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Un rapprochement... qui éloigne la Suisse d'une adhésion

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Un rapprochement... qui éloigne la Suisse d'une adhésion

SCHWOK, René

SCHWOK, René. Un rapprochement.. qui éloigne la Suisse d'une adhésion. Revue du marché commun et de l'Union européenne , 2004, no. 483, p. 645-650

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:4779

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((I) Juridiquement, il s'agit ici d'un accord entre la Confédération suisse et la Communauté européenne.

http://www.europa.admin.ch/nbv/offlabkommen/ffindex.htm

UN RAPPROCHEMENT ...

QUI ÉLOIGNE LA SUISSE D'UNE ADHÉSION

LES ACCORDS BILATÉRAUX SUISSE/UNION 2ÈME SÉRIE

par RENÉ SCHWOK Institut européen et Département de Science politique de

l’Université de Genève

Le 26 octobre 2004, l'Union et la Suisse ont signé une deuxième série d'accords bilatéraux (AB2). Ceux-ci portent sur neuf dossiers (voir encadré). Six d'entre eux n’ont pas créé de difficultés. Les trois autres ont fait l'objet de négociations très intéressantes: fiscalité de l’épargne, Schengen et lutte contre la fraude. Dans l'UE, ces accords rencontrent une totale indifférence. Alors qu'en Suisse, ils font l'objet d'un intense débat. L'accord sur Schengen fera même l'objet d'un référendum en juin 2005.

La campagne politique a déjà commencé en octobre 2004, fait rare dans l'histoire politique suisse. Dans la première partie, nous présentons les trois accords les plus controversés. Pour chacun d'entre eux, nous montrons d'abord leurs contenus et leurs spécificités institutionnelles. Ensuite, nous nous livrons à une appréciation politique.

Dans la deuxième partie, nous replaçons ces accords dans le contexte plus général des relations entre l’UE et la Suisse. Nous avançons le paradoxe que, bien que ces accords rapprochent la Suisse de l’UE, ils éloignent pourtant la perspective d'une adhésion.

I - PRÉSENTATION DES TROIS ACCORDS IMPORTANTS

A - Fiscalité de l'épargne (1)

Le noyau de l'accord est constitué par l'en- gagement de la Suisse à lever un impôt qui s'élèvera à 35 % à partir de 20 Il. Cet impôt concerne exclusivement les intérêts engen- drés par l'épargne de personnes physiques ayant leur domicile fiscal dans l’UE. 75 %

de l'argent récolté seront redistribués aux fiscs des États de l'UE. La Suisse peut pré- server son secret bancaire. Sous réserve des approbations nécessaires, l'accord devrait entrer en vigueur le 1er juillet 2005.

1. Contenu et spécificités institutionnelles

Depuis la fin des années 1980, les pays de l'UE ont cherché à éviter que leurs ressortis- sants ne placent leur argent dans d'autres pays afin d'échapper à l'impôt sur les revenus de l'épargne. Pour combattre cette évasion fiscale, la Commission et la plupart des États de l'UE ont proposé d'instaurer un mécanisme d'échange automatique d'infor- mations. La difficulté est que trois États membres, le Luxembourg, la Belgique et l'Autriche, ne voulaient pas lever leur secret bancaire en cas d'évasion fiscale. Ils furent rejoints dans leur refus par la Suisse, Andorre, Saint-Marin, le Liechtenstein, ainsi que des paradis fiscaux dépendants du Royaume-Uni et des Pays-Bas.

L’UE a donc dû intégrer ces pays tiers dans son projet, en particulier la Suisse. Il fallait

Revue du Marché commun et de l'Union européenne, n° 483, décembre 2004 645

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SUISSE ET FISCALITE DE L'ÉPARGNE

Les neuf accords bilatéraux entre l’UE et la Suisse

(1) Fiscalité de l’épargne. La Suisse va imposer les revenus de l’épargne des personnes qui résident dans l’UE. Son secret bancaire est préservé.

