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Les jeunes mères et l'évolution de leurs trajectoires personnelle, éducationnelle, professionnelle et familiale

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Academic year: 2021

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© Camille Chatelain, 2019

Les jeunes mères et l’évolution de leurs trajectoires

personnelle, éducationnelle, professionnelle et familiale

Mémoire

Camille Chatelain

Maîtrise en service social - avec mémoire

Maître en service social (M. Serv. soc.)

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Les jeunes mères et l’évolution de leurs trajectoires

personnelle, éducationnelle, professionnelle et familiale.

Mémoire

Camille Chatelain

Sous la direction de :

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iii Résumé

Cette étude qualitative porte sur la maternité précoce et sur l’évolution des trajectoires de vie personnelle, familiale, éducationnelle et professionnelle de douze jeunes femmes ayant eu leur premier enfant avant leur 25e anniversaire. Ce projet de mémoire sur l’expérience de maternité précoce est guidé par une question spécifique : quelles sont les perceptions des mères concernant le rôle de leur maternité considérée comme précoce sur leurs trajectoires de vie personnelle, éducationnelle, professionnelle et familiale? Le cadre d’analyse choisi pour ce mémoire est celui de la théorie des parcours de vie. Ainsi, pour mieux comprendre le parcours de vie des participantes, trois moments clés ont été examinés soit avant la grossesse, pendant la grossesse et lors de la naissance et après leur grossesse. Cette distinction a permis de voir les influences qui ont mené à une modification des trajectoires de vie de ces jeunes femmes.

L’analyse thématique des données qualitatives fondée sur la rencontre de douze jeunes mères, dans le cadre d’entrevues semi-structurées, a permis d’explorer, à partir de leur perception, ce qui caractérise leur expérience et la manière dont leurs trajectoires de vie ont évolué suite à cet événement. Les résultats de ce mémoire montrent que l’expérience de maternité chez ses jeunes femmes influence les trajectoires de vie de celles-ci, mais qu’il y a aussi d’autres facteurs qui influencent l’évolution de ces trajectoires de vie. Les résultats montrent également que l’enfant est un moteur de changement pour ces femmes.

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iv Abstract

This qualitative study examines early motherhood and the changing personal, family, educational and professional life trajectories of twelve young women who had their first child before their 25th birthday. This thesis project on the experience of early motherhood is guided by a specific question: What are mothers' perceptions of the role of their maternity considered as early on their personal, educational, professional and family life trajectories? The analytical framework chosen for this thesis is that of life course theory. Thus, to better understand the participants' life course, three key moments were examined: before pregnancy, during pregnancy and at birth and after pregnancy. This distinction made it possible to see the influences that led to a change in the life trajectories of these young women. The thematic analysis of qualitative data based on the meeting of twelve young mothers in semi-structured interviews made it possible to explore, based on their perception, what characterizes their experience and how their life trajectories evolved as a result of this event. The results of this thesis show that the maternity experience of her young women influences their life trajectories, but that there are also other factors that influence the evolution of these life trajectories. The results also show that children are a driving force for change for these women.

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Table des matières

RÉSUMÉ ... III ABSTRACT ... IV TABLE DES MATIÈRES ... V LISTE DES TABLEAUX ... VII

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE 1 — PROBLÉMATIQUE ... 3

1.1.L’OBJET D’ÉTUDE ... 3

1.2.PRÉVALENCE ... 6

1.3.LA RECENSION DES ÉCRITS ... 7

1.3.1 Présentation de la documentation ... 7

1.3.2 La maternité précoce et ses conséquences ... 8

1.3.3 Les trajectoires de vie empruntées par les jeunes mères : diversité et ressemblance ... 20

1.4LIMITES MÉTHODOLOGIQUES DES ÉTUDES ACTUELLES ... 26

1.5PERTINENCE SOCIALE, SCIENTIFIQUE ET DISCIPLINAIRE ... 28

CHAPITRE 2 — CADRE THÉORIQUE ... 31

2.1LA PERSPECTIVE THÉORIQUE DES PARCOURS DE VIE ... 31

2.2DÉFINITION DES CONCEPTS IMPORTANTS ... 32

CHAPITRE 3 — MÉTHODOLOGIE ... 36

3.1PARADIGME ÉPISTÉMOLOGIQUE ... 36

3.2APPROCHE PRIVILÉGIÉE ... 36

3.3TYPE DE RECHERCHE ... 37

3.4POPULATION À L’ÉTUDE ET ÉCHANTILLONNAGE ... 37

3.5COMPOSITION DE L’ÉCHANTILLON ... 39

3.6MÉTHODE DE COLLECTE ... 41

3.7TYPE D’ANALYSE ... 42

3.8CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES ... 43

CHAPITRE 4 — PRÉSENTATION DES RÉSULTATS ... 45

4.1 :PORTRAITS DU PARCOURS DES PARTICIPANTES AVANT LA GROSSESSE ... 45

4.1.1 Caractéristiques de la trajectoire personnelle... 45

4.1.2 Caractéristiques de la trajectoire familiale ... 51

4.1.3 Caractéristiques de la trajectoire scolaire et professionnelle ... 58

4.2 :PORTRAITS DU PARCOURS DES PARTICIPANTES LORS DE LA GROSSESSE ET DE LA NAISSANCE ... 64

4.2.1 Caractéristiques de la trajectoire personnelle... 64

4.2.2 Caractéristiques de la trajectoire familiale ... 71

4.2.3 Caractéristiques de la trajectoire scolaire et professionnelle ... 76

4.3 :PORTRAITS DU PARCOURS DES PARTICIPANTES APRÈS LA GROSSESSE ... 80

4.3.1 Caractéristiques de la trajectoire personnelle... 81

4.3.3 Caractéristiques de la trajectoire scolaire et professionnelle ... 98

4.3.4 Les changements occasionnés et l’importance de l’enfant sur ceux-ci ... 102

CHAPITRE 5 — DISCUSSION ... 111

5.1PORTRAITS DU PARCOURS DES PARTICIPANTES AVANT LA GROSSESSE ... 111

5.1.1 Le climat familial ... 111

5.1.2 Désir d’avoir des enfants ... 112

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5.2PORTRAITS DU PARCOURS DES PARTICIPANTES LORS DE LA GROSSESSE ET DE LA NAISSANCE ... 113

5.2.1. La grossesse : un événement heureux ... 113

5.2.2 La présence de soutien ... 115

5.2.3 Portrait des jeunes femmes ... 115

5.3PORTRAITS DU PARCOURS DES PARTICIPANTES APRÈS LA GROSSESSE ... 116

5.3.1 L’évolution des relations familiales et conjugales ... 116

5.3.2 Présence de facteur de protection ... 117

5.3.3 : L’obligation d’être parfaite pour défaire les stéréotypes ... 119

5.3.4 La maternité : un point tournant ... 120

5.4FORCES ET LIMITES DE L’ÉTUDE ... 123

5.5PISTE DE RECHERCHES FUTURES ... 124

5.6PISTES POUR L’INTERVENTION ... 125

CONCLUSION ... 127

BIBLIOGRAPHIE ... 128

ANNEXE 1 : ANNONCE ENVOYÉE PAR COURRIER ÉLECTRONIQUE ET SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX ... 137

ANNEXE 2 : GRILLE DE CONTACT TÉLÉPHONIQUE ... 138

ANNEXE 3 : GUIDE D’ENTREVUE ... 139

ANNEXE 4 : QUESTIONNAIRE SOCIODÉMOGRAPHIQUE ... 141

ANNEXE 5 : FORMULAIRE DE CONSENTEMENT ... 142

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Liste des tableaux

TABLEAU 1 :CARACTÉRISTIQUES SOCIODÉMOGRAPHIQUES DES PARTICIPANTES ... 40 TABLEAU 2:RÉSUMÉ DES PORTRAITS DU PARCOURS DES PARTICIPANTES AVANT LA GROSSESSE ... 62 TABLEAU 3 : RÉSUMÉ DES PORTRAITS DU PARCOURS DES PARTICIPANTES LORS DE LA GROSSESSE ET LA

NAISSANCE... 78 TABLEAU 4 : RÉSUMÉ DES PORTRAITS DU PARCOURS DES PARTICIPANTES APRÈS LA GROSSESSE ... 107

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Remerciements

La réalisation de ce mémoire a été rendue possible grâce à la collaboration et au soutien de plusieurs personnes que je tiens à remercier.

Tout d’abord, j’aimerais dire un énorme merci aux douze participantes qui ont accepté de participer à mon étude en livrant si généreusement leur vécu de maternité, leurs émotions, leurs difficultés, etc. J’espère avoir su rendre un portrait fidèle de leur expérience.

