• Aucun résultat trouvé

Le secret bancaire et l'Accord entre l'Union européenne et la Suisse sur la fiscalité de l'épargne

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Le secret bancaire et l'Accord entre l'Union européenne et la Suisse sur la fiscalité de l'épargne"

Copied!
21
0
0

Texte intégral

(1)

Book Chapter

Reference

Le secret bancaire et l'Accord entre l'Union européenne et la Suisse sur la fiscalité de l'épargne

OBERSON, Xavier

OBERSON, Xavier. Le secret bancaire et l'Accord entre l'Union européenne et la Suisse sur la fiscalité de l'épargne. In: Kaddous, Christine et Jametti Greiner, Monique. Accords bilatéraux II Suisse-UE et autres accords récents . Bâle : Helbing & Lichtenhahn, 2006. p. 557-576

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:16574

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

(2)

Le secret bancaire et l'Accord entre l'Union européenne et la Suisse sur la fiscalité de 1 'épargne

Xavier ÜBERSON'

Sommaire Pages

A. Introduction . . . 558

B. Le secret bancaire dans la procédure interne de taxation . . . 559

a) Le droit interne. . . . 559

b) Les relations internationales ... 561

C. Le secret bancaire face aux étapes de l'adoption de la directive ... 562

D. L'impact de l'Accord sur la fiscalité de l'épargne sur le secret bancaire . 565 a) Le «compromis helvétique>>. . . . 565

b) Le régime de l'impôt à la source ... 566

c) La divulgation volontaire ... 567

d) Le régime comparable à la directive mère-fille et à celle sur les intérêts et redevances . . . 568

e) L'échange de renseignements ... 569

1. Généralités . . . 569

2. La notion de fraude fiscale ou de délit équivalent . . . 570

2.1 En général. . . 570

2.2 La CDI avec les Etats-Unis ... 571

2.3 La CDI avec l'Allemagne . . . 572

3. La portée du secret bancaire ... 573

3.1 L'assistance administrative en cas de fraude fiscale portant sur des revenus visés par l'Accord. . . 573

3.2 L'assistance administrative en cas de fraude fiscale portant sur des revenus visés par une CDI ... 574

E. Conclusions ... 575

' Xavier ÜBERSON, Professeur à l'Université de Genève et avocat.

(3)

A. Introduction

La directive 2003/48 sur la fiscalité de l'épargne, adoptée le 3 juin 20031 (directive sur la fiscalité de l'épargne), repose sur l'agent payeur, soit l'opérateur économi- que établi dans l'Union européenne (UE) qui paye des intérêts à une personne phy- sique, résidente de l'UE. C'est lui qui est débiteur des nouvelles obligations de renseignements, respectivement de retenues à la source, sur les intérêts payés.

Pour être efficace, un tel système présuppose d'emblée que le plus grand nombre possible d'Etats tiers, et notamment de places financières comme celles de la Suisse, adoptent des mesures équivalentes. Il suffit en effet de placer l'agent payeur hors de l'UE pour échapper aux obligations imposées par la directive sur la fiscalité de l'épargne.

On conçoit dès lors volontiers que la Suisse était au centre des préoccupations de l'UE lors des discussions en vue d'adopter la directive sur la fiscalité de l'épargne.

La Suisse combine en effet une place financière très solide avec un régime interne protégeant le secret bancaire. Dans ce contexte, la Suisse était toutefois loin de se sentir isolée. Pour tenter d'éviter, dans la mesure du possible, le contournement de la directive sur la fiscalité de l'épargne, I'UE conditionne sa mise en œuvre à l'adoption par certains Etats tiers, la Suisse, le Liechtenstein, Monaco, Saint- Marin et Andorre, de mesures équivalentes2Il en va de même des territoires dépendants ou associés de l'UE (îles anglo-normandes, île de Man et territoires dépendants ou associés des Caraibes). La conclusion d'un accord entre l'UE et la Suisse sur la fiscalité de l'épargne constituait ainsi une des conditions clés en vue de la mise en œuvre de la directive sur la fiscalité de l'épargne.

Le Conseiller fédéral Kaspar Villiger a rappelé dès le début des négociations que

«le secret bancaire n'est pas négociable». Il fallait donc trouver un compromis entre cette limite de base et la mise en œuvre de mesures par la Suisse aux fins d'assurer l'imposition des intérêts de l'épargne au sein de l'UE. L'objet de la pré- sente contribution est ainsi de montrer comment la Suisse est parvenue, tout en préservant les éléments essentiels de sa politique traditionnelle, et notamment son secret bancaire, à répondre aux attentes de I'UE. A cet effet, après un bref rappel des éléments essentiels de la position de la Suisse (B), nous décrirons l'impact de cette politique sur les différentes étapes de l'adoption de la directive sur la fiscalité de l'épargne (C). Cela fait, nous analyserons la portée du secret bancaire dans l'Accord entre l'UE et la Suisse sur la fiscalité de l'épargne (D).

Directive 2003/48 du Conseil, du 3 juin 2003, en matière de fiscalité des revenus de l'épar- gne sous forme de paiements d'intérêts, JO L 157 du 26.6.2003, p. 38 (directive sur la fisca- lité de l'épargne).

Voir l'art. 17 de la directive sur la fiscalité de l'épargne.

(4)

Le secret bancaire et l'Accord sur la fiscalité de 1' épargne

B. Le secret bancaire dans la procédure interne de taxation

a) Le droit interne

La politique traditionnelle de la Suisse en ce domaine a toujours été relativement claire et repose sur trois grands principes:

- La procédure de taxation est généralement centrée sur le contribuable qui cons- titue la source principale de renseignement du fisc3Dans cette logique, le secret bancaire est opposable à l'administration fiscale (art. 127 al. 2 LIFD\ 57 al. 2 LTVA5; 62 al. 3 LTVA)6L'administration fiscale- même après avoir sommé en vain le contribuable- ne peut donc pas s'adresser directement au banquier pour obtenir des renseignements financiers. En revanche, le contri- buable est maître du secret. La banque doit lui remettre les renseignements s'il les demande.

- Le secret bancaire est par contre levé en cas d'infraction pénale. En matière fis- cale, il existe toutefois une dichotomie entre les impôts directs sur le revenu (bénéfice) et la fortune (capital), d'une part, et les impôts fédéraux soumis au droit pénal administratif (DPAf (TVA, impôt anticipé, droits de timbre, droits de douane, notamment), d'autre part.

Pour les impôts sur le revenu et la fortune, le secret bancaire est levé en cas de délit d'usage de faux (fraude fiscale), à savoir en général, une soustraction d'impôt qua- lifiée avec usage de titres falsifiés, faux ou incomplets (art. 186 LIFD, 59 al. 1 LHID8). Une autre possibilité- dont la portée précise est toutefois controversée en

AUBERT Maurice/BÉGUIN Pierre-André!BERNASCONI Paolo/GRAZIANO-VONBURG Johanna/

SCHWOB Renate/TREUILLAUD Raphaël, Le secret bancaire suisse: droit privé, pénal, admi- nistratif, fiscal, procédure, entraide et conventions internationales, 3' éd., Berne (Stampfli),

1995, p. 216.

Loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD), RS 642.11.

Loi fédérale du 2 septembre 1999 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (Loi sur la TV A, LTV A), RS 641.201.

Voir aussi, LocHER Peter, Das schweizerische Bankgeheimnis aus steuerrechtlicher Sicht, StR 2003, p. 346-352, p. 346.

Loi fédérale du 27 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA), RS 313.0.

Loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID), RS 642.14.

(5)

doctrine- existe lorsque la Division spéciale d'enquêtes de la Confédération est compétente (art. 191 LIFD)9

Dans le domaine des impôts fédéraux mis en œuvre par l'administration fédérale, Je DPA est en revanche applicable à la répression des infractions. Partant, en cas d'escroquerie fiscale, à savoir une soustraction de montants importants d'impôt, commise au moyen d'un comportement astucieux (art. 14 DPA), Je secret bancaire est levé. De plus, des mesures de contraintes sont déjà possibles en cas de soustrac- tion d'impôt (voir art. 46 ss DPA).

