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Chapitre 11 - Epidémiologie Introduction La drépanocytose (homozygote SS et double hétérozygotes SC, SD

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Academic year: 2021

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Chapitre 11 - Epidémiologie Introduction

La drépanocytose (homozygote SS et double hétérozygotes SC, SDPunjab, Sβ thalassémique) est un problème de santé publique majeur en Afrique, dans le bassin méditerranéen et dans les Antilles, qui, progressivement, s'est mondialisé.

En Europe, en plus de la thalassémie, la fréquence du gène S décelée dans la population immigrée d'Afrique ou originaire des Antilles est respectivement de: 2,4% à Bruxelles; 2,1% à Londres et 2,4% à Paris (Anionwu et al., 1988;

Girot et al., 1990; Lena-Russo et al., 1992; Gulbis et al., 1999, 2005; Benkerrou, 2002 (fig. 11-1). Paradoxalement, dans les pays d’Europe du Nord, les hémoglobinopathies (thalassémie et drépanocytose) sont considérées comme maladies génétiques rares tout en se posant comme un véritable problème de santé publique (Galacteros, 1990).

Figure 11-1: carte géographique des régions du monde à risque d’hémoglobinopathie (Hansen et al., 2000)

Les différentes migrations des populations expliquent la présence du gène S dans ces différentes régions du monde, (tab. 11-1; Sickle Cell Anaemia Foundation of America).

Tableau 11-1: présence du gène S dans différentes régions du monde

Régions % Régions %

Cuba Puerto Rico Jamaïque Italie (Sud) Venezuela Curaçao Surinam

5 5 10 10 11 12 15

Arabie Saoudite Grèce

Brésil Inde Caraïbes Panama Afrique

5-25 8-27 7-10 9-38 10-12 12-14 15-40

Cette hémoglobinopathie héréditaire est reconnue comme priorité de santé publique depuis 1990 en Guadeloupe, 2005 par l’Union des Etats Africain (UEA), 2006 par l’OMS et 2008 par l’ONU (Zohoun et al., 1992; OMS, 2006; ONU, 2008). Complexe par la variabilité de son expression clinique et ses complications, les manifestations cliniques peuvent être sévères chez certains patients, très limitées chez d’autres. La prise en charge recommandée (OMS, 1978;

Vichinsky, 1991; Zohoun et al., 1992) consiste en:

- prévention primaire réduire le nombre de naissance pour les couples de parents drépanocytaires par une information ciblée;

- prévention secondaire anticiper et réduire la survenue des complications par dépistage néonatal, suivi post-natal (évaluation de la période cliniquement asymptomatique ou état basal, prophylaxie antibactérienne, vaccination, éducation des parents et du patient);

- prévention tertiaire dépistage et traitement des complications.

Des complications ostéo-articulaires sont fréquentes dans la drépanocytose (infarctus osseux ou nécrose) chez environ 31% des patients. La complication la plus fréquente est l’infection (ostéomyélite et arthrite) surtout dans les pays africains (Balogun et al., 2010). La nécrose osseuse drépanocytaire est caractérisée par des atteintes polyépiphysaires correspondant à la persistance de l’activité hématopoïétique importante (Sebes et al., 1983; Sebes, 1989). Parmi les complications articulaires aseptiques, l’atteinte de l’OstéoNécrose de la Tête Fémorale (ONTF) reste la plus fréquente.

En Guadeloupe, le Centre Caribéen de la Drépanocytose (CCD), en 1992, nous a proposé d’organiser une consultation d’orthopédie à deux niveaux d’intervention (médical, orthopédique et, si nécessaire, chirurgical). Les infections ostéo- articulaires sont rares sur l'île compte tenu du dépistage néo-natal systématique suivi d’une prise en charge précoce médicale des enfants drépanocytaires, depuis 1984 (Diarra, 1990; Mérault et al., 1991; Zohoun et al., 1992; Mukisi- Mukaza et al., 2000, 2005):

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- prévention de l’apparition de l’ONTF et de l'ONTH, par un traitement médical qui limite les crises de falciformation, une éducation des patients sur les signes précoces d’appel de l’atteinte de hanche et d’épaule;

- examen clinique après tout épisode de crise vaso-occlusive ou accouchement, par mise au repos de toute hanche douloureuse (anti-douleurs, décharge par cannes, béquilles);

- prévention de l’apparition des séquelles par un traitement chirurgical conservateur (forage ou ostéotomie).

