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Chapitre 4 - Génétique des hémoglobinopathies Introduction

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Chapitre 4 - Génétique des hémoglobinopathies Introduction

La drépanocytose est une maladie génétique à transmission autosomique récessive. De nombreuses hémoglobines humaines, structurellement anormales, sont responsables de maladies hémolytiques, certaines produites dans des situations génétiques déterminées. Leurs possibilités de polymérisation sont responsables de la déformation en croissant (en faucille) des globules rouges (Desai et al., 2004). L'identification de la mutation qui modifie la structure primaire de l’hémoglobine s’est faite par étapes. Une mutation structurale a remplacé un acide aminé porteur d'une charge ionique par un autre, neutre ou porteur d'une charge inverse. La mutation entraînera un changement de mobilité électrophorétique par rapport à l’HbA normale.

Ces hémoglobines résultent d'une mutation du gène β globine et/ou α globine, dont seules certaines ont une répercussion clinique (Huehns, 1970). La plupart des hémoglobinopathies sont le résultat du remplacement d'un aminoacide dans les chaînes α ou β, désignées par les lettres de l'alphabet suivant l'ordre de leur découverte (HbC, HbD, HbG... ), si ce n'est l’hémoglobine S (HbS). Alphabet épuisé, on a eu recours au nom de la localité (capitale, district) où la découverte a été faite: Hb Norfolk, Hb Stanleyville; ou au nom du patient: Hb Lepore, Hb Beilisson (IHIC, 1986; Van Ros et al., 1968).

Succession des hémoglobines du fœtus à l’adulte

La nature et les proportions des hémoglobines varient au cours de la vie embryonnaire et fœtale. Au début du développement, l’érythropoïèse est extra-embryonnaire et siège essentiellement dans le sac vitellin. Les hémoglobines embryonnaires Gower I: , Gower II: , Portland:  prédominent. A partir de 6 semaines de gestation, l’hémoglobine F (HbF) devient largement majoritaire. L’hémoglobine A augmente peu à peu, représentant moins de 10% de l’hémoglobine totale jusqu’à 32 semaines de gestation. L’érythropoïèse fœtale est principalement hépatique, les érythrocytes ont un volume globulaire moyen très élevé. Au-delà de 32 semaines, la synthèse d’HbF décline plus rapidement au profit de HbA. A la naissance, la proportion de HbF est de 70 à 85%; l’érythropoïèse est devenue médullaire (Mehta et al., 2003, fig. 4-1). Il faut attendre 6 mois après la naissance pour que les proportions de HbA, HbA2, et HbF de l’adulte s’équilibrent.

Figure 4-1: productions des différentes hémoglobines, pendant la période embryonnaire et après la naissance (schéma selon Mehta et al., 2003)

La synthèse de HbF, restreinte chez l’adulte, concerne moins de 8% de la population érythrocytaire, à concentration de HbF élevée. Le mécanisme de l’expression différente de HbF selon les cellules reste inconnu, en partie génétiquement déterminé. La commutation des hémoglobines entre état fœtal et adulte s’intègre dans un ensemble de modifications dont quelques unes sont connues: augmentation de l’anhydrase carbonique, changement des antigènes membranaires, d’isoenzymes, de la taille du globule rouge et de sa durée de vie.

Formes génétiques

Les hémoglobinopathies sont des maladies héréditaires à transmission autosomale récessive liées à une anomalie qualitative ou quantitative, d’une double mutation structurelle de l'hémoglobine. Nous nous basons sur le IHIC (International Hemoglobin Information Center) pour définir les principales formations.

Sur 1372 hémoglobinopathies découvertes (Globin Gene Server, consulté le 15.12.2009), cinq l'ont été au laboratoire du Centre Caribéen de la Drépanocytose et dans l’Unité INSERM de la Guadeloupe: les hémoglobines "Hekinan"

(trouvée simultanément au Japon et en Guadeloupe), "La Désirade", "Petit-Bourg", "Roseau-Pointe-à-Pitre", et l’hémoglobine S Antilles, α2 β 6Glu -> Val, 23 Val -> Ile; Monplaisir et al., 1986).

