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CORNEILLE ET LA FRONDE

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CORNEILLE ET LA FRONDE

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DU MÊME AUTEUR PRINCIPALES PUBLICATIONS

LA VIEILLESSE DE CORNEILLE (1658-1684), Paris, Maloine, 1949. Rééd. Eurédit, 2003, préface ALAIN NIDERST.

LE LÉGENDAIRE CORNÉLIEN, Paris, Deshayes, 1949.

RÉALISME DE CORNEILLE, LA CLEF DE « MÉLlTE ». RÉALITÉS DANS « LE CID », Paris, Les Belles Lettres, 1953.

LA FONTAINE, FABLES CHOISIES MISES EN VERS, introduction, notes et relevé de variantes par G. Couton, Paris, Garnier, « Classiques Garnier », 1962. Nouv. éd. 1983.

CORNEILLE, Paris, Hatier, « Connaissances des Lettres », 1958. Nouv. éd. revue et mise à jour, 1969 [1958, 1963]. LA FONTAINE, CONTES ET NOUVELLES EN VERS, introduction, notes et relevé de variantes par G. COUTON, Paris, Garnier, « Classiques Garnier » 1961. Nouv. éd.

augmentée d'un sommaire biographique, 1966, 1985. La POLITIQUE DE LA FONTAINE, Paris, Les Belles Lettres, 1959.

PIERRE NICOLE, TRAITÉ DE LA COMÉDIE, introduction, notes et variantes, Paris, Les Belles Lettres, 1961.

LA FONTAINE, FABLES CHOISIES MISES EN VERS, introduction, bibliographie, som- maire biographique, notes et relevé de variantes, Paris, Classiques Garnier, 1962, 1966, 1985.

MOLlÈRE, ŒUVRES COMPLÈTES, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1971, 2 vol.

PIERRE CORNEILLE, ŒUVRES COMPLÈTES, textes établis, présentés et annotés par G. COUTON, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1980, 1984, 1987, 3 vol.

RICHELIEU ET LE THÉÂTRE, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1986. Nou- velle éd. revue et corrigée, préface ALAIN NIDERST, Eurédit, 2008.

CORNEILLE ET LA TRAGÉDIE POLITIQUE, Paris, PU.F., « Que sais-je ? », n° 2174, 1984. 2 éd. mise à jour, 1990. ÉCRITURES CODÉES : ESSAIS SUR L 'ALLÉGORIE AU XVII SIÈCLE, Paris, Aux Amateurs de livres, « Théorie et critique à l'âge classique », n° 5, 1990. LA CHAIR ET L 'ÂME : LOUIS XlV ENTRE SES MAÎTRESSES ET BOSSUET, Grenoble, Pres- ses universitaires de Grenoble, « Theatrum mundi. Étude », 1995.

© Eurédit - J & S éditeur - européenne d'édition numérique Paris - Décembre 2008 - 1 éd., Publications de la Faculté des Lettres de Clermont, 1951,

sous le titre : Corneille et la Fronde. Théâtre et politique il y a trois siècles ISBN : 978-2-84830- 118-X/EAN : 9782848301181

ISSN : 1639-3872

La loi du 11 mars 1957 interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective.

Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon

sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

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GEORGES COUTON

CORNEILLE ET LA FRONDE

THÉÂTRE ET POLITIQUE nouvelle édition

revue, corrigée et augmentée

RÉVISION JOSÉ SANCHEZ

préface Alain Niderst

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NOTE DE L'ÉDITEUR

Grâce à l'aimable autorisation de madame Jeannie Couton, que nous remercions, nous pouvons mettre à la disposition des étudiants et des jeu- nes chercheurs une nouvelle édition, entièrement recomposée, de l'ouvrage que le regretté Georges Couton avait consacré aux rapports du théâtre et de la politique au moment de la Fronde.

Notre révision de la première édition (Publications de la Faculté des Lettres de Clermont, 1951, publiée sous le titre : Corneille et la Fronde.

Théâtre et politique il y a trois siècles) s'est attachée d'abord, évidem- ment, à corriger les coquilles typographiques ; ensuite à compléter les nombreuses références bibliographiques de l'ouvrage. C'est ainsi que nous avons, par exemple, tenu compte, pour ce qui concerne les citations, de certaines éditions dont la parution est postérieure au livre de G. Couton.