10 Il

Plutôt que de mettre en oeuvre des règles complexes d'échange de renseigne- ments, la Suisse a toujours préféré un système d'imposition à la source. Avec l'impôt anticipé, la Suisse a ainsi mis en oeuvre un système original et efficace de retenue à la source qui frappe, en général au taux de 35%, le débiteur suisse de certains rendements de capitaux mobiliers10Le bénéficiaire, résident en Suisse, obtient ensuite le remboursement de cet impôt lors de la déclaration du montant brut en tant que revenu imposable. L'impôt anticipé, dans ce contexte, a ainsi pour but de lutter contre l'évasion fiscale 11Le bénéficiaire qui omet de déclarer le revenu, outre qu'il commet une soustraction d'impôt, perd ensuite le droit de récupération et ne reçoit en définitive que le 65% du montant auquel il aurait droit.

D'un côté, certains auteurs font valoir que le secret bancaire n'est pas applicable à la procé- dure devant la Division spéciale d'enquêtes de l' AFC, voir notamment HASLER Christoph, Besteht Revisionsbedarf im Verfahren der Besonderen Untersuchungsmassnahmen der eidg. Steuerverwaltung nach Art. 190 ff DBG?, StR 2000, p. 446-451. D'autres auteurs se fondent sur le renvoi de l'art. 192 al. 3 LIFD qui inclut sans restriction l'art. 127 al. 2 LIFD;

en revanche, appelé à témoigner, le banquier ne peut invoquer le secret bancaire; voir ÜBER- SON Xavier, lnfractionsjiscales et secret bancaire, RDAF 1999 Il, p. 71-94, p. 78. Sans ana- lyser la question en détail, le Tribunal fédéral a toutefois confirmé que le secret bancaire n'était pas opposable à la procédure devant la Division spéciale d'enquêtes; voir ATF du 14 octobre 1999, JAAC 67, p. 85, consid. 4c.

Voir les art. 4 ss de la loi fédérale du l3 octobre 1965 sur l'impôt anticipé (LIA), RS 642.21.

A TF 113 lb 128. HôHN Emst/W ALDBURGER Robert, Steuerrechtl, 9' éd., Berne, Stuttgart, Vienne (Paul Haupt), 2001, § 21 n°3; LOCHER Peter, Commentaire de l'art. 4lbis aCst, n°38, in «Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 29 mai 1874», AUBERT Jean-François/EICHENBERGER Kurt (éd.), Bâle, Zurich, Berne (Helbing &

Lichtenhahn, Schulthess, Stampfli), 1987.

(6)

Le secret bancaire et l'Accord sur la fiscalité de l'épargne

b) Les relations internationales

Cette logique tripartite se retrouve dans les relations internationales.

- Le secret bancaire est également opposable en principe aux demandes de ren- seignements émanent d'autorités fiscales étrangères12D'une part, les conven- tions de double imposition (COI) conclues par la Suisse ne prévoient générale- ment pas la possibilité de fournir des renseignements visant à assurer la mise en oeuvre du droit interne d'un Etat contractant13D'autre part, la Suisse estime que le secret bancaire est visé par l'expression «secret professionnel ou commercial» visée à l'article 26 du Modèle OCDE14

12

Il

14

15

L'impôt anticipé exerce également une fonction préventive. Certes, en droit interne, les non-résidents n'ont en principe pas droit au remboursement de l'impôt anticipé. Pour les résidents étrangers, un remboursement partiel (voire intégral) n'entre en ligne de compte qu'en application d'une éventuelle COI.

Dès cet instant, un échange de renseignements est alors possible entre l'auto- rité de l'Etat de résidence du requérant et la Suisse, afin d'assurer la bonne application du traité.

En cas d'infraction pénale, un échange de renseignements est également possi- ble avec un Etat étranger, typiquement sur la base de la loi fédérale d'entraide judiciaire en matière pénale (EIMP)15En présence d'une escroquerie fiscale,

Voir, d'une manière générale, HESS Eric, Die Moglichkeiten und Grenzen der Schweiz auf dem Gebiete der internationalen Zusammenarbeit in Steuersachen, Archives 71, 2002/03, p. 125-139; BERNASCONI Paolo, Schweizerisches Bankgeheimnis und ausliindischer Fiskus bei der internationa/en Rechts- und Amtshilfe, SJZ 1999, p. 401-405.

On rappellera ici que les CD! avec les Etats-Unis et l'Allemagne prévoient des règles quel- que peu différentes. La première permet aussi un échange en cas de <<taxfraud and the like».

La seconde en cas d'un délit réprimé pénalement selon le droit des deux Etats contractants.

Ces CD! ne remettent toutefois pas en cause la position de la Suisse (voir infra).

LÜTHI Daniel, lnformationsaustausch im lnternationalen Steuerrecht der Schweiz, in «Hand- buch des internationalen Steuerrechts der Schweiz», HôHN Ernst (éd.}, 2' éd., Berne, Stutt- gart, Vienne (Paul Haupt), 1993, p. 438-450, p. 443. Cette position est clairement minoritaire, comme le précisent les modifications publiées en 2005 de l'art. 26 de la convention Modèle de l'OCDE en matière d'impôt sur le revenu et le capital. En particulier, un nouvel art. 26 § 5 du Modèle OCDE prévoit que les informations détenues par une banque ne peuvent être con- sidérées comme secrètes. La Suisse a fait une réserve à l'égard de cette disposition (une nou- velle version a été publiée en 2005). On notera qu'en ce qui concerne précisément le nouvel art. 26 § 5 du Modèle OCDE, l'Autriche, la Belgique et le Luxembourg réservent également leur position; voir OCDE, Mode/ Tax Convention on lncome and on Capita/2005, Commen- taire ad art. 26, Paris (Edition OCDE), 2005, n°23, 25 et 26.

RS 351.1. Voir à ce propos, notamment, REICH Markus, Internationale Rechtshilfe der Schweiz in Fiskalstrafsachen, in «Strafrecht, Strafproressrecht und Menschenrechte: Fest- schrift für Stefan Trechsel zum 65. Geburtstag», Zurich, Bâle, Genève (Schulthess ), 2002, p. 285-303; W At.DBURGER Robert, Entraide administrative et judiciaire internationale en matière fiscale, in «Les procédures en droit fiscal>>, OREF (éd.}, Berne, Stuttgart, Vienne (Paul Haupt), 1999, p. 293-315.

(7)

des mesures de contraintes sont de même possibles16De plus, les conventions récentes tendent à ouvrir l'échange de renseignements en cas d'escroquerie fis- cale. Dans ce cas également, le secret bancaire n'est pas opposable aux deman- des d'entraide administrative.

C. Le secret bancaire face aux étapes de l'adoption de la directive A la fin des années 90, les pressions à l'égard de la Suisse sont allées grandissant.

Tout d'abord, dans le fameux rapport de l'OCDE sur la concurrence fiscale dom- mageable17, l'absence d'échange de renseignements en matière fiscale a été érigée comme un facteur d'identification d'un régime fiscal préférentiel. La Suisse, à l'instar du Luxembourg, s'est ainsi abstenue d'approuver ce rapport. Il est intéres- sant de noter qu'une des critiques à l'égard de ce rapport, formulée par la Suisse, réside dans J'absence de toute référence à un système d'imposition à la source comme moyen efficace de lutter contre l'évasion fiscale internationale.