Je remercie également ma directrice, madame Claudine Parent, pour son soutien tout au long du projet. Je suis reconnaissante pour sa générosité, sa disponibilité, sa rigueur intellectuelle ainsi que pour ses recommandations. Ses conseils et ses encouragements m’ont permis de me dépasser et d’aller chercher le meilleur de moi.

Merci également à mes amis et collègues de la maîtrise qui ont toujours été présents lorsque j’avais besoin de conseil ou tout simplement pour leurs encouragements bien appréciés.

Un merci tout spécial à mes parents, Nathalie et Michel pour leur appui indéfectible et leur foi inébranlable en moi. C’est grâce à vous, si j’ai acquis la confiance nécessaire pour accomplir ce projet. Je remercie également, mon conjoint Pier-Alexandre, pour son amour, sa compréhension et son énorme soutien. Merci d’avoir traversé avec moi ce long parcours au quotidien et de m’avoir encouragé lorsque les embûches se présentaient.

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1 Introduction

La maternité est un événement important et valorisé par la population québécoise et les femmes exposent même leur grossesse et leur maternité par le biais des réseaux sociaux (Lévesque, 2015). En 2015, 86 800 enfants sont nés au Québec (ISQ, 2016) et les femmes donnent naissance, en moyenne, un peu avant d’avoir fêté leur 30e anniversaire (Lévesque, 2015). Souvent, la maternité est représentée sous une idéologie propre aux sociétés occidentales qui conçoivent la venue d’un enfant comme faisant partie d’une séquence de transitions précises (Elder, Johnson et Crosnoe, 2003). Cette idéologie prévoit que la femme ait terminé ses études et que sa carrière soit bien amorcée avant de considérer avoir un enfant (Charbonneau, 2003; Mouw, 2005; SmithBattle, 2005; Thomson, Kehily, Hadfield et Sharpe, 2011). Elle doit également avoir une relation amoureuse stable, avoir une bonne situation financière en plus d’avoir des ressources matérielles telle une maison (Kehily, 2012; Thomson, Kehily, Hadfield et Sharpe, 2011). Cette idéologie est fondée sur le fait que dans les sociétés occidentales, les femmes sont de plus en plus présentes sur le marché du travail, ce qui fait que la maternité et la vie familiale se voient être retardées, et ce, particulièrement en milieu urbain (Daguerre et Nativel, 2006; Thomson, Kehily, Hadfield et Sharpe, 2011).

Cette idéologie crée des attentes par rapport à ce qui est socialement acceptable. Ainsi, le fait de donner naissance avant la norme, par exemple à l’adolescence, limite les chances de la jeune femme de compléter ses études postsecondaires, d’obtenir un bon emploi, de trouver un partenaire stable, d’échapper à la pauvreté et d’avoir des enfants qui réussiront à l’école (SmithBattle, 2005). Cependant, ces attentes normées créent des tensions avec la réalité. En effet, certaines femmes ont des enfants dans un autre contexte que celui préconisé par cette norme sociale. Des femmes donnent parfois naissance dans des contextes de violence, de consommation ou encore à un jeune âge. Ces femmes sont généralement victimes d’un jugement moral, puisqu’elles divergent de la norme. Ce jugement moral peut prendre diverses formes, allant de commentaires négatifs (p. ex. : « elle est trop jeune pour avoir un enfant ») aux jugements de valeur (Lévesque, 2015). La présence de cette idéologie explique en partie pourquoi la maternité précoce est considérée comme un problème. Selon plusieurs auteurs, la maternité précoce est construite comme une menace sociale à travers les discours relatifs à une série de normes sociales liées à la maternité et à la famille (Daguerre et Nativel, 2006; McRobbie, 2000; Wallbank, 2001).

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C’est dans ce contexte que ce mémoire s’inscrit. Il a pour but de comprendre le vécu des jeunes mères et les changements apportés par la maternité précoce sur leurs trajectoires de vie. Il vise également à mettre en lumière la perception de ces femmes par rapport à leur expérience de maternité. En ce sens, la présente recherche cherche à répondre à la question suivante : quelles sont les perceptions des mères

concernant le rôle de leur maternité considérée précoce sur leurs trajectoires de vie personnelle, éducationnelle, professionnelle et familiale?

Ce mémoire est divisé en cinq chapitres. L’objet d’étude, la prévalence de la maternité précoce, la présentation de la documentation, la recension des écrits ainsi que les limites des études recensées composent le premier chapitre. En conclusion de celui-ci, la pertinence sociale, scientifique et disciplinaire se rattachant au thème de la maternité précoce est présentée. Le chapitre suivant est consacré à la présentation du cadre théorique utilisé dans ce mémoire, soit la théorie des parcours de vie, ainsi qu’à la définition des concepts clés se rapportant à la question de recherche. Le troisième chapitre porte, quant à lui, sur les aspects méthodologiques de l’étude. Celui-ci est composé de la description du paradigme épistémologique, de l’approche méthodologique ainsi que du type de recherche utilisé. On retrouve également dans ce chapitre une description de la population et de la méthode d’échantillonnage, la composition de l’échantillon, la méthode de collecte de données ainsi que le type d’analyse effectuée. Enfin, les considérations éthiques concluent ce chapitre. Le chapitre quatre vise à présenter les résultats consécutifs aux entrevues individuelles. Le cinquième et dernier chapitre, quant à lui, permet l’interprétation et la mise en perspective des résultats obtenus en fonction du cadre théorique et de la littérature sur le sujet. Ce chapitre se conclut par la présentation des forces et limites de l’étude ainsi que sur la proposition de pistes, autant pour les recherches futures que pour l’intervention.

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Chapitre 1 — Problématique 1.1. L’objet d’étude

La maternité est régie par des normes sociales implicites et s’inscrit dans le cours de la vie. Ainsi, chaque événement se produisant dans le parcours de vie d’un individu (p. ex. : une grossesse) ainsi que les rôles sociaux et les activités qui lui sont associés sont partiellement déterminés par l’âge ou par une période spécifique de la vie (Heinz, 2003; Settersten, 2003). Par ailleurs, alors que certaines sphères de la vie de l’individu (éducation, travail) voient ces activités ou rôles être davantage déterminés par l’âge, comme l’entrée à l’école, ou encore par le genre, comme la grossesse, les formes et les trajectoires composant la sphère familiale sont plus difficilement déterminées par de tels critères (Heinz, 2003; Settersten, 2003). Ainsi, ce sont la complexité et la diversité familiale qui rendent l’expérience de l’arrivée d’un enfant plus imprévisible dans le temps en comparaison d’autres transitions de la vie (Settersten, 2003). Cette difficulté à prédire son actualisation dans le temps peut expliquer la multitude de définitions associées à la maternité précoce. En effet, celles-ci diffèrent selon les époques et les contextes dans lesquels elles s’inscrivent. Par exemple, pour les gouvernements des pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), les maternités précoces correspondent à la naissance d’un enfant chez une mère n’ayant pas atteint la majorité civile, c’est-à-dire une fille étant mère alors qu’elle est âgée de 13 à 19 ans (Daguerre et Nativel, 2004). Toutefois, la très grande majorité des études considèrent la maternité précoce comme étant la venue d’un enfant à l’adolescence (Charbonneau, 2003; McAnarney et Hendee, 1989) ou au début de l’âge adulte, soit jusqu’à 25 ans (Macmillan et Copher, 2005; Molgat et Ringuet, 2004). Cependant, peu importe l’âge, la maternité précoce dévie toujours la jeune mère de la trajectoire normative de la société dans laquelle elle évolue, car cela devient difficile de participer aux événements sociaux typiques de son âge (Lanzi, Bert, et Jacobs, 2009). De plus, le discours scientifique et les normes sociales vont, quant à eux, étayer une norme sociofamiliale bien précise, en proposant qu’il puisse y avoir un âge minimum requis pour la première grossesse, variant d’une société à une autre. Par exemple, au Québec, cet âge est de 25 ans, puisque la majorité des premières grossesses ont lieu dans la tranche d’âge des 25-34 ans (ISQ, 2016).

C’est dans ce contexte que la notion de maternité précoce voit s’opposer deux visions, soit : 1) la maternité précoce est un phénomène social et 2) elle est un problème de santé publique. Tout d’abord, ceux qui conceptualisent la maternité précoce comme étant un phénomène social croient qu’elle est

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provoquée par les forces sociales (environnement, normes, lois, etc.) et qu’elle est nuisible aux femmes et aux enfants concernés (Bonell, 2004). À l’opposé, ceux qui la conceptualisent comme un problème de santé publique pensent qu’elle est une des causes des inégalités sociales. Plus spécifiquement, ce phénomène est une préoccupation, principalement dans le domaine de la santé, puisque les conséquences répertoriées chez la mère et l’enfant (décrochage scolaire, précarité d’emploi, présence à l’aide sociale, faible poids à la naissance, mortalité infantile, etc.) engendrent des coûts sociaux et économiques (Lévesque, 2015; MSSS, 2008a; Daguerre et Nativel, 2004). Cette deuxième vision est prédominante dans le milieu scientifique, le milieu médical de même qu’auprès de la population.