(2) Schengen/Dublin. La Suisse y participe sur le modèle de la Norvège et de l’Islande. Elle peut quand même maintenir des contrôles à ses frontières. Elle obtient des garanties pour son secret bancaire.

(3) Lutte contre la fraude. La Suisse aide l’UE à lutter contre la fraude sur les douanes et la fiscalité indirecte. Elle obtient d’autres garanties pour son secret bancaire.

(4) Produits agricoles transformés. Allégement des droits de douane sur les produits agricoles transformés ex.!: chocolat, biscuits, soupes, café soluble.

(5) Statistique. Adhésion de la Suisse à Eurostat, l’Office statistique de l’UE.

(6) Pensions. Renonciation par la Suisse à imposer les fonctionnaires retraités de l’EU établis en Suisse. Seules une cinquantaine de personnes sont concernées.

(7) Environnement. Participation de la Suisse à l’Agence Européenne pour l’Environnement (AEE).

(8) MEDIA. Participation de la Suisse à MEDIA, le programme de l’UE destiné à aider l’industrie audiovisuelle européenne.

(9) Education, formation professionnelle, jeunesse. Participation de la Suisse aux programmes de l’UE visant à encourager la mobilité des étudiants, des personnes en formation et des jeunes (SOCRATES, LEONARDO DA VINCI et JEUNESSE (activités extrascolaires).

en effet satisfaire le Luxembourg, la Belgique et l'Autriche qui craignaient que l'argent qui était placé chez eux ne soit détourné vers la Suisse et d'autres havres bancaires s'ils levaient le secret bancaire.

Rappelons que ces trois pays ont la possibi- lité de mettre leur veto à toute solution qui ne leur plaît pas puisque les décisions en la matière se .prennent à l'unanimité. Pour résoudre ce dilemme, le premier projet de directive de l'UE sur la fiscalité de l'épargne (1998) était fondé sur le modèle dit de coexistence. En d'autres termes, les pays de l'UE auraient eu le choix entre, d'une part, un échange automatique d'informations (la levée du secret bancaire), et, d'autre part, une retenue d'impôts.

Ce projet a cependant connu un tournant lors du Conseil européen de Feira (juin 2000). Tout à coup, les chefs d'État et de gouvernement ont abandonné l'idée de coexistence et ont exigé l'échange automa- tique d'informations, à condition que la Suisse et les autres pays tiers européens en fassent autant. De la part du Luxembourg, de la Belgique et de l'Autriche, c'était en fait un choix tactique pour ne pas avoir à s'op- poser directement à leurs partenaires. Ils

conditionnaient leur appui à l'assentiment de la Suisse, tout en sachant que ce pays n'accepterait jamais. Mais, en même temps, cela revenait à octroyer une sorte de veto à un pays non-membre. On laissait à un État tiers le pouvoir de sceller le destin d'une directive communautaire (2). Une première dans l'histoire de l'UE.

En Suisse, ce Conseil européen de Feira pro- voqua cependant un mini-psychodrame (3).

Cela aurait signifié la fin du secret bancaire helvétique dans toutes les affaires d'évasion fiscale avec les pays de l'UE. Finalement, face à l'intransigeance suisse, au double jeu des trois pays membres, à certaines attitudes ambiguës du Royaume-Uni, ainsi qu'au refus américain d'entrer en matière, l'UE est reve- nue de facto au modèle de coexistence. Elle a ainsi accepté que trois pays de l'UE (Autriche, Belgique et Luxembourg), ainsi que la Suisse, les micro-États européens et les territoires dépendants du Royaume-Uni et des Pays-Bas puissent maintenir leur secret bancaire.

En échange du maintien du secret bancaire, les entités susmentionnées doivent intro- duire un système de retenue à la source sur

les revenus de l'épargne. Celui-ci consiste en un impôt qui atteindra à terme 35 % de l'intérêt versé. C'est l'organe suisse versant l'intérêt (banque, négociateur en valeurs mobilières, etc.) qui s'engage à procéder à la retenue. La retenue de 35 % sera introduite progressivement. Au cours des trois pre- mières années, le taux s'élèvera à 15 %, les trois années suivantes à 20 % et ensuite à 35 %.

