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Toutes les drogues interdites bientôt autorisées ? (4)

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1894

Revue Médicale Suisse

www.revmed.ch

6 octobre 2010

actualité, info

point de vue

Poursuivons ici l’analyse des dif- férents termes de l’équation poli- tico-médicale que soulève l’émer- gence du questionnement sur la dépénalisation/légalisation des produits psychoactifs aujour d’hui illicites (Revue médicale suisse des 1er, 15 , 22 et 29 septembre).1 Pourquoi en venir à imaginer la dépénalisation ou plus précisé- ment la légalisation de substances considérées aujourd’hui comme étant suffisamment dangereuses pour ne pas être autorisées à la commercialisation ? Quels sont les principaux arguments avancés par ceux qui estiment qu’il faut traiter la cocaïne et l’héroïne de la même manière que les boissons alcooliques ou les produits déri- vés du tabac ? L’heure est-elle vérita blement venue de revenir à la situation qui prévalait il y a un siècle ?

Le principal de ces arguments concerne la somme des problèmes que soulèvent les politiques ac- tuelles de prohibition. Et ces pro-

blèmes sont tout particulièrement visibles aux Etats-Unis et en Amé- rique latine. «Le principal pro- blème résume tous les autres : le coût économique, social et poli- tique de la prohibition dépasse de très loin les bénéfices qu’elle est censée apporter, peut-on lire dans la présentation du dossier de Books. Malgré l’intensité de la

«guerre antidrogues» menée par les Etats-Unis sur leur territoire et ailleurs dans le monde depuis des décennies, la consommation dans ce pays n’a pas diminué ; elle s’est

«démocratisée», au contraire, les prix ayant baissé. Un demi-million de personnes sont entassées dans les prisons américaines pour n’avoir souvent fait que consom- mer une substance illicite. Quand ils en sortent, ils vivent en marge de la société. Les cartels de la dro- gue n’ont jamais été aussi puis- sants, faisant trembler sur leurs bases les fragiles démocraties latino-américaines. Au Mexique, les têtes coupées roulent sur l’as-

phalte. Partout, la corruption vé- role les polices, les tribunaux et jusqu’aux plus hautes sphères des Etats.» Caricature ? Peut-être pas.

Il est tentant de faire ici un paral- lèle avec la politique prohibition de l’alcool dans les années 1920 menée par les Etats-Unis, tout se passant comme si l’interdiction officielle d’un produit psycho- actif déjà largement installé dans

une société conduisait imman- quablement à sa réapparition clandestine, avec toutes les consé- quences qui en résultent. Avec au- jourd’hui, mondialisation aidant, une dimension géographique au- trement plus grande ; au-delà de l’Amérique latine il faut ajouter le rôle majeur joué par l’Afghanis- tan dans la production mondiale de l’héroïne.

Ce bilan désastreux fait générale- ment l’objet d’un assez large consensus chez les spécialistes de la question et les bilans régulière- ment effectués dans ce domaine convergent vers ces deux certi-

tudes : la demande de produits psychoactifs est bel et bien pré- sente (quand elle n’augmente pas) et l’offre s’organise créant un vaste marché clandestin contre le- quel les puissances publiques (en dépit des moyens engagés) sem- blent le plus souvent dépassées.

Dès lors deux solutions. La pre- mière est de maintenir le statu quo en espérant pouvoir amélio- rer l’efficacité du système répres- sif et, peut-être, en parvenant à réduire la demande (sujet rare- ment abordé). La seconde est de modifier radicalement la donne.

Soit sur un mode mineur : assou- plissement des politiques de répres sion et libéralisation des conditions d’achat. Soit un mode majeur : faire de l’héroïne, de la cocaïne et des amphétamines l’équi valent de l’alcool et du tabac (autres «drogues dures» nous disent les spécialistes) avec pro- duction officielle par des entre- prises privées (voire publiques), contrôle de la «qualité» et procé- dure de taxation.

Pour nombre d’économistes sou- cieux des deniers publics ce serait la solution rêvée. L’argent destiné à la répression serait économisé et de nouvelles recettes seraient

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le coût économique, social et politique de la prohibition dépasse de très loin les béné- fices

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géné rées par ce commerce d’un nouveau genre. Reste, bien évi- demment, la question de la santé publique et des coûts que pour- raient induire des consommations autorisées. Les partisans d’un tel système font schématiquement valoir que ces consommations existent, que la question est déjà posée avec le tabac et l’alcool et que la libéralisation des produits aujourd’hui illicites s’accompa- gnerait des mêmes procédures d’information des citoyens quant à la nocivité substantielle de ces produits et leur forte potentialité d’assuétude. Tout ceci repose bien évidemment sur un pari d’une portée considérable : celui que cette nouvelle offre ne s’accompa- gnera pas d’une augmentation massive de la consommation.

Etant bien entendu que la situa- tion ainsi créée serait, alors, irré- versible. Question : existe-t-il une troisième voie ?

(A suivre)

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

ger la loi. (…)

François Nussbaum Le Courrier du 29 septembre 2010 1 Books ; l’actualité par les livres du monde.

Numéro daté septembre 2010. www.

booksmag.fr

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