Par ailleurs, dans les perceptions politiques et publiques, la maternité précoce demeure un problème d’ordre social en raison de ses conséquences et les coûts qu’elle engendre, malgré le déclin des taux de procréation chez les adolescentes (Daguerre et Nativel, 2004; Furstenberg, 2003). Par conséquent, plusieurs programmes nationaux intègrent la maternité précoce dans leurs préoccupations et leurs plans d’action. Au Québec, ce phénomène est d’ailleurs pris en compte dans le programme national de santé publique (MSSS, 2008b) et dans la Politique de périnatalité 2008-2018 du gouvernement (MSSS, 2008a). En ce sens, leurs plans d’action intègrent des éléments visant à diminuer l’occurrence de la grossesse chez les moins de 20 ans, notamment en promouvant une sexualité saine (MSSS, 2008a, 2008 b). Pour ce faire, ils proposent par exemple de réaliser la promotion de la contraception responsable auprès des adolescentes et des adolescents dans les écoles et dans les divers organismes œuvrant auprès des jeunes (MSSS, 2008a). De plus, la façon dont les pays intègrent ou non l’éducation sexuelle, les activités sexuelles, l’accès aux services de contraceptions et l’avortement dans leurs politiques publiques et leurs programmes de prévention expliqueraient la variabilité de taux de grossesse entre ceux-ci (McArney et Hendee, 1989). De cette manière, les pays ayant un modèle libéral, comme les États-Unis, instaurent des programmes de prévention axés sur l’abstinence et la chasteté sexuelle prénuptiale, et ce, bien que l’efficacité de ces programmes ne soit pas démontrée (Daguerre et Nativel, 2004, 2006; Furstenberg, Brooks-Gunn, et Chase-Lansdale, 1989; Furstenberg, 2003; Goyette et al., 2009). À l’opposé, pour les pays ayant un modèle social-démocrate, comme les pays scandinaves, la prévention passe par des programmes d’éducation sexuelle prônant de saines habitudes sexuelles. C’est d’ailleurs dans ces pays que les taux de grossesse sont les moins élevés dans le monde (Knudsen et Valle, 2006; Goyette et al., 2009; Furstenberg et al., 1989). Il est donc possible que le modèle social-démocrate soit mieux adapté pour répondre aux enjeux de la sexualité et de la maternité chez les adolescentes que le modèle libéral (Darroch,

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Frost et Singh, 2001). Au Québec, des programmes gouvernementaux s’articulant autour de la lutte à la dépendance économique et sociale des mères adolescentes ainsi que plusieurs moyens de prévention sont mis en place (Daguerre et Nativel, 2004). Par exemple, les infirmières du CLSC, du milieu scolaire et du milieu communautaire prescrivent des anovulants pour une période de trois mois et distribuent des condoms dans les écoles (Roy et Charest, 2001). De plus, les cours d’éducation sexuelle seront à nouveau implantés dans toutes les écoles à compter de l’automne 2019 (MEES, 2017). Ces cours, comme les programmes scandinaves, prôneront de saines habitudes sexuelles.

Étant un sujet d’importance pour les gouvernements et les sociétés, plusieurs études sur le sujet ont été effectuées depuis plusieurs années. De plus, les recherches étudient principalement les conséquences négatives (l’arrêt des études, l’utilisation des programmes d’aide sociale, la pauvreté, la monoparentalité), les prédicateurs ou encore les facteurs de risques de ce phénomène (Berrewaerts et Noirhomme-Renard, 2006; Charbonneau, 2001; Daguerre et Nativel, 2004; Macmillan et Copher, 2005; Oxford et al., 2005). D’ailleurs, l’abandon scolaire est l’aspect le plus étudié en lien avec ce phénomène, en plus d’être l’un des plus controversés au sein de la communauté scientifique. En effet, il n’existe pas de consensus clair sur le rôle précis que joue la grossesse dans cet abandon. De plus, celui-ci conduirait les jeunes mères à se distancer de la trajectoire « diplôme-travail qualifié » (Charbonneau, 2003; Luong, 2008). Cette trajectoire, qui représente la norme sociale actuelle, serait la seule qui assurerait l’autonomie personnelle de ces femmes à long terme (Charbonneau, 1999, 2003). En somme, les études scientifiques font majoritairement ressortir les conséquences négatives de la maternité précoce, alimentant l’image d’un phénomène problématique aux yeux des instances publiques (Daguerre et Nativel, 2004). Il n’existe d’ailleurs que très peu de travaux scientifiques documentant les effets positifs qui pourraient être engendrés par la maternité précoce. Cette orientation scientifique est probablement tributaire de la vision prédominante qui considère la maternité précoce comme un problème et oriente les études dans ce sens.

En outre, il est important de mentionner que la plupart des études traitant de la maternité précoce ont été effectuées aux États-Unis, pays où les grossesses à l’adolescence sont un phénomène considéré problématique. Comparativement aux autres pays développés, les États-Unis forment le pays occidental et industrialisé ayant les taux de grossesse, de naissance et d’avortement les plus élevés chez les adolescentes (Charbonneau, 2006; Daguerre et Nativel, 2004; Furstenberg, 2003; McArney et Hendee,

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1989). Par exemple, le taux de grossesse chez les adolescentes de ce pays correspond à 22 %, soit environ 99 adolescentes sur 1000, alors qu’au Canada ce sont environ 42,7 adolescentes sur 1000 qui tombent enceintes (Daguerre et Nativel, 2004). Le Canada a toutefois un taux sept fois plus élevé que la Suède, pays développé ayant le plus bas taux de natalité chez les adolescentes (Luong, 2008).

Dans un autre ordre d’idée, les études américaines effectuées avant les années 1990 comparaient les jeunes femmes en se basant uniquement sur l’âge lors de la grossesse (Barbieri, 2012). Ainsi, depuis 1990, les études américaines se sont attardées à démêler les relations entre la maternité précoce et les antécédents familiaux défavorisés (milieux socioéconomique faible, avoir une mère adolescente) (Luong, 2008). Ces recherches ont montré qu’il existe une association statistique entre la pauvreté et la maternité précoce (Barbieri, 2012). Du côté des études canadiennes, les tendances des taux d’incidence et d’avortement ont été privilégiées (Luong, 2008) et la majorité des études portent sur les résultats liés à la scolarité. Cependant, peu d’études canadiennes explorent les résultats socioéconomiques à long terme, tels que les conditions de vie et l’activité des jeunes mères sur le marché du travail (Luong, 2008).

1.2. Prévalence

Mondialement, près de 16 millions de filles de 15 à 19 ans deviennent mères d’un premier enfant chaque année, ce qui représente une femme sur cinq (OMS, 2012, 2014). En 1990, aux États-Unis, environ un million de femmes par année deviennent mères durant leur adolescence (Alan Guttmacher Institute, 1996). Plus récemment, c’est 7,5 % des Américaines âgées de 15 à 19 ans qui vivent une grossesse (Alan Guttmacher Institute 2006). En 2006, au Canada, les accouchements des femmes de 20 ans et moins correspondent à 4,1 % des naissances et celles des femmes de 20 à 24 ans s’établissent à 16,1 %. La proportion des naissances dont les mères sont dans les tranches d’âge de 25 à 29 ans et de 30 à 34 ans s’évalue respectivement à 30,8 % et 31,4 % (Bushnik et al., 2016). Au Québec, en 2015, le taux de naissance d’un premier enfant pour les femmes de 15 à 19 ans correspond à 5,9 sur 1000, tandis que l’âge moyen de la première grossesse est de 29,03 ans. Ce taux est de 25,1 pour les femmes de 20 à 25 ans, de 52,9 pour les femmes de 25 à 29 ans et de 40,3 pour les femmes de 30 à 34 ans (ISQ, 2016). Ces statistiques montrent que le phénomène de la maternité précoce est encore présent dans les pays industrialisés, dont le Canada.