Relevons aussi d'autres éléments intéressants de cet accord. Dans un mémorandum (4), les pays de l'UE et la Suisse se sont également engagés à échanger sur demande des informations concernant des actes qui relèvent de la

« fraude fiscale ou de délits analogues ». Ce type d'entraide administrative avec l'UE est nouveau. Mais attention, en Suisse, fraude fiscale ne signifie pas soustraction fiscale.

Cette dernière est une distraction, un oubli, mais pas une fraude ou un acte délictueux où le contrevenant aurait agi avec malice.

Notons que ce genre de subtilité n'est pas accepté dans d'autres pays, dans les milieux de gauche, ainsi que chez certains banquiers un peu critiques.

Mentionnons aussi que l'article 15 de l'accord renferme un élément intéressant pour la Suisse. En effet, il prévoit la suppression de l'impôt à la source sur les paiements d'in- térêts, de dividendes et de redevances de licence entre entreprises associées. Cela fait disparaître les discriminations à l'encontre

(2) Christophe BONTE, « Comprendre la logique politique de l'UE pour comprendre les négociations actuelles » in René SCHWOK (dir.), « Place financière suisse, évasion fiscale et intégration européenne », Genève, Institut européen de l'université de Genève, 2002, pp. 56-62.

(3) René SCHWOK, « Typologie des différents scénarios », ibid., pp. 185-191.

(4) Il s'agit ici d'un mémorandum entre la Confédération suisse et les 25 États membres de l'Union.

http://www.europa.admin.ch/nbv/offlabkommen/rindex.htm

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des sociétés-mères suisses par rapport à celles de l'UE. Cela revêt une grande impor- tance pour les entreprises suisses actives à l'échelle internationale. Cela est particuliè- rement rentable pour les nombreuses socié- tés holdings basés en Suisse.

L’accord sur la fiscalité contient également une clause relative aux révisions ultérieures.

Ce n'est que lorsque l'accord aura été entiè- rement mis en œuvre qu'il sera possible d'examiner son adaptation éventuelle. Cela ne sera possible qu'après 2013. En d'autres termes, il n'est pas prévu de passage auto- matique à un système d'échanges d'infor- mations et donc la levée du secret bancaire.

2. Appréciation politique

Pour l'UE, cet accord sur la fiscalité de l'épargne ne constitue pas un succès.

Rappelons que c'est elle qui avait insisté pour qu'il figure dans l'agenda des négociations, alors que la Suisse ne le voulait pas. Par rapport à ses quatre objectifs initiaux, les résultats sont en deçà de ses attentes. Ses buts étaient en effet:

- de développer une politique unique en la matière;

- de maintenir la pression sur les pays tiers/paradis fiscaux;

- d'éviter l'évasion fiscale; et - de récupérer de l'argent.

Par rapport au premier objectif, l'échec est total. Trois pays obtiennent une dérogation qui pourrait se révéler définitive. Ce sont le Luxembourg, la Belgique et l'Autriche qui peuvent maintenir leur secret bancaire, alors que les vingt-deux autres États membres passent à l'échange automatique d'informa- tIons.

Pour ce qui a trait au deuxième objectif, le succès n'est pas non plus au rendez-vous.

L’accord avec la Suisse a pour effet d'enrayer

le processus entamé au sein de l'OCDE visant àsupprimer le secret bancaire. En d'autres termes, elle a implicitement légitimé les pays qui pratiquent le secret bancaire en matière d'évasion fiscale. Ceci constitue une première dans son histoire.