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3’

Chromosome 11 LCR

3’ 5’

5’

Chromosome 16

δ α

2

α

1

ε A

γ

G

γ

δ β

α

2

β

2

A A

2

α

2

δ

2

F

α

2

γ

2

Hémoglobine adulte

3’

Chromosome 11 LCR

3’ 5’

5’

Chromosome 16

δ α

2

α

1

ε A

γ

G

γ

δ β

3’

Chromosome 11 LCR

3’ 5’

5’

Chromosome 16

δ α

2

α

1

ε A

γ

G

γ

δ β

α

2

β

2

A A

2

α

2

δ

2

F

α

2

γ

2

Hémoglobine adulte α

2

β

2

A A

2

α

2

δ

2

F

α

2

γ

2

Hémoglobine adulte

L’HbS Antilles a été mise en évidence par isoélectrofocalisation, chez un nouveau-né martiniquais au cours d’un dépistage sur sang de cordon. Elle possède une double mutation: celle de HbS en position 6 et une autre caractérisée par la substitution de la valine par l’isoleucine en position 23 sur la chaîne β (favorisant la polymérisation de l’hémoglobine désoxygénée). Les patients HbS Antilles à l’état hétérozygote présentent les manifestations cliniques et hématologiques des drépanocytaires SS.

L’homozygote SS est appelé "sicklanémique": le locus (emplacement sur un même chromosome) pour l’hémoglobine est occupé par deux gènes mutés S qui vont coder pour la synthèse de l’HbS, alors présente dans 95% des érythrocytes. Seuls les homozygotes présentent les manifestations de la maladie drépanocytaire (anémie), forme la plus sévère. D’autres Syndromes Drépanocytaires Majeurs (SDM) existent sous formes hétérozygotes simples (AS Antilles) ou hétérozygotes composites où l’HbS est associée à d’autres hémoglobines anormales (formes SC, SDPunjab, SLepore, SE) ou à une β thalassémie à syndrome Sβ thalassémique.

L’hétérozygote AS est appelé "sicklémique": le locus pour l’hémoglobine est caractérisé par un gène normal A et un gène muté S. Ils président la synthèse de deux types d’hémoglobines: HbA et HbS (codominance). La proportion de chaque type d’hémoglobine majoritaire dans un globule rouge est la suivante: HbA (50 à 60%), HbS (30 à 40%). Elle est due à une plus grande affinité de la chaîne αA pour la chaîne A que pour la chaîne βS. Les hétérozygotes sont indemnes de toute manifestation pathologique sauf dans certaines conditions d’hypoxie lors des vols à haute altitude et sans pressurisation (Itano, 1957; Bertrand, 2005), au cours de l'anesthésie (Firth., 2005), en cas de porteurs ASAntilles (Monplaisir et al., 1986).

Génétique de la transmission de l’hémoglobine S

Un locus d’un chromosome peut être occupé par diverses formes d’un même gène appelées allèles. Des gènes allèles gouvernent une même fonction. La différence entre les allèles d’un même gène résulte d’une mutation. Si les deux allèles d’un couple sont différents (hétérozygotie), et conjuguent leurs effets pour exprimer un caractère "mixte"

intermédiaire, on parle de codominance. Si les deux allèles situés sur des locus de deux chromosomes sont identiques, le sujet est appelé homozygote (abréviation SS, désignent un drépanocytaire homozygote). S’ils sont différents, le sujet est hétérozygote (AS). La transmission du gène βS muté, obéit aux lois de Mendel et se transmet sous le mode récessif et autosomique. La transmission du gène βS par les deux géniteurs détermine le génotype SS chez l’enfant.

Les gènes qui codent pour la synthèse des chaînes polypeptidiques de l’hémoglobine (α, β, γ et λ) sont autosomiques, la transmission de l’anomalie est indépendante du sexe (Neel, 1949; Maniatis et al., 1980).

Les transmetteurs possèdent deux gènes  globine codominants, le normal A, l’autre muté S. Chacun des gènes codera pour la synthèse d’hémoglobine en quantité équivalente, une normale, une mutée. Dès lors, les hétérozygotes pour une hémoglobine anormale ont deux hémoglobines différentes (Neel, 1949; Maniatis et al., 1980).

Drépanocytose et haplotypes

Un haplotype est à la base des différences héréditaires d´un individu à l´autre. Les haplotypes permettent aux généticiens de chercher les gènes associés à une maladie (Chang et al., 1997). Au fil des générations, les segments de chromosomes ancestraux se déplacent dans la population au gré des recombinaisons. Certains segments se présentent comme des régions du génome, partagés par de nombreux individus. Les hémoglobines humaines sont constituées de plusieurs chaînes dont les gènes sont situés sur 2 chromosomes. Sur le chromosome 11, on trouve les gènes qui codent pour les chaînes globines ,  et . Sur le chromosome 16, on trouve les gènes qui codent pour les chaînes globines

1, 2, et (fig. 4-2).

Figure 4-2: les gènes de la globine se trouvent sur les chromosomes 16 et 11. Une région de contrôle (LCR) régularise l’expression du gène de la globine (modifié de Mehta et al., 2003)

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Dans les régions intergéniques du locus β globine (région du chromosome 11, ensemble des gènes de la famille β- globine), des variations de la séquence nucléotidique, sans conséquence pathologique, sont fréquentes. Elles sont désignées sous le terme de polymorphisme. Ces modifications portant sur des sites spécifiquement reconnus par certaines endonucléases (enzymes de restriction), sont faciles à révéler par cartographie génique (polymorphisme de taille des fragments de restriction). L'association de plusieurs polymorphismes définit un haplotype (Kan et al., 1978b).

La procédure diagnostique réalisée par la technique du polymorphisme de restriction (RFLP: Restriction Fragment Lengh Polymorphysm) pour cribler l'ADN humain à la recherche de gènes mutants a permis à Kan et al. (1978b) de l’identifier en aval du gène β globine. Leurs travaux ont démontré l’existence d’un déséquilibre de liaison entre ce polymorphisme et la mutation drépanocytaire (βS) chez des drépanocytaires afro-américains. Plus de 20 polymorphismes de restriction (RFLPs) ou haplotypes ont été mis en évidence dans ce groupe (cluster). Dans la drépanocytose, quatre haplotypes liées au gène βS, à forte spécificité, ont été décrits en Afrique:

- Bénin, dans la région centrale de l’Afrique de l’Ouest;

- Sénégal, dans la région atlantique de l’Afrique de l’Ouest;

- Bantou, dans l’Afrique Centrale ou Equatoriale;

- Cameroun, dans le groupe ethnique Eton du Cameroun.

La maladie pour laquelle un avantage sélectif est décrit pour les porteurs de trait de l’HbS (hétérozygotes AS) vis-à-vis de la malaria à Plasmodium falciparum. Par ailleurs, les haplotypes du cluster β globine présentent un intérêt anthropologique par la possibilité de retracer l’histoire des migrations des populations dans le monde (Kéclard et al., 1996).

Une étude réalisée en Guadeloupe, sur 700 patients drépanocytaires, a permis d’établir la distribution des haplotypes liés au gène βS dans la population guadeloupéenne (Kéclard et al., 1996): haplotype Bénin (72,6%), haplotype Bantou (13%), haplotype Sénégal (8%), haplotype Cameroun (2,5%), haplotype Arabo-indien (0,2%) et atypiques (3,7%).

Une répartition similaire a été décrite dans les populations des îles des petites et des grandes Antilles: Martinique et Jamaïque. A Cuba et au Brésil, l’haplotype Bantou est prédominant (prévalence du gène βS; 10-12%; Kéclard et al., 1996; Romana et al., 2001).

Drépanocytose et thalassémie

Groupe des hémoglobinopathies par insuffisance de production d'une chaîne α ou β

Les syndromes thalassémiques sont des affections génétiques, souvent transmises sur un mode récessif autosomique.