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Il est également important d’ajouter qu’au Canada, le taux de grossesse est plus élevé dans les régions à caractère rural que dans celles à caractère urbain (Darroch et al., 2001), en plus d’être très variable d’une région à l’autre. Par exemple, celles de Montréal, de l’Outaouais et du Nord (Nunavik, Terres-Cries-de-la-Baie-James) sont les plus touchées par le phénomène de la maternité précoce (Al-Sahab, Heifetz, Tamim, Bohr, et Connolly, 2012; MSSS, 2007; Roy et Charest, 2002). L’ampleur du phénomène est particulièrement importante dans les régions nordiques, où vivent les peuples autochtones, parce qu’ils ont une vision différente de la maternité (Cooke, 2013; Daguerre et Nativel, 2004). En effet, chez les autochtones, la maternité à un jeune âge est plutôt valorisée, ce qui augmente les risques pour les femmes de vivre une grossesse durant leur adolescence (Cooke, 2013). Cette valorisation peut, en partie, expliquer pourquoi le taux de maternité adolescente est deux fois plus élevé chez les femmes d’ascendance autochtone (Luong, 2008). À l’opposé, les taux les plus bas sont observés dans les régions du Bas-Saint-Laurent et de la Chaudière-Appalaches (Roy et Charest, 2002). La région de la Capitale-Nationale a quant à elle un taux de grossesse à l’adolescence plus bas que la moyenne (Charbonneau, 2003). Il faut donc prendre en compte ces variations dans l’analyse et la compréhension de ce phénomène.

1.3. La recension des écrits

Cette section comporte quatre parties : la présentation de la documentation, les conséquences touchant la maternité précoce, les trajectoires de vie empruntées par les jeunes mères et la comparaison entre les jeunes mères contemporaines et celles des années 1970.

1.3.1 Présentation de la documentation

La démarche documentaire s’articule autour de l’analyse des écrits scientifiques et des parutions gouvernementales. Les bases de données anglophones et francophones consultées sont Ariane 2.0, CairnInfo, Érudit, Google Scholar, ProQuest Dissertations and These Database, PsychoInfo, Social Services Abstracts, Social Work Abstracts (Ovid) et Sociological Abstracts. Les mots-clés et concepts utilisés sont : « Adolescent mothers », « adolescent perceptions », « adolescent parenting », « Early motherhood », « early pregnancy », « Life course », « maternité précoce », « maternité adolescente »,

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« parcours de vie », « parentalité précoce », « teen birth », « Teenage pregnancy », « trajectoire de vie », et « Transition to adulthood ». Les références des articles pertinents étaient consultées pour obtenir de nouveaux articles sur le sujet.

La littérature sur le sujet de la maternité précoce est davantage développée aux États-Unis, ce qui explique que la plupart des textes consultés proviennent de ce pays. La démarche documentaire a également permis de constater qu’il existe des équipes de chercheurs incontournables sur ce sujet. Les études d’Oxford et ses collègues ainsi que celles de Furstenberg font partie de ces incontournables. Certaines études recensées commencent à être vieillissantes. Cependant, elles ont été conservées pour plusieurs raisons. Premièrement, les études de Furstenberg sont certes âgées, mais ce chercheur est un pilier dans le domaine de la maternité précoce et sur les répercussions de la grossesse à l’adolescence. Ses ouvrages sont d’ailleurs cités dans la quasi-totalité des articles et livres traitant de ce sujet. Deuxièmement, les résultats des études plus vieilles ont été corroborés par ceux des études plus récentes, ce qui justifie la pertinence de s’y référer, lorsque nécessaire.

1.3.2 La maternité précoce et ses conséquences

Diverses sources d’influences touchent les jeunes mères et jouent un rôle dans les événements et les modifications apportées par le phénomène de la maternité précoce. Ces sources sont : les facteurs d’ordre psychologique et biologique, le contexte social, le réseau de soutien ainsi que les compétences académiques (Daguerre et Nativel, 2004; Furstenberg, 2003; Moreau, 2013). Les prochains paragraphes détaillent les facteurs de risques et de protection ainsi que les conséquences possibles de ce phénomène sur le plan personnel, social, scolaire, professionnel, économique, familial et de la santé. Les conséquences qui touchent les enfants sont également abordées, et ce, en tenant compte des sources d’influences nommées précédemment.

Facteurs de risque et de protection et conséquences sur le plan personnel

Des facteurs de risque prédisposeraient les adolescentes à vivre une grossesse précoce. La principale combinaison de facteurs serait de vivre dans une famille dysfonctionnelle (p. ex. : disputes fréquentes), de

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provenir d’un milieu socioéconomiquement faible, d’avoir une faible motivation scolaire, une faible estime personnelle, ainsi que des carences affectives (sentiment d’abandon, manque d’attachement) (Charbonneau, 1999, 2003; Connolly, Heifetz et Bohr, 2012). Généralement, la grossesse survient parce que les jeunes filles n’utilisent pas de contraception, ont une mauvaise utilisation des moyens de contraception ou ont un manque de connaissances quant aux circonstances pouvant diminuer l’efficacité des contraceptifs oraux (Larue et al., 2008; MELS, 2010; MFACF, 2006; Otis, 1996). De plus, des comportements à haut risque, tels que la consommation de drogues, d’alcool ou de tabac, la présence de rapports sexuels précoces ainsi qu’un fort taux d’absentéisme scolaire, sont également observés chez les jeunes filles qui ont une grossesse précoce (Charbonneau, 2001; Chen et al., 2007; Otis, 1996).

Habituellement, la grossesse à l’adolescence est considérée comme une situation malencontreuse qui résulte des conditions défavorables dans lesquelles vit la jeune femme. Cependant, cette grossesse est parfois une façon pour la mère de sortir de situations difficiles (abus, violence, toxicomanie, décrochage scolaire), et cela est particulièrement vrai dans les milieux socioéconomiques défavorisés (Berrewaerts et Noirhomme-Renard, 2006; Desjardins et Paquette, 2008). L’acquisition du statut de mère devient donc pour certaines adolescentes vivant dans un climat d’échec scolaire et de dévalorisation de soi une manière d’obtenir un statut socialement reconnu (Berrewaerts et Noirhomme-Renard, 2006; Charbonneau, 1999; Le Van, 2006). La maternité leur offre ainsi une reconnaissance sociale, en plus d’une identité valorisée (McDermott et Graham, 2005).

La maternité précoce peut également avoir des conséquences positives et bénéfiques dans la vie des jeunes mères, car pour certaines d’entre elles, la maternité a été un point tournant dans leur vie (Berrewaerts et Noirhomme-Renard, 2006; Herrman, 2008; Laramée, 2013; Leadbeater et Way, 2001; Lévesque, 2015). En effet, plusieurs résultats d’études ont montré que le fait de devenir mère est une motivation pour avoir une meilleure qualité de vie, puisque la maternité leur apporte un sens, un objectif de vie et comble un vide affectif (Best start ressource center, 2007; Leadbeater et Way, 2001; Le Van, 2006; Lévesque, 2015; MSSS, 2008a). Certaines jeunes filles arrêtent de sortir dans les bars et de faire le « party », cessent de consommer, modifient leurs habitudes et leur rythme de vie pour se concentrer sur leur enfant (Gregson, 2009; Herrman, 2006; Laramée, 2013). Elles perçoivent désormais l’importance d’avoir des projets de vie, comme l’obtention d’un meilleur emploi, ainsi que la nécessité de corriger une

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situation qui est incompatible avec la venue de l’enfant (Laramée, 2013; Leadbeater et Way, 2001; Lévesque, 2015). Dans les faits, il semblerait que la maternité augmenterait les aspirations scolaires et professionnelles des jeunes mères. En effet, les femmes ont un intérêt renouvelé pour l’école et s’investissent davantage dans leurs études ou dans leur emploi. Elles peuvent retourner à l’école pour avoir un meilleur emploi, pour soutenir leur enfant et être un modèle positif pour celui-ci (Gregson, 2009; Herrman, 2008). La maternité incite les jeunes mères à terminer leurs études secondaires dans le but d’offrir une meilleure qualité de vie à leur enfant (Gregson, 2009).

De plus, certains traits de personnalités semblent permettre l’atteinte de résultats positifs chez cette population. À cet effet, les femmes qui ont une attitude positive, qui croient en leurs possibilités, qui ont des objectifs précis, qui ont une bonne estime de soi, qui n’ont pas de signes de dépression ou d’anxiété et qui veulent montrer aux autres qu’elles peuvent réussir s’en sortiraient mieux que celles qui n’ont pas ces traits de personnalité (Leadbeater et Way, 2001; McDermott et Graham, 2005; Weed, Keogh, et Borkowski, 2000). Par ailleurs, il ressort également des écrits que les jeunes mères auraient une meilleure capacité décisionnelle, des habiletés de gestion financière et organisationnelle ainsi qu’un sens des responsabilités supérieur aux jeunes femmes qui n’ont pas d’enfant (Herrman, 2006, 2008). En bref, il est possible de dire que la maternité précoce apporte des changements sur le plan personnel de ces femmes et que le fait de devenir parent donne souvent un nouveau sens à leur vie et augmente leurs aspirations scolaires et professionnelles.