La fréquence de l'ONTF en fonction du génotype et du sexe, souvent débattue, varie selon les séries. L’étude de Hernigou et al. (1989), sur 131 patients (101 SS et 30 SC) suggère qu'elle est plus fréquente chez les homozygotes SS (42%) que chez les doubles hétérozygotes SC (20%); plus fréquente chez la femme que chez l’homme. D’autres études rapportent une fréquence plus élevée chez les SC que chez les SS. Selon Serjeant (1989), la fréquence élevée de l'ONTF dans le groupe SC par rapport au groupe SS s'explique par le biais introduit par la longévité des patients SC.

Elle est identique dans les deux génotypes et les deux sexes (Sebes et al., 1983; Milner et al., 1991).

But de l’étude

Nous proposons une étude descriptive et comparative pour évaluer l'efficacité du programme de prise en charge globale de la drépanocytose sur la survenue de l’ONTF. Elle porte sur deux séries de patients drépanocytaires, âgés de plus de 16 ans, suivis à deux périodes distinctes.

- La première série, [E-1994], porte sur des patients identifiés comme drépanocytaires dès 1984 au Centre Hospitalier de Pointe-à-Pitre avant l’ouverture du CCD. Ces patients n’ont bénéficié d'aucun suivi médical régulier, leurs données ont été collectées rétrospectivement.

- La seconde série, prospective [E-2008], porte sur l’ensemble des patients drépanocytaires, sans antécédent d’ONTF, identifiés au CCD entre 1995 et 2008, qui ont bénéficié d’un suivi médical et orthopédique.

Matériel et Méthode

Patients

La série [E-1994] inclut 115 patients (58 SS et 57 SC; 42 hommes et 73 femmes). La série [E-2008] compte 215 patients (94 SS et 121 SC; 85 hommes et 130 femmes) suivis de façon régulière. Le contrôle consiste en:

- examen clinique des hanches et des autres articulations tous les 3 mois par des "drépanocytologues", tous les ans par un orthopédiste après un bilan radiographique et scintigraphique;

- consultation après chaque crise et suivi régulier avec imagerie en cas de suspicion d’ONTF ou ONTH;

- mise en décharge et traitement anti-inflammatoire en cas de douleur de hanche;

- éducation des parents, des adolescents (non investigués ici) et des patients pour être attentifs à toute douleur persistante de hanche.

Diagnostic de l’ONTF

Le diagnostic de recherche d’ONTF se base sur les données des dossiers, examen clinique et radiographies des hanches et des épaules réalisées pour les séries [E-1994] et [E-2008], l’examen ostéo-articulaire des hanches associé à deux imageries réalisées de façon systématique: radiographie, scintigraphie au 99mTc lors du bilan annuel ou en cas de signe d’appel. La tomographie simple, la TomoDensitoMétrie (TDM) ou l’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) sont prescrites après scintigraphie anormale ou en cas de douleur persistante, pour poser le diagnostic d’ONTF (Sarrat et al., 1985). D’autres articulations (épaules, genoux, chevilles, colonne lombaire) sont examinées et une imagerie demandée en cas des signes d’appel, douleur, réduction de mobilité (Hernigou et al., 1993; Mukisi-Mukaza et al., 2000; Catonné 2002; Flouzat-Lachaniete et al., 2009).

Variables étudiées

Un groupe de variables a été collecté pour l'ensemble des patients des deux séries:

- âge des patients à la première visite; - génotype;

- âge au diagnostic de l’ONTF; - sexe;

- durée de suivi; - ONTF et atteinte de l'épaule;

- taux d’hémoglobine (Hb); - douleur avant traitement;

- ONTF et taux d’hémoglobine; - Ulcère Cutané de Jambe (UCJ) Analyse statistique

Pour les périodes [E-1994] et [E-2008], nous décrivons l'état des patients à l’admission, la douleur et la latéralité des lésions d’ONTF. Les associations entre développement d’une ONTF et les variables suivantes ont été étudiées dans les deux séries [E-1994] et [E-2008]: âge au diagnostic de l’ONTF, le sexe, le génotype, la présence de l’atteinte de l’épaule. Nous avons utilisé un Odds Ratio (OR), pour mesurer le degré d’association entre les variables qualitatives (douleur, latéralité, association UCJ).