Le troisième objectif n'a pas l'air mieux rempli. Il est en effet douteux que cet accord ne diminue l'évasion fiscale: un taux de 35 % n'a pas l'air d'être suffisamment dissuasif. De plus, les banques luxembour- geoises, suisses et des autres pays semblables vont proposer des instruments financiers qui permettront d'échapper à cet impôt (bancassurance, déplacement de l'agent payeur en dehors d'Europe, société écran, société off shore etc.).

Concernant le quatrième objectif, il est douteux que beaucoup d'argent revienne dans les caisses des fiscs des pays de l'Union européenne. Pour les raisons susmentionnées, il est vraisemblable que la plupart des clients européens se verront offrir des moyens pour éviter de payer la retenue de 35 %.

Du côté suisse, par contre, le résultat des négociations a été accueilli avec un soulage- ment et une satisfaction àpeine dissimulés.

Une telle issue a constitué une sorte de vic- toire car elle correspond dans les grandes lignes aux objectifs de négociation du Conseil fédéral (5). Celui-ci a réussi à faire cesser les pressions pour abolir le secret bancaire en cas de soustraction fiscale. Il a obtenu qu'aucune autre demande allant dans cette direction ne soit formulée avant une bonne quinzaine d'années. Il ne devra enfin pas redistribuer beaucoup d'argent aux fiscs des pays de l'Union.

Cela explique pourquoi les milieux bancaires, patronaux, le Conseil fédéral et les partis de droite s'engagent à fond pour que ces accords bilatéraux soient ratifiés par la Suisse et qu'un référendum échoue.

D'ailleurs, même l'Union Démocratique du Centre (UDC), traditionnellement opposée à toute politique d'intégration européenne, ne s'oppose pas à cet accord précis.

Si cet accord sur l'évasion fiscale rapproche la Suisse de l'Union, il est vraisemblable qu'il éloigne, paradoxalement, la perspective d'une adhésion. C'est l'argument que nous développons dans la deuxième partie.

B - Schengen/Dublin (6)

Cet accord permet à la Suisse d'être associée au droit dit de Schengen/Dublin.

Pour mémoire, Schengen favorise la libre circulation des personnes grâce à l'abandon du contrôle systématique des personnes au passage des frontières internes. Il améliore également la coopération transfrontalière entre police et justice dans la lutte contre la criminalité internationale et le terrorisme.

Concrètement, la Suisse pourra accéder au système d'information de Schengen, SIS. Il s'agit d'une base de données contenant des renseignements sur les personnes et les objets recherchés. Cet instrument est très utile dans la lutte contre les activités de contrebande ou de passeurs, les trafics d'armes et de drogues.

La convention de Dublin règle les compé- tences en matière de demandes d'asile.

Grâce à la base de données électronique Eurodac, dans laquelle sont enregistrées les

(5) Conseil fédéral, « Ouverture des négociations concernant la fiscalité de l'épargne », communiqué de presse, 18 juin 2002, Berne, Département fédéral des finances, http://www.europa.admin.ch/nbv/medien/2002/ffpm_0206/ 8.pdf.

(6) fi s'agit ici d'un accord entre d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, la Communauté européenne et l'Union européenne.

http://www.europa.admin.ch/nbv/oft7abkommen/Pindex.htm

Revue du Marché commun et de l'Union européenne, n° 483, décembre 2004 647

vue du March é

(5)

Revue du Marché commun et de l'Union européenne, n° 483, décembre 2004 empreintes digitales des requérants d'asile,

une personne ayant introduit plusieurs demandes d'asile peut être plus facilement identifiée et par conséquent reconduite dans le pays de premier asile.

1. Contenu et spécificités institutionnelles

L’accord stipule que la Suisse aura dans l'Espace Schengen/Dublin le même statut que la Norvège et l'Islande. À l'instar de ces États associés, elle aura le droit de participer à la formation (shaping) des décisions, mais elle ne disposera pas d'un droit de codécision formel. Comme au sein de l'EEE, la Suisse pourrait participer au processus décisionnel, mais sans droit de vote. La Suisse pourra ainsi contribuer aux décisions qui la concernent comme une modification du droit relatif aux visas ou du droit d'asile. En outre, elle pourra participer à l'évolution ultérieure de l'acquis de Schengen et aura un droit d'accès à de nouveaux instruments (par exemple SIS II).

