• Aucun résultat trouvé

Dans les coulisses de la gestion de l'épidémie Ebola en Afrique de l'Ouest (2014-2016) : l'ère de l'"OMSF"

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Dans les coulisses de la gestion de l'épidémie Ebola en Afrique de l'Ouest (2014-2016) : l'ère de l'"OMSF""

Copied!
30
0
0

Texte intégral

(1)

Article

Reference

Dans les coulisses de la gestion de l'épidémie Ebola en Afrique de l'Ouest (2014-2016) : l'ère de l'"OMSF"

BOURRIER, Mathilde

Abstract

De 2014 à 2016, la lutte contre la maladie à virus Ebola a provoqué une série de controverses liées au régime d'intervention auprès des populations en Afrique de l'Ouest. Dans cette crise, les Médecins Sans Frontières (MSF) et les experts de l'Organisation Mondiale de la Santé(OMS) ont tout particulièrement occupé le devant de la scène. Ces deux poids lourds du système de santé globale se sont affrontés au sein d'arènes de négociation techniques sur le terrain de l'efficacité de la réponse, sur les moyens d'endiguer l'épidémie, sur l'attitude à adopter face aux populations affectées. Les tensions révèlent les implicites de modes d'intervention génériques difficilement remis en cause par les acteurs de la réponse. L'objectif dans cet article est de déployer une analyse capable de présenter une incarnation des de´bats en actes autour de trois controverses concrètes : i) la lenteur de re´action de l'Organisation Mondiale de la Santé à déclarer une urgence de santé publique de portée internationale ; ii) la mise à jour des protocoles concernant les Equipements de Protection Individuelle [...]

BOURRIER, Mathilde. Dans les coulisses de la gestion de l'épidémie Ebola en Afrique de l'Ouest (2014-2016) : l'ère de l'"OMSF". Sciences sociales et santé , 2019, vol. 37, no. 2, p.

39-65

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:120939

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

(2)

Montrouge, le 04/07/2019 Mathilde Bourrier

Vous trouverez ci-apre`s le tire´ a` part de votre article au format e´lectronique (pdf) :

Dans les coulisses de la gestion de l’e´pide´mie Ebola en Afrique de l’Ouest (2014-2016) : l’e`re de l’« OMSF »

paru dans

2019, Volume 37, Nume´ro 2

John Libbey Eurotext

Ce tire´ a` part nume´rique vous est de´livre´ pour votre propre usage et ne peut eˆtre transmis a` des tiers qu’a` des fins de recherches personnelles ou scientifiques. En aucun cas, il ne doit faire l’objet d’une distribution ou d’une utilisation promotionnelle, commerciale ou publicitaire.

Tous droits de reproduction, d’adaptation, de traduction et de diffusion re´serve´s pour tous pays.

#John Libbey Eurotext, 2019

www.jle.com

Le sommaire de ce nume´ro

http://www.john-libbey-eurotext.fr/fr/

revues/sante_pub/sss/sommaire.md?type=

text.html

(3)

Dans les coulisses de la gestion de l’e´pide´mie Ebola en Afrique de l’Ouest (2014-2016) :

l’e`re de l’« OMSF »

Mathilde Bourrier*

Re´sume´. De 2014 a` 2016, la lutte contre la maladie a` virus Ebola a provoque´ une se´rie de controverses lie´es au re´gime d’intervention aupre`s des populations en Afrique de l’Ouest. Dans cette crise, les Me´decins Sans Frontie`res (MSF) et les experts de l’Organisation Mondiale de la Sante´ (OMS) ont tout particulie`rement occupe´ le devant de la sce`ne. Ces deux poids lourds du syste`me de sante´ globale se sont affronte´s au sein d’are`nes de ne´gociation techniques sur le terrain de l’efficacite´ de la re´ponse, sur les moyens d’endiguer l’e´pide´mie, sur l’attitude a` adopter face aux populations affecte´es. Les tensions re´ve`lent les implicites de modes d’intervention ge´ne´riques, et ve´hiculent difficilement remis en cause par les acteurs de la re´ponse.

L’objectif dans cet article est de de´ployer une analyse capable de pre´senter une incarnation des de´bats en actes autour de trois controverses concre`tes : i) la lenteur de re´action de l’Organisation Mondiale de la Sante´ a` de´clarer une urgence de sante´ publique de porte´e internationale ; ii) la mise a` jour des protocoles concernant les Equipements de Protection Individuelle (EPI) utilise´s sur le terrain par les soignants ; et iii) le non-engagement principalement de

* Mathilde Bourrier, professeure ordinaire au de´partement de sociologie de l’universite´ de Gene`ve, boulevard du Pont-d’Arve 40, 1211 Gene`ve 4, Suisse ; mathilde.bourrier@unige.ch

L’auteur remercie les deux re´fe´re´s anonymes ainsi que les e´diteurs de la revue pour leurs commentaires constructifs, qui ont permis de resserrer le manuscrit.

doi:10.1684/sss.2019.0139

(4)

l’organisation MSF dans des solutions alternatives au centre de traitement centralise´. En conclusion, on pre´sentera comment des savoirs importants pour l’action, venant en particulier des anthropologues semblent avoir e´te´ oublie´s au moment d’enclencher les interventions d’urgence, avec comme conse´quence d’handicaper les modalite´s de de´ploiement de la re´ponse internationale a` une e´pide´mie sans pre´ce´dent.

Mots cle´s : sante´ globale, crise Ebola (2014-2016), Organisation mondiale de la Sante´, Me´decins Sans Frontie`res, e´quipements de protection individuelle.

Durant le pic de la crise Ebola (e´te´ 2014 - printemps 2015), de nombreuses controverses ont secoue´ de part en part, le monde de la sante´ globale et ses acteurs incroyablement diversifie´s.

Nous nous attacherons dans ce texte a` en de´crypter trois en particulier : i) la lenteur de l’Organisation Mondiale de la Sante´

(OMS) a` de´clarer une urgence de sante´ publique de porte´e internationale ; ii) la mise a` jour des protocoles concernant les Personal Protective Equipment (PPE) utilise´s sur le terrain par les soignants ; iii) et le non-engagement, principalement de l’organisa- tion Me´decins Sans Frontie`res (MSF), dans des solutions alterna- tives, de´laissant le choix d’options comme les centres de soins communautaires ou le « home-based care», qui font pourtant partie de l’arsenal des protocoles a` disposition, tant chez MSF que dans les recommandations de l’OMS1.

A` la faveur d’une recherche portant sur l’organisation des syste`mes de sante´ publique en cas d’e´pide´mie dans trois pays (Suisse, E´ tats-Unis et Japon)2, notre e´quipe a rencontre´ plus d’une centaine d’acteurs, et en particulier des acteurs de l’OMS et de MSF. Ces rencontres ont eu lieu a` Gene`ve, ve´ritable hub de sante´ globale (Lempen, 2010), en Suisse plus ge´ne´ralement, brie`vement a` Tokyo en fe´vrier-mars 2015 et aux Centers for Disease Control and Prevention (CDC), a` Atlanta en aouˆt 2015 (Bourrier, 2017). La focale dans ce texte est volontairement

(1) Les centres de soins communautaires et l’isolation pratique´e au sein d’une maison e´tant re´pute´s faciliter l’acceptation par la population (Calain et Poncin, 2015).

(2) Recherche finance´e par le Fonds National de la Recherche Suisse (2013-2016).

(5)

resserre´e sur les tensions ayant e´maille´ les relations, depuis Gene`ve, entre MSF et l’OMS, malgre´ le fait que de nombreux autres acteurs de poids ont contribue´ aux ope´rations durant cette crise (on pense par exemple aux gouvernements des pays concerne´s, aux Croix Rouge Nationales et aux autres organisations inter- nationales comme l’UNICEF, aux Ministe`res de la sante´, ou d’autres acteurs tels que les CDC, l’INSERM, ou de plus petites ONG ou laboratoires). Pre´cisons d’entre´e que nous n’avons pas enqueˆte´

en Afrique de l’Ouest, raison pour laquelle, nous ne pouvons pre´tendre solidement traiter du point de vue local3. Il s’agit la` d’une coupe limite´e, qui ne peut rendre justice au complexe syste`me d’acteurs que cette e´pide´mie a mis en branle. Cependant, il est important de rappeler que ces deux organisations ne sont pas marginales au regard des enjeux de la gouvernance de la sante´

globale. Durant cette pe´riode, un expert interviewe´ souligne un brin ironique : « En Afrique, on dit ‘OMSF’. » La contraction des deux sigles OMS et MSF traduit que sur le terrain, on ne fait pas force´ment la diffe´rence : les deux organisations sont vues comme deux puissances exte´rieures. En de´pit de la distance « the´orique » qui les caracte´rise (Lakoff, 2010), vues du terrain, ces deux institutions

« collaborent » et appartiennent a` l’e´lite de la sante´ globale (Youde, 2012 ; Dupras, 2016). En conse´quence, aussi limite´e que soit notre analyse, elle re´ve`le des controverses qui de´bordent du cadre strict de cette relation.

Ce texte cherche a` documenter certains e´le´ments concrets du face a` face entre OMS et MSF, depuis Gene`ve, en interrogeant directement des protagonistes de la crise des deux coˆte´s. La « raison humanitaire » de MSF (Fassin, 2010), pas plus que la raison

« technico-politique » de l’OMS (Kamradt-Scott, 2010), ne vont de soi, lorsque les protocoles de de´ploiement restent peu discute´s.

Cependant, ces controverses autour des pratiques d’intervention ne sont pas spe´cifiques aux rapports entre MSF et l’OMS.

