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L'influence de l'adhésion à l'Union européenne sur la protection des droits fondamentaux en Suisse

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L'influence de l'adhésion à l'Union européenne sur la protection des droits fondamentaux en Suisse

HERTIG RANDALL, Maya

HERTIG RANDALL, Maya. L'influence de l'adhésion à l'Union européenne sur la protection des droits fondamentaux en Suisse. In: Cottier, Thomas & Kopse, Alwin R. Der Beitritt der

Schweiz zur Europäischen Union : Brennpunkte und Auswirkungen = L'adhésion de la Suisse à l'Union Européenne : enjeux et conséquences . Zürich : Schulthess, 1998. p.

349-381

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:12620

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(2)

I.:influence de l'adhésion à l'Union européenne sur la protection des droits fondamentaux en Suisse

Nous nt coalisons pm des Etats~

nous unissons des hommes

O,an

Monnet)

Sommaire Page

1. Introduction 349

II. L'évolution de la protection des droits fondamentaux dans

l'Union européenne 351

III. Les libertés communautaires 354

N.

us

droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit 356 A. Les traditions constitutionnelles communes aux Etats membres 357 B. La Convention européenne des droits de l'homme 359

V. les remèdes procéduraux 362

VI. Us limites des droitS fondamentaux 364 VII. L'enjeu entre les droits fondamentaux suisses et les libenés

individuelles communautaires 367

A. L'obligation incombant aux autorités suisses de respecter les libertés

individuelles communautaires 367

B. Contrôle par le Tribunal fédéraJ de la conformité du droit

communauwre aux droits fondamentaux suisses? 375

VIII. Synthès< 380

1. Introduction

Jusqu'à présent, la protection des droits fondamentaux n'a pas été au cœur des débats portant sur l'adhésion de la Suisse à l'Union européenne. [opinion

MAYA HER1lG, lie. ~n droit, collaboracrice scientifique à l'ins,ieu( de droit européen er de droit international économique de l'Université de Berne. Je remercie THOMAS CornER,

PIERRE. GARRONE, CHR(ITOPH BEAT GRhBER. KA1)A HAUNREITER, ALWlN R. KOI'SE et MARKus SCHEFER, qui, par leurs corrections, leurs critiqucs et leurs enocuragemeots, m'om grandement soutenue lors de la rédaction du présent travail.

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HERllG

publique et la doctrine se sont surtout axées sur les questions de la démocratie directe, de la neutralité et du fédéralisme, qui sont considérées comme étant spécifiques de l'ordre juridique helvétique. Néanmoins, la protection des liber- tés individuelles mérite une attention paniculière.

En Suisse, à l'instar de tous les Etats démocratiques, le respect des droits fondamentaux est un élément crucial de la légitimité étatique. Cene concep- tion se fonde sur la conscience que toute forme de pouvoir peut se prêter à des abus. Par conséquent, afin que les citoyens acceptent l'autorité étatique, il est essentiel que celle-ci accorde aux justiciables une sphère de liberté à l'abri d'éventuelles intrusions de l'Etatl. Mais les droits fondamentaux sont bien plus qu'un ~{simple rempart de conflit1>2. Ils ne servent pas seulement à protéger les citoyens contre des interférences illégitimes de la part du pouvoir étatique, ils sont aussi des éléments constitutifs de l'ordre public, servant de points d'orien- tation pour l'ensemble de l'activité étatique'.

Ces considérations valent aussi à l'égard de l'Union européenne, bien qu'elle ne soit pas un Etat. Au stade actuel de l'intégration européenne, qui s'apparente de plus en plus à une union non seulement économique mais aussi politique, l'Union européenne s'est vue dotée de compétences étendues dont l'exercice doit être limité par une protection effective des droits fondamentaux. Ceci est paniculièrement vrai quant au pilier communautaire, qui sera seul examiné dans le cadre de cerre étude. [expérience a montré que l'établissement d'un marché intérieur ne manque pas de toucher des domaines sensibles à des viola- tions des droits fondamentaux, notamment la libéralisation des prestations de services dans le domaine des médias, qui a soulevé des questions concernant la liberté d'expression; dans le cadre de la politique agricole commune, des régle- mentations interventionnistes peuvent entrer en conflit avec la garantie de la propriété et la liberté économique; en raison des pouvoirs d'investigation et de sanction de la Commission dans le domaine du droit de la concurrence, il est indispensable que les entreprises disposent de garanties de procédure, ce qui se traduit par des voies de recours effectives, ou le droit d'être entendu. De plus, suite à l'abolition des frontières entre les Erats membres de l'Union européen- ne, une réglementation commune de l'asile et de l'immigration est devenue

]ORG PAUL MüLLER, Ekmmu nnn- $chweiurischm Gnmdrechtstheorie, Berne 1982, 8.

CHRISTOPH SASSE, La protection tUs droits fondamentaux dam la Communauti européenne, in:

Mélanges Fernand Dehousse, vol. II, Bruxelles 1979.303.

]ORG PAUL MüLLER (note 1), ibidem.

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L'INFLUENCE SUR LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX

nécessaire, domaines dans lesquels la protecrion des droits fondamentaux s'avère être particulièrement importanté.

Comme ces exemples l'illustrent, suite à l'adhésion de la Suisse à l'Union européenne, des compétences importantes, qui sont à l'heure actudle exercées par les autorités suisses, seraient transférées au niveau communautaire5• Pour les domaines attribués à la Communauté, la responsabilité de protéger les droits fondamentaux serait en grande partie soustraite à la Suisse, passant aux: autori- tés communautaires6Ceci s'explique par le fait que le droit communautaire l'emporte, en vertu du principe de la primauté, sur toute norme nationale, même constitutionnelle? Des violations des droits fondamentaux directement imputables à des actes communautaires, notamment à des règlements ou des directives, ne pourraient donc, en principes, pas être sanctionnées par les auto- rités suisses mais uniquement par la Cour-de justice des Communautés euro- péennes'. Comme les droits fondamentaux garamis par la Constitution natio- nale ne seraient, en général, pas opposables aux actes communautaires, il s'impose d'examiner de quelle manière les libertés individuelles sont protégées dans la Communauté. Il convient de s'interroger sur les faiblesses et les avanta- ges du système, envisagés dans la présente étude d'un point de vue suisse.

