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La bifurcation des cadres vers l'activité de coach : un processus de subjectivation microémancipatoire.

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

HAL Id: tel-01697853

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01697853

Submitted on 31 Jan 2018

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Fabien Moreau

To cite this version:

Fabien Moreau. La bifurcation des cadres vers l’activité de coach : un processus de subjectivation microémancipatoire.. Gestion et management. Université Rennes 1; Université de Rennes 1, 2017. Français. �NNT : 2017REN1G017�. �tel-01697853�

(2)

THÈSE / UNIVERSITÉ DE RENNES 1

sous le sceau de l’Université Bretagne Loire

pour le grade de

DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ DE RENNES 1

Mention Sciences de Gestion

Ecole Doctorale Sciences Economiques et de Gestion

présentée par

Fabien Moreau

Préparée dans l’UMR CNRS 6211 – CREM Centre de Recherche en

Economie et Management

Institut de Gestion de Rennes / Institut d'Administration des Entreprises

La bifurcation des

cadres vers l’activité

de coach : un

processus de

subjectivation

microémancipatoire

Thèse soutenue à l’IGR-IAE de Rennes, le 27 octobre 2017

devant le jury composé de :

Eric PEZET

Professeur des Universités à Paris Ouest Nanterre /

Rapporteur

Alain ROGER

Professeur émérite à l’IAE de Lyon - Université Jean Moulin Lyon 3 / Rapporteur

Pascale AUGER

Professeur à Kedge Business School -Marseille /

Examinateur

Christophe BARET

Professeur à l’Université d’Aix-Marseille /

Examinateur

Martine BRASSEUR

Professeur des Universités à Paris Descartes /

Examinateur

Christophe VIGNON

HDR – Maître de Conférences à l’IGR-IAE, Université de Rennes 1 / Directeur de thèse

David ALIS

Professeur à l’IGR-IAE, Université de Rennes 1 /

(3)

(Aaron Cohen, 1991) (Agarwal, Angst, & Magni, 2009) (Bosley, Arnold, & Cohen, 2009) (Briscoe, Hall, & Frautschy DeMuth, 2006) (Cadin, Bender, & de Saint Giniez, 2003) (Cadin, Bender, de Saint Giniez, & Pringle, 2000) (Carbó, Vázquez Ahumada, Dorado Caballero, & Lezama Argüelles, 2016) (Finch-Lees, Mabey, & Liefooghe, 2005) (Giraud, Dany, & Roger, 2011) (Greenhaus, Callanan, & Godshalk, 2009) (Gunz, Evans, & Jalland, 2000, p. 25) (Huault, Perret, & Spicer, 2012) (Inkson, Gunz, Ganesh, & Roper, 2012) (Jaskolka, Beyer, & Trice, 1985) (Joyeau, Robert-Demontrond, & Schmidt, 2010) (Kamoche, Pang, & Wong, 2011) (Lachman, Lewkowicz, Marcus, & Peng, 1994) (Laude, Vignon, & Waelli, 2012) (Lucas, Liu, & Buzzanell, 2006, p. 236) (Meyer, Irving, & Allen, 1998) (Moore, Gunz, & Hall, 2007, p.15) (Morrissette, Guignon, & Demazière, 2011, p. 1) (Mowday, Steers, & Porter, 1979) (Parker, Fournier, & Reedy, 2007, p. 296) (Persson, Rappin, & Richez, 2011) (Pichault, Dervaux, & Vrancken, 2013) (Pogson, Cober, Doverspike, & Rogers, 2003) (Prasad, Prasad, Mills, & Mills, 2016) (Spicer, Alvesson, & Kärreman, 2009) (Stahl, Miller, & Tung, 2002) (Super, Savickas, & Super, 1996) (Super, Thompson, Lindeman, Jordaan, & Myers, 1988) (Vandenberghe, Landry, & Panaccio, 2009) (Vandenberghe et al., 2007) (J. D. Wall, Stahl, & Salam, 2015) (Young, Valach, & Collin, 2002, p. 219)

(4)

L’Université n’entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les thèses.

(5)
(6)

Nous sommes ce que nous faisons de ce que les autres ont voulu faire de nous. Mon cheminement doctoral est une illustration de cette citation de Sartre.

Je remercie Christophe Vignon et David Alis pour la confiance et le temps accordés dans la direction de cette thèse, je leur dois ma posture de chercheur et l’aboutissement de ce travail. La rencontre avec Christophe Vignon constitue un hapax existentiel dans ma trajectoire professionnelle. Ce fut le déclencheur de ma propre bifurcation, d’un dissensus et d’une distanciation critique qu’a nourri, de surcroît, mon inscription dans les Critical Management Studies. J’admire sa posture de Maître, humble et affûté intellectuellement. Je tiens à remercier également David Alis qui a été un catalyseur pour démarrer ce travail doctoral et pour cadrer rigoureusement ce laborieux processus doctoral tout en gardant une rare ouverture intellectuelle.

Je remercie les rapporteurs, les Professeurs Eric Pezet et Alain Roger ; ainsi que les membres du jury, les Professeurs Pascale Auger, Christophe Baret et Martine Brasseur.

Je remercie les enseignants de l’IGR qui ont jalloné mon parcours RH à savoir l’équipe RH, notamment les Professeurs Poilpot-Rocaboy et Martin, ainsi que le directeur Mr Bironneau.

Je remercie chaleureusement Patricia Parranque pour avoir été un passeur actif en vue de réaliser le deuxième terrain de thèse. Je remercie encore tous les enquêtés de cette étude.

Ce travail s’est alimenté de rencontres professionnelles notamment avec les chercheurs du courant des Critical Management Studies et le groupe POTES (POTES - Psychanalyse, organisation, travail et société) notamment Bénédicte, Carine, Gilles, Christophe, Pallavi, Xavier et Kévin. Ils ont conforté mon désir de faire de la recherche, à l’international. Je salue aussi les joyeux membres de l’IP&M Rennes ou encore Olivier.

Je remercie mes collègues d’Evry notamment Corinne Baujard, Maxime Debon et Floriane.

Malgré le labeur et l’incertitude de ces longues années d’étude, elles m’ont permis de côtoyer beaucoup d’étrangers et de voyager à travers ce qu’ils sont. Je salue Hanh et Wentin, Mohamed, Hamed, Nissreen, Meryem. Je tiens à remercier également Franck pour le temps accordé et pour les services rendus. Je salue aussi les personnes qui ont jalonné mon parcours à l’IGR comme Willy, Loïc, Alexandra, Youna, Bg, les amis Erasmus et londoniens, ou encore les couchsurfeurs lors de congrès internationaux.

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Charlou et Sophie.

Evidemment, je remercie Lucie pour le chemin effectué ensemble et la famille Bélair et Pannetier pour leur savoir-vivre et l’intelligence avec laquelle ils font vivre leur territoire et le patrimoine culturel ; avec un clin d’œil ému adressé à Pépé, Mémé et Mamie.

Démarrer une thèse était mon choix. Le processus inhérent à un tel processus a été un catalyseur sur le plan amical. Ma gratitude est destinée aux amis fidèles qui ont été des supports essentiels pour tenir le cap, pour apporter de la légèreté au tunnel que fut la thèse, pour m’aider aussi. Je pense ici à Coco, Charles ou encore Clément et Max, Iris et Céline, Hugo, Pierrick et Moustique. Je remercie chaleureusement les barons Fafacutu ainsi que les p’tits potes, pour votre amitié, l’ouverture intellectuelle et artistique.

Je remercie très chaleureusement Françoise pour avoir libéré du temps de relecture ainsi que Marie-Edith, qui tient à merveille son rôle de marraine depuis ma naissance. I warmly thank Andrew for correcting some texts in English.

De plus, je remercie les ‘bars’ qui ont accueilli mes séances de travail, notamment le Cortina et le Rétroviseur.

L’aboutissement de ma thèse tourne une page. Une nouvelle s’ouvre avec mes colocs du petit marteau, avec Marine et des amies comme Elise.

