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Place de l’abstinence et de la réduction contrôlée dans le parcours des patients avec l’alcool : étude qualitative auprès de 11 patients présentant une addiction à l’alcool, en démarche de soins

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

HAL Id: dumas-01836488

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01836488

Submitted on 12 Jul 2018

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Place de l’abstinence et de la réduction contrôlée dans le

parcours des patients avec l’alcool : étude qualitative

auprès de 11 patients présentant une addiction à

l’alcool, en démarche de soins

Clémence Vasseur

To cite this version:

Clémence Vasseur. Place de l’abstinence et de la réduction contrôlée dans le parcours des patients avec l’alcool : étude qualitative auprès de 11 patients présentant une addiction à l’alcool, en démarche de soins. Médecine humaine et pathologie. 2018. �dumas-01836488�

(2)

Université de Bordeaux

UFR DES SCIENCES MEDICALES

Année 2018

N° 49

Thèse pour l’obtention du

DIPLOME D’ETAT de DOCTEUR EN MEDECINE

Présentée et soutenue publiquement par

Clémence VASSEUR

Née le 13 mai 1989 à Soissons (02)

Le 27 avril 2018

Place de l’abstinence et de la réduction

contrôlée dans le parcours des patients avec

l’alcool.

Etude qualitative auprès de 11 patients présentant une addiction à l’alcool, en

démarche de soins.

Directeur de Thèse

Monsieur le Professeur Philippe CASTERA

Jury

Monsieur le Professeur Jean-Louis DEMEAUX Président

Monsieur le Professeur François PETREGNE Rapporteur

Monsieur le Docteur Jacques DUBERNET Juge

Monsieur le Docteur Benoît FLEURY Juge

Monsieur le Docteur Yves MONTARIOL Juge

(3)

1

Université de Bordeaux

UFR DES SCIENCES MEDICALES

Année 2018

N° 49

Thèse pour l’obtention du

DIPLOME D’ETAT de DOCTEUR EN MEDECINE

Présentée et soutenue publiquement par

Clémence VASSEUR

Née le 13 mai 1989 à Soissons (02)

Le 27 avril 2018

Place de l’abstinence et de la réduction

contrôlée dans le parcours des patients avec

l’alcool.

Etude qualitative auprès de 11 patients présentant une addiction à l’alcool, en

démarche de soins.

Directeur de Thèse

Monsieur le Professeur Philippe CASTERA

Jury

Monsieur le Professeur Jean-Louis DEMEAUX Président

Monsieur le Professeur François PETREGNE Rapporteur

Monsieur le Docteur Jacques DUBERNET Juge

Monsieur le Docteur Benoît FLEURY Juge

Monsieur le Docteur Yves MONTARIOL Juge

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3

REMERCIEMENTS

Aux membres du jury :

A Monsieur le Professeur Jean-Louis DEMEAUX :

Vous me faites l’honneur de juger ce travail et de présider le jury. Veuillez

trouver ici l’expression de ma profonde et respectueuse reconnaissance.

A Monsieur le Professeur François PETREGNE :

Vous m’avez fait l’honneur d’accepter d’être le rapporteur de ce travail et de

juger cette thèse. Soyez assuré de ma reconnaissance et de toute ma

considération pour votre implication dans ce travail.

A Monsieur le Docteur Jacques DUBERNET :

Vous me faites l’honneur de juger cette thèse.

Pour l’intérêt que vous y portez, je tiens à vous remercier et à vous témoigner

ma gratitude.

A Monsieur le Docteur Benoît FLEURY :

Vous me faites l’honneur de faire de juger cette thèse. Je vous remercie

sincèrement pour l’attention que vous portez à ce travail.

A Monsieur le Docteur Yves MONTARIOL :

Je vous remercie d’avoir accepté de juger ce travail. Trouvez ici l’expression de

ma gratitude et de mon profond respect.

A Monsieur le Professeur Philippe CASTERA :

Vous avez accepté d’être mon directeur de thèse et de m’accompagner pour ce

travail. Je tenais à vous remercier profondément pour l’aide que vous m’avez

apportée : vous m’avez accordé de la disponibilité, et avez su me pousser à faire

toujours mieux. Vous avez considérablement participé à l’enrichissement de

mon travail grâce à vos conseils judicieux et précis. Je vous adresse ma profonde

gratitude.

Un immense merci à toutes les personnes qui ont accepté d’être interviewées

pour mon travail, et sans qui je n’aurai pas pu réaliser ma thèse.

(6)

4

A mes parents,

Vous m’avez toujours soutenue et encouragée pour mes études, pour que je

puisse « avoir le choix » de ce que je voudrais faire dans ma vie. Cette thèse est

l’aboutissement de plusieurs années de travail et vous y êtes pour beaucoup. Je

suis super fière que vous soyez avec moi aujourd’hui. Et je suis heureuse à

l’idée de tous les prochains moments que l’on va partager ensemble.

A mes sœurettes chéries, Florine et Lauriane, je suis tellement heureuse de vous

avoir. Pour tous les encouragements et l’attention que vous m’avez apportés, les

semaines de révision chez l’une ou chez l’autre, et surtout les week-ends et

vacances en famille, tout…. Je vous remercie.

Et merci Lauriane pour ta rigoureuse relecture de thèse, et tes conseils.

A Florian, merci pour tes conseils pour mon travail, ton expérience m’a été

d’une grande aide. (Et notamment, merci de m’avoir fait découvrir Zotero et

google scholar !!!!).

Merci à Timothée de participer à sa manière à cette soirée !!

A mes amis de Reims :

Les gueux, Caro, Christouf, Fab, La Monn, Timot, Ricarda… Pour toutes ces

années de fac…Quand des personnes me disent : « médecine, c’est long ! toutes

ces années à la fac… ». J’ai l’impression d’avoir oublié tous les moments

difficiles, et d’en retenir que les moments festifs, de rigolades, de… (je ne peux

pas tout détailler…). Et c’est grâce à vous !

Caro, depuis notre rencontre à l’examen du code, on en a partagé des

moments !! Merci pour ta confiance, ta fidélité, ton humour, « we are with us !».

Christelle, merci d’être là (quasiment au quotidien !), pour tout : les confidences,

les moments de délire, tes conseils. Surtout ne change rien !!! Même si parfois

on a à faire au Comte, à Cristos, à Mme Herbert…Tu seras toujours ma Cricri

d’amour.

Fab, pour tes imitations légendaires, Princess Timot pour ton déhanché de folie,

La Monn pour ton sens de l’hospitalité, tes conseils à la « se coucher moins

bête » et ton humour… A chaque fois qu’on se retrouve, j’ai l’impression que

rien ne change, merci d’être fidèles à vous-même, et j’espère qu’on continuera à

se retrouver pour des week-ends et vacances.

(#belleileenmer14/07/18#louchawithus#).

Clémence, je te souhaite pleins de bonnes choses avec l’Opo pour votre voyage

au fenua !!!

Margot, merci pour ton amitié fidèle depuis l’école primaire, tous les moments

partagés aux scouts, à la fac, et pour tous les prochains moments à venir.

Armelle, merci d’être tellement toi, toujours volontaire, motivée pour de

nouvelles aventures.

(7)

5

Aux amis Bordelais :

Olivia, je crois que j’ai aimé le sud-ouest à partir du moment même où j’ai fait

ta connaissance ! Merci pour ta générosité et tes blagues, keud …

Alix, mon internat n’aurai pas été le même sans toi ! Merci de faire les choses en

grand mais toujours dans la simplicité et la générosité… ( Mauruuru roa pour

nous avoir donné l’envie de partir au fenua)

Audrey, j’ai eu tellement de chance de te rencontrer pour notre 2eme semestre,

merci pour tes précieux conseils toujours justes, ta motivation sans faille pour

les sorties et voyages.

Jeanne, merci pour ta gentillesse et ta bonne humeur et pour tous les super

week-ends au chalet !!

Ines, merci pour ta fantaisie, ton côté artistique, et tes points « fashion/people ».

Margaux, merci pour ta festivité, ta folie, ton humour !

