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3. L’abstinence : ce qu’en disent les patients

3.2 En pratique : comment l’abstinence est-elle vécue ?

3.2.1 Les bénéfices de l’abstinence Un bien-être physique et psychologique

Les sujets abstinents se décrivaient dans un état de bien-être, se sentaient beaucoup mieux. Certains expliquaient qu’ils avaient retrouvé une énergie qui leur donnait envie de refaire des choses : « on a envie de faire des choses, de visiter des musées, de se promener » (E10) ; « C'est

vrai que je reprends goût à certaines choses. À des choses que j'avais mis de côté » (E3) ; et

avaient des projets pour l’avenir.

Ils éprouvaient un sentiment de liberté et de fierté : « Maintenant j'ai plus cette prise de tête » (E3) ; « Je sors quand je veux, je prends la voiture, j'ai plus cette crainte, d'avoir peur de me

faire arrêter » (E2) ; « Je suis fière de moi » (E5) ; « Non on m’a dit que j'avais vachement évolué, et je suis fière de moi, de ce que je fais là maintenant » (E5).

Certains avaient une vision plus positive d’eux même, et éprouvaient un sentiment de victoire : « Parce que c'est une victoire » (E1).

Ce sentiment de bien-être était aussi partagé par leur entourage : « un bien-être, surtout pour

mon entourage » (E7).

Sur le plan du physique et de la santé, les patients abstinents ressentaient un changement, se sentaient en forme : « je suis en forme, tenez-vous bien ! » (E1) ; « Ah ouais, tu as bonne mine

! » (E1) ; ils avaient perdu du poids et souhaitaient prendre soin de leur corps, en faisant du

sport par exemple : « On fait du sport. Puisque comme on a maigri, on se muscle, moi je vais à

l'école à pied » (E2). Les marques physiques de l’alcoolisation avaient un disparu chez certains

32 Les relations avec les proches

Certains sujets abstinents avaient remarqué des changements avec leur famille depuis qu’ils étaient abstinents : la famille était heureuse de cette décision, les enfants venaient plus les voir :

« Ils viennent plus. Mon fils vient plus. Il me dit « tu m'invites et je viens » (E5).

Ceux qui n’avaient pas de contact avec leur famille avaient quand même l’impression que leurs relations avec leurs proches (voisins, amis) s’étaient améliorées : « De toute façon je pense que

ce qui a changé, c'est les relations avec les autres. Parce qu'avant, je n’en avais pas » (E7).

L’aspect financier

Plusieurs sujets étaient contents des économies réalisées depuis qu’ils étaient abstinents : «

l'argent de l'alcool qu'on a pas bu, il va partir dans des voyages » (E2).

Phénomène de suppression

Certains participants abstinents décrivaient un mécanisme de suppression et d’élimination de l’envie de consommer de l’alcool. L’un décrivait même un « deuil » : « Puisque y'a eu un effet

d'élimination. Évaporation de l'alcool » (E1). En opposition à la liberté, ce même patient se

décrivait « prisonnier du bien ».

3.2.2 Les inconvénients de l’abstinence

L’abstinence nécessite de rompre avec l’environnement nocif

Plusieurs sujets qui avaient un trouble de l’usage d’alcool sévère, expliquaient qu’ils n’avaient pu être abstinent qu’à la suite d’une rupture avec leur environnement : « Donc après je suis

parti de la Drôme. Et quand je suis revenu ici, j'ai habité chez mes parents. Et donc depuis que je suis rentré, je ne bois plus » (E7).

L’abstinence peut aggraver l’isolement

Un participant, pour qui l’état de désinhibition apporté par l’alcool était important, expliquait qu’il était plus difficile pour lui d’aller vers les autres en étant abstinent. Il avait l’habitude d’être dans la rue, de voir du monde et de boire avec eux.

L’abstinence signifiait pour lui un repli sur soi-même : « Et aller voir les gens à jeun... moi je

33 L’abstinence : un frein à la fête

Un des participants ayant été abstinent plusieurs années, supposait que certains moments festifs ne pouvaient pas se faire sans alcool. « Moi je suis déjà allé en boîte sans boire, et bien ce n’est

pas pareil. Je l'ai fait plusieurs fois. Des soirées aussi : c’est pas pareil » (E9).

L’abstinence : un objectif fragile

L’abstinence était quand même décrite comme un objectif difficile, et fragile : « Et on ne sait

pas, il peut avoir des contretemps, comme le décès de ma maman, il peut y avoir des événements, qui vont arriver qui vont faire que je peux craquer » (E5) ; « Au niveau des courses je me suis imposée de ne pas y aller seul. On fait des courses maintenant le samedi avec mon mari. Ce n’est pas qu'on évite le rayon parce qu'on achète des bières pour notre fils … Mais je ne veux pas aller toute seule parce que je suis encore fragile au bout de deux ans de dire que : si j'y vais toute seule est-ce que je suis capable de sortir de ce rayon d'alcool ? est-ce que si j'y passe j’aurai envie ? Donc je ne peux pas y aller seule » (E5).

Nécessité d’être occupé

De façon involontaire, il était mis en avant par les participants, que le fait d’être occupé et notamment de travailler rendait l’objectif d’abstinence plus réalisable : « Ça m'a un peu fait

réfléchir, après j'ai arrêté trois ans et demi, sans boire une goutte, j'avais retrouvé un boulot »

(E9).

Longue amélioration du craving

Concernant le craving, même en étant abstinent, l’amélioration et la disparition du craving n’était que très progressive : « Donc là depuis six-sept mois, le craving est beaucoup, beaucoup

moins fort. Il s'atténue » (E5). D’où la nécessité de continuer à anticiper et à s’occuper pour

faire face au craving.

3.2.3 Autres conséquences de l’abstinence Changer ses habitudes

Les sujets devaient changer leurs habitudes, notamment culinaires : « Parce que là du coup,

par exemple pour les repas de famille, il faut faire attention à tout. Même ma sœur ne fait plus de plats en sauce à base de vin. J’ai mon Champomy… » (E4) ; et faire face au manque physique

34 Substituer l’alcool par autre chose

Pour beaucoup, il y avait un besoin de substituer l’alcool par une autre boisson : « Par exemple

le jus de tomate je le bois puis ça va mieux » (E2) ; « j'ai du Perrier, pour l'après-midi. Bon le Perrier c'est fade, moi j'aime bien qu’il y ait un peu de goût. Maintenant je me suis mis à boire de la tourtel sans alcool mais parfumée au citron framboise… » (E6).

Substituer une addiction par une autre

Parfois une addiction pouvait être remplacée par une autre. Par exemple, un des sujets expliquait être abstinent en alcool, mais l’avoir remplacé par une dépendance aux benzodiazépines : « Eh

bien je me sens bien. Je prends mes petits valium le matin. Ou en après-midi ou le soir ou deux le soir. Je me sens bien. » (E7).

L’abstinence peut couper le lien avec certaines personnes, peut voir revenir la timidité. Elle est fragile et difficile, plus facile si on est occupé, d’autant plus que le craving est long à s’atténuer.

L’abstinence valorise, permet de renouer des liens, fait du bien. Substituer l’alcool par autre chose et parfois par une autre addiction.

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4. La réduction contrôlée de la consommation d’alcool : ce qu’en