Parallèlement, les travaux de l'UE en vue d'assurer une imposition effective des intérêts de l'épargne ont également placé la Suisse dans une position délicate. En effet, le 20 mai 1998, la Commission européenne présentait une proposition de directive visant à garantir un minimum d'imposition effective des revenus de l'épargne sous forme d'intérêts à l'intérieur de la Communauté18Cette proposi- tion était fondée sur le modèle dit de coexistence, dans le cadre duquel chaque Etat membre doit opter, soit pour une retenue à la source, soit communiquer aux autres Etats membres des informations sur les revenus de l'épargne. Cette proposition n'était à ce stade pas de nature à inquiéter la Suisse, car le système de coexistence reconnaissait justement l'adéquation d'un système d'impôt à la source comme une alternative fiable à l'échange de renseignements.

Cette proposition a toutefois notablement évolué au Conseil européen de Feira des 19 et 20 juin 2000. En substance, il a été décidé que l'objectif politique était d'aboutir à l'échange de renseignements. Selon ce compromis, le modèle de l'impôt à la source n'est qu'une solution transitoire.

16

17

18

Voir, à ce propos, les analyses récentes de BEHNISCH Urs, Neuere Entwicklungen der inter- nationalen Rechtshilfe im Steuerstrafrecht, in «Internationales Steuerrecht in der Schweiz:

aktuelle Situation und Perspektiven: Festschrift zum 80. Geburtstag von Walter Ryser>>, Berne (Stampfli), 2005, p. 287-307 et LOCHER Peter, Die schweizerische Haltung zur inter- nationalen Amsthilfe bei den direkten Steuem in einem veriinderten Umfeld, in «<nternatio- nales Steuerrecht in der Schweiz: aktuelle Situation und Perspektiven: Festschrift zum 80. Geburtstag von Walter Ryser», LocHER Peter/ROLL! Bernard/SPORI Peter (éd.), Berne (Stampfli), 2005, p. 269-285, qui montrent en particulier l'interprétation de plus en plus lar- ge de la notion d'escroquerie fiscale adoptée par le Tribunal fédéral.

OCDE, Concurrence fiscale dommageable, un problème mondial, Paris (Edition OCDE), 1998.

COM (1998) 295 final.

(8)

Le secret bancaire et l'Accord sur la fiscalité de l'épargne

Un accord sur le contenu essentiel d'une nouvelle directive a été obtenu lors du Conseil ECOFIN des 26 et 27 novembre 2000. En conséquence, une nouvelle pro- position a été publiée le 18 juillet 20011Y. Ce nouveau projet était beaucoup plus problématique pour la Suisse, dès lors que le système de retenue à la source perdait de son importance pour ne devenir qu'une alternative transitoire. Certains articles de journaux annonçaient déjà la fin du secret bancaire en Suisse.

L'adoption de la directive demeurait toutefois conditionnée à la mise en oeuvre par des Etats tiers, à savoir les Etats-Unis, la Suisse, Andorre, Monaco, le Liechtens- tein et Saint-Marin de <<mesures équivalentes>>. De même, les territoires dépen- dants et associés du Royaume-Uni et des Pays-Bas devaient mettre en œuvre des mesures similaires.

On conçoit volontiers que le système suisse de l'impôt anticipé- s'il a certes dû jouer un poids non négligeable dans la balance- n'a pas pu servir de mesure équi- valente dans le cadre des négociations. En effet, même si fondamentalement les systèmes communautaires et suisse de retenue à la source visent un objectif sem- blable, ils sont en réalité très différents dans leur conception20En particulier, l'impôt anticipé est un véritable impôt à la source perçu auprès du débiteur suisse des rendements de capitaux mobiliers visés par la loi. Au contraire, le modèle de retenue à la source communautaire n'est pas un véritable impôt, mais un méca- nisme permettant d'assurer l'imposition auprès du bénéficiaire de l'intérêe'.

L'agent payeur n'est en effet pas nécessairement le débiteur de l'intérêt mais sim- plement l'agent économique responsable du paiement directement auprès du bénéficiaire effectif.

Une étude de faisabilité, publiée le 28 février 2001 par un groupe de travail du Département fédéral des finances22, a d'ailleurs confirmé que le système suisse de l'impôt anticipé ne permettait pas de résoudre une brèche problématique pour I'UE. Celle des agents-payeurs suisses versant des intérêts de source étrangère à des personnes physiques domiciliées dans l'UE. En effet, ces intérêts ne sont pas frappés de 1' impôt anticipé puisque la banque suisse qui les verse n'est pas le débi- teur du paiement. L'étude concluait toutefois à la possibilité d'introduire une rete- nue à la source auprès des agents-payeurs suisses, sur le modèle communautaire.

19

20

21

22

Proposition de directive du Conseil, du 18 juillet 2001, visant à garantir une imposition ef- fective, à l'intérieur de la Communauté, des revenus de l'épargne sous forme du paiement d'intérêts, COM (2001) 400 final.

ÜBERSON Xavier, Coordination entre l'Union européenne et la Suisse de l'imposition des revenus de l'épargne, in <dournée 2001 de droit bancaire et financier>>, THÉVENOZ Luc/

BOVET Christian (dir.), Berne (SUimpfli), 2002, p. 47-63, p. 57.

Voir BbcKLI Peter, Zahlstellensteuer, Archives 68, 1999/00, p. 529-569, p. 562; ÜBERSON Xavier, Problèmes fiscaux posés par la mise en oeuvre de 1 'euro, in «La monnaie unique et les pays tiers>>, THÉVENOZ Luc/FONTAINE Marcel (éd.), Zurich (Schulthess Juristische Me- dien), 1999, p. 359-374.

Département fédéral des finances (OFF), Technische Machbarkeitsstudie einer Zahlstellen- steuer, du 31 janvier 2001 (OFF, Etude de faisabilité), p. 15 ss.

(9)

Finalement, la proposition communautaire a évolué. Le Conseil ECOFIN du 21 janvier 200323 a notamment modifié la proposition pour consacrer dans les faits un retour au modèle de coexistence. Le système adopté est en substance le suivant.

Fondamentalement, la directive vise à garantir l'imposition des revenus de l'épar- gne sous forme d'intérêts effectués par des agents payeurs dans un Etat membre en faveur de bénéficiaires personnes physiques résidentes d'un Etat de l'UE (art. 1).

A cet effet, l'agent payeur doit communiquer à l'autorité compétente de son Etat membre, notamment, l'identité du bénéficiaire effectif et Je montant des intérêts payés. L'autorité compétente communique ensuite automatiquement ces informa- tions à l'autorité de l'Etat membre de résidence du bénéficiaire effectif.

Toutefois, le Luxembourg, la Belgique et l'Autriche sont autorisés à appliquer, en lieu et place du système d'échange d'informations, une retenue à la source non libératoire d'un taux minimum de 15% pendant les 3 premières années de la période de transition, de 20% pendant les 3 années suivantes et de 35% par la suite.

75% des recettes provenant de la retenue à la source sont transférées à l'Etat de résidence du bénéficiaire effectif des intérêts. En revanche, dans la mesure où les Etats-Unis, la Suisse, le Liechtenstein, Monaco, Saint-Marin et Andorre, devaient adopter l'échange d'informations, conformément au Modèle OCDE d'avril2002, l'Autriche, la Belgique et Je Luxembourg s'engagent à adopter le système d'échange automatique d'informations. On notera que les 10 nouveaux Etats membres de l'UE sont tenus de reprendre Je système de J'échange automatique de renseignements et ne peuvent pas adopter Je système de retenue à la source. Les territoires dépendants ou associés de J'UE (notamment Jersey, Guernesey, Ile de Man, Iles Caïmans) doivent adopter des mesures identiques. Ils peuvent notam- ment adopter Je système de la retenue à la source durant la période de transition.

On constate donc que le délai de transition, fixé initialement à 7 ans, pour le pas- sage à l'échange d'informations, est devenu indéterminé24De plus, Je 21 janvier 2003, le Conseil ECOFIN a constaté que les Etats-Unis remplissaient les condi- tions posées dans la nouvelle proposition25En outre, à partir de mai 2003, un com- promis politique entre l'UE et la Suisse était trouvé, qui prévoyait notamment l'introduction d'une retenue à la source sur les agents payeurs, avec des taux simi- laires à ceux du projet communautaire.