Elles te´moignent d’un malaise global et de malentendus perdurant sur la nature meˆme des interventions qui traversent les acteurs du monde de la sante´ globale (Packard, 2016). L’e´pide´mie a` virus Ebola des anne´es 2014-2015 est le the´aˆtre de difficulte´s qui, pour spe´cifiques qu’elles soient a` cette crise, sont nourries par trois

(3) Meˆme si en interviewant de nombreuses personnes rentrant d’Afrique de l’Ouest, leurs te´moignages ont sans nul doute e´claire´ bien des de´bats de pratiques, ayant cours a` Gene`ve.

(6)

phe´nome`nes plus ge´ne´riques, sur lesquels nous conclurons l’analyse : i) Les controverses touchent toutes les sphe`res de la sante´

globale et pas uniquement les acteurs sur le terrain ; ii) Les modes de fonctionnement de´grade´s sont la norme et pourtant ils font figure d’impense´s ; iii) Des savoirs re´pertorie´s offrant la possibilite´ d’une contextualisation des interventions sont syste´ma- tiquement oublie´s.

Re´action habituelle face a` une e´pide´mie classique ou lenteur de re´action face a` une e´pide´mie hors normes ?

Le cadre d’une urgence sanitaire connue

Pour de nombreux experts durant le printemps 2014, Ebola est une urgence sanitaire maıˆtrisable, qui se « consumera » d’elle-meˆme comme les dizaines d’autres jusqu’a` pre´sent. Durant les 40 dernie`res anne´es, au Congo, au Soudan, en Ouganda, au Gabon, a` chaque fois plusieurs dizaines de personnes sont infecte´es et meurent les trois- quarts du temps. Ces e´pide´mies sont reste´es jusqu’a` pre´sent relativement limite´es et n’ont pas tue´ aussi massivement que celle de 2014-2015. On parle de « flambe´es », qui se consument d’elles-meˆmes, comme un feu de brousse. Une fois que le virus a pu attaquer tout ce qu’il pouvait, il se retire et se tapit dans la foreˆt, aupre`s des chauves-souris, gardiennes du virus (Preston, 2014 ; Constant, 2016).

La doctrine ope´rationnelle des interventions de sante´ publique associe : i) la pratique d’isolement des patients et de quarantaines force´es, si ne´cessaire ; ii) la recherche de contacts syste´matiques dans l’histoire de chaque malade, de fac¸on a` remonter les chaıˆnes de transmission de la maladie ; iii) la mise en place d’une communi- cation de risque spe´cifique a` destination des communaute´s touche´es pour e´viter que ne se re´pandent des comportements a` risques ; iv) la mise en place de soins base´s en priorite´ sur la re´hydratation et la prise d’antidouleurs, en l’absence de ve´ritable cure ; a` v) la prise en charge de l’ensevelissement des corps, car les de´pouilles sont tre`s contagieuses.

L’e´pide´mie a` virus Ebola de 2014 est officiellement ave´re´e en mars 2014 en Guine´e, graˆce au diagnostic e´tabli par le laboratoire Pasteur de Lyon ; il est probable que l’e´pide´mie se soit enclenche´e quelques mois plus toˆt, en de´cembre 2013. Le cas index serait un enfant de´ce´de´ en de´cembre 2013 a` Me´liandou, en Guine´e forestie`re, dans le district de Gue´cke´dou. La pre´sence du virus est, pense-t-on alors, le fait de

(7)

communaute´s recule´es et vivant dans la foreˆt, en Guine´e forestie`re, au contact d’animaux porteurs du virus comme le sont les chauves- souris : c’est le leitmotiv de la narration traditionnelle sur les e´pide´mies Ebola. Au terme de deux ans de bataille, l’urgence de sante´ publique de porte´e internationale lie´e a` Ebola en Afrique de l’Ouest a e´te´ de´clare´e termine´e le 29 mars 2016. Au total, 28 616 cas confirme´s, probables et suspects ont e´te´ notifie´s en re´publique de Guine´e, au Liberia et en Sierra Leone, et 11 310 personnes sont de´ce´de´es (OMS, 2016).

Deux autres e´le´ments vont venir renforcer le cadrage initial et handicaper l’e´mergence d’une nouvelle repre´sentation de la crise.

Le premier est de nature logistique : le virus se re´pand dans une re´gion, certes frontalie`re, mais ou` l’on pense que les moyens de communication sont peu nombreux et en mauvais e´tat du fait de la guerre qui a se´vi si longtemps. En re´alite´ le syste`me routier n’est pas si mauvais et les routes sont donc emprunte´es (Richards, 2016 : 45- 48). Le deuxie`me est de nature me´te´orologique. Certains experts pensent que la saison des pluies va me´caniquement ralentir les voyageurs et, conse´quemment, la progression du virus et de la contagion.

C’est ainsi que les autorite´s sanitaires mondiales et nationales vont agir selon cette repre´sentation d’une e´pide´mie classique et de´ployer des mesures en accord avec cette dernie`re. L’envoi de petits contingents d’experts de la maladie de l’OMS, des CDC et de MSF sous le label du Global Outbreak Alert and Response Network (GOARN)4et coordonne´ par l’OMS, est donc de´cide´, comme cela se pratique d’habitude. Ces mesures ont d’ailleurs fait leurs preuves ailleurs, comme nous le confie en aouˆt 2015 un expert des CDC, habitue´ de ces de´ploiements. De surcroıˆt, ceux qui sont devenus au fil des ans les spe´cialistes d’Ebola et qui ont une expe´rience de premie`re main largement e´prouve´e des e´pide´mies d’Ebola re´centes sont a` la manœuvre : les MSF sont sur place, en l’occurrence MSF Suisse est a` Gue´cke´dou en Guine´e depuis 2005. Ils connaissent tre`s bien la re´gion, ils y sont bien implante´s et ils vont pouvoir re´agir vite, y compris en passant les frontie`res de la Guine´e en envoyant un de´tachement de me´decins, quand le Liberia se de´clare a`

son tour touche´.

En avril 2014, les chiffres leur donnent raison, la courbe commence a` baisser, donnant l’impression que les foyers sont sous controˆle. Pourtant, a` la fin du printemps 2014 des voix s’e´le`vent,

(4) Sur le fonctionnement du GOARN, cf. Ansellet al.,2012.

(8)

pour alerter et reconside´rer les pre´misses de la premie`re analyse de la situation. A` la fois des voix au cœur de la re´ponse, en particulier chez MSF, mais aussi dans les rangs des spe´cialistes de sante´

publique des pays concerne´s et des voix plus en marge de la re´ponse directe, notamment dans les ambassades des pays conside´re´s ou du coˆte´ des anthropologues. La directrice ge´ne´rale de l’OMS attendra le 8 aouˆt 2014 pour de´clarer une urgence de sante´

publique a` porte´e internationale et actionner les provisions du re`glement sanitaire international en conse´quence. On avancera dans la crise en apprenant que la complexite´ des relations entre les niveaux du sie`ge de l’OMS a` Gene`ve, le niveau de la re´gion AFRO (Brazzaville) et le niveau des pays impacte´s a retarde´ significative- ment la prise en compte de la mesure des e´ve´nements. La complexite´

de la structure de l’OMS est une nouvelle fois mise en cause (Cassells et al., 2014). La directrice ge´ne´rale de l’OMS ne peut agir sans mandat des Etats-membres. La nomination des directeurs re´gionaux de l’OMS, pas plus que celle des directeurs « pays », n’est de son ressort5.

Dans les couloirs de l’OMS et a` l’exte´rieur, on nous confie que la de´claration d’une urgence de sante´ publique ne fait pas toujours l’affaire des gouvernements des pays concerne´s. Ine´vitablement, ce genre d’annonce risque d’avoir des effets collate´raux, en termes de boycotts des produits, de fermetures de frontie`res des pays de la re´gion et de ralentissement, voire d’arreˆt des e´changes commerciaux. Durant ces mois d’attentisme du point de vue de l’aide directe, d’autres conside´rations sont au cœur des de´bats.

Ce n’est pas, comme on l’a lu souvent, qu’il ne s’est rien passe´. Ce qu’il s’est passe´ a obe´i a` d’autres logiques, diplomatiques et e´conomiques, de manie`re a` ne pas acculer les gouvernements des pays concerne´s.

Le sce´nario de´rape

Durant l’e´te´ 2014, le sce´nario de´rape, mais sur l’e´chiquier global les acteurs jouent une partie qu’ils ont l’impression de connaıˆtre : l’OMS occupe la posture de la grande agence onusienne « empeˆ-

(5) Le directeur de la re´gion AFRO sera remercie´ pendant l’e´te´ 2014 et une nouvelle directrice re´gionale de l’OMS pour l’Afrique, Matshidiso Moeti, est nomme´e le 25 janvier 2015 durant l’Executive Board de l’OMS (25 janvier-3 fe´vrier 2015).

(9)

che´e » par ses Etats-membres (Lall, 2017) mais de´tentrice de ressources d’expertise diplomatique et de capacite´s de mobilisa- tion de ressources d’expertise additionnelles via le GOARN. La figure du « Je ne peux mais. . . » est une nouvelle fois sur-joue´e par l’agence onusienne, alors qu’elle s’ave`re incontournable, notamment dans la coordination tre`s rapide des essais cliniques, qu’elle va re´ussir a` assurer. En face, MSF, puissante organisation non- gouvernementale me´dicale, a` fort capital re´putationel, directement au front, se trouve rapidement de´borde´e alors que ses e´quipes sont les spe´cialistes d’Ebola (Bot, 2014 : MSF, 2015). Le Dr. Liu, directrice de MSF international (organisation faitie`re des diffe´rentes sections MSF) fait pour la premie`re fois dans l’histoire de l’organisation une de´claration a` l’ONU pour demander que les E´ tats se mobilisent face a` une e´pide´mie qui risque de de´cimer les populations africaines6. MSF est par de´finition une organisation lanceuse d’alertes. Son usage de l’« advocacy », qui lui sert d’habitude, en particulier pour lever des fonds, limite peut-eˆtre sa capacite´ a` eˆtre entendue assez toˆt.