II. I:évolution de la protection des droits fondamentaux dans l'Union européenne

Garantir des libertés individuelles est un phénomène encore récent dans l'Union européenne. Ceci s'explique par le fait que la Communauté européenne était à l'origine conçue comme une institution dont l'objectif était avant tout économi- que, de sorte qu'il paraissait peu probable, aux yeux des fondateurs, qu'elle

6

Pour un répertoire de la jurisprudence de la Cour de justice dans le domaine des droits fondamentaux, cf. HANs WERNER RENGEUNG, Grundrechtsschutz in der Europiiischm G~­

meinschafi, Munich 1993.

)ORG PAUL MüLLER, Grundrechts- und D~okratjukfizite ais Legitimitiitsprobleme du EG - Ob<Tkgungro zu n'mI Bâtrittder Schwnz, ZSR 1991, 103.

HANs WERNER RENGEUNG (note 4), 4.

Pour le principe de la primauté du droit communautaire, voir les arrêts Costa c. ENEL du 15 juillet 1964, aff. 6/64, Ret. 1964, 1141, 1158-1160 et Internationale HanddsgeselI- schaft du 17 décembre 1970, alf. 11170, Rec. 1970, 1125.

Pour d'éventuelles excepcions à cette règle, voir infra, point VII. B.

Ci-après: Cour de justice ou Cour.

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HERTIG

représente un danger pour les droits fondamentaux. Ainsi, les traités de Rome ne contenaient, à part quelques dispositions peu nombreuses, pas de référence aux libertés individuelles. Cette lacune s'est fait de plus en plus ressentir, au fur et à mesure que le processus d'intégration avançait.

Dans un premier temps, la Cour de justice a refusé à plusieurs reprises de contrôler la conformité du droit communautaire aux droits fondamentaux, estimant que la protection des libertés individuelles était une question relevant du droit constitutionnel interne sur laquelle elle n'avait pas la compétence de statueriO. Suite à des critiques provenant des Etats membres, surtout de l'Alle- magne et de l'Italie, la Cour a procédé à un revirement de jurisprudence. Dans le fameux arrêt Stauder, rendu en 1969, elle a incorporé les droits fondamen- taux dans l'ordre juridique communautaire, déclarant qu'ils faisaient partie intégrante des principes généraux du droit dont elle assurait le respectl1 La notion de principes généraux du droit étant trop vague pour déterminer le contenu des droits fondamentaux, les juges communautaires ont précisé dans leur jurisprudence ultérieure qu'ils s'inspireraient des traditions constitutionnel- les communes aux Etats membres12 ainsi que des traités internationaux concer- nant la protection des droits de l'homme auxquels les Etats membres ont coo- péré ou adhéré", en particUlier de la Convention européenne des droits de l'homme".

Tant la Cour de justice, que les autres organes communautaires ont tenu compte de la nécessité de protéger les droits fondamentaux. En 1977, le Parle- ment européen, le Conseil et la Commission ont affirmé leur volonté de sauve- garder les droits fondamentaux dans une déclaration commune, qui n'a pas de caractère juridiquement contraignant". Neuf ans plus tard, le préambUle de l'Acte unique européen a incorporé le devoir de respecter les droits fondamen- taux dans le droit communautaire primaire. Avec la signature du traité de Maast- richt, cette obligation ne s'impose pas seulement à la Communauté mais aussi à l'Union européenne, en verru des articles F § 2, K.2 § 1 et J.1 § 2 du traité

10 Voir les arrêts Storkdu 4 février 1959, aff. 1/58, Rec. 1959,43; Geitling du 12 février 1960, aff. jres 16 à 18/59, Rec. 1960, 45 et Sgadata du 1" mil 1965, aff. 40/64, Rec. 1966, 314.

Il Arrêt Stauder du 12 novembre 1969, aff. 29/69, Rec. 1969,419.

12 Arrêt Internationale Handelsgesellschafr (note 7).

" Arrêt Nold du 14 mai 1974, alf. 4/73, Rec. 1974,491.

l~ Cf. Arrêt Johnston du 15 mai 1986, arr. 222/84, Rec. 1986, 1615. Pour la désignation de la Convention européenne des droits de l'homme, ci-après: CEDH.

" JOCE 1977, nO C 103. 1.

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LINFlUENCE SUR LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX

sur l'Union européenne'6. Mais comme l'article Ldu rrairé de Maastricht sous- trair ces disposirions au contrôle de la Cour de justice, celle-ci ne peUt actuelle- ment, sur la base de l'article 164 du traité instaurant la Communauté européen- ne'7, assurer le respect des droirs fondamentaux que dans le cadre du pilier communautaire alors que Je deuxième pilier (poJitique extérieure et de sécurité commune) er Je troisième pilier (justice et affaires inrérieures) échappent à sa compétenceJ8

Avec l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam", la garantie des droits fondamentaux deviendra une condition d'adhésion à l'Union européenne (Art.

49 nTUE). De plus, une procédure de sanction esr prévue à l'égard des Etats en cas de. violation grave et persistante des Jibertés individudles (art. 7 al. 1 n TUE). Par Ja communaurarisarion de Ja majorité du troisième pilier, la protec- rion judiciaire des particuliers esr améliorée"'. La position de Ja Cour de justice est aussi renforcée par le fait que sa compétence est étendue) dans une certaine mesure, au troisième pilier (art. 35 nTUE). Malgré ces changements, le résul- tat de la conférence intergouvernementale n'a pas apporté d'innovations fonda- mentales, vu que les Etats membres n'ont su se mettre d'accord ni sur l'adoption d'une charte de droits fondamentaux, ni sur l'adhésion de la Communauré à la CEDH". Ainsi, les Jibertés individuelles seront aussi à J'avenir protégées de manière jurisprudentielle, les décisions de la Cour de justice n'étant pas sus- ceptibles de recours à la Cour européenne des droirs de l'homme à Strasbourg.

Nous reviendrons par la suite de manière plus d'taillée sur Jes inconvénients d'une telle situation22.

Iii Ci-après: TUE.

17 Ci-après: traité CE, ou Traité.

18 VlAD CONSTANTINF..5Co/RoBERT KOVARIDENYS SIMON, Traiti sur l'Union ntropùnM, Com- mmtaire article pl1r4rtick, ad art. F T.U.E., 87, nO 12.

19 Abrégé fi TUE.

20 Pour les domaines qui seront transférés du troisième au premier pilier, les compétences traditionnelles de la Cour de justice seront routefois limirées par les modalités swvanres (art.