Dans ce cadre du développement de l'ac- quis SchengenIDublin, la Suisse pourra décider de manière autonome et souveraine si elle désire assumer un nouvel acte juri- dique. À cette fin, elle a négocié une période de transition pouvant aller jusqu'à deux ans.

La reprise de l'évolution du droit de Schengen/Dublin ne se fait donc pas auto- matiquement, mais sera, à chaque fois, sou- mise à l'accord du législateur suisse. Si la Suisse refuse un nouvel acte juridique et qu'aucun compromis n'est possible, l'accord pourra en dernier recours être résilié.

Cependant, ce mécanisme est assoupli dans les cas importants par la possibilité offerte à la Suisse de convoquer une réunion de ministres à court terme et de faire voter des propositions alternatives.

Notons aussi la spécificité que l'accord sur Schengen porte sur l'octroi de l'entraide

SUISSE ET FISCALITE DE L'ÉPARGNE

judiciaire. Sur ce point, la Suisse a négocié un règlement spécial qui lui permet de maintenir le secret bancaire. En effet, si le développement de l'acquis Schengen devait un jour obliger les États à accorder l'entraide judiciaire dans les cas de délit de soustraction fiscale, il est prévu que la Suisse bénéficie d'une dérogation de durée indéterminée, sans qu'elle doive renoncer à sa participation à l'Espace Schengen.

2. Appréciation politique

Du côté de l'Union, l'accord est intéressant car la Suisse se situe au coeur géographique du dispositif de Schengen/Dublin, sans en faire partie. Cela fait de nombreuses années que les gardes-frontières français, allemands, autrichiens et italiens ne contrôlent plus le trafic terrestre en provenance de Suisse, à l'exception de quelques grands axes.

L’acquisition de la Suisse à son dispositif lui permettra donc d'améliorer la lutte contre la criminalité organisée, de mieux combattre les flux financiers illicites, d'obtenir une meilleure répartition des charges en matière d'asile, de faciliter le transit et les déplacements, particulièrement de ses centaines de milliers de frontaliers qui travaillent tous les jours en Suisse.

Notons aussi que l'UE a poussé la Suisse à reprendre tout son arsenal juridique, ainsi que l'extension de celui-ci, sans pouvoir participer au processus de prise de décision. Elle a aussi obtenu que la Suisse aménage le secret bancaire afin de rendre la lutte contre la criminalité plus efficace.

Pour la Suisse, également, le bilan est posi-- tif. Chaque jour, près de 700.000 per- sonnes, 300.000 voitures et 20.000 camions arrivent en Suisse ou transitent par ce pays. Les gardes-frontières n'arrivent à effectuer de vérifications systématiques:

97 % à 99 % des personnes ne sont pas

contrôlées. Donc, la levée officielle du contrôle ne changera pas grand-chose dans la réalité. C'est pourquoi la participation à Schengen est Utile pour la Suisse. Elle lui permettra d'être plus efficace dans sa poli- tique de lutte contre le crime organisé car elle aura accès au SIS et à Eurodac, et d'une manière générale sera mieux intégrée à toutes les structures policières et judiciaires européennes.

D'un point de vue économique, la partici- pation de la Suisse à Dublin lui permettra d'adopter une politique de visa commune et de ne plus avoir à demander un deuxième visa aux ressortissants d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine qui ont déjà dû demander le visa Schengen.

Notons cependant que l'accord d e Schengen pourrait ne pas changer grand- chose à la situation actuelle aux frontières suisses, contrairement à ce qui passe dans les États membres. L’UE est en effet une union douanière et la Suisse n'a qu'un accord de libre-échange avec elle. Il est total sur les produits industriels, mais l'origine des pro- duits peut toujours être contrôlée puisque la Suisse n'a pas adopté le Tarif extérieur com- mun.

