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Article pp.118-120 du Vol.2 n°2 (2012)

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CAS CLINIQUE /CASE REPORT

Syndrome de Boerhaave

Boerhaave’s Syndrome

K. Habchi · A. Blatt · T. Schmutz · M. Hoffmann · F. Braun

Reçu le 26 octobre 2011 ; accepté le 10 janvier 2012

© SFMU et Springer-Verlag France 2012

Le syndrome de Boerhaave est une entité clinique rare, de diagnostic difficile et de pronostic sévère. Nous rapportons un cas pris en charge en service d’urgences. Le diagnostic a été évoqué cliniquement par la découverte d’un emphysème sous cutané cervical et thoracique puis affirmé grâce à la tomodensitométrie.

Observation

Un patient de 52 ans aux antécédents de psychose chronique et d’achalasie de l’œsophage, est transféré pour syndrome abdominal aigu par le service psychiatrie où il est hospitalisé pour un état d’agitation. À l’arrivée, il est agité, tachycarde, en collapsus, apyrétique. L’interrogatoire est impossible, son discours se limitant à une écholalie. L’examen clinique retrouve des ronchi diffus, un abdomen tendu avec défense généralisée, un emphysème sous cutané latéro-thoracique droit, au niveau des creux axillaire et sus claviculaire. Il n’y a pas de signe périphérique de choc. Le reste de l’exa- men clinique est sans particularité.

Le bilan biologique retrouve une hyperleucocytose à 23000/mm3et une hyponatrémie à 124 mmol/L. La gazomé- trie artérielle en air ambiant, révèle une hypoxémie à 53 mmHg et une alcalose respiratoire modérée. Le reste du bilan est normal. La radiographie de l’abdomen est sans par- ticularité. La radiographie thoracique (Fig. 1) confirme l’em- physème sous-cutané et montre des hyperclartés linéaires para-rachidiennes bilatérales et en regard de la silhouette car- diaque, évocatrices d’un emphysème médiastinal. On note un syndrome interstitiel et un comblement des culs de sacs pleuraux.

Le scanner thoraco-abdominal (Fig. 2) réalisé avec injec- tion intraveineuse de produit de contraste iodé et ingestion de Gastrographine®met en évidence une perforation du tiers

inférieur de l’œsophage sur achalasie œsophagienne avec fuite du produit de contraste vers la cavité pleurale gauche, une médiastinite et un épanchement pleural bilatéral.

Le diagnostic de rupture œsophagienne est posé. Le patient est transféré au bloc opératoire où sont réalisées une laparotomie médiane et une thoracotomie gauche avec suture de l’œsophage sur drain de Kehr, exclusion unipolaire du basœsophage, gastrostomie de décharge et jejunostomie d’alimentation. Une antibiothérapie par pipéracilline- tazobactam, ciprofloxacine et ornidazole est initiée. Le tableau se complique d’un choc septique d’évolution favo- rable. Après 24 h d’hospitalisation, l’alimentation par jeju- nostomie est débutée. Après sept jours de réanimation le patient est transféré en secteur de soins continus puis en sec- teur de chirurgie à J21. Il quitte l’hôpital deux mois et demi après son intervention.

Discussion

Le syndrome de Boerhaave est une pathologie à prédomi- nance masculine (80 %), survenant préférentiellement entre 40 et 60 ans [1-3]. Deux facteurs de prédisposition jouent un rôle déterminant, les atteintes préexistantes de l’œsophage et l’alcoolisme chronique [2]. Le pronostic est sévère avec une mortalité de 100 % à J7 en l’absence de traitement chirurgi- cal et de 30 % en cas de prise en charge spécialisée précoce [4]. Dans la plupart des cas, la rupture de l’œsophage fait suite à un effort de vomissement [2,4] et la lésion se situe électivement au niveau du bord postéro-latéral gauche de l’œsophage sus diaphragmatique [5-7]. Le diagnostic est rarement posé dans les premières heures (20 % des cas) [4,8]. Le polymorphisme clinique et l’intensité des symp- tômes initiaux orientent souvent le clinicien vers d’autres pathologies digestives voire vasculaires [5,9].

La triade de Meckler associant vomissements, douleur thoracique et emphysème sous-cutané est pathognomonique mais pas toujours retrouvée [1]. Les signes cliniques préco- ces sont peu spécifiques. La douleur, constante, est le plus souvent retrosternale et/ou basi-thoracique gauche, irradiant

K. Habchi · A. Blatt · T. Schmutz · M. Hoffmann · F. Braun (*) Service des Urgences, Samu-Smur, CHR Metz-Thionville, 1, place Philippe De Vigneulles, F-57000 Metz, France e-mail : fr.braun@chr-metz-thionville.fr

Ann. Fr. Med. Urgence (2012) 2:118-120 DOI 10.1007/s13341-012-0165-1

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives-afmu.revuesonline.com

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à l’épaule gauche et le dos. Dans la moitié des cas, le tableau débute par des vomissements brusques, incoercibles, succé- dant à un repas copieux ou une ingestion massive d’alcool [2]. Ils cèdent souvent à l’apparition de la douleur [2]. L’hé- matémèse reste exceptionnelle [2,10,11]. L’emphysème sous cutané cervical n’est présent que dans la moitié des cas à la 6eheure [2]. Hyperthermie, choc septique ou détresse respi- ratoire sont tardifs (au delà de la 12eheure) et souvent le témoin d’une contamination médiastinale avancée [10,12].