Amélie, merci pour ta bonne humeur, ton sens du partage, et j’espère qu’on

pourra monter un jour une chorale pour produire nos canons…

Laure, merci pour ton sens des rencontres, ta motivation pour les voyages.

Laura, merci pour ton humour, et ton rire !!

Marine, merci pour ta gentillesse, ta spontanéité. Peut-être qu’un jour on se

retrouvera finalement en bretagne ??

Raphael, merci pour ton humour sans pincette, ta motivation pour découvrir

toujours de nouvelles choses.

Fabien et Anna, merci pour toutes les soirées qui devaient être à la base des

« petits apéros tranquilles ». Rendez-vous dans le pacifique. Et joyeux

anniversaire Anna !

Bédé et Guigui, merci pour votre tropicalité et les Week end de découverte du

Fenua…

Les grimpeurs : Vincent, Claire, Léo, Marion, Carla et Baptiste : Merci pour

tous ces moments de sport, de convivialité, de bonnes bouffes, de sorties cèpes,

d’après-midi foie gras… Le barbecue est prêt pour la saison 2018 et Frontenac

n’attend que nous…

Toutes les personnes rencontrées, et sans qui mes années à Bordeaux n’auraient

pas été les mêmes : Louis et Lisa, Jean-Michel, Yen-Paul, Gaspard, Piem, Mat,

Maty, Charlie, La pince, Nam son, Ben, Claire et Clément, Pauline et Clément,

Mathieu, Gui, Chacha et Raph, Roxane, les tahitiens PH et Floriane…

Et pour Alex, Merci de m’avoir encouragée et soutenue pour ma thèse.

Et surtout, merci de me supporter au quotidien, de m’embarquer dans tes

nouvelles découvertes/lubies/aventures. Merci pour ta folie, même si ça me fait

râler parfois, c’est pour la forme. Je suis très heureuse à l’idée de partager cette

nouvelle partie de ma vie (enfin libre !!) avec toi…

(8)
(9)

7 INTRODUCTION ... 9 MATERIEL ET METHODE ... 11 1. Choix de la méthode ... 11 2. Constitution de l’échantillon... 11 2.1 La population cible : ... 11

2.2 Les critères d’inclusion de l’échantillon : ... 12

2.3 Les critères de non inclusion : ... 12

2.4 Le recrutement ... 12

3. Plan de l’étude ... 13

3.1 Rédaction du canevas d’entretien (annexe 2)... 13

3.2 Autorisation du Comité de Protection des Personnes, de la CNIL et rédaction du formulaire de consentement ... 13

3.3 Réalisation des entretiens semi-dirigés et traitement des données... 13

3.4 Analyse des données ... 14

RESULTATS ... 15

1. Caractéristiques des entretiens... 15

2. Caractéristiques des participants ... 15

2.1 Diversité des parcours de vie ... 15

2.2 Le parcours avec l’alcool ... 16

2.3 Les co-addictions ... 28

2.4 Co existence de troubles psychiatriques ... 28

3. L’abstinence : ce qu’en disent les patients ... 28

3.1 L’abstinence : un idéal ... 28

3.2 En pratique : comment l’abstinence est-elle vécue ? ... 31

4. La réduction contrôlée de la consommation d’alcool: ce qu’en disent les patients 35 4.1 La réduction contrôlée : un objectif controversé ... 35

4.2 La réduction contrôlée permet d’améliorer la qualité de vie ... 37

4.3 Les avantages de la réduction contrôlée ... 38

4.4 Les inconvénients de la réduction contrôlée... 38

5. La personne alcoolodépendante et le parcours de soins ... 40

5.1 Les freins à se soigner ... 40

5.2 Les traitements médicamenteux d’aide au maintien de l’abstinence ou de la réduction contrôlée : Qu’en pensent les patients ? ... 42

5.3 La cure de sevrage et la postcure ... 47

5.4 Le suivi addictologique ... 49

(10)

8

6. Les étapes de la démarche de soin ... 54

6.1 Le déni du trouble de l’usage d’alcool ... 54

6.2 La prise de conscience ... 55

6.3 La décision de se soigner ... 56

6.4 Le maintien de l’objectif de soin ... 60

6.5 La rechute ... 63

DISCUSSION ... 65

1. Les limites de l’étude ... 65

1.1 Les forces de l’étude ... 65

1.2 Les faiblesses de l’étude ... 66

2. L’abstinence, un objectif idéalisé ... 67

3. La réduction contrôlée, un objectif pragmatique ... 69

4. Tableau comparatif entre l’abstinence et la réduction contrôlée ... 73

5. L’objectif : une étape dans un long processus de changement ... 74

5.1 La démarche de soin et la théorie du changement ... 74

5.2 Un parcours chaotique aux objectifs changeants ... 76

5.3 La relation avec le médecin généraliste ... 78

6. Du prêt à porter au sur-mesure : l’approche centrée patient et la décision partagée ... 80

CONCLUSION ... 81

BIBLIOGRAPHIE ... 83

Annexe 1 : caractéristiques des participants et des entretiens ... 87

Annexe 2 : canevas d’entretien et formulaire d’information et de consentement . 88 SERMENT MEDICAL ... 93

(11)

9

INTRODUCTION

Nous comptons en France environs 5 millions de personnes alcoolo dépendantes.

Le nombre de décès liés à l’alcool est situé entre 40 et 50 000 par an. Il existe de nombreuses pathologies chroniques directement causées par l’alcool, accompagnées d’isolement social, familial, professionnel (1) (2).

En dépit des préjudices bien établis liés à la consommation d’alcool, les taux de traitement pour l’alcoolo dépendance sont très bas dans la population européenne (seulement 8 à 40% de la population européenne qui a un trouble de la consommation d’alcool est intégrée dans un type de traitement)(3).

Une véritable amélioration de la situation d’un sujet passe par un changement important de sa consommation d’alcool, c’est pourquoi le traitement cible d’abord ce changement de consommation et sa stabilisation.

Chez les personnes alcoolo-dépendantes, l’abstinence a longtemps été considérée comme le seul objectif de soin (4) (5).

Certaines données objectives montrent qu’une partie substantielle des sujets alcoolo-dépendants sont incapables ou ne veulent pas s'engager vers l'abstinence. Refuser de proposer des objectifs de soins intermédiaires augmente le taux d'arrêt du traitement et décourage les patients à demander de l'aide (3).

Les études en population générale montrent que bien que l’abstinence soit incontestablement la modalité de rémission la plus stable, une proportion non négligeable de personnes alcoolo dépendantes se stabilisent dans leur rémission tout en consommant de l’alcool (6) (7).

La réduction contrôlée de la consommation d’alcool se réfère à la possibilité pour un individu ayant une perte de contrôle de sa consommation, de revenir à un modèle de consommation plus contrôlée, s’associant ainsi à une baisse significative du risque (3).

(12)

10

L’arrivée de nouveaux médicaments d’aide à la réduction de consommation d’alcool (Recommandation Temporaire d’Utilisation (RTU) du baclofène en mars 2014, début de commercialisation du nalmefène en septembre 2015) a semble-t-il permis à ce que des patients jusque-là non demandeurs de soins, soient plus motivés à atteindre un objectif de contrôle de leur consommation.

Avec le recul de quelques années, qu’en est-il de la vision des personnes sur ces nouveaux paradigmes de l’offre de soin concernant leur alcoolo dépendance ? Quelle place ont l’abstinence et la réduction contrôlée dans le parcours des patients avec l’alcool ?

Le principal objectif de l’étude est d’explorer la diversité des représentations et des vécus des personnes présentant une addiction à alcool sur l’abstinence et la réduction contrôlée.

Les objectifs secondaires de cette étude sont de répertorier les facteurs influençant le choix de l’un et l’autre objectif de soin, pouvoir explorer la réalité du partage de la décision, évaluer les opinions des patients sur l’apport des traitements, et enfin d’explorer le vécu du patient alcoolo-dépendant dans le parcours de soins.

(13)

11

MATERIEL ET METHODE

1. Choix de la méthode

Nous avons choisi de réaliser une étude qualitative.