Facteurs de risques et de protection et conséquences sur le plan social et relationnel

Selon les écrits scientifiques, un aspect qui semble déterminant dans le parcours des jeunes mères est la présence d’un réseau de soutien. Il est important de mentionner que le réseau social d’une personne est en perpétuel changement (Charbonneau, 2003). Dans un contexte de maternité adolescente, les changements semblent toutefois déterminants. Ainsi, la dynamique relationnelle redéfinira en profondeur les relations de dépendance, d’indépendance et d’interdépendance relationnelle (Charbonneau, 2003). Le fait d’avoir du soutien de la part des amis et de leur famille, plus particulièrement de leur mère, augmenterait les chances d’avoir du succès et d’obtenir des résultats positifs, car le support offert diminuerait le stress lié au fait d’être une mère adolescente (Charbonneau, 1999, 2001; Herrman, 2006; Larue et al., 2008; Leadbeater et Way, 2001; McDermott et Graham, 2005; Weed, Keogh et Borkowski, 2000). Le soutien

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offert peut être de différentes natures; il peut se traduire par un soutien financier ou matériel (ex. : meubles, jouets), par des dons de nourriture ou encore par du gardiennage (McDermott et Graham, 2005). Un autre facteur déterminant du réseau de soutien serait l’importance que ce dernier porte à l’éducation et aux emplois qualifiés, encourageant ou pas la mère à poursuivre ses études (Bernier, 1997; Leadbeater et Way, 2001). De plus, la poursuite scolaire après l’accouchement dépendrait énormément du soutien que la mère reçoit de la part de sa famille et de son conjoint, le cas échéant. En effet, plus la jeune femme reçoit d’aide de sa famille ou de son conjoint dans le gardiennage ou les tâches ménagères, plus elle pourra s’investir dans ses études, ce qui favorisera sa réussite scolaire (Larue et al., 2008; MELS, 2010). Le conjoint peut toutefois être une source de difficulté pour la jeune mère si celui-ci ne s’implique pas auprès de l’enfant ou qu’il contribue très peu aux obligations financières (Larue et al., 2008).

Durant la grossesse et suite à la naissance de leur enfant, les jeunes mères vivent parfois de l’isolement social, car leur réseau se transforme. En effet, en quittant l’école ou le marché de l’emploi, elles perdent en partie leurs réseaux de pairs (Charbonneau, 1999; Daguerre et Nativel, 2004; Herrman, 2006, 2008). Par contre, la grossesse et la maternité permettent aussi d’effectuer des changements volontaires dans le choix de leurs amis. Ainsi, certaines jeunes femmes vont délaisser les amis qu’elles considèrent comme ayant une mauvaise influence pour leur enfant et vont privilégier les amitiés liées à la parentalité (Herrman, 2006, 2008). En outre, les relations avec la famille vont être modifiées par la nouvelle situation de la jeune femme. Pour certaines, la grossesse et la venue de l’enfant vont augmenter le stress et les tensions déjà présentes dans la famille alors que pour d’autres la venue de l’enfant permet de resserrer les liens familiaux (Herrman, 2006, 2008).

Facteurs de risques et de protection et conséquences sur le plan scolaire et professionnel

L’éducation est la sphère la plus touchée par la maternité précoce, les jeunes mères et les mères adolescentes ayant davantage tendance à abandonner l’école et à acquérir un moins haut niveau d’études que les autres (Bissell, 2000; Charbonneau, 2001; Corcoran, 1998; Lewin, Mitchell et Ronzio, 2013; Macmillan et Copher, 2005). Certains résultats d’études dévoilent que, de manière générale, les individus qui sont parents ont un taux de non-obtention du diplôme d’études secondaires presque cinq fois plus élevé que les non-parents (Moreau, 2013). D’un autre côté, ces statistiques démontrent également que l’obtention de ce diplôme est une avenue possible pour les parents et surtout pour les femmes. Effectivement, les

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mères (57,7 %) accèdent en plus grand nombre à des études postsecondaires que les pères (40 %) (Moreau, 2013; Weed, Keogh et Borkowski, 2000). Également, deux fois plus de mères obtiennent leur diplôme d’études secondaires que les pères (Moreau, 2013). Toutefois, la terminaison des études serait plus facile lorsque la mère est au Cégep ou à l’éducation des adultes que lorsqu’elle est au secondaire régulier. Cela s’expliquerait par le fait qu’au Cégep ou à l’éducation aux adultes, il est possible d’être inscrit à temps partiel ou de compléter les cours par correspondance (Larue et al., 2008).

Il faut cependant noter que la grossesse ne serait pas forcément la cause de l’interruption du cheminement scolaire. En fait, les études qui ont observé la corrélation de cause à effet entre ces deux composantes ont montré que la relation entre celles-ci ne serait pas si linéaire et que le décrochage scolaire de cette population serait plutôt dû à une combinaison de facteurs de risques. Une des premières études à avoir étudié cette linéarité est celle de Stevenson et ses collègues (1998). Il s’agit d’une étude à devis mixte effectuée auprès de 119 adolescentes âgées de 13 à 18 ans qui examinait l’importance de l’école et de l’arrêt scolaire chez les adolescentes enceintes de leur premier enfant (Stevenson et al., 1998). Les participantes ont été recrutées par le biais de deux cliniques prénatales de Baltimore. La recherche consistait en une passation de questionnaires mesurant la dépression, l’estime de soi, les caractéristiques démographiques et l’importance accordée à la scolarisation (Stevenson et al., 1998). À la suite de cette étape, un entretien de 45 minutes s’intéressait spécifiquement à la grossesse. L’une des questions visait à vérifier si l’abandon scolaire était le résultat de la grossesse. Au total, 30 % avaient abandonné l’école et, de ce nombre, seulement 16,4 % l’avaient fait à cause de leur grossesse (Stevenson et al., 1998). D’autres études ont obtenu des résultats similaires. Par exemple, six ans après la naissance de leur enfant, 52 % des 15 jeunes mères de l’échantillon de Leadbeater et Way (2001) ont gradué de l’école secondaire, 14 % ont même atteint le collège (Leadbeater et Way, 2001). De plus, 83 % des femmes de l’échantillon (N=232) d’Oxford, Lee et Lohr (2010) avaient obtenu leur diplôme d’études secondaires 16 ans après la naissance. Ainsi, la majorité des adolescentes qui ont eu un bébé pendant leurs études ont obtenu leur diplôme selon les mêmes pourcentages que celles n’en ayant pas eu et n’ayant pas abandonné en cours de route (Hotz, McElroy et Sanders, 2008; Upchurch et McCarthy, 1990). Les résultats montrent que les jeunes femmes enceintes n’abandonnent généralement pas l’école à cause de la maternité et que celles qui l’ont fait étaient en position d’échec scolaire avant la grossesse (Hobcraft et Kiernan, 2001; Upchurch et McCarthy, 1990). Ainsi, parmi les femmes à risque de décrochage scolaire, le fait de devenir mère n’augmente pas significativement leurs risques d’abandon (Upchurch et McCarthy, 1990). Il est important de mentionner

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que les études recensées n’ont pas observé s’il y a allongement des études chez ces jeunes mères. Les études sur l’éducation recensées se sont uniquement intéressées à l’aspect de la diplomation et non à la durée des études. Ce constat peut s’expliquer par le fait que les chercheurs s’intéressent davantage au décrochage scolaire chez cette population qu’à l’allongement des études en soi.

De plus, les nouvelles mamans auraient tendance à avoir des aspirations renouvelées et plus grandes envers leur avenir qu’avant la naissance, et ce, même chez celles qui avaient des difficultés scolaires. Ces dernières gardent toutefois des aspirations réalistes qui correspondent à leur niveau de difficultés scolaires, ce qui fait que leurs ambitions varient de l’obtention d’un diplôme professionnelle au secondaire ou technique au collégial à un diplôme universitaire (Larue et al., 2008). Il semble donc que le simple fait d’être mère à un jeune âge n’influence pas inévitablement le degré de scolarité atteint. Il serait davantage influencé par le type de trajectoires scolaires empruntées par ces dernières ainsi que par leurs habiletés académiques (Furstenberg, Brooks-Gunn et Chase-Lansdale, 1989; Moreau, 2013) et éventuellement des facteurs d’autres natures.