Partant, la directive sur la fiscalité de l'épargne a pu être adoptée le 3 juin 200326

A cette occasion, Je Conseil ECOFIN a pris acte avec satisfaction du projet d'accord entre la Suisse et J'UE27L'Accord a été paraphé, Je 25 juin 2004, à Bruxelles avec les autres Accords bilatéraux. L'Accord a été approuvé par les Chambres fédérales le 17 décembre 2004.

23 JO L 157 du 26.6.2003, p. 38.

24 FF 2004, p. 5830.

25 FF 2004, p. 5830.

26 Directive 2003/48 (note 1).

27 FF 2004, p. 5831.

(10)

Le secret bancaire et l'Accord sur la fiscalité de l'épargne

D. L'impact de l'Accord sur la fiscalité de l'épargne sur le secret bancaire

a) Le «compromis helvétique»

La Suisse soutient bien évidemment le point de vue de l'UE selon lequel les inté- rêts doivent être imposés de manière équitable. Elle est donc entrée en matière en vue de trouver une solution équilibrée qui, tout en assurant la préservation du secret bancaire, assure à l'UE que la Suisse ne permettra pas de contourner les mesures mises en oeuvre dans la directive sur la fiscalité de l'épargne.

L'Accord conclu avec l'UE a ainsi pour but de mettre en oeuvre en Suisse des mesures équivalentes à celles prévues dans la directive sur l'épargne. Il convient toutefois de noter d'emblée que l'accord n'est pas une reprise mot pour mot de la directive et contient sur certains points des règles spécifiques (notamment dans la définition des fonds de placement). Le système de retenue à la source, consacré par l'Accord, représente de ce point de vue un compromis équilibré, d'autant qu'il correspond à la philosophie de la Suisse en matière de lutte contre l'évasion fis- cale28. Le compromis atteint par l'Accord repose en fait sur les quatre piliers sui- vants:

- La Suisse introduit une retenue à la source sur les intérêts payés par des agents payeurs établis en Suisse à des personnes physiques résidant dans l'UE, selon le modèle communautaire. Le taux est de 15%, durant les 3 premières années, de 20% les trois années suivantes, puis de 35% dès la septième année.

- Le bénéficiaire peut éviter la retenue à la source en autorisant l'agent payeur établi en Suisse à déclarer le paiement des intérêts à l'autorité compétente.

- En contre-partie, la Suisse obtient l'application d'un régime comparable à la directive mère-fille et à celle sur les intérêts et les redevances versées entre sociétés associées29.

28

29

Enfin, la Suisse s'engage à fournir un échange de renseignements en cas de fraude fiscale pour les éléments couverts par 1 'Accord. De plus, elle accepte de renégocier ses CDI en vue d'ouvrir par voie bilatérale un échange de rensei- gnements sur les impôts couverts par ces traités en cas de fraude fiscale.

OBERSON Xavier, Agreemellt between Switzerland and the European Union on the taxation of Savings- A balanced «Compromis Helvétique», Bulletin for International Fiscal Docu- mentation (IBFD) 2005, p. 108-115.

Voir à ce propos, HuLL Howard, The EC Parent-Subsidiary Directive in Switzerland-Swiss Outbound Dividends, Bulletin for International Fiscal Documentation, IBFD 2005, p. 63-76;

SIOLER Sonja!WE1LI Roger, Bilaterale Il- Vorteile aus dem Steuerpaket für die Schweiz, L'Expert comptable Suisse 2005, p. 91-96.

(11)

Les parties ont par ailleurs signé une déclaration d'intention dans le Memorandum of Understanding (MOU), selon laquelle elles considèrent cet accord comme un arrangement «acceptable et équilibré qui peut être considéré comme sauvegardant les intérêts des parties. Ils mettront donc les mesures convenues en oeuvre de bonne foi et s'abstiendront de toute action unilatérale de nature à porter préjudice au présent arrangement sans motif légitime>>.

Afin de mettre en œuvre l'Accord sur la fiscalité de l'épargne, un projet de loi fédérale sur la fiscalité de l'épargne (LFisE) a été mis en œuvre30Ce texte renvoie pour l'essentiel à l'Accord pour la définition de tous les concepts fondamentaux (intérêts, agent payeur, bénéficiaire effectif) et règle essentiellement la procédure applicable à la retenue et à la procédure d'entraide.

On notera que toute personne chargée de l'exécution de l'Accord, de la loi sur la fiscalité de l'épargne, et notamment l'AFC, est tenue au secretfiscal (art. 10 al. 1 LFisE). Il existe une exception, notamment, pour l' AFC, en ce qui concerne les communications aux Etats membres de l'UE sur les paiements d'intérêts, en cas de divulgation volontaire (art. 10 al. 2, let. a, LFisE).

En particulier, à l'instar du régime applicable en matière de loi fédérale sur l'impôt anticipé, les constatations concernant des tiers effectuées lors d'un contrôle auprès d'un agent-payeur ne peuvent être utilisées que pour l'exécution de la retenue; le secret bancaire et autres secrets professionnels protégés par la loi sont garantis (art. 10 al. 3 et 4 LFisE). Il importe maintenant de vérifier plus en détail comment ce secret a été préservé dans le cadre des quatre piliers qui fondent l'Accord sur la fiscalité de l'épargne.

b) Le régime de l'impôt à la source

Lorsque les conditions sont remplies, l'agent payeur suisse doit donc prélever la retenue à la source en principe sur le montant brut des intérêts payés ou crédités qui entrent dans le champ d'application de l'Accord. La description du détail du mécanisme prévu et ses nombreuses exceptions, dépasse bien évidemment le cadre de notre publication.

On notera que l'agent payeur doit en particulier déterminer l'identité et la rési- dence du bénéficiaire effectif. En effet, la retenue ne vise que les intérêts -au sens de l'Accord- versés à une personne physique, bénéficiaire effectif, résidente dans un Etat membre de l'UE. En pratique, pour établir l'identité du bénéficiaire effec- tif et son lieu de résidence, l'agent payeur enregistre son nom, son prénom, son adresse et son lieu de résidence conformément à la législation suisse sur la lutte contre le blanchiment d'argent (art. 5). Selon l' ASB, le lieu de résidence est établi conformément aux indications de la partie contractante; l'agent payeur n'a pas à

30 Loi fédérale du 17 décembre 2004 concernant l'accord avec la Communauté européenne re- latif à la fiscalité de l'épargne (Loi sur la fiscalité de l'épargne, LFisE), FF 2004, p. 6744.

566

(12)

Le secret bancaire et l'Accord sur la fiscalité de l'épargne

procéder à des éclaircissements complémentaires31. En conséquence, dans la mesure où le cocontractant est une personne morale, la retenue à la source n'est pas applicable.

Ce système préserve intégralement le secret bancaire32En effet, ni l'identité, ni les montants d'intérêts ne sont communiqués par l'agent payeur à l'autorité compé- tente, 1' Administration fédérale des contributions.

L'agent payeur prélève spontanément la retenue à la source sur les intérêts frappés et verse le montant à l' AFC. 75% de la recette provenant de la retenue sont trans- férés à l'Etat de résidence du bénéficiaire effectif des intérêts et les 25% restant sont conservés par la Suisse (art. 8 de l'Accord). Les cantons participent à hauteur de 10% à la part de la retenue d'impôt revenant à la Suisse (art. 11 al. 1 LFisE).

c) La divulgation volontaire

Le bénéficiaire effectif peut toutefois éviter la retenue s'il autorise expressément son agent payeur établi en Suisse à déclarer les paiements d'intérêts à l'autorité compétente de ce pays (art. 2 § 1 de l'Accord) (système de divulgation volontaire).