Ainsi le sce´nario de de´part (des flambe´es sporadiques que l’on parvient a` contenir a` chaque fois, et qui tuent par centaines et pas par milliers, qui frappent au cœur de communaute´s recule´es) n’est pas re´e´value´ suffisamment toˆt. Comme nous le confiera un virologue de´ploye´ par l’OMS au Liberia, rencontre´ en fe´vrier 2015 a` Tokyo :

« La question que nous avions a` re´gler e´tait : que faire quand Ebola est en ville ? Tout le reste n’e´tait au fond qu’accessoire. C’est a` cette question que personne ne donnait de re´ponse ni sur place, ni au niveau pays, re´gional ou de celui de Gene`ve. »

Enfin, a` mesure que l’ide´e meˆme d’une e´pide´mie a` multiples foyers laisse la place a`dese´pide´mies distinctes, il devient vital que les communaute´s s’approprient la lutte. Sur le terrain l’approche retenue trop strictement bio-se´curitaire, utilise´e dans toutes les e´pide´mies avant celle-ci, ne fonctionne pas. Certains anthropologues mettent en garde contre des simplifications culturalistes, pouvant handicaper les mesures prises sur le terrain (Wilkinson, 2014 ; Fairhead, 2014 ; Anokoet al.,2014). Ce n’est pas la premie`re fois qu’ils montent au cre´neau sur de tels faits (Hewlett & Hewlett, 2008). Dans ce contexte, la bataille des tenues de protection individuelle signale le de´sarroi d’une re´ponse qui peine a` trouver son souffle.

(6) Liu, AFP, 2 sept. 2014.

(10)

La bataille des tenues de protection individuelles7

La controverse autour de la « bonne » tenue a cristallise´ des diffe´rences d’approche dans le de´ploiement de la re´ponse. Qui de´cide de ce qu’est une « bonne tenue » ? Que faire quand on n’a pas sous la main certains morceaux spe´cifiques de la tenue ? Est-il autorise´ de faire avec les moyens du bord ? De quels risques la tenue prote`ge-t-elle ? Comment soigner avec compassion dans cet harnachement ? Au travers des EPI s’est de´ploye´e une bataille en actes sur ce que les soignants e´taient amene´s a` re´aliser sur place et surtout dans quelles conditions.

Un contexte tre`s tendu

Le contexte de 2014 est celui d’une grande difficulte´ de la part de toutes les organisations intervenantes a` mobiliser du personnel qualifie´

pour participer a` la « re´ponse Ebola » (MSF, 2015 ; Sprecher, 2016 : 74-75). Les soignants du monde entier ont peur et ne sont pas rassure´s par des conditions de dialogue et donc de soin envers les populations tre`s difficiles. Les rapports avec « les communaute´s » vont d’emble´e poser des proble`mes aux experts de sante´, nationaux comme locaux.

Retranche´es parfois, suspicieuses et dans l’incompre´hension le plus souvent, abandonne´es a` leur sort dans de nombreux cas dans les de´buts, les populations « re´sistent », « sont dans le de´ni », ne sont pas

« e´duque´es ». Nous reprenons ici les mots les plus fre´quemment entendus dans les cercles concerne´s. Comme si les populations venaient

(7) On entend par « e´quipement de protection individuelle (EPI) » tout e´quipement porte´ par une personne dans le but de se prote´ger contre les dangers susceptibles de constituer une menace pour sa sante´. La pre´vention de l’infection au virus Ebola passe par la prise de pre´cautions pour e´viter le contact avec le sang et les liquides biologiques de sujets infecte´s et avec les objets contamine´s par ces meˆmes liquides. On a recours a` des e´quipements de protection contre les infections afin d’e´viter l’exposition de la peau et des muqueuses des yeux, du nez et de la bouche au sang, a` d’autres liquides biologiques, aux se´cre´tions (y compris les gouttelettes de salive) ou aux excre´tions. Durant l’e´pide´mie d’Ebola en Guine´e, l’EPI mis en place par MSF e´tait constitue´e d’une tenue de bloc ope´ratoire double´e d’une tenue comple`te de protection en plastique souple jetable, elle-meˆme prote´ge´e par un long tablier en plastique e´pais. S’ajoutaient a` cette tenue une double e´paisseur de gants (chirurgicaux et de me´nage), une cagoule, des lunettes de protection et deux masques buccaux place´s l’un sur l’autre (masque a` bec de canard et masque d’hygie`ne me´dicale).

(11)

perturber la mise en place des interventions de sante´ publique e´prouve´es dans d’autres contextes.

Pourtant, de la bouche des experts rode´s de MSF, ce n’est pas la premie`re fois qu’ils rencontrent de la « re´sistance » :« Ah, non, mais moi, je ne suis pas surpris, non. Je suis surpris qu’elles durent aussi longtemps, mais des re´sistances, on en a eu partout. . . On en a eu a`

chaque fois qu’il y a eu des e´pide´mies d’Ebola »(Expert MSF, Gene`ve, Fe´vrier 2015). Ce point est documente´ (Kerstie¨ns et Matthys, 1999 ; Roddy et al., 2007). De la de´fiance se manifeste face aux experts de sante´ publique dans des pays ou` les populations ont, pendant des anne´es, connu des guerres civiles sanglantes (Fribault, 2015). Les heurts, e´chauffoure´es et violences (jusqu’a` la tuerie de Womey en septembre 2014) entre populations locales et experts de sante´ publique autour du sort re´serve´ aux morts ont rapidement re´clame´ la pre´sence de forces de l’ordre. Meˆme situation du coˆte´ de l’OMS ou` les difficulte´s d’intervention e´taient connues (Formentyet al., 2003).

Durant l’e´te´ 2014, de nombreuses ONG estiment ne pas avoir les compe´tences techniques ne´cessaires pour s’engager dans cette bataille.

Les rapatriements sanitaires n’e´taient pas garantis, car les compagnies ae´riennes manquent a` l’appel, hormis une compagnie ame´ricaine et une compagnie belge. La peur est partout, non seulement aupre`s des populations terrifie´es par les ravages de la maladie, mais dans les rangs des re´pondeurs, a` l’OMS et chez MSF y compris. A` l’automne 2014, le management de la section Suisse a` Gene`ve doit mettre en place une campagne, intitule´e « Welcome them back », pour accueillir les membres de ses e´quipes de´ploye´es sur place. Les colle`gues reste´s a`

Gene`ve ont peur de se trouver au contact des re´pondeurs de retour d’Afrique de l’Ouest.

Echanges de points de vue

En 2015, 815 soignants ont e´te´ infecte´s par le virus Ebola. Les deux tiers sont morts de la maladie. Dans ce contexte critique, ou` les personnels de sante´ en particulier locaux, ont de´ja` paye´ un lourd tribut, MSF cherche a` assurer pour ses personnels une protection maximale.

Les EPI des MSF sont des tenues « cosmonautes », qui ne laissent expose´e aucune parcelle de peau. Les re´cits de l’extraordinaire inconfort duˆ a` la chaleur et de la grande difficulte´ a` prodiguer un soin compassionnel abondent (Pallister-Wilkins, 2016 ; Georges, 2015 ; Sprecher, 2016 ; Verbeeket al., 2016).

Tout aussi pre´sente dans les de´bats de`s le mois de septembre 2014, la de´fense de cette tenue maximale par des professionnels inquiets, qui ne tardent pas a` critiquer ouvertement le fait que l’OMS ne cherche pas

(12)

a` l’imposer dans ses recommandations, pre´fe´rant recommander une tenue « suffisante » (MacIntyre et al., 2014, 2015). Des voix dissidentes, y compris au sein de MSF s’expriment : « L’e´quipement de MSF est inade´quat. On ne peut rester dans les PPE que 45 minutes (on e´touffe). L’inconfort de la tenue ajoute au danger plutoˆt que de le re´duire,(a` son avis). (. . .) Le PPE soule`ve la question du contact avec les patients. Il y a un fondamentalisme de MSF sur les PPE. (. . .) En juillet- aouˆt (2014), OMS et MSF ont cohabite´ dans certains hoˆpitaux.