68 al. 1 et 2 nTUE): seules les juridictions statuant en dernier ressort ont la faculté de saisir la Cour de justice à (itre préjudiciel. De plus, la compétence des juges communautaires est exclue quam aux mesures nationales visant le maintien de l'ordre public ou b sauvegarde de la sécurité intérieure.

21 )EAN-VrcroR LoUIS. U tr/litt d'Amsterdam. Um occasion pmiue? Revue du Marché unique européen 1997,8-12.

22 Voir points IV. A. et B.

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HERTIG

III.

Les

libertés communautaires

Dès sa fondation, la Communauté a eu pour mission principale l'établissement d'un marché commun23Pour atteindre ce but, les libertés communautaires jouent un rôle crucial. Elles ont pour objectif de garantir la libre circulation des marchandises2", des personnes2\ des services26 et des capirawr7 au sein de la Communauté, Envisagé d'un point de vue putement économique, il est difficile de saisir le rapport entre les libertés communautaires et les droirs fonda- mentaux. Même s'il ne se justifie pas d'assimiler entièrement ces deux catégo- ties de droits", elles présentent cependant des ressemblances quant à leur nature juridique, leur contenu et leur finalité, Tout d'abord, à l'instar des droirs fonda- mentaux, les libertés communautaires SOnt directement applicables, conférant aux particuliers des droits subjectifs opposables aux autorités nationales et com- munautaires", De plus, les libertés communautaires impliquent, du point de vue matériel, des garanties analogues aux droits fondamentaux, notamment l'interdiction de la discrimination en raison de la nationalité, la liberté de mouve- ment, la liberté professionnelle, la liberté d'établissement, et surtour la liberté économique", Quant à la finalité des libertés communauraires, il est vrai qù dIes ont originellement eu pour but de protéger les parciculiers en tant qu'acteurs économiques. visant une allocation optimale des ressources. Mais entre-temps, leur titularité a graduellement été élargie, La libre circulation des personnes

23 Voir art. 2 CE.

l< An, 9-37 CE.

" Au, 48--58 CE,

26 Arc. 59--66 CE.

27 Arc. 67-73 H CE,

28 Pour les différences entre les droits fondamentaux et les libertés communautaires, cf. fuNS

WERNER RENGELING (no(e 4), 172; FRANK EMMER:T, Europarecht. München 1996.296.

Z<) Voir les arrêts Van Duyn du 4 décembre 1974 •. aff. 41/74, Rec. 1974, 1337 (libre circulation

des travailleurs), Van Binsbergen du 3 Décembre 1974, aff. 33/74, Rec. 1974, 1299 (libre preStation de .services) et Reyners du 21 juin 1974, afr. 2/74, Re<:. 1974,631 (liberté d'établissement).

~ Cf. ALBERT BL.E.CKMANN, Die Freihûten tUl Gemn1JJllmen MaTIt/el ais Grundrechu. in: Ge- dachlnissch,ilt fil, Christoph Sasse, vol. Il, Kehl am Rhein, Strasbourg 1981,665-684;

THOMAS O:>TnER, Recht und Macht im Europiiuchm Wirtscha.foraum, PJA 1992. 1210; W AL- TER KAuN, EG und Gnmdrechu: Chance OMT Gif4hr for die indilJidt«Ikn Preiheitm?, in:

Weibel/Fdler (éd.), Schweiz.erische Identitat und Eumpaische Integration, Berne 1992, 163;

GRAJNNE DE BURCA, Fttndammtul Human Rights and the Beach of EC LAW, in: Paul/De Burca, EC Law. Texcs, Cases, and Materials, Oxford 1995, 331-332.

. "

(8)

II!'

-,.

LINFLUENCE SUR LA PROTEcnON DES DROITS FONDAMENTAUX

constirue le meilleur exemple pour illustrer ce propos. Au débur, cerre liberté protégeait exclusivement les personnes exerçant une activité luc.-ative. Ensuite, elle a été étendue aux retraités" et aux étudiants", à condition qu'ils disposent de ressources suffisantes et d'une assurance maladie. De plus, elle implique également le droit au regroupement familial33Cet élargissement progressif a abouri, dans le traité de Maastricht, à la consécration de la liberté de mouve- ment et de séjour en tant qu'aspect de la citoyenneté de l'Union européenne (art. 8 CE)".

Le fait que les libertés communautaires ne se limitent plus à protéger les individus en tant qu'acteurs économiques a aussi été «l'œuvre» de la Cour de justice. Larrêt Casagrande en est une illustration. Dans cette affaire, les juges communautaires ont déclaré contraire à la libre circulation des travailleurs une réglementation allemande qui limitait des mesures d'encouragement en ma- tière scolaire à des enfants allemands, excluant de cette façon les enfants des autres ressortissants communautaires35, Dans la motivation de cet arrêt, la Cour de justice a surtout mis l'accent sur des aspects non économiques. en se fon- dant sur le droit au regroupement familial du travailleur migrant et sur la néces- sité de faciliter l'intégration des membres de la famille dans le pays d'accueil.

Il est par ailleurs intéressant de noter que l'évolution progressive des liber- tés cotT;munautaires vers des droits à caractère fondamental est un phénomène bien connu en Suisse. Au siècle passé, à l'aube de l'Etat fédéral, la liberté d'éta- blissement et la liberté du commerce et de l'indusrtie étaient en premier lieu conçues comme des instruments visant à supprimer les obstacles inter-canto- naux au commerce. Bien que, de nos jours, ces deux libertés soient surtout considérées comme étant des droits subjectifs protégeant les particuliers, leur fonction économique et unificatrice ne saurait être négligé~. L'adoption, en 1995, de la loi sur le marché intérieur en est une preuve'7

JI Dirt:crive 90/365 du 28 juin 1990, JOCE 1990, nO L 180, 28; directive 90/364 du 28 juin 1990, JOCE 1990. n' L 180,26.

" Directive 93/96 du 29 ocrobre 1993. JOCE 1993. n' L 317, 59-<iO.

" Art. 10 § 1 du règlement 1612168 du 15 ocrobre 1968, JOCE 1968, n' L 257,2.

H DII:.TER W GROSSEN, Der ftr~ Personenverkehr in der EU, reche 1994, Heft 3, 122.

" Arrêt Casagrande du 3 juillet 1974, alf. 9/74, Rec. 1974,773.