En tout premier lieu, cela va de soi, à l'édition des Œuvres complètes de Pierre Corneille (éd. Georges Couton, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1980, 1984, 1987, 3 vol.), édition désormais de référence, à laquelle nous renvoyons chaque fois que l'éminent érudit sollicite Marty- Laveaux (Pierre Corneille, Œuvres, éd. Charles Marty-Laveaux, Paris, Hachette, coll. « Grands Écrivains de la France », 1862-1868, 12 vol. et un album).

Nos références renvoient, en particulier, aux deux éditions suivantes : - Aux Historiettes de Tallemant des Réaux, texte intégral établi et annoté par Antoine Adam, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1960-1961, 2 vol., qui remplace, bien qu'épuisée, l'édition de Monmerqué et Paris, J. Techener, 1854, 9 vol.

- À la Dynamis de Pierre Du Ryer, édition critique de la pièce procu- rée par Jean Rohou, Exeter, University of Exeter Press, « Textes littérai- res », 1992.

Nous remercions le professeur Alain Niderst d'avoir bien voulu ac- cepter de préfacer cet ouvrage.

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PRÉFACE

Gustave Lanson affirmait que « l'histoire est un cours de politique expérimentale ». Plus précisément il n'hési- tait pas à proclamer que le théâtre de Corneille est à peu près à la France du XVII siècle ce que Le Rouge et le Noir et La Comédie Humaine sont à la France du XIX siècle.

Ainsi donc on peut décrocher les masques antiques, ou n'y voir que des ornements qui apportent un peu de pompe et de poésie à ce théâtre. Il ne faut d'abord y cher- cher que des épisodes ou des problèmes de la politique du XVII siècle.

C'est l'optique que Georges Couton a adoptée dans son Corneille et la Fronde. Il y analyse Don Sanche, Ni- comède et Pertharite. Trois tragédies qu'il juge « allé- goriques », qu'on ne peut comprendre à son avis qu'en recourant à des clefs politiques. Don Sanche invite les spectateurs à songer à l'étroite union, au possible ma- riage secret, de la reine Anne et de Mazarin. Nicomède est une apologie de Monsieur le Prince ; Métrobate et Zénon, les deux agents doubles (ou provocateurs) sti- pendiés par Arsinoé pour ramener Nicomède à la cour, évoquent le faux attentat dont Guy Joly se prétendit vic- time au fort de la Fronde, et Corneille se plaît à nous

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montrer avec quel art Laodice, telle M de Longueville, sait organiser une insurrection. Il n'est pas interdit de penser à la révolution d'Angleterre quand on voit Pertharite, ni de regarder Grimoald comme un autre Cromwell.

Il est certain qu'au temps de la guerre civile le public n'oubliait pas en entrant au théâtre ce qui se passait dans les rues et les palais de Paris. Il connaissait d'ailleurs les arguments des mazarinistes et les arguments des Fron- deurs, le recours que l'on pouvait faire au machiavélisme pour justifier ou pour condamner une politique.

Ne disons pas qu'en retrouvant des anecdotes particu- lières dans les grandes pièces historiques Georges Couton les rétrécit et les éloigne de nous. Il importe au contraire que les clefs soient bien précises. C'est ainsi seulement que peuvent s'apprécier l'art et la philosophie de Cor- neille.

Mais cette précision ne va pas toujours sans encom- bres. Il demeure délicat (mais non impossible) de trou- ver dans Nicomède un Corneille frondeur, dans Pertharite un Corneille mazariniste. Il n'est pas sûr à tout prendre que le fils de Prusias, quelles que soient sa valeur et la noblesse de ses attitudes, doive être considéré comme un modèle idéal : Fontenelle ne disait-il pas que le prince

« fait trop le jeune homme » ?

Politique et Morale, c'est à cet immense problème que Corneille nous conduit. Ce qui englobe et dépasse les vérités et les apories du machiavélisme.

Le premier devoir d'un poète est de toucher son pu- blic. il est utile pour cela de remuer des faits récents et les polémiques qu'ils suscitent. Mais chaque spectateur a sa culture et ses préoccupations. Le théâtre ne peut échapper à ses traditions ni à ses conventions. L'histoire n'est pas seulement une transparente parure. La clef ne peut donc être unique ni indubitable. Une lecture plu-

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rielle s'impose forcément, et c'est cette pluralité qui fait ce qu'il y a de plus beau et de plus émouvant dans les tragédies de Corneille... et d'ailleurs dans celles de Ra- cine et de Shakespeare.

