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La première moitié du 20e siècle a été marqué par divers changements et événements historiques d’envergure. Cela a permis, au courant des années 1960, l’émergence d’un nouveau paradigme en sciences sociales : celui de la théorie des parcours de vie (Gherghel et Saint-Jacques, 2013; Sapin, Spini, et Widmer, 2007). Cette perspective théorique s’appuie sur des contributions de diverses disciplines des sciences sociales telles que la sociologie, la psychologie et la démographie (Gherghel et Saint-Jacques, 2013; Kuh, Ben-Shlomo, Lynch, Hallqvist, et Power, 2003). C’est toutefois suite au bouleversement, en Occident, des structures sociales traditionnelles et de la variété des situations sociales qui s’en sont suivi que les propositions de cette théorie ont commencé à faire du sens (Elder, Johnson et Crosnoe, 2003). Il est alors pertinent de chercher à comprendre comment les personnes vivent leur vie dans un temps de changement social et de contextes variés (Elder, Johnson et Crosnoe, 2003). Plus spécifiquement, la théorie des parcours de vie tente de comprendre le développement humain en faisant des liens entre les parcours de vie et les contextes sociaux et historiques dans lesquels ils s’inscrivent (Elder, Johnson et Crosnoe, 2003; Gherghel et Saint-Jacques, 2013; Kok, 2007).

S’agissant d’une théorie pour qui les phénomènes sont dynamiques, la compréhension du parcours de vie passe par une attention particulière aux processus multidimensionnels qui se déroulent et traversent une trajectoire individuelle (Macmillan et Eliason, 2003). En ce sens, il est important de regarder l’interconnexion simultanée des différentes trajectoires au fil du temps et d’observer la façon dont ces interconnexions caractérisent le cours de la vie, plutôt que d’étudier uniquement les trajectoires individuelles (Kok, 2007; Macmillan et Eliason, 2003).

La théorie du parcours de vie est composée de cinq grands principes. Premièrement, le développement individuel est perçu comme étant un processus continu et complexe, puisqu’il s’échelonne pendant toute la vie (Elder et Shanahan, 2006; Gherghel et Saint-Jacques, 2013). Ce développement est également influencé par les changements sociaux, biologiques et psychologiques (Elder et Shanahan, 2006). Deuxièmement, l’intentionnalité des individus (agency) réfère au fait que chacun est responsable de la création de son parcours de vie de par ses actions et ses choix (Elder, Johnson et Crosnoe, 2003;

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Gherghel et Saint-Jacques, 2013; Kok, 2007). Ainsi, les individus déterminent, en fonction des contraintes et des opportunités données, leur propre parcours de vie (Kok, 2007). Cependant, l’individu n’est pas la seule source d’influence, puisque le contexte social ou historique influence les conséquences découlant de l’action individuelle (Gherghel et Saint-Jacques, 2013). Troisièmement, l’insertion des vies dans le temps et l’espace stipule que le développement biologique et psychologique des humains varie dans le temps et l’espace en fonction de leurs différents contextes de vie (Gherghel et Saint-Jacques, 2013). En d’autres mots, ce principe énonce que les individus sont fortement influencés par les contextes historiques et l’endroit où ils vivent dans le monde, puisque cet emplacement apporte des changements démographiques, économiques et culturels qui influencent l’analyse du parcours de vie (Kok, 2007). Par exemple, le contexte de maternité (structure familiale, éducation, ressources financières, etc.) est différent pour les jeunes mères contemporaines, soit des années 2000, que celui des jeunes mères des années 1970. Quatrièmement, la temporalité des événements de vie réfère au fait que le moment au cours duquel survient un événement détermine son influence sur le cours de la vie (Elder et al., 2003; Gherghel et Saint-Jacques, 2013). Ainsi, la parentalité précoce influencera le parcours des parents et les conséquences (p. ex. : la scolarisation) de cet événement seront différentes si la parentalité était arrivée à un autre moment dans la vie des parents (p. ex : une fois les études complétées). Cinquièmement, les vies sont interreliées ce qui signifie que, par ses actions, une personne peut donc influencer son entourage (Kok, 2007; Elder et al., 2003; Gherghel et Saint-Jacques, 2013; Moreau, 2013). En ce sens, les transitions de certains membres de la famille, telle la naissance d’un enfant, ont des répercussions sur les trajectoires des autres membres composant celle-ci (Bernard et al., 2007; Hareven, 2000). Ainsi, la naissance d’un enfant est susceptible d’avoir des conséquences non seulement sur la personne elle-même, mais également sur l’ensemble de son entourage. En effet, il est possible que les parents de la jeune mère se voient impliqués dans le soutien de celle-ci (p. ex. : gardiennage, soutien financier).

2.2 Définition des concepts importants

Plusieurs concepts clés se rattachent à la question de recherche, soit : les « trajectoires », les « transitions », les « événements », les « points tournants », les « calendriers sociaux » et la « maternité précoce ». Avant de définir ces cinq concepts, quelques mots se rapportant à l’utilisation du terme « perceptions ». Dans le cadre de ce mémoire, il réfère à « l’action propre de l’esprit sur les sens et qui implique un processus de construction » (Blowers et O’Connor, 1996, p. 6). Les construits sont des « modèles transparents » que les personnes utilisent pour organiser leurs impressions au sujet de leur

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environnement et des personnes qui y évoluent (Kelly, 1955). Ainsi, les perceptions permettent aux individus de comprendre et de donner une signification au monde qui les entoure.