Enfin, il va de soi, que ce travail doctoral s’inscrit dans un héritage familial qu’il est difficile d’honorer à sa juste valeur. En amont, je rends hommage à Pépé et Mémé. Si je n’ai pas connu ce premier, il est structurant dans ma construction psychique. Je remercie aussi Papy et Mamie. Du fond du cœur, je remercie Maman pour l’abnégation dont elle témoigne au quotidien en faveur de ses enfants. Au moins 17 nationalités différentes ont été accueillies aux Noës pour déguster ses galettes bretonnes ! Je remercie Papa qui témoigne d’une gentillesse et d’une bienveillance qui sont très importantes pour nous, ses enfants. Achever ce travail doctoral, c’est une manière de vous remercier d’avoir accepté mes choix de vie. Enfin, je salue mon frère et ma sœur, leur conjoint et mes nièces d’amour, à qui leurs (grands-) parents, par l’héritage de conscience qu’ils leur transmettent, contribuent à leur donner des racines … et des ailes.

(8)

Sommaire

REMERCIEMENTS ... 5 SOMMAIRE ... 7 RESUME ... 11 SUMMARY ... 12 INTRODUCTION GENERALE ... 13

SUBJECTIVATION ET GOUVERNEMENTALITE MANAGERIALE : DE LA BIFURCATION COMME PARTIE 1. VOLONTE DE MICROEMANCIPATION ? ... 37

DES EFFETS DE LA GOUVERNEMENTALITE MANAGERIALE AU PROCESSUS DE BIFURCATION ... 37

CHAPITRE 1. I. De la disciplinarisation positive et individualisante à la gouvernementalité managériale ... 38

II. Effets et risques de la gouvernementalité managériale ... 44

III. Le coaching entre nouvel esprit du capitalisme et ascèses de la performance ... 55

Conclusion du Chapitre 1. Des effets de la gouvernementalité managériale à la transition de carrière ... 64

LA TRANSITION DE CARRIERE DES COACHS : UNE BIFURCATION ? ... 67

CHAPITRE 2. I. De la conception gestionnaire de la transition et de la carrière ... 67

II. La transition des coachs : bifurcation ou rupture ? ... 78

Conclusion du Chapitre 2. La bifurcation et les effets de la gouvernementalité managériale ... 93

MICROEMANCIPATION ET COACHING : UNE REAPPROPRIATION PAR LE SOUCI DE SOI ? ... 99

CHAPITRE 3. I. Le problème théorique de la microémancipation : vers une perspective foucaldienne ... 99

II. Illustration, positionnement et conceptualisation de la microémancipation ... 107

III. Microémancipation, récupération du dispositif de coaching et effets du souci de soi ... 114

Conclusion du Chapitre 3. De la subversion à l’émancipation par le coaching ? ... 119

CONCLUSION DE LA PARTIE 1.SUBJECTIVATION ET TRAVAIL : ENTRE GOUVERNEMENTALITE MANAGERIALE ET MICROEMANCIPATION ? ... 121

UNE APPROCHE QUALITATIVE, CONSTRUCTIVISTE ET SUBJECTIVISTE ... 127

PARTIE 2. GROUNDED THEORY : UN PROCESSUS EMPIRIQUE ET ANALYTIQUE CONTINU ... 127

CHAPITRE 1. I. De la catégorisation à la saturation ... 127

II. Limites de la Grounded Theory, épistémologie et scientificité ... 132

Conclusion du Chapitre 1. Un protocole de GT adapté à notre recherche ... 139

RECITS DE VIE ET PRESENTATION DES DONNEES ... 141

CHAPITRE 2. I. Etude de la signification biographique par le récit de vie ... 141

II. Présentation et collecte des récits de vie ... 148

Conclusion du Chapitre 2. Du récit à l’expérience subjectivante des cadres ... 159

DE L’ENONCE PHENOMENOLOGIQUE AU CODAGE THEMATIQUE A POSTERIORI ... 161

CHAPITRE 3. I. De l’énoncé phénoménologique comme analyse en mode écriture ... 161

(9)

II. Une analyse thématique a posteriori, ancrée et ciblée ... 163

Conclusion du Chapitre 3. De la réduction phénoménologique à l’émergence d’axes thématiques .. 166

TOURNANT LINGUISTIQUE, ANALYSE CRITIQUE DE DISCOURS ET PRAGMATISME DISCURSIF ... 169

CHAPITRE 4. I. CMS, Foucault et analyse critique de discours ... 169

II. Problèmes de l’analyse de discours et pragmatisme discursif ... 178

Conclusion du Chapitre 4. De la complexité du langage au pragmatisme discursif ... 181

CONCLUSION DE LA PARTIE 2.DE LA RIGUEUR DU PROTOCOLE EMPIRIQUE AU PRAGMATISME DISCURSIF ... 182

LA BIFURCATION DES COACHS : VERS UN MODELE CONVERGENT ? ... 187

PARTIE 3. TRANSITION BRUSQUE OU VIOLENTE CHEZ LES JEUNES MANAGERS : UNE BIFURCATION EMANCIPATOIRE ? CHAPITRE 1. 189 I. Présentation des enquêtés et du déclencheur ... 189

II. Expérience de carrière et effets de la gouvernementalité managériale ... 191

III. Une prise de conscience multifactorielle, saturation et bifurcation ... 197

IV. Trois dimensions du processus de microémancipation ... 200

Conclusion du Chapitre 1 : une rupture bifurcatoire précoce ... 204

DES MANAGERS A LA MI-CARRIERE : DEVENIR COACH A L’ISSUE D’UN PROCESSUS DE FATIGUE ? ... 207

CHAPITRE 2. I. Présentation des enquêtés et du déclencheur ... 207

II. Expérience de carrière et effets de la gouvernementalité managériale ... 210

III. Saturation et/ou prise de recul : de la prise de conscience à la bifurcation ... 226

IV. Trois dimensions du processus de microémancipation ... 232

Conclusion du Chapitre 2. La bifurcation pour mettre un terme à une saturation relayée par le corps ... 245

DEVENIR COACH CHEZ LES SENIORS.UN PROCESSUS VARIABLE ... 247

CHAPITRE 3. I. Présentation des enquêtés et du déclencheur ... 247

II. Expérience de carrière et effets de la gouvernementalité managériale ... 248

III. Saturation voire épuisement. Prise de conscience et bifurcation ... 252

IV. Trois dimensions du processus de microémancipation ... 254

Conclusion du Chapitre 3. La bifurcation des managers seniors, un retrait peu virulent ... 260

DU CONSULTING AU COACHING : UNE CONTINUITE ? ... 261

CHAPITRE 4. I. Présentation des enquêtés ... 261

II. Expérience de carrière et effets de la gouvernementalité managériale ... 264

III. Evénements biographiques, travail réflexif, expérience d’accompagnement puis opportunisme professionnel ... 269

IV. Trois dimensions du processus de microémancipation ... 272

Conclusion du Chapitre 4. La bifurcation des consultants malgré une microémancipation continue 279 CONCLUSION DE LA PARTIE 3.DE LA BIFURCATION DES CADRES A LA MICROEMANCIPATION PAR LE COACHING ... 280

(10)

DISCUSSION. DEVENIR COACH : ENTRE MICROEMANCIPATION ET GOUVERNEMENTALITE PARTIE 4.

