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A la lecture des résultats, nous avions l’impression que la réduction contrôlée n’était pas décrite par les patients comme le meilleur objectif souhaitable.

Cependant, plusieurs études ont montré qu’une majorité de patients préféraient choisir comme premier objectif de traitement, la réduction contrôlée (5) (17). Cet élément était moins mis en valeur dans notre étude, car nous avions l’impression que les patients auraient aimé choisir l’abstinence mais ils ne s’en sentaient pas capables, ou bien ils n’y arrivaient pas. La réduction contrôlée constituerait donc un objectif pragmatique et intermédiaire.

La politique de santé publique proposée par l’OMS en 2010 (18) est en faveur de stratégies visant à réduire les dommages liés à la consommation nocive de l’alcool. Les dernières

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recommandations de bonnes pratiques sur le mésusage de l’alcool de la Société Française d’Alcoologie (SFA) (1) vont clairement dans le sens de la réduction des risques et des dommages. La réduction contrôlée s’inscrit donc dans cette politique de santé publique et est d’ailleurs acceptée par une majorité de spécialistes français (près de la moitié d’entre eux) (5).

La décision de cet objectif de soin est souvent une décision partagée entre le patient et le professionnel de santé qui l’accompagne.

Parfois, nous avons pu mettre en évidence que cet objectif de soin était imposé par le médecin : il donnait la possibilité au patient qui n’était pas prêt à l’abstinence, et qui n’avait par ailleurs pas envisagé de se soigner, de s’engager dans une démarche de soin, en réduisant sa consommation dans un but de réduction des risques et des dommages.

Notre étude n’a pas permis de juger de l’efficacité du nalmefène et du baclofène quant à la lutte contre le craving : certains participants avaient l’impression que cela les avait aidé, d’autres pas. Cependant, elle a pu montrer que l’existence de ces traitements et leur prescription pouvait être un moyen pour le médecin d’aller chercher le patient et de l’amener vers la démarche de soin : il s’agissait notamment des patients qui n’étaient pas prêt à renoncer à l’alcool, et qui recherchaient dans le traitement médicamenteux une aide, une sécurité.

Une étude de 2017 sur l’efficacité de la réduction des risques et des dommages liés à l’alcoolo dépendance (19) montrait qu’en dépit des conséquences néfastes de l’alcool sur les aspects socio-économiques et sur la morbi mortalité, de nombreuses personnes souffrant de mésusage sévère en alcool n’étaient toujours pas prises en charge. Or, une augmentation de couverture, par un traitement pharmacologique, induirait en France une réduction non négligeable de la mortalité liée à l’alcool (diminution de 1311 morts par an si on augmente de 40% la couverture des français alcoolo dépendants par un traitement pharmacologique (20)).

Les effets indésirables des traitements par baclofène et nalmefène paraissaient survenir dans l’étude de manière aléatoire et fluctuante : certains participants avaient eu des effets indésirables à la première prescription de ces traitements qui ne s’étaient pas reproduits lors d’une prescription ultérieure.

Notre étude a aussi permis de montrer que l’objectif de réduction contrôlée paraissait plus facile et plus rapide à mettre en place que l’abstinence, et pouvait être organisé en ambulatoire, par le médecin traitant.

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Il semble que les difficultés liées au maintien de la réduction contrôlée soient similaires aux problèmes rencontrés pour l’abstinence : nécessité de rompre avec son environnement antérieur nocif, détermination, motivation. Cependant, une difficulté supplémentaire a été mise en évidence par les participants : l’auto limite. En effet, les participants expliquaient qu’il était parfois difficile de se modérer. D’autre part, ils avaient l’impression que le fait de continuer à boire, même en quantité raisonnable, entretenait le craving, et donc par extension la dépendance.

Comme pour l’abstinence, nous avons repris les items du questionnaire AQoLS afin de déterminer l’impact de la réduction contrôlée sur la qualité de vie :

• Sur le plan des activités : les participants avaient retrouvé certaines activités, mettaient l’accent sur le fait de ne plus « avoir la gueule de bois », et retrouvaient de la sérénité dans la réalisation de leurs activités habituelles.

• Sur le plan relationnel : la réduction contrôlée permettait de préserver la convivialité. Le fait d’avoir pris la décision d’avoir une consommation « raisonnée » renforçait les liens familiaux pour une des participantes.

• S’occuper de soi : non évoqué

• Sur le plan émotionnel : les participants se sentaient mieux, moins énervés, moins tristes. En revanche, certains ne se sentaient pas à l’aise avec cet objectif et espéraient réussir à être abstinents.

• Sur les conditions de vie : non évoqué

• Le sentiment de contrôle : les participants ressentaient des difficultés à gérer l’auto limite, et avaient l’impression que le craving était entretenu.

• Le sommeil : une participante décrivait des troubles du sommeil depuis qu’elle avait modéré sa consommation d’alcool.

Concernant la réduction des dommages, plusieurs études ont été réalisées sur l’impact de la réduction contrôlée sur la morbi mortalité imputable à l’alcool (21). La morