homogènes, brillants. Après l'injection, leur
n'ombre s'est
rapidement
accru,ils se montrent mainte¬
nant dix fois, vingt
fois plus nombreux dans les capillaires
dela
grenouille. D'où sont-ils venus si brusquement ? On ne
saittrop. Leur
aspect s'est totalement modifié ; ils sont pres¬
quedeux
fois plus grands qu'auparavant, ils ont une forme
plutôt
ovalaire, et ils sont fortement granulés. On dirait
qu'ilsont
rapidement
reçuen eux les granulations de l'émul-
sion. Au boutde
quelques minutes on ne trouve absolument
plus de
granulations libres. Les globules blancs du sang,
extrêmement abondants,
s'amassent
pargroupes de trois à
huit, derrière un
îlot de parenchyme, devant un capillaire
devenumomentanément plus
étroit, mais ils n'adhèrent pas
ensemble etselaissent
facilement séparer et entraîner par
lesglobules rouges. On
n'observe aucune coagulation met¬
tant obstacle à la circulation du sang,
alors môme qu'on a
répété une seconde
fois L'injection de 1 centimètre cube
d'émulsion.
Il semble donc hors de doute que
les granulations sont
absorbées immédiatementpar
les globules blancs du sang.
Cettemanière de voir concorde
parfaitement avec les expé¬
riencesd'autres observateurs qui se
sont occupés de l'intro¬
duction des éléments
corpusculaires dans la circulation.
— 22 —
Quelles qu'aient été les substances
injectées, granulations
de
cinabre,
globules du lait, etc., oubactéries,
elles ont tou¬jours
disparu
de la circulation au plus tard au bout de quel¬ques heures etse sont trouvées ensuited'une manière prédo¬
minante dans les globules blancs du sang.
Les expériences dont nous parlons furent continuéesavec
l'acide
cinnamique,
extrait du baume du Pérou etprincipe
actif de cette
substance,
ainsi que d'autres résines.'
Les injections ont été faites chez des
lapins,
rendus au préalabletuberculeux,
qui ont été tués à desépoques
diffé¬rentes de plusen plus
éloignées
du début del'infection.
Chezces
lapins
on a pu se rendrecompte que la marche de l'affec¬tion se ralentissait pour
évoluer,
chez ceux qui ont été tuésenrison.dernier lieu, vers la cicatrisation des lésions et la gué-
Nous relatons in extenso l'examen
microscopique
du pou¬mond'unpremier
lapin
tué trente-neufjours aprèsl'infectionet quinzejours après le début du traitement.
« Examen
microscopique.
—Capillaires
du poumon forte¬ment
dilatés,
regorgeant deleucocytes;
on en trouve aussi en abondance dans un grand nombre devaisseaux,
surtout dans les parties centrales; en d'autresendroits,
les paroisvasculaires et le tissu voisin des vaisseaux sont traversées par des masses de
leucocytes
laplupart
multinucléaires. On observe uneimmigration
desleucocytes
dans les tuberculesmêmes,
mais elle n'est pas très prononcée. Il faut encore signaler la faible richesse desfoyers
tuberculeux en tissusnécrosiques.
Dans le tissu voisin desfoyers
tuberculeuxontrouve les cloisons alvéolaires traversées par de nombreux
leucocytes,
qui, en certainsendroits,
cachent presque entiè¬rement le tissu; les cloisons alvéolaires paraissent partielle¬
ment gonflées et fortement imbibées de
liquide.
A côté, tissu presque normal. Cette premièrepériode, dénommée
parLan-derer
leucocytose
du poumon, précède tous les stades successifsd'inflammation
qui, avec letemps,
mènent à la cicatrisation :période
deVenkystement, période
del'encap-
sulation
et de la pénétration du tissu conjonctif, période de
la
cicatrisation ». Dans tous ces stades successifs 011 peut
suivre
l'action utile des leucocytes qui viennent combattre le
mal,
poussés par cette affinité élective spéciale qu'ils ont
pour
les endroits lésés. « Chez l'homme, les phénomènes
d'infiltration de leucocytes, de formation d'anneaux, de
développement de cellules fusiformes et épithéliales, etc.,
sont
absolument les mêmes que ceux que nous avons appris
àconnaître
chez le lapin. »
Leseffets
physiologiques de l'acide cinnamique tiennent
principalement à ce qu'il possède, ainsi que ses dérivés, la
propriété d'être éminemment chimico-tactique. C'est à cela
que se
rattache sa propriété d'attirer énergiquement les leu¬
cocytes.
Cette leucocytose est caractérisée principalement
par
la présence des polynucléaires.
En résumé, les
leucocytes augmentent de nombre sous
l'influence
chimiotactique du cinnamate de soude et se
transportent de préférence aux endroits lésés où ils provo¬
quentune
inflammation curatrice.
Expériences de M. Stassano. — Nous avons réservé, pour
terminer ce court aperçu
historique, les faits acquis à la
question
parM. Stassano, non pas qu'ils soient plus nom¬
breuxet plus
utiles à la thèse que nous soutenons que ceux
déjà cités,
mais
parceque les observations dont ils dérivent
ont étéfaites surle mercure.
Nos expériences, dans lesquel¬
lesnousavons
employé cette substance, gagneront en clarté
à venir
immédiatement après cette étude.
En 1898, M. Stassano
présenta à l'Académie des Sciences
unenote sur l'absorption
du mercure par les leucocytes.
«Quand on observe,
dit-il, à un grossissement de 300 d., la
circulation capillaire
du poumon d'une grenouille empoi¬
sonnée par le
sublimé,
onremarque que les leucocytes
apparaissent
plus
rugueux,surtout moins réfringents lors¬
qu'on fait
arriver dans le torrent circulatoire quelques
gouttesd'unesolution
d'iodure de potassium. La centrifuga-
tion du sang
permet de constater que le mercure se localise
— 24 —
dans la couche des globules; ce qui avait été déjà signalé
pourl'arsenic par M. Besredka. »
Dans descommunications
ultérieures,
M. Stassano démon¬tre que lemercure est absorbé surtout parles noyaux des globulesblancs. Il le prouve en faisant
l'analyse
des nuclôi-nes de ces noyaux et àl'aide de différents procédés pour lesquelsnous renvoyons à
l'original,
car ils n'ont pas leur place ici.Enfin il démontre les affinités et la propriété
d'absorption
ou d'arrêt de l'endothélium vasculaire
qui trouvent un
appui dans lacommune origine des cellules endothéliales et des
leucocytes
qu'il a déjà démontréss'emparer
du sublimé.La relation in extenso de ces expériences
dépasserait
le cadre de cette étude. On les trouveradéveloppées
tout aulong
danslesComptes
rendus deVAcadémie des Sciences de 1898, 1899, 1900.Dans ces trois séries
d'expériences
on voitl'organisme
luttant pour sa
conservation. Les globules blancs
s'empa-
rant des substances injectées pour les modifier
chimique¬
ment, si ellessont
dangereuses,
pour les faire servir à lalutte,
si elles peuvent être utilisées. Ce rôlethérapeutique
et défensifparait surtout être dévolu auxleucocytes polynu¬
cléaires et
macrophages.
Gomment se fait cetteincorpora¬
tion cellulaire? A quels phénomènes donne-t-elle lieu dans
l'organisme?
Est-elle la mêmepour tous les médicaments ? Peut-on en tirer des - déductions utiles en
thérapeuti¬
que? Ce sont les questions que nous avons
essayé d'éclair- cir, et nous avons
étudié à ce point de vue le calomel,
1 iodoformeet le salicvlate de soude. La
majeure partie de
nosétudes ayant porté surle
calomel,
c'est de ce sel que nous nousoccuperons en premier.
CHAPITRE II
§ I.
—LE CALOMEL
Nous avons
choisi le calomel comme objet de nos recher¬
ches:
loParceque nous avons
été amené à observer les faits que
nous allons exposeren
étudiant les effets locaux des injec¬
tions
sous-cutanées de cette substance. Par là même nous
étions familiariséavec
l'étude de ce composé du mercure;
2° Parce que
le calomel, depuis les premiers travaux faits
àce sujet
(Scarenzio et Ricordi), est un médicament très em¬
ployé
aujourd'hui par les syphiligraphes et les dermatolo-
gistes.
3° Ses cristaux, assez
faciles à reconnaître pour un œil
exercé,nous
ont permis de suivre plus commodément ses
transformations dans
l'organisme. De plus, ces cristaux,
mettant un temps assez
long à se transformer chimique¬
ment, ont pu
être suivis plus longtemps par l'observateur.
4° Ce corps
ayant été assez bien étudié chimiquement et
ses modifications
chimiques étant connues, nous avions une
tâcheplus
facile.