MANAGERIALE ... 289

CONTEXTUALISER ET COMPRENDRE LES CARRIERES ... 289

CHAPITRE 1. I. Type de carrière et normativité du changement ... 289

II. La transition selon l’âge et l’activité antérieure exercée ... 301

DU REVERS DE LA GOUVERNEMENTALITE MANAGERIALE A LA BIFURCATION ... 307

CHAPITRE 2. I. La gouvernementalité managériale, un effet positif du pouvoir : entre fort engagement, succès objectif et subjectivation ... 307

II. Des difficultés notables voire une souffrance au travail ... 316

III. Une dissonance plurielle et croissante au travail ... 324

IV. La bifurcation comme défection ... 331

MICROEMANCIPATION, SOUCI DE SOI ET RESONANCE ... 341

CHAPITRE 3. I. Techniques de souci de soi et avenir professionnel ... 341

II. Ascèses de la performance : promesse de libération et gouvernementalité managériale ... 345

III. Retour à soi et réappropriation critique du dispositif de coaching ... 348

CONCLUSION DE LA PARTIE 4.REPENSER LES CARRIERES ... 359

CONCLUSION GENERALE ... 365

I. Synthèse. De la carrière de cadre à la bifurcation vers et par le coaching : un processus ambivalent entre gouvernementalité et microémancipation ... 365

II. Apports, limites et perspectives de recherche ... 367

III. Regard rétrospectif sur notre processus de thèse ... 377

BIBLIOGRAPHIE ... 379

ANNEXES ... 413

(11)
(12)

Résumé

En difficulté dans un système économique et managérial qui ne leur convient plus, certains cadres choisissent de quitter leur organisation pour devenir coach. Par-delà la normativité des transitions de carrière en sciences de gestion, nous montrons qu’il s’agit d’une bifurcation. Au sein du courant des Critical Management Studies et à partir d’une perspective foucaldienne du pouvoir, nous interprétons la bifurcation comme un processus de saturation lié aux effets de subjectivation de la gouvernementalité managériale. La bifurcation constitue une distanciation critique, notamment chez les jeunes managers et les managers à mi-vie, et amorce une microémancipation vers et par le coaching, via une réappropriation subjective de techniques de souci de soi. Cette recherche est basée sur un protocole de Grounded Theory et sur la méthode des récits de vie. L’attitude analytique mobilise des énoncés phénoménologiques, une thématisation a

posteriori et une analyse critique de discours. Notre modèle théorique repose sur une

population de 25 cadres devenus coachs et met en évidence un processus générique qui s’exprime différemment selon l’âge lors de la transition, selon le vécu de l’expérience professionnelle, le sexe ou encore le poste avant la transition (manager, consultant).

Mots-clés

Gouvernementalité managériale ; subjectivation ; bifurcation ; carrière ; coach ; microémancipation ; récit de vie ; Grounded Theory ; CMS.

(13)

Summary

Some executives, facing an economical and managerial system that doesn’t suit them anymore, chose to leave their position in a structure to become coaches. Beyond the managerial norms of career change, we explain that it is a turning point. This change of career, within the Critical Management Studies movement, and with a Foucauldian power perspective, is interpreted here as them reaching saturation point, due to the effects of subjectivation related to managerial governmentality. Those former executives, especially young and middle-aged managers, find themselves gaining a critical detachment. Furthermore, we notice a phenomenon of microemancipation through being coached … in the training of becoming a coach, by reappropriating the techniques of the care of the self. This research process involves Grounded Theory and life narratives. Firstly, we worked on phenomenological texts, then on an a posteriori coding by themes, and finally on a critical discourse analysis. Our resulting theoretical framework is anchored on a population of 25 former executives who have become coaches. It underlines a generic process with differences related to criteria such as gender, age when the career change happens, previous professional experience and position (manager or consultant).

Key-words :

Managerial governmentality ; subjectivation ; turning point ; career ; coach ; microemancipation ; life narrative ; Grounded Theory ; CMS.

(14)

Introduction générale

« Il faut avoir fait quelques guerres et pleuré quelques morts pour devenir capable d’accompagner autrui » (Blanc-Sahnoun, 2006, p. 64). Comment expliquer ce discours d’un coach réputé1 ? Comment comprendre la transition des cadres (managers et/ou consultants) qui décident de faire de l’accompagnement, qui plus est de devenir coach ? Quel est le processus subjectif, professionnel et personnel sous-jacent ?

De nombreux travaux rendent compte du malaise des cadres. Ils se vivent en difficulté dans un système économique et managérial qui ne leur convient plus. Certains choisissent de quitter leur métier initial, de bifurquer pour s’installer comme coach.

Le coaching est ici entendu comme une activité indépendante d’accompagnement des managers et basée sur des outils de développement personnel. Nous parlons ici de coaching ‘managérial’. Notre thèse montre en quoi les modalités de bifurcation de carrière vers l’activité de coach traduisent une démarche de microémancipation au regard des effets du pouvoir managérial. En affectant les comportements au travail, les représentations (de soi) ou les valeurs adoptées par les cadres au sein du système économique et organisationnel, ce pouvoir influence l’identité et la subjectivité des managers. La bifurcation désigne une forme spécifique de transition de carrière. C’est une discontinuité dans la carrière professionnelle qui marque un tournant biographique et qui est l’issue d’un long processus. C’est cette forme paradoxale de transition discontinue qu’il s’agit d’explorer.

Inscrite en sciences de gestion, notre thèse vise à donner aux acteurs en réflexion pour devenir coach les moyens de comprendre et d’agir sur leurs réalités (Wacheux, 1996). S’intéressant à la carrière de coachs managériaux indépendants en France2, notre analyse porte sur une thématique émergente dans la littérature académique : la compréhension du processus qui a amené des cadres à opérer un changement de carrière vers l’activité de coach. Justifions désormais l’intérêt académique de notre question de recherche qui repose globalement sur le coaching et la carrière.

1 Issu de la première génération de coachs français dans les années 1980-1990, Blanc-Sahnoun est coach de

cadres dirigeants, superviseur et auteur de plusieurs ouvrages. Il enseigne le coaching dans plusieurs universités. Il dirige également plusieurs cabinets ou groupes de coaching et propose en particulier une approche narrative.

(15)

Notre objet de recherche porte sur un domaine professionnel qui suscite un intérêt croissant depuis plus de vingt ans en sciences de gestion : le coaching (Persson et al., 2011). Peu de travaux portent sur la problématique du processus personnel et professionnel conduisant à vouloir devenir coach. A notre connaissance, il existe une étude menée par Salman (2013, 2015) portant sur des trajectoires typiques d’une figure du ‘nouvel esprit du capitalisme’ (Boltanski & Chiapello, 2011) à savoir celles des coachs. En amont, l’ouvrage professionnel de Lenhardt (1992) vient structurer les prémisses du coaching en France (Persson-Gehin, 2005). D’après les enquêtes Syntec (Syntec-Coaching, 2011), le coaching est ensuite prescrit progressivement en entreprise et fait l’objet de thèses en sciences de gestion3. En parallèle, à partir des années 90, l’institutionnalisation du coaching en France s’effectue dans un contexte de marché du travail déprimé. Le coaching apparaît pour les consultants comme un outil complémentaire aux dispositifs légaux d’accompagnement vers l’emploi.

S’intéresser au concept de carrière se justifie tant le travail et donc la carrière des individus changent significativement au sein d’une société en mutation (Bujold & Gingras, 2000; Osipow & Fitzgerald, 1996). Pour comprendre l’évolution des relations entre la structure organisationnelle, ses stratégies et les comportements de l’agent individuel, la carrière en tant qu’objet d’étude offre une perspective privilégiée (Inkson et

al., 2012). Le concept de carrière permet aussi d’être attentif « à la dialectique entre

structure sociale et histoire individuelle » ainsi qu’à « l’articulation des trajectoires individuelles aux contextes dans lesquels elles se déroulent » (Denave, 2006, p. 108). Pour étudier la carrière, le récit permet d’observer comment se succèdent de manière contingente les phases de la trajectoire des individus en amont et autour de leur transition professionnelle vers le coaching. Cela autorise, le cas échéant, à comprendre leur bifurcation voire leur rupture professionnelle comme un processus.

A partir de leur récit de vie, le sens que les cadres donnent à leur expérience de carrière permet de comprendre les relations entre bifurcation et microémancipation. C’est pourquoi nous avons interviewé vingt-cinq cadres devenus coachs. Il s’agit d’anciens managers ou consultants qui bénéficiaient d’avantages salariaux de par leur position hiérarchique (ou un statut de haut potentiel pour certains). Les responsabilités dont ils avaient la charge impliquaient un fort investissement au travail et témoignaient d’une

3 Comme l’illustrent les thèses de Persson-Gehin (2005), Chavel (2006), Rappin (2006a), Cloet (2006a) ,

(16)

carrière a priori réussie. Ils en retiraient des bénéfices matériels et narcissiques. Leur carrière était pourvoyeuse de stabilité professionnelle et identitaire, de sécurité financière et d’employabilité.