La recherche qualitative est appropriée lorsque les facteurs sont subjectifs, et donc difficilement mesurables. Elle permet d’étudier des phénomènes sociaux, de comprendre des contextes, d’étudier les sujets dans leur environnement. Ses applications en sont très concrètes, plus particulièrement pour les aspects relationnels des soins, car elle permet de recueillir les émotions, les sentiments des patients, leur comportement et leur expérience personnelle (8).

Les entretiens semi-dirigés nous semblaient intéressants pour laisser s’exprimer les participants au gré de leur pensée tout en dirigeant la discussion vers les principaux thèmes à explorer. Un échantillonnage de la population a été effectué afin d’explorer la plus grande diversité du thème étudié(8). La taille de l’échantillon a été déterminée par la saturation des données, à savoir jusqu’à ce que les entretiens ne fassent plus émerger de nouvelle idée ou concept (9) .

2. Constitution de l’échantillon

2.1 La population cible :

La population ciblée était constituée de personnes présentant une addiction à l’alcool, ayant un objectif de soin pour leur alcoolo dépendance (abstinence ou réduction contrôlée), et ayant un suivi médical ou psychosocial.

Selon la définition opératoire de Goodman (10) , l’addiction se caractérise par une dimension impulsive (impossibilité répétée de contrôler un comportement de consommation de substance malgré la motivation et les efforts du sujet pour s’y soustraire), et une dimension compulsive (poursuite de ce comportement en dépit de la connaissance de ses conséquences négatives). Des données plus récentes définissent l’addiction à un produit comme un trouble caractérisé par un processus récurrent, comprenant l’intoxication répétée puis l’installation chronique d’une dépendance, s’accompagnant d’une tolérance et d’un besoin important ou compulsif de consommer, pouvant aller jusqu’au craving (11).

Si l’abstinence est un renoncement complet, volontaire et durable à la consommation d’alcool, la réduction contrôlée consiste en une consommation visant à ne pas dépasser le seuil de l’usage à risque (1). Le seuil de l’usage à risque a récemment été abaissé à 10 verres standard par

(14)

12

semaine et pas plus de 2 verres standard par jour pour les hommes et pour les femmes, en essayant d’avoir des jours dans la semaine sans consommation (12) .

2.2 Les critères d’inclusion de l’échantillon :

o Présenter une alcoolo dépendance selon le CIM 10 (au moins 3 critères) et/ou un trouble sévère de l’usage d’alcool (score du DSM V supérieur à 6)

o Être dans un objectif d’abstinence ou de réduction contrôlée de la consommation d’alcool

o Être suivi en addictologie ou en médecine générale pour son objectif de soin o Être en capacité physique et psychique de répondre

o Être volontaire et avoir signé le document de consentement éclairé.

2.3 Les critères de non inclusion :

o Troubles cognitifs, psychiatriques sévères empêchant la réalisation de l’entretien.

o Refus de participation

o Emploi du temps incompatible avec l’investigateur o Patients ne maîtrisant pas le français

o Patients avec des déficiences sensorielles : sourds ou muets

2.4 Le recrutement

Les participants recrutés étaient suivis en consultation d’addictologie ou de médecine générale en Aquitaine.

Ils ont été recrutés soit au cours d’une consultation de suivi, par le médecin les accompagnant dans leur démarche de soin, soit par téléphone, par moi-même, après avoir donné leur accord auprès de leur médecin.

Lors du recrutement l’étude était présentée de cette manière : « Je m’appelle Clémence Vasseur,

je suis médecin généraliste remplaçante. Je suis en train de réaliser ma thèse sur le thème de l’addiction à l’alcool. Je souhaite recueillir les impressions des patients à ce sujet. Si vous êtes d’accord, je souhaiterai vous interviewer. Cet entretien sera bien sûr anonyme. »

Une rencontre leur était proposée dans un lieu de leur choix, en leur expliquant que l’entretien devrait durer entre 30 minutes et une heure.

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13

3. Plan de l’étude

3.1 Rédaction du canevas d’entretien (annexe 2)

Après lecture de différents articles portant sur la théorie du changement et sur la prise de décision, nous avons choisi une liste de thèmes, qui n’avait pas pour objectif d’être exhaustive, mais simplement de créer pour le patient des occasions de s’exprimer sur le sujet.

Ce canevas d’entretien est donc composé de cinq grandes parties, accompagnées de relances. Ces questions de relances permettaient d’amener des points importants, si l’enquêté ne les développait pas spontanément.

Ce canevas d’entretien a été enrichi après le 4ème et après le 8ème entretien, en ajoutant des

questions portant sur le rôle du médecin traitant, sur les co-addictions, et sur l’existence d’un suivi psychiatrique ou psychologique.

3.2 Autorisation du Comité de Protection des Personnes, de la CNIL et

rédaction du formulaire de consentement

Notre étude a reçu un avis favorable du Comité de Protection des Personnes. En début d’entretien, nous faisions signer au patient un formulaire d’information et de consentement. Par ailleurs, une déclaration MR 003 a été faite auprès de la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés).

3.3 Réalisation des entretiens semi-dirigés et traitement des données.

Les entretiens étaient réalisés en face à face, et intégralement enregistrés à l’aide d’une application enregistreur pour Iphone, avec un deuxième enregistreur par sécurité. Ils ont été tous réalisés par la doctorante, ce qui en facilite l’homogénéité. Le ressenti expérientiel de chaque personne était l’objet de l’exploration dans une approche centrée patient, et une posture empathique. L’objectif était de favoriser les questions ouvertes.

Lors des entretiens, des informations complémentaires pouvaient être notées manuellement : commentaires non verbaux (attitude générale du patient, déroulement de l’entretien).

A l’issue de chaque entretien, le verbatim des enregistrements a été intégralement retranscrit, mot à mot. L’ensemble de ces verbatims sont disponibles sur un support externe.

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14

3.4 Analyse des données

L’analyse des données a été réalisée selon l’approche de la théorie ancrée ou « grounded theory » au fur et à mesure de la récolte des données, par deux chercheurs (le directeur et la doctorante), afin de garantir une triangulation des données.

La théorie ancrée consiste en un codage ouvert, toujours centré sur la question de recherche. A la lecture des retranscriptions, le texte est codé fragment par fragment, et réarrangé en une liste de catégories faisant émerger les thèmes principaux(8), l’objectif étant de réaliser une théorisation, c’est-à-dire de réaliser une construction minutieuse et exhaustive de la multi dimensionnalité et multi causalité du phénomène étudié (9).

Pour ce faire, nous nous sommes aidés du logiciel Nvivo 11 starter.

Pour la rédaction des résultats, les codes ont été regroupés en catégorie mère (ou nœud mère), qui sont les titres et sous titres des différentes parties de la présentation des résultats, avec à l’intérieur, les catégories filles (ou nœuds filles) en souligné. Afin d’illustrer des catégories, certaines phrases des entretiens ont été citées et sont présentées entre guillemets.

(17)

15

RESULTATS

1. Caractéristiques des entretiens

11 entretiens semi-dirigés ont été réalisés entre février 2017 et octobre 2017. La saturation des données a été obtenue après 10 entretiens. L’entretien le plus court durait 35 minutes, le plus long durait 1h48 minutes. La durée moyenne des entretiens était de 59 minutes. Parmi les personnes interrogées, on retrouvait 5 femmes et 6 hommes. La moyenne d’âge était de 52,6 ans. Les participants ont été recrutés soit en cabinet de médecine générale, soit par le biais d’un médecin addictologue contacté par l’investigatrice. Le tableau en annexe 1 est un récapitulatif des différentes caractéristiques des entretiens et des patients interrogés.

2. Caractéristiques des participants

2.1 Diversité des parcours de vie

Certains participants décrivaient une vie familiale riche et heureuse avec une enfance heureuse, une adolescence heureuse, une vie de famille, des déjeuners familiaux.

D’autres évoquaient en revanche des difficultés familiales importantes, parfois depuis la plus petite enfance : abandon maternel et isolement familial complet « la situation familiale, c’est

zéro ! » (E10), ayant entrainé pour un des patients, une vie dans la rue pendant plusieurs années.