::

En matière agricole, l'accord agricole n'est, en plus, que partiel. Enfin, la Suisse ne fait pas partie de la zone de fiscalité indirecte de l'UE. Elle peut toujours vérifier l'acquittement de la TVA et des droits d'accises à l'entrée sur son territoire. Donc, les vérifications continueront aux frontières suisses au cours desquelles des contrôles de personnes pourront également être effectués en cas de soupçons.

Notons enfin la satisfaction des banques .Dans l'accord de Schengen, la Suisse obtient en effet une garantie du maintien durable du secret bancaire en matière de fiscalité directe, même dans l'hypothèse d'un développement de l'acquis Schengen.

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(6)

Malgré tous ces éléments positifs, la droite dure, soit l'Union Démocratique du Centre (UDC) et l'Association pour une Suisse Indépendante et Neutre (ASIN), a promis de lancer un référendum. Celui-ci devrait avoir lieu en juin 2005. L’UDC est le parti qui a recueilli le plus de voix aux élections fédérales de 2003, soit plus du 1/4 de l'élec- torat. Il dispose de deux conseillers fédéraux sur sept au sein du Gouvernement, dont le très charismatique Christoph Blocher. Ironie du sort, celui-ci est d'ailleurs en charge du ministère de la Justice et de la Police, donc responsable du dossier de Schengen. Ce qui n'a pas manqué de provoquer des polémiques uniques dans l'histoire suisse car il doit, théoriquement, défendre la position du Conseil fédéral, et non la sienne.

Les arguments de l'UDC et de l'ASIN tour- nent autour de la perte de souveraineté de la Suisse, la disparition des contrôles aux fron- tières, la soumission à des juges étrangers et le risque d'engrenage de la Suisse vers une adhésion à l'UE. La campagne anti- Schengen est d'une virulence extrême. Le lecteur est invité à s'y référer directement pour prendre conscience de la violence des propos (7).

"

Mais le reste de la classe politique suisse, ainsi que les associations patronales et syn- dicales, se sont unis, comme rarement dans l'histoire, pour faire entrer la Suisse dans Schengen/Dublin. Neuf mois avant le vote, des annonces sont publiées quotidiennement dans la presse pour appeler à voter « oui ».

La droite traditionnelle et les milieux bancaires soutiennent l'accord de Schengen pour deux raisons principales. Premièrement, parce qu'ils y ont obtenu des garanties en matière de secret bancaire. Deuxièmement, parce qu'ils craignent qu'un tel vote n'entraîne un rejet de l'ensemble des neuf accords. En effet, il pourrait y avoir une réaction négative de la part d'un pays membre de l'UE en cas de refus

de Schengen/Dublin par la Suisse. Il pourrait par exemple renoncer à l'ensemble des accords avec la Suisse.

C – F

raude (8)

L’utilisation de la Suisse comme plaque tournante financière de la contrebande et d'autres comportements délictueux en rela- tion avec le trafic international de marchan- dises constitue un autre objet négocié dans le cadre des AB 2. L’UE a accusé en effet la Suisse de laisser son territoire à la disposition de telles activités. Surtout, elle a pointé du doigt le secret bancaire qui favorise de tels comportements.

L’accord porte sur l'entraide administrative et judiciaire, c'est-à-dire sur la coopération au niveau international entre autorités administratives d'une part et judiciaires d'autre part. Le domaine d'application de l'accord se limite aux impôts indirects, aux subventions et aux délits dans l'attribution des marchés publics. Par « impôts indirects », l'on entend les droits de douane, la taxe sur la valeur ajoutée, les impôts spé- ciaux sur la consommation frappant les spi- ritueux, le tabac, les huiles minérales, etc.

raccord ne porte pas sur les impôts directs.