Pourtant, à travers le système économique et organisationnel dans lequel sont inscrits les cadres, est véhiculé un nouvel esprit du capitalisme. Celui-ci repose sur une idéologie et des discours qui invitent à dépasser les critiques adressées au capitalisme, telle que l’aliénation au travail, tout en promettant une plus grande émancipation. Nous explorons donc ce qui malgré une réussite apparente conduit des cadres à un basculement vers le coaching. Devenir coach implique d’abord un apprentissage du coaching comme coaché. Par conséquent, notre étude revient à analyser ce que vient signifier l’expérience de la bifurcation des cadres vers et par le coaching.

Pour comprendre ce phénomène, nous nous intéressons aux relations de pouvoir. Le contrat de travail définit des effets explicites dans les relations de pouvoir. Au sein de ce contrat, la subordination salariale est la contrepartie de généreuses compensations pour certains cadres. Cette perspective formelle semble insuffisante pour expliquer leur bifurcation.

Avant d’y revenir définissons (A.) les termes de notre objet de recherche à savoir le passage de la carrière de cadre à l’activité de coach. Il s’agit ensuite d’expliquer nos choix théoriques et de mettre en perspective le concept de gouvernementalité. Car il permet de faire le lien entre la subjectivité des cadres (B.) et les dispositifs de pouvoir dans lesquels ils s’inscrivent (C., D.). Nous verrons dans le corps de texte en quoi la carrière et le coaching peuvent être désignés comme dispositifs de pouvoir. Notre travail s’inscrit dans le courant des Critical Management Studies, notamment celles mobilisant Foucault. Le plan résume le fil de notre processus de recherche (E.).

A.

Définitions

Nous définissons ici les notions de cadres (1.), de carrière (2.) et de coaching (3.). La carrière et le coaching sont des dispositifs de pouvoir et de subjectivation4. Cela nous amène ensuite à interroger la bifurcation au regard de la gouvernementalité (B.) dans une perspective foucaldienne (C.) au sein des Critical Management Studies - CMS5 - (D.).

4 La subjectivation correspond à ce qui participe ou détermine le rapport à soi.

5 L’expression « études critiques en management » correspond à la traduction de « Critical Management

(17)

1.

Cadre et manager

Nos enquêtés sont d’anciens cadres, majoritairement des managers en entreprise ou en cabinet de consultants, devenus coachs indépendants. Le terme ‘cadre’, possédant une connotation hiérarchique et statutaire, tend à disparaître au profit de la notion de manager et de ses dérivés - comme chef de projet ou responsable d’un centre de profit (Bouffartigue & Pochic, 2001). Un manager est ici entendu comme un praticien du management, ayant l’expérience de l’encadrement6, exerçant une activité de facilitation (Mintzberg, 2005). Si les cadres relèvent d’un groupe social aux contours flous, un cadre peut « se définir selon un niveau de qualification ou de formation initiale ou par une trajectoire professionnelle qui l’a conduit d’un emploi non cadre à un emploi cadre, par une promotion interne, au bout d’une certaine période » (ibid., p. 8) et dont la qualification est reconnue par le marché du travail. Les enquêtés étaient pour la plupart bien positionnés dans la hiérarchie de l’organisation, voire de hauts potentiels7. Avant de devenir coach, nos enquêtés ont au préalable effectué une carrière organisationnelle qu’il s’agit de définir (2.).

2.

La carrière comme séquences d’apprentissages et d’engagement de

soi

En langues anglaise et française, la carrière (Moreau, 2014) désigne une distance à parcourir librement (sans frein), sans perdre haleine. C’est aussi un déplacement rapide, effréné. Au 16e siècle, la carrière avait un sens figuré. C’était un cours d’actions, rapide et continu, une démarche ininterrompue. La carrière est aussi une course (Gunz & Peiperl, 2007). Du latin cursus qui donnera le terme carriara, elle désigne initialement une course de chevaux. Par la suite, la carrière devient la voie où on s’engage (El Akremi, Guerrero, & Neveu, 2006). Au sens moderne, la carrière se traduit par le cours d’une vie professionnelle (Moore et al., 2007). Dans la tradition académique de l’école sociologique de Chicago (Barley, 1989), la carrière est définie plus largement comme un passage obligatoire de vie, comme un rituel de pouvoir normalisant (Dubouloy, 2005). Elle est un aspect signifiant de la vie d’une personne (Gunz & Peiperl, 2007).

6 Les termes ‘cadre’ et ‘encadrement’ seraient à distinguer malgré leur « proximité étymologique »

(Thoemmes & Escarboutel, 2009).

7 Dans un contexte de bifurcation, cela a son importance au regard de leurs ressources personnelles

(économiques, sociales, etc.), de leur accès aux dispositifs de reconversion (bilan de compétences, coaching, accompagnement à la création d’entreprise) et de leur possibilité de négocier leur départ (licenciement négocié, primes de départ, financement de formation etc.).

(18)

La carrière peut être révélatrice de la nature et de la constitution des règles (institutionnelles) du travail dans une société (Hughes, 1937). On distingue aussi la carrière subjective de la carrière objective au « sein d’une structure sociale qui délimite l’espace des possibilités » (Voegtli, 2004, p. 145). Pour Hughes (1937, p. 409) la « carrière consiste, objectivement, en une série de statuts clairement définis par l’organisation ; des séquences typiques de postes, de réussites, de responsabilité voire d’aventures ».

La définition académique généralement retenue permet de combiner aspects subjectifs et objectifs. Elle est proposée par Arthur et al. (1989a, p. 8) et désigne « l’évolution des séquences d'expériences de travail d'une personne tout au long du temps » (Pichault et al., 2013, p. 2). Avec Hall (1976), Roger et Roques (1994) distinguent quatre sens au mot carrière : 1/ la carrière est un avancement suivant une séquence promotionnelle et ascendante hiérarchiquement. Il correspond au marché interne d’une entreprise (Doeringer & Piore, 1971). Hall (1996a, p. 1) rejette cette conception de la carrière traditionnelle au profit de « la carrière comme une série d’expériences relatives au travail et d’apprentissages personnels se déroulant sur toute la vie ». Il ne s’agit plus d’une progression garantie, graduelle, régulière, hiérarchique et statutaire. 2/ La carrière professionnelle (R. Brown, 1982) renvoie initialement à un métier, comme celui de médecin, avec une structure sociale et un modèle de développement bien identifié. 3/ La carrière d’une personne est la succession de postes qu’elle a occupés. 4/ La carrière équivaut aux expériences et rôles tenus par un individu (Dany, 2004).

La carrière d’un coach renvoie d’abord au sens n°4/ car c’est une activité et non une profession bien qu’elle se structure depuis une dizaine d’années autour des associations nationales, des écoles et des groupes de pairs. Aussi, l’évolution professionnelle des coachs dépend des différents outils réflexifs dont ils font l’apprentissage et qu’ils peuvent intégrer dans de nouvelles activités (coaching d’équipe, coaching individuel, médiation etc.).

Certains auteurs précisent que la carrière mobilise des éléments subjectifs comme les valeurs, attitudes et aspirations (Gutteridge, 1987), mais aussi les savoirs et l’autonomie dans le développement des compétences (Watts, 2001). Pour Arthur et al. (1989b), les carrières reflètent la fluctuation, dans le temps, des relations et des interactions entre les personnes et leur contexte organisationnel ou institutionnel. Les étudier revient à considérer simultanément les changements individuels, organisationnels et sociétaux

(19)

(Van Maanen, 1977). Dans cette perspective, l’étude des carrières apparaît comme une enquête sociale des effets rétrospectifs du cheminement des individus dans le temps (Gunz & Peiperl, 2007). Selon une approche foucaldienne, Grey (1994) montre que la carrière est une discipline de soi liée à la surveillance. Il désigne par ‘carrière’ l’ensemble des pratiques discursives et non discursives qui participent d’un projet de soi, d’une autodiscipline. Nous montrons dans cette thèse en quoi la perspective du pouvoir est pertinente pour comprendre la signification de la bifurcation dans la carrière des coachs.

