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Toutes les drogues interdites bientôt autorisées ? (3)

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1846

Revue Médicale Suisse

www.revmed.ch

29 septembre 2010

actualité, info

: quand les maladies cardiovas- culaires s’en mêlent

point de vue

Poursuivons l’analyse des dif­

férents termes de l’équation politi co­médicale que soulève l’émergence du questionnement sur la dépénalisation/légalisation des produits psychoactifs aujour­

d’hui illicites (Revue médicale suisse des 1er, 15 et 22 septembre).1 Nous avons vu que c’est vers la moitié du XIXe siècle que com­

mence à apparaître dans les pays occidentaux un usage régulier, puis compulsif, des drogues en dehors de tout contexte thérapeu­

tique, ou échappant à l’encadre­

ment thérapeutique initial. Ces intoxications iatrogéniques in­

quiètent progressivement le corps médical qui commence à parler de «toxicomanie» vers 1880.

Pour le sociologue Henri Bergeron,2 le corps médical est aussi à cette époque le premier à s’inquiéter du développement d’un usage intensif de substances psychoactives dans certaines caté­

gories sociales, comme les ouvriers et les pauvres ; un phénomène qui marque le début d’une volonté d’un contrôle plus strict des pres­

criptions et qui débouchera bientôt sur les premières mesures légales en la matière, suivies des premiers textes internationaux. Il s’agit en substance pour les puissances publi ques de faire la part entre les activités licites et celles qui ne doivent plus l’être. Plus que des arguments de santé publique, c’est la disparition du contrôle culturel et social de la consomma­

tion des substances psychoactives qui justifie l’avènement de ce nouveau système au début du XXe siècle. «Ce dernier est présenté comme politiquement neutre, une

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régulation rationnelle qui se fon­

derait sur la science et sur l’auto­

rité des Etats et serait administrée par des bureaucraties spéciali­

sées», écrit Henri Bergeron.

En 1912 la Conférence de La Haye débouche sur une convention inter nationale résultant des efforts des médecins et des pharmaciens ainsi que des «mouvements anti­

opium» américains. Henri Berge­

ron rappelle que les premiers récla maient le monopole de la distribution et de la prescription des drogues : une nouvelle géné­

ration de médecins, soutenue par des fonctionnaires haut placés et des responsables de santé publi­

que influents, jette un regard nou­

veau sur les effets délétères de nouvelles substances et exige, au nom de la santé et de l’efficience, que lui soit confiée la maîtrise de la distribution des produits. «En ce sens la genèse du contrôle des drogues est inséparable du pro­

cessus de professionnalisation de la médecine occidentale et s’ins­

crit dans le contexte favorable de la naissance de l’Etat­providence et d’un souci grandissant de pro­

tection des populations», écrit enco re Henri Bergeron.

Mais la première pierre du sys­

tème de contrôle international des drogues posée en 1912 ne prévoit pas – ou peu – de mesures de régu lation de l’offre ; on s’en re­

met au principe de la prescription et de la distribution de détail aux médecins et aux pharmaciens.

Nouvelle étape franchie en 1925 avec une nouvelle convention

inter nationale qui établit cette fois qu’importations et exportations devront être soumises à des auto­

risations préalables. 1931 : une nouvelle convention marque le début d’un nouveau contrôle in­

ternational de la fabrication. Elle postule que les besoins mondiaux (à des fins scientifiques et médi­

cales) peuvent être évalués et la production répartie entre quel­

ques pays. En 1972, on complète

le dispositif en adoptant des dis­

positions légales de contrôle de la production d’opium.

Ainsi donc durant plus d’un demi­

siècle, le système juridique inter­

national qui a prévalu correspon­

dait aux principes généraux de l’économie dirigée. Puis, toujours à l’échelon international, ce sys­

tème a été complété par d’autres conventions des Nations Unies visant à lutter contre le trafic et l’usage ; la démonstration en quelque sorte des limites de l’éco­

nomie dirigée dans ce domaine.

Or la faillite de la lutte contre les trafics et les usages a pour consé­

quence que les arguments en fa­

veur de l’économie dirigée refont aujourd’hui surface ; et ce sous le label «dépénalisation/

légalisation».

(A suivre)

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

Toutes les drogues interdites bientôt autorisées ? (3)

1 Books ; l’actualité par les livres du mon­

de. Numéro 15, septembre 2010. www.

booksmag.fr

2 Bergeron H. Sociologie de la drogue.

Paris : Editions La Découverte ; Collec­

tion Repères, 2009. ISBN : 978­2­7071­

3869­9.

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