En pratique, le client, personne physique résidente dans un Etat membre de l'UE, remet à son agent-payeur l'autorisation écrite de divulguer à l'Administration fédérale des contributions le paiement d'intérêts. Celle-ci communique ensuite automatiquement les informations à l'autorité compétente de résidence du bénéfi- ciaire effectif (art. 2 § 3 de l'Accord). La LFisE autorise expressément cette entorse au régime du secret fiscal (art. 10 al. 2, let. a). En cas de divulgation volon- taire, aucun impôt à la source n'est prélevé.

Aux termes de l'Accord, l'agent payeur est tenu de communiquer, au minimum:

a) l'identité et la résidence du bénéficiaire effectif, b) le nom et l'adresse de l'agent payeur, c) le numéro de compte du bénéficiaire effectif ou, à défaut, l'identification de la créance génératrice d'intérêts, ct d) le montant des intérêts payés (art. 2 § 2).

La communication de la banque est certes une information couverte par le secret bancaire. Une autorisation expresse du client est donc indispensable. En revanche, une fois celle-ci remise à la banque, le secret bancaire est levé. En effet, seul le client de la banque est maître du secree3La banque- agent payeur- doit donc fournir l'information à l'autorité compétente, dans la mesure où son client l'y autorise. On notera que l'Accord se borne en particulier à exiger la remise du numéro de compte et le montant des intérêts payés. A notre sens, les informations à fournir ne visent que le paiement d'intérêts entrant dans le champ d'application de l'Accord sur la fiscalité de l'épargne. La divulgation volontaire est conçue comme une alternative à la retenue à la source. Elle ne peut donc porter que sur des

31 32

33

Circulaire ASB du 17 décembre 2003, p. 4.

Voir notamment, GEHRIGER Pierre-Oiivier/JAUSSI Thomas, Das Zinsbesteuerungsabkom- men mit der EU kommt, L'Expert comptable suisse 2005, p. 85-89, p. 88.

ÜBERSON Xavier (note 9), p. 73.

(13)

intérêts qui auraient été sujets au prélèvement. La banque ne doit donc pas fournir d'autres informations, notamment les éventuels intérêts non soumis à la retenue à la source, ou les autres types de revenus non concernés par l'Accord (dividendes, gains en capital).

L'Accord prévoit au surplus une clause de non-discrimination, en ce sens qu'en cas de divulgation, les revenus d'intérêts sont alors imposés dans l'Etat de rési- dence du bénéficiaire effectif aux mêmes taux que ceux appliqués aux revenus similaires provenant de cet Etat (art. 2 § 4).

Le client, personne physique résidente dans un Etat membre de l'UE, est donc placé devant l'alternative suivante: (i) il autorise la divulgation et ne subira pas de retenue à la source sur les intérêts payés par l'agent payeur; (ii) il préfère que l'information ne soit pas communiquée (secret bancaire) et devra supporter la rete- nue à la source sur les intérêts.

d) Le régime comparable à Ill directive mère-fille et à celle sur les intérêts et redevances

En reconnaissance de sa coopération dans le domaine de la fiscalité de l'épargne, la Suisse a obtenu des mesures équivalentes34 aux régimes prévus par la directive 90/43535 du Conseil concernant le régime applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents et par la directive 2003/4936 du Conseil concernant un régime fiscal applicable aux paiements d'intérêts et de redevances effectués entre des sociétés associées d'Etats membres différents (art. 15).

En substance, et sans entrer ici dans le détail des conditions prévues par l' Accord37, les dividendes, payés par des sociétés filiales à leurs sociétés mères ne sont pas imposés dans l'Etat de la source lorsque la mère détient directement au moins 25% du capital de la fille pendant au moins deux ans et que l'une des socié- tés a sa résidence dans un Etat membre et l'autre sa résidence fiscale en Suisse38

34 On notera que le régime des directives en question a été pris en considération dans leur état à la signature de l'Accord. Les modifications récentes de ces directives, adoptées depuis lors, ne sont en revanche pas incluses dans l'Accord. La Suisse a accepté cette situation en con- naissance de cause pour éviter de devoir faire des concessions supplémentaires; voir à ce pro- pos, KOLB Andreas, Anderung der EU-Mutter-/Jochter-Richtlinie, Archives 72, 2003104, p. 706-708.

35 Directive 901435 du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun appli- cable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents, JO L 225 du 20.8.1990, p. 6.

36 Directive 2003149 du Conseil, du 3 juin 2003, concernant un régime fiscal commun applica- ble aux paiements d'intérêts et de redevances effectués entre des sociétés associées d'Etats membres différents, JO L 157 du 26.6.2003, p. 49.

37 Voir à ce propos, la contribution de W ALDBURGER Robert, dans ce volume, p. 489 ss;

GEHRIGER Pierre-OiivieriJAUSSI Thomas (note 32), p. 86 ss; OBERSON Xavier (note 28), p. 108 ss.

38 HULL Howard (note 29), p. 67 ss; 0BERSON Xavier (note 28), p. 113 ss; SIDLER SonjaiWETLI Roger (note 29), p. 91 ss.

(14)

Le secret bancaire et 1' Accord sur la fiscalité de 1 'épargne

Les paiements d'intérêts et redevances effectués entre des sociétés assurées ou leurs établissements stables ne sont, quant à eux, pas imposés dans l'Etat de la source lorsque ces sociétés sont liées par une participation directe d'au moins 25%

pendant au moins deux ans (relation mère-filiale) ou sont toutes deux détenues par une société tierce qui détient directement une participation d'au moins 25% dans le capital de la première société et dans le capital de la seconde société pendant au moins deux ans (sociétés sœurs). Encore faut-il, bien évidemment, que les paie- ments concernent une société (ou son établissement stable) dont la résidence finale soit située dans un Etat membre et que l'autre société (a son établissement stable) ait sa résidence en Suisse.

Pour fonctionner, un tel système suppose un échange de renseignements entre autorités compétentes des Etats concernés (Etat de la source des paiements et Etat de la société mère). En particulier, l'Etat de la source du paiement est en droit de s'assurer que les conditions d'application de l'Accord, et donc de l'exonération de l'impôt à la source, sont réalisées39Ce régime correspond en réalité à celui que la Suisse pratique depuis fort longtemps pour appliquer les conventions de double imposition (notamment pour assurer le dégrèvement des éventuels impôts à la source sur les dividendes, intérêts et redevances transfrontaliers). La Suisse admet d'ailleurs que les renseignements nécessaires à l'application d'une convention de double imposition peuvent être échangés entre Etats contractants40Le secret ban- caire est préservé dans ce contexte. Il en ira de même à l'égard des renseignements nécessaires à la mise en œuvre de l'article 15 de l'Accord.

e) L'échange de renseignements 1. Généralités

En outre, la Suisse s'est engagée à ouvrir l'échange de renseignements sur les revenus visés par l'Accord en cas de fraude fiscale au regard de la législation de l'Etat requis et de délit de même gravite'. Pour définir la notion d'infraction équi- valente, on entend une infraction du même degré de gravité que dans le cas de

39

40

41

On précisera dans ce contexte que l'art. 15 de l'Accord n'autorise plus le système- typique de l'impôt anticipé- du prélèvement intégral suivi d'un remboursement, mais implique un système direct d'exonération; voir HULL Howard (note 29), p. 75; OBERSON Xavier (note 28), p. 114.

Certes, la Suisse ne reprend pas dans ses COI la version «large» de l'article 26 § 1 CDI du Modèle OCDE de convention qui prévoit l'échange de renseignements entre Etats contrac- tants, mais elle a toujours admis que les renseignements «nécessaires à l'application» de la convention pouvaient être échangés. Dans un arrêt relativement ancien, le Tribunal fédéral a d'ailleurs estimé que cette pratique était implicite à une convention et existait même sans disposition conventionnelle expresse; ATF 96 I 733.

W ALDISPÜHL Marcus/BLÀ TILER Sibylle, Neues zur internationalen Amstshilfe der Schweiz, L'expert comptable suisse 2005, p. 99-104.