Nous retenons donc de la carrière qu’elle est une expérience du travail qui participe d’un cheminement individuel et signifiant au sein d’un projet de soi disciplinaire et compétitif. Dans le projet de soi de nos enquêtés s’inscrit celui de devenir coach (3.).

3.

Le coaching comme promesse pour s’améliorer professionnellement

Le coaching est une pratique et une posture d’accompagnement. Pour promouvoir des outils de développement personnel, le coaching cherche une assise scientifique dans les neurosciences. Pour autant le coaching n’est pas une profession en tant que « science codifiée, dont la validité est certifiée » (Mintzberg, 2005, p. 7).

Les enquêtés sont généralement des coachs externes dont l’activité de coaching est variée ; ce que nous pouvons visualiser au deuxième niveau dans la colonne de gauche de la figure 11 de la thèse de Persson-Gehin (2005, p. 134) :

Le coach est un praticien de l’activité du coaching. Il s’agit de circonscrire cette activité à partir de quelques perspectives majeures. Définissons donc le coaching d’après les fédérations de coaching (1/) et les différentes littératures scientifiques (2/).

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1/ Les fédérations (inter)nationales de coaching estiment que celui-ci arrive à maturité (Persson et al., 2011). Les définitions que ces fédérations donnent du coaching montrent l’influence de l’idéologie managériale. Leurs définitions véhiculent plus ou moins explicitement la notion de performance. Pour la SFCoach (Société Française de Coaching, 2016), « le coaching est l’accompagnement de personnes ou d’équipes pour le développement de leurs potentiels et de leurs savoir-faire dans le cadre d’objectifs professionnels ». Pour l’ICF (International Coach Federation, 2016), le coaching professionnel « se définit comme une relation suivie dans une période définie qui permet au client d’obtenir des résultats concrets et mesurables dans sa vie professionnelle et personnelle » ; c’est aussi un processus au fil duquel « le client approfondit ses connaissances et améliore ses performances ». Au demeurant, la plupart des publications autour du coaching sont issues des praticiens, mais la communauté scientifique s’y penche depuis les années 2000, pour mettre en avant l’hétérogénéité des pratiques (Cloet, 2006b). Dans la nébuleuse de l’accompagnement (Paul, 2002; Pezet & Le Roux, 2012), ces pratiques reposent généralement sur un examen de soi mobilisant différentes approches thérapeutiques, cognitives ou systémiques (Pezet, 2005, 2007b).

La diversité des définitions du coaching n’empêche pas le consensus sur certains points comme le concept de relation d’aide entre un client (le coaché, ex. un manager) et un consultant. Le coaching respecte généralement un accord formellement établi encadrant un processus collaboratif et évaluatif (Bono, Purvanova, Towler, & Peterson, 2009). Ce processus personnel d’apprentissage par le coaching se focalise non seulement sur des problèmes interpersonnels mais aussi intra-personnels. Il apporte des outils, des savoirs et des opportunités aux clients en vue d’un changement de comportement durable (Ely et al., 2010) généralement au service de meilleurs résultats et de la performance (Agarwal et al., 2009), et de l’amélioration de l’efficacité individuelle ou collective (Amado, 2004). Il s’agit parfois d’un développement du savoir-faire et du savoir-être dans diverses situations de travail, et encore des capacités de leadership. C’est l’« accompagnement psychologique d’un manager par un coach (sorte de consultant), dans un but de développement professionnel et personnel » (Lacroix, 2000, p. 135). Dans un coaching psychanalytique cette relation d’aide s’exerce au sein d’un espace intermédiaire entre le divan et l’intervention du coach sur le lieu de travail (Arnaud, 2003).

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Les contours du coaching se précisent en opposition à d’autres approches (Angel & Amar, 2010). Le coaching diffère de la psychothérapie parce qu’il concerne l’univers professionnel et un travail comportemental plutôt qu’un travail psychique. Ce n’est ni du conseil (car son approche est dialectique et circulaire), ni du mentorat (parce qu’il ne transmet pas des savoir-faire mais il aide à prendre du recul dans une posture d’accueil par une écoute neutre et bienveillante). Pour Lenhardt (1992, p. 29) c’est « l’accompagnement d’un responsable ou d’une équipe dans leur vie professionnelle [comme] un entraîneur vis-à-vis d’un champion », en considérant « son fonctionnement actuel mais plus encore […] son potentiel en train de se réaliser ». Il s’agit de travailler sur les obstacles intérieurs du sportif pour atteindre son niveau optimum de performance8 (Whitmore, 2003). Il y a consensus pour définir le coaching comme une relation d’aide associée à une recherche de performance. Ce qui nécessite d’exploiter son potentiel individuel et un examen de soi pour s’améliorer.

2/ Persson et al. (2011) dressent l’état des lieux de vingt ans de pratiques de coaching selon les différents types de littérature scientifique ayant traité le sujet du coaching : la littérature d’inspiration sociologique (a/), celle d’inspiration psychologique et psychosociologique (b/), celle d’inspiration anthropologique et philosophique (c/) ; et la littérature en sciences de gestion (d/).

a/ Dans la littérature d’inspiration sociologique, la visée gestionnaire du coaching est dénoncée. Le pouvoir managérial servirait les intérêts économiques et financiers (de Gaulejac, 2005). En utilisant le développement personnel et le coaching, le management favorise l’exercice d’un pouvoir pastoral9 (Brunel, 2008). La relation de pouvoir et sa violence potentielle (Guilhaume, 2009) sont ainsi euphémisées, à l’image d’un berger bien intentionné envers ses brebis. Les managers de l’âme (Brunel, 2008) régulent de manière subtile et coercitive le rapport à soi et à autrui. Le coaching a une fonction palliative favorisant l’acceptation de certaines missions par les coachés (Salman, 2008). L’examen de soi induit par le développement personnel conduit à l’adaptation, à la

8 Selon cette approche sportive inspirée de Gallwey, un travail réflexif autonome sur les freins cognitifs

permet d’éviter une assistance technique externe.

9 Le terme pastoral fait référence à l’autorité du pasteur contrôlant les âmes au nom de l’Eglise. Cette

dimension pastorale renvoie également à l’image du berger contrôlant son troupeau. Dans le contexte des organisations, Brunel fait référence aux thèses de Foucault (1994, pp. 134–161) pour décrire le coaching comme une nouvelle forme de gouvernementalité managériale. Celle-ci repose sur des techniques de pouvoir décentralisées sur l’individu. Ces pratiques sont valorisées comme étant dans l’intérêt de l’individu. Le pouvoir informel de guide et de contrôle du coach s’exerce à partir de la connaissance des techniques de développement personnel qui agit comme une sorte d’examen de conscience professionnel conformément au modèle managérial.