Résultats, caractéristiques de l’échantillon

Age des patients à la première visite

L’âge moyen des patients [E-1994] est de 30,4 ± 2,1 ans (N = 115), de 29,5 ± 1,4 ans (N = 215) pour les patients [E- 2008]. Les deux séries présentent une même distribution d’âge (p = 0,9; fig. 11-2).

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0 5 10 15 20 25 30

16-20 21-25 26-30 31-35 36-40 41-45 46-50 51-55 > 55 Age

%

Figure 11-2: histogramme des âges lors de la prise en charge [E-1994], [E-2008]

Age au diagnostic de l’ONTF

Tous génotypes confondus, l’âge moyen de diagnostic de l’ONTF est de 35,3 ± 1,4 ans (N = 42) pour les patients de la série [E-1994], et de 29,5 ± 3,4 (N = 31) pour les patients [E-2008], sans différence significative (p = 0,6).

Durée de suivi des patients

Le délai de suivi des patients de la série [E-1994] est de 8,7 ± 0,6 ans (N = 115); de 11,3 ± 0,7 ans (N = 215) pour la série [E-2008]. On observe une différence significative entre [E-1994] et [E-2008] (p < 0,01).

Taux d’hémoglobine

Pour [E-1994] le taux moyen d’hémoglobine est de 8,9 ± 0,9 g/dl chez les patients SS; de 11,4 ± 0,4 g/dl pour le groupe SC (p < 0,001). Pour [E-2008], il est de 8,3 ± 0,3 g/dl chez les SS, de 11,4 ± 0,3 g/dl chez les SC (p < 0,001).

Comparant respectivement les groupes SS et SC pour les deux périodes, nous observons une différence significative du taux en hémoglobine uniquement pour le groupe SS (p = 0,03; tab. 11-2).

Tableau 11-2: taux moyen d’hémoglobine (g/dl) fonction du génotype

Résultats, fréquence de l’ONTF et facteurs associés

Tous génotypes confondus, la prévalence (fréquence) de l’ONTF pour [E-1994] est de 36,5% (42/115) et de 14,4%

(31/215) pour [E-2008] (p < 0,0001).

Taux d’hémoglobine et ONTF

Le taux moyen d’hémoglobine est plus élevé chez les patients ayant développé une ONTF pour les périodes [E-1994]

et [E-2008] (p = 0,001). Considérant les périodes [E-1994] et [E-2008], nous n’observons aucune différence dans les taux d’hémoglobine (tab. 11-3).

Tableau 11-3: taux moyen d’hémoglobine (g/dl)

Génotype et ONTF

La comparaison des génotypes SS et SC, porteurs ou non d’une ONTF, est non significative (tab. 11-4, 11-5).

Tableau 11-4: génotype et ONTF [E-1994] Tableau 11-5: génotype et ONTF [E-2008]

ONTF + ONTF- ONTF + ONTF-

Génotype SS 21 (50%) 37 (50,7%) Génotype SS 14 (45,2%) 80 (43,5%)

Génotype SC 21 (50%) 36 (49,3%) Génotype SC 17 (54,8%) 104 (56,5%)

p = 1,0 p = 0,9 Total p = 0,6 p = 0,08

Génotype [E-1994] [E-2008] [E-1994] - [E-2008]

SS SC

8,9 ± 0,9 (N = 58) 11,4 ± 0,4 (N = 57)

p < 0,001

8,3 ± 0,3 (N = 94) 11,4 ± 0,3 (N = 121)

p < 0,001

p = 0,03 p = 1,0

Hanche [E-1994] [E-2008] [E-1994] - [E-2008]

ONTF + ONTF -

11,3 ± 0,5 (N = 42) 9,5 ± 0,5 (N = 73)

p = 0,001

11,1 ± 0,5 (N = 31) 10,1 ± 0,3 (N = 184)

p = 0,001

p = 0,6 p = 0,6

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Sexe et ONTF

La présence d’une ONTF est moins fréquente chez les femmes de la série [E-1994] (p = 0,01), différence qui ne se retrouve pas pour la série [E-2008] (p = 0,9). Elle est non significative chez les hommes pour [E-1994]. L'ONTF est très significativement moins fréquente en [E-2008], tant pour les hommes que pour les femmes (tab. 11-6).