Outre les trajectoires scolaires des femmes, certains facteurs contextuels et certaines caractéristiques personnelles préexistantes ont un effet significatif sur le risque de décrochage scolaire (Furstenberg, Brooks-Gunn et Chase-Lansdale, 1989; Upchurch et McCarthy, 1990). Par exemple : les femmes ayant grandi dans un foyer où étaient présents au moins deux types de matériels de lecture (journaux, livres de bibliothèques, etc.), celles provenant d’une famille intacte ou celles dont les parents cumulent 12 ans ou plus d’études sont moins susceptibles d’abandonner leurs études secondaires que les femmes n’ayant pas ces facteurs contextuels (Hotz, McElroy et Sanders, 2008; Luong, 2008; Upchurch et McCarthy, 1990). De plus, celles qui sont dans des trajectoires parentales moins stables, soit des jeunes mères qui passent d’une situation familiale cohabitante à une situation de monoparentalité, réduisent leurs chances d’obtenir leur diplôme d’études secondaires (Moreau, 2013; Upchurch et McCarthy, 1990; Weed, Keogh et Borkowski, 2000). Ensuite, celles qui vivent personnellement une situation d’instabilité conjugale sont davantage à risque de ne pas graduer du secondaire que celles vivant une situation stable de monoparentalité (Moreau, 2013). Finalement, les difficultés à concilier les responsabilités maternelles (soins des enfants), le temps d’absence lié à la grossesse et les exigences de la vie scolaire augmentent les probabilités que les jeunes femmes abandonnent l’école avant l’obtention d’une formation qualifiante

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(Hotz, McElroy et Sanders, 2008; Larue et al., 2008). C’est pour ces motifs que généralement, les mères adolescentes sont moins susceptibles de terminer leurs études secondaires et postsecondaires que les mères adultes.

Pour conclure sur cet aspect, il ne faut pas oublier que le projet de la maternité survient indépendamment du projet de vie scolaire (Charbonneau, 1999) et que dans une perspective du cours de la vie, le rôle de l’étudiant est vu comme étant dynamique, réversible et renouvelable. Selon cette perspective, l’âge de l’individu, son genre ainsi que ses rôles professionnels et familiaux sont susceptibles d’influencer la dynamique de ses trajectoires éducationnelles, ce qui peut expliquer que le projet scolaire initial se modifie compte tenu des nouvelles responsabilités de la nouvelle maman (Larue et al., 2008; Pallas, 2003).

Les conséquences sur le plan professionnel découleraient directement du niveau d’études complété. En effet, ces femmes ont souvent un niveau d’éducation moins élevé, les emplois qu’elles occupent nécessitent souvent moins de qualifications ou sont des emplois à temps partiel (Corcoran, 1998; Daguerre et Nativel, 2004; Hobcraft et Kiernan, 2001; McDermott et Graham, 2005; Macmillan et Copher, 2005). En plus d’avoir des emplois sous-qualifiés, les jeunes mères, sans diplôme, ont plus de risques de connaitre de longues périodes de chômage, car l’éducation a les effets les plus significatifs sur la proportion de semaines de travail effectuées par année (Bissell, 2000; Luong, 2008; Moore et al., 1993). Il est à noter qu’il existe une corrélation entre le niveau d’éducation, l’emploi occupé et le revenu. Ce lien est d’autant plus fort dans les sociétés occidentales qui valorisent l’augmentation des qualifications requises pour les emplois, encourageant ainsi les personnes à faire de plus longues études (Daguerre et Nativel, 2006; Moreau, 2013). En ce sens, plus une personne possède un niveau d’éducation élevé, plus elle fait d’apprentissages qui augmenteront ses chances d’occuper un emploi (Pallas, 2003). Ainsi, en réduisant les chances de diplomation de certaines jeunes mères, la maternité précoce peut limiter les opportunités d’emploi et de carrière de ces jeunes femmes (Hobcraft et Kiernan, 2001; McDermott et Graham, 2005).

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Facteurs de risques et de protection et conséquences sur le plan économique

En ce qui a trait aux conséquences sur le plan économique de la maternité précoce, deux visions semblent s’opposer dans les écrits scientifiques. La première vision convient que les conséquences économiques de la maternité précoce découlent directement des contrecoups de la grossesse. Pour les tenants de cette vision, les femmes ayant un enfant précocement connaissent des niveaux de pauvreté plus élevés (Bissell, 2000), car elles ont tendance à occuper des emplois non qualifiés et moins bien rémunérés (Corcoran, 1998; Daguerre et Nativel, 2004; Macmillan et Copher, 2005; McDermott et Graham, 2005; Moore et al., 1993; Moreau, 2013). D’ailleurs, au Canada, les femmes ayant un enfant durant l’adolescence ont un salaire 6 % moins élevé que celles qui retardent leur maternité (Drolet, 2002). En plus d’avoir des emplois moins payants, ces femmes se retrouvent souvent en situation de monoparentalité, ce qui a bien évidemment un impact sur le revenu familial. Par contre, la condition économique des jeunes mères a tendance à s’améliorer au fil des années, principalement lorsque l’enfant atteint l’âge scolaire (Furstenberg, Brooks-Gunn et Morgan, 1987).

Un autre contrecoup de la maternité précoce ayant un impact sur le plan économique est la plus grande utilisation ou la plus grande dépendance à l’aide sociale de cette population (Bissell, 2000; Corcoran, 1998; Charbonneau, 2001; Daguerre et Nativel, 2004; Oxford et al., 2005). Dans les faits, la durée moyenne des jeunes mères sur l’aide sociale est de deux ans et près des 2/3 d’entre elles la quittent lorsqu’elles trouvent un emploi ou que l’enfant commence l’école (Harris, 1991; Furstenberg, 2003; Furstenberg, Brooks-Gunn, et Chase-Lansdale, 1989). Pour une portion de ces femmes, les prestations d’aide sociale sont combinées avec un travail. Dans leur cas, elles attendent principalement d’avoir un emploi qui offre un plus grand nombre d’heures ou d’obtenir une augmentation de salaire avant de quitter l’aide sociale (Harris, 1991). Toutefois, différents facteurs influenceraient la durée d’utilisation des services d’aide sociale par ces femmes. Bénéficier plus longuement de l’aide sociale est un phénomène observé chez celles qui sont le plus éloignées du marché de l’emploi, ont un moins haut niveau de scolarité, ont moins de 15 ans lors de la première grossesse, ont plusieurs enfants ou encore, moins de ressources personnelles (p. ex : moins de maturité, moins de compétences intellectuelles) (Harris, 1991). En résumé, cette première vision stipule que la grossesse est la cause des conditions de pauvreté de ces femmes, car les contrecoups de celles-ci (faible scolarité, emplois non qualifiés, moins bonne rémunération, présence prolongée sur l’aide sociale, monoparentalité) font en sorte que la femme a souvent un revenu familial sous le seuil de la pauvreté.

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À l’encontre de ce qui vient d’être dit, les tenants de la deuxième vision croient que le lien entre la maternité précoce et les faibles résultats socioéconomiques n’est peut-être pas une relation de cause à effet. Bien que chez les tenants de cette vision les explications soient différentes, tous s’entendent pour dire que ce serait davantage des facteurs préexistants de pauvreté qui mènerait à la maternité précoce que le contraire. Ainsi, la probabilité d’être une mère adolescente et celle d’être désavantagée plus tard serait attribuable, au départ, aux antécédents familiaux défavorisés (Luong, 2008). C’est pourquoi les femmes issues de milieux défavorisés ont à la fois plus de risques d’être désavantagées plus tard, et ce, même si elles retardent leur maternité (Luong, 2008). Il semblerait également que plus la femme a un statut socioéconomique faible, plus elle a de risque de vivre une maternité précoce (Al-Sahab, Heifetz, Tamim, Bohr et Connolly, 2012, SmithBattle, 2005). Dans un même ordre d’idée, Hobcraft et Kiernan (2001) ont observé que les résultats à l’âge adulte (avoir une naissance extra-conjugale, avoir vécu une expérience de monoparentalité et vivre dans un logement social à l’âge de 33 ans) seraient coassociées à la pauvreté infantile et à la maternité précoce (moins de 23 ans).

Dans la même lignée, certains chercheurs de cette deuxième vision croient que ce serait plutôt la pauvreté qui incite les femmes à avoir un enfant précocement. Deux facteurs expliquent cette supposition : le désavantage hérité et la culture du découragement (Luker, 1996). En ce qui concerne ce premier facteur, il semble que les jeunes femmes issues de familles monoparentales ou pauvres, rurales ou appartenant à une minorité défavorisée, soient plus susceptibles d’être des mères adolescentes que leurs homologues de milieux plus privilégiés (Luker, 1991). En ce qui a trait au second facteur, les grossesses précoces se produiraient chez les femmes qui perçoivent négativement leur futur ou qui ont des difficultés scolaires et un manque d’aspiration pour elles-mêmes (Luker, 1991). Ainsi, le fait qu’un pourcentage élevé de mères adolescentes provient de milieux socioéconomiques défavorisés signifie qu’elles souffrent de nombreuses conséquences négatives de la maternité précoce en raison de leur statut familial et de leur situation de vie préexistante avant la grossesse (Bissell, 2000).

