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CHAPITRE 4 — PRÉSENTATION DES RÉSULTATS

4.1.2 Caractéristiques de la trajectoire familiale

Relation avec la famille

Les relations qu’entretenaient les participantes avec leurs parents avant leur grossesse étaient parfois harmonieuses et parfois plus conflictuelles ou difficiles. Deux participantes ont mentionné ne pas être très proches à cette époque de leur famille. En effet, les parents d’Isabelle étaient divorcés et son frère plus âgé qu’elle ne vivait pas les mêmes étapes de développement, ce qui fait qu’elle n’avait pas beaucoup de lien avec lui. Elle qualifie sa famille comme n’étant pas très « relationnelle » : « Comme j’avais pas un

climat familial très très relationnel, je ne sais pas si je peux dire cela comme cela, on n’était pas très proche. ».

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Même chose du côté d’Élise qui a mentionné qu’elle n’était pas très proche de sa famille : « J’ai

jamais été vraiment très proche de ma famille. ». Elle n’était pas proche de sa famille en raison d’une

rupture avec sa mère lorsqu’elle est allée vivre chez son père à la fin de son primaire. Elle n’avait jamais habité avec son père avant cette transition ni habité avec sa sœur, ce qui fait que les liens familiaux ne se sont pas développés de la même manière que s’ils avaient été créés en bas âge :

Je ne peux pas dire que j’avais des rapports familiaux qui étaient très roses. Il y avait des gens qui étaient là, mais ce n’est pas des personnes vers qui spontanément je vais me tourner, et ce encore aujourd’hui. Des liens familiaux d’obligation. Je me suis jamais confiée à mon père, probablement parce que le lien n’a jamais été créé en bas âge. Ma sœur c’est la même chose. Pour moi ce n’est pas des personnes vers qui je vais me tourner, davantage aujourd’hui, mais à cette époque-là pas vraiment.

Chez près de la moitié des participantes, les relations avec la famille étaient conflictuelles ou à tout le moins difficiles, que ce soit à cause des problèmes de consommations des parents, des séparations parentales, des problèmes de santé mentale de la part d’un parent ou encore une différence entre les attentes culturelles de la famille et celle de la participante. Pour Martine et Cynthia, les liens familiaux ont été influencés, entre autres par la consommation de leur père :

Je peux dire [que je vivais dans un] climat d’instabilité familiale quand j’étais enfant. Ma mère a décidé de laisser définitivement mon père quand j’avais 12 ans, parce que c’était tout le temps on reprend on se laisse en alternance, mais là, lui, ça l’a précipité [mon père] dans la débauche totale. Après cela il est tombé vraiment creux dans la dope. (Martine)

Mon père était dans un milieu peu recommandable. Mes parents étaient séparés donc j’habitais exclusivement chez mon père. Pis avec mon père, c’est sûr qu’à ce moment-là je ne voulais rien savoir de lui parler. Il m’avait trop blessée psychologiquement, pas physiquement, mais psychologique vraiment. C’était un peu l’enfer ce que je vivais là-bas à ce moment-là. Ce n’était pas le fun. Lui était dans la drogue pis toutes. Donc il ne dormait pas à des heures régulières. C’est moi qui devais s’occuper de moi. (Cynthia)

En plus des problèmes de consommation de son père, Martine avait également des problèmes avec sa mère. Les deux femmes ne se comprenaient pas et n’arrivaient pas à communiquer, et ce, principalement lors de la période de l’adolescence, au point où sa mère a décidé de la placer chez son père : « Moi, à l’adolescence, ça l’a été très mouvementé, ma mère m’a menacé de me faire placer en

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centre jeunesse. Elle a finalement fini par me placer trois mois chez mon père qui était fucké, ça n’a pas vraiment aidé. Mais elle ne savait plus quoi faire de moi. »

