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6. Les étapes de la démarche de soin

6.4 Le maintien de l’objectif de soin

6.4 1 Maintien de l’abstinence

Les déterminants du maintien de l’abstinence :

La détermination, et la motivation étaient capitaux pour maintenir l’engagement d’abstinence :

« Mais non non, non, non, je ne veux pas replonger ! Je m'en fous, je préfère prendre le vélo, courir, m’essouffler, ne pas pouvoir respirer mais je ne retomberai pas. Il est hors de question »

(E5) ; « des fois dans ma tête, je me dirais bien : « je prendrais bien une bouteille pour être

sous ». Mais non. Quelque part dans ma tête, y'a quelque chose qui me dit non » (E7).

Ce maintien de l’abstinence n’était possible que si le sujet faisait une rupture avec son environnement antérieur : « Et j'ai quitté Paris justement pour éviter de rencontrer des gens

que je connaissais. Parce que à chaque fois que j'allais à un endroit, je connaissais du monde : « tiens tu veux une bière, tac tac » et c'est reparti » (E10). C’est bien souvent pour cela que

l’abstinence semblait facile en institution, plus difficile lorsque les sujets retournaient à leurs habitudes.

Les sujets avaient besoin d’affirmer leur changement de comportement à leurs proches, ce qui permettait d’obtenir leur soutien et de renforcer le maintien de l’abstinence par la pression du groupe et le désir ne pas les décevoir : « J'ai une chance énorme parce que j'ai ma famille qui

me soutient j'ai mes amis qui me soutiennent » (E5) ; « Vu tout ce qui était mis en place pour que je m'en sorte je n'ai pas le droit de décevoir mes amis » (E4).

Ils pouvaient aussi compter sur le soutien apporté par les associations néphalistes : « Mais c'est

le soir le problème. Alors j'ai trouvé une alternative. À l'hôpital du Bouscat, ils nous ont parlé des associations : les alcooliques anonymes et vie libre. J'ai tout leur planning. Il se trouve que c'est le soir à 20h à Pey Berland. Donc le lundi soir je sais déjà ce que je vais faire. Je vais aller là-bas » (E11).

Pour renforcer leur motivation, les sujets essayaient de s’appuyer sur des progrès tangibles, et de faire du renforcement positif : « Je suis fier de moi. Ma famille sont contents pour moi, tout

ça, ça me motive » (E7) ; « Et puis à chaque fois il disait : « mais c'est bien ! Ce n’est pas mal ! Vous allez voir, votre foie va redevenir normal, et puis après votre cœur fera le même chemin »

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Enfin plusieurs sujets insistaient sur la nécessité d’un suivi médical intense pour garantir le maintien de l’abstinence.

Les difficultés liées au maintien de l’abstinence

Les personnes exprimaient des difficultés pour lutter contre les habitudes liées à la consommation d’alcool : « Donc pour moi, piscine était lié pendant ce temps-là, à l'alcool. Et

donc les deux mercredis ou je suis allé à la piscine, je dois avouer que j'ai pensé, que j'ai fait la relation entre piscine et apéro. J'ai résisté mais j'y ai pensé ! » (E11).

L’envie d’alcool pouvait persister, ainsi que le craving. Les sujets expliquaient qu’il fallait réussir à lutter contre la frustration : « le midi, on a mangé au resto. J'ai voulu prendre un petit

verre de rosé et finalement non. J'ai pris un Perrier. Là j’ai ressenti un peu de frustration quand même. Parce que c'était avant le repas. Et puis j'ai commencé à manger, j'ai goûté le Perrier et j'ai oublié le rosé. Non ça s'est bien passé ! Mais je reconnais que j'ai eu un sentiment de frustration. » (E11).

L’objectif étant de perdre l’envie de boire et le besoin de boire, il faut réussir à lutter contre l’envie d’acheter de l’alcool et l’envie de le goûter, oublier le goût de l’alcool : « Si j'avais du

whisky je pense que j'en aurai repris. Mais je n’en ai pas, j'en achète plus » (E3).

Le maintien de l’abstinence était plus difficile lors des périodes de solitude : « Mais c'est une

fois que je suis à la maison…oui en fait c'est la solitude qui m'a amené à cette situation, et au lieu de m'en sortir j'y reste encore » (E4).

6.4.2 Maintien de la réduction contrôlée de la consommation d’alcool Les déterminants du maintien de la réduction contrôlée

Les sujets qui avaient pour objectif la réduction contrôlée de la consommation d’alcool, pensaient qu’il était capital, pour maintenir l’objectif, d’être suivi par une équipe d’addictologie ou par son médecin traitant : « Oui, avant que le dossier passe ici je me limitais… J'allais voir

Elsa toutes les semaines » (E10).

Les associations néphalistes pouvaient apporter un soutien supplémentaire : « Après je suis

dans une association, l'association « vie libre », sur Lormont, ou j'y vais toutes les semaines. Pour discuter de tout ça. Donc au début où je suis arrivé j'étais la nouvelle arrivée donc c'est

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vrai que j'avais l'attention qui était plus porté sur moi. Je vois que l'on s'entraide beaucoup, quand j'ai besoin d'appeler je peux appeler, il y en a qui prennent des nouvelles, c'est bien comme association ! » (E4).

Comme pour le maintien de l’abstinence, les patients pensaient qu’il était important de mettre au courant leurs proches pour affirmer leur changement de comportement et avoir leur soutien :

« Parce qu'il faut savoir les mettre au courant les gens, de notre problème… » (E10) ; « Et je lui ai dit la vérité […] Et il m'a dit : « tu sais tu es extrêmement courageux je trouve. Je te félicite ! » et il m'a dit : « y en a plein là-bas qui devraient suivre ton exemple » (E11) ; « Je suis encore plus proche de ma sœur, et de ma famille parce qu'elle me soutient » (E4) ; « Mais ce qu'il y a de bien, en fait je le sais surtout depuis deux ans, c'est que j'ai été tellement tellement, tellement, soutenue » (E5).

Il était aussi important d’éliminer les personnes nocives autours de soi : « À oui moi oui. Après

il faut faire le tri dans les amis, parce qu'il y en a ce n’est pas… Je vous dis ils sont dans le déni, ils ne veulent pas l'admettre. Il y en a ils feraient bien de venir aussi ! Mais ceux-là, faut les éliminer. Parce qu’autrement, on n'y arrivera jamais » (E10).

Les difficultés rencontrées dans le maintien de la réduction contrôlée

La plus grande difficulté exprimée par les patients était l’auto limite : réussir à boire avec modération, savoir résister aux tentations : « Après il faut savoir qu'il y en a qui vont consommer

à côté de nous, qu'il y aura des bars…enfin voilà on arrête de fumer y'a des gens qui vont fumer à côté de nous… » (E10).

Cette limite était d’autant plus difficile lors des périodes d’ennui, de solitude, et selon l’humeur du sujet (déprime, tristesse…) : « Bah c'est vrai que on rentre tout seul à la maison, des fois on

a un peu le cafard, après c'est suivant les envies aussi. Après moi ça peut m'arriver d'aller au bar et boire un jus d'orange. Ou bien me dire de manger ça, faut pas trop que je boive donc je prends qu’un verre ou deux » (E10).

Cette difficulté à maintenir la réduction contrôlée était aussi liée au craving : « On a toujours

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La rupture avec un environnement nocif, le changement des habitudes, le soutien des proches et des associations, le renforcement de la motivation, favorisent le maintien de l’abstinence et de la réduction contrôlée. La difficulté réside dans la lutte contre le craving, et dans l’auto limite (pour la réduction contrôlée).