Tableau 11-6: sexe et ONTF

Autres localisations articulaires

L’association "ONTF - atteinte de l’épaule" est non significative pour [E-1994] (p = 0,1), significative pour [E-2008]

(p = 0,05). La comparaison des 2 périodes [E-1994] et [E-2008] montre que l’atteinte de l’épaule est associée de façon significative à l’ONTF (p = 0,01; tab. 11-7).

Tableau 11-7: association de l'ONTF à une atteinte de l'épaule

Douleur associée à l'ONTF, avant traitement

La douleur associée à l’ONTF est présente chez 50% des patients tant SS que SC en [E-1994]. En [E-2008], elle est observée dans 42% des cas, indolore dans 58%, sans différence entre les séries (tab. 11-8; p = 0,50).

Tableau 11-8: douleur associée à l'ONTF avant traitement

[E-1994] [E-2008] OR [E-1994] - [E-2008]

Douleur 21/42 (50%) 13/31 (42%)

Indolence 21/42 (50%) 18/31 (58%) 1,4 p = 0,50 p = 1,0 p = 0,4

Latéralité de l'ONTF

En cas de lésion d'ONTF, il y a plus de lésions bilatérales pour la série [E-1994] (p = 0,005) que pour la série [E-2008]

(p = 0,1). La différence est non significative si nous comparons les séries [E-1994] et [E-2008], (p = 0,50; tab. 11-9).

Tableau 11-9: latéralité de la lésion et ONTF

[E-1994] [E-2008] OR [E-1994] - [E-2008]

Unilatérale 12/42 (28%) 11/31 (55,5%)

Bilatérale 30/42 (72%) 20/31 (64,5%) 0,73 p = 0,50 p = 0,005 p = 0,1

Association à un ulcère cutané

La présence et les antécédents d’Ulcère Cutané de la Jambe (UCJ) ont été notés dans les deux études. Dans la population drépanocytaire non suivie, [E-1994], nous observons un ulcère cutané chez 85,7% des patients présentant une ONTF (p < 0,0001; tab. 11-10) alors qu’il n’est trouvé que dans 16,1% pour [E-2008] (p = 0,0002; tab. 11-11). La présence d'UCJ est significativement moindre pour [E-2008] (p <0,005) que pour [E-1994].

Tableau 11-10: association ulcère cutané [E-1994] Tableau 11-11: association ulcère cutané [E-2008]

ONTF + ONTF- ONTF + ONTF-

Ulcère + 36/42 (85,7%) 11/73 (15,0%) Ulcère + 5/31 (16,1%) 3/184 ( 1,6%) Ulcère - 6/42 (14,3%) 62/73 (85,0%) Ulcère - 26/31 (83,9%) 181/184 (98,4%)

p < 0,0001 p < 0,0001 p = 0,0002 p < 0,0001

ONTF + [E-1994] ONTF + [E-2008] [E-1994] - [E-2008]

Hommes 21/42 (50%) 12/85 (14,1%) p < 0,001 Femmes 21/73 (28,8%) 19/130 (14,6%) p < 0,001

p = 0,01 p = 0,9

[E-1994] [E-2008] [E-1994] - [E-2008]

Association + 16/42 (38,1%) 21/31 (67,7%) Association - 26/42 (61,9%) 10/31 (32,3%) p = 0,01

p = 0,1 p = 0,05

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Tableau 11-12: association à un ulcère cutané [1994] - [2008]

ONTF + [E-1994] ONTF + [E-2008] OR [E-1994] - [E-2008]

Ulcère + 36/42 (85,7%) 5/31 (16,1%)

Ulcère - 6/42 (14,3%) 26/31 (83,9%) 32,2 p < 0,0001 p < 0,001 p = 0,0002

On observe une association hautement significative entre UCJ et ONTF [E-1994] - [-2008] (tab. 11-12; p < 0,0001).

Discussion, caractéristiques de l’échantillon

Age des patients à la première visite

L’âge moyen des patients pour l’étude [E-1994] est de 30,4 ± 2,1 ans, voisin de celui des patients (29,5 ± 1,4 ans) pris en charge pour [E-2008]. Cette similitude des deux séries tient à ce qu'elles s’adressent à des patients âgés de plus de 16 ans. Elira-Dokekias et al. (2001) dans une étude rétrospective (63 patients drépanocytaires non suivis), trouvent un âge moyen de 38 ans, à la première consultation. Dans une étude prospective portant sur 108 patients drépanocytaires SS, suivis régulièrement sur une période de 3 à 12 ans, l'âge moyen est de 27 ans (Diop et al., 2003).