Trajectoires

Dans la littérature, les trajectoires de vie sont définies comme étant « la continuité temporelle du rôle ou de l’expérience qui varie en durée » (Macmillan et Copher, 2005, p. 859). En d’autres mots, les trajectoires correspondent à des séquences de rôles ou d’expériences qui se produisent tout au long de la vie et qui décrivent les mouvements et le développement de l’existence de la personne (Elder et al., 2003; Kok, 2007; Sapin, Spini et Widmer, 2007). Elles sont caractérisées par des événements spécifiques qui ont une séquence, une durée ainsi qu’un ordre définissable (Macmillan et Eliason, 2003). Il est important de rappeler que les trajectoires de vie sont interdépendantes, ce qui signifie que chaque trajectoire est en partie influencée par la forme des autres trajectoires. De ce fait, les événements survenant dans une trajectoire peuvent aussi influencer les événements survenant dans une autre trajectoire (Macmillan et Eliason, 2003). Une de ces manifestations d’interdépendance pourrait être le fait de devenir mère durant l’adolescence (parentalité) ce qui a un impact sur l’obtention du diplôme d’études secondaires (scolarité). Dans cet exemple, un événement de la trajectoire familiale, la parentalité, vient influencer un événement de la trajectoire éducationnelle, soit l’obtention d’un diplôme d’études secondaires.

Transitions

Tout comme le concept de trajectoires, celui de transition est central pour la théorie des parcours de vie (Macmillan et Eliason, 2003). Les transitions font référence à des événements spécifiques qui amènent un individu à entrer ou à sortir de divers contextes situationnels et des configurations de rôles correspondantes (Macmillan et Eliason, 2003). En fait, les transitions vont de pair avec les trajectoires de vie puisqu’elles les définissent ou les délimitent, en les caractérisant parfois comme une période d’instabilité (Elder et al., 2003; Gherghel et Saint-Jacques, 2013; Macmillan et Copher, 2005). Les transitions correspondent, entre autres, au fait de quitter le domicile familial, d’entamer une relation de couple et de devenir parent (Kok, 2007).

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Le concept d’événement est souvent utilisé dans la théorie des parcours de vie. Ce concept est défini comme étant « un fait ponctuel, qui peut être enregistré à un moment précis et qui concerne un individu, dans un temps et un espace particuliers » (Gherghel et Saint-Jacques, 2013, p.23). Un événement peut tout autant être particulier à un seul individu qu’à une population ou à un groupe social (p. ex : la naissance) (Gherghel et Saint-Jacques, 2013). De plus, il peut être de plusieurs natures (singulière, régulière, récurrente, répétitive, attendue ou inattendue). Par exemple, la naissance d’un enfant est un événement qui peut se produire chez les femmes, mais celui-ci peut revêtir une nature différente. En effet, la naissance d’un enfant peut être inattendue, comme cela est parfois le cas chez les jeunes mères.

Points tournants

Un autre concept important dans le cadre de ce mémoire est celui de points tournants. Les points tournants, aussi appelés bifurcations, consistent en des changements substantiels dans la direction de la vie de la personne et ils peuvent être de nature objective ou subjective (Elder et al., 2003; Hareven, 2000). Bien que la naissance d’un enfant ne soit pas automatiquement un point tournant dans la vie des parents, elle peut être interprétée de cette manière, notamment lorsqu’elle survient durant l’adolescence.

Calendriers sociaux

Le concept de calendriers sociaux est lié à celui des transitions. En effet, les calendriers sociaux définissent l’âge jugé approprié pour chaque transition dans une société particulière (Gherghel et Saint- Jacques, 2013). En fonction des attentes sociales et des conséquences pour le cours de la vie, ces calendriers précisent si la transition arrive dans les temps, trop tôt ou de façon précoce, trop tard ou encore « off-time » (Gherghel et Saint-Jacques, 2013; Macmillan et Eliason, 2003). Ce concept permet d’identifier le groupe d’âge correspondant à la définition de la maternité précoce pour chaque société. Pour le Québec et le Canada, les statistiques de naissances selon les groupes d’âge ont été utilisées. Celles-ci ont permis de constater que les femmes canadiennes et québécoises ont généralement leur premier enfant entre 25 et 34 ans (ISQ, 2016). Selon ces statistiques, une femme qui a son premier enfant avant son 25e anniversaire a une maternité dite précoce. L’identification dans le calendrier social d’une grossesse vécue avant son 25e anniversaire sera donc considérée comme une grossesse précoce dans le cadre de la présente étude.

35 Maternité précoce

Comme mentionné précédemment, le concept de maternité précoce utilisé dans ce mémoire réfère au fait d’avoir eu son premier enfant avant l’âge de 25 ans. Ce choix tient compte des statistiques de naissances canadiennes et québécoises qui montrent que les femmes ont leur premier enfant entre 25 et 34 ans en moyenne.

En résumé, le cadre théorique des parcours de vie est choisi pour cette étude parce qu’il offre une série de principes universels qui permet de répondre à la question de recherche. En effet, le phénomène de la maternité précoce implique des éléments importants de cette théorie, puisque la maternité constitue une transition dans les parcours de vie. À cet effet, plusieurs études ont observé des parcours distincts de transition vers l’âge adulte pour les mères adolescentes (Charbonneau, 2001; Macmillan et Copher, 2005; Oxford et al., 2005; Oxford et al., 2006). De plus, l’utilisation de ce cadre théorique dans l’élaboration du guide d’entretien a permis d’obtenir des informations utiles concernant les trajectoires personnelle, éducationnelle, professionnelle et familiale de ces femmes et ainsi pouvoir répondre à la question de recherche.

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Chapitre 3 — Méthodologie

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