Parfois étaient évoquées des difficultés liées à un père violent, au mépris des parents : une personne avait été mise dehors par sa famille « mon père est décédé, ma mère s’est remariée.

J’ai eu des problèmes avec mon beau père et ma mère donc ils m’ont mis dehors ! » (E9).

Les difficultés financières de la famille ont aussi été évoquées et étaient à l’origine de la dégradation des relations familiales : « le robinet alimentaire a été coupé » (E1).

Certains participants évoquaient des problèmes avec leurs propres enfants : dépression d’un enfant, tentatives de suicide chez un enfant, conflits relationnels avec les enfants, décès d’un enfant, départ des enfants et sentiment d’abandon.

Concernant la situation conjugale, une personne parlait de son couple fusionnel, une autre de la chance d’avoir son mari, une autre de l’admiration pour son conjoint.

(18)

16

En revanche, pour les autres, on pouvait noter des situations plus compliquées : l’absence du mari, avec pour conséquence la nécessité d’assumer tout et toute seule, un mariage malheureux aboutissant à la détestation du conjoint, des situations d’adultère, de séparation, de divorce.

Cinq participants sur les onze interrogés ont évoqué la présence d’au moins un apparenté au premier degré présentant un trouble de l’usage d’alcool sévère. Ces personnes avaient donc été en relation, parfois dès le plus jeune âge avec : un père alcoolique « j’ai toujours vu mon père

bourré » (E11) ; ou un père qui cache son alcoolisme « il planquait ses bouteilles sous son comptoir de pharmacie ! » (E1) ; un père alcoolique violent avec ses enfants ou avec sa femme ;

un père alcoolique négligeant ses enfants, leur expliquant « mon argent, je le bois » (E11). Des situations de « drame familial » (E2) ont été évoquées : des sœurs alcoolo dépendantes qui en décèdent, le décès de parents à cause de l’alcoolo dépendance « cancer du pancréas … » (E11).

Trois participants étaient dans des situations de difficultés professionnelles : deux étaient au chômage, une était en arrêt longue maladie.

Un quatrième avait eu une carrière professionnelle houleuse, avec des épisodes de chômage mais avait à présent une situation professionnelle stable.

Certains évoquaient des échecs scolaires et des redoublements, et de grosses difficultés dans son entreprise.

Ainsi, les parcours de vie sont très divers, marqués souvent par des difficultés conjugales, familiales ou professionnelles. Un trait plus marquant est la proximité avec des personnes alcoolo-dépendantes dans l’enfance. On retient l’univers singulier à chaque personne, dans la façon dont elle a choisi de souligner les aspects personnels de son parcours de vie.

2.2 Le parcours avec l’alcool

2.2.1 Le premier contact avec l’alcool, les causes de la consommation

Pour plusieurs personnes interrogées, leurs premières expériences avec l’alcool remontaient à l’adolescence et à la post adolescence, pour le côté festif et convivial. C’est-à-dire, lors des sorties « Alors moi j'ai commencé à boire, comme tous les adolescents, dans les bars, pour le

(19)

17

Un des participants avait commencé un peu plus tôt, de manière solitaire, lorsqu’il se retrouvait seul chez sa mère : « Donc elle me laissait seul à la maison. J'étais en quatrième, donc je devais

avoir 14 ans. Et j'ai commencé à boire dans le bar de ma mère, le soir. Pour rigoler au départ »

(E11).

Un autre avait était au contact assez jeune, en commençant à travailler sur des chantiers, alors qu’il avait arrêté l’école.

Trois patients avaient débuté leur consommation d’alcool par un alcoolisme « mondain » :

« Bon, on n’était pas alcooliques mais, on buvait l'apéritif le midi, c'était le soir du monde, du monde, du monde. Donc j'ai vécu dans ce milieu » (E5).

Ensuite les causes d’une consommation plus régulière étaient variables : En général, elle était la conséquence d’une souffrance psychologique.

Cette souffrance pouvait être secondaire à la perte d’un proche : « malheureusement mon fils

est décédé » (E8).

Dans d’autres cas, la souffrance était secondaire à la solitude : « oui en fait c'est la solitude qui

m'a amené à cette situation » (E4) ; «je suis mère et seule pour protéger tout le monde » (E3) ; « au décours d'une période de solitude, plus forte, et ne trouvant de l'intérêt qu'auprès de mes enfants et de mon travail, l'alcool revient, d'abord sournoisement, puis plus régulièrement »

(E3).

Cette souffrance était aussi expliquée par des situations d’abandon : épouse qui se sent abandonnée par son mari, fils qui est rejeté par sa mère, jeune homme qui se fait jeter dehors par sa mère et son beau-père.

La détérioration des relations familiales pouvait aussi être un facteur de souffrance : « J'ai

grandi en Nouvelle-Calédonie, je suis arrivé ici pour connaître ma mère, après l'armée. Elle n'a pas voulu me voir. Elle m'a reçu mais juste un petit quart d'heure, et en me disant que ce n’était pas la peine. Et puis je me suis retrouvée dans la rue, jusqu'à maintenant quoi » (E10).

L’ennui était une cause importante de consommation d’alcool : « Je me disais : « Laurence, tu

n’as rien à faire de tes journées, tu bois un coup, et puis comme ça tu es tranquille ! » (E5) ; « Et là je ne supportais pas d'être ici. De ne pas travailler, le travail c'était ma vie » (E3).

Deux personnes ont évoqué l’imputabilité de la génétique familiale dans la consommation d’alcool : « Est-ce que c'est ça que j'ai dans le sang, dans les gènes ? Avec mes sœurs ? Est-ce

(20)

18

que ça se transmet ça ? Je ne sais pas » (E2) ; « Moi, je le dis à mes enfants c'est peut-être aussi un problème génétique...on n'en sait rien » (E5).

Parfois la consommation d’alcool était expliquée par les personnes interrogées par un mal être permanent, « Quelque part on est mal dans sa peau » (E7).

Bien sûr, certains expliquaient leur consommation par l’accumulation des problèmes dans leur vie, associée à une occasion de boire : « à chaque fois que j'avais une contrariété en fait je

m'apercevais que je buvais » (E3). On peut citer notamment un problème de voisinage, ou une

discorde avec un proche.

Le phénomène de projection était fréquemment observé dans les entretiens c’est-à-dire : la faute aux autres, c’est à cause de l’autre si je bois.

Après une découverte de l’alcool à l’adolescence, ou plus tard, dans un contexte convivial, entre pairs, ou pour la recherche de sensations, le passage à l’alcoolo dépendance est mis sur le compte des circonstances (souffrance psychologique, ennui, contrariétés) ou de la génétique...C’est la faute à….

2.2.2 Le mode de consommation Une consommation en groupe

Pour marquer la convivialité : « Bon quand j'avais fini ma tournée j'avais des copains qui

m'appelaient, je passais à la maison, on buvait un coup » (E6), « Je travaillais dans un grand hôtel ibis à Paris, et tous les soirs on avait une petite d'habitude, en débauchant, on allait dans une taverne aux Halles et on faisait la nocturne...et c'était comme ça quoi » (E7).

Une consommation qui devenait progressivement solitaire

L’alcool qui socialise devient l’alcool qui désocialise et qui isole « Mais je consommais, ces

dernières années, je me suis retrouvé tout seul » (E7).

Une consommation uniquement solitaire, cachée

« S’il y avait quelqu'un à la maison, il me tardait que la personne fiche le camp pour prendre ma dose » (E8).

(21)

19 Une consommation par périodes

Avec des moments toxicomaniaques de consommation à outrance : « Parce qu’à Lacanau, je

ne dormais pas, c'était une alcoolisation à outrance, à la bouteille, et là y avait plus d'heure. C'était tout le temps. Parce qu'à partir du moment où je rentre dedans, j'ai du mal à dire stop »

(E11) ; « mais toujours des alcoolisations très rapides : enfin je buvais à la bouteille, je ne

prenais pas le temps de prendre un verre » (E7).

La régularité

Pour certains, l’alcool s’installait de façon sournoise, petit à petit, puis entrait dans les habitudes et devenait une routine, un rituel quotidien : « Mais ce n’était pas compulsif. Non, c'était un

rythme. Tous les jours je buvais comme ça » (E7).