Age au diagnostic de l’ONTF

L’ONTF drépanocytaire survient chez le patient jeune (35,3 ± 4 ans [E-1994]; 29 ± 3,4 ans [E-2008]) en comparaison avec l’ONTF primitive ou idiopathique (moyenne d’apparition 45 ans; de Sèze et al., 1960; Delaunay et al., 1986).

Non traitée, elle est handicapante par apparition d’une arthrose précoce. La prise en charge à un stade avancé est difficile et coûteuse, surtout en milieu africain (de Montalembert et al., 2007). Elle implique une surveillance clinique et un suivi orthopédique pour la dépister et la traiter dès l’enfance (Rouvillain et al., 2000; Girot et al., 2007; Lionnet et al., 2009).

Durée de suivi

Si nous comparons le délai de suivi des deux séries, [E-1994] rétrospective, et [E-2008] prospective, la durée moyenne de 8,7 ± 0,6 ans en [E-1994] représente la période entre l’identification des patients sans suivi orthopédique, à l’ouverture du CCD en 1990, moment de l’analyse de leur dossier. La duré de 11,3 ± 0,7 ans est le délai de suivi des patients ayant bénéficié d’un suivi orthopédique régulier en [E-2008]. L’étude prospective permet de calculer la prévalence de l’ONTF (14,4%) dans une population suivie régulièrement sur le plan médical et orthopédique.

Taux d'hémoglobine

Les syndromes drépanocytaires s’accompagnent d’une anémie hémolytique chronique. Les données hématologiques varient en fonction de "l’état basal" (entre deux crises) ou en période de crise. Les taux moyens de l’hémoglobine de 8 g/dl pour les SS, de 11 g/dl chez les SC (Bain, 2001; Elira-Dokekias et al., 2001), sont proches de ceux observés dans nos séries. La différence de taux d’hémoglobine entre SS et SC pour [E-1994] et [E-2008] s’explique par le taux plus important de destruction des globules rouges falciformés et d’hémolyse dans le groupe SS que dans le groupe SC. La comparaison du statut hémoglobinique entre [E-1994] et [E-2008] montre le peu d’influence de la médicalisation sur le taux d’hémoglobine, qui reste liée au génotype du patient dans les deux séries.

Discussion, fréquence de l’ONTF et facteurs associés

La variabilité de la fréquence de l’ONTF (8 à 40%) observée dans la littérature tient à la méthodologie: critères d’inclusion des patients (aucune distinction entre enfants et adultes), critères diagnostiques différents de l'ONTF, reposant souvent sur une radiographie conventionnelle sans recherche de lésions pré-radiologiques). La radiographie est le plus souvent réalisée face à des signes fonctionnels (douleur, boiterie, Hernigou et al., 1989; Mukisi-Mukaza et al., 2000; Harroche-Angel, 2007).

Les études sur des adultes drépanocytaires montrent une fréquence voisine de 40% (Hernigou et al., 1989; Moran, 1995). Elle est proche de celle observée dans notre population non suivie [E-1994]. La fréquence observée pour [E- 2008], chez l’adulte, est nettement inférieure à celles rapportées par la littérature. En comparant les études [E-1994] et [E-2008], la fréquence de l’ONTF passe de 36,5% à 14,4% (p < 0,0001). La mise en place en 1992 d’une prise en charge médicale et d’un suivi orthopédique régulier a permis la réduction de la fréquence de l’ONTF, comme d’autres morbidités (Diarra, 1990; Diarra et al., 2003; Bibrac et al., 2004; Harroche-Angel, 2007).

Taux d’hémoglobine et ONTF

La viscosité du sang est liée à la valeur de l'hématocrite, à la viscosité du plasma (phase portante) et aux propriétés rhéologiques des globules (Horne, 1981; Baskurt et al., 2003). Une hémoglobine, un hématocrite élevé, s’accompagne de troubles rhéologiques responsables de la falciformation et de la vaso-occlusion surtout dans les vaisseaux de petits calibres comme les sinusoïdes dans la tête fémorale. La relation du taux d’hémoglobine élevée et l’ONTF dans les deux séries suggère que la vaso-occlusion et l’augmentation de la viscosité sont propices à la survenue de l’ONTF (Hawker et al., 1982; Milner et al., 1991; Harroche-Angel, 2007).