1. Contenu et spécificités institutionnelles

L’accord prévoit qu'en matière d'entraide dans les domaines des impôts indirects, des subventions et des marchés publics, les autorités de la CE pourront bénéficier du même traitement que celui prévu lors de procédures internes suisses.

Cela signifie que la possibilité d'appliquer des mesures de contrainte (telles que per- quisitions, saisies, examens de comptes) sera désormais accordée dans le cadre de l'entraide judiciaire et administrative, aux mêmes conditions que celles prévues dans

les procédures internes suisses en vertu du droit fédéral.

En cas de blanchiment d'argent (toujours en matière de fiscalité indirecte), la Suisse accordera l'entraide judiciaire si l'argent provient d'un délit qui - s'il avait été commis en Suisse - constituerait une escroquerie ou une contrebande par métier en vertu du droit suisse.

2. Appréciation politique

L’UE peut combattre plus efficacement la contrebande de cigarettes et d'autres fraudes, et ainsi éviter d'importantes pertes de rentrées fiscales. La coopération est éga- Iement étendue en ce qui concerne le blan- chiment d'argent. Quant à la Suisse, une telle coopération lui permet de sauvegarder la bonne réputation de sa place financière en ne donnant pas l'impression de plateforme pour des opérations frauduleuses. De plus, la définition du blanchiment, telle que définie dans le Code pénal suisse, reste inchangée.

Il n'en découle aucune nouvelle obligation d'annonce pour les intermédiaires financiers.

Il. -

MISE EN CONTEXTE

Cela fait au fond plus de 45 ans que la Suisse poursuit une Troisième voie entre une adhésion et une marginalisation. Elle ne peut certes pas rester complètement à l'extérieur

(7) Site de l'ASIN!:

http://www.auns.ch/index.php?kat=nachrichten&nav=aktuell.

Site de l'UDC: http://www.udc.chlindex.html?pagejd=230&1=2 (8) Il s'agit ici d'un accord entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, la Communauté européenne et ses États membres.

http://www.europa.admin.ch/nbv/offlabkommen/ffindex.htm.

Revue du Marché commun et de l'Union européenne, n° 483, décembre 2004 649

(7)

du système de l'Union européenne du fait de sa situation géographique et des risques de discrimination économique, de satellisation et d'insécurité. C'est pourquoi elle a évité une marginalisation par les Accords bilatéraux 1 (9) et les Accords bilatéraux 2. Mais la majorité des Suisses ne veut pas adhérer. Ils aimeraient continuer à avoir les avantages de l'Union sans les inconvénients. Tant que cela marche, la plupart des citoyens suisses ne semblent pas avoir de scrupules à profiter de l'UE sans en payer les coûts économiques et politiques d'une adhésion.

L’immense majorité de la population, ainsi que les principaux milieux économiques, bancaires et politiques suisses restent en effet peu favorables à l'adhésion. En mars 2001, 76.9 % des votants se sont opposés à la simple ouverture de négociations d'adhésion à l'UE, alors même qu'ils auraient été encore consultés sur le résultat de ces négociations. La grande majorité des Suisses campe sur son refus. Au moins trois obstacles importants continuent à leur poser problème.

D'abord, il y a la question de la neutralité.

Bien qu'il y ait désormais six États neutres ou non alliés dans l'UE, une majorité de Suisses continue d'estimer que la neutralité suisse est incompatible avec une adhésion. La question de la neutralité pourrait se poser de manière encore plus délicate à mesure que l'UE se dote d'une force d'intervention rapide liée à l'OTAN et dépendante de l'autorisation des États-Unis. Enfin, l'adoption d'une clause de solidarité anti-terroriste, du style de l'article 5 de l'OTAN, ne facilite pas les choses.

La question de la démocratie directe demeure également un problème important.

Certes, des études ont montré que l'immense majorité des référendums cantonaux et fédéraux aurait pu avoir lieu si la Suisse était membre de l'Union. Néanmoins, une majo- rité de Suisses y est attachée. Surtout, la

SUISSE ET FISCALITE DE L'ÉPARGNE

démocratie directe conditionne l'ensemble du système politique suisse de consensus. Et elle est devenue pratiquement le seul élément identitaire d'un pays en mal de projet commun et d'espace public national.