Pour Jessica, c’est la séparation de ses parents qui a rendu les liens familiaux plus fragiles et qui ont rendu la relation plus difficile avec ceux-ci : « Mes parents se sont séparés quand j’avais 16 ans pis ça

l’a été vraiment compliqué, la guerre et les conflits de loyautés. Cela a été difficile. Mon père est parti chez une autre. Ma mère, quelques semaines après, a eu un nouveau chum chez qui elle était toutes les fins de semaine. Mais moi, j’avais 16 ans, j’avais comme besoin d’avoir un cadre, mais il n’avait plus. Ça l’a été un peu rock ‘n’ roll. »

De son côté, Marie a vécu une relation difficile avec sa grand-mère. En effet, sa grand-mère l’a adoptée lorsqu’elle était âgée de 9 ans suite au décès de sa mère qui a eu lieu dans un autre pays. Malheureusement, lorsqu’elle est arrivée au Québec, Marie a désiré se conformer aux normes québécoises, alors que sa grand-mère voulait l’élever comme dans son pays d’origine. Cette différence sur le plan culturel a rendu la relation très négative entre les deux femmes :

Ma relation avec elle ce n’était pas bien du tout. En fait, elle pensait qu’elle allait retrouver la même maman, mais je ne suis pas ma mère, je suis complètement différente, en plus de cela j’étais orpheline [dans mon pays d’origine] alors j’ai vécu des traumatismes. Elle espérait que je lui donne beaucoup d’amour, et être comme les enfants [de mon pays d’origine], mais je vis dans la mentalité québécoise donc en me voyant grandir comme cela, elle n’était pas d’accord dans différents sujets.

Malgré les relations parfois difficiles avec leurs proches, Martine et Cynthia avaient quand même de bons liens ou des liens plus harmonieux avec leur mère. À la fin de l’adolescence, la relation de Martine avec sa mère est devenue plus harmonieuse, sans toutefois devenir parfaite : « J’étais partie un an à 16

ans, je suis revenue à 17 ans, il y a comme eu une année ou j’ai habité avec ma mère, mais, le fait que j’étais partie, elle me laissait plus faire mes affaires. On se chicanait moins. »

Cynthia, quant à elle, avait une relation difficile avec son père, mais elle et sa mère étaient relativement proches. C’est d’ailleurs sa mère qui lui a permis de sortir de ce qu’elle qualifie d’une situation

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de misère : « Ma mère, on était quand même proche. C’est elle qui m’a sortie un peu de la misère, mais

pas de la misère, mais proche. » (Cynthia)

Quatre autres participantes ont dit avoir de très bonne relation avec leur famille à cette époque. Bien que sa mère était loin physiquement, Julie considère qu’elle était proche psychologiquement de sa mère : « Ma mère, avec son conjoint, allait souvent en Floride. On ne se voyait pas tant que ça, mais quand

on se voyait c’était le fun, toujours le party. »

La proximité de son frère a fait en sorte que c’est lui qu’elle voyait le plus souvent dans son entourage. Mélissa et Catherine sont proches de leurs familles et celles-ci étaient importantes dans leur vie :

« Ça allait très bien. Ma famille, mes parents m’ont toujours soutenue. » (Mélissa)

« Surtout très proche de ma famille, mes parents, frères et mes belles-sœurs, grands-parents, mes

beaux-parents. C’est des personnes très importantes dans ma vie. » (Catherine)

Marilou, quant à elle, avait une bonne relation avec sa famille, mais celle-ci était de deux ordres. Elle était proche de son père de par leurs affinités professionnelles, alors que sa relation avec sa mère était plus utilitaire : « J’ai toujours [été] assez proche de mon père en lien notamment avec notre profession,

parce qu’il connaissait le milieu, il était un genre de confident. Ma mère plus un genre de personne que j’allais voir pour avoir un bon repas et être réconfortée. »

Relation avec le futur père de l’enfant

Pour la grande majorité des participantes (n=10), celles-ci étaient en couple avec le père de l’enfant. Seules Élise et Marie n’étaient pas en couple avec le père, il s’agissait d’une fréquentation ou encore d’une histoire d’un soir. Élise était amoureuse de cet homme, mais la relation n’a jamais évolué dans le sens qu’elle aurait désiré : « On n’a jamais été en couple ensemble. Dans le fond, moi j’étais