Par sa sagacité, sa méticulosité dans l'analyse, les nuances auxquelles il s'attache constamment, Georges Couton nous propose un modèle de critique, qui en une cinquantaine d'années n'a nullement vieilli. Il faut sui- vre le fil qu'il nous indique. On peut parfois chercher ou trouver autre chose, mais il faut d'abord se laisser entraî- ner à cette démarche si raisonnable et si suggestive.

Alain NIDERST

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INTRODUCTION

Notre propos n'est pas de consacrer aux trois pièces de Don Sanche d'Aragon, Nicomède, Pertharite des étu- des qui éclaireraient un peu toutes leurs faces. Elles le mériteraient sans doute. Don Sanche « comédie héroï- que » - et ce sous-titre inusité appelle à lui seul l'atten- tion - avec son style volontiers épique, plus souvent glis- sant vers le romanesque et s'alanguissant dans l'élégia- que, apparaîtrait peut-être comme la plus authentique- ment précieuse des pièces de Corneille, plus qu'Œdipe dont les précieuses se sont officiellement réclamées. On ne lit plus beaucoup Don Sanche, mais Nicomède a connu une meilleure fortune. Une pièce pour laquelle Corneille avait « de l'amitié », et qui manie avec tant de vigueur et de hauteur l'ironie peut aller de pair avec les plus gran- des. Pertharite est sans doute la tragédie la plus mécon- nue de tout le théâtre cornélien. Tout de suite elle a échoué à la scène. Nulle voix depuis ne s'est élevée que pour l'accabler. Voltaire a fait pis que la condamner : il l'a comparée avec Andromaque. Racine « a tiré son or de cette fange ». Seule désormais la confrontation avec An- dromaque apportait à Pertharite un intérêt extérieur as- sez humiliant : elle devenait le portrait d'une aïeule dont on ne se demande plus si elle eut un caractère ; toute son

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existence posthume est de se prêter à la recherche des hérédités, au jeu des ressemblances familiales. Devenir une « source » a été pour Pertharite la pire disgrâce : on ne le jouait pas, on le lisait peu ; on ne l'a pas joué da- vantage ; on l'a lu plus mal et les derniers actes moins bien encore que les autres : ils ne se prêtent plus à la confrontation avec Andromaque. La critique aboutissait à des vetos comme celui-ci : « on peut négliger de lire cette pièce étrange 1 ». « Pièce étrange » ? Quelle pro- messe en cette condamnation ! Voilà de quoi tenter.

Pertharite nous consolerait-il qu'il ne se soit pas trouvé d'inédit cornélien ?

Sans doute un seul ordre d'explications ne suffit pas à rendre compte d'une pièce de théâtre. Elle confère la vie à un ambitieux, à un amoureux, à un généreux, à des âmes de moins pur alliage. Il faut amener des situations qui provoquent le jeu de tel ou tel ressort, obligent tel ou tel sentiment à se manifester. Une étude de caractères a donc une large vertu explicative.

Il faut dire encore que les nécessités de la scène impo- sent leurs contraintes, les troupes leurs désirs ou leurs exigences : Corneille prévoyait des rôles à la mesure de tel ou tel de ses interprètes 2 Pour les trois pièces qui nous occupent, de telles explications, toujours chanceu- ses, sont impossibles : on ignore où et par qui elles ont été jouées.

Leurs sources livresques sont connues. Mais les étu- dier amènent seulement à constater, une fois de plus, les très grandes libertés que prenait Corneille à leur égard.

Au reste, la découverte de sources livresques ne peut constituer qu'une première étape dans la connaissance d'une œuvre littéraire. Voir l'ouvrier a son établi et sur- prendre ses tours de main est toujours instructif, parfois passionnant. On souhaiterait pousser plus loin « l'inven- taire de l'abîme », savoir pourquoi dans la multitude des

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thèmes et des sujets celui-là, plutôt qu'un autre, a été élu, déterminer à quelle nécessité ou à quel besoin ré- pond ce choix.

Le succès de ces trois pièces est déjà un moyen d'orien- ter les recherches. Nicomède a reçu tout de suite l'ac- cueil le plus chaleureux. Une opposition restée assez mys- térieuse a brisé la carrière parisienne de Don Sanche d'Aragon sans nuire au succès en province. Pertharite a été jouée une fois, disent les uns ; deux ou trois, selon les autres. Les pièces d'un débutant peuvent tomber obscu- rément dans l'indifférence du public. Des « fours » cor- néliens méritent une autre explication, des raisons pure- ment littéraires ne sauraient guère constituer une justifi- cation suffisante d'un échec aussi brutal.