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régulation, à la normalisation et au contrôle des comportements voire au contrôle social (Gori & Le Coz, 2006). Les coachs feraient main basse sur le marché de la souffrance psychique (Roland & Le Coz, 2007).

b/ Bien que l’individu soit considéré comme transformable et porteur d’un potentiel, la littérature d’inspiration psychologique et psychosociologique critique le fait que les structures profondes de la personnalité soient négligées dans le coaching. Par conséquent, Dubouloy (2004) propose un accompagnement psychanalytique des managers (à haut-potentiel) en vue de recouvrer un soi authentique. Arnaud (2003) défend une posture lacanienne (coaching d’inspiration psychanalytique) pour dépasser la dimension comportementaliste technique et la relation d’aide. Amado (2002, 2004) alerte sur le danger d’un imaginaire leurrant induit par un excès de narcissisme. Rappin (2006b) dénonce l’obéissance à un fantasme où l’individu maîtriserait absolument sa subjectivité grâce à une logique de transparence. Toutefois, Fatien (2009) tempère et affirme que le coaché peut stratégiquement récupérer les outils de développement personnel à ses propres fins.

c/ La littérature d’inspiration anthropologique et philosophique rappelle la domination du paradigme utilitariste dans le champ des sciences sociales (Rappin, 2008). Or si le coaching promeut son efficacité, il prétend aussi créer du sens. Persson (2005; 2011) appelle à intégrer les apports de l’expérience du coaching dans les théories du capital humain. Elle invite toutefois à se méfier d’un processus trompeur qui maintient un ordre antérieur via le dévouement loyal des cadres, ou bien d’un processus qui entretient une tension narcissisante des coachés, source potentielle de souffrance au travail. Quant à l’approche politique de Pezet (2007b) issue d’une réflexion foucaldienne sur la tradition antique du souci de soi, elle envisage le coaching comme une technique de conduite de soi que le salarié entretient avec lui-même, les autres, sa hiérarchie et l’organisation.

d/ In fine, les sciences de gestion font état de la professionnalisation et de la légitimation du coaching par lesquelles les fédérations professionnelles cherchent à le structurer (Persson, 2008). Le coaching se positionne entre la psychanalyse et la résolution de problème (Persson, 2006). En ce sens, le coaching répond au double objectif d’aider les salariés et de répondre aux injonctions de Gestion des Ressources Humaines (GRH) organisationnelle (Louart, 2002). C’est aussi un médiateur des contradictions socio-économiques (Fatien, 2009). Vernazobres (2006) le considère comme un dispositif de régulation sociale en entreprise, où opèrent de nouvelles règles du ‘je’ conduisant à un

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rapport managérial à soi-même (Fatien, 2009). Le coaching managérial révèle les mécanismes de régulation du capitalisme induisant des compromis (Vernazobres, 2006) et une valeur ajoutée que les coachs promeuvent (Cloet & Bournois, 2011).

En somme, comme technique de conduite de soi, le coaching séduit par sa fonction médiatrice des contradictions socio-économiques. S’il répond d’une finalité de normalisation et de contrôle, il offre pourtant une potentialité subversive d’appropriation stratégique et subjectivante. Nous nous intéressons à cette ambivalence car peu de travaux s'intéressent à ce qui conduit des individus à devenir coach (Salman, 2015), c’est-à-dire de la position du cadre qui chemine vers et PAR le coaching. Dubouloy (2004, 2005) s'est intéressée aux rites de passage et à la formation EMBA (Executive Master of Business

Administration) comme espace transitionnel, mais pas directement à la transition de

carrière pour ‘devenir’ coach. Pendant cette transition s’articule l’apprentissage d’un nouveau rapport à soi (subjectivation) au sein d’un nouveau dispositif indirect de pouvoir (la formation de coaching). Par conséquent, les individus s’inscrivent dans un nouveau type de gouvernementalité. L’émancipation par la formation au coaching n’est donc pas évidente puisque la subjectivité des apprentis coachs est en tension. Leur processus se situe entre une quête d’un soi authentique et des influences actualisées issues de différents dispositifs de pouvoir comme la carrière et le coaching.

B.

Une problématique de subjectivation relative à la

gouvernementalité et aux dispositifs de pouvoir

La transition de la carrière de cadre vers l’activité de coach implique deux dispositifs de pouvoir (Grey, 1994; Rappin, 2012) en affinité élective avec le nouvel esprit du capitalisme (Boltanski & Chiapello, 2011; Salman, 2015). Au sein de ces dispositifs de pouvoir, la carrière puis le coaching, opèrent une gouvernementalité. La gouvernementalité est l’« ensemble des relations du pouvoir et des techniques qui permettent à ces relations de pouvoir de s'exercer »10 (Foucault, 1988, p. 13). Foucault (1978) l’analyse comme une ligne de force qui va devenir plus stricte au cours des âges, en dépassant l’enfermement, la surveillance et le contrôle, par « toute une série de fabulations subtiles » pour « conduire la conduite des gens » (Foucault, 1988, p. 13).

10 De manière générale, la gouvernementalité est aussi « l'ensemble constitué par les institutions, les

procédures. analyses et réflexions, les calculs et les tactiques qui permettent d'exercer cette forme bien spécifique, quoique très complexe, de pouvoir qui a pour cible principale la population, pour forme majeure de savoir l'économie politique, pour instrument technique essentiel les dispositifs de sécurité » (Foucault, 1978, p. 111).

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Dans les organisations, les cadres sont sujets d’une gouvernementalité managériale en vue de répondre à des objectifs économiques (Le Texier, 2011). Les dispositifs de carrière et de coaching mobilisent la subjectivité des cadres, au prix d’un fort engagement (Landour, 2012), de difficultés professionnelles (Salman, 2015; Thoemmes & Escarboutel, 2009) et d’une dissonance plurielle qui alimentent une bifurcation (Denave, 2006; Landour, 2012; Negroni, 2005; Salman, 2015; Voegtli, 2004).

Selon cette perspective, la transition de cadre à coach est un processus qui prend la forme d’une bifurcation. Or, en sciences de gestion dans la littérature sur les carrières, la transition de carrière est généralement présentée comme une norme de changement (selon l’idéologie des nouvelles carrières), ou comme un changement naturel autour de la mi-vie (d’après l’approche des cycles de carrière). La bifurcation n’est pas une transition de carrière naturelle. Elle incarnerait une forme de résistance à travers une démarche partielle de subjectivation face à la gouvernementalité managériale. Pourquoi alors quitter un dispositif de pouvoir (la carrière) pour un autre (le coaching) ? Pour en comprendre le processus sous-jacent, nous proposons d’interroger la promesse d’émancipation par le coaching car elle va de pair avec le problème du pouvoir.

Cela insère notre travail dans les débats des CMS et soulève la problématique suivante : En quoi la transition de la carrière de cadre vers l’activité de coach indépendant constitue-t-elle une bifurcation qui participe d’un processus ambivalent de subjectivation microémancipatoire ?

L’émancipation est généralement entendue comme un processus de libération de conditions sociales et idéologiques sources de « restrictions inutiles sur le développement et l’articulation de la conscience humaine » (Alvesson & Willmott, 1992, p. 432). C’est une possibilité de libération d’une situation de domination, de réification ou de coercition des individus dans un mouvement social ou physique vers des alternatives, comme dans une situation de travail au regard du processus technique et technologique de travail (Blauner, 1964; Huault et al., 2012).

Le problème de l’émancipation est intimement lié à la gouvernementalité PAR le coaching. En effet, le coach est un ancien coaché. L’apprentissage du coaching passe par un gouvernement de soi (sous forme de travail sur soi), sous l’influence d’une gouvernementalité pastorale exercée par les formateurs et les superviseurs (les deux étant des coachs). Cette gouvernementalité pastorale incarne l’exercice de la gouvernementalité managériale. Or au sens foucaldien, l’émancipation est rattachée à des relations de

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pouvoir contextuelles et mobiles, liées à la gouvernementalité. Si l’exercice du coaching investit les corps par des discours et des pratiques sociales, il peut être réapproprié et subverti par les individus.

La promesse d’émancipation du développement personnel est instrumentale, mais nous nous intéressons au processus transitoire qui sous-tend la potentielle réappropriation subjective et microémancipatoire des techniques du coaching. La microémancipation (Alvesson & Willmott, 1992) des coachs nécessite un compromis, une démarche incrémentale qui démarre dans la défection des cadres et leur sortie du dispositif des carrières (Salman, 2013, 2015). Le coaching constitue-t-il une pratique organisationnelle alternative ? Du point de vue des CMS, contribue-t-il à un discours plus démocratique et à ouvrir la possibilité subversive de supplanter les représentations descendantes d’un management technocratique (Duberley & Johnson, 2009, p. 349) ? Dans une perspective critique, interroger d’un point de vue critique le processus qui conduit au coaching, c’est aussi examiner en quoi il peut contribuer à développer une conscience critique alternative voire subversive ou en quoi il participe d’une action critique par le travail (Huault et al., 2012). C’est encore questionner comment privilégier une conscience favorisant l’émancipation et le pouvoir des salariés face à des structures organisationnelles accaparant le pouvoir décisionnel à son profit.

