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Les enjeux socio-politiques de l'action sociale et humanitaire dans la sphère religieuse : l'agence Youth with a Mission en France et au Brésil

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Academic year: 2021

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Les enjeux socio-politiques de l’action sociale et

humanitaire dans la sphère religieuse : l’agence Youth

with a Mission en France et au Brésil

Denise Goulart

To cite this version:

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Les enjeux socio-politiques de l'action sociale et humanitaire

dans la sphère religieuse:

l'agence

Youth with a Mission

en France et au Brésil

Soutenue par : Denise GOULART 04 juin 2018

École doctorale de l’EPHE – ED 472 Spécialité : Religions et systèmes de pensée

THÈSE DE DOCTORAT

de l’Université de recherche Paris Sciences et Lettres

PSL Research University

Préparée à l’École Pratique des Hautes Études

COMPOSITION DU JURY :

M. Jean Paul WILLAIME

École Pratique des Hautes Études Directeur de thèse

M. Patrick CABANEL

École Pratique des Hautes Études Examinateur

M. Yannick FER

Chargé de recherche CNRS Examinateur

M. Oscar Calavia SAEZ

École Pratique des Hautes Études Universidade Federal de Santa Catarina Examinateur

M. Emerson GIUMBELLI

Universidade Federal do Rio Grande do Sul Rapporteur de thèse I

Me. Blandine CHÉLINI-PONT Chargée de recherches CNRS Rapporteur de thèse II

Dirigée par :

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Les enjeux socio-politiques de l

’action sociale et humanitaire

dans la sphère religieuse:

l

’Agence Youth with a Mission en France et au Brésil

RESUMÉ :

Dans cette étude nous proposons un parallèle entre le Brésil et la France, avec un focus sur les différences et ressemblances des enjeux au sein des deux sociétés, en ce qui concerne l’action sociale et ses formes d’expression dans le champ religieux. Cette question sera illustrée par l’étude des activités développées au sein de l’organisation missionnaire de tendance évangélique charismatique Youth With a Mission (YWAM), crée en 1960 par Loren Cunningham aux États-Unis et implantée dans les deux pays. Au travers d’un ensemble d’entretiens et d’une enquête comparative observant les dynamiques personnelles des missionnaires et les actions prosélytes parachurch, l’objectif est de comprendre la situation dans laquelle ces pays se trouvent aujourd’hui en fonction des stratégies prosélytistes intégrées au travail social.

Nous nous sommes concentré sur l’analyse du rôle des acteurs évangéliques de YWAM, en tant qu’acteurs associatifs et partenaires dans le domaine de l’action sociale au sein d’États dans lesquels l’État Providence et la conception de la laïcité différent. Nous démontrerons que le choix de la politique sociale appliquée et les éléments qui ressortent de ce système sur les résultats pratiques du cadre de vie des populations des deux pays jouent un rôle sur la manière dont s’exprime la religion et se comportent ses membres, comme dans les moyens d’évangélisation et d’entraide. Dans cette dynamique, nous verrons les implications des actions menées par l’organisation, les effets produits par une « collaboration » entre le religieux et la sphère sociale, et sa rencontre avec la logique des dispositifs juridico-administratifs français et brésilien.

Nous explorerons quelques pistes sur les nouvelles formes de sociabilité qui se sont présentées en termes religieux, de manières d’agir et de communiquer. Au-delà du domaine socio-politique, la thèse s’intéresse aussi à la compréhension de l’insertion des jeunes dans les institutions religieuses en tant que professionnels de la foi, quittant un style de vie ordinaire pour un engagement religieux. Notre objectif est de comprendre qui sont ces jeunes, leurs historiques familiaux, leur trajectoires personnelles et comment cette nouvelle vie est perçue et vécue à travers leurs motivations.

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Les enjeux socio-

politiques de l’action sociale et humanitaire

dans la sphère religieuse:

l’Agence Youth with a Mission en France et au Brésil

RESUMO

:

Neste estudo, propomos um paralelo entre o Brasil e a França, com foco na presença ou não de semelhanças dos desafios das duas sociedades em relação à ação social e suas formas de expressão dentro do campo religioso. Ele será representado pelo estudo das atividades desenvolvidas pela organização missionária evangélica Youth With a Mission (YWAM), criada em 1960 por Loren Cunningham nos Estados Unidos e implantada em ambos os países. Através de entrevistas e uma pesquisa comparativa que observa a dinâmica pessoal dos missionários e as dinâmicas de proselitismo parachurch, o objetivo é entender a situação na qual os países se encontram hoje quanto às estratégias proselitistas integradas ao trabalho social.

Também nos concentramos na análise do papel dos atores evangélicos de YWAM, como atores parceiros do Estado no campo da ação social, no qual o Estado-Providência e a concepção de laicidade são apresentadas de forma diferente. Testaremos a ideia de que a escolha da política social aplicada e os elementos que emergem deste sistema quanto aos resultados práticos na qualidade de vida das populações de ambos os países, desempenham um papel nas formas como a religião e seus membros se comportam e nos meios escolhidos para se difundir através da evangelização e do suporte social. Nesta dinâmica, veremos as implicações das ações realizadas pela organização e os efeitos produzidos por uma “colaboração" entre a esfera religiosa e social em seu encontro com a lógica jurídico-administrativa dos sistemas francês e brasileiro.

Tentaremos expor alguns meios para pensar sobre novas formas de sociabilidade que se apresentaram em termos religiosos, formas de agir e de se comunicar. Além do domínio sócio-político, a tese também se interessa em entender a inserção dos jovens nas instituições religiosas como profissionais da fé, deixando um estilo de vida comum para um compromisso religioso. Queremos entender quem são esses jovens e conhecer suas histórias e trajetórias pessoais e entender como essa nova vida é percebida e experimentada através de suas motivações.

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Remerciements

À ceux et celles qui ont contribué de près ou de loin à l’aboutissement de ce travail de recherche. Je souhaite remercier mon directeur de thèse qui a été pour moi une bibliographie essentielle dans mes travaux de recherche quelques années auparavant une bibliographie mais qui s’est transformé en la personne sur laquelle j’ai pu compter dans ce voyage qui a toujours été un objectif personnel, un rêve même. Merci infiniment d’avoir permis que cela se réalise. Je remercie également Yannick Fer, spécialiste du monde protestant et du réseau YWAM, qui a contribué au travers de son regard très fin. Si j’en suis arrivée là c’est aussi grâce à lui, qui a pris le temps de me recevoir et de m’orienter pour trouver le bon chemin des habilités pour diriger ma thèse et m’a orienté vers Jean Paul Willaime lorsque je cherchais un directeur de thèse.

Je remercie également tous les membres du jury d’avoir accepté de participer à ce moment fondamental de ma carrière. Aux collèges, sur qui j’ai pu compter pour les critiques constructives et essentielles pour avancer dans la rédaction, pour les moments de loisir qui font partie de cette trajectoire et, bien sûr, pour la révision du français. Marc Lebranchu, Dorra Mameri, Ludovic Bertina, Matthiew Gervais, Carlotta Gracci, Cantaura La Cruz et Jean Laloum, un grand merci. Un énorme merci à Laurence Mabit et Stéphanie Goudiaby pour l’accueil et les mots de soutien depuis le début de cette thèse.

Je souhaite également remercier ma sœur, Débora Goulart qui, sociologue de l’éducation par passion, a toujours cru en ma réussite d’achever une thèse doctorale en France quand je lui ai annoncé cette envie, il y a plus de 12 ans. Ce projet est aussi le sien. À mon père qui est de loin l’applaudissement le plus fort que je peux entendre.

Merci aussi aux responsables et membres de YWAM en France et au Brésil qui m’ont reçu et hébergé, parfois même, chez eux. Merci d’avoir partagé vos trajectoires et vos choix de vies avec moi.