36 THOw.s COTnERlBENOfT MEllKT, La flncti01l fidiratiw de la Iibtrtl du commerce et de l'in- dustrie et la loi sur le marchi intirieur Juille: l'influena du droit europùn et du droit internatio- nal iconomique, in: Etudes en l'honneur de Jean-François Aubert, Bâle et Francfort-sur-le- Main 1996, 449-471; W ArrER JO.uN (note 29), 17l; REN~ RHINOW, adArt. 31, Commentaire

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HERTIG

Envisagée sous l'angle des libertés communautaires, l'adhésion à l'Union européenne apporterait aux Suisses un gain en terme de libertés. Corn.me tous les ciroyens de l'Union, ils pourraient invoquer les quarre libertés dans l'ensemble de la Communauté38En contrepartie, la Suisse serait tenue d'accorder les mê- mes garanties aux citoyens des autres Etats membres de l'Union européenne.

Ceci aurait des implications pour la liberté d'établissement, dont la titularité est actuellement réservée aux Suisses, ainsi que sur la liberté du commerce et de l'industrie, qui, selon le Tribunal fédéral, ne protège pas les étrangers de ma- nière inconditionnelle. Dans la mesure où le contenu de ces deux droits fonda- mentaux coïncide avec celui des quatre libertés, leur champ d'application per- sonnel devrait être étendu". De plus, le principe du contingentement, le statut de frontalier et de saisonnier et l'exclusion du tegroupement familial ne pour- raient plus être maintenus à l'égard des citoyens de l'Union'o.

IV.

Les

droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit

Comme déjà mentionné, l'Union européenne ne dispose pas d'un catalogue écrit de droits fondamentaux, abstraction fuite des quatre libertés et d'aUlres dispositions éparses du Traité, notamment les .rricles 6 CE (interdiction géné- rale de toute discriminarion en raison de la nationalité), 119 CE (égalité de rémunérations entre les travailleurs masculins et féminins) et les articles 8 à 8 0 CE (droits attachés à la citoyenneté de l'Union, notamment le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, le droit de vote et

de la Constirurion fédérale de la Confédérarion suisse, vol. Il, Bâ.le, Zurich/Berne 1988, n°

28-30, 5255.;

37 Pour un aperçu de cene loi, cf. THOMAS COTIIERiMANFRED WAGNER, Das nroe Bundtsg~etz

über dm Binru:nt1Ulrkt(BGBM), U,bersicht und kurur Kommmt4r, PJA 1995, 1582-1590.

38 WALTER KAJ.lN (note 29),175.

39 WAlTER KAuN (note 29), ibidem.

(0 CE PIERRE GU.RONE, La libre circulation da ptr10nfUS m droit commu1Ulutairt!: effits potmtie/s m droit suùu, in: MogglStraubhaar/Chambovey/Flükiger/Garrone, Libre cucuJarion des personnes avec l'Union européenne: chanœ ou risque pour la Suisse?, Cahiers suisses de l'intégration européenne, Berne/Zurich 1996, 100--101.

(10)

L'INFLUENCE SUR lJo. PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX

d'éligibilité aux élections municipales et le droit de pétition devant le Parle- ment européen)41.

A patt de ces dispositions, la source principale des droits de l'homme dans l'ordre juridique communautaire est formée, en vertu de l'article F § 2 TUE, par les principes généraux du droit que la Cour induit des traditions constitu- tionnelles communes aux Etats membres et de la CEDH.

Cette méthodologie de la Cour de justice est en partie considérée comme étant insuffisante. Il est soutenu qu'il y subsiste des incertitudes concernant l'objet précis des libertés individuelles parce que «le détour pat les principes généraux ( ... ) introduit en effet une manière de flou quant aux droits effective- ment gatantis»". Pour apprécier si la méthode actuelle de la Cour de justice offre trop peu de sécurité juridique et de transparence, il convient d'examiner l'usage, par les juges communautaires, des traditions constiturionnelles com- munes aux Etats membres ainsi que de la CEDH.

A. les traditions constitutionnelles communes aux Etats membres

En l'absence d'un catalogue écrit de droits fondamentaux, il paraît naturel que les juges communautaires s'appuient, outre sur la CEDH, sur le droit constitu- tionnel national, qui reflète les valeurs prédominantes dans les Etats membres.

Toutefois, comme les auteurs le soulignent presque à l'unanimité, le recours au droit comparé s'avère difficile parce que les traditions constitutionnelles sont très diverses43.

Essayant de déterminer selon quelle méthode la Cour de justice dégage les droits fondamentaux des droits constitutionnels nationaux, certains avocats généraux: ont estimé que les droits fondamentaux communautaires résulteraient du cumul de tous les droits protégés par les constitutions nationales".

Reste à savoir si la jurisprudence communautaire confirme ce point de vue.

Dans ce contexte, les auteurs invoquent souvent l'arrêt AM & S, qui opposait

41 rour les sources des droits fondamentaux, c( INGOLF PERNICE, GemÛmchafovtifa.l!ung und Gnmdrechtsschutz (Grundlagen, &stand, P"'pektivrn). NJW 1990,2413-2414.

~2 Cf. jOE VERHOEVEN, Droit de la Communauté européenne, Bru.xdles, 120, ., Cf. CRAIG PAUIlGRAlNNE DE BURa (nore 29), 299, 309.

~ Conclusions de l'avocat général Warne:r dans l'arrêt IRCA du 7 juillet 1976, aff. 7-76, Rec.

1976, 1213, 1238. Voir aussi les conclwions de l'avocat général Mayras dans l'arrêt Kenny du 28 juin 1978,.1f 1178, Ree. 1978, 1489, 1509.

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HERTIG

une société de droit anglais à la Commission, dans un litige concernant le droit de la concurrence. La Cour a reconnu, dans cette affaire, le droit au secret des communications entre l'avocat et son client. Ce droit n'était protégé ni par la CEDH, ni par l'ensemble les constitutions nationales, mais les juges ont sou- ligné, qu' «au-delà de ces diversités", il existait des critères communs dans les droits internes des Etats membres45

En revanche, dans un arrêt de 1989, qui portait aussi sur le pouvoir de la Commission dans le domaine de la poursuite des infraçtions au droit de la concurrence, la Cour a refusé d'admettre le droit à l'inviolabilité du domicile d'une personne morale comme droit fondamental, en se fondant sur les «diver- gences non négligeables>. entre les systèmes juridiques des Etats membres".