(15)

fraude fiscale au regard de la législation de l'Etat requis (principe de double incri- mination) (art. 10 § 1). La procédure d'échange de renseignements est régie aux articles 14 ss du projet de LFisE.

En outre, dans le «Memorandum of Understanding», la Suisse et les Etats mem- bres de I'UE s'engagent à entreprendre des négociations bilatérales en vue d'inclure dans leurs CD 1 un échange de renseignements en cas de fraude fiscale ou de délit de même nature au regard de la législation de l'Etat requis portant sur les impôts visés par ces conventions (ch. 2). Cela signifie que la Suisse accepte de renégocier ses CDI avec les divers Etats membres aux fins d'ouvrir un tel échange de renseignements.

2. La notion de fraude ftscale ou de délit équivalent

2.1 En général

La notion de fraude fiscale, clé de l'échange de renseignements, n'est certes pas définie en détail dans l'Accord. L'article 10 § 1 fait toutefois expressément réfé- rence à la définition du droit de l'Etat requis.

En droit suisse, comme relevé plus haut, on trouve notamment deux modèles pou- vant servir de référence à cette notion. En matière d'impôts directs sur le revenu et la fortune, la définition de référence est le délit d'usage de faux (art. 186 LIFD; 59 al. 1 LHID). Le critère décisif est le fait que la soustraction d'impôt soit effectuée au moyen d'un titre faux, falsifié, ou inexact quant à son contenu («Urkundenmo- del» ). Pour les autres impôts fédéraux perçus par la Confédération, et notamment l'impôt anticipé, la loi vise l'escroquerie fiscale (art. 14 DPA), caractérisée par le comportement astucieux de l'auteur («Arglistmodel>>). Dans le domaine de l'entraide internationale en matière pénale, c'est également la notion d'escroque- rie fiscale, au sens de l'article 14 DPA, qui constitue la norme de référence42

Dans le cadre des revenus visés par l'Accord sur la fiscalité de l'épargne, la défi- nition du délit de «fraude fiscale>> ne devrait pas poser de grandes difficultés en pratique. En effet, l'infraction ne peut viser, selon l'article 10 de l'Accord, que les revenus entrant dans le champ d'application de l'Accord, soit plus précisément les intérêts payés, par un agent payeur établi en Suisse. En pratique, les cas de fraude fiscale envisageables, dans ce contexte, devraient généralement concerner des per- sonnes physiques, agissant dans le cadre de la fortune commerciale, avec une comptabilité (bilan, compte de pertes et profits).

S'agissant en revanche de la mise en œuvre de la notion de fraude fiscale dans le cadre des revenus visés par une CD/ avec I'UE, la définition précise de ce terme n'est pas encore définitivement fixée. Deux CDI récentes, avec l'Allemagne et les

42 L'art. 3 al. 3 EIMP renvoie à l'art. 24 de l'ordonnance d'exécution de l'EIMP qui lui-même renvoie à l'art. 14 al. 2 DPA.

(16)

Le secret bancaire et l'Accord sur la fiscalité de l'épargne

Etats-Unis, qui prévoient déjà un échange de renseignements en cas de fraude fis- cale, permettent toutefois de donner un premier éclairage.

2.2 La CD/ avec les Etats-Unis

Selon l'article 26 § 1 CDI Etats-Unis, les autorités compétentes des Etats contrac- tants, échangent les renseignements nécessaires pour appliquer les dispositions de la Convention, ou pour prévenir les fraudes et délits semblables portant sur un impôt visé par la Convention. Il s'agit d'une procédure d'entraide administrative entre des autorités administratives compétentes43Le terme de «taxfraud and the like», selon J'article 10 du Protocole, correspond à celui d'escroquerie fiscale au sens de J'article 3 al. 3 EIMP. L'article 10 du Protocole reprend la jurisprudence rendue en matière d'EIMP, dès lors qu'il précise que le terme de «fraude fiscale»

recouvre non seulement J'emploi de faux documents, mais aussi le comportement astucieux ( «scheme of lies» )44

La procédure est réglée aux articles 19 ss de J'ordonnance d'exécution de la CDI45

Après examen préliminaire, dès lors qu'il apparaît que les conditions de la requête sont vraisemblablement remplies, 1' AFC informe le détenteur des renseignements (par exemple une banque) de l'existence de la demande46Si ce dernier, laper- sonne concernée ou son mandataire habilité à recevoir les notifications, ne consent pas à remettre les renseignements demandés dans un délai de 14 jours, J' AFC rend alors une décision. Dans ce cadre, des mesures de contrainte peuvent être exécu- tées (notamment perquisition, saisie de supports de données ou de documents). On notera que, à ce stade, les documents remis ou obtenus par l' AFC ne doivent pas être utilisés à des fins d'application du droit fiscal suisse47La procédure se ter- mine par une décision finale motivée qui peut faire l'objet d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral avec effet suspensif48Dès l'entrée en force de la décision, l' AFC peut alors utiliser les renseignements transmis à l'autorité améri- caine également à des fins fiscales suisses49

On notera que le Tribunal fédéral a estimé que l'article 26 de la CDI était une norme de procédure. En conséquence, la requête peut porter sur des faits antérieurs à J'entrée en vigueur du nouvel article 2650

43 44

45 46 47 48 49 50

A TF du 12 mars 2002, 2A. 416/2001, consid. 3.

ATF du 12 mars 2002, 2A. 416/2001, consid. 2.2; ATF du 12 avril 2002, 2A.SSI/2001, RDAF 2002 Il, p. 307.

Ces nouvelles dispositions sont en vigueur depuis le l" janvier 2001, RO 2000, p. 2998.

Art. 20 let. c de l'Ordonnance d'exécution de la COI Etats-Unis.

Art. 20 let. e, al. 4 de l'Ordonnance d'exécution de la COI Etats-Unis.

Art. 20 let. k de l'Ordonnance d'exécution de la COI Etats-Unis.

Art. 20 let. j, al. 4 de l'Ordonnance d'exécution de la COI Etats-Unis.

ATF du 12 mars 2002, 2A. 416/2001), consid. 2.2, et ATF du 12 avril2002, 2A.551/2001, cons id. 2, RDAF 2002 Il, p. 307.

(17)

En date du 23 janvier 2003, les autorités compétentes des deux Etats sont parve- nues à un accord amiable sur leur compréhension à donner, notamment, aux ter- mes «taxfraud and the like» visés à l'article 26 de la COI, ainsi qu'à l'article 10 du Protocole. Cet accord contient 3 exemples non limitatifs de comportements quali- fiés d'escroquerie fiscale, suivis de 14 cas hypothétiques. A notre sens, certains exemples vont particulièrement loin et tendent à donner une interprétation fort extensive à la notion d'escroquerie fiscale appliquée jusqu'ici51Cela étant, con- formément au texte et à la systématique de la COI, c'est la notion d'escroquerie fiscale, au sens de l'EIMP et de la jurisprudence du Tribunal fédéral qui est déter- minante.