Bien sûr les phénomènes de tolérance s’installaient : « Au début c'était une consommation

normale jusqu'au moment où on augmente, on augmente, on augmente » (E5).

Plusieurs participants insistaient sur le fait qu’ils n’avaient jamais été ivre : « j'ai jamais été

saoul... à me rouler par terre… » (E1)

Le cercle vicieux de l’addiction

Un des participants parlait de périodes où il se sentait forcé à être alcoolisé en permanence pour lutter contre les signes de sevrage : « Mais en fait, c'est un jour on boit, le lendemain on est un

peu mal mais bon on va quand même reboire et le surlendemain comme on commence à trembler, on se dit qu'on va en acheter pour pas trembler. Voilà ça fait un peu boule de neige ! » (E10).

Concernant le type d’alcool, certains consommaient uniquement du vin, parfois de qualité médiocre : « c'est une catastrophe ce que je bois : c'est acide, c’est prrrr…Je dois avoir un

estomac d’autruche, je n'ai aucune remontée d'acide … rien » (E8), mais satisfaisant les

besoins, parce qu’il est bon marché.

D’autres au contraire, consommaient en grande majorité des alcools forts : « Et encore je vous

dirai qu'au début, quand j'ai commencé à vraiment boire, à cause de la voisine, c'était des alcools forts : c'était du whisky » (E8).

Et pour certains, c’était l’escalade des alcools : « Après j'étais au whisky, whisky coca, whisky

alcool à 90… au bout d'un moment les pharmaciens, ils nous interdisaient de leur ramener les consignes. J'avais toujours des consignes sur moi, de flacon d'alcool à 90. On mettait ça dans du coca, ou dans du rosé. Ça fait vraiment mal à l'estomac quoi ! Mais dans le cerveau ça tape aussi » (E10).

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20

Concernant le craving, sa sévérité était variable selon les personnes. Il était défini comme une envie insoutenable de consommer de l’alcool : « c’est vraiment irrépressible » (E4).

Ce craving pouvait être décrit comme quotidien, avec des heures prédisposées : « C'est

vraiment une heure. Quand je regarde des chiffres et des lettres, j'essaie de me retenir. Après y'a d'autres jeux que j'aime moins. Après il y a question pour un champion. Alors là j'ai vraiment besoin, d'avoir un petit peu de vin dans mon verre » (E8) ; « C'est tous les soirs ! Pratiquement à la même heure » (E4). Une fois passée l’heure du craving, l’envie devenait plus

contrôlable : « Si j'ai passé ce cap-là, après 20h30, c'est bon » (E11).

Ce craving pouvait être lié aux habitudes : « Oui. Oui parce que c'est des habitudes. Donc

quand je sors du travail le soir, c'est généralement à ce moment-là, vers 18 19 heures, donc je suis chez moi » (E4) ; ou expliqué par un traumatisme : « Alors en fait j'ai des heures prédisposées à boire de l'alcool. Et ce sont les heures où j'avais l'impression que ma mère m'abandonnait. Non mais j'ai travaillé sur moi il ne faut pas croire ! Je sais d'où ça vient et pourquoi. Donc c'est essentiellement le soir, à partir de 18h30. 18h30 20h30 » (E11).

On passe donc d’une consommation ponctuelle à une consommation plus régulière puis à l’apparition de l’addiction avec l’émergence du craving et des alcools forts.

La description des comportements est précise, la descente, elle, est infernale.

2.2.3 Influence du travail sur la consommation d’alcool

Le travail pouvait influencer vers l’excès ou au contraire vers la modération de la consommation.

En effet, deux participants, avaient une activité professionnelle « à risque de consommer » : l’un était facteur, et l’autre avait travaillé dans la restauration. Ils avaient donc de nombreuses propositions de consommer de l’alcool alors qu’ils effectuaient leur travail : « Et donc

automatiquement, en tant que cuisinier, ils nous offraient pour… Voilà quoi...Un apéro...et quand c'était la fin, on allait au champagne » (E7) ; avec parfois des difficultés à dire non aux

propositions : « ça a commencé, j'étais facteur » (E6) ; « quand j'étais titulaire de ma tournée,

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l'apéritif » (E6), « Y en avait certains, ce n’était pas une obligation, j'avais à refuser moi… »

(E6).

Un autre était aussi au contact assez fréquemment avec des déjeuners d’affaire : « Oui, les

déjeuners business, on traitait les clients, au restaurant. Il fallait choisir le bon vin, et on picolait, on repicolait, on picolait » (E1).

Pour d’autres, c’était l’effet inverse, le travail freinait la consommation : la responsabilité qu’ils avaient au travail les empêchait de consommer pendant ou avant de se rendre au travail : « Et

là, je buvais un peu plus. Mais pas quand je travaillais en fait. Et pas quand je recherchais du travail » (E9).

Le travail exposant au risque de boire ou protégeant du risque de boire.

2.2.4 L’apport de l’alcool Un moyen thérapeutique :

A la suite d’un évènement traumatisant de leur vie : « je me suis réfugiée dans l’alcool » (E4) ; en réponse à une dépression : « tu es en train de faire une dépression. Et j’ai voulu boire » (E5). Boire, pour oublier les problèmes :« l’alcool, on croit que ça va aider à oublier les problèmes » (E10) ; « pendant un moment on oublie les soucis » (E9) ; ou pour s’évader, ne plus penser à rien : « j’étais dans un autre monde, je pensais à mon fils bien sûr » (E8) ; parfois en recherchant l’ivresse : « je consommais de l’alcool pour être ivre » (E7).

Boire, pour échapper à une situation devenue incontrôlable : « c’était l’échappatoire » (E1) ;

« fuir une situation » (E4), « je me suis dit, il n’y a que ça qui va pouvoir me sortir du milieu dans lequel je suis » (E5).

L’alcool est parfois envisagé comme une solution pour répondre aux difficultés : « comme s’il

servait à répondre aux choses » (E4).

L’alcool, par son effet désinhibiteur, apporte de la confiance « parler facilement aux gens » (E10), « j’ai besoin d’alcool pour me donner du courage de faire quelque chose » (E10), « se

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été timide, cela m’aidait à parler aux autres » (E10), et permet de lutter contre un mal être « je buvais énormément parce que je n’étais pas bien dans ma peau » (E7).

Certains étaient à la recherche d’un moyen pour se calmer, s’apaiser : « ça nous apaise…enfin

moi, ça m’apaise » (E8) ; « j’avais une énergie incroyable, et j’ai compris qu’en picolant, ça me calmait » (E1) ; « l’abrutissement » (E1) ; « l’assommoir » (E1) ; ou alors d’un somnifère : « Pour combler quoi ? Il m'empêchera de sortir, m'isolera davantage, mais je dormirai beaucoup plus » (E3).

Un moyen masqué de s’autodétruire

Assimilé à un suicide lent et progressif : « Pour moi c'est peut-être un moyen de mourir

lentement » (E3) ; « on a besoin d'une destruction, qu'on se fait à soi-même » (E7) ; « je pense que quand on boit, ou quand on prend de la drogue, c'est que quelque part, il y a un côté suicidaire morbide » (E7).

Un rôle occupationnel

En réponse à l’ennui : « je m’emmerdais donc je buvais » (E1). L’alcool devenait alors un confort : « c'était un confort, on boit notre petit apéro, on était bien, on boit notre petit vin, on

mange bien, on était bien, voilà » (E2) ; puis une habitude : « C'était devenu une habitude »

(E3) ; un rituel : « c'est le rituel » (E7) ; puis un besoin : « Mais j'ai besoin le soir » (E8) ; « Et

le matin en me levant, il fallait que j’aie ça… » (E5).

Ce rôle occupationnel n’était pas seulement celui d’occuper le temps et l’esprit du buveur, mais aussi de combler un manque psychologique ou affectif : « Et bien ça comble un trou quoi » (E9) ; « pour le premier de l’an j'étais toute seule, parce que je refuse toutes les invitations,

mais ça ne me dérange pas, j'avais mon champagne rosé » (E8) ; « recherche de satisfaction que j'avais pas sur le plan psychologique et affectifs » (E1).