Comme ces exemples le démontrent, il est, presque dans chaque cas, possi- ble d'insister soit sur les ressemblances, soit sur les diversités des traditions constitutionnelles communes, ce qui donne aux juges communautaires une grande marge de discrétion'? Autrement dit, la méthode prétorienne laisse subsister des doutes quant à savoir si certains droits, sur lesquels la Cour de justice n'a pas encore eu l'occasion de se prononcer, sont protégés dans l'ordre juridique communautaire. Des préoccupations sur un manque de sécurité ju- ridique et de prévisibilité ne sont donc pas sans fondement.

L'adoption d'une charte communautaire des droits fondamentaux pourrait pallier cet inconvénient. Comme la jurisprudence n'est que très rarement con- nue de la population, un catalogue des libertés individuelles aurait aussi le mérite d'être plus accessible aux particuliers. Les citoyens pourraient s'informer plus facilement et de manière plus complète sur leurs droits". Mais vu les disparités entre les ordres juridiques nationaux, il est peu probable que les Etats membres se mettent d'accord, dans un proche avenir, sur le contenu d'une teUe charte, ce qui a été confirmé par la conférence intergouvernementale de l'année passée.

4S Arrêt AM & S du 18 mai 1982, aff. 155/79, Rec. 1982, 1575, 1611> an. 21; souligné par nous.

46 Arrêt Hoechst du 21 septembre 1989, aiE jtes. 46/87 et 227/88, Rec. 1989,2859, 2924, att. 17; souligné par nous. Pour un aune exemple dans lequel la Cour de justice n'a pas tranché en faveur de la protection la plus étendue d'un droit fondamental, voir l'arrêt Hauer du 13 décembre 1979,.1f. 44/79, Rec 1979,3727.

47 CHRISTOPH SASSE, La protection des droits fondamentaux dam la Communauté européenne, in:

Mélanges Fernand Dehousse, vol. II, Bruxelles, 1979, 302.

48 Cf. MEINHARD HILF, Ein Grundrechtskat4log for die Europiiùche Gemeinschaft, EuR 1991, 25-26.

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LINFLUENCE SUR LA PROTEcnON DES DROITS FONDAMENTAUX

Malgré les avantages liés à l'existence d'une charte, l'absence d'un catalogue de droits fondamentaux dans l'ordre juridique communautaire ne devrait pas être sur(:scimée. Sunout du point d(: vu(: Suisse, il ne se justifierait guère d'en faire un obstacle à l'adhésion à l'Union européenne. Comme le souligne M.

Kalin, la Constitution fédérale ne prévoit pas non plus un catalogue complet de droits fondamentaux. Des droits comme la liberté d'expression, la liberté de réunion ainsi que la liberté personnelle sont protégés par le Tribunal fédéral comme des droits non écrits sans que l'effectivité er l'efficacité de la protection ainsi offerte ne soient contestées49.

B. La Convention européenne des droirs de ['homme

La CEDH est l'instrument de référence le plus important dans le domaine des droits fondamentaux. Ceci s'explique par le fait qu'elle est un paramèree plus facilement maniable que les traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, qui présupposent des recherches de droit comparé approfondies. De plus, tous les Etats membres de l'Union européenne Ont ratifié la Convention.

Quant à la Suisse, elle fait partie de la CEDH depuis 1974.

En ce qui concerne l'usage de la CEDH par les juges communautaires, la docrrine se préoccupe surtOut du fuit que la Cour n'a jamais reconnu èree liée par la ConventionS<!. Elle a roujoues traité la CEDH comme une simple source d'inspiration, permettant de fournir des indications pour dégager des principes généraux du droit" .

Une partie de la doctrine en conclut qu'il est difficile de savoir dans quelle mesure les droits garantis par la CEDH peuvent être considérés comme des principes généraux du droit". Cette insocurité pèserait d'autant plus que les Etats membres ont formulé des réserves lors de la ratification de la Conven- tion". Jusqu'à présent, la jurisprudence n'a jamais permis de confirmer ces préoccupations. A notre connaissance, il n'existe aucun arrêt dans lequel les

., WALTER 1W.IN (note 29), 172-173.

" Cf. jORG PAUL MOU.ER (note 5). 114.

" Cf. J'arrêt ERT du 18 jwn 1991. aIf. C-260/89. Rec. [-2925.

!i2 JEREMY Mc BRlDf:lNEvlllE BROWN, Tht UnÎttd /(ingtÛJm, Th~ urqpan Community and ,h~

Europ~an Convtntion on Human Rights, YEL 1981,178.

~3 Cf. HERlBERT GOLSONG, Gnmdrechtstchutz im Rahmm der Europiiischm Gmuinschaftm. Ist

der Kil/alog der in der Europiiischm Mmsch~nrechtskonvmtion tnthl1/tmm Grund"ch,~ for

di. EG "<rwrodbar!. EuGRZ 1978. 348-349.

(13)

HER11G

juges de Luxembourg ont tenu compte d'une réserve formulée par un Etat membre. Aucun indice ne permet de conclure que la Cour refuserair d'appliquer une disposition conventionnelle susceptible d'être violée par les autorités com- munautaires. Le fait que la Cour de justice a toujours recouru à la Convention comme partie intégrante du droit communautaire54 atténue l'insécurité juridi- que résultant de l'absence d'un catalogue de droits fondamentaux.

Pour cette raison, un autre point nous paraît plus imponanr: ce n'est pas tant la reconnaissance d'une disposition de la CEDH co11!me droit fondamen- tal communautaire qui pose problème mais son application dans un cas con- cret. Comme la Communauté ne fait pas partie de la CEDH, les décisions de la Cour de justice ne sont pas susceptibles d'un recours à Strasbourg5'. Le fait que deux juridictions internationales, entre lesquelles il n'existe aucun lien ins- titutionnel, peuvent interpréter la CEDH de manière souveraine entraîne le risque d'aboutir à des décisions contradictoires"'.

Ladbésion de la Communauté à la CEDH permettrait de remédier à ce problème. Elle offrirait aussi l'avantage que la Cour de justice serait, à l'instar des cours constitutionnelles des Etats membres, soumise au contrôle d'une juridiction externe à l'ordre juridique communautaire57. Mais comme la COUf

de justice est parvenue à la conclusion, dans un avis de 1996, que la Communau- té n'avait pas la compétence d'adhérer à la CEDH, l'adbésion sera à l'avenir seulement possible suite à une révision du traités8. Comme la conférence inter- gouvernementale de l'année passée J'a montré, des initiatives dans ce sens ont très peu de chances d'aboutir.