Ils altèrent la synthèse des chaînes α (α thalassémie) ou  (β thalassémie). La thalassémie est reconnue par Cooley et al. (1927), qui décrivent une anémie sévère avec splénomégalie et atteintes osseuses; ils suggèrent qu'il s'agirait d'un syndrome individualisé: tous les enfants souffrant d'anémie sévère avec splénomégalie, quelle qu'en soit l'étiologie, étaient classés dans un fourre-tout nommé "Anémie de Von Jaksch" (1889). La traduction clinique et biologique du déséquilibre varie en fonction d'autres éléments génétiques, en particulier du nombre de chaînes complémentaires α ou β, et du taux de synthèse des chaînes γ.

Les β thalassémies

Sont caractérisées par la diminution de synthèse des chaînes β (β+) ou par leur absence (°; Weatherall, 1997). Les chaînes α restent célibataires, sous forme monomérique instable, précipitent en formant des inclusions sensibles aux colorants vitaux. Cette précipitation est responsable de l’anémie hypochrome et microcytaire, caractérisée par l’augmentation de la résistance osmotique des hématies et la présence de nombreuses cellules nucléées. Un point frappant est l'origine italienne des malades. Cooley avait proposé que ce syndrome soit désigné "anémie érythroblastique" ou "Méditerranéenne", le nom retenu fut "anémie de Cooley". Ultérieurement d'autres enfants présentant le même syndrome seront décrits aux Etats Unis et en Europe. Whipple et al. (1936) ont désigné cette anémie "thalassémie", utilisant la racine grecque (θάλασσα). Les sujets porteurs d'une discrète anémie microcytaire sont nombreux dans le pourtour méditerranéen et peuvent être reconnus comme porteurs hétérozygotes de l'anémie de Cooley (thalassémie "mineure") par opposition à la thalassémie "majeure" (forme homozygote). Le frottis sanguin d'un malade thalassémique révèle une microcytose avec hypochromie anisocytose et nombreuses cellules cibles (Cooley et al., 1927).

Les

α

thalassémies

Elles sont caractérisées par une diminution ou une absence de synthèse de la chaîne α entraînant un excédant de chaînes γ chez le foetus, des chaînes β chez l’adulte (Kattamis et al., 1988; Galacteros, 2001). Fréquentes en Asie, elles constituent une entité morbide qui existe sous deux formes:

-° thalassémie: se caractérise par l’absence d’expression des deux gènes  situés côte à côte sur le même chromosome 16. Elle est due généralement à une délétion amputant la totalité des gènes . Chaque mutation est caractéristique d’une population donnée. La plus grave est celle qui est responsable de l’anasarque fœtal en Asie du Sud Est.

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-+ thalassémie: l’absence d’expression d’un seul des deux gènes  contigus caractérise l’+ thalassémie.

Les lésions moléculaires des + thalassémies sont souvent des délétions de quelques kilobases (kb) amputant un gène . Les délétions les plus fréquentes sont -3,7 et -4,2. Elles sont retrouvées en Asie, autour de la Méditerranée, en Afrique, aux Antilles, aux Amériques. L’+ thalassémie peut être due également à une mutation ponctuelle ou à une micro délétion aboutissant à une altération de la stabilité d’une chaîne  mutée.

L’association β thalassémie et HbS (Sβ-thal) est un Syndrome Drépanocytaire Majeur (SDM), caractérisé biologiquement par une anémie microcytaire accompagnée d’une augmentation de HbA2. L’association Sβ-thal° (absence d’HbA) est de sévérité analogue à la drépanocytose homozygote alors que l’association Sβ-thal+ est moins sévère (taux d'HbA plus ou moins élevé; Weatherall et al., 1981). Par ordre de sévérité décroissante, les formes d’hétérozygote composite sont:

- les formes SDPunjab et SOArab (fréquentes en Asie);

- la forme SC (fréquente en Afrique occidentale);

- les associations thalassémique (β0 et β +).

Drépanocytose et hémoglobine foetale

L’association de l’hémoglobine fœtale (HbF) à la drépanocytose homozygote est connue, sa concentration intra- érythrocytaire est variable (de 1 à 30%). Ces cellules à faible falciformation ont une durée de vie plus longue que les falciformées (Conley et al., 1963; Huisman et al., 1981; Adachi et al., 2002).