Les cliniciens de l’OMS ont opte´ pour une tenue plus le´ge`re. Grand scandale a` MSF sur le mode : ‘ils ne prote`gent pas leurs personnels’, ‘ils sont irresponsables’ ». (Expert MSF, Gene`ve, de´cembre 2014)

L’OMS, qui produira durant ces mois pas moins de 45 documents normatifs sur Ebola, va se saisir de la question pour e´valuer la « juste » protection, celle qui est suffisante pour assurer la se´curite´ du soignant, tout en permettant un soin de qualite´ aux malades. L’analyse re´sume´e qui suit provient de la revue d’un document sur la question des EPI8. Les questions e´tudie´es syste´matiquement e´taient les suivantes :« Quels sont les avantages et les inconve´nients de porter des doubles gants, une protection faciale comple`te, la teˆte entie`rement recouverte, des combi- naisons imperme´ables, des appareils de protection respiratoire et des bottes en caoutchouc porte´s comme e´quipement de protection individuelle par rapport a` d’autres articles d’EPI moins robustes pour les agents de sante´ s’occupant de patients ayant une maladie a` filovirus ? (p. 12) ».Le contentieux entre les experts portent sur deux points : le port des doubles-gants et le respirateur plutoˆt qu’un masque chirurgical (et dans une moindre mesure l’en-capsulage total du cou et de la teˆte)9. Le verdict du groupe de 13 experts travaillant a` la demande de l’OMS est le suivant : « L’examen syste´matique n’a pas permis d’analyse comparative des donne´es pour les diffe´rents types d’EPI. » Les re´sultats sont de´cevants. Les e´le´ments d’« evidence-based

(8) WHO_EVD_Guidance_PPE_14.1_fre.pdf

(9) Le masque a` respirateur se justifierait s’il s’ave´rait que le virus ne se transmet pas uniquement par contact direct ou indirect mais e´galement par l’air respire´. Au moment ou` nous e´crivons ces lignes, il apparaıˆt qu’un consensus domine sur le fait que le virus Ebola ne se transmet que par contact direct entre fluides corporels du malade (sang, selles, sueur, vomissures, urine, sperme, lait maternel) infecte´s et la bouche, le nez ou les yeux du soignant, soit que ces fluides infecte´s pe´ne`trent l’organisme du soignant par le biais d’une le´sion cutane´e ou d’un contact indirect, avec par exemple une seringue mal ste´rilise´e, de la salive projete´e sur une surface apre`s avoir e´ternue´, postillonne´.

(13)

medicine » manquent malgre´ l’analyse approfondie de la litte´rature.

Toutes les recommandations dans le document seront indique´es comme

« fortes », mais les e´le´ments pour les e´tayer parfois te´nus. Nous reproduisons dans l’encadre´ ci-apre`s une partie des conclusions pour ainsi donner a` voir la manie`re dont les recommandations sont formule´es.

Encadre´ 1. Quelques recommandations OMS pour les EPI A` propos des masques, des respirateurs, des gants Recommandation 3 : Tout agent de sante´ doit porter un masque me´dical/chirurgical re´sistant aux e´claboussures, conc¸u de fac¸on a`

e´viter le contact direct avec la bouche (type « bec de canard », coquille), lorsqu’il s’occupe de patients atteints d’une infection a`

filovirus pour e´viter toute exposition.

Recommandation forte, donne´es de faible qualite´ sur la comparaison entre le masque me´dical/chirurgical et l’appareil de protection respiratoire concernant la transmission des infections a` filovirus.

Recommandation 4 : Tout agent de sante´ doit porter un appareil de protection respiratoire re´sistant aux e´claboussures lorsqu’il s’occupe de patients atteints par une infection a` filovirus, et ce pendant les proce´dures susceptibles de ge´ne´rer des ae´rosols, afin d’e´viter l’exposition au virus.

Recommandation forte, donne´es de qualite´ moyenne si l’on tient e´galement compte des donne´es sur les proce´dures susceptibles de ge´ne´rer des ae´rosols pour ce qui concerne les autres agents pathoge`nes.

Justification et remarques

Le masque me´dical/chirurgical a pour finalite´ de prote´ger les muqueuses buccales et nasales des e´claboussures et des gouttelettes de matie`res infectieuses. Comme les filovirus ne se transmettent pas a` l’homme par voie ae´rienne, un appareil de protection respiratoire n’est pas force´ment requis.

On conside`re que les masques me´dicaux/chirurgicaux rigides (type

« bec de canard », coquille) sont plus confortables que les appareils de protection respiratoire pour les utilisateurs. En climat chaud et humide, un masque rigide qui ne colle pas a` la bouche lorsqu’il est humide a` cause de la respiration ou de la transpiration est plus suˆr qu’un simple masque.

Le masque doit toujours eˆtre porte´ avec une protection oculaire adapte´e (e´cran facial ou lunettes de protection ; voir recom- mandations 1 et 2 ci-dessus). Le masque/l’appareil de protection

(14)

respiratoire doit re´sister aux e´claboussures s’il est porte´ avec des lunettes de protection. En revanche, ce n’est pas ne´cessaire s’il est accompagne´ d’un e´cran facial. Le fait de porter plus d’un masque en meˆme temps n’offre pas de protection supple´mentaire et n’est pas recommande´.

Tous les appareils de protection respiratoire de type N95 ne sont pas ne´cessairement re´sistants aux e´claboussures ; cette re´sistance n’a e´te´ teste´e que pour les appareils N95 « de type chirurgical ».

Recommandation 5 : Tout agent de sante´ doit porter des doubles gants lors des soins cliniques dispense´s aux patients atteints d’une infection a` filovirus pour e´viter toute exposition.

Recommandation forte, donne´es de qualite´ moyenne en faveur du double gantage compare´ au gantage unique.

Justification et remarques

On recommande le double gantage par rapport au gantage simple pour diminuer le risque potentiel de transmission du virus a` l’agent de sante´ si jamais les gants sont troue´s ou abime´s par des de´sinfectants, chlore´s par exemple ; le double gantage pourrait aussi re´duire les risques dus aux blessures par piquˆres d’aiguilles et la contamination des mains au moment de retirer l’EPI.

La confiance dans l’efficacite´ a e´te´ e´value´e comme mode´re´e en fonction des donne´es accumule´es faisant e´tat de la transmission d’autres agents pathoge`nes transmis par le sang, comme le VIH et les virus des he´patites.

Recommandation 10 : Tout agent de sante´ doit porter des bottes imperme´ables (latex/caoutchouc) lorsqu’il prend en charge des patients atteints d’une infection a` filovirus pour e´viter toute exposition.

Recommandation forte, donne´es de tre`s faible qualite´ sur la comparaison entre les bottes et d’autres types de chaussures de protection.

Recommandation 11 : Tout agent de sante´ doit avoir la teˆte et le cou couverts pendant les soins cliniques aux patients atteints d’une infection a` filovirus afin d’e´viter toute exposition au virus.

Recommandation conditionnelle, donne´es de faible qualite´ sur l’efficacite´ de la teˆte couverte pour la pre´vention des transmissions.

Recommandation 12 : La protection porte´e au niveau de la teˆte doit eˆtre se´pare´e de la blouse ou de la combinaison de sorte a`

pouvoir les enlever se´pare´ment.

Recommandation conditionnelle, donne´es de faible qualite´ sur la comparaison entre diffe´rents types de protections pour la teˆte.

(15)

En clair, les experts re´unis par deux fois en octobre 2014 ne donnent pas un blanc-seing aux mesures strictes prises par MSF. Et la note se conclut par :« Un principe fondamental guidant la se´lection des diffe´rents types d’EPI consiste a` s’efforcer de parvenir a` un e´quilibre entre la meilleure protection possible contre l’infection a` filovirus et le fait de permettre aux agents de sante´ de dispenser les meilleurs soins possible avec le maximum de facilite´, de dexte´rite´, de confort et le minimum de stress thermique associe´. Le stress thermique associe´ au port d’EPI imperme´able est particulie`rement pre´occupant car il peut exposer les agents de sante´ a` un risque accru d’exposition accidentelle aux filovirus.

Il limite aussi le temps pendant lequel les agents de sante´ peuvent porter l’EPI tout en soignant les patients. Quoi qu’il en soit, les agents de sante´

doivent porter l’EPI tel que recommande´ pour se prote´ger de l’exposition au virus »(p. 12).

Une bataille oppose les tenants des tenues « maximalistes » de MSF aux tenants de tenues « raisonnables » a` l’OMS10. Ces derniers, explique un de nos interlocuteurs a` l’OMS, vont in fine devoir « se plier », voire « se coucher » (we had to bend) face a` l’inflexibilite´ des responsables de MSF, soucieux de maintenir des niveaux de protection maximum pour leurs personnels et preˆts a` un peu plus de´grader l’image publique, de´ja` tre`s e´corne´e, d’une OMS aux prises avec une coordination de la re´ponse conteste´e sur le terrain.

EPI et mode de´grade´

Sur place, les re´pondeurs de MSF, ainsi que d’autres, totalement encapsule´s, organisent la prise en charge dans de nombreux Centres de Traitement Ebola11. Les malades se cachent dans les foreˆts, parfois rejete´s de leurs villages ou` ils cherchent a` mourir, terrorise´s a` l’ide´e d’eˆtre emporte´s dans des structures ou` durant l’e´te´ et l’automne 2014 on meurt beaucoup (Woltz, 2014 ; Georges, 2015). Le filmAfflictionde MSF (Caesar, 2015) retrace le de´sarroi a` la fois des malades mais aussi

(10) En 2015, la Cochrane Review de Verbeek et al. ne fournit pas plus de conclusions probantes sur les avantages du double gantage ou sur l’utilisation pre´fe´rable d’une hotte munie d’un respirateur.

(11) Ils ne font d’ailleurs pas que cela. Au de´cours de la lecture du journal de N.

Georges (2015), on de´couvre que l’organisation MSF est e´galement pourvoyeuse de diffe´rentes ressources, me´dicamenteuses ou logistiques (telles que des bases de vie pour les staffs), notamment, a` destination des personnels d’autres centres que ceux qu’elle administre en direct.

(16)

des soignants de MSF :« By the end of August, ELWA 3 could only be opened for 30 minutes each morning. Only a few patients could be admitted to fill beds made empty by those who had died overnight. People were dying on the gravel outside the gates. » (MSF, 2015 : 10). N.

Georges, infirmie`re de´ploye´e sous l’e´gide de l’E´ tablissement de Pre´paration et de Re´ponse a` l’Urgence Sanitaire (EPRUS) franc¸ais fait les meˆmes constats (Georges, 2015).