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amoureuse de lui, mais lui, il était pas trop certain de ses sentiments. Il voyait plusieurs autres personnes en même temps que moi. Moi, j’avais grand espoir qu’à un moment donné ça aboutisse à de quoi de sérieux, mais ce n’est pas cela qui est arrivé. »

Marie, quant à elle, a vécu une histoire d’un soir, mais elle ne désirait pas poursuivre dans une relation avec cet homme, puisqu’elle n’avait pas d’intérêt pour la personnalité de celui-ci : « C’est vraiment

une aventure d’un soir. Des fois, tu vois une personne de loin, tu penses que ah il est beau, mais quand tu rencontres la personne, quand tu apprends à la connaitre, ça te fait ni chaud, ni froid. Ça l’a été une histoire d’un soir, mais moi ça m’a vraiment pas affectée, puis il n’était vraiment pas de mon style. »

L’entourage de quatre des participantes a eu des réactions négatives face à cette relation amoureuse. Pour Martine, la réaction de sa mère provenait du fait qu’elle avait 18 ans et qu’elle fréquentait un homme qui en avait 34 et qui avait déjà 5 enfants. Sa mère a tenté de la raisonner et de lui dire que cela n’avait pas de bons sens : « Ma mère capotait. Parler calmement avec ma mère, c’était pas possible. À

cette époque-là, je réagissais. Ça n’a pas marché, je suis partie de là-bas avec un sac à dos, en envoyant ma mère promener, en disant que c’était ma vie et qu’elle n’avait rien à dire. »

Pour Jessica, les réactions venaient du fait que son conjoint n’était pas un homme aussi flamboyant que les autres garçons qu’elle avait fréquentés auparavant. Il s’agissait plus d’une incompréhension que d’une critique par rapport à la relation : « Mon chum, ce n’est pas un gars extraverti, même qu’il est plutôt

introverti, j’ai toujours eu des relations avec des personnes flamboyantes, le fait qu’il ne parle pas, que je prenais beaucoup les devants, on ne se challengeait pas, on était complémentaire, on le savait que ça allait bien, mais on dirait que ça rentrait pas dans la tête des gens. »

Du côté de Cynthia, la famille avait bien pris la relation au début, mais lorsque son conjoint l’a demandé en mariage, sa mère a eu des propos racistes en inférant que celui-ci voulait uniquement obtenir sa citoyenneté : « Ma mère, elle était contente aussi qu’on soit ensemble, mais c’est quand j’ai dit qu’il

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m’avait demandé en mariage, elle s’est mise à penser qu’il voulait me marier parce qu’il voulait sa citoyenneté. »

La relation conjugale de Mélissa était négative et empreinte de jalousie et de violence. La famille et les amis de celle-ci ont donc vu d’un mauvais œil cette relation : « Mal. J’avais un ami qui le connaissait

bien et il disait que c’était notre roman-savon et qu’à chaque année, c’était un tome. Il trouvait que ça n’avait pas de sens, mais il me laissait faire. »

D’ailleurs Cynthia et Mélissa ont trouvé cela difficile que leur entourage ne cautionne pas leur relation amoureuse. Mélissa ne voyait pas ce qui allait mal dans sa relation et ne comprenait donc pas les réactions négatives de son entourage : « J’étais jeune et conne (rire) non, mais je pense que je ne voulais

pas voir ».