~ ANToNIO CAssESE/ANoRE\t' CUJ>HAMI]OSEPH WEiLER, ~~h Jont nos droits? Un programm~

d'action en matim tUs droits de l'homme, in: Cassese/ClaphamlWeiler (éd.), Human Rights and the European Community: Methods of ProtectÎon. European Union - The Human Righ" Challenge, vol. Il, Baden-Baden 1991, 148; VLAD CONSTANTINESCOIRoBERT KovARi

JF.AN~PAUL.JACQUE/DENYS SIMON, Traitt instituant la CEE, Commemaire article par article.

ad art. 164,947 n' 4.

ss Pour la jurisprudence de la Commission européenne des droits de l'homme, voir la décision CFDT, Requête n' 8030177, du 10 juillet 1978, DR 13, 231.

'6 Pour des exemples. cf. OWG PAUt/GRAlNNE DE BURCA (note 29), 305-306.

S7 Cf. JORN PIPKORN. La Communauté europtenu ~I la Convention rnroplennt Ms droits de l'homme, RTDH 1994, 233.

SB Avis 2/94 du 28 mars J 996 sur l'adhésion de l:il CommWlaucé à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, Rec. 1996,1-1759. Pour une critique, voir PATRICK W ACHSMANN, L'avÎJ de la Cour de justice relatif à l'adhision de la Communauté turoptenm à la Convtntion de liluvtgarde des droits tk l'homme et des libertb fondamentales.

RTDE 1996, 467-489.

.,.

(14)

LINFLUENCE SUR LA PROTECfION DES DROITS FONDAMENTAUX

Contrairement à la Communauté elle-même, tous les Etats membres de l'Union européenne sont, comme la Suisse, parrie à la CEDH. En adhérant à l'Union européenne, la Suisse ne serait déliée des obligacions que lui impose la Convention. En effet, après des hésitations initiales", il semble que la Commis- sion européenne des droies de l'homme n'exclut plus la responsabilité des Ecacs lorsqu'ils se bo.rnent à exécuter des actes communautairel,(). En actionnant la Suisse devant les organes de Strasbourg, il seraic donc possible de contrôler l'activité des autorités communautaires de manière indirecte, par le biais des actes d'exécution.

Cette solution, sans douce favorable à la protection des droits fondamen- taux, entraînerait pour la Suisse l'inconvénient de se voir exposée à deux obliga- tions contradictoires. D'une parr, en vertu du traité CE6J, la Cour de justice est la seule instance compétente pour trancher des questions concernant la validité du droit communautaire. Si elle parvient à la conclusion qu'un acte communauraire est conforme à une disposition de la CEDH, protégée dans J'ordre juridique communautaire en tant que principe général du droit, cette décision s'impose à la Suisse. D'autre part, si la Cour européenne devait parve- nir à la conclusion contraire, la Suisse risquerait une condamnation à Stras- bourg pour ne pas avoir empêché la violation d'un droie fondamental procégé par la Convention. lors de J'exécution du droit communautaire.

Bien qu'incohérence, la relation de concurrence enrre la Cour de justice et la Cour européenne des droics de l'homme a des effecs positifs pour la protec- tion des libertés individuelles. Pour évicer des conflits avec la Cour européenne des droits de l'homme ee les juridictions des Etats membres, la Cour de justice doit s'efforcer d'assurer un niveau de protection des droits fondamentaux au moins équivalent à celui des organes de Strasbourg6'. En effec, la condamna- tion d'un Ecat membre par la Cour européenne des droits de l'homme en vertu d'un acte national d'exécution du droit communautaire, éventualité qui ne s'est pas encore produire, inciterait les autorités nationales à contrôler la compa- tibilité du droit communautaire par rapport à la CEDH, au détriment de la primauté du droit communautaire. A parr ces considérations, il serait souhai-

j~ Voir la décision M & Co. c. Rlpublique fédérale d'Allemagne, Requête nO 13258/87. du 9 févr;ec 1990. DR 64. 138.

(,0 Voir la décision Procola 1::( autres c. Luxc:=mbourg, Requ~te nO 14570/89. du ... juillet 1993, DR 75.5.

61 Voir art.164 et 219 CE.

62 CRAIG PAuLlGRAINNE DE BURa (note 29),308.

(15)

HERTIG

table que la Cour de justice accorde aux droits fondamentaux une protection plus étendue que la Cour européenne des droits de l'homme, vu que la CEDH ne vise qu'à garancir un standard minimum en Europé3

V. Les remèdes procéduraux

Il ne suffit pas de constater que les droits fondamemaux son~ en principe garantis dans l'ordre juridique communautaire. Encore faut-il que les patticuliers dispo- sem des voies judiciaires effectives pour faire valoir leurs droits. Dans la Com- munauté, il n'existe pas de procédure spéciale, comparable au recours de droit publique en Suisse, permettant de sanctionner la violation des droits fonda- mentaux. Mais ceci ne veut pas dire que les libertés individuelles ne soiem pas protégées. Comme les droits fondamentaux, en tant que principes généraux du droit, font partie intégrante du droit communautaire, la Cour de justice est tenue d'en assurer le respect sur la base de l'article 164 CE6'. Par conséquem, il est possible de faire valoir une violation des droits fondamentaux par le biais des voies judiciaires visam à apprécier la validité du droit communautaite déri- vé et des actes nationaux relevant du champ d'application du droit communau- tairé5

63 Pour des exemples dans lesquels la Cow de justice accorde une protection plus étendue que la COUf européenne des droits de: l'homme~ voir l'3..!'rêt Rees c. Roya!Jme--Uni du 17 ocmbre 1986 de la Cour européenne des droits de l'h~mme (Série A 106) et l'arrêt PIS et Cornwall CountyCouncil de 1. Cour de justice du 30 .vrilI996 (alF. G-13/94, Ree. 1996,1-2143), concernant la discrÎmination des transsexuels, ainsi que l'arrêt S.W. c. Royaume-Uni du 22 novembre 1995 de la Cour européenne des droits de l'ho~e (Série A, 335-B) et J'arrêt X du 12 décembre 1996 de la Cour de justice (alF. G-129/95, Ree. 1996,1-6629), portant sur le princi~ de la légalité des délits et des peines (art. 7 CEDH).