2.3 La CD/ avec l'Allemagne

L'article 27 de la COI, selon la version modifiée par le Protocole du 12 mars 200252, permet non seulement un échange de renseignements, sur demande, néces- saires à l'application de la COI et portant sur un impôt visé par celle-ci (art. 27 § 1, let. a), mais également pour l'application du droit interne en cas de fraude fiscale (art. 27 § 1, let. b). La concrétisation de cette norme se trouve notamment au para- graphe 2 du Protocole (art. VI) annexé à la Convention. Du point de vue suisse, la procédure est au surplus détaillée aux articles 9 ss de l'ordonnance relative à la CDI germano-suisse du 30 avril 200353L'expression «fraude fiscale» désigne un comportement frauduleux qui, selon le droit des deux Etats, constitue un délit et est passible d'une peine privative de liberté54Cette définition est sujette à double vérification. Elle nécessite, tout d'abord, conformément au principe de double incrimination, de vérifier si le délit commis à l'étranger serait reprimé par une peine privative de liberté s'il avait été commis en Suisse55Dans l'affirmative, il faut encore s'assurer de l'existence d'un lien direct entre la mesure d'entraide requise et le comportement frauduleux56

En droit suisse, les délits fiscaux passibles d'une peine privative de liberté sont l'usage de faux (art. 186 LIFD; 59 LHID), en matière d'impôts sur le revenu et la fortune, ainsi que l'escroquerie fiscale, au sens de l'article 14 DPA (impôt anti-

51 Voir à ce propos, ÜBERSON Xavier, L'échange international de renseignements en matière fiscale. Récents développements et perspectives pour la Suisse, in «L'entraide administrati-

ve: Journée de droit administratif 2004>>, BELLANGER FrançoisffANQUEREL Thierry (éd.), Genève, Bâle, Zurich (Schulthess), 2005, p. 127-150, p. 134; HUFSCHMID Daniel, «Tax fraud and the li/œ», Die Voraussetzungen der Aujhebung des Bankgeheimnisses im Rahmen der Amtshilfe bei Steuerdelikte gemass DBA-USA, Archives 72,2003/04, p. 433-467, p. 464.

52 RS 0.672.913.623.

53 RS 672.913.610.

54 55

56

572

Voir§ 3, let. a, du Protocole.

W ALDBURGER Robert, Die Revision des schweizerisch-deutschen Doppelbesteuerungs- abkommen (DBA-D). Unter besonderer Berücksichtigung der Neufassung der Amtshilfebe- stimmung, FStR 2004, p. 40-46, p. 43.

Voir§ 3, let. a, du Protocole.

(18)

Le secret bancaire et l'Accord sur la fiscalité de l'épargne

cipé, TVA, droits de timbre, en particulier)57En conséquence, pour que la condi- tion de fraude fiscale au sens de l'article 27 COI soit réalisée, il faut opérer des dis- tinctions. Dans la mesure où la procédure vise l'impôt allemand sur le revenu (y compris sur les bénéfices des personnes morales), les conditions de délit d'usage de faux (art. 186 LIFD), doivent être réunies. En revanche, si la demande vise un impôt qui serait du ressort de l' AFC (impôt anticipé), alors les conditions de l'escroquerie fiscale sont déterminantes 58

La procédure est réglée de façon détaillée par le Protocole. Tout d'abord, les demandes d'échange de renseignements ne peuvent porter que sur des fraudes fis- cales commises le 1er janvier suivant l'entrée en vigueur du Protocole (art. VIII, let. d), à savoir seulement à partir du premier janvier 200459De plus, la requête doit viser une situation concrète. Les «jishing expeditions» sont expressément exclues60Pour le surplus, le déroulement de la procédure est fixé de la même manière que la COI avec les Etats-Unis. Les articles 9 ss de l'ordonnance d'appli- cation relative à la CDI61 correspondent mutatis mutandis aux articles 19 ss de l'ordonnance d'exécution de la COI Etats-Unis (mesures de contrainte, recours de droit administratif avec effet suspensif).

A notre avis, le système prévu par la CDI avec l'Allemagne, ainsi que son Proto- cole, devrait servir de référence aux futures négociations avec les Etats membres de l'UE. Il prend bien en considération les particularités du droit de l'Etat requis.

De plus, le Protocole règle de façon détaillée la procédure. Il semble que la prati- que de la Suisse va dans ce sens. Une modification de la CDI avec la Norvège, non encore ratifiée, adopte notamment sur ce point une solution comparable à celle de l'Allemagne.

3. La portée du secret bancaire

3.1 L'assistance administrative en cas de fraude fiscale portant sur des revenus visés par l'Accord

La procédure d'assistance est régie en détail aux articles 16 ss LFisE. Il est intéres- sant de noter que le régime s'inspire fortement de la procédure fixée dans le pro- tocole récemment adopté dans le cadre de la CDI avec l'Allemagne. En cas de demande d'une autorité étrangère compétente, l' AFC la soumet à un examen pré- liminaire afin de vérifier si les faits commis à l'étranger constituent bien une

51

58 59

60 61

W ALDBURGER Robert (note 55), p. 43; HOLENSTEIN Daniel, Schweizerische Bankauskünfte an den ausliindischen Fiskus, PJA/AJP 2003, p. 1045-1052, p. 1050.

W ALBURGER Robert (note 55), p. 43.

On mentionnera que cette solution, bienvenue, pennet d'éviter des demandes d'assistance portant sur des faits antérieurs à la nouvelle version de la CDI. Faute de disposition expresse de cette nature, le Tribunal fédéral a en effet admis de telles requêtes dans Je cadre de la COI avec les Etats-Unis, voir supra (note 50).

Voir le§ 3, Jet. a, 2' §,in fine du Protocole.

Ordonnance du 30 avril 2003.

573

(19)

fraude fiscale au sens de l'article 10 de l'Accord et non pas une soustraction d'impôt. Dans 1' affirmative, l' AFC (i) informe le détenteur des renseignements du dépôt de la demande et des renseignements demandés; (ii) demande au détenteur de lui transmettre ces renseignements et (iii) l'invite à faire désigner par la per- sonne concernée domiciliée à l'étranger une personne en Suisse habilitée à rece- voir la notification (art. l7 al. l LFisE).

Le détenteur des renseignements se trouve alors dans l'alternative suivante: soit il remet à l' AFC les renseignements demandés et cette dernière rend une décision finale (art. 17 al. 2 LFisE); soit il ne consent pas à une telle remise dans un délai de 30 jours et l' AFC rend alors une décision dans laquelle elle exige les renseigne- ments désignés dans la demande. Dès lors, des mesures de contrainte, des perqui- sitions ou la saisie d'objet, de documents et de pièces sont possibles. Le secret bancaire n'est pas opposable à cette procédure. En revanche, le secret profession- nel visé à l'article 321 CP est expressément réservé (art. 17 al. 4 LFisE). A l'instar du système prévu dans la CDI avec l'Allemagne et les Etats-Unis, les objets, docu- ments et pièces obtenus par l' AFC ne peuvent être utilisés aux fins d'application du droit suisse (art. 18 al. 5 LFisE).

La procédure est close par une décision finale motivée, dans laquelle l' AFC se prononce sur la recevabilité de la demande d'assistance et décide de la transmis- sion d'objets, de documents et de pièces à l'autorité étrangère (art. 23 LFisE).

Cette décision est sujette à un recours de droit administratif au Tribunal fédéral avec effet suspensif (art. 24 LFisE). En revanche, si la personne concernée consent par écrit à la transmission des renseignements, l' AFC clôt la procédure en trans- mettant les renseignements à l'autorité compétente étrangère (procédure simpli- fiée) (art. 22 LFisE). Dès l'entrée en force de la décision finale, ainsi qu'après la clôture de la procédure simplifiée, les renseignements contenus dans la demande étrangère et ceux qui ont été obtenus dans la procédure peuvent être utilisés en Suisse, mais uniquement par les autorités fiscales et judiciaires compétentes en matière de fiscalité (art. 23 al. 4 LFisE).

On notera que les renseignements sont échangés conformément aux procédures établies dans les CDI entre la Suisse et les Etats membres et sont tenus secrets de la manière prévue dans ces conventions (art. 10 § 1 de l'Accord). Partant, le prin- cipe de spécialité garanti par ces CDI devrait également trouver application.