Un rôle festif, social, culturel, gastronomique

Il renforçait la convivialité : « on va prendre un verre quelque part » (E4) ; « quand on reçoit

des amis » (E5) ; « c'était le côté festif. On se retrouvait, allez on trinque ! » (E2).

L’alcool était associé à des moments heureux : « ça m'aidait à parler, à raconter des conneries,

à faire la fête, à faire des festivals, à bouger, à partir avec des copains à droite, à gauche »

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que je rentrais du travail, « tiens, on se prend un petit apéro ». On prenait un petit apéro. « Allez », on trinquait. On était contents ! Pour nous, c'était une petite fête. Et puis c'était tous les soirs, tous les soirs. Un apéro. Après c'était deux apéros. Mais bon, on ne ressentait pas le besoin, le goût de l'alcool, c'était le côté festif. On se retrouvait, allez on trinque ! » (E2).

Il marquait le plaisir d’être ensemble, permettait de marquer les grands évènements : « il y avait

souvent des pots. Et tout y passait quoi : anniversaires, départs, mutations... Alors c'était des pots alcoolisés quoi » (E6).

Elément incontournable de la culture française, il était décrit comme un élément majeur de la gastronomie, accompagnant avec plaisir des bons repas : « Un bon meursault, un vrai, sur les

huîtres », « « Ah tiens, j'ai fait ça à manger, on s'ouvre une bouteille de vin. Un bon vin ! »

(E1).

L’alcool est décrit dans ses utilisations variées, dans la place que les personnes lui donnent dans leur équilibre personnel. L’usage a une fonction.

2.2.5 Les conséquences de la consommation d’alcool. Des conséquences physiques

Les participants décrivaient un affaiblissement, avec des personnes qui poussaient leur corps à bout sur le plan de la fatigue physique, sur le plan biologique, avec bien souvent un bilan sanguin perturbé voire l’apparition de pathologies hépatiques comme une cirrhose.

Si certains participants avaient eu plus tendance à la prise de poids et à l’apparition d’un diabète, d’autre décrivaient une perte de poids importante, avec une anorexie, puisqu’ils finissaient par se nourrir quasi exclusivement d’alcool.

Une personne évoquait le problème de la baisse de la libido, ayant bien sûr des conséquences sur son couple.

Une personne évoquait le problème des conséquences traumatiques liées aux chutes : il avait présenté de multiples fractures (fémur, chevilles, rotules…), sans se souvenir de la manière dont il avait chuté.

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Enfin, la consommation d’alcool avait des conséquences sur l’aspect physique : vieillissement du visage, œdème…

Des conséquences psychologiques

La consommation d’alcool pouvait être à l’origine d’un changement de comportement du sujet

«je n’étais pas dans mon état normal » (E5), comme l’apparition d’une agressivité, un manque

de confiance en soi, ou au contraire un sentiment de toute puissance. La plupart des personnes mettaient en avant l’apparition d’un syndrome dépressif.

La nocivité sociale

L’alcool aggravait les problèmes personnels, la moindre tâche à accomplir devenait difficile. L’alcool pouvait être responsable d’échecs scolaires et professionnels, notamment quand le sujet s’alcoolisait au travail, ou à l’origine d’une perte d’emploi.

Sur le plan sécuritaire, la conduite en état d’ivresse était évoquée par plusieurs sujets interrogés, trois d’entre eux avaient eu un retrait de permis pour conduite en état d’ivresse.

On pouvait observer une diminution des interactions sociales, avec une restriction des activités « Il m'empêchera de sortir, m'isolera davantage » (E3). Les relations avec les proches, notamment parents/enfants, pouvaient se détériorer.

Le sujet ressentait alors de la honte, avait l’impression de faire souffrir son entourage : «je

faisais du mal autour de moi » (E4) ; « Ma mère le sait que j’ai un problème avec l'alcool. D'ailleurs elle se fait suivre par une psychologue pour ça, à cause de moi » (E11) ; et finalement

s’isolait : « je m'excluais volontairement… De la société… » (E4) ; « c'est vrai que je ne

communiquais plus avec ma famille, je disais tout le temps tout va bien… tout va bien … tout va bien. À tout le monde » (E7) ; « Eh bien c'est-à-dire que vous savez, quand vous arrivez à ce stade, vous ne voulait plus bouger, c'est d'ailleurs ce qui se passe actuellement. Et vous n'avez plus envie de tellement voir les gens, vous êtes dans votre petit monde. » (E8).

Bien sûr, la précarité financière n’était pas rare. Sur les 11 patients interrogés, 3 s’étaient déjà retrouvés à la rue ou avaient dû faire appel à une association caritative pour les besoins du quotidien : « Et là je me suis retrouvé à l'Armée du Salut pour pouvoir manger parce que je

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n'avais plus de sous » (E7) ; « J'étais pendant une vingtaine d'années un peu perdu à droite, à gauche, à vagabonder » (E10).

Si l’usage a une fonction, il a aussi des conséquences négatives, sociales, psychologiques et somatiques ; un temps cachées, puis visibles, marquées par la culpabilité et le retrait.

2.2.6 Les principales difficultés relevées lors des périodes d’alcoolisation Des difficultés à cacher leur alcoolisme

Les sujets élaboraient des stratagèmes pour cacher leurs bouteilles ou pour masquer leur consommation à leurs proches : « Alors j'ai essayé de me maquiller, mais… Il me connaît de

trop pour que je cache. Mes enfants c'était pareil, quand ils arrivaient le soir, mon fils me disait : « Mais maman, t’es pas dans ton état normal ! » (E5) ; « Et donc j'ai calculé, si je ne dépassais pas 20 cl de vodka le matin au réveil, ça ne se voit pas. Physiquement et la manière de parler, ça ne se voit pas. Donc c'était ma dose, et c'est ce que je faisais le midi au boulot aussi. Donc je remplissais ma petite bouteille. Par compte si je dépasse 20 cl si je fais 5 cl de plus, c'est mort, ça se voit. J'ai calculé la dose maximale pour pas que ça se voit » (E11) ; « j'ai une voiture avec un double coffre donc je cachais les bouteilles dans le double coffre » (E11).

Une organisation pour ne pas manquer d’alcool

Les sujets exprimaient leur peur de manquer d’alcool : « Parce que on est hyper dépendants de

ça : il faut toujours avoir une bouteille, prévoir, les week-ends, il n’y a pas de magasins ouverts » (E4).

La peur du regard des autres

Plusieurs sujets parlaient de la honte qu’ils ressentaient : « Vous transpirez, vous voyez les gens

qui vous regardent. Ça fait bizarre, ça fait bizarre ce regard-là » (E10) ; notamment quand ils

allaient acheter leurs bouteilles, les obligeant à faire du nomadisme entre les magasins pour ne pas que cela se voit : « j'avais honte d'aller dans le rayon, de passer toujours dans les rayons,

parce que les caméras, ils voient les gens qui passent dans les rayons de vin tout ça… Qu’ils me voient toutes les semaines acheter le vin. Alors j'allais à Leclerc, j'allais à Intermarché, j'allais à super U, comme ça on me voyait moins souvent » (E2) ; « J'allais à carrefour, je me prenais à manger quand même. Pour histoire de dire que je ne prends pas que des bières mais c'est tout » (E10).

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Certains sujets donnaient l’impression d’être esclaves de l’alcool : « non quand on est

là-dedans on ne peut pas résister ni contrôler. Si on a pas quelque chose on est mort et si on n'en a pas il faut aller le chercher en acheter » (E3) ; « Mais c'est vraiment… Ça prend la tête ! »

(E4). On pouvait relever dans leur récit un vocabulaire guerrier chez certains patients : « Là

encore je me bats tous les jours » (E4) ; « Un jour tu batailleras plus ! » (E5) ; « c'est en fait plus fort que nous » (E4).

Cacher sa consommation et l’alcool, prévoir pour ne pas manquer, le regard des autres, devenir esclave (addictus).