MALBERT BLEClO.tANN, Europartcht, 6~ édition Cologne, Berlin/Bonn/Munich 1997,54,

102.

65 Cf. art. 173, 184 et 177 CE. Pour un exposé des voies judiciaires. voir HANs WERNER RENGELINGI ANDREAS MIDDEKEIMARllN GElLERMANN, &chmchutz in der Europiiischen Union, Munich 1994.

La Cour de jusrice n'a pas le pouvoir d'annuler un acte national contraire au droit commu- nautaire; elle peUt cependant résoudre un conflit entre une norme nationale et communautaire de manière indirecte, par le biais de l'interprétation de la norme communautaire. En fonction de cette réponse, le juge national décide si une loi nationale viole le droit communautaire.

(16)

L'INFLUENCE SUR LA PROTECT10N DES DROITS FONDAMENTAUX

En général, la doctrine admet que les voies judiciaires sonr complètes et efficaces'". Ceci est particulièrement vrai du point de vue suisse: tandis que la Constitution fédérale" exclut le contrôle de constitUtionnalité des lois fédéra- les et des arrêtés fédéraux de portée générale (art. 113 al. 3 et art. 114bi, Cst.

féd.).les juges communautaires s'estiment compétents pour examiner «toutes les dispositions prises par les institutions, quelles qu'en soient la nature ou la forme, qui visent à produire des effets de droit»". Autrement dit, l'ordre juridi- que communautaire ne connait pas d'actes (/ immunisés ».

En revanche, le droit de recours des parriculiers est soumis à des conditions plus restrictives dans la Communauré qu'en Suisse. En effet, le Traité n'accorde aux individus la qualité pour recourir que si l'acte attaqué les concerne directe- ment et individuellement (art. 173 al. 4 CE). Des actes ayant une portée géné- rale comme les règlements et les directives ne peuvent donc en principe pas faire l'objet d'un recours par une personne physique ou morale".

Les procédures prévues aux articles 184 et 177 CE tempèrent certe lacune.

Surtout la dernière disposition revêt une importance capitale. Elle accorde aux particuliers la faculté de faire sanctionner une violation des droits fondamen- taux de manière indirecte: dans un litige au principal se déroulant devant une juridiction nationale, ils peuvent suggérer au juge de saisir la Cour de justice à titre préjudiciel sur une question d'interprétation du droit communautaire ou d'appréciation de validité du droit communautaire dérivé. Le juge national reste cependant libre d'y donner suite. Seules les juridictions dont la décision n'est plus sujette de recours sur le plan interne ont l'obligation d'adresser une demande préjudkieUe aux juges cornmunautaires70. Mais comme aucune voie de recours n'est ouverte auprès de la Cour de justice contre le rerus injustifié d'une juridiction nationale de saisir les juges communautaires, l'efficacité du renvoi préjudiciel dépend des juges nationaux. Il est par ailleurs intéressant de noter que la Commission européenne des droits de J'homme a renforcé la posi-

66 Cf. jOE VERHOEVEN (note 40) 278; ROLAND BlESER. Dm Verfahrem"cht von Verfammgs-

o.-g0"'", Baden·Baden 1992, 283; W ALUR IO.LIN, (note 29), 173.

67 Abrég~ .est. féd

.. Arrêt AETR du 31 mars 1971, .fT. 22170, R<c. 1971,263, att. 42.

69 Pour des considérations plus approfondies. cf. LUDWIG AllIŒMPER, D~r &chtsscbutz des ~inul­

nm nach dnn EG-~rtrag. thèse Münster. Baden-Baden 1994. 195-200. En Suisse. les par~

ticulicrs ont qualité pour agir contre des décisions et contre les act~ normatifs (an. 84 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation judiciaire. RS 173.110).

" Arrêt CILFIT du 6 octob« 1982, aIf. 283/81, Rec. 1982,3415.

(17)

HERTIG

tian des particuliers en statuant que le refus d'une juridiction nationale de saisir la Cour de justice peut constituer une violation de l'article 6 § 1 CEDH71.

VI. Les limites des droits fondamentaux

Les droits fondamemaux ne sont en principe pas des prérogatives absolues. Vu qu'ils peuvent entrer d'une part en conflit avec des inté~êts de la collectivité, tout aussi légitimes, et cl' autre part avec les droits des tiers, ils peuvent être sujets à des restricrions72Mais comme des limices excessives vident les libertés de leur contenu, il est essentiel de s'interroger sur les conditions permecrant de restreindre les droitS fondamentaux. Dans la Communauté, un débat doctri- nal très animé tourne autour de ce sujet. La controverse est due au fait que la Cour de justice a recouru a des formulations différemes pour déterminer les limites des droits fondamemaux. D'une part, elle a déclaré inadmissible une

«intervention démesurée et intolérable" «au regard du butpoursuivùl3 qui porterait atteinte à la substance de ces droits»74. D'autre pan, elle a relevé qu'il s'agirait de sauvegarder les droirs fondamentaux .dans le cadre de la strncture et des objectifi de la Communautén75

Lors de l'interprétation de cette jurisprudence, une partie de la docrrine relève que la restriction tant des droits fondamemaux que des quatre libertés"

est subordonnée aux conditions connues aussi dans d'autres systèmes juridiques, notamment en Allemagne et en Suisse. Ainsi, M. Kalin souligne la ressemblan- ce emre la dogmatique des juges communautaires et celle du Tribunal fédéral77:

Oi\'igsa c.. Espagne, requête nO 20.631/92, décision du 12 mai 1993; voir G~RARD CoHEN~

JONATHAN, Europe, 1995, chronique 10,3-4,

12 ]ORG PAUL MOUER (note 1), 119.

73 Arrêt Hauer du 13 décembre 1979, af[ 44/79. Rec. 1979, 3747, att. 23; souligné par nous.

74 Arrêt Nold (note 13), att. 14; souligné par nous.

75 Arrêt Internationale Handelsgesellschaft (noce 12), 1135, art. 4; souligné par nous. Une formule plus récente synthétisant les crois arrêts se trouve dans l'affaire Wachauf du 13 juill« 1989, afl: 5/88, Rcc. 1989,2609,2639, an. 17-18.