Il y a enfin la dimension économique. Le cas suisse se différencie également d'autres pays européens.

1. Ce pays constitue le seul exemple où les milieux économiques ont été, depuis plus de 50 ans, clairement opposés à une adhésion à l'Union européenne (10).

2. Un large secteur international profite des différences de législation avec l’UE. D'une manière générale, les multinationales, les banques et les assurances ont transformé la Suisse en un havre de législations « spé- ciales ». Elles redoutent d'être entrainées dans un engrenage interventionniste de régulations communautaires qui pourrait les conduire à les remettre en cause.

3. Certains secteurs hyper-protégés, cartelli- sés et subventionnés comme les agriculteurs (les plus soutenus d'Europe avec les Norvégiens) veulent maintenir leurs privi- lèges. Ils craignent une adhésion à la Politique Agricole Commune (PAC), l'adoption du droit de la concurrence com- munautaire et l'abolition de toutes les bar- rières non tarifaires.

Notre argument est que, dans cette situation, les accords bilatéraux 1 et 2, faits sur mesure pour la Suisse, ont pour effet de lui permettre de maintenir ses spécificités dans les domaines qui lui tiennent à cœur. Elle peut ainsi conserver son franc, son secret bancaire, sa fiscalité indirecte plus basse, son protectionnisme agricole et ses cartels.

L’exemple de l'accord sur la fiscalité de l'épargne nous parait le plus illustratif. En effet, bien que cet accord rapproche la Suisse de l'UE, il a néanmoins pour effet de rendre l'adhésion moins attractive.

Rappelons que le régime normal d'un pays membre est l'abolition du secret bancaire pour les non-résidents. Certes, l'Autriche, la Belgique et le Luxembourg obtiennent une dérogation à l'acquis communautaire, mais celle-ci, d'un point de vue juridique, est censée n'être que provisoire et exceptionnel- le (même si elle pourrait être maintenue pour toujours dans les faits). C'est le même raisonnement qu'à propos de l'euro: le Royaume-Uni et le Danemark n'ont pas été contraints d'adhérer à l'Union économique et monétaire parce qu'ils étaient déjà membres de l’UE. En revanche, un nouvel État membre doit reprendre tout l'acquis communautaire, y compris l'euro.

Gageons que les banquiers suisses et le Conseil fédéral réfléchiront à deux fois avant de demander à adhérer à l'Union européenne car une telle négociation engendrerait nécessairement des pressions pour que la Suisse abandonne son secret bancaire en reprenant tout l'acquis communautaire. Ils craindraient d'entrer dans un engrenage qui aurait de toute manière un prix.

On assiste ainsi à un paradoxe temporel étonnant: au début des années 1990, on avait l'impression qu'on était à deux pas de l'adhésion. Pourtant, plus la Suisse se rap- proche de l'UE par des accords bilatéraux, plus la perspective de l'adhésion donne l'impression de s'éloigner.

-'

:

(9) « Les accords sectoriels Union européenne-Suisse: une nouvelle forme de flexibilité dans la dimension extérieure de l'UE », Revue du Marché Commun et de l'Union européenne, Paris, n° 432, octobre 1999; pp. 6/3-619.

(10) Le patronat suisse a néanmoins soutenu d'autres formes d'intégration au système de l'UE comme les accords de libre- échange de 1973 et les accords bilatéraux de 2002. Il a été également globalement favorable à l'Espace économique européen quoique ses divisions internes aient pesé lourdement dans le refus populaire du référendum de 1992.

650 Revue du Marché commun et de l'Union européenne, n° 483, décembre 2004

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1 Alors que le groupe de travail intergouvernemental sur la question des sociétés transnationales et autres entreprises et les droits de l’homme 2 a divulgé, le 16