Ces tenues ont choque´ et ce n’est pas la premie`re fois.

Les humanitaires ont de´ja` par le passe´ fait appel aux anthropologues pour les aider a` imposer des mesures de coercition, de quarantaine et d’isolation (Calain et Poncin, 2015). Certains ont depuis de´nonce´ que dans cette alliance, les humanitaires cherchaient essentiellement des figures de me´diateurs sociaux, utiles pour les aider a` appliquer les mesures draconiennes bio-se´curitaires (Faye, 2015). Une de nos interlocutrices a` MSF Suisse confirme :« Les anthropologues, on les a place´s a` l’entre´e des centres de traitement, pour parler a` la population et faire le tri ». Faire le tri, c’est-a`-dire pouvoir au mieux orienter les malades, entre les cas ave´re´s, les cas suspects, qu’il faut ve´rifier, et tous les autres qui peuvent avoir des symptoˆmes proches de ceux du virus Ebola, et pourtant ne pas eˆtre atteints, mais qu’il faut prote´ger d’une possible contagion.

Dans le contexte largement hors de controˆle de la crise sur le terrain, le respect strict de la tenue re´pondait aussi a` des exigences internes a` MSF. Cela permettait d’envoyer le signal qu’aucun compromis n’e´tait fait en matie`re de se´curite´ des soignants. Cette guerre des tenues va s’amplifier a` la faveur de la remise en question du mode d’intervention centralise´ choisi en particulier par MSF pour organiser les centres de soin et de traitement. Les e´le´ments pre´sente´s ici ne sauraient rendre compte de la totalite´ des fonctionnements dans les centres de soins, qu’ils soient ge´re´s par MSF ou pas, ni de la varie´te´

des situations et des adaptations locales, qui ont e´merge´ pour de´passer certains points de blocage (Georges, 2015 ; Richards, 2016).

En forc¸ant le trait, ils obligent a` conside´rer le rapport des e´quipes et de leur management au mode de´grade´ - plus souvent subi que re´ellement pense´ durant la crise–et permettent aussi de saisir la nature politique des recommandations de l’OMS.

Des centres de traitement ou des camps ?

La lutte contre le virus Ebola a vu refleurir l’arsenal des mesures de coercition, qui sont un des moyens du maintien de la paix bio- se´curitaire (Calain et Poncin, 2015). Certains anthropologues ont

(17)

utilise´ le vocable du « camp » (Le Marcis, 2015 ; Gomez-Temesio et Le Marcis, 2017) qui a permis de capturer la nature de ces mises a`

l’isolement, souvent pour y mourir (Georges, 2015). Un mode de´grade´

de fonctionnement se met en place dans l’e´te´ 2014. Il est bien re´sume´

par cette infirmie`re de MSF de retour de mission :« Oui c’est vrai qu’on avait the´oriquement instruction de laisser entrer les familles, pour qu’elles puissent voir comment on prenait soin des leurs, et en ge´ne´ral on y arrive, on fait des espaces de´limite´s, oui c’est vrai qu’on doit de´ployer des activite´s de communication de risque dans les villages autour des centres ou` nous intervenons, mais cette fois, nous n’avions pas assez de personnels pour faire tout cela, et on s’est concentre´ sur le cœur d’une re´ponse de sante´ publique : l’isolation et on a laisse´ tomber tous les autres piliers d’une re´ponse construite » (Infirmie`re MSF, Gene`ve, janvier 2015). Ce te´moignage nous place au cœur d’une situation de pilotage, qui loin d’eˆtre ide´ale, a conduit les e´quipes sur le terrain a` des arbitrages re´alise´s dans l’urgence. Pendant des semaines, certains experts constatent que les mesures sont inefficaces, car est oublie´ l’impe´ratif de donner quelque chose en retour aux populations mises en quarantaine :« On a adopte´ le concept du cerclage en Guine´e, ou` finalement, on apporte de la nourriture, un support me´dical gratuit, des de´sinfectants, des minutes de te´le´phone. Et puis il faut donner du lustre a` l’infirmier du poste me´dical, il faut donner quelque chose a` chaque village. J’ai dit cela depuis le de´but mais je n’ai pas e´te´ entendu : on a toujours pris, les corps notamment, et on a rien donne´ en e´change »(CDC Expert Ebola, Atlanta, Aouˆt 2015).

Ce n’est qu’en septembre 2014, que leWorld Food Programcommence a` de´livrer des vivres aupre`s des familles et communaute´s place´es en quarantaine. Cette obligation d’un don en retour n’est elle-meˆme pas si simple a` manier, car elle renvoie aux pratiques d’e´changes de substance, aux extractions des corps et des organes ou au pre´le`vement de sang, tous relie´s aux modalite´s de controˆle sur le corps et ses fluides, en particulier dans un contexte africain (White, 1997 ; Geissler, 2005) et colonial (Packard, 2016).

Cette analyse est partage´e a` l’OMS. Au plus haut niveau, certains protagonistes majeurs s’estiment peu entendus. Ils re´clament une prise en charge plus globale et notamment le passage par des centres de soins communautaires. Les questions d’e´thique s’invitent brutalement dans les de´bats. Des voix s’e´le`vent pour de´fendre l’ide´e que quand on est suˆr de mourir, rien ne sert de se rendre dans un centre loin de chez soi, ou` l’on mourra seul. Comment ve´ritablement remporter l’adhe´sion des populations et les convaincre d’acheminer leurs malades dans les centres, quand dans les premie`res semaines, le taux de mortalite´ e´tait tel que les soignants rendaient plus de «body bags» que de personnes en re´mission ? Comment convaincre de la

(18)

supe´riorite´ de la « me´decine moderne », quand il n’y a pas de traitement, pas de vaccin disponible ?

Certains spe´cialistes, minoritaires, a` la fois chez MSF, aux CDC ou a` l’OMS tout particulie`rement – nous les appelleront les

« communautaires » –, ont clame´ l’urgence qu’il y avait a` aider les communaute´s a` prendre elles-meˆmes en charge les malades, en les e´quipant de gants, de seaux, d’eau potable, de me´dicaments pour calmer les douleurs, de « lits chole´ra »12 et de nourriture.

Cette solution aurait pu e´viter les arrachements mal ve´cus et les suspicions d’abandon circulant a` propos des centres de traitement, voire les chasses a` l’homme qui ont aussi eu lieu pour re´cupe´rer duˆment des fugitifs en queˆte de nourriture13. Cependant, l’e´nonciation de cette solution va provoquer l’ire d’autres spe´cialistes, qui vont accuser les

« communautaires » de mettre en danger la vie des membres des communaute´s et des soignants. Seuls l’isolement des malades et leur regroupement dans un centre peuvent enrayer la contamination, vont- ils inlassablement marteler.

Sur ce point, trois mode`les semblent a` disposition (Sterk, 2008) : i) le centre d’isolement et de soins centralise´ ou` l’on achemine, de gre´ ou de force, les malades, pour qu’ils soient isole´s et si possible soigne´s ; ii) le « home-based care», ou` on de´livre du mate´riel de protection, de l’eau potable et des vivres au sein des familles pour que les malades, souvent condamne´s, puissent y mourir sans compromettre la sante´ de leur famille et celle de leurs voisins ; et iii) le centre de soins communautaires, sur le mode`le du dispensaire de soins de premier recours, qui affecte une maison au regroupement de malades, soigne´s par des responsables de la communaute´ de´die´s a` cette taˆche, forme´s par des experts de sante´ publique. Le premier mode`le est celui que MSF a utilise´ et pre´conise´. Le second mode`le n’a pas e´te´ utilise´, mais certains experts de MSF pensent aujourd’hui qu’il aurait pu eˆtre mis en place, notamment comme alternative, lorsque le de´bordement e´tait tel que les malades mourraient aux portes des centres (comme a` Monrovia durant

(12) Les patients atteints du chole´ra produisent une diarrhe´e abondante et vomissent souvent. Les soignants ont recours a` des lits ou des chaises perce´s. Les selles sont recueillies dans un seau place´ sous le patient, pour ame´liorer son confort et e´viter la diffusion du germe dans l’environnement. Un deuxie`me seau est place´

pre`s du lit ou de la chaise pour recueillir les vomissements.

(13) La vide´o de cet homme, teste´ positif a` l’Ebola, en fuite et affame´, en queˆte de nourriture sur le marche´ local dans Monrovia, pourchasse´ par 3 hommes en tenue de protection comple`te, a fait le tour du monde en septembre 2014.

(19)

l’e´te´ 2014). Enfin le troisie`me mode`le, que certains experts de l’OMS pre´conisaient, a e´te´ teste´ en Sierra Leone ou` 46 Centres de Soins Communautaires ont e´te´ mis en place a` partir du mois de novembre 2014 (UNICEF, 2015 ; Richards, 2016).

Sur le mode de la fiction Sybille Vardin, pseudonyme d’un haut cadre de l’OMS, place son lecteur au cœur des de´bats du milieu, incarne´ par ce dialogue entre Matilda et Marc : « –On pourrait faire de l’hospitalisation a` domicile, sugge´ra Matilda. – De l’hospitalisation a`

domicile ? S’e´cria Marc un peu brusquement. Il venait de sortir de sa torpeur. Il e´tait reste´ silencieux durant tout le de´but de la re´union, manifestement absorbe´ par des soucis. Depuis qu’il devait composer avec le ministe`re de la Sante´ et les militaires, il avait perdu tout sourire (. . .).