Avant de préciser la réponse à notre problématique au travers du plan (E.), nous expliquons les deux influences majeures qui se font écho dans ce travail, à savoir la perspective des travaux de Foucault (C.) qui occupe une place importante au sein du courant des CMS (D.).

C.

L’apport de Foucault pour comprendre le lien entre pouvoir

11

et subjectivation

Le projet intellectuel de Foucault est socratique puisqu’il s’attache à « inquiéter et déranger le régime des évidences » quant aux « modalités par lesquelles le sujet et la vérité s'impliquent » (Gros, 2004, p. 14). Il s’agit de libérer le sujet. Celui-ci peut s’inventer et résister en même temps qu’il s’inscrit dans des discours de vérité institués, socialement acceptés, des habitudes et des pratiques communes. L’œuvre foucaldienne est

11 Le terme ‘pouvoir’ est mobilisé en rapport aux effets du pouvoir. Il s’agit d’éclairer ce que vient signifier

une bifurcation sans être dans le cadre d’une thèse en sciences politiques. Pour autant, cela nous engage à contextualiser le concept et les mécanismes de pouvoir dans la pensée de Foucault. Le pouvoir est à entendre, non pas comme une force supérieure consciente et transcendante ; mais comme une force qui s’exerce, de manière immanente, diffuse et mobile. Car le pouvoir s’inscrit dans des relations toujours instables.

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souvent présentée selon les périodes dites archéologique (1/), généalogique (2/) et éthique (3/). Nous les présentons succinctement pour situer l’influence de Foucault sur notre travail.

1/ La période ARCHEOLOGIQUE, relative à la connaissance et au discours, est située entre l’année de sa thèse en 1961 et sa nomination comme Professeur au Collège de France en 1970. Durant cette période, Foucault emploie une méthode archéologique12 avec laquelle il s’intéresse à « l'organisation de la connaissance à une époque donnée et en fonction de classes d'objets spécifiques » (Revel, 2002, p. 55). Il s’agit de repérer les règles de formation des énoncés du savoir dit ‘vrai’ à une période historiquement située. Ces règles « organisent l'articulation des savoirs sur des pratiques institutionnelles et sociales et même des perceptions concrètes » (Gros, 2004, p. 8). La démarche de Foucault est de mettre à distance de manière critique la conception traditionnelle de l'histoire des savoirs en ce qu’elle départage les énoncés positifs établis, terminaux et définitifs, ‘scientifiques et vrais’. Puis il s’agit de « penser pour l'ensemble des énoncés et descriptions d'une époque ce qui les rend possibles tous dans leur cohérence [...] [et] les systèmes contraignants qui rendent ces choses-là, et pas d'autres, visibles et énonçables » (ibid., p. 8). Par la méthode archéologique, Foucault va « isoler des lois de fonctionnement indépendantes de la nature et des conditions d'énonciation de celles-ci » (Revel, 2002, pp. 22–23). En ce sens, il interroge les conditions d'émergence de dispositifs discursifs qui soutiennent ou engendrent des pratiques ou bien leur éventuelle transgression. Au sens foucaldien, le discours désigne ainsi « un ensemble d'énoncés qui peuvent appartenir à des champs différents mais qui obéissent malgré tout à des règles de fonctionnement communes » (ibid., p. 22). Selon certaines périodes historiquement situées, ‘l’ordre du discours’13 correspond à des règles linguistiques ou formelles, mais il se caractérise également par une « fonction normative et réglée et met en œuvre des mécanismes d'organisation du réel à travers la production de savoirs, de stratégies et de pratiques » (ibid., p. 22). Le discours correspond à l'articulation entre savoir et pouvoir,

12 Foucault emploie une méthode archéologique à travers quatre publications : 1/ sa thèse comme

archéologie de l'aliénation questionne ‘quelle perception culturelle collective oriente le sens des pratiques sociales et des définitions médicales de la folie ?’ ; 2/ ‘Naissance de la clinique’ (1963) comme archéologie du regard médical demande ‘quelle structure du voir et du parler est portée sur le corps malade ?’ ; 3/ les ‘Mots et les Choses’ (1966) comme archéologie des sciences humaines interroge ‘quelles règles anonymes et historiques permettent de construire l'objet du savoir ?’ ; et 4/ ‘L'Archéologie du savoir’ (1969) s’apparente à son discours de la méthode et porte sur les règles de formations discursives (Gros, 2004).

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tandis que la parole (subjective) est liée à une pratique de résistance à 1'objectivation discursive.

L’œuvre de Foucault témoigne d’une continuité dans la prise en compte de l’interaction entre la subjectivité, les pratiques sociales, les discours et les savoirs. Sous l’influence de ses travaux archéologiques, au fil de cette thèse nous nous demanderons implicitement comment le système de savoirs économiques et managériaux appuie un discours et des représentations qui légitiment certaines pratiques managériales et organisationnelles. Nous questionnerons aussi les effets disciplinaires de pouvoir sur les pratiques de travail. Nous verrons qu’au sein d’un contexte économique et organisationnel contraignant, l’idéologie du nouvel esprit du capitalisme rend possible l’émergence des discours et des pratiques managériales relatives au développement personnel au sein ou en dehors de l’entreprise et les promesses de conciliation entre humanisme et performance. Les approches qui s’en inspirent deviennent stratégiques, légitimes et normatives. Ce nouvel esprit du capitalisme est distillé dans la représentation de la carrière et du coaching. L’assise de tels dispositifs est un construit qui s’est progressivement alimenté d’énoncés scientifiques. Dans le cas du coaching, l’approche philosophique maïeutique ou celle des neurosciences en sont des illustrations. Face à ces dispositifs, nous avons collecté des récits pour accueillir la parole subjective et les éventuelles pratiques de résistance. Par exemple, nous interrogeons ce que vient signifier la bifurcation pour les cadres rencontrés au regard des effets de pouvoir des pratiques et discours managériaux. Par la suite, l’œuvre de Foucault passe progressivement d’une généalogie du savoir à une généalogie du pouvoir (2/).

2/ Dans sa période GENEALOGIQUE, Foucault (1972, p. 406) analyse davantage les pratiques, les stratégies et les discours. Il questionne le « rapport qui existe entre les grands types de discours et les conditions historiques, les conditions économiques, les conditions politiques de leur apparition et de leur formation ». Il reconstitue « la manière dont le savoir implique à la fois un rapport aux objets de connaissance (mouvement d'objectivation) et au soi connaissant (processus de subjectivation) » (Revel, 2002, pp. 55–56). Foucault passe des archéologies du savoir aux généalogies du pouvoir (Gros, 2004). A partir de l'âge classique, le discours de la rationalité14 va nourrir une mise en ordre du monde à travers les gouvernements étatiques et des procédés disciplinaires.

14 Le discours de la rationalité départage. Il a un effet dichotomique en séparant le scientifique du

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Quand le pouvoir disciplinaire « s'exerce dans ses mécanismes fins, [il] ne peut pas le faire sans la formation, l'organisation et la mise en circulation d'un savoir ou, plutôt, d'appareils de savoir »15 (Foucault, 1976a, p. 184). La dyade savoir-pouvoir est double. Il s’agit « d'extraire des individus un savoir, et d'extraire un savoir sur ces individus soumis au regard et déjà contrôlés16 » (Foucault, 1974, p. 619). Le discours objectivise le savoir sur les individus et précède toute expérience de subjectivation. Les individus sont à la fois « sujets de gouvernement et des objets de connaissance » (Revel, 2002, p. 56). C’est en ce sens qu’ils sont invités à produire un discours sur eux-mêmes, à la manière de la confession chrétienne, afin que leur vie (bio) puisse faire l’objet d’un savoir et donc d’un bio-pouvoir. Dans les sociétés industrielles, l’examen de soi est central dans la gouvernementalité et le contrôle social, il favorise l’exercice d’un pouvoir administratif.