Nous avons donc tâché d'éclairer ces trois pièces à la fois de l'intérieur et de l'extérieur. De l'intérieur : en les analysant avec autant de précision que possible ; et ce travail là était encore à faire, si étonnant que cela pa- raisse, pour l'une d'entre elles au moins, pour Pertharite.

Par ailleurs nous avons essayé de déterminer quelles étaient les préoccupations du public au moment où elles ont paru. La France était en révolution. Pareil climat po- litique suscite d'ordinaire des vocations de mémorialiste.

Il provoque aussi l'éclosion de toute une littérature de polémique. Nous avons donc dépouillé les mémorialis- tes ; peu de mémoires imprimés nous ont, croyons-nous, échappé. Dépouiller de même l'immense production po- lémique, il ne pouvait en être question. Mais en ces ma- tières les travaux de Moreau 3 restent d'un très haut prix.

Au moins avons-nous, avec cette aide, pratiqué de larges sondages. Par ailleurs nous avons cherché si les pièces des contemporains de Corneille ne laissaient pas paraî- tre des préoccupations analogues aux siennes. Est-il be- soin de dire les inestimables services que nous ont rendu les travaux de Carrington Lancaster ? Enfin nous avons

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cherché à déterminer, par d'autres procédés que l'étude de son théâtre, quelles avaient été les attitudes politiques de Corneille pendant la Fronde ; il y avait là aussi fort à faire : les biographes ne s'étaient guère attachés à cette période.

Ainsi sommes-nous arrivés à insérer les pièces à étu- dier dans une chronique, encore bien imparfaite, des an- nées 1648-1652, où plutôt des saisons théâtrales 1648- 1652. Cette unité de temps était imposée par l'objet même de cette étude. L'année théâtrale, rappelons-le, commence à Pâques, au moment où les théâtres rouvrent, avec par- fois des troupes remaniées, pour se terminer avec les pénitences du carême.

Le résultat de cette recherche est la découverte de

« clefs » de Don Sanche d'Aragon, Nicomède, Pertharite.

Il faut bien avouer que l'explication par clefs n'a pas trop bonne presse en histoire littéraire. Les clefs sont parfois discréditées par l'enthousiasme de leur inventeur, qui leur demande trop ; parfois aussi, et à l'occasion avec plus de malignité que de bonne foi, par quelque non-in- venteur qui, constatant qu'elles n'expliquent pas tout, n'admet pas le peu qu'elles expliquent.

Nous tâcherons quant à nous d'utiliser nos clefs avec prudence. Au reste une clef qui resterait douteuse, tant qu'elle n'est fondée que sur l'examen intérieur de l'œuvre, gagne singulièrement en probabilité lorsque les circonstances historiques la rendent vraisemblable. Nous croyons que c'est le cas pour les pièces qui nous occu- pent.

Nous pensons d'ailleurs que les historiens et les criti- ques littéraires oublient trop qu'une forme de la pensée de notre XVII siècle, nous dirions presque une catégo-

rie de son e n t e n d e m e n t , est l ' a l l é g o r i e L ' h o n n ê t e h o m m e était de toutes parts sollicité par une symboli- que : l'éducation reçue au collège, les instructions don-

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nées par l'Église, les livres - l'Alaric de Scudéry comme les Fables de La Fontaine — , les ballets, les arcs de triom- phe, les feux d'artifice, les peintures des plafonds et les tapisseries pendues aux murs, les groupes qu'ornaient les parcs contenaient autant d'invitations à la recherche de sens cachés.

Avouons que nous ne sommes plus capables de dis- cerner sûrement entre les sens « métaphorique » et « mys- tique », « anagogique » et « emblématique ». Il nous faut pourtant nous dire qu'une œuvre du XVII siècle est loin d'être bien comprise tant que le sens extérieur seul en est vu. Il ne faut pas considérer une recherche des clefs comme une fantaisie d'imaginations un peu effervescen- tes et d'esprits en quête de nouveautés à tout prix pour rajeunir de vieilles œuvres. La recherche de sens « mys- tiques » était un des objets de la critique au XVII siècle.

Elle doit devenir un des objets des historiens de la litté- rature.

Nous croyons, pour notre part, que les trois pièces de Don Sanche d'Aragon, Nicomède, Pertharite constituent des examens de la situation politique pendant la Fronde, et qu'elles comportent même prise de position.