Arrêt Nold (note 13), art. 14; sou1jgné par nous.

i6 Pour la resrriction des quatre liben6,Ia Cour exige l'o.isrenœ «des raisons impérieuses liées

~ l'intérêt général ( .. ,) et que le même résultat ne JXut être obtenu par des règles moins contraignames.1I (arrêt Commission c. Allemagne. arrêt du 4 décembre 1986, aff. 205/84, Ree. 1986,3755,3803, an. 40). Voir MICHAEl. ESERHARTINGER, Konvrrgrnz undNrustruktu~

rierung da Grundfreih,it,n, EWS 211997, 43-46.

77 WALTER IO..r.IN (note 29),174.

(18)

L'INFLUENCE SUR LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX

la resericeion d'un droie fondamental doie êere fondée sur une base légale, pour- suivre un intérêt public sans être disproportionnée par rapport au bue poursui- vi. Dans eous les cas, le noyau intangible du droie fondamental doie êere res- pecté.

D'autres auteurs mettent l'accent plutôt sur la référence, par la Cour de justice, à la struceure et aux objectifs d'ineérêt général poursuivi par la Commu- naueé. Ils sont divisés sur la question de savoir si les juges de Luxembourg one voulu introduire des limites plus larges par rapport à l'intérêe public ou si, au contraire, elle entendait seulement préciser la dernière noeion.

Le premier point de vue, selon lequel les restticeions aux droits fondamen- taux prévus par les juges communautaires sont trop larges. est défendu entre aueres par M. Müller". Selon cette opinion, la référence à la seructure et aux objeceifs communaueaires implique que les droies de l'homme doivene êere interprétés à la lumière des exigences découlane de l'intégration européenne.

Par conséquent, ils n'occupent pas la place suprême dans l'ordre juridique coo1- munautaire79.

Selon le point de vue contraire, il paraÎe nacurel que la Cour se réfère aux intérêes généraux que la Communauté est appelée à poursuivre, et non à la somme des intérêes des Eeats membres'"- Il s'agiraie de signaler aux juridictions nationales que les juges communautaires pourraient «mettre en œuvre des ga- ranties ~~analogues~) mais non «identiques» à celles que connaissent certains Etats memhres.»81

A notre avis, il ese impossible de déeerminer la portée des limites des droits fondamentaux in abstracto. La comparaison cntre la dogmatique suisse et com- munautaire ne nous permee pas non plus d'aboueir à un résultat concluant. La Cour de justice a toujours recouru à des formulations prêtant à discussion dans des arrêts où des droits économiques éeaient en cause". Lorsque le Tribu- nal fédéral subordonne la restriction de ces droits à l'exigence d'un intérêt

78 Cf.JORGPAVLMOLLER(nore5).110-111.

7'.1 ANDREW ÛAPHMi. Human Rights in the ?rivate Sphe1r, Oxford 1996, 274-275.

80 JOSEPH H.H. WEILER, Mt!thods of Protection: Towllrds Il Second and Third Gmertltion o/Pro- tection, in: CasseselClapham/Weiler (éd.), Human Righrs and the European Community:

Methods ofProteccion. European Union - The Human Rights Challenge, vol. II. Baden~

B.d,n 1991, 592.

" GtRARD CoHEN.JoNA1lMN,}CL Europe fasc. 6500, § 75, 18.

82 Dans l'arrêt Inrernationale Handelsgesdlschaft, fa liberté économique érait en cause. les arrêts Nold, Hauer et Wachauf soulevaiwt des questions concernant la liberté de profession et la garantie de la propriété.

(19)

HERTIG

public, cette notion n'est pas clairement délimitée non plus puisqu'elle ne vise pas uniquement la sauvegarde des biens de l'ordre publique (sécurité, santé, tranquillité et moralité publiques), incluant entre autre aussi des considéra- tions d'ordre social et environnemental83.

Comme l'intérêt public est une notion indéterminée, elle prend toute son imponance lors de sa concrélÎsation. Il seraÎt donc nécessaire d'examiner ren- semble, ou au moins une partie substantielle, de la jurisprudence pour détermi- ner le niveau de protection des droits fondamentaux dans la Communauté, une relie entreprise dépassant largement le cadre de ce trâvail. D'autres auteurs l'am fait à notre place". Ils sont parvenus à la conclusion que le niveau de protection assuré par la Cour de justÎce n'est pas optimal, mais qu'il mérite une appréciation positive. La critique selon laquelle la Cour de justice subordonne les droits fondamentaux systématiquemem aux objectifs communautaires nous paraît donc exagérée".

Il n'est pourtant pas exclu que les juges communautaires arrivent dans cer- tains cas à des condwions différentes de certaines juridictions nationales. Ceci s'explique d'une part par le fait que la Communauté ne poursuit pas toujours la même finalité que les Etats narionaux, de sorte que des intérêts en cause sont quelquefois pesés différemment. D'autre part, comme déjà mentionné, les tradi- rions consùtucÎonnelies communes aux Etats membres présentent des diver- gences sensibles de sorte qu'un arrêt de la Cour ne pourra que difficilement satisfaire roUt le monde. Même des décisions favotables à la protection des droits fondamentaux ont suscité des critiques. Lacrêt AM & S, par exemple, a été désapprouvé par le gouvernement français, qui a reproché à la Colir d'avoir sacrifié un but fondamental du droit communautaire, c'est-à-dire l'intérêt à une concurrence non faussée dans le marché commun, à un principe qui ne serait en substance rien d'autre qu'un droit protégé dans un seul Etat membre, à savoir la Grande Bretagne86. Cette problématique n'est cependant pas incon- . nue en Suisse. Suite à l'adhésion à la CEDH, nous avons déjà fait l'expérience

que des questions peuvent recevoir une réponse différente au niveau narional et international, sans qu'il en résulte des obstacles insurmontables.

83 JORGPAULMÛllER(note 1), 124-131.

.. JOSEPH H.H. WEILER/J.S. LocKHART, ,Taking RighI> Sniow/y" Seri,usly. CML Rev. 1995, vol. 32 nO 1, 51-94 (pan Il, vol 32 n' 2, 579"",27 (parrI!); HANs WERNER RENGELING (note

4l,232. .

55 Pou .. une critique de la jurisprudence de la Cour, cf. JASON COPI'WAlOON O'NEILL, The European Court o/justice; Taking Righ" seriously!, CML Rev. 1992,669"",92.

" Arrêt AM &5 (nore43),1597-1599.

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