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AVANT-PROPOS p.10

INTRODUCTION p.16

CHAPITRE I – « Allez par tout dans le monde, et prêchez la bonne nouvelle à toute la création. (Marc 16 :15) » p.24 1. Contextualisation - création de YWAM p.24

1.1 L’émergence des réseaux missionnaires évangéliques : Contexte des années 1960

p.26

1.2 Les origines du pentecôtisme : Source de YWAM P.28

1.3 Les agences missionnaires évangéliques au sein des résolutions du Congrès de Lausanne

p.30

1.4 Le rôle du congrès de Lausanne p.31

1.5 La question sociale au cœur du religieux p.43 1.6 Les ONG confessionnelles : Quel engagement ? p.45

1.7 Les modes d’action des ONG p.49 1.8 Les ONG américaines et le retour des organisations avec un discours religieux assumé

p.53

1.9 L’action sociale religieuse et humanitaire face aux enjeux de la laïcisation des organisations

p.56

CHAPITRE II – La vision du fondateur : une vague de jeunes qui envahi

les villes p.63

2.YWAM – Youth with a Mission p.63

2.1 Le modèle YWAM Wheel p.65

2.2 Organisation et fonctionnement p.73

2.3 La branche Entraide-Humanitaire p.80

2.4 Les formations p.87

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2.6 Le profil de JEM France : YWAM à la française p.102

2.7 La création et l’implantation de JEM Brésil p.121 2.8 Le profil de JOCUM Brésil : YWAM à la brésilienne p.125

CHAPITRE III – L’offensive évangélique à petits pas p. 139 3. Contexte du panorama religieux des pays et la place des évangéliques p.139

3.1 Le scénario nord-américaine : Le berceau de YWAM p.142

3.2 Le panorama religieux brésilien p.143

3.3 L’influence protestante au Brésil : Historique et croissance p.144 3.4 Les rapports entre l’évangélisation et la dominante catholique dans la culture p.152 3.5 Pentecôtisme au Brésil : Une diversité d’émotions p.158 3.6 Recensements et sondages au Brésil p.162

3.7 L’évolution des religions au Brésil depuis 1872 p.166 3.8 Le contexte latino-américain p.169

3.9 Influence protestante en France : Historique et croissance p.172

3.10 Les évangéliques en France : En quête de visibilité p.176

3.11 Les caractéristiques des protestants évangéliques français p.179

3.12 Les organes de représentation p.181

3.13 Recensements et sondages en France p.183

3.14 L’influence américaine en France p.190 3.15 La France et son réseau évangélique américain p.192

3.16 La France et le catholicisme p.196

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3.18 Financement et gestion des institutions p.201

CHAPITRE IV – La religion et les institutions publiques : Pas de rapport

d’exclusion réciproque mais de reconnaissance mutuelle p.209 4. Parlons de transformations socioreligieuses p.209

4.1 L’autonomie des sphères : la laïcité à la brésilienne p.218 4.2 Laïcité en Amérique latine p.230

4. 3 L’autonomie des sphères : la laïcité à la française p.238

4.4 L’État-Providence p.243

4.5 L’assistance sociale dans le champ de la protection social Brésil /France p.249 4.6 Le système de protection sociale p.250

4.7 L’« Assistência social » brésilienne et la Sécurité sociale française p.253 4.8 Décentralisation politique-administrative p.256

4.9 Le rôle de la pratique religieuse dans le troisième secteur : les évangéliques

et ses institutions au Brésil : Le protestantisme dans l’espace public p.259 4.10 L’Action évangélique à travers les ONG et les associations p.262 4.11 Les ONG et le processus de développement brésilien dans la période

d’expansion évangélique p.266

4.12 L’Établissement des agences missionnaires évangéliques p.269 4.13 Les formes d’action sociale pilotées et financées par les organismes

religieux : Brésil p.275

4.14 Les formes d’action sociale pilotées et financées par les organismes

religieux : Modèle d’Association en France p.281

CHAPITRE V – YWAM – Ce qui montrent les donnés p.293 5. Les contours qui dessinent YWAM p.293

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CONCLUSION p.317

ANNEXES – Transcriptions d’entretiens p.332

ANNEXES – Documents p.346

ANNEXES – Section de photos

Loren Cunningham : Fondateur - Années 1960

Premières rencontres des jeunes missionnaires en Suisse – Années 1970 Premiers envois aux champs - États-Unis - années 1960

Université des Nations – Hawaii – années 1970 Premières activités missionnaires

Bateau Anastasis - Medical Ship Daniel Schaerer - France – 1978

École d’affaires – Université des Nations - 2003 Zones d’influence

Create International : Central de création de outils d’évagélisation Affiche : 30 jours de prière pour le monde musulman

La compréhension de la sphère gouvernamentale JOCUM Brésil

p.354

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Avant-propos

Avant toute chose, il me semble indispensable de retracer la route qui m’a conduite au choix de ma thématique. Celle-ci trouve sa raison en grande partie dans mon parcours personnel car j’ai fait connaissance avec l’organisation Youth With a Mission (YWAM), fondée par Loren Cunningham en 1960 aux États-Unis, pendant mon adolescence, lorsque des missionnaires présentaient des skecths et des chorégraphies évangélisatrices dans mon quartier de Vila Ema, dans la zone Est de la périphérie de São Paulo. Partie intégrante d’une famille recomposée et avec des appartenances religieuses diverses, « miroir » de la société brésilienne en quelque sorte, le fait de vouloir m’engager dans une église évangélique du type communauté de quartier (avec un arrière-plan d’origine baptiste) à l’âge de 12 ans a quand même surpris une sœur athée, une autre kardeciste1, une grand-mère catholique et extrêmement pratiquante

et un père croyant mais sans attaches confessionnelles. Au-delà de leurs activités dans le quartier, ces missionnaires fréquentaient l’église lors des cultes et présentaient les possibilités de carrières et les besoins financiers pour leurs entretiens personnels et leurs projets. Ces projets se situaient pour la plupart d’entre-eux à l’étranger, aux États-Unis, en Chine et dans plusieurs pays d’Afrique, ce qui démontrait le côté aventurier et entrepreneur du métier de jeune missionnaire. En plus, le fait de vivre très souvent en communauté a attiré mon attention. La curiosité et la possibilité de rassembler une carrière et un mode de vie peu ordinaires, remplis de voyages et de projets humanitaires m’a sensibilisée, au désespoir de ma famille qui, bien que ne voulant pas m’en empêcher, a affiché un total désaccord lorsque j’ai annoncé mon désir à l’âge de 15 ans. L’église locale à laquelle je participais était a priori ouverte pour financer cette entreprise.

Dans un premier temps, l’âge des équipiers aux alentours de vingt ans, et la façon dont ils prêchaient m’a intriguée, car c’était différent de tout ce que je connaissais par rapport à ce type de pratique. Avec des chorégraphies de danse de rue, des pièces de théâtre et un langage différent de celui des églises que je connaissais ou croyais connaître, ils réunissaient une bonne audience dans les points clés du quartier.

Ce n’était pas la situation traditionnelle d’un pasteur en costume prêchant à haute voix, la Bible en main, comme à la Praça da Sé, au centre-ville de São Paulo. Sous cette influence, j’ai pu commencer à observer avec un regard plus attentif les pratiques évangéliques comme la « Marche pour Jésus », les émissions de télévision et les spectacles des groupes intitulés

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« gospel ». Ils étaient organisés par l’Église Renascer em Cristo, présente dans les médias à ce moment en raison des procédures judiciaires subies par ses fondateurs, les pasteurs, Estevam et Sônia Hernandez, pour évasion fiscale et, plus tard, pour la chute du plafond du siège de l’église lors d’un culte en janvier 2009, faisant neuf morts et plus de cent personnes blessées.