Cynthia ressentait de la frustration envers son entourage, mais également de la déception et de l’incompréhension :

« J’avais de la frustration, mais je comprenais dans un sens. Je ne suis pas conne. Premièrement,

la différence d’âge, là […] de la déception et un sentiment d’incompréhension. »

Sept des participantes ont vécu des difficultés avec leur conjoint avant de tomber enceintes. Pour Amélie et Mélissa, ces difficultés étaient reliées à la jalousie et à la violence de leur conjoint. Pour ces deux jeunes femmes, la jalousie et la violence se sont installées très tôt dans la relation. Le conjoint d’Amélie a commencé dès le premier mois à montrer des signes de jalousie, alors que pour celui de Mélissa, les signes sont apparus dès la deuxième semaine. Les deux jeunes femmes ne pouvaient plus sortir et avoir d’amis garçons, sinon leurs conjoints devenaient agressifs :

« À 16 ans, je sortais. [Depuis] que je suis sortie avec lui, on dirait que je ne me permettais plus

de sortir. Je ne me permettais plus parce que je voyais que lui était jaloux, donc je ne sortais plus. Mais lui pouvait sortir, quand il revenait chaud, là il y avait des crises de jalousie. » (Amélie)

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« Après deux semaines de relation ça chiait parce qu’il était jaloux, j’avais pu le droit d’appeler

personne, j’avais pu le droit de sortir vraiment. » (Mélissa)

Pour les cinq autres filles, les difficultés ont été de l’ordre de l’adaptation à la vie commune, d’une séparation temporaire, d’une relation à distance ou encore d’un voyage qui a mal tourné. En effet, Julie et son conjoint ont eu de la difficulté à s’ajuster lors de la première année de cohabitation. Son conjoint n’avait jamais été en appartement et elle désirait qu’il s’implique plus dans les tâches ménagères :

Martine, elle, vivait dans la désillusion de son couple. Elle vivait dans un rang, n’avait pas d’argent pour manger, mais son conjoint utilisait leur peu de ressources pour s’acheter de la bière. Celle-ci commençait à ne plus se sentir en sécurité avec son amoureux : « Je me rendais compte que le soir, on

avait quasiment rien, on n’avait pas d’argent pour s’acheter à manger, mais lui devait vraiment s’acheter de la bière, il disait qu’il en avait besoin. Pis moi je commençais à fatiguer parce que quand il buvait, il devenait bizarre, pis je me sentais pas en sécurité. J’ai commencé rapidement à ne pas me sentir bien. »

Lors des premiers mois de sa relation avec son conjoint, Jessica a ressenti le besoin de prendre une pause, puisqu’elle n’avait pas été seule depuis plusieurs années : « Nos premiers mois ont été plus

rock ‘n’ roll. On a commencé à être ensemble en avril, puis on est parti en appartement en novembre. Mais pendant l’été, on n’était pas vraiment ensemble, il y avait comme du flottement. Moi, à un moment donné, j’ai eu besoin, ça faisait quatre ans que j’étais en relation quasiment en continu, pis j’ai comme eu besoin de prendre un temps. »

Catherine a eu une opportunité d’études à l’extérieur du pays, ce qui a fait qu’elle et son conjoint ont vécu une relation à distance pendant quelque temps. Cette séparation a mené à des questionnements chez le couple, à savoir s’il restait ensemble ou s’il se séparait : « Chacun vie des expériences, développe

des goûts, rencontre des personnes. Je veux dire, il y a plein de choses qui fait qu’au retour on peut penser que l’on connecte plus pareille que lorsque l’on cohabitait ensemble. Je pense qu’on peut dire que cette

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expérience nous a fait grandir comme personne de part et d’autre, mais qu’en tant que couple, il a fallu s’adapter. »

La relation de couple de Marilou a eu un coup dur lors d’un voyage avec son conjoint. Le couple s’est fait voler tout leur argent ainsi que le passeport de son conjoint. Les deux amoureux sont donc devenus dépendants de l’argent que leur envoyait leur famille. Le conjoint de Marilou a trouvé cette épreuve difficile, lui qui semblait avoir perdu ses repères. Revenue au Québec, suite à des discussions, la situation s’est redressée, mais cette épreuve a été difficile pour le couple : « Il a fallu qu’on rentre au Québec pour

réussir à régler la situation. Bref, finalement en revenant ici, on a décidé qu’on continuait ensemble. Rendu ici, mon chum a repris ses assisses et ses repères […] Donc on est resté ensemble, mais ça a été dur. »

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