La question se pose quant au rôle et à l’importance de l’HbF chez les drépanocytaires, si la production de HbF est liée à des situations génétiques sur lesquelles on pourrait intervenir pour modifier le cours de la maladie. Deux types de persistance de HbF sont connus: le type hétérocellulaire et le type pancellulaire des noirs. Ce dernier est une délétion peu fréquente amputant le gène β globine. L’absence d'expression du gène β est compensée par l'expression presque normale du gène γ restant. Chez l’hétérozygote composite S-Persistance Héréditaire d'Hémoglobine Foetale (S-PHHF pancellulaire), HbF est répartie dans toutes les cellules à un taux de 15 à 35%. Le reste est constitué d'HbS et de HbA2. Les hétérozygotes composites S-PHHF paraissent sains avec un hémogramme voisin de la normale. L'électrophorèse, découvre 70% d'HbS et 30% d'HbF. Il s'agit d'un groupe particulier et limité de patients. Décrits au Moyen-Orient, en Arabie Saoudite et en Inde, en Afrique, aux Antilles … Ils présentent un taux bas de morbidité et de mortalité (Conley et al., 1963).

Drépanocytose et enzymopathie

Les enzymopathies du globule rouge les plus fréquentes touchent la glycolyse, dont le rôle est de fournir à la cellule la majeure partie de l’ATP nécessaire à sa survie et de protéger contre les oxydations. Un déficit portant sur l’une des enzymes de la voie principale de glycolyse (voie d’Embden-Meyerhof) où un shunt des pentoses-phosphates entraîne un syndrome hémolytique parfois aigu, le plus souvent chronique: ce sont des déficits du Glucose-6-Phosphate- Déshydrogénase (G6PD) et du déficit en 2,3-DiPhosphoGlycérate (Lian et al., 1971).

Déficit en 2,3-DiPhosphoGlycérate (2,3-DPG)

La glycolyse intervient dans la physiologie de l'hémoglobine. Parmi les produits intermédiaires de la glycolyse, le 2-3 DiphosphoGlycérate (2,3-DPG) métabolite spécifique, a une importance particulière du fait de son rôle dans l'affinité de l'Hb pour l'oxygène. La liaison 2,3-DPG à l’hémoglobine favorise le passage de l'hémoglobine à la forme désoxygénée. La baisse du taux de 2,3-DPG se traduit par une augmentation de l'affinité de l'Hb pour l'oxygène et une polyglobulie réactionnelle. Son augmentation entraîne une diminution d'affinité de Hb pour l'oxygène. Chez le drépanocytaire, dont le taux de 2,3-DPG est élevé, la diminution d'affinité résultante pour HbO2 tend à favoriser la falciformation. On peut aussi penser que l'abaissement du taux de 2,3-DPG résultant d'une anomalie génétique ou d'une médication appropriée pourrait améliorer l'état clinique des patients (Lian et al., 1971).

Déficit en Glucose-6-Phosphate Déshydrogénase (G6PD)

Le déficit en G6PD (favisme) est le plus fréquent des déficits enzymatiques érythrocytaires. La drépanocytose et le déficit en G6PD sont deux anomalies génétiques responsables d’anémie hémolytique. Deux types sont décrits: le type A (sujet originaire d'Afrique) et le type B (région méditerranéenne). Dans les deux cas, le début est caractérisé par un ictère néo-natal (Lewis et al., 1966; Herz et al., 1970).

Chez le déficient A, les crises hémolytiques surviennent sur un fond d'apparence normale, chez les déficients de type B, elles aggravent un état d'hémolyse chronique. Les causes des accès d'hémolyse sont diverses: infections, stress, mais surtout ingestion de certains médicaments contre lesquels il est indispensable que le patient soit informé (Lewis et al., 1966). Diop et al. (2002) rapportent une prévalence plus grande du déficit en G6PD chez les drépanocytaires par rapport aux sujets indemnes d’hémoglobinopathie S. La plupart des études ne retrouvent pas l’influence du déficit en G6PD sur la sévérité de la maladie (Steinberg et al., 1974). La présence de ce déficit confère aux drépanocytaires une protection vis-à-vis du paludisme par phagocytose précoce des globules rouges parasités (Roth et al., 1983; Cappadoro et al., 1998). La transmission génétique du déficit en G6PD est liée au sexe (gène porté par le chromosome X: les hommes sont atteints, les femmes transmettent le gène anormal sans être affectées).