L’approche généalogique relève d’une démarche de dénaturalisation. La dénaturalisation est mise en avant dans les CMS, c’est une posture de questionnement17. La perspective généalogique au sens de Foucault (1971) prend en compte la formation dans un parcours historique d’une représentation idéalisée18 afin de voir comment le sens émerge et change au fil des volontés individuelles. Il s’agit d’appréhender les conditions qui favorisent la constitution et le développement d’un discours et qui rendent un système possible, émergeant et acceptable (Knights & Morgan, 1991). Bien qu’un tel système suscite des réticences ou des résistances ainsi que des difficultés relatives à la violence de l’exercice du pouvoir, la sensibilité généalogique implique de réintégrer « des évidences de notre pratique dans l'historicité même de ces pratiques » et « les déchoir de leur statut d'évidence » (Foucault, 1988, p. 16). Cette démarche revient à disqualifier toute idée d'un donné sans origines (Wotling, 2001). Il s’agit d’éviter de considérer le réel présent comme un ordre naturel des choses ou comme une conséquence inévitable du passé (Knights & Morgan, 1991). Cette démarche vise à tenter de s’interroger sur ce qui fonde les pouvoirs qu’un individu exerce ou qui sont exercés sur lui.

15 Ces appareils de pouvoir reposent sur des instruments d'archivage, et des méthodes d'investigation et de

vérification.

16 Foucault (1974, p. 619) ajoute : « Un savoir sur les individus qui naît de l'observation des individus, de

leur classement, de l'enregistrement et de l'analyse de leurs comportements, de leur comparaison ».

17 La généalogie n’est pas la recherche de l’essence ni de la vérité ; mais s’attache à comprendre « les

sources productrices d’une valeur ou d'une interprétation » (Wotling, 2001, p. 31).

18 La représentation qui nous intéresse est celle des cadres dans un système dominé par l’idéologie

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Le rapport au travail et l’exercice du pouvoir font souffrir19 une certaine quantité de personnes et ont toujours pris des formes diverses. Dans le rapport subjectif au travail figurent des questions fondamentales comme la liberté et l’émancipation, la place du travailleur dans la société, le sens donné à son activité professionnelle, ou encore la construction de son identité. Pour répondre à ces questions, il s’agit de mettre en perspective comment les effets de pouvoir mettent en tension le rapport au travail en termes d’acceptabilité, d’émancipation et de subjectivation au sein de la carrière puis du coaching. Ce travail de thèse vise en amont à rendre compte des conditions politiques et économiques inhérentes au nouvel esprit du capitalisme. Car ces conditions appuient la constitution d’un savoir dit objectif qui précède la subjectivation des cadres.

Par exemple, les systèmes d’évaluation comparent objectivement ces cadres et les distinguent (ils les classent). Cela oriente la conduite de leurs comportements ou induit un savoir comportemental, un savoir-être, et influence leur subjectivité. Par un discours objectif, le pouvoir (managérial) légitime ainsi un contrôle social sur les comportements et précède la subjectivité (au travail). Il s’agit donc de dénaturaliser un tel discours a

priori évident et qui fonde des pouvoirs. Car ce discours détermine quelles sont les

bonnes valeurs, les représentations idéalisées, les pratiques et discours acceptables au travail ; et ce malgré les externalités négatives de l’exercice du pouvoir. Il s’agit ensuite d’observer ce qui fait sens subjectivement pour les coachs rencontrés et comment cela a évolué au fil de leur carrière vers et par le coaching.

Dans la continuité de la période généalogique, Foucault approfondit le rapport à soi dans la période éthique (3/).

3/ Si dans la période dite ETHIQUE, Foucault semble revenir au Sujet, rétrospectivement il affirme au contraire lui avoir donné une place centrale dans ses investigations20 en problématisant la « constitution historique du sujet dans son rapport à la vérité » et donc sa subjectivation au travers « des savoirs, des pratiques sociales et de la

19 La contrainte et la domination semblent faire partie de l’expérience du tripalium (mot latin dont le terme

‘travail’ tire son étymologie). Le travail est indirectement associé à un instrument de supplice. Au 16e siècle, il s’agit de travailler de la matière - transformer, faire un ouvrage. L’association du travail à la souffrance est aussi relative aux textes bibliques. L’Inquisition travaillait ses suspects. Mais travailler la terre signifie aussi la labourer, la cultiver, la valoriser, en fournissant des efforts, en se donnant du mal. Le travail est donc lié à la production, à la croissance nécessaire à la reproduction. En cela, agir sur le monde c’est produire, donner une direction, un sens, une forme.

20 « Les Mots et les Choses » demandait : à quel prix est-ce qu’on peut problématiser et analyser ce qu’est

le sujet parlant, le sujet travaillant, le sujet vivant ? [...] à propos du criminel et du système punitif : comment dire la vérité sur soi-même en tant qu’on peut être un sujet criminel ? [...] à propos de la sexualité [...] : comment le sujet peut-il dire vrai sur lui-même en tant qu’il est sujet de plaisir sexuel, et à quel prix ? » (Foucault, 1983b, p. 443).

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sexualité » (Gros, 2010, p. 70). Il opère en quelque sorte une généalogie du sujet en complément et en clôture des études archéologiques et généalogiques. Foucault recentre sa perspective autour de la constitution du Sujet à partir d’expériences comme la folie, le crime ou encore la sexualité. Une expérience étant « la corrélation, dans une culture, entre domaines de savoir, types de normativité et formes de subjectivité » (Foucault, 1984a, p. 10). Et ces expériences s’articulent entre un « jeu de vérité » (véridiction, Savoir), un jeu de pouvoir (juridiction et normativité) et un jeu de rapport à soi (subjectivation) » (Gros, 2010, p. 70). La subjectivation est d’abord problématisée dans l’expérience de la sexualité21. Puis plus largement elle problématise l’autoconstitution du sujet éthique par des techniques et des pratiques par lesquelles s’institue un rapport à soi déterminé et non pas selon des problèmes de valeurs morales.

Le souci de soi hellénistique conduit Foucault à s’interroger sur le courage d’une parole de vérité adressée aux disciples dans un système politique. Ce dire-vrai rejoint une forme de résistance face à la disciplinarisation des régimes dominants de vérité. Ceux-ci étant basés sur une association savoir-pouvoir, ils perpétuent des discours, des représentations et des pratiques sociales.

Le sujet n’est pas le simple produit d’une technologie de pouvoir investi et assujetti par des mécanismes disciplinaires dont il fait l’expérience. Sa subjectivation comme processus d’un rapport à soi s’imbrique plutôt dans un jeu de gouvernementalité et un jeu de vérité où s’articule et se reproduit la liberté individuelle.

A partir des années 1980, la période intellectuelle de Foucault correspond aux actes de vérité. C’est-à-dire que le sujet est considéré au-delà des simples effets de vérité, par-delà la subjectivation inhérente aux structures de savoir-pouvoir et aux dispositifs de vérité. Il s’agit davantage de la constitution et de la transformation de soi à partir d’un discours vrai, dans un rapport déterminé à soi.

Ce rapport à la vérité s’accorde avec une logique de gouvernementalité sur la base d’une démarche libre et consentie. Trois formes de subjectivation en émergent (Gros, 2004) : a/ la confession, b/ le souci de soi et c/ le franc-parler (ou la parrêsia).

a/ La confession (chrétienne) constitue initialement une éthique du renoncement à soi et relève d’une injonction à produire un discours de vérité à partir de soi-même. Ce

21 Foucault problématise l’expérience de la sexualité depuis le souci de soi. Celui-ci implique la maîtrise

des plaisirs du sujet de la Grèce classique au « sujet moderne d’une sexualité médicalisée », en passant par le « sujet chrétien attentif aux mouvements discursifs de sa chair » (Gros, 2010, p. 71).

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Tableau 1.  Etapes générales de la bifurcation des coachs d’après Denave (2006),  Landour (2012), Salman (2015)
Tableau 2.  Matrice des types et des cibles relatifs à l’émancipation
Tableau 3.  Chemin des codes
Tableau 4.  Description de la population des ving-cinq enquêtés
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