Il regrettait les petites e´pide´mies de virus e´mergents, au fond de la foreˆt e´quatoriale, qu’il avait connues dans le passe´. La`, loin de toute ville et de tout ae´roport, il pouvait ope´rer tranquillement sans qu’aucun ministre ni conseiller ne vint jamais fourrer son nez dans la conduite des ope´rations.

(. . .)–Tu veux que l’on perfuse les gens chez eux ? Lanc¸a Marc, de plus

en plus agressif, laissant sous-entendre que cette ide´e e´tait tellement saugrenue qu’il aurait voulu qu’elle ne l’e´mit jamais en public »(Vardin, 2015 : 292-93).

Durant la partie la plus aigue¨ de la crise Ebola (juin 2014 a` mars 2015), MSF est traverse´e par des querelles intestines, dont le journal Libe´ration se fera l’e´cho (3 fe´vrier 2015) en publiant la lettre ouverte re´dige´e par 9 membres du mouvement MSF a` l’initiative de Thomas Nierle´ (Nierle´, 2014). Y e´taient de´nonce´es certaines pratiques des centres de traitement et demande´ que soient place´s au cœur des actions les patients et leurs familles dans le respect des droits des patients.

Syme´triquement, l’OMS sera percluse de luttes internes, que l’on pourrait lire a priori comme une lutte classique pour les places, les carrie`res et les postes (Bourrier, 2017), mais qui traduisent aussi le de´sarroi et la queˆte e´perdue de sens dans l’action. Tandis que la presse se faisait l’e´cho des prouesses accomplies par les soignants de MSF, locaux comme internationaux, mais aussi par ceux d’autres organi- sations, dans les couloirs de l’OMS a` Gene`ve, mais au sein meˆme des bureaux de MSF, on s’alarmait de certaines mesures expe´ditives : les experts de l’OMS accusant ceux de MSF d’eˆtre a` la racine des proble`mes avec les populations, en raison de leurs me´thodes d’intervention brutales et ceux de MSF taxant ceux de l’OMS d’incurie profonde.

De surcroıˆt, la question-meˆme du soin sera ouvertement pose´e, provoquant d’aˆpres de´bats dans les coulisses de la re´ponse internationale. Lorsque le virus Ebola s’invite en Espagne et aux E´ tats-Unis en septembre 2014, mais aussi alors que les premiers

(20)

rapatrie´s malades sont soigne´s dans les hoˆpitaux europe´ens et ame´ricains, il apparaıˆt que leurs chances de survie sont bien meilleures (on parle alors de 20 % de mortalite´ si on est soigne´ en Europe contre 60 % a` 70 % si on reste en Afrique de l’Ouest). D’un coˆte´, on aurait un soin de´grade´ pour les centres Ebola en Afrique ; de l’autre des me´dicaments expe´rimentaux et des perfusions efficaces pour les malades soigne´s en Europe. D’un coˆte´, des ressources me´dicales limite´es qui conditionnent le niveau de soins prodigue´s (Sprecher, 2016) ; de l’autre une abondance d’options the´rapeutiques (ce qui n’a pas empeˆche´ des contaminations d’intervenir en Europe et aux E´ tats- Unis). C’est ve´ritablement l’afflux massif de malades en septembre 2014, notamment dans le centre de Monrovia, qui a amene´ MSF a`

fermer temporairement son centre et a` interrompre l’administration par voie veineuse de fluides re´hydratants jusqu’a` ce que le nombre de soignants disponibles pour re´aliser ces voies veineuses soit redevenu satisfaisant (Sprecher, 2016 : 78). Au de´part, la base du traitement de masse a consiste´ a` administrer des soins de support (Sprecher et al., 2017). Ensuite des progre`s ont e´te´ faits et des essais cliniques ont eu lieu, tant pour les traitements que pour les vaccins14. Des supple´ments nutritionnels ont aussi e´te´ administre´s, y compris re´alise´s avec les moyens du bord15. Un certain nombre de patients ont aussi rec¸u du plasma de convalescents, des anticorps monoclonaux, des inhibiteurs de la polyme´rase virale (Sprecher et al.,2017).

Discussion

Il est inde´niable que ces controverses ont joue´ un roˆle dans la difficulte´ qu’ont eu les e´quipes a` s’ajuster sur un modus operandi minimal. Il ne s’agit pas ici uniquement de de´bats se´mantiques ou de posture e´thique, a` froid. Il s’agit de de´bats en actes qui ont de´chire´ les soignants et qui se sont re´percute´s sur la coordination des activite´s sur place. La re´ponse a` cette e´pide´mie disposait : a) d’un cadre d’action e´prouve´ (les 4 piliers), au fondement de la doxa professionnelle des

(14) Selon le re´cit qu’en fait Nadia Georges (2015, p. 196), urgentiste franc¸aise, de´ploye´e durant 6 semaines a` Macenta, en Guine´e, le Favipiravir arrive dans le centre de traitement de Macenta autour de Noe¨l 2014.

(15) N. Georges e´crit dans son journal : « Recette hypercalce´miante: 1 boite de sardines, + 3 portions de vache qui rit, apportant 780 + (120x3) mg de calcium, a`

prescrire 3 fois par jour » (2016, 111).

(21)

soignants (la bio-se´curite´) ; b) d’une narration habituelleet attendue (des flambe´es se produisant dans des re´gions forestie`res recule´es) ; c) d’experts ope´rationnels reconnus (le GOARN, MSF). Pourtant, les pratiques d’intervention utilise´es n’e´taient en fait pas stabilise´es.

Chacune charriait des de´bats de pratiques, qui dans le contexte de´grade´ ont trouve´ matie`re a` s’exprimer. Le mode d’intervention faisait le´gitimement l’objet de de´bats et des marges de manœuvre dans les choix de dispositifs existaient. S’il est facile re´trospectivement d’analyser comment et pourquoi le sce´nario a de´rape´, plusieurs points peuvent eˆtre souleve´s a` la lumie`re du compte-rendu que nous avons pu faire des controverses qui ont e´maille´ l’organisation de la re´ponse internationale. Leur porte´e va au-dela` de la crise Ebola de 2014-2015 et au-dela` de l’examen du rapport entre les e´quipes de MSF et de l’OMS.

Les controverses sont partout

Une ide´e tenace vise a` sugge´rer que des « re´sistances » ne se sont en fait manifeste´es que sur le terrain, en Afrique. Or ce que nous avons pu montrer est que les controverses sur les modes d’intervention biome´dicale dans le cadre d’e´pide´mies complexes existent a` tous les niveaux. Meˆme si elles ne sont pas divulgue´es au grand jour, elles ont en fait irrigue´ toutes les strates de de´cisions. Il n’y a pas d’un coˆte´, divers centres rationnels, a` l’OMS, aux CDC, dans les sections MSF, charge´s de coordonner la re´ponse et de l’autre, de multiples terrains e´motionnels, qui ne comprennent pas, ne veulent pas comprendre, ne peuvent pas comprendre, sont mal informe´s, sont victimes de rumeurs.

Les centres de de´cisions ont aussi e´te´ le the´aˆtre de rumeurs, de batailles se´mantiques, de jeux de pouvoir, de choix et de non-choix davantage chahute´s par les incertitudes du moment que par la me´decine de sante´

publique «evidence-based », dont on n’aurait qu’a` appliquer les bonnes me´thodes ge´ne´riques.

L’impense´ des modes de´grade´s

Aucune are`ne n’a pu permettre de poser les termes d’un de´bat sur des alternatives. A` chaud, cela semblait difficile. Pourtant, cette absence de dialogue sur les diffe´rentes manie`res de se de´ployer a handicape´ les e´quipes durant de nombreux mois. Les modes de´grade´s font partie des registres d’action. Les interventions aux limites des dispositifs ont toujours existe´ et ont existe´ durant la gestion de cette situation hors norme. Pourtant, ils ont fait figure d’impense´s. Les voies de repli, les deuils qu’il faut faire, les sacrifices qu’il faut anticiper ont e´te´ le lot quotidien de tous les re´pondeurs sur le terrain comme dans les

(22)

e´tats-majors. Nombre d’entre eux y sont habitue´s. Mais la` ou` les situations ne de´passaient pas des centaines de victimes, dans ce cas il s’est agi de plusieurs milliers de victimes. Les modes de´grade´s et les choix aux limites n’ont pas fait l’objet d’un minimum de consensus car les principes de de´ploiements nominaux n’e´taient pas non plus totalement partage´s. Le monde de la lutte contre les e´pide´mies de type Ebola est traverse´ de nombreuses pole´miques. Il offre des « re´sistan- ces » au moins aussi importantes que celles qui se sont de´ploye´es sur le terrain, du coˆte´ des populations. La controverse autour des recommandations concernant les tenues de protection individuelles ou celle concernant le «home-based care» sont exemplaires de ces de´bats enfouis.

Les savoirs oublie´s

Enfin, a` notre grande surprise nous avons pu constater et reconstituer apre`s coup, que les anthropologues et les organisateurs de re´ponse aux e´pide´mies Ebola ne se de´couvrent pas en 2014. Tandis que certains experts au sein de l’OMS comme aux CDC, rencontre´s en 2014 et 2015, laissent clairement entendre que le monde de la sante´ globale

« de´couvre » des pratiques particulie`res, ne´cessitant l’apport des anthropologues et qu’une perce´e spectaculaire dans les discours des acteurs, notamment a` l’OMS, apparaıˆt en faveur des sciences sociales, notre enqueˆte de´montre que tel n’est pas le cas. Il y a lieu de s’interroger sur cet oubli massif des donne´es issues des recherches ante´rieures et des collaborations initie´es sur Ebola.