En outre, j’ai été amenée à connaître des églises thématiques, comme la communauté évangélique Zadoque à São Paulo et la Caverna do Adulão (la grotte d’Adullam) à Rio de Janeiro, deux églises qualifiées d’undergrounds, où le rock, le punk et d’autres styles de musique pouvaient « apporter leur éloge » à travers les « lévites », nom donné aux musiciens. L’église Bola de Neve (Boule de neige) entrait également en scène à cette époque. Aujourd’hui, elle est présente dans plusieurs villes attirant les jeunes avec une proposition de « liberté » de personnalité. Toutes ces églises suivent des normes de comportement propres au protestantisme, mais toutes en adaptant leur langage et leurs formes de vie à la foi chrétienne. Après avoir participée à quelques évènements et enseignements (école d’été, etc.), l’envie d’un engagement plus sérieux aux yeux de l’église locale au sein d’YWAM a commencé à perdre de son intérêt quand mon désir de suivre une formation au niveau de licence, puis de master est apparu à l’époque incompatible et inconciliable. La plupart des missionnaires n’avaient pas de formation supérieure, à part ceux qui suivrait des cours à l’Université des Nations, tenue par l’organisation à Hawaii. C’était pour moi un peu éloigné de mon but de carrière professionnelle.

J’ai donc décidé de m’inscrire en cours préparatoire pour accéder à l’enseignement supérieur, sachant qu’au Brésil il est nécessaire de réussir des examens sélectifs avec un nombre très élevé de candidats pour chaque place. Ainsi, en 2003 j’ai commencé une licence en Sciences Sociales à l’Universidade Estadual Paulista (UNESP) à São Paulo. Une fois le cours commencé, l’engagement auprès de YWAM ainsi qu’à l’église s’est peu à peu dissipé pour laisser place à un intérêt exogène pour les phénomènes religieux et le changement du panorama brésilien. La sociologie et l’anthropologie ont pris alors l’ascendant pour éclairer les sujets religieux abordés au sein de la société et de YWAM.

En formalisant toutes ces observations, j’ai pu mettre davantage l’accent sur la compréhension de ce sujet au travers d’études comme le recensement IBGE de 2000, puis celui de 2010, qui apportaient une vision de ce qui se passait dans le terrain religieux brésilien et démontraient la chute croissante de la majorité catholique.

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l’Universidade Estadual de São Paulo en partenariat avec l’Universidade de São Paulo – USP en 2010. L’étude portait sur les actions de YWAM à São Paulo.

À ce moment, je travaillais en tant que professeur de sociologie et droits humains pour les cours du « service social » et ceux de gestion des organisations et aussi en tant que chargée de projets sociaux pour une entreprise en charge des enquêtes réalisés pour le Ministère du Développement Social (MDS) à Brasília. C’est ainsi que quelques mois plus tard, affectée au MDS, je suis partie à Brasilia pour travailler pour l’Unesco. Je suis intervenue en tant que consultante afin d’élaborer des propositions de cahiers d’orientations techniques et des rapports sur l’implantation des nouveaux services pour les personnes âgées au Brésil. Ce nouvel emploi était tout à fait en relation avec l’études du monde religieux que je suivais, car le fait d’être en charge de l’accompagnement de la qualité des services fédéraux pour les organismes sociaux m’a montré qu’une partie des organismes partenaires de l’État et financés par lui concernant les prestations sociales étaient d’origine religieuse, de toutes confessions mais, surtout catholiques et protestants. YWAM comprise.

Cela m’a amenée à vouloir reprendre un cursus académique pour mieux comprendre les enjeux du rôle de l’État dans les actions sociales et l’implication des organisations religieuses dans une société telle que la brésilienne, colorée par les ONG confessionnelles.

Le livre de Yannick Fer L’offensive évangélique. Voyage au cœur des réseaux militants de Jeunesse en Mission, publié en 2010, et le fait d’observer qu’YWAM et d’autres organisations internationales d’aide humanitaire établissaient des partenariats avec des gouvernements fédéraux a suscité mon intérêt pour croiser le schéma international et le modus

operandi d’YWAM au sein des deux sociétés, française et brésilienne. Comment une organisation telle que YWAM, avec son origine américaine et prioritairement tournée vers la jeunesse se manifeste et se comporte sur deux terrains tellement riches socio-culturellement ? Est-ce que les stratégies choisies, le profil des dirigeants et les motivations des jeunes missionnaires sont différents ? Je me posais ces questions.

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qui forment cette construction. D’autant que les informations et les études sur ces jeunes sont beaucoup plus rare que sur jeunes étudiants de mai 1968.

J’ai donc décidé de suivre mon parcours doctoral en France, en passant toutefois par le chemin d’un master II professionnel, mention Économie et Société : Action Publique, Action Sociale, à l’Université de Paris Nanterre sous le tutorat du Professeur Matthieu Hély, où j’ai eu l’occasion de faire mon stage de fin d’études au sein de La Ligue de l’Enseignement de Seine-Saint-Denis. J’y ai eu pour mission la mise en place d’une étude en direction des associations de proximité concernant l’organisation leurs projets associatifs, leur fonctionnement, les financements, les relations aux partenaires et les besoins de formations et d’accompagnement, en étroite relation avec des collectivités territoriales. Cela m’a permis de connaître les enjeux qui peuvent être présents dans la vie des quartiers et la mixité de sujets comme l’insertion professionnelle et sociale, les questions de genre, l’enfance, la migration, le culturel, entre autres, qui ont été pour moi très enrichissants en tant qu’introduction à une meilleure connaissance de la société française et de ses enjeux sociaux en relation avec l’État.

Cet ainsi qu’en fin de cours de master, à travers le support de Yannick Fer, le professeur Jean Paul Willaime a accepté de m’accompagner dans cette trajectoire, pleine de déviations mais très enrichissante. Je ne pouvais trouver meilleur environnement.

L’accès au terrain en France a été très difficile au départ mais, une fois la communication établie, le chemin est devenu plus fluide pour accéder aux centres2 de formation de YWAM. Le

premier contact a été fait à travers le courrier électronique de l’organisation à Paris, mais sans succès. Les portes se sont ouvertes seulement après l’intermédiation de Yannick Fer qui a contacté le président Denis Drugeau, l’un des interviewés pour son livre déjà cité. Après ce premier contact l’accès aux autres missionnaires et centres s’est fait assez automatiquement. Le fait d’avoir des connaissances dans le milieu au Brésil, dûes aux échanges concernant l’étude, a aussi contribué au côté relationnel. À Biarritz par exemple, les premiers échanges ont eu lieu par mail, en français, mais en arrivant sur place, le fait que le responsable du lieu soit d’origine brésilienne et collègue de promotion d’une école de formation de l’un des directeurs interviewés au Brésil a facilité la participation aux activités et les échanges avec les missionnaires. Malgré le fait de disposer d’un bon réseau pour l’accès au terrain, l’un des directeurs, d’origine américaine, a refusé d’être interviewé pour ne pas se sentir à l’aise pour répondre à des questions « de ce type », c’est-à-dire, académiques. Dans tous les centres étudiés les missionnaires et les élèves se sont montrés très ouverts aux échanges, soit pour des entretiens plus formels, avec enregistrement, soit pour établir une conversation informelle, parfois autour d’une guitare en chantant des chansons qui font partie

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du modus vivendi de ce groupe. Après quelques journées vécues ensembles, il est facile de reconnaitre un certain modèle commun entre les jeunes engagés. Les échanges sur la trajectoire familiale, les plans pour l’avenir et les projets développés ont joué parfois l’effet d’une sorte de récapitulatif personnel pour certains d’entre eux. Ces échanges informels ont permis également de constater l’importance de l’expérience socialisatrice que les missionnaires vivent. Pouvoir vivre en communauté et partager de nouvelles expériences a été l’une des réponses les plus fréquentes.