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Le diagnostic du déficit se fait par dosage de l’activité de la G6PD par spectro-photométrie. En cas d’hyper- réticulocytose, la technique de micro-centrifugation de Herz évite le risque de masquer un déficit réel par de jeunes globules rouges (Herz et al., 1970).

Diagnostic d’une hémoglobinopathie

Diagnostic biologique

Il est basé sur l'électrophorèse de l’hémoglobine du sang prélevé sur une solution anticoagulante. Le diagnostic doit être accompagné d’une enquête familiale du patient, des renseignements cliniques, d’un hémogramme récent à distance de toute transfusion (Ingram, 1956, 1961; Siguret et al., 1997; Bardakdjian-Michau et al., 2003, fig. 4-3).

Figure 4-3: arbre décisionnel diagnostique (modifié de Bardakdjian-Michau et al., 2003)

Dans l’HbS, le remplacement par une valine de l’acide glutamique en position 6 de la chaîne  introduit dans le tétramère deux charges positives supplémentaires. Cette substitution élève le point isoélectrique de l’Hb de 6,95 à 7,25. Lors de l’électrophorèse à pH alcalin, l’HbS migre donc plus lentement que l’HbA vers l’anode (Ingram

,

1956, 1961). Les hémoglobines A, A2, F sont différentiées par cette électrophorèse à PH alcalin (pH 9,6).

L’isoélectrofocalisation est l'examen qui permet de détecter bon nombre de types d'hémoglobine. Lors du passage du courant électrique dans le gel, il s’établit un gradient de pH de la cathode à l’anode. Les hémoglobines se déplacent dans le champ électrique jusqu’à leur pH isoélectrique (pHi, où les charges positives et négatives de l’hémoglobine s’équilibrent). Cette technique permet de séparer des hémoglobines qui diffèrent de un centième d’unité pH.

L’isoélectrofocalisation permet de caractériser les hémoglobines F, S, C, D, Orabia et E. Le nouveau-né, l’enfant de moins d’un an, ont une HbA et HbF, l’adulte normal possède une HbA et HbA2, chez l’homozygote SS, on ne trouve pas l’hémoglobine A, chez l’hétérozygote AS ou AC, on trouve à la fois une HbA et HbS ou HbC. L’enfant drépanocytaire possède une HbS et F (Ingram, 1956, 1961; Siguret et al., 1997; fig. 4-4).

Figure 4-4: détection des hémoglobines par isoélectrofocalisation, CCD (Saint Martin, 2005)

(6)

L'électrophorèse peut être remplacée par la chromatographie liquide haute performance. La liaison, plus ou moins forte entre l’hémoglobine et la résine échangeuse d’ions, est fonction de la force ionique ou du pH de la phase mobile.

Ainsi, dans des conditions identiques, des hémoglobines identiques auront le même temps de rétention. Cette technique est rapide et utilise une faible quantité de sang. Elle permet la quantification des différentes hémoglobines et contribue, avec l’étude de l’hémogramme, au diagnostic des β thalassémies mineures. Elle est actuellement, avec l’isoélectrofocalisation, l’une des techniques de choix pour le dépistage néonatal de la drépanocytose (Schröder et al., 1976; Dubart et al., 1980; Siguret et al., 1997; Bardakdjian-Michau et al., 2003).

Quelle que soit la technique, le test de solubilité de l’hémoglobine par précipitation en présence de dithionite de Na en tampon phosphate (test d’Itano) confirme la présence d’HbS en objectivant sa polymérisation (Itano, 1953). La combinaison des différentes techniques permet de diagnostiquer la majorité des syndromes drépanocytaires. Dans le cas d’hétérozygote composite SD, il est important d’identifier l’HbD: il existe aux Antilles de nombreuses hémoglobines D (DKorle-Bu, DIran, DFort-de-France), mais seul DPunjab associée à HbS entraîne un syndrome drépanocytaire (Schröder et al., 1976).