Cette deuxième vision des conséquences économiques remet donc en question les liens de cause à effet existants entre la maternité précoce et la pauvreté. Selon Luker (1991, 1996), ce serait davantage l’absence d’options intéressantes qui mènerait les adolescentes vers la maternité précoce, brisant ainsi la

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représentation typique selon laquelle la femme quitte l’école à cause de la grossesse, puis se retrouve en situation de pauvreté.

Facteurs de risques et de protection et conséquences sur le plan familial

Sur le plan familial, les mères adolescentes ont tendance à avoir des familles plus nombreuses que celles ayant leur premier enfant à un âge plus avancé. Ce constat découle des facteurs psychosociaux, des caractéristiques personnelles et/ou de l’utilisation inefficace de la contraception, qui sont des risques qui perdureraient suite à la première grossesse (Hotz, McElroy, et Sanders, 2008; Furstenberg, 2003; McAnarney et Hendee, 1989). Ce constat découle également du fait que les jeunes mères ont commencé à fonder une famille à un plus jeune âge, ce qui ferait qu’elles auraient plus de temps pour avoir d’autres enfants par la suite (Luong, 2008). Elles vivent également plus d’instabilité conjugale que les femmes ayant eu un enfant plus tard (Charbonneau, 2001; Macmillan et Copher, 2005; Oxford et al., 2005), la plupart des mères adolescentes traversant au moins un divorce ou une séparation au cours de leur vie (Luong, 2008; Macmillan et Copher, 2005; Oxford et al., 2005). D’ailleurs, ces femmes sont plus susceptibles de vivre des périodes de monoparentalité dans une proportion huit fois supérieure (Hobcraft et Kiernan, 2001).

Facteurs de risques et de protection et conséquences sur le plan de la santé

La maternité précoce est généralement associée à une moins bonne santé physique et mentale. Les jeunes mères et leurs enfants sont donc plus à risque de développer des problèmes de santé, tant physique que mentale, qui perdurent dans le temps (Bonell, 2004; Furstenberg, 2003; MFACF, 2006; Patel et Sen, 2012). Tout d’abord, les adolescentes ont plus de complications durant leur grossesse que les femmes adultes (Berrewaerts et Noirhomme-Renard, 2006). De plus, il semble que la grossesse puisse entrainer une dépression puisque la prévalence de dépression est élevée chez cette population (Hobcraft et Kiernan, 2001; Noirhomme-Renard, Aujoulat, et Gosset, 2013; Santé Canada, 2000). Dans les faits, les adolescentes qui sont mère pour la première fois seraient plus dépressives que les mères plus âgées dans la même situation, et ce, autant durant la période prénatale que six mois après la naissance (Lanzi, Bert et Jacobs 2009; Noirhomme-Renard, et al., 2013). Les facteurs qui seraient associés à la dépression chez les mères adolescentes sont : la présence d’un réseau de soutien faible ou inadéquat, la présence d’un niveau d’éducation moindre ou de faible revenu ainsi que des facteurs tels que le manque de confiance en

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soi, une faible estime personnelle ou encore vivre beaucoup de stress (Noirhomme-Renard, et al., 2013). Les mères adolescentes ont également deux fois plus de risque d’avoir des problèmes d’anxiété que celles ayant eu un enfant à un âge plus avancé (Hobcraft et Kiernan, 2001).

Les répercussions négatives de la grossesse précoce concernent également la santé de leurs nourrissons (OMS, 2012). En effet, les enfants des mères adolescentes sont plus susceptibles d’avoir un faible poids à la naissance, d’être prématurés et même d’être de grands prématurés. Ils présentent plus souvent une anomalie physique ou meurent au cours de leur première année de vie ou sont atteints d’une maladie grave ou chronique durant la période de l’enfance (Chen et al., 2007; Hillis et al., 2004; Klein, 2005; Manlove, Terry-Humen, Mincieli et Moore, 2008; OMS, 2012; Santé Canada, 2000; Wolfe et McHugh Rivers, 2008). Comme pour les mères, les enfants ont de plus hauts niveaux de problèmes psychiatriques (Lipman, Georgiades et Boyle, 2001). De plus, le faible poids à la naissance et le fait d’être né prématurément amènent plus tard dans l’enfance des problèmes de santé tels que des problèmes respiratoires chroniques, un retard mental ainsi que de la dyslexie (Coley et Chase-Lansdale, 1998; Hellerstedt, 2002; McIntyre et OMS, 2007). Cependant, les études recensées n’ont pas été en mesure de contrôler les variables confondantes, telles qu’un faible statut socioéconomique, la monoparentalité et les mauvais soins prénataux, elles ne sont donc pas en mesure de valider s’il existe un lien direct entre les problèmes de santé et la maternité précoce.

Facteurs de risques et de protection et conséquences sur les enfants

En plus des problèmes physiques et psychologiques qui découlent de leur condition, les enfants de jeunes mères sont touchés par de nombreuses conséquences. En effet, ces enfants ont plus de risque de vivre à leur tour une grossesse ou une paternité précoce, d’arrêter leurs études, d’avoir des difficultés scolaires ou d’adopter des comportements délinquants, tels que la consommation de drogues, la fugue et la bagarre (Brooks-Gunn et Furstenberg, 1986; Fergusson et Woodward, 1999; Haveman, Wolfe et Peterson, 2008; Hillis et al., 2001; Jafee, Caspi, Moffitt, Belsky et Silva, 2001; Levine, Pollack, et Comfort, 2001; Miller, 2000; MSSS, 2008a). Par ailleurs, ces enfants, lors de leur entrée à la maternelle, ont des niveaux cognitifs ainsi que des scores de compétences inférieurs aux enfants des mères plus âgées, et ce, même après avoir contrôlé les caractéristiques environnementales de l’enfant (ethnie, genre, âge, etc.) et

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de la mère (niveau de scolarité, statut matrimonial) (Manlove et al., 2008; Mollborn et Dennis, 2012). Toutefois, malgré les risques d’abandon scolaire plus élevé chez cette population, le fait d’être une fille ou d’être le premier enfant viendrait augmenter les chances que les études soient terminées (Haveman et al., 2008; Hoffman et Scher, 2008; Jafee et al., 2001). Les garçons sont plus susceptibles que les filles de vivre les conséquences négatives de la maternité précoce de leur mère, puisqu’ils ont plus de risque de souffrir d’hyperactivité, d’être expulsés de l’école et d’adopter des comportements délinquants (Brooks-Gunn et Furstenberg, 1986; Manlove, et al., 2008).

De plus, l’avenir de ces enfants est davantage touché par des carences affectives, financières et sanitaires, vivant généralement dans des quartiers plus pauvres que les autres enfants (Daguerre et Nativel, 2004; Furstenberg, Brooks-Gunn, et Chase-Lansdale, 1989). Une moins grande stimulation des enfants sur le plan du vocabulaire et les connaissances moins approfondies des jeunes mères sur le développement et l’éducation des enfants, par rapport aux mères plus âgées, peut être la source de certains retards (Corcocan, 1998; Daguerre et Nativel, 2004; Furstenberg, Brooks-Gunn et Chase-Lansdale, 1989; Lewin, Mitchell, et Ronzio, 2013; Miller, 2000). Il a également été constaté que les enfants de jeunes mères sont plus souvent victimes d’abus, de négligence et qu’ils sont plus fréquemment pris en charge par les services de la protection de la jeunesse (Daguerre et Nativel, 2004; Hillis et al., 2004; Jafee,

et al., 2001, Miller, 2000; MSSS, 2008a). Les risques d’abus et de négligence plus élevés chez ces mères

peuvent s’expliquer par le manque de compétences parentales et par la dépression dont souffrent certaines femmes et qui les rend émotionnellement et psychologiquement moins aptes à répondre aux besoins affectifs, alimentaires et de soins de leurs enfants (Jafee, et al., 2001; Lipman, Georgiades, et Boyle, 2011; Noirhomme-Renard, et al., 2013). Les conséquences touchant ces enfants peuvent également s’expliquer par la présence de problèmes préexistants chez la mère (provenir d’une famille pauvre) qui réduit les chances de celle-ci de terminer ses études (López Turley, 2003). Par ailleurs, la présence paternelle diminuerait ou atténuerait certaines conséquences qui touchent les enfants, puisque celle-ci agirait comme un facteur de protection. En effet, la présence du père dans l’entourage de l’enfant diminuerait les risques que celui-ci soit victime d’abus ou de négligence de la part de la mère (Desjardins et Paquette, 2008). De plus, l’engagement paternel aurait des effets positifs sur le développement de l’enfant. Ainsi, les enfants ayant un père présent dans leur entourage ont plus de chance d’avoir une meilleure adaptation scolaire et de réussir sur le plan scolaire et économique que ceux n’ayant pas cette présence paternelle (Harris, Furstenberg et Marmer, 1998).