Au Brésil l’accès aux centres et au missionnaires s’est fait en partant des contacts sélectionnés lors de l’étude pour mon master à São Paulo. Le réseau, et les recommandations par des connaissances, ont vite pris de l’ampleur, sans générer de blocage. Cependant, si le terrain a été de pénétration facile, les entretiens eux-mêmes ont rencontrés des réponses plus évasives qu’en France. Le fait qu’YWAM Brésil ait déjà été sujet à des problèmes judiciaires (comme mentionné plus tard dans le texte), a, peut-être, été la source de quelques reformulations de propos durant les interviews. La prudence de ces interlocuteurs m’a marquée.

Parmi les éléments ayant facilité le travail de recherche, l’accès et l’accueil de la part des missionnaires, le fait d’avoir fait partie des activités du groupe, même s’il y presque vingt ans, ont été un atout d’importance non négligeable. La compréhension immédiate de quelques termes utilisés par les enquêtés a eu un rôle important, même si secondaire. Avoir été reçue et hébergée chez deux d’entre eux est représentatif et a servi de très bonne source d’information.

Certes, le monde d’YWAM au Brésil a connu des transformations significatives depuis mon adolescence, en passant par l’organisation que j’ai pu observer auparavant et aujourd’hui. Le progrès des moyens informatiques et l’utilisation des réseaux sociaux en sont une cause vite remarquée, mais le niveau scolaire et de formation professionnelle des jeunes missionnaires, qui a beaucoup évolué entre temps, est une autre raison assez frappante.

Parallèlement aux enjeux internes de YWAM, les particularités des deux sociétés jouent un rôle dans la bonne compréhension des décisions prises et les caractéristiques des sujets qui décident de vivre cette vie pas ordinaire. Les évolutions du religieux en Europe, tout comme en Amérique latine, sont telles qu’il est devenu difficile de les décrire. Pour appréhender les faits religieux et leurs dérivations sociales, il est essentiel d’emprunter à des champs disciplinaires variés, à des analyses à partir de sources diverses telles que les documents visuels, les réseaux, les discours, ou encore à partir d’approches comparatives qui doivent être convoquées pour une bonne maitrise du champ d’étude.

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Je vous prie donc de vous joindre à moi et de parcourir mon processus de construction du savoir sur les thèmes et les questions de la société française que j’ignorais en ayant vécue vingt et neuf ans en terre brésilienne, mais qu’il fallait s’approprier pour pouvoir mener à bon terme l’étude proposée par la thèse. L’inverse est aussi vrai, pour la même raison, c’est-à-dire présenter au lecteur français le panorama social et religieux brésilien en considérant à priori qu’il vit la même méconnaissance dans laquelle je vivais avant de m’envoler pour cette étude du monde protestant et de l’action sociale. C’est ce que j’ai entrepris dans les pages suivantes.

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Introduction

Ma conviction : je ne rendais nullement service à la laïcité si je m’adressais à vous comme une association philosophique. La laïcité de 1905 reconnait votre foi dans sa plénitude.

(Président Emmanuel Macron à l’occasion du 500e anniversaire de

la Réforme protestante, Paris, 22 septembre 2017)

Somos todos crentes (Nous sommes tous des croyants)

(Président Luiz Inácio Lula da Silva à l’occasion de la convention des églises Assemblées de Dieu, Rio de Janeiro, 08 septembre 2016)

La France, avec son histoire et sa culture catholique, semblables par quelques aspects à celles du Brésil, a l’expérience des grands débats sur des thématiques comme la laïcité et la liberté religieuse dans un espace de pluralisme religieux avec un nombre élevé d’athées, en particulier parmi les jeunes. En revanche, contrairement à des situations similaires observées en Europe, le déclin du catholicisme au Brésil ne s’est pas fait au profit de l’incroyance ou d’un affaiblissement du champ religieux.

Pour Jean Paul Willaime (1996), la consolidation d’études dans le domaine de la religion en France a été encouragée par ce qu’il décrit comme « les deux phases de la laïcité » dans le pays. Une première phase, qui date de 1905, marquée par les lois de sécularisation et qui a culminée par l’émancipation du système politico-social des pouvoirs religieux, et une seconde phase, diffusée à partir des années 1980, marquée par l’émancipation de l’individu par rapport à l’institution religieuse. Une troisième phase de la sécularisation, qui est mise en évidence par l’auteur, correspond à ce qu’il nomme « l’ultramodernité ». Ce n’est pas une question de « retour du religieux » mais « un réinvestissement du religieux en tant que culture ». Cette analyse pour le cas français peut servir de norme comparative pour le cas du Brésil, vis-à-vis du panorama religieux actuel du pays.

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par les « communautés ecclésiales de base » durant les années 1970-1990 ; cependant, les entités protestantes sont fort présentes dans le scénario national et méritent une attention de recherche quant à leur participation à l’action sociale.

Il est possible de repérer l’avancement du nombre d’études à partir des années 2000, dû surtout à la visibilité des protestants, et montré dans le recensement religieux de la même année. De ce fait, le rapport historique entre un État brésilien qui se présente comme laïque, les Églises et leurs para-institutions dont le pluralisme et l’influence dans le domaine public méritent un regard plus approfondi.

La laïcité brésilienne se démarque évidemment du modèle européen, et notamment du modèle français. La mise en place des partenariats public-religieux dans le domaine de l’action sociale collabore à la construction d’une nouvelle forme de rapports qui touche la société et ses sujets. Cela sera représenté dans cette thèse par l’étude des activités développées au sein de l’organisation missionnaire de tendance évangélique charismatique Jeunesse en Mission

(JEM).

D’origine américaine, elle est nommée aux États-Unis Youth With a Mission (YWAM) et Jovens com uma Missão (JOCUM) au Brésil. L’objectif est de comprendre la situation dans laquelle les pays se trouvent aujourd’hui en fonction des stratégies prosélytistes intégrées au travail social. Nous voulons également nous concentrer sur l’analyse du rôle des acteurs évangéliques, représentés ici par YWAM, en tant qu’acteurs associatifs et partenaires de l’État dans le domaine de l’action sociale de ces deux pays, dans lesquels l’État Providence et la conception de laïcité se présentent différemment.

Si la diversité confessionnelle, théologique et organisationnelle du monde protestant est l’une de ses caractéristiques la plus marquée, il faut encore ajouter la complexification qu’apporte la diversité ethnique, culturelle, sociale, régionale et nationale des pays étudiés. Le protestantisme évangélique, en particulier le mouvement pentecôtiste, est capable de décaler les frontières nationales et les résultats de l’action de cette confession et des organisations autour d’elles peuvent être très intéressantes à connaître, notamment quand elles gèrent des services sociaux utilisés par la population.

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religieux : notamment les manières d’agir et de communiquer via les dispositifs de l’action sociale, choisis et développés par l’organisation.

Malgré le manque de mention explicite du terme « laïcité » dans la Constitution républicaine brésilienne datée de 1988, l’interprétation par diverses instances sociales de l’article 193 assume ce sens. En outre, une non normalisation de la mise en place de ce dispositif

permet les arrangements les plus divers, culminant ainsi dans la forte présence du champ religieux au sein de l’État, de la politique et des institutions.