La biologie initiale peut être normale ou montrer un syn- drome inflammatoire, une acidose métabolique en faveur d’un sepsis [4,11,13]. La radiographie thoracique montre

des signes indirects [14,15] ; elle est rarement normale après quelques heures d’évolution [16] : un emphysème sous- cutané, un pneumomédiastin, dont la localisation le long du tiers inférieur de l’aorte thoracique ou l’association à des niveaux liquides sont évocatrices puisqu’inhabituelles dans les pneumomédiastins spontanés [17]. On recherche des opacités parenchymateuses d’une ou des deux bases, un épanchement pleural hydrique, aérique ou hydroaérique, uni ou bilatéral ou plus rarement la classique image du « V » de Naclério, spécifique d’un pneumomediastin [18]. La recherche de ces signes est facilitée par une incidence de profil [4]. La TDM avec opacification digestive haute par produit de contraste hydrosoluble est l’examen de choix avec une meilleure sensibilité (92-100 %) que le transit œso-gastro-duodénal [19]. Elle permet d’évaluer l’étendue de la contamination environnante (médiastinite, épanche- ment pleural, abcès sous-pleural, épanchement péritonéal) et d’évoquer un diagnostic différentiel (dissection aortique, ulcère perforé ou pancréatite) [20].

L’endoscopie a une sensibilité proche de 100 % et une spécificité de 83 % pour le diagnostic de perforation œso- phagienne. Elle doit faire appel à un opérateur entrainé et être conduite sans insuflation qui pourrait élargir une brèche transmurale minime et compromettre la possibilité d’un trai- tement conservateur [2,14,21].

Le traitement médical doit prévenir ou corriger une hypo- volémie. Le patient reste à jeun. Une sonde nasogastrique doit être posée de façon prudente sans forcer. Elle permet de réduire l’inondation médiastinale et pleurale par les ali- ments. Le risque de passage dans la perforation est théo- rique. Un traitement anti-reflux par inhibiteur de la pompe à protons peut être associé [1,2,5].

La diffusion médiastinale rapide de germes requiert une antibiothérapie précoce, prenant en compte le caractère com- munautaire et polymicrobien de la flore œsophagienne, la présence constante d’anaérobies de la flore oro-pharyngée, la contamination fréquente par les levures en cas de fort ino- culum [22]. Elle associe une bi- voire tri- thérapie bactéri- cide synergique, secondairement adaptée aux prélèvements bactériologiques [23]. Du point de vue chirurgical, le traite- ment de choix dans les formes vues dans les premières 24 heures est la suture directe malgré un risque important de fistule et une mortalité de 19 % [14,24]. La fistulisation dirigée sur un drain en T est proposée pour les formes tardi- ves avec une mortalité de 25 à 54 % [24]. L’exclusionœso- phagienne peut être envisagée afin d’éviter les reflux gastri- ques [25]. Certains auteurs recommandent l’utilisation d’endoprothèses plastiques recouvertes de stents auto- expansibles métalliques, en cas de rupture sans médiastinite majeure et datant de moins de 48 heures [26,27]. Des études récentes montrent qu’un retard diagnostic n’affecte pas le pronostic : l’acte chirurgical reste alors préconisé permettant la conservation de l’organe natif [28,29].

Fig. 1 Radiographie thoracique de face : présence dun emphy- sème sous cutané axillaire et cervical droit (flèches)

Fig. 2 Scanner thoracique avec ingestion de Gastrographine®: fuite du produit de contraste vers la cavité pleurale gauche (flèches noires) et emphysème sous-cutané (flèche blanche)

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Conclusion

Le syndrome de Boerhaave est une affection rare, de pronos- tic sévère en raison du tableau clinique insidieux et des com- plications, notamment infectieuses. Sa rareté en fait une pathologie méconnue des urgentistes, l’association vomisse- ments, douleur, emphysème sous-cutané devant y faire pen- ser. La RP apporte des éléments complémentaires mais c’est la TDM thoracique qui permet de redresser rapidement le diagnostic et conduire à un traitement chirurgical précoce incontournable pour une évolution favorable.

Conflit d’intérêt Les auteurs ne déclarent pas de conflit d’intérêt.

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