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Malgré toutes les conséquences qui ont été énoncées, il est important de spécifier que la maternité précoce ne serait pas forcément une cause permanente de pauvreté à long terme et que les conséquences qui lui sont associées seraient souvent indirectes (Corcoran, 1998; Hobcraft et Kiernan, 2001; Oxford et al., 2005). À cet effet, les variables de l’économie, de l’éducation, du nombre d’enfants ainsi que les structures familiales contribuent davantage aux conséquences que la grossesse en elle-même (Charbonneau, 2003; Moore et al., 1993). Dans un même ordre d’idée, la cause des conséquences négatives touchant les mères et leurs enfants serait davantage le résultat du manque de soutien ainsi que du milieu social et économique défavorisé duquel proviennent ces femmes que l’âge de celle-ci lors de la grossesse (Berrewaerts et Noirhomme-Renard, 2006; Hoffman et Maynard, 2008; López Turley, 2003; Manlove, et al., 2008).

1.3.3 Les trajectoires de vie empruntées par les jeunes mères : diversité et ressemblance Comme mentionné précédemment, les conséquences de la maternité précoce sont nombreuses et souvent négatives, autant pour la mère que pour son enfant. Pourtant, certaines femmes vivant une maternité précoce vont bien. L’identification des différentes trajectoires de vie pouvant être empruntées par ces jeunes femmes représente des tentatives intéressantes pour expliquer ces différences. En effet, en distinguant les trajectoires empruntées par les jeunes mères en fonction des caractéristiques socioéconomiques, du contexte social et des caractéristiques des mères, il est possible de constater que divers chemins sont possibles pour ces femmes. La présente section se divise en trois, soit : 1) les trajectoires globalement empruntées par les jeunes mères selon les résultats rapportés par différents chercheurs, 2) les trajectoires qui touchent à l’éducation et 3) les trajectoires de résilience.

Hamburg (1986)

Hamburg (1986), dans le cadre de son étude, a catégorisé les participantes et leurs résultats selon ce que cette chercheuse appelait des sous-ensembles d’adolescentes qui deviennent mères. Pour Hamburg, il existe trois types de trajectoires qui peuvent être empruntées par ces jeunes femmes, soit : « projeté par des problèmes », « vulnérable psychologiquement » et « normal » (Hamburg, 1986). Le type « projeté par des problèmes » réfère à des adolescentes qui sont engagées dans une variété de comportements à haut

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risque, tels que la consommation de substance et le décrochage scolaire (Hamburg, 1986; Oxford et al., 2005). Le type « vulnérable psychologiquement » concerne les mères qui souffrent de dépression et pour qui la maternité peut avoir été un mécanisme « compensatoire » pour répondre à leurs besoins émotionnels (Hamburg, 1986; Oxford et al., 2005). Le dernier type, « normal », correspond aux femmes pour qui la grossesse est un parcours de vie alternatif qui ne découle pas d’un problème de comportement ou d’une pathologie. Les femmes de ce type démontrent une bonne capacité d’adaptation et ont de faibles niveaux de comportements à haut risque (Oxford et al., 2005).

Oxford et ses collaborateurs (2005) et (2006)

Suite à la publication des résultats de l’étude d’Hamburg (1986), certains chercheurs se sont basés sur sa classification des trajectoires dans leurs propres études. C’est le cas pour les études d’Oxford et al. (2005) et celle d’Oxford, Gilchrist, Gilmore et Lohr (2006). En plus de se baser sur sa classification, ces auteurs se sont également appuyés sur la littérature pour catégoriser les transitions des mères adolescentes vers l’âge adulte. Dans leur étude longitudinale, Oxford et al. (2005) désiraient vérifier l’existence de différentes voies prises par les mères adolescentes durant la transition vers l’âge adulte ainsi qu’établir la relation entre ces voies et certaines difficultés à l’âge adulte. Les résultats ont été obtenus à partir d’un échantillon de 227 femmes ayant été enceintes à 17 ans et moins. Deux mesures ont été effectuées : l’une correspondait à la période de transition et l’autre aux résultats à l’âge adulte. Les données ont été collectées sur une période de six mois après la naissance à six ans après celle-ci (Oxford et al., 2005). Seule la dépendance à l’assistance publique différait entre les trois groupes « projeté par des problèmes », le groupe « vulnérable psychologiquement » et le groupe « normal ». Par contre, des différences majeures entre les groupes « projeté par des problèmes » et « normal » sont identifiées. Elles concernent l’indépendance financière, la réalisation d’études postsecondaires, l’occupation d’emploi et la stabilité du logement, qui sont moindres dans le premier groupe (Oxford et al., 2005). L’étude d’Oxford et ses collaborateurs en 2006 a été réalisée à partir des données secondaires, car ils utilisent le même échantillon que celui de l’étude dirigée par Oxford en 2005. Cette deuxième étude visait à identifier les facteurs de risque de l’adolescente pouvant être utilisés pour prédire les parcours de vie (normal, projeté par des problèmes et psychologiquement vulnérable) au cours de la période de transition à l’âge adulte. Ils ont obtenu comme résultat que le groupe « projeté par des problèmes » a des probabilités significativement plus grandes, par rapport au groupe « normal », d’avoir des antécédents de problèmes scolaires, de délinquance et d’utilisation de substances dures avant même la grossesse (Oxford et al., 2006). Comme

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pour les conséquences, il semblerait donc que les chemins qu’empruntent les jeunes mères soient influencés par des caractéristiques biologiques, psychologiques et développementales qui sont souvent préexistantes à la grossesse.

Charbonneau (2001)

Suite à l’analyse en profondeur de la séquence des événements présents dans l’histoire de chacune des mères de son étude, Charbonneau (2001) a classé les scénarios de vie de ces jeunes femmes dans trois trajectoires de vie, et ce, en fonction de la capacité de la mère à prendre le contrôle du déroulement des événements (Charbonneau, 2001). Ces trois trajectoires sont : « mères qui font face à la situation (coping mothers) », « mères peu avisées (improvident mothers) » et « mères en transition (mothers in

transition) ». La trajectoire « mères qui font face à la situation » correspond aux jeunes femmes pour qui la

grossesse n’a pas perturbé le déroulement des événements de leur vie dans le sens que ces femmes ont continué leurs études ou leur travail et elles ont maintenu leur réseau. Au moment de leur adolescence, elles avaient des ressources et étaient très sociables (Charbonneau, 2001). Les femmes de la trajectoire « mères peu avisées » provenaient quant à elles d’une famille avec difficultés (séparation des parents, mort d’un parent, placement en protection de la jeunesse et parfois même victime d’inceste) (Charbonneau, 2001). Durant leur adolescence, ces femmes étaient seules et isolées. De plus, elles avaient un faible niveau d’éducation, n’ayant pas terminé leur secondaire, n’aimant pas l’école et l’ayant quittée avant la grossesse pour la plupart (Charbonneau, 2001). La dernière trajectoire regroupe les femmes pour qui la naissance de leur enfant est venue compenser un manque affectif. Les femmes de cette trajectoire reconnaissent les problèmes qu’elles vivent et demandent de l’aide. Elles sont également embarrassées de bénéficier de l’aide sociale pendant une longue période ou encore d’être dépendantes de leur partenaire, c’est pourquoi elles essayent de reprendre le contrôle de leur vie (Charbonneau, 2001). Globalement, les femmes correspondant à la trajectoire « mères qui font face à la situation » sont celles qui se portent le mieux (Charbonneau, 2001). Cette classification des trajectoires est très comparable à celle d’Hamburg (1986). En effet, il est possible de voir de fortes similarités entre les trois voies potentielles déterminées par ces deux chercheuses. Par exemple, les caractéristiques des femmes du type « normal » de Hamburg ressemblent énormément à celles de la trajectoire « mères qui font face à la situation » de Charbonneau. Il en va de même pour les mères de la voie de type « projeté par des problèmes » qui sont comparables à celles de la voie « mères peu avisées », ainsi que celles du type « vulnérable psychologiquement » qui s’apparentent aux « mères en transition ».

Figure

Tableau 2: Résumé des portraits du parcours des participantes avant la grossesse  Participantes  Trajectoire
Tableau 3 : Résumé des portraits du parcours des participantes lors de la grossesse et la  naissance
Tableau 4 : Résumé des portraits du parcours des participantes après la grossesse  Participantes  Trajectoire

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