3.2 L'assistance administrative en cas de fraude fiscale portant sur des revenus visés par une CD/

Dans ce cadre, la procédure sera réglée dans chaque CDI. Il faudra donc vérifier dans chacune des futures conventions les spécificités des procédures mises en place. Il est toutefois vraisemblable que le système prévu avec l'Allemagne, res- pectivement aux articles 16 ss LFisE, va servir de modèle. Dès lors, lorsque les conditions d'une fraude fiscale sont réunies, l'AFC devrait avoir la possibilité de mettre en oeuvre des mesures de contrainte aux fins d'obtenir les renseignements

574

(20)

Le secret bancaire et l'Accord sur la fiscalité de l'épargne

sollicités. Le secret bancaire ne saurait faire obstacle à cette demande. La décision finale de clôture de la procédure sera toutefois sujette à un recours avec effet sus- pensif. De plus, le principe de spécialité devrait être garanti sur la base des dispo- sitions analogues à celles de l'article 26 § 3 du Modèle OCDE (version 2005).

Il est intéressant de constater que le récent rapport du groupe d'experts sur la refonte du droit pénal fiscal a posé les jalons d'un projet de loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénalé2. Ce projet s'inspire justement des dis- positions prévues dans l'Ordonnance de la COI avec les Etats-Unis, d'une part, et du Protocole de la COI avec l'Allemagne, d'autre part.

E. Conclusions

L'Accord sur la fiscalité de l'épargne constitue un compromis équilibré. La Suisse accepte, unilatéralement, de mettre en place un régime de retenue à la source aux fins de préserver les intérêts des Etats de l'UE et d'assurer de la sorte l'imposition des intérêts de l'épargne auprès des personnes physiques résidentes de l'UE. De plus, elle ouvre un échange de renseignements sur les revenus visés par l'Accord et, dans le cadre des négociations de ses COI avec les Etats de l'UE, sur les impôts visés par ces CDI, en cas de fraude fiscale ou de délit analogue au sens de la législation de l'Etat requis. En contre-partie, la Suisse obtient une forme d'accès à deux directives très importantes, la directive mère-fille et celle sur les intérêts et redevances.

Le système mis en place préserve le secret bancaire et respecte la politique suivie jusqu'ici par la Suisse en matière d'échange de renseignements fiscaux. En effet, le système de la retenue d'impôt assure intégralement la confidentialité en matière bancaire, à l'instar du modèle helvétique de l'impôt anticipé (prélèvement au lieu de la communication d'information). De même, la solution de la divulgation volontaire n'est pas fondamentalement contraire au secret bancaire. Par son accep- tation expresse, le client libère la banque du secret. De plus, dans cette hypothèse, l'information communiquée à l' AFC, puis aux autorités compétentes des Etats membres de l'UE, ne porte que sur le paiement d'intérêts entrant dans le champ d'application de l'Accord.

Enfin, l'ouverture de l'assistance administrative en cas de fraude fiscale ou de délit analogue, au sens de l'Etat requis, ne va pas au-delà de ce que la Suisse accorde déjà depuis des années avec les Etats-Unis et, depuis janvier 2004, avec l' Allema- gne. Une entraide judiciaire existe d'ailleurs depuis les années 80 avec tous les Etats étrangers sur la base de l'EIMP en cas d'escroquerie fiscale. On peut toute- fois penser que la voie de l'assistance administrative va prendre une grande impor-

62 Voir le Rapport à l'attention du chef du DFF de la Commission d'experts pour une loi fédé- rale sur le droit pénal fiscal et sur l'entraide administrative internationale en matière fiscale, Berne, octobre 2004, p. 79.

575

(21)

tance à l'avenir car les Etats devraient dans la règle préférer cette procédure plus souple. Le contact devrait généralement s'effectuer entre autorités compétentes en matière de COI et ces autorités se connaissent généralement relativement bien, notamment dans le cadre des procédures amiables. Certes, la notion de «fraude fis- cale» devra être concrétisée lors des négociations en vue de modifier les COI avec les Etats membres de l'UE. A notre sens, le modèle prévu récemment avec l'Alle- magne devrait pouvoir servir de référence. Il importe toutefois de relever que ce modèle repose en définitive sur la notion de comportement frauduleux qui, selon le droit des deux Etats, constitue un délit et est passible d'une peine privative de liberté. Une telle définition n'est donc pas figée dans le marbre et peut évoluer non seulement dans l'Etat requérant, mais aussi dans l'Etat requis, à savoir la Suisse ...

Cet élargissement de l'assistance administrative aux cas de «fraude fiscale» sur la base des COI ne concerne à l'avenir pas uniquement les Etats membres de l'UE.

En effet, l'article 26 du Modèle OCDE de convention de double imposition en matière d'impôt sur le revenu et la fortune, et son commentaire, ont été modifiés.

Dans ce contexte, la Suisse a accepté de changer le texte de sa réserve. Plus préci- sément, elle va proposer de limiter le champ d'application de cet article aux infor- mations nécessaires pour appliquer les dispositions de la convention. Toutefois, selon le Commentaire, «cette réserve ne s'appliquera pas aux cas impliquant des actes de fraude passibles d'emprisonnement en vertu de la législation des deux Etats contractants»63Cette nouvelle formulation semble directement inspirée des récentes modifications de la COI avec l'Allemagne. Elle correspond d'ailleurs à la position que la Suisse avait exprimée, en l'an 2000 déjà, dans le cadre du rapport de l'OCDE sur l'accès aux renseignements bancaires à des fins fiscales64

Désormais, la Suisse annonce ouvertement qu'elle est prête à ouvrir l'échange de renseignements sur la base d'une COI en cas de fraude fiscale (dans le respect du principe de double incrimination). Les pressions n'ont pas disparu pour autant. Le nouvel article 26 § 5 du Modèle OCDE, dans sa version publiée en 2005, prévoit en effet expressément que le secret bancaire ne peut pas être invoqué pour refuser un échange de renseignements. La Suisse est certes minoritaire, à lire le Commen- taire de l'OCDE65, mais elle n'est pas isolée. L'Autriche, la Belgique et le Luxem- bourg ont également fait une réserve à propos du nouvel article 26 § 5 du Modèle OCDE. En définitive, il n'est toutefois pas surprenant de retrouver ici les trois Etats européens qui, à l'instar de la Suisse, appliqueront le système de retenue à la source plutôt que le système d'échange de renseignements aux fins de mettre en œuvre la directive sur la fiscalité de l'épargne.

63 OCDE, Madel Tax Convention on lncome and on Capital2005, Commentaire ad art. 26, Pa- ris (Edition OCDE), 2005, no 24.

64

65

576

OCDE, Améliorer l'accès aux renseignements bancaires à des fins fiscales, Paris (Edition OCDE), 2000.

Voir OCDE, Madel Tax Convention on lncome and on Capital 2005, Commentaire ad art. 26 § 5, Paris (Edition OCDE), 2005, no 19.1 0, qui fait référence à la «grande majorité>>

des Etats membres.

Références

Documents relatifs

La directive concernant la décision d’enquête, elle, prévoit que l’autorité d’émission peut être un juge, une juridiction, un procureur compétent dans l’affaire

D’un autre côté, l’impôt anticipé n’est pas dû sur les rendements de capitaux mobiliers de source étrangère, même s’ils sont reçus par un bénéficiaire effectif

15 Voir : www.cnil.fr/... Les auteurs s’appuient sur les descrip- tions de procédures d’ETP parues dans diverses publications ayant focalisé leur intérêt sur la

1 P-LSFin/CF, « quiconque en Suisse soumet une offre au public en vue de l’acquisition de valeurs mobilières ou demande que des valeurs mobilières soient admises à

Une analyse des différents produits et objets qui caractérisent les populations de l'âge du Bronze installées en Suisse montre que les biens de subsistance, ainsi que les

l’initiative peut opérer une conciliation entre les exigences de l’accord Suisse-UE et celles résultant de la nouvelle disposition constitutionnelle. Cependant,

Dans la deuxième phase, ces ménages auront le choix du modèle auquel ils voudront être soumis : ils pourront soit user de leur droit au libre accès au réseau et acquérir

Tous les patients ayant fait appel au numéro du service d'urgence et qui ont été vus dans les vingt-quatre heures, ont été recrutés pour cette étude indépendamment de leur âge, de