De`s le de´but de l’intervention, les « rituels d’enterrement africains » en apparence totalement me´connus de nos interlocuteurs a` l’OMS (et aux CDC) viennent perturber la bonne gestion de la crise.

Rapidement, les pratiques fune´raires et les pre´parations des corps traditionnelles seront mises en cause par les experts des autorite´s de sante´, cre´ant un de´sarroi sans pre´ce´dent aupre`s des populations, venant renforcer l’image d’une Afrique aux prises avec ses pratiques culturelles d’un autre aˆge (Kidjo, 2014 ; Fairhead, 2014). Cependant, de nombreuses connaissances existent sur la manie`re d’engager un dialogue avec les populations, aux prises avec une e´pide´mie Ebola.

L’un des experts Ebola du de´partement Pandemic and Epidemic Diseasesde l’OMS16, le Dr. Pierre Formenty a, depuis plus de 10 ans, engage´ des collaborations avec des anthropologues (Les Hewlett,

(16) De´partement renomme´ depuis, en de´partement des urgences.

(23)

anthropologues de l’universite´ de Washington a` Vancouver ; Alain Epelboin du Muse´e de l’Homme a` Paris notamment) permettant d’e´crire des protocoles d’intervention (notamment dans le cas des ensevelissements suˆrs et respectueux, mais e´galement dans l’ame´liora- tion de la connaissance des chaines de transmission de la maladie), informe´s des pratiques locales, de manie`re a` les communiquer de la fac¸on la plus respectueuse possible (Boumandouki et al. 2003 ; Epelboinet al., 2003 ; Hewlettet al., 2005 ; Hewlett & Hewlett, 2008 ; Brunnquell et al., 2007 ; Epelboin et al., 2008 ; Epelboin, 2009 ; Formenty, 2014).

Partout, et dans toutes les re´unions d’experts qui s’ensuivirent, nous avons e´te´ te´moin de cet appel incessant aux anthropologues faisant « partie de la re´ponse », dont les connaissances auraient si cruellement manque´ (Faye, 2015). Or, de nombreux documents, a` la fois sous forme de publications scientifiques, mais e´galement sous forme de protocoles d’intervention, ou de documents a` l’usage des personnes sur le terrain, et meˆme des DVD existaient depuis le de´but des anne´es 2000. Cet oubli institutionnel ou cette « production involontaire d’ignorance » pour reprendre les termes de Dedieu et Jouzel (2015, p. 106) ne laissent pas de nous questionner depuis. Des savoirs cruciaux pour l’action, pas si anciens, ont ainsi e´te´ laisse´s de coˆte´, comme enfouis et oublie´s.

L’hypothe`se que l’on fait est qu’ils re´ve`lent des pans entiers de savoirs issus des sciences sociales inconfortables pour les re´pondeurs majoritairement issus des sciences biome´dicales. Ce qui a e´te´ oublie´

inconsciemment ou ce qui pose proble`me aux re´pondeurs aux e´pide´mies est cette ne´cessaire contextualisation de pratiques et de dispositifs biome´dicaux, qui sont de´ploye´s de manie`retop-down, et qui sont cense´s s’appliquer de fac¸on ge´ne´rique, inde´pendamment du contexte. En suivant le cadre conceptuel de Proctor (2011) sur la

« production culturelle de l’ignorance », repris par Dedieu et Jouzel (2015) qui insistent sur le caracte`re involontaire et syste´mique de ces oublis, nous sommes arrive´s a` la conclusion que les donne´es produites sur Ebola par les anthropologues en particulier ante´rieurement a` la crise de 2014, e´taient de nature a` de´ranger ladoxaprofessionnelle des re´pondeurs. Pourtant, bien e´videmment une rapide recherche sur Google scholar confronte le moindre curieux a` une se´rie de textes datant du milieu des anne´es 90 et qui font e´tat de recherches conjointes, y compris au niveau international avec l’OMS. En de´montrant que le point de de´part a` toute intervention repose sur la connaissance la plus pre´cise possible du contexte et sur la reconnaissance des savoirs pre´existants sur les maladies a` combattre, les travaux de sciences sociales obligent a` remettre en cause l’un des fondements sur lesquels

(24)

les dispositifs de´ploye´s fonctionnent : leur universalite´ et leur versatilite´ suppose´es. Cette primaute´ du contexte (Moulin, 2015) et ce potentiel contre-re´cit ou « re´servoir critique » (Castagnino, 2017) offert par les travaux des sciences sociales s’accommodent mal de messages centralise´s et standardise´s qui visent a` de´ployer des dispositifs, qui ont fait leurs preuves ailleurs (i.e. : les centres de traitement Ebola). Les voix qui proˆnaient une adaptation et un pluralisme des approches, voire une hybridation ont e´te´ rendues silencieuses. C’est le cas aux CDC, lorsqu’un expert nous dit : « il fallait donner quelque chose en e´change, personne ne m’e´coutait »,c’est le cas a` l’OMS, ou` les centres communautaires auraient pu« permettre de laisser une trace (des seaux, des bassines) »,nous dit cette experte de tre`s haut niveau. C’est encore le cas chez MSF quand certains sugge`rent que face a` l’ampleur de la crise a` Monrovia, les « lits chole´ra » constituent peut-eˆtre une ve´ritable option. Toutes ces prises de position ont syste´matiquement e´te´ e´carte´es, car elles e´taient potentiellement trop subversives pour la doxa professionnelle des re´pondeurs biome´dicaux, qu’ils soient des CDC, de l’OMS ou de MSF.

Il importera de suivre comment les sciences sociales, de´sormais inte´gre´es dans les structures de la re´ponse d’urgence mondiale aux e´pide´mies, avec la cre´ation a` l’OMS en 2016 du «social science response team»,17 seront ve´ritablement incorpore´es aux prises de de´cision et pas uniquement somme´es de fournir de « bonnes » bases rapidement e´tablies18au de´ploiement des ope´rations de communica- tion de risque.

Liens d’inte´reˆts : l’auteur de´clare ne pas avoir de lien d’inte´reˆts en rapport avec cet article.

RE´ FE´RENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Anoko J., Epelboin A., Formenty P., 2014. Humanisation de la re´ponse a`

la fie`vre he´morragique Ebola en Guine´e : approche anthropologique.

(Conakry/Gue´cke´dou mars-juillet 2014).

Ansell C., Sondorp E., Stevens R.H., 2012. The promise and challenge of global network governance: The global outbreak alert and response

(17) Cf site web OMS: http://www.who.int/risk-communication/social-science- interventions/en/: Social Science: Revolutionizing Emergency Response.

(18) Cf. Johnson & Vindrola-Padros (2017).

(25)

network. Global governance: A review of multilateralism and inter- national organizations18(3), 317-37.

Bot O., 2014. « A MSF, nous sommes totalement de´borde´s ».Tribune de Gene`ve 2 oct. 2014.

Boumandouki P., Formenty P., Epelboin A., Campbell P., Atsangandoko C., Allarangar Y. et al., 2005. Prise en charge des malades et des de´funts lors de l’e´pide´mie de fie`vre he´morragique due au virus Ebola d’octobre a` de´cembre 2003 au Congo. Bull Soc Pathol Exot 98(3), 218-23.

Bourrier M., 2017. Conditions d’acce`s et production de connaissances organisationnelles : quelles possibilite´s de produire des connaissances contextualise´es sur le fonctionnement du syste`me de sante´ global ? Revue Anthropologie des Connaissances11(4), 521-47. [https://doi.org/

10.3917/rac.037.0521].

Brunnquell F., Epelboin A., Formenty P., 2007. Ebola : ce n’est pas une maladie pour rire/Ebola: No laughing matter. DVD, Capa produc- tions.

Castagnino F., 2017.Les chemins de faire de la surveillance, une sociologie des dispositifs de se´curite´ et de suˆrete´ ferroviaires en France. The`se de doctorat de sociologie, Paris, Ecole des Ponts ParisTech, Universite´

Paris-Est.

Calain P., Poncin M., 2015. Reaching out to Ebola victims: Coercion, persuasion or an appeal for self-sacrifice?Social Science & Medicine 147, 126-33. [https://doi.org/10.1016/j.socscimed.2015.10.063].

Cassels A., Kickbusch I., Michaela Told M., Ioana Ghiga I., 2014. How should the WHO reform? An analysis and review of the literature, global health programme, graduate institute. Geneva, Working Paper n811.

Constant P., 2016. Des chauves-souris, des singes et des hommes. Paris, Gallimard.

Dedieu F., Jouzel J.N., 2015. Comment ignorer ce que l’on sait ?Revue franc¸aise de sociologie 56(1), 105-33. [https://doi.org/10.3917/rfs.

561.0105].

Dupras A., 2016.The Ebola outbreak: Towards a biosecuritisation of global health.Master Thesis, Gene`ve, Universite´ de Gene`ve.

Epelboin A., 2009. L’anthropologue dans la re´ponse aux e´pide´mies : science, savoir-faire ou placebo ? Bulletin Amades. Anthropologie Me´dicale Applique´e au De´veloppement et a` la Sante´78.

(26)

Epelboin A., Formenty P., Bahuchet S., 2003. Du virus au sorcier : approche anthropologique de l’e´pide´mie de fie`vre he´morragique a` virus Ebola se´vissant dans le district de Ke´lle´ (Congo).Canope´e24, 5-6.

Epelboin A., Formenty P., Anoko J., Allarangar Y., 2008. Humanisations et consentements e´claire´s des personnes et des populations lors des re´ponses aux e´pide´mies de FHV en Afrique centrale (2003-2008).