5° Enfin lestravaux de
M. Stassano venant confirmer nos
études surl'absorption
du mercure par les globules blancs,
nousincitèrentà
étudier le calomel de plus près encore.
Toutes ces
considérations
nousont décidé à présenter, en
tète de nos recherches,
celles
quenous avons faites sur le
calomel comme étant
les plus complètes. Nous avons été
amené aucours de nos
expériences à expérimenter d'autres
— 26 -
médicaments tels que l'iodoforme et le
salicylate
de soude : nous en parlerons entemps
et lieu.Classification
desexpériences
sur le calomcl. — Lesexpé¬
riences que nous avons faites sur cette substance peuvent être partagées en deux séries.
1° La première contenant les
injections
sous-cutanées de calomel.2° La seconde ayant en vue les effets du calomel
injecté
dansle péritoine.
Dans la première série nous
poursuivions notre but pri¬
mitif, qui étaitd'étudier les effets locaux des
injections d'un sel mercuriel insoluble.
Dansla seconde, nous avons étudié de plus près l'action
absorbante
des globules blancs pour lemercure; et, dans ce
but, nous nous sommesadressé au
péritoine
danslequel,
on le sait, on peut examiner les
leucocytes
à l'état d'isole¬ment, nous
inspirant
en cela des expériences de Besredkasur l'arsenic.
Enfin, entre,ces deux séries
d'expériences
pourrait s'enplacer une
troisième renfermantles
observations
que nousavons faites sur le soc
lymphatique'dorsal
de la grenouille.Elles serviront
simplement
de trait d'unionentre les deux classes
signalées
plus haut.Technique opératoire.
— Nousn'avons jamais
introduit
le calomel sous la peauà l'état de poudre
médicamenteuse
sèche. Ce
procédé, en
effet,
donne lieu à des concrétions aseptiques ne produisantpresque pas de réaction inflamma¬
toire etpeu propicesaux études que nous avions
en vue.
Ce sel de mercure étant
insoluble,
nous avons cherché à en préparer dessuspensions finement pulvérisées dans certains
liquides
très denses.Après
avoiressayé
de l'huile dolives,
de l'huiled'amandes amères,
nousnous sommes arrêté à,1 huile devaseline. La
suspension dans ce liquide
est en effetplus
persistante
et plushomogène;
enfin, cettesubstance,-] absolument
incolore,
ne nouspermettait pas
d'erreur
au pointde vue descolorations observées
sous le— 27 —
microscope. Nous nous sommes
servi pour nos expériences
de
suspensions contenant 1 gr. 50 de calomel pour 15 gram¬
mesd'huile de vasêline et nous
injections,
sousla peau, à
l'aidedela seringue de Pravaz, une
quantité telle de cette suspension qu'elle contint 0 gr. 02 de calomel, dose non
toxiquepour
les cobayes comme l'avaient observé Neisser et
Balzer. Au bout d'un
certain nombre de jours, sacrifice de
l'animal, incision
du nodus localement formé et examen de
soncontenu au microscope.
Ici
nous avonsprocédé de plu¬
sieurs manières:
1° Examen du contenu
kystique
sanspréparation.
2° Examen du contenu kystique
après coloration.
3° Examen de
préparations anatomo-pathologiques co¬
lorées.
Les leucocytes
ont été fixés
parl'alcool-éther en parties
égales ou
bien
parla chaleur à 110°, colorés par la méthode
d'Ehrlich.
Dansla seconde série de nos expériences,
le calomel était
injecté ensuspension dans l'huile de vaseline à la dose de 1
centigramme
à
un1/2 centigramme. Cette injection se faisait
dans le
péritoine et les prises de liquide péritonéal étaient
faites aumoyen
d'une pipette effilée,
unepetite boutonnière
ayant
été faite auparavant à la
peaude l'abdomen. On lais¬
sait le liquide
monter dans le tube effilé et l'on examinait au
microscope la
goutte ainsi recueillie. Le même procédé nous
a servi dans l'examen de la
lymphe de grenouille.
Pour déceler le mercure, sous
différentes formes, dans les
leucocytes, nous nous sommesservi de l'iodure de potassium
en solution : 0,10 centigrammes
d'iodure dans 10 grammes
d'eau. Nous avions essayé le
sulfure de sodium qui ne nous
a pas donné de
résultat.
Expériences.
—Parmi
nosnombreuses expériences nous
avons choisi les
plus typiques,
cesont celles que nous
exposerons ici :