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Génotype et ONTF

L’étude de Serjeant et al. (2001) montre que l'ONTF est plus fréquente dans le groupe SC que chez les homozygotes SS, ce qui s'explique par la longévité supérieure des drépanocytaires SC. Dans notre étude, un génotype particulier ne constitue pas un facteur de risque (tab. 11-4, 11-5). Une observation identique est rapportée par Sebes et al. (1983) et Milner et al. (1991).

Sexe et ONTF

La relation sexe et ONTF a été l’objet de discussions (Hernigou et al., 1989; Milner et al., 1991). Nos résultats sont plus nuancés (tab. 11-6).

Autres localisations articulaires

L’atteinte ostéo-articulaire polyépiphysaire chez un même individu est rapportée (Hernigou et al., 1989, 1991, 1993;

Dumarey et al., 2000; Mukisi-Mukaza et al., 2000; Catonné 2002; Flouzat-Lachaniete et al., 2009). L’association la plus fréquente est l’OstéoNécrose de la Tête Humérale (ONTH). Milner et al. (1993) l’observent dans plus de 50% de leurs patients. Nous observons une atteinte plus fréquente de l’épaule en [E-2008] par rapport à [E-1994] (p = 0,01), qui s’explique par sa recherche systématique au cours de l'étude prospective (tab. 11-7). L'atteinte épiphysaire peut s'expliquer par la circulation terminale semblable entre extrémité proximale de l’humérus et tête fémorale (Trueta et al., 1953; Milner et al., 1993). L’atteinte de l’épaule est caractérisée par une symptomatologie pauvre au stade initial (douleur, perte fonctionnelle, Chung et al., 1971; Milner et al., 1993; Hernigou et al., 1993). En présence d’une ONTF, il convient de rechercher systématiquement une ONTH (Milner et al., 1993; Flouzat-Lachaniete et al., 2009).

Néanmoins, toutes les articulations majeures doivent bénéficier d’une exploration complémentaire en cas de douleur.

Des nécroses peuvent être observées aux genoux, chevilles (astragale) et coudes (Harroche-Angel, 2007; Flouzat- Lachaniete et al., 2009; Mukisi-Mukaza et al., 2009a).

Douleur de la nécrose avant traitement

Le peu de relation entre symptomatologie et nécrose avant traitement s’explique par des épisodes de falciformation larvées, peu douloureuses, responsables d’infarctus osseux et de nécrose de la tête. Les images d’infarctus ou d’ostéocondensation sont souvent révélées fortuitement lors de la mise au point d’une ONTF symptomatique contra- latérale, par TDM ou IRM. Cette observation confirme celles de Milner et al. (1991) et de Hernigou et al. (2006).

L’absence de douleur introduit la notion d’ONTF évolutive et symptomatique ou non (Mukisi-Mukaza et al., 2000).

Latéralité

La nécrose de hanche peut être uni- ou bilatérale. Une localisation bilatérale de 54% est rapportée par Milner et al.

(1991). Dans notre étude, une bilatéralité de la nécrose est observée en [E-1994], pas en [E-2008], ce qui s’explique par l’absence de suivi médical dans la période [E-1994]. Une attention et une prise en charge ciblées sont portées à la hanche contra-latérale saine lors d’une ONTF unilatérale en [E-2008], (Hernigou et al., 2006).

Association à l’ulcère cutané

L’Ulcère Cutané de Jambe (UCJ) est observé dans les deux études, plus fréquent pour [E-1994], vraisemblablement par manque de prise en charge médicale. Dès l’âge de 10 ans, 10 à 20% des patients développent des UCJ au cours de leur vie (Chung et al., 1966; Cackovic et al., 1988; Koshy et al., 1989).

Facteurs de risques

Dans les deux séries, nous observons que l’ONTF est associée à un taux d’hémoglobine élevée (p = 0,001). L’ulcère cutané de jambe est significativement associé à l’ONTF. Il est considéré comme critère de gravité de la maladie. En présence d’UCJ, l’ONTF doit être recherchée (Cackovic et al., 1988; Koshy et al., 1989; Mukisi-Mukaza et al., 2000).

L’association d’un taux élevé d’hémoglobine à l’ONTF suggère le rôle important de l’hyperviscosité sanguine, de l’hypoxie et de la vaso-occlusion dans son apparition (Adedeji, 1987; Bain, 2001).