Concernant la France, Willaime (2005) insiste sur le paradoxe de la nationalisation de la laïcité comme élément de l’identité française et suggère que :

Si, en matière de laïcité, l’on accepte de ne pas confondre la chose et le mot, si l’on admet qu’il est légitime de ne pas identifier purement et simplement la laïcité avec l’expérience historique française des relations Églises-État et école-religions, il apparaît alors clairement que la laïcité n’est pas une exception française et que d’autres formes de relations Églises-État que le régime des cultes de la loi de 1905 peuvent la mettre en œuvre. (Willaime, 2005, p.67)

Willaime (2008)4 cherche à repenser le concept de laïcité en France à travers les multiples

mutations du politique et du religieux. Deux de ces mutations se reflètent particulièrement dans la situation du Brésil : l’accroissement et l’enracinement du pluralisme confessionnel et le rôle social des organisations religieuses. Nous allons observer si et comment la « laïcité de reconnaissance et de dialogue », que l’auteur interprète comme une « pratique de la laïcité ouverte aux apports des religions dans la vie sociale » à la façon française, reflète et dialogue sous de nombreux aspects avec la situation brésilienne, où la reconnaissance sociale des organisations religieuses est en débat.

Au-delà de la France et du Brésil, l’organisation américaine est présente dans plus de 190 autres pays, mais pour que nous puissions comprendre les similitudes et les différences entre JOCUM Brésil et JEM France et l’environnement religieux et social dans lesquels ils sont insérés, nous devons essayer de comprendre le processus de croissance évangélique par lequel

3 Art. 19. Il est interdit à l'Union, aux États, au District fédéral et aux Communes:

I - d'établir des cultes religieux ou des Eglises, de les subventionner, d'entraver leur fonctionnement, d'entretenir avec elles ou leurs représentants des relations de dépendance ou d'alliance, sans préjudice, selon les formes de la loi, de la collaboration d'intérêt public;

II - de refuser crédit aux documents publics;

III - d'établir des distinctions entre les Brésiliens ou des préférences entre ceux-ci. Voir https://www.senado.leg.br

4 WILLAIME, Jean-Paul. Le retour du religieux dans la sphère publique: vers une laïcité de reconnaissance et

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les deux pays sont passé et sont en train de passer dans la période actuelle, en considérant les spécificités de chacun.

Le processus brésilien peut à sa manière fournir des éléments et contribuer à la compréhension de ce qui se passe actuellement chez les nouveaux évangéliques en France, vu que dans le Recensement Religieux Brésilien réalisé par l’Instituto Brasileiro de Geografia e Estatística (IBGE) (Institut Brésilien de Géographie et Statistique) en 2010, ils représentent 22,2 % de la population. La France, bien que n’ayant pas un organisme officiel responsable du recensement religieux depuis 1872, a mené des enquêtes, à l’exemple de l’Institut français d’opinion publique (IFOP), qui a recensé en France métropolitaine en 2012, environ 3% de protestants dont un tiers d’évangéliques ; un nombre significatif pour les bases religieuses du pays.

Au-delà du domaine socio-politique, la thèse s’intéresse aussi à la compréhension de l’insertion des jeunes de manière intégrale dans les institutions religieuses en tant que professionnels de la foi en quittant un style de vie ordinaire pour un engagement religieux à temps plein. Nous souhaitons connaître qui sont ces jeunes, leurs historiques familiaux et leurs trajectoires personnelles jusqu’au moment de leur prise de décision pour se consacrer à une vie religieuse, et comprendre comment cette nouvelle vie est perçue et vécue à travers leurs motivations au sein des services dans lesquels ils sont engagés.

Nous testerons l’idée que le choix de la politique sociale appliquée et les éléments qui ressortent de ce système, quant aux résultats pratiques sur le cadre de vie des populations des deux pays jouent, sur les formes comme la religion et la manière dont ses membres se comportent, comme dans les moyens choisis pour se propager à travers l’évangélisation et l’entraide. La religion va trouver plus ou moins sa place pour remplacer ou compléter les besoins basiques d’un cadre de vie sain incluant les besoins tant matériaux qu’émotionnels. Quelques auteurs seront nos sources et le fil conducteur de cette étude par rapport aux thèmes essentiels qui nous permettrons d’enrichir nos analyses à travers leurs références bibliographiques :

D’abord Yannick Fer, spécialiste du réseau évangélique Youth With a Mission, des relations entre évangélisme, culture et politique. Dans son ouvrage L’offensive évangélique,

voyage au cœur des réseaux missionnaires de Jeunesse en Mission5, il a décrit le rôle de

l’organisation qui se démarque en proposant une nouvelle forme d’engagement pour les jeunes, conciliant transmission des valeurs et liberté de choix individuel. Nous développerons

5 FER, Yannick. L’offensive évangélique, voyage au cœur des réseaux missionnaires de Jeunesse en Mission,

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d’avantage la branche entraide humanitaire sans délaisser les deux autres qui forment le trépied du réseau YWAM, c’est-à-dire, « Évangélisme-Formation-Entraide ».

Ensuite, Marcelo Camurça, sociologue brésilien dédié aux études de la culture, de la démocratie et des institutions, spécialiste des études du champ religieux brésilien. Les études de cet auteur nous aiderons à comprendre la situation religieuse brésilienne actuelle. Nous nous baserons également sur les écrits de Antônio Gouvea Mendonça, qui traitent de l’insertion du protestantisme au Brésil ainsi que de Paul Freston et Jean Pierre Bastian.

Enfin, Emerson Giumbeli avec ses analyses concernant la religion insérée dans l’espace public. Sébastien Fath et Jean Paul Willaime nous présentent et analysent, pour leur part, la situation religieuse en France à travers le protestantisme contemporain et l’enjeux de la laïcité qui se fait indispensable pour l’étude en question.

Le travail de terrain a apporté des éclaircissements sur les actions adoptées par l’organisation et la pénétration des méthodes d’évangélisation via le travail social et le discours religieux vers le public visé à travers les projets qu’ils ont initiés ou auxquels ils se sont associés.

Il développe également le champ des connaissances relatif à l’identité des membres, en fournissant des éléments pour théoriser la vie en communauté du groupe religieux, qui valorisent un engagement de type militant. La thèse s’inscrit dans le domaine de la sociologie des religions, mais est imprégnée d’une littérature du domaine politique quand il s’agit d’observer les activités sociales, via la religion, dans l’espace public du système d’assistance sociale. L’analyse prend en compte les processus d’engagement. Quelles sont les trajectoires de vie des jeunes engagés ? Quels sont leurs historiques familiaux ? Quels sont les motifs qui président aux affiliations ? Quels effets se produisent sur l’individu en termes identitaires ?

Ces questions permettent d’observer des éléments constitutifs de l’engagement évangélique, mais également le processus de socialisation en communauté, les liens intragroupes développés et aussi le rapport avec la communauté locale où l’organisme est implanté.

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21

août 2014 et juillet 2016. Pour élargir la perspective d’analyse et pour permettre de comprendre et d’expliquer les processus d’adhésion à l’institution, les entretiens semi-directifs ont été enrichies de 64 questionnaires standard qui ont été retournés par les missionnaires.

Les entretiens ont été enregistrés en portugais, en français et en anglais. Les noms des personnes interviewées, sauf pour quelques sujets représentants de l’organisation qui ont été d’accord pour la diffusion, ont été changés comme convenu lors des entretiens. Nous avons pu sans difficulté assister aux activités menées dans les différents centres, les enregistrer et photographier dans les établissements pendant toute la période des entretiens et des visites qui seront décrites dans un chapitre à ce propos.

Le terrain de recherche que nous avons exploré et problématisé est assez ample et pluriel. Non seulement parce que le terrain et les observations participantes ont été réalisés au Brésil et en France, mais aussi parce qu’il compte avec des éléments de la culture religieuse nord-américaine et les modes d’organisations des structures religieuses de ce pays, qui ont été considérés et analysés pour une meilleure compréhension des modes d’implantation, d’organisation, d’influence et de résultats de l’organisation YWAM dans les deux pays étudiés.

Nous pourrions inclure dans cette étude l’ensemble des activités mises en place par l’organisation évangélique en ce qui concerne l’action sociale et humanitaire mais aussi dans d’autres domaines comme la formation, l’évangélisme et toute autre activité menée dans l’ensemble des territoires brésilien et français depuis l’implantation de centres. Néanmoins, cette entreprise nous a paru inconcevable dans le cadre de cette étude et, avec le dynamisme actuel et l’essor du phénomène évangélique dans les deux pays (même avec des éléments divers), il serait naïf de prétendre à une exhaustivité sur l’ensemble des sujets abordés.

Nous avons procédé en délimitant le terrain brésilien pour arriver à un nombre abordable de centres que nous avons visités et qui pourrait représenter de manière efficace et fidèle l’ensemble des centres dans le pays. L’extension territoriale du pays nous a obligé à opter pour ce choix ainsi que le nombre beaucoup plus élevé de centres, de projets et de missionnaires engagés au sein de l’institution.

Le terrain français, pour être environ quinze fois plus petit que le Brésil et d’une surface qui équivaut à la taille de l’État de

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La dimension historique des deux pays a été considérée au moment de l’observation participante, comme dans l’analyse des activités proposées par chaque centre, en ce qui concerne la structure socio-économique et culturelle.

Ayant l’objectif de déchiffrer la mise en place des manifestations de l’action sociale religieuse au sein de l’organisation, nous avons privilégié une démarche et des outils méthodologiques qui ont permis de collecter un corpus de données sur l’institution mère, sa charte, ses modes d’organisation et de fonctionnement, le profil des missionnaires engagés et le choix d’activités développées dans les deux pays.

Ainsi, nous nous sommes consacrés à une prise en compte constante de la littérature sur les sujets concernés - une mise à jour du débat théorique sur le panorama religieux des deux pays, sur la situation particulière des protestantismes, notamment des protestantismes évangéliques, sur la situation des actions sociales, des organisations et des mouvements qui interviennent dans le champ (répartition public/privé, part des ONG d’inspiration religieuse). Nous avons également été attentive à la recherche et la consolidation d’un clipping de la presse nationale et internationale sur l’organisation elle-même, ses actions et partenariats et aussi à la collecte de données via les sites Internet, blogs, page facebook et instagram des centres.

L’observation participante a été une pratique récurrente lors des activités développées par les membres actifs ou les élèves en formation. Nous avons participé à de nombreuses réunions de prière pour les membres, des cultes ouverts à la population de la ville, des repas communautaires, des sorties en groupes pour des séances d’évangélisation dans les rues (comme l’événement « Paris Je t’aime », réalisé au Trocadéro) et des réunions de staffs, au-delà des entretiens formels et informels qui nous ont permis de comprendre le fonctionnement interne.

L’observation en France a été faite entre juillet 2014, lors de notre première prise de contact avec l’église de Belleville à Paris et juillet 2016, à l’exception d’un deuxième entretien avec Denis Drugeau en 2017.

Au Brésil, la période de visites a été plus courte et concentrée, entre novembre 2015 et février 2016. Malgré cela, les contacts via internet et par téléphone avec un certain nombre de responsables de centres ont été maintenus pendant toute l’année 2016. Une partie des questionnaires distribués dans les centres du pays ont été diffusés via internet sur la page

facebook nationale de l’organisation. Nous avons aussi, lors des entretiens, des séances

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24

Chapitre I

« Allez par tout dans le monde, et prêchez la bonne

nouvelle à toute la création. (Marc 16 :15) »

1.

Contextualisation - Création de YWAM

« Connaître Dieu et le faire connaître »

Ce fameux slogan de l’institution missionnaire évangélique Youth with a Mission (YWAM) est immédiatement reconnu par les missionnaires et les sujets impliqués dans le réseau. YWAM est à la fois un mouvement et une organisation évangélique internationale composé de chrétiens venant de nombreux milieux ecclésiastiques. Partant de la prémisse que chaque chrétien doit avoir pour mission de faire partie de ce qui s’appelle la « Grande Commission du Christ » (Matthieu 28.19-20)6 laissée par Jésus, l’organisation

interdénominationnelle7 a pour objectif la mobilisation des jeunes pour l’engagement à

« l’œuvre missionnaire », en réponse à l’un des principes de cette confession qu’est celui de travailler comme religion missionnaire.

L’organisation déclare être appelée par Dieu pour mettre en place des activités pionnières et créatives afin de diffuser la « parole de Dieu » et collaborer pour la conversion de nouveaux fidèles en espérant un changement de vies et de sociétés. YWAM est structuré dans un schéma modulaire d’offre de formations dans plusieurs domaines qui ont comme objectif d’équiper les jeunes avec des compétences professionnelles pour l’évangélisation et l’entraide. Les programmes de formation abordent les domaines de l’éducation, de l’art, des mobilisations évangéliques dans des grands événements religieux, populaires ou sportifs, la récupération et la réintégration des dépendants, des programmes adressés aux universitaires, aux médias, des bateaux d’assistance à la santé, parmi d’autres, et offre la possibilité de la création de nouveaux services pilotés par l’équipier.

De tendance charismatique8, YWAM a comme objectif d’attirer et de mobiliser la

jeunesse pour l’œuvre missionnaire en adaptant les méthodes missionnaires aux goûts culturels

6 Matthieu 28.19-20 « Allez, faites de toutes les nations des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du

Saint-Esprit et enseignez-leur à mettre en pratique tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. »

7 Appelé aussi « non confessionnelle »

8 À noter qu’au Brésil, l’expression charismatique ou carismático est utilisée pour la branche catholique

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et temporels des jeunes. La formation est un aspect clé pour la compréhension du modus

operandi de cette organisation. Le catalogue pour le choix est long, avec des centaines de pôles et de types de cours dans plusieurs domaines ayant de courtes formations en période estivale à une offre de formations plus approfondies pouvant aboutir à un diplôme universitaire. Elles collaborent aussi à donner aux participants une base de valeurs et pratiques communes.

Il ne s’agit pas seulement de formation générale, mais aussi de préparation à des programmes spécialisés : l’évangélisation peut passer par des canaux divers, par exemple des activités sportives. Cette formation est d’autant plus nécessaire qu’un nombre croissant de jeunes (même parmi ceux qui veulent s’engager au sein de JEM) n’ont « peu ou pas de culture biblique » (Fer, 2010, p. 38)

Fer (2010) décrit YWAM comme suivant un mode de fonctionnement par réseaux plus qu’une structure pyramidale, ce qui est favorable à des ministères thématiques et à des initiatives individuelles autour d’une vision commune. Son influence apparaît également dans des actions où l’organisation n’est pas présente en tant que telle, à l’instar de YWAM Ships9.

Tous les ministères sont reliés à trois catégories qui forment le trépied : Évangélisation - Formation – Entraide. Il est possible de tracer quelques parallèles avec les modes d’engagement militants contemporains qui jouent sur les repères des organisations traditionnelles, dans tous les domaines. Cet engagement autour de YWAM correspondrait, selon les notions de Willaime (2005), à la religion individuelle de convertis, liés à des réseaux transnationaux et transrégionaux qui caractérise le milieu évangélique.

YWAM est le fruit des jeunes générations de pentecôtistes des États-Unis, qui ont été intéressés, dès les années 1960, à trouver les voies d’une vie chrétienne hors institution, notamment à travers des réseaux missionnaires de jeunesse. L’attirance exercé par YWAM sur les jeunes était elle-même liée aux changements sociaux de cette période. De plus, l’agence au-delà d’être issue d’un contexte religieux particulier des années 1960, se développe en tant qu’ONG avec des caractéristiques humanitaires liées à sa branche « Entraide », en étroite relation avec un contexte social de développement des ONG dans la période de la Deuxième Guerre mondiale. Cette connexion entre les contextes cités va jouer dans les formes de

présence assez forte des sujets issus des églises du protestantisme historique. La composition des sujets engagés au sein de l’organisation suit la multitude de confessions présentes dans le panorama religieux du pays.

9 YWAM Ships est une organisation constituée en 2011 comme un ministère de YWAM. Elle est la restructuration

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manifestation de l’organisation en France et au Brésil et va également toucher les sujets engagés à travers ses perceptions en tant que « travailleur religieux ».

En dépit d’une influence prédominante majeure aux États-Unis, les églises et mouvements évangéliques prolifèrent partout sur la planète. En Amérique latine et surtout au Brésil, elles remplissent les églises quotidiennement et les stades lors de grands festivals. En Europe orientale, depuis la chute du communisme, la croissance est visible. En France, montagne escarpée et plus dure à grimper ils réussissent tout de même à accroitre.

Les formes d’expression de la religion et toute la charge historique et culturelle imprimés dans chaque pays dessinent un tableau de contours flous. Il n’est pas possible de parler globalement des résultats et des conséquences d’une institution implantée en principe avec les mêmes caractéristiques et normes, surtout parce que le triangle États-Unis /France/Brésil, en ce qui concerne le champ religieux, peut avoir des anneaux de liaisons très solides et très faibles en même temps.

1.1 L

’émergence des réseaux missionnaires évangéliques :

Contexte des années 1960

Les réseaux missionnaires évangéliques sont issus des organisations de jeunesse apparues entre 1944 et 1960 aux États-Unis, à la faveur d’un mouvement générationnel qui visait à la fois à se défaire des contraintes imposées par les institutions classiques et à conquérir un monde que les progrès des moyens de transport et de communication semblaient à portée de main. (FER, 2009, p. 123).10 À cela se rajoutait la crainte d’une avancée de l’athéisme

communiste, dans un contexte de Guerre froide. Aussi comme YWAM, d’autres organisations telles que Youth for Christ (YFC), fondée en 1944, avaient comme public principal la jeunesse. La Billy Graham Evangelistic Association, créée en 1949, World Vision, ONG humanitaire évangélique lancée en 1950 et l’association Campus Crusade for Christ (CCFC), fondée en 1951 sont devenues les organisations repères du pilier protestant.

Fer (2009) signale que ces organisations sont restées éloignées de la contre-culture radicale issue de la contestation de la guerre du Vietnam et du mouvement hippie. De la même manière, elles n’avaient pas une liaison étroite avec le Jesus People Movement, qui a tenté de

10 FER, Yannick. Les réseaux missionnaires évangéliques en Océanie : mobilités intergénérationnelles et

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convertir la quête de spiritualités orientales et de paradis artificiels en une foi chrétienne non-conformiste et intense (« High on Jesus »).

Théologiquement proches des tenants du conformisme social, elles ont néanmoins accompagné ces mutations de la société américaine, en offrant aux jeunes chrétiens des formes d’engagement et des lieux de rassemblement à mi-chemin entre les églises classiques qu’ils rejetaient et la culture de leur génération dont ils ne pouvaient endosser les aspects les plus radicaux : ce qui a donné, par exemple, le rassemblement Explo’72 organisé en juin 1972 à Dallas par CCFC avec le soutien de B. Graham, conclu par un grand concert rock auquel participait Johnny Cash. (Fer, 2009, p. 124)

YWAM, quant à son idéologie, se rapproche davantage de la contre-culture en prônant une émancipation plus nette vis-à-vis du protestantisme institutionnel et une libération plus radicale des formes d’expression. Ces positions sont inspirées par un credo charismatique ou « Charismatics » aux États-Unis. Elles constituent une sorte d’aile « libérale » du pentecôtisme, convaincue des vertus de la diversité et de la concurrence entre mouvements évangéliques et attachée à la liberté individuelle des croyants – ce qui se traduit notamment par une euphémisation des frontières institutionnelles et une dilution des étiquettes dénominationnelles. (Fer, 2009, p.125)

L’importance de l’engagement des sujets est passé aussi par une révision des pratiques. Nommée charismatisation de l’imaginaire évangélique, elle était au service d’un engagement politico-religieux dans l’espace public et a été portée par ce courant comme une alternative au pentecôtisme classique.C’est un type original de christianisme sur la base des bouleversements sociaux et culturels, donnant naissance à un nouveau paradigme caractérisé par quatre traits distinctifs: le développement d’un nouveau style de liturgie et de musique cultuelle (worship

music, qui prend en compte l’expression corporelle), une refonte organisationnelle des

institutions religieuses (sensible à la dimension thérapeutique, individualiste et autogestionnaire - anti-establishment- de la société américaine actuelle), une radicalisation du principe protestant du sacerdoce universel des croyants (vigoureux appel aux "laïcs"- lay

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post-28 denominational churches) s’avèrent toutes, des assemblées seeker-sensitive, sensibles aux personnes en recherche de sens et de lien social. (Fath,1999, p.20) 11

Ce type d’organisations missionnaires sont devenues des réseaux internationaux dont l’action se multiplie dans différents types de programmes et sous-réseaux sur des thèmes divers visant à influencer l’ensemble des champs de l’activité sociale sans avoir les barrières de l’espace ecclésial ou religieux : enseignement, musique, sports, business, santé, médias, action sociale, entre autres.

1.2 Les origines du pentecôtisme : Source de YWAM

YWAM a ses racines dans le pentecôtisme nord-américain, comme nous verrons davantage plus loin, et de ce fait il est important d’assimiler le développement de ce courant dès ses origines. Historiquement, le pentecôtisme a ses origines aux États-Unis dans deux réveils religieux du début du XX siècle sous l’impulsion des deux pasteurs d’origines méthodiste et baptiste12. Willaime (1999, p.6) soutient que dès ses origines ce mouvement

religieux est marqué par une expansion mondiale et un caractère transnational. En Afrique il est introduit en 1910, comme au Brésil, à travers deux missionnaires suédois d’origine baptiste et un évangéliste italo-américain13 d’origine catholique, puis presbytérienne. En France il est

introduit dans les années 1930.

Dans un premier moment, le pentecôtisme avait comme caractéristiques principales le baptême du Saint-Esprit, la glossolalie, le biblicisme et une structuration confessionnelle séparée. Il est enfin de nature prosélyte ; chaque pentecôtiste devenant un évangélisateur, ce qui n’empêche pas un rôle important des pasteurs dans le leadership des communautés. (Willaime, 1999, p.7). Il a son origine dans le mouvement méthodiste de sanctification

Holiness Movement du protestantisme nord-américain et à la conversion, la sanctification et le baptême comme trois caractéristiques essentielles. Le pentecôtisme est autant transnational que divers en nombre de dénominations. Les églises Assemblée de Dieu14 sont les plus

connues.

11FATH, Sébastien. Protestantisme et lien social aux États-Unis. In: Archives de sciences sociales des religions,

n°108, pp.5-24, 1999.

12 Charles F. Parham (1873-1929) et William J. Seymour (1870-1922)

13 Daniel Berg (1884-1963), Gunnar Vingren (1879-1933) et Luigi Francescon (1866-1964)

14 L'Assemblée de Dieu est la plus grande Église pentecôtiste dans le monde avec environ 52,5 millions de

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Nous allons adopter pour le classement du pentecôtisme et ses nuances l’idée des trois vagues historiques15 formulés par Paul Freston et qui sont capables de distinguer la capacité

d’adaptation dans ses aspects théologiques, liturgiques et éthiques, décrites ici par Sébastien Fath16. Le « terme vague permettant justement de souligner la capacité d’adaptation du

pentecôtisme tant dans ses aspects théologiques, liturgiques et éthiques » (Willaime, 1999, p, 09)

La métaphore des « vagues », d’abord utilisée au Brésil par Paul Freston est un outil pour la compréhension du mouvement pentecôtiste. Cette adaptation faite par l’auteur est le fruit de l’appropriation de la métaphore que David Martin a utilisé pour désigner le monde Histoire du Protestantisme, dans lequel il distingue les grandes vagues, la puritaine, la méthodiste et la pentecôtiste.

La « première vague » aurait donné naissance au pentecôtisme, au début du XX siècle, avec un fort accent sur le baptême du Saint-Esprit, la glossolalie, le biblicisme et une structuration confessionnelle séparée. Représentant le plus connu de cette vague : le puissant mouvement des ADD (Assemblées de Dieu).

La « seconde vague » aurait donné naissance au charismatisme classique, à partir du début des années 1960. Elle se caractérise par un fort accent sur l’épanouissement par l’Esprit, la diversité des dons spirituels (sans se focaliser sur la glossolalie qui perd son statut de signe indispensable), une ouverture œcuménique (dimension trans-confessionnelle), et un biblicisme à géométrie variable.

La « troisième vague » (le charismatisme) : largement assimilable à ce qu’on appelle le "néopentecôtisme"- est né quant à lui au début des années 1980. Il emprunte à ses deux prédécesseurs, mais se distingue sur trois points :

a) D’abord, il insiste très fortement sur la spiritualisation des lieux et des nations (possédés par des esprits, des démons, des anges).

b) Ensuite, il met au premier plan la « guerre spirituelle » (spiritual warfare) entre Dieu et ses anges, et Satan et ses démons.

c) Enfin, il martèle l’idée que l’Evangile doit être « puissant » (Power Evangelism), donc se manifester obligatoirement par des « signes et prodiges » (Signs and Wonders), ce qui a

15 FRESTON, Paul. Breve história do pentecostalismo brasileiro, in Valle R., Sarti I., (éds.), Nem anjos nem

demônios. Interpretações sociológicas do Pentecostalismo, Petrópolis, Editora Vozes, pp. .67-162, 1994

16 FATH, Sébastien. Les charismatiques troisième vague, c’est quoi ? In

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nettement tendance à marginaliser le biblicisme évangélique au profit d’une vision hyper-enchantée du monde.

Fer (2010) fait la distinction entre les pentecôtismes vécus aux États-Unis et source de YWAM. D’un côté un pentecôtisme institutionnel, souvent plus conservateur, et de l’autre côté un réseau de pentecôtistes plus libéraux, aussi nommé Charismatics, charismatiques indépendants ou « neo-charismatiques » (Fer, 2010). Cela veut dire une relativisation des frontières institutionnelles qui est fort présente dans les fondements de YWAM. L’auteur cite encore trois autres caractéristiques qui placent l’organisation an tant que charismatique en dépit de pentecôtiste classique, à savoir, la relation avec d’autres églises, la professionnalisation de l’action missionnaire et l’encadrement des convertis, et pour fin, la destination du converti et l’affiliation à une église. YWAM n’a jamais eu pour but la conquête de fidèles pour une seule et spécifique église ou dénomination.

1.3 Les agences missionnaires évangéliques au sein des

résolutions du congrès de Lausanne

Pour les protestants évangéliques, l’évangélisation et le champ missionnaire ont toujours été symboles et pratiques de ce « christianisme de conversion ». Ces aspects de l’univers protestant ont été profondément influencé par les écritures : la théologie, la liturgie, la prédication, la dévotion personnelle et familiale, la vie intellectuelle, la littérature et l’art, ainsi que les concepts éthiques, politiques et sociaux. La Bible a été également derrière le grand mouvement de renaissance des églises évangéliques, comme le puritanisme anglais, allemand piétisme et nord-américain.

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Le cœur de l’évangélisme c’est l’association de convertis. C’est la conversion, le choix individuel des convertis qui se traduit par l’engagement prosélyte avec une dimension de contrôle social important. Il est important de mentionner qu’il y a des éléments qui permettent à un pays de donner lieu à un scénario évangélique plus qu’un autre. Il est nécessaire un contexte de liberté, un pluralisme religieux et également la valorisation de l’individu dans lequel soit permis de vivre indépendamment de la famille, de la tribu, etc.

Le début de cette course prosélytiste qui a plus tard abouti dans la structuration des organisations missionnaires modernes, trouve ses sources dans les initiatives missionnaires classiques. Selon Boisset (1971), l’action missionnaire moderne a eu pour instigateur William Carey (1761-1834), qui a fondé la Société Missionnaire Baptiste et s’est rendu en Inde en tant que missionnaire. À cette époque l’Angleterre était assez engagée dans l’évangélisation des païens, qu’était réalisée par des fidèles de toutes filiations (ce qui a été la première grande manifestation d’œcuménisme à l’intérieur des fractions protestantes). Ainsi la Société Missionnaire de Londres a été fondée, s’est répandue dans divers pays et son importance se manifeste encore de nos jours. Dès lors, le travail missionnaire a pris une grande place, aussi bien dans les églises que dans les organisations religieuses parachurchs, comme YWAM. Quelques noms importants dans l’œuvre missionnaire sont Hudson Taylor, en Chine et David Livingstone, le « prince des Missionnaires » en Afrique.

En 1910, on compte plus de trois cents sociétés missionnaires évangéliques et protestantes, ce qui témoigne du dynamisme du mouvement missionnaire protestant. À cette date, une conférence mondiale se tient à Édimbourg, préfiguration du Conseil œcuménique des Églises. Les États-Unis fournissent à cette date près de la moitié des ressources et du personnel missionnaire. Plus tard en 1960, ils en fourniront les deux tiers.

1.4 Le rôle du congrès de Lausanne

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représentants liés au mouvement missionnaire occidental et outre l’évangélisation. Cette réunion historique a mis l’accent sur la coopération et l’unité. À la suite d’Édimbourg 1910, après la Première guerre mondiale, le comité de continuation est devenu en 1921 le Conseil International des Missions (CIM). Le Conseil Œcuménique des Églises (COE) apparaît sous sa forme institutionnelle en 1948. Dans le même temps, des alliances se constituent entre missions afin de coordonner leurs entreprises.

Après plusieurs congrès précurseurs, Billy Graham et son association ont organisé avec John Stott, un anglican évangélique, le premier « Congrès pour l’évangélisation mondiale », à Lausanne en 1974. Il prend fait de la décentration des changements sociaux, de la multipolarité des missions et de la pluralité de l’origine nationale des missionnaires. Ainsi, le Mouvement de Lausanne naît à l’initiative de Billy Graham et devient un emblème de l’unité évangélique dans la mission avec une capacité de mobilisation significative. Il est intéressant de constater que les théologiens du Sud qui ont contribué substantiellement au succès de ce congrès, étaient en majorité issus du nouveau mouvement estudiantin évangélique. Le comité de suivi du premier congrès se transforma en « Comité de Lausanne pour l’évangélisation mondiale » (CLEM), qui a organisé deux autres congrès mondiaux à Manille en 1989 et au Cap en 2010.

La contribution la plus importante du congrès de Lausanne est la rédaction d’une déclaration de foi trans-dénominationnelle qui peut se résumer dans le slogan « Toute l’Église offrant tout l’évangile à tout le monde ». C’est un contexte d’œcuménisme, de structuration en réseau, de capitalisation des ressources en réponse à la globalisation rapide du religieux et en vue d’organiser une stratégie d’évangélisation totale. (Mézié, 2008, p.10) Au congrès de Lausanne, le missionnaire américain Ralph Winter avait indiqué que le terme « toutes les nations » (panta ta ethne), dans le mandat missionnaire de Matthieu 28:19, ne ciblait pas des États politiques, mais des groupes socioculturels : des peuples. Ainsi, dans la pensée de Ralph Winter, la conférence avait la tâche de chercher des sociétés missionnaires prêtes à adopter les peuples non encore atteints. (Wihek, 2011, p. 78).

Références

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