2.2.7 Leur image de l’alcool Problème d’un alcool légitimé

L’alcool était décrit par les participants comme non seulement inscrit dans la culture française :

« Même si dans notre culture l'alcool ça toujours été, comme aux États-Unis les armes, on a une culture de boissons, d'alcool, festif, on a toujours été comme ça » (E7) ; mais aussi légitimé

par la science et les scientifiques : « Comme disait Pasteur « le vin est la plus saine des boissons

» ! Le vin au moins, contrairement à l'eau, on en connaissait l'origine et le traitement » (E1).

Un problème de santé publique

L’alcool était décrit comme un fléau, un problème de société et de santé publique : « Parce que

l'alcool, moi on m'avait dit que c'était la première cause de décès en France. Que ce soit par accident de voiture, par machin, par truc… » (E7).

L’alcoolisation des jeunes était évoquée par plusieurs sujets interrogés : « Et je pense que je ne

suis pas la seule et que ça va être de pire en pire. Quand je vois les jeunes maintenant, quand ils font les soirées et qu’ils se mettent dans des états pas possibles, j'en suis malade. Donc je pense que mon problème à moi à 51 ans va devenir un problème de société. Comment vous pouvez les arrêter ? Comme on peut arrêter ? Et vous croyez que les jeunes écoutent ? » (E5).

Pour l’un des sujets, la politique de santé publique sur l’alcool était insuffisante, il existait un manque de sensibilisation aux conséquences de l’alcoolo dépendance. Il pensait que l’on devrait parler plus de ce sujet et interdire les publicités sur l’alcool : « on interdit la publicité de la

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cigarette, on devrait interdire la pub de l'alcool. C'est vrai que quand on part en vacances, quand on allume la radio, tout l'été, c'est des pubs pour les apéros, le Ricard… » (E7).

Plusieurs sujets faisaient l’analogie entre la drogue, le tabac, l’alcool. Pour eux, ces trois substances avaient même niveau de dangerosité : « C'est comme la cigarette ou la drogue » (E5), « une drogue en vente libre » (E10).

Une maladie chronique

Les troubles de l’usage d’alcool et notamment la dépendance étaient qualifiés par plusieurs patients comme « un fardeau », qui « amène les gens plus bas que terre » (E4), une maladie chronique dont on ne guéri jamais vraiment : « Parce que je considère ça comme une maladie,

et c'est une maladie qu'on peut pas soigner… » (E5) ; « on a une espèce d'épée de Damoclès toujours au-dessus de la tête » (E4) ; « je vous avoue c'est une maladie qui est très, très, très, très dure. Ce n’est pas facile. J'en suis consciente » (E5).

Regard critique sur les alcooliques

Certains avaient d’ailleurs un regard très critique sur les alcooliques : « ils me dégoûtent ces

gens-là. Ils me font peur, ils peuvent être violent » (E2) ; « les gens qui boivent, même quand je buvais, me font peur » (E2) ; et pouvaient exprimer des regrets : « Donc moi j'aurais effectivement aimé que ça n'arrive jamais » (E4).

Un refuge

D’autres voyaient l’alcool comme un refuge, et avaient un avis moins sévère quant à la dangerosité de l’alcool. Pour eux notamment, le vin n’était pas considéré comme aussi dangereux que les autres alcools, il y avait une différence entre le vin et les alcools forts.

Les représentations sont diverses selon les personnes et ambivalentes entre légitimité sociale, notamment du vin, et les conséquences négatives des consommations excessives.

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2.3 Les co-addictions

Les sujets interrogés avaient tous présenté une addiction au tabac. Certains étaient sevrés, d’autres souhaitaient se sevrer mais pensaient que ce n’était pas le bon moment, et d’autres encore étaient en train de diminuer.

Trois sujets avaient présenté une addiction au cannabis, deux avaient réussi à se sevrer, le dernier continuait de fumer de façon épisodique.

Quatre sujets avaient eu des expériences avec d’autres drogues dures, dont un qui avait présenté une dépendance à la cocaïne mais était actuellement sevré.

Plusieurs patients étaient toujours sous benzodiazépines.

2.4 Co existence de troubles psychiatriques

Parmi les patients interrogés, plusieurs avaient fait appel à un psychiatre avant de prendre en charge leur addiction, certains reconnaissaient qu’ils souffraient d’un syndrome dépressif ou de troubles bipolaires. Plusieurs d’entre eux avaient un traitement anti dépresseur.

Un des patients avait présenté un trouble alimentaire dans l’enfance.

3. L’abstinence : ce qu’en disent les patients

3.1 L’abstinence : un idéal

3.1.1 L’abstinence est globalement envisagée comme la meilleure des solutions

Quand nous demandions aux sujets ce qu’ils pensaient de l’abstinence, les réponses étaient pratiquement toutes orientées vers l’idée que c’était le meilleur des objectifs envisageables.

Pour les sujets abstinents, cet objectif était défini comme une évidence : « Ah oui c'était clair,

abstinence complète ! » (E5) ; voire le seul objectif possible pour certains : « je ne suis pas sûr de pouvoir faire autrement » (E11).

Une personne parlait du « tout ou rien » (E3) : pour elle, il n’y avait pas d’entre-deux possible dans l’alcoolisme, ni dans son traitement.

Pour un des participants, l’abstinence était un but fortement envisagé car associé à la sagesse :

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(E11). Pour un autre, cet objectif était le seul possible pour ne pas être tenté de replonger, en opposition avec la réduction contrôlée : « j'arrête complètement sinon j'allais reprendre et je

n'allais pas me sentir bien » (E5).

Les sujets qui n’avaient pas atteint l’objectif d’abstinence envisageaient quand même cet objectif de soin comme « la meilleure des solutions » (E4). Pour eux, c’était un souhait : « Mais

pour moi, j'aimerais bien… Être abstinent » (E9) ; « Je ne sais pas si je pourrais y arriver. Je ne sais pas honnêtement. J'aimerais bien » (E8) ; « oh sincèrement je préfère arrêter complètement » (E10).

3.1.2 Un objectif pour se sentir mieux

Pour les patients abstinents, cet objectif permettait de renforcer l’estime de soi, car il permettait de prouver à son entourage qu’ils étaient capables d’arrêter : « Mais c'était surtout pour prouver

aux autres que je pouvais ne plus boire, et je pense que c'est par rapport à l'entourage… » (E7).

Pour une des participantes, qui était en réduction contrôlée mais qui souhaitait être abstinente, l’abstinence était envisagée comme un objectif libératoire, qui permettait de ne : « plus avoir

cette prise de tête » (E4) ; car, comme elle le disait : « dans la vie on est vachement plus heureux quand on est libre » (E4).

3.1.3 Pour certains, l’abstinence est un but possible, mais non nécessaire

Pour un participant abstinent, l’abstinence était « dommage » (E1), car c’était s’empêcher de se faire plaisir avec des bons vins de temps en temps : « Je me suis dit : mais c'est ça la solution !

Plutôt que de s'abstenir complètement, c'est dommage, puisqu’il y a quand même certains vins qui valent la peine, il faut se faire plaisir » (E1).

Un autre patient en réduction contrôlée, était attaché à son vin de table. Pour lui, l’abstinence était possible mais il ne souhaitait pas se passer de cette habitude : « Qu'en pensez-vous ? : Pour

moi c'est faisable, puisque je prends, j'ai du Perrier, pour l'après-midi. Bon le Perrier c'est fade, moi j'aime bien qu’il y ait un peu de goût. Maintenant je me suis mis à boire de la tourtel sans alcool mais parfumée au citron framboise… Et alors l'été je ne bois que ça. Le vin, je prends mon verre de vin…j’ai mes deux verres par repas, j’y suis habitué » (E6).

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3.1.4 Mais pour les non abstinents, la mise en application restait difficile

Pour plusieurs participants en réduction contrôlée, l’abstinence était difficile à envisager en pratique, car ils ne s’en sentaient pas capables : « Je ne sais pas si je pourrais y arriver » (E8) ;

« Il faudrait vraiment que j'arrive à zéro, et c'est dur » (E4) ; « malheureusement, je vais pas dire que ça a échoué mais pour le moment je n'ai pas le zéro » (E4).