Mesures de controˆle des infections et droits individuels : un dilemme e´thique pour le personnel me´dical. Humanitarian Stakes 1, 25-37.

Faye S.L., 2015. L’« exceptionnalite´ » d’Ebola et les « re´ticences » populaires en Guine´e-Conakry. Re´flexions a` partir d’une approche d’anthropologie syme´trique. Anthropologie et Sante´, Revue interna- tionale francophone d’anthropologie de la sante´11.

Fassin D., 2010. La raison humanitaire : une histoire morale du temps pre´sent.Paris, Gallimard.

Fairhead J., 2014. The significance of death, funerals and the after-life in Ebola-Hit Sierra Leone, Guinea and Liberia: Anthropological insights into infection and social resistance, mimeo. Ids research, OpenDocs.

Formenty P., Libama F., Epelboin A., Allarangar Y., Leroy E., Moudzeo H. et al., 2003. L’e´pide´mie de fie`vre he´morragique a` virus Ebola en Re´publique du Congo, 2003 : une nouvelle strate´gie. Me´decine tropicale 63, 291-5.

Formenty P., 2014. Strate´gie Ebola. Flambe´es e´pide´miques de maladie a`

virus Ebola et Marburg : pre´paration, alerte et e´valuation. Aouˆt 2014.

WHO/HSE/PED/CED/2014.05.

Fribault M., 2015. Ebola en Guine´e : violences historiques et re´gimes de doute. Anthropologie et Sante´, Revue internationale francophone d’anthropologie de la sante´11.

Geissler P., 2005. ‘Kachinja are coming!’: Encounters around medical research work in a Kenyan Village.Africa75(2), 173-202. [https://doi.

org/10.3366/afr.2005.75.2.173].

Georges N., 2015. Six semaines dans un centre de traitement Ebola : a`

Macenta, Guine´e forestie`re. Nantes, E´ ditions Amalthe´e.

Gomez-Temesio V., Le Marcis F., 2017. La mise en camp de la Guine´e.

L’Homme 2, 57-90. [https://doi.org/10.4000/lhomme.30147].

Hewlett B., Epelboin A., Hewlett B., Formenty P., 2005. Anthropologie me´dicale.Bulletin de la Socie´te´ de pathologie exotique98(3), 230-36.

Hewlett B.S., Hewlett B., 2008. Ebola, culture, and politics: The anthropology of an emerging disease.Belmont, CA, Cengage learning.

(27)

Johnson G.A., Vindrola-Padros C., 2017. Rapid qualitative research methods during complex health emergencies: A systematic review of the literature. Social Science & Medicine 189. 63-75. [https://doi.org/

10.1016/j.socscimed.2017.07.029].

Kamradt-Scott A., 2010. The WHO secretariat, norm entrepreneurship, and global disease outbreak control. Journal of international organizations studies1(1), 72-89.

Kerstie¨ns B., Matthys F., 1999. Interventions to control virus transmis- sion during an outbreak of Ebola hemorrhagic fever: Experience from Kikwit, Democratic Republic of the Congo, 1995. The Journal of infectious diseases179(Supplement 1), S263-S267.

Kidjo A., 2014. « Don’t let Ebola deshumanize Africa ».The New York TimesOct. 31, 2014.

Lall R., 2017. Beyond Institutional design: Explaining the performance of international organizations. International Organization71(2), 245-80.

[https://doi.org/10.1017/S0020818317000066].

Lakoff A., 2010. Two regimes of global health. Humanity: An International Journal of Human Rights Humanitarianism and Deve- lopment1(1), 59-79.

Le Marcis F., 2015. Traiter les corps comme des fagots, production sociale de l’indiffe´rence en contexte Ebola (Guine´e). Anthropologie et Sante´, Revue internationale francophone d’anthropologie de la sante´11. [https://

doi.org/10.4000/anthropologiesante.1907].

Lempen B., 2010. Gene`ve, Laboratoire du XXIe sie`cle. Gene`ve, Georg Editeur.

MacIntyre C.R., Chughtai A.A., Seale H., Richards G.A., Davidson P.

M., 2014. Respiratory protection for healthcare workers treating Ebola virus disease (EVD): Are facemasks sufficient to meet occupational health and safety obligations?International journal of nursing studies51 (11), 1421-26.

MacIntyre C.R., Chughtai A.A., Seale H., Richards G.A., Davidson P.

M., 2015. Uncertainty, risk analysis and change for Ebola personal protective equipment guidelines.International journal of nursing studies 52(5), 899-903.

Me´decins Sans Frontie`res, 2015.Pushed to the limit and beyond, a year into the largest ever Ebola outbreak. International website of Me´decins Sans Frontie`res. [http://www.msf.org/en/article/ebola-pushed-limit- and-beyond].

(28)

Moulin A.M., 2015. L’anthropologie au de´fi de l’Ebola.Anthropologie et Sante´, Revue internationale francophone d’anthropologie de la sante´11.

[https://doi.org/10.4000/anthropologiesante.1954].

Nierle´ T., 2014. Ebola : un de´fi a` notre identite´ d’humanitaire–une lettre ouverte au mouvement MSF, e´crite par 9 membres du mouvement MSF Suisse en de´cembre 2014, est apparu le 3 fe´vrier 2015 dans le JournalLibe´ration. [http://www.liberation.fr/terre/2015/02/03/parfois- le-traitement-symptomatique-a-ete-neglige-voire-oublie_1194960].

OMS, 2016. Rapport de situation. Maladie a` virus Ebola, 2 juin 2016.

[http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/208876/1/ebolasitrep_2Ju- ne2016_fre.pdf?ua=1].

Packard R.M., 2016.A history of global health: Interventions into the lives of other peoples. Baltimore, John Hopkins University Press.

Pallister-Wilkins P., 2016. Personal protective equipment in the humanitarian governance of Ebola: Between individual patient care and global biosecurity.Third World Quarterly37(3), 507-23. [https://

doi.org/10.1080/01436597.2015.1116935].

Preston R., 2014 [1994].The hot zone: the terrifying true story of the origins of the Ebola virus. New York, NY, Anchor Books.

Proctor R., 2011.Golden holocaust. origins of the cigarette catastrophe and the case for abolition. Berkeley and Los Angeles, University of California Press.

Richards P., 2016.Ebola: How a people’s science helped end an epidemic.

London, Zed Books Ltd.

Roddy P., Weatherill D., Jeffs B., Abaakouk Z., Dorion C., Rodriguez- Martinez J.et al., 2007. The Medecins Sans Frontieres intervention in the Marburg hemorrhagic fever epidemic. Uige, Angola, 2005. II.

Lessons learned in the community.The Journal of infectious diseases 196(Supplement 2), S162-67. [https://doi.org/10.1086/520544].

Sprecher A., 2016. Challenges in the management of the West African Ebola outbreak. In Evans N.G., Smith T.C., Majumber M.S. (eds.) Ebola’s message, public health and medicine in the twenty-first century.

Cambridge, Mass, MIT Press, 73-82. [https://doi.org/10.1007/

82_2017_18].

Sprecher A., Van Herp M., Rollin P.E., 2017. Clinical management of Ebola virus disease patients in low-resource settings. Marburg-and Ebolaviruses: From ecosystems to molecules. Current Topics in Microbiology and Immunology 411, 93-113.

(29)

Sterk E., 2008. Filovirus haemorrhagic fever guideline. Me´decins Sans Frontie`res.

UNICEF, 2015. Community care centers, Community dialogue and engagement: Key ingredients in Sierra Leone retrieved.

Vardin S., 2015. Babel epidemic, Ebola aux cent visages. Paris, L’Harmattan.

Verbeek J.H., Ijaz S., Mischke C., Ruotsalainen J.H., Ma¨kela¨ E., Neuvonen K.et al., 2016. Personal protective equipment for preventing highly infectious diseases due to exposure to contaminated body fluids in healthcare staff. Cochrane Database of Systematic Reviews (4).

[https://doi.org/10.1002/14651858.CD011621.pub2].

Wilkinson A., 2014. Ebola: Failures, flashpoints and focus. [https://steps- centre.org/blog/ebola/].

White L., 1997. The traffic in heads: Bodies, borders and the articulation of regional histories. Journal of Southern African Studies23(2), 325- 338. [https://doi.org/10.1080/03057079708708540].

Wolz A., 2014. Face to face with Ebola—an emergency care center in Sierra Leone. New England Journal of Medicine 371(12), 1081-83.

[https://doi.org/10.1056/NEJMp1410179].

Youde J., 2012. Global health governance. Cambridge, Polity.

Références

Documents relatifs

Seul le système arbitraire (dans le sens de non défini par la loi) garantit une justice modérée, nourrie d'équité et qui protège les individus d'un automatisme légal.

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version. 1

internationale du Travail (OIT) reste l'organisation compétente en la matière et il serait préjudiciable pour le système de règlement des diffé- rends de l'OMC de

Après avoir tenté de décrire la réalité du deal pour ces migrants, en faisant mention de leur mode d’organisa- tion, des stratégies dont ils usent afin de se construire une place

11 Voir par exemple CPJI, affaire du Traitement des nationaux polonais à Dantzig (avis consultatif, 1932), sér.. ancrées dans le droit international 13. En effet, si elle

Or, sur plu- sieurs thèmes (mais pas sur tous), le premier axe de l’ACM se construit sur ces différences de stratégies de réponses, qui ne nous disent rien du sujet à l’étude

pierre leur permettant de s'exercer et un vétéran devenu trop faible pour pratiquer la taille, mais assez expérimenté pour l'enseigner, on installa un centre de formation où il

« comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue » 35. Sept critères légaux doivent être pris en compte