Aux facteurs de risque observés en relation avec la survenue de l’ONTF (taux élevé d’Hb, ulcère cutané), s’ajoutent ceux de la littérature: un bas taux de HbF (Hawker et al., 1982), une association du trait α thalassémique, un volume globulaire moyen bas (Milner et al., 1991), une rétinopathie proliférative, une atteinte controlatérale de la hanche et, enfin, la période du post-partum (Cheng et al. 1982). La présence de ces facteurs doivent permettre de cibler les patients à risque de présenter une ONTF (Hawker et al., 1982; Milner et al., 1991; Mukisi-Mukaza et al., 2000).

Conclusion

L’étude rétrospective [E-1994] permet de calculer la prévalence de l’ONTF dans une population sans suivi médical régulier. Compte tenu des problèmes éthiques et connaissant l’impact positif du suivi et de la prise en charge globale des patients drépanocytaires (Fargot-Largeault, 2000), nous avons opté pour une étude-cohorte prospective, [E-2008].

Nous sommes conscient des biais (perdus de vue, dossiers incomplets; Levêque, 2009) dans les études cliniques qui peuvent affecter les résultats, d’où le choix de cette étude prospective portant sur une longue durée (11,3 ± 0,7 ans).

La drépanocytose est la première cause de l’OstéoNécrose de la Tête Fémorale (ONTF) dans les régions où cette maladie est fréquente. Non traitée, elle peut évoluer vers des complications arthrosiques handicapantes d’approche

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difficile. Avant la création du Centre Caribéen de la Drépanocytose en Guadeloupe (Diarra et. al., 2003), la situation du patient drépanocytaire était "à risque", par manque de suivi médical. L’espérance de vie des patients s’est significativement améliorée par la mise en place du dépistage néonatal systématique et prise en charge médicale précoce (prophylaxie anti-infectieuse par antibiothérapie au long cours, vaccination, suivi régulier, amélioration de l’hygiène de vie, recours à certaines molécules thérapeutiques (hydroxyurée, Vichinsky et al., 1991; Diarra et al., 2003; Bibrac et al., 2004).

La comparaison des séries [E-1994] et [E-2008] montre qu'un suivi global (médical et orthopédique) a bénéficié aux patients de [E-2008], complété par une prévention et un traitement orthopédique tels que réalisés au Centre Caribéen de la Drépanocytose en Guadeloupe a permis une réduction de l'incidence de l’ONTF.

La vie des patients drépanocytaires sera considérablement améliorée si les complications ostéo-articulaires chroniques, fréquentes à l’âge adulte, sont dépistées de façon systématique et traitées précocement. La présence d’un orthopédiste au sein de l’équipe a permis un contact régulier, une surveillance et une prise en charge efficace des manifestations douloureuses articulaires avant l’apparition de l’ONTF, selon un protocole défini au CCD (Hernigou et al., 1989;

Mukisi-Mukaza et al., 2000; Harroche-Angel, 2007).

Pour une prévention tertiaire des complications ostéo-articulaires, nous suggérons (Mukisi-Mukaza et al. 2000, 2005):

- un suivi médical régulier afin de réduire les crises vaso-occlusives;

- une éducation des patients à la recherche des signes d’appel de cette atteinte et d’autres articulations;

- un examen clinique ostéo-articulaire lors des bilans annuels et après toute crise vaso-occlusive;

- une attention particulière à la période de l’adolescence (passage enfant-adulte), après une grossesse;

- une prise en charge précoce, orthopédique ou chirurgicale conservatrice (forage ou ostéotomie) face à une nécrose afin de réduire les complications invalidantes de l’ONTF.

L’Union des Etats Africains (UEA), l’OMS et l’ONU ont reconnu la maladie comme priorité de santé publique et recommandent la création de centres spécialisés dédiés à la drépanocytose dans les pays où elle est endémique (OMS, 2006; ONU, 2008). Des centres de drépanocytose ont été créés aux Antilles, en Europe, en Afrique, en Amérique du sud, en Inde, à l’instar de ceux existant aux Etats-Unis. Ils appliquent une prise en charge précoce et globale avec une amélioration de la santé des patients (Mérault et al., 1991; Vichinsky, 1991; Zohoun et al., 1992; Diarra et al., 2003;

Rahimy et al., 2003; Bibrac et al., 2004).

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