C’était un objectif qui nécessitait un « mental d’acier » (E4).

De plus, certains avaient peur du manque qu’entrainerait l’abstinence : « Donc là je pense que

ça serait… Il me manquerait quelque chose » (E8). Ils avaient besoin d’envisager de remplacer

l’alcool par autre chose : « remplacer par quoi ? J'ai horreur des apéritifs sans alcool parce

que c'est très sucré, j'ai horreur du sucre. Alors ce n’est pas que j'ai pas pensé à quelque chose, mais je n'aime pas le sucre. C'est vraiment un problème ! » (E8).

Pour les sujets qui présentaient un craving important ou régulier, l’abstinence était difficile à envisager à cause de ce craving, parce que cela nécessitait de dépasser le craving : « Parce

qu'un moment donné c'est vraiment, vraiment plus fort que nous ! Donc même si on ne veut pas, le corps réclame tellement, Il a tellement la mémoire, que dès que vous buvez, cela envoie le signal au cerveau et il dit : « j'en veux, j'en veux, j'en veux ! ». Donc je souhaiterais passer cette étape-là, pour arriver à zéro » (E4).

Un sujet expliquait que l’abstinence n’était possible que si on arrivait à trouver l’origine de son alcoolisation : « J'essaye toujours de m’abstenir, de chercher les problèmes, d'où ça vient » (E10).

Enfin pour certains, la peur de la rechute était un frein à s’engager dans une démarche d’abstinence : « Parce qu’il y a un moment, quand on ne boit plus, on arrête oui mais la rechute

elle est… terrible ! » (E9).

Du coup pour eux, l’abstinence était un but qui ne pouvait s’envisager que par étape, en commençant d’abord par la réduction contrôlée : « Non mais boire modérément…Déjà je me

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L’abstinence : un objectif idéalisé, voire incontournable pour certains.

L’abstinence pour prouver aux autres, pour se libérer. Mais aussi, le sacrifice d’un plaisir, pas toujours nécessaire.

La réduction contrôlée comme une étape intermédiaire et rassurante vers une éventuelle abstinence ?

3.2 En pratique : comment l’abstinence est-elle vécue ?

3.2.1 Les bénéfices de l’abstinence Un bien-être physique et psychologique

Les sujets abstinents se décrivaient dans un état de bien-être, se sentaient beaucoup mieux. Certains expliquaient qu’ils avaient retrouvé une énergie qui leur donnait envie de refaire des choses : « on a envie de faire des choses, de visiter des musées, de se promener » (E10) ; « C'est

vrai que je reprends goût à certaines choses. À des choses que j'avais mis de côté » (E3) ; et

avaient des projets pour l’avenir.

Ils éprouvaient un sentiment de liberté et de fierté : « Maintenant j'ai plus cette prise de tête » (E3) ; « Je sors quand je veux, je prends la voiture, j'ai plus cette crainte, d'avoir peur de me

faire arrêter » (E2) ; « Je suis fière de moi » (E5) ; « Non on m’a dit que j'avais vachement évolué, et je suis fière de moi, de ce que je fais là maintenant » (E5).

Certains avaient une vision plus positive d’eux même, et éprouvaient un sentiment de victoire : « Parce que c'est une victoire » (E1).

Ce sentiment de bien-être était aussi partagé par leur entourage : « un bien-être, surtout pour

mon entourage » (E7).

Sur le plan du physique et de la santé, les patients abstinents ressentaient un changement, se sentaient en forme : « je suis en forme, tenez-vous bien ! » (E1) ; « Ah ouais, tu as bonne mine

! » (E1) ; ils avaient perdu du poids et souhaitaient prendre soin de leur corps, en faisant du

sport par exemple : « On fait du sport. Puisque comme on a maigri, on se muscle, moi je vais à

l'école à pied » (E2). Les marques physiques de l’alcoolisation avaient un disparu chez certains

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32 Les relations avec les proches

Certains sujets abstinents avaient remarqué des changements avec leur famille depuis qu’ils étaient abstinents : la famille était heureuse de cette décision, les enfants venaient plus les voir :

« Ils viennent plus. Mon fils vient plus. Il me dit « tu m'invites et je viens » (E5).

Ceux qui n’avaient pas de contact avec leur famille avaient quand même l’impression que leurs relations avec leurs proches (voisins, amis) s’étaient améliorées : « De toute façon je pense que

ce qui a changé, c'est les relations avec les autres. Parce qu'avant, je n’en avais pas » (E7).

L’aspect financier

Plusieurs sujets étaient contents des économies réalisées depuis qu’ils étaient abstinents : «

l'argent de l'alcool qu'on a pas bu, il va partir dans des voyages » (E2).

Phénomène de suppression

Certains participants abstinents décrivaient un mécanisme de suppression et d’élimination de l’envie de consommer de l’alcool. L’un décrivait même un « deuil » : « Puisque y'a eu un effet

d'élimination. Évaporation de l'alcool » (E1). En opposition à la liberté, ce même patient se

décrivait « prisonnier du bien ».

3.2.2 Les inconvénients de l’abstinence

L’abstinence nécessite de rompre avec l’environnement nocif

Plusieurs sujets qui avaient un trouble de l’usage d’alcool sévère, expliquaient qu’ils n’avaient pu être abstinent qu’à la suite d’une rupture avec leur environnement : « Donc après je suis

parti de la Drôme. Et quand je suis revenu ici, j'ai habité chez mes parents. Et donc depuis que je suis rentré, je ne bois plus » (E7).

L’abstinence peut aggraver l’isolement

Un participant, pour qui l’état de désinhibition apporté par l’alcool était important, expliquait qu’il était plus difficile pour lui d’aller vers les autres en étant abstinent. Il avait l’habitude d’être dans la rue, de voir du monde et de boire avec eux.

L’abstinence signifiait pour lui un repli sur soi-même : « Et aller voir les gens à jeun... moi je

(35)

33 L’abstinence : un frein à la fête

Un des participants ayant été abstinent plusieurs années, supposait que certains moments festifs ne pouvaient pas se faire sans alcool. « Moi je suis déjà allé en boîte sans boire, et bien ce n’est

pas pareil. Je l'ai fait plusieurs fois. Des soirées aussi : c’est pas pareil » (E9).

L’abstinence : un objectif fragile

L’abstinence était quand même décrite comme un objectif difficile, et fragile : « Et on ne sait

pas, il peut avoir des contretemps, comme le décès de ma maman, il peut y avoir des événements, qui vont arriver qui vont faire que je peux craquer » (E5) ; « Au niveau des courses je me suis imposée de ne pas y aller seul. On fait des courses maintenant le samedi avec mon mari. Ce n’est pas qu'on évite le rayon parce qu'on achète des bières pour notre fils … Mais je ne veux pas aller toute seule parce que je suis encore fragile au bout de deux ans de dire que : si j'y vais toute seule est-ce que je suis capable de sortir de ce rayon d'alcool ? est-ce que si j'y passe j’aurai envie ? Donc je ne peux pas y aller seule » (E5).

Nécessité d’être occupé

De façon involontaire, il était mis en avant par les participants, que le fait d’être occupé et notamment de travailler rendait l’objectif d’abstinence plus réalisable : « Ça m'a un peu fait

réfléchir, après j'ai arrêté trois ans et demi, sans boire une goutte, j'avais retrouvé un boulot »

(E9).

Longue amélioration du craving

Concernant le craving, même en étant abstinent, l’amélioration et la disparition du craving n’était que très progressive : « Donc là depuis six-sept mois, le craving est beaucoup, beaucoup

moins fort. Il s'atténue » (E5). D’où la nécessité de continuer à anticiper et à s’occuper pour

faire face au craving.

3.2.3 Autres conséquences de l’abstinence Changer ses habitudes

Les sujets devaient changer leurs habitudes, notamment culinaires : « Parce que là du coup,

par exemple pour les repas de famille, il faut faire attention à tout. Même ma sœur ne fait plus de plats en sauce à base de vin. J’ai mon Champomy… » (E4) ; et faire face au manque physique

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