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CHAPITRE PREMIER

LE THÉÂTRE APRÈS LA MORT DE RICHELIEU

Le cardinal de Richelieu mort, Louis XIII raya les pen- sions aux gens de lettres en disant : « Nous n'avons plus affaire de cela 1 ». Sans doute avait-il tort et la figure hu- miliée qu'il fait dans l'histoire pourrait bien avoir souf- fert de cette économie. Mazarin ne se soucie pas beau- coup plus des écrivains ; et il était moins pardonnable encore, n'étant pas roi : un Premier ministre qui succède à un Premier ministre détesté, un étranger, qui s'implante en France où l'on a gardé la haine de l'Italien Concini, ne devait pas négliger des défenseurs.

Un homme en place doit aimer son prince, sa femme, ses enfants, et après eux, les gens d'esprit ; il les doit adop- ter, il doit s'en fournir et n'en jamais manquer [...] Quels petits bruits ne dissipent-ils pas ? quelles histoires ne ré- duisent-ils pas à la fable et à la fiction ? Ne savent-ils pas [...] s'élever contre la malignité et l'envie [...], détourner les petits défauts, ne montrer que les vertus, et les mettre dans leur jour, semer en mille occasions des faits et des

détails qui soient avantageux [...] ? 2

Il faut bien s'arrêter de citer, mais tout ce paragraphe de La Bruyère mérite d'être médité et qui voudrait bien le prendre y trouverait les thèmes d'une large étude sur

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le mécénat au XVII siècle. Sans aucun doute l'histoire littéraire, et l'histoire elle-même, y trouveraient leur pro- fit.

Quoi qu'il en soit, Mazarin négligea les « gens d'es- prit ». Avec sa phraséologie compliquée, mais qui ne sur- prenait pas les lecteurs de la Carte de Tendre, du Royaume de Coquetterie ou du Pays de Jansénie, la Nouvelle allé- gorique de Furetière montre bien quel désarroi la mort de Richelieu avait semé parmi les écrivains. Ce « grand luminaire » éteint, ils cherchèrent un peu partout de quoi vivre, acceptant en France, ou mieux encore en Suède ou au Danemark des secrétariats et des préceptorats, ou bien encore « se mettant en service chez les comédiens, les imagers et les libraires... Tel fut contraint par la néces- sité de faire des traductions à trente sous ou un écu la feuille ; tel des vers à quatre francs le cent quand ils étaient grands et à quarante sous quand ils étaient petits 3 ».

Lorsqu'on étudie les œuvres littéraires des années 1648-1653 et qu'on demande aux historiens leur aide pour les interpréter et les intégrer dans un climat politique et social, on s'aperçoit très vite qu'ils apportent plus de sujets de recherches que de solutions et qu'ils ont surtout des incertitudes à faire partager. Une étude récente de R. Mousnier ne s'attache qu'à un épisode de la Fronde, aux journées des 26, 27 et 28 août 1648 ; mais l'auteur en a profité pour donner une bibliographie critique des études et des sources et souligner les graves lacunes de nos informations. Par ailleurs l'ouvrage récent de l'his- torien russe B. F. Porchnev 5 nous paraît de nature à re- nouveler la question. Porchnev a eu à sa disposition ceux des papiers du chancelier Séguier que conserve la Bi- bliothèque nationale de Léningrad. Ils font apparaître l'importance et le nombre des révoltes populaires en France pendant les années 1623-1648 : émeutes des com- pagnons tisserands de Lyon, croquants du Quercy, va-

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nu-pieds de Normandie - dont l'historien de Corneille ne peut pas se désintéresser - bien d'autres encore. La Fronde ne saurait être isolée de ces mouvements pro- fonds qui la préparent.

Mais, en attendant que l'histoire financière, politique et surtout sociale puisse lui apporter un appui plus sûr, l'historien de la littérature doit signaler sinon une cause de la Fronde du moins un facteur d'aggravation mé- connu : le brusque passage du « dirigisme » littéraire à une liberté assez embarrassée d'elle-même. Richelieu mort, le monde littéraire désorganisé constitue une « in- telligentsia » mécontente, besogneuse et parfois faméli- que, qui se laisse attirer par l'opposition. En prévision peut-être des luttes prochaines, les grandes maisons re- crutent parmi les gens de lettres. L'aristocratie des écri- vains fournit à l'aristocratie de la naissance, ou des fonc- tions publiques des « domestiques », d'activés et intelli- gentes « éminences grises » : Sarasin à Conti, Ménage, pendant un temps au moins, au coadjuteur de Gondi, Esprit et la Chambre à Séguier, Segrais à Mademoiselle...

Dans la plèbe, se recrutent les auteurs de pamphlets, et le débordement de leurs mazarinades a permis d'entretenir une fièvre politique par laquelle se prolongent et s'avi- vent les troubles. Le monde littéraire maintenu dans le parti du cardinal Mazarin, sans aucun doute le cours des événements eût grandement changé.

En ce qui concerne le théâtre, la mort de Richelieu agit doublement : à la fois sur la condition des écrivains et sur les techniques dramatiques même. Avec lui en ef- fet disparaît la puissance de ce comité de « doctes » qui avait imposé les règles. Chapelain, Desmarest de Saint-

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Sorlin, l'abbé d'Aubignac poursuivent leur œuvre de cri- tiques littéraires, mais en ordre dispersé, et sans rencon- trer de la part des auteurs la même docilité déférente que lorsque se profilait derrière eux la silhouette impérieuse du Grand Cardinal. D'Aubignac va être réduit à garder en portefeuille son Projet pour le rétablissement du Théâ- tre français ; pareil rétablissement n'est plus une affaire d'Etat.

La forme de la tragédie est cependant assez bien fixée par l'effort des théoriciens et plus encore par un acquis de grandes œuvres, pour résister aux altérations : même les succès de la tragi-comédie n'incitent pas les auteurs à reprendre avec les règles les libertés d'autrefois. C'est dans son inspiration et non dans sa forme que la tragédie se sent du nouvel esprit d'indépendance.

Au poète dramatique était confiée la mission « d'en- seigner des choses qui maintiennent la société publique, qui servent à retenir les peuples dans le devoir ». Cette formule de l'abbé d'Aubignac, un survivant de la géné- ration autoritaire, résume bien en 1657 l'esprit qui ani- mait la tragédie pendant les années 1636-1643. Passé 1643, les écrivains ne se croient plus tenus et ne sont plus tenus au même conformisme. On voit apparaître des tirades inquiétantes et se manifester un esprit critique

nouveau 7

Le Scévole de Du Ryer, qui doit avoir été joué dans la saison 1645-1646 s'élève contre la croyance aux présa- ges :

TARQUIN

Ces superstitions et tout ce grand mystère Sont propres seulement à tromper le vulgaire ; C'est par là qu'on le pousse, ou qu'on retient ses pas Selon qu'il est utile au bien des potentats. (Scévole, II, 4, v. 649-652)

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Gustave Lanson affirmait que « l'histoire est un cours de politique expérimentale ». Plus précisément il n'hésitait pas à proclamer que le théâtre de Corneille est à peu près à la France du XVII siècle ce que Le Rouge et le Noir et La Comédie humaine sont à la France du XIX siècle. Ainsi donc on peut décrocher les masques antiques, ou n'y voir que des ornements qui apportent un peu de pompe et de poésie à ce théâtre. Il ne faut d'abord y chercher que des épisodes ou des problèmes de la politique du XVII siècle.

C'est l'optique que Georges Couton a adoptée dans son Corneille et la Fronde. Il y analyse Don Sanche, Nicomède et Pertharite. Trois tragédies qu'il juge « allégoriques », qu'on ne peut comprendre à son avis qu'en recourant à des clefs politiques. Don Sanche invite les spectateurs à songer à l'étroite union, au possible mariage secret, de la reine Anne et de Mazarin.

Nicomède est une apologie de Monsieur le Prince ; Métrobate et Zénon, les deux agents doubles (ou provocateurs) stipendiés par Arsinoé pour ramener Nicomède à la Cour, évoquent le faux attentat dont Guy Joly se prétendit victime au fort de la Fronde, et Corneille se plaît à nous montrer avec quel art Laodice, telle M de Longueville, sait organiser une insurrection.

Il n'est pas interdit de penser à la révolution d'Angleterre quand on voit Pertharite, ni de regarder Grimoald comme un autre Cromwell.

Il est certain qu'au temps de la guerre civile le public n'oubliait pas en entrant au théâtre ce qui se passait dans les rues et les palais de Paris.

Il connaissait d'ailleurs les arguments des mazarinistes et les arguments des Frondeurs, le recours que l'on pouvait faire au machiavélisme pour justifier ou pour condamner une politique. Ne disons pas qu'en retrouvant des anecdotes particulières dans les grandes pièces historiques, Georges Couton les rétrécit et les éloigne de nous. Il importe au contraire que les clefs soient bien précises. C'est ainsi seulement que peuvent s'apprécier l'art et la philosophie de Corneille.

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