L’association avec l’α thalassémie est recherchée en cas de présence d’une microcytose sans carence martiale, la confirmation ne peut être faite que par l’étude des gènes α globine. Les progrès de la génétique ont fourni une méthode plus sure et plus pratique dans laquelle les amniocytes sont prélevés par amniocentèses, et les mutations chromosomiques, identifiées directement par les techniques de génie génétique. Ces dernières fournissent un haut degré de précision dans la détection de la drépanocytose et de certaines formes de thalassémies. La biopsie des villosités choriales, qui permet d’obtenir du tissu pour l’analyse de l’ADN dès le début de la grossesse (8-10 semaines), est maintenant une technique établie de diagnostic prénatal (Kazazian et al., 1980; Boehm et al., 1983;

Bardakdjian-Michau, 2003).

Diagnostic néonatal et pré-natal

Les équipes américaines ont démontré l’importance de l’identification des enfants drépanocytaires en période néonatale. Cette identification permet une prise en charge précoce de ces enfants. Il permet d’identifier aussi des enfants porteurs sains (hétérozygotes), et par l’occasion des couples à risque. Il est fait de façon systématique dans les départements français d’Outre Mer et de façon ciblée dans les grandes villes européennes (Gulbis et al., 1999;

Bardakdjian-Michau et al., 2009). Ce dépistage néonatal a été possible et recommandé pour une meilleure prise en charge pour l’Afrique (Tshilolo et al., 2009). Le diagnostic pré ou anténatal a bénéficié des progrès de la biologie moléculaire. Il est basé sur l’étude de l’expression protéique ou celle de la structure de l’acide désoxyribonucléique ou ADN fœtal obtenu à partir des cellules des villosités du trophoblaste ou des amniocytes. Il permet un diagnostic sûr et fiable, à partir de la dixième semaine de grossesse. Son intérêt permet un conseil génétique pour prévenir la naissance d’un enfant malade (Kan et. al., 1977; Anionwu et al., 1988).

Le test d’Emmel

Le Test d’Emmel permet de mettre en évidence les globules rouges falciformés ou drépanocytes en incubant une goutte de sang entre lame et lamelle en condition d'hypoxie ou après ajout de métabisulfite de Na à 2%. Le test est négatif si les globules rouges gardent leur forme ronde. Il est positif en cas de présence des cellules en forme de faucille et pointues. Ce test ne permet pas de distinguer un porteur de l’HbS d’un patient homozygote ou hétérozygote composite (Emmel, 1917).

Discussion

Des conditions génétiques déterminées produisent des hémoglobines structurellement anormales. Nous reconnaissons:

- l'état hétérozygote (HbAS): les globules sont chargés d'une hémoglobine adulte normale (HbA) d'une hémoglobine de falciformation (HbS). Le phénotype s'exprime rarement en clinique, on dit que les patients sont porteurs du "trait drépanocytaire";

- l'état homozygote (HbSS): les érythrocytes sont chargés en hémoglobine drépanocytaire manquant complètement d'hémoglobine adulte normale. Le phénotype exprime l'anémie drépanocytaire sévère avec, en plus, d'autres manifestations;

- l'état doublement hétérozygote: les globules contiennent, en plus de l'hémoglobine S, d'autres variantes sur les chaînes α ou β (héritage de deux gènes anormaux; Desai et al., 2004).

Le diagnostic anténatal, basé sur l’étude de l’expression protéique ou celle de la structure de l’acide désoxyribonucléique (ADN), et le diagnostic néonatal, sont possibles et adaptés en fonction des pays à migration récente des patients drépanocytaire (Europe) ou des régions où la drépanocytose est permanente (Antilles françaises, Etats-Unis). Ils permettent un dépistage des parents à risque d’avoir un enfant drépanocytaire, une prise en charge médicale précoce du nouveau-né et un conseil génétique (Kan et. al., 1977, 1978a; Anionwu et al., 1988).

Toutes ces méthodes diagnostiques restent chères et inaccessibles dans la plupart des régions où la drépanocytose a une forte prévalence. La maladie sera évoquée et conduira à sa prise en charge, devant des anomalies hématologiques (anémie hémolytique, microcytose), chez un sujet originaire d'une région où l'affection est fréquente ou à la suite du diagnostic d’un état hétérozygote par le test d’Emmel positif et qui présente les symptômes suivants (Emmel, 1917)

:

(7)

- douleur inflammatoire du dos des mains et des pieds à l’âge de 3 à 6 mois (syndrome main-pied);

- infections bactériennes à répétions;

- anémie sévère d'installation rapide associée au non à des douleurs ostéo-articulaires;

- anémie chronique et hémolytique, céphalées et asthénie;

- douleurs de type rhumatismal;

- manifestations uro-génitales (hématuries, priapisme);

- manifestations ostéo-articulaires (ostéonécrose, ostéomyélite);

- images de dystrophies osseuses trouvées à la radiographie (élargissement ou oblitération de la médullaire des os longs ou du crâne, épaississement cortical ou des déformations des vertèbres (vertèbre en "H". Ces images peuvent évoquer la maladie (Carayon et al., 1971; Hansen et al. 1974; Westerman et al., 1974).

Conclusion

La drépanocytose, maladie monogénique à transmission mendélienne est répandue dans le monde. Tout individu fabrique une hémoglobine en fonction des gènes transmis par la mère et le père. Deux parents transmetteurs de l’HbS auront des enfants sains (25%), des hétérozygotes ou porteurs sains (50%) et des homozygotes SS (25%). Seuls les sujets homozygotes ou hétérozygotes composites sont malades (Neel, 1949; Maniatis et al., 1980; Rachmilewitz et al., 2001). Le programme de prise en charge globale comprend l’identification des patients ou des porteurs sains afin de mettre en place des actions de prévention, d’offrir un conseil génétique et une mise en place d’un dépistage néonatal et prénatal (Dubart et al., 1980; Alexandre et al., 1997).

Pour l’établissement d’un bon diagnostic de l’hémoglobinopathie, l’étude phénotypique de l’hémoglobine comprendra (Itano, 1953; Bardakdjian-Michau et al., 2003):

- un hémogramme complet et détermination du taux de réticulocytes;

- une isoélectrofocalisation (électrophorèse de l’hémoglobine);

- une chromatographie liquide haute performance (CLHP) pour déterminer les taux de l’HbA, A2, F et permet de suspecter le mutant les plus fréquents HbS, D, E;

- un test d’Itano (test de solubilité de l’hémoglobine) pour confirmer la présence d’HbS ou HbD.

La chromatographie liquide haute performance (CLHP), bien qu’elle soit onéreuse, offre l’avantage d’être précise et rapide, et adaptée aux analyses systématiques ou en grande série (dépistage néonatal sur papier buvard, Bardakdjian- Michau et al., 2003).

L’étude génotypique des hémoglobinopathies comprend l’identification de la mutation drépanocytaire par l’analyse de l’ADN, la recherche du trait thalassémique ( et/ou ), la détermination des haplotypes et en cas de PHHF, l’identification de la lésion moléculaire qui en est à l’origine. Cette stratégie diagnostique reste capitale pour distinguer un drépanocytaire homozygote (SS) d’un patient Sβ0 thalassémique ou S-PHHF. Elle est utilisée dans le cadre de dépistage prénatal.

En absence d’un appareil d’électrophorèse de l’hémoglobine, l’interrogatoire des parents, l’examen clinique (fièvre, ictère, pâleur des conjonctives, syndrome main-pied, infections bactériennes…), l’hémogramme (anémie chronique hémolytique ou aigue) associé au test d’Emmel permettent d’orienter le diagnostic de l’hémoglobinopathie S. Compte tenu de la présence du paludisme dans ces régions, une goutte épaisse doit être systématique (recherche de la malaria).

Selon l’organisation mondiale de la santé qui recommande le programme de prise en charge globale, le dépistage néonatal est fondamental. Un diagnostic effectué dès la naissance (systématique ou ciblé) sur les populations à risque, permet d’identifier les diverses formes génétiques de syndromes drépanocytaires majeurs et d’instaurer une prise en charge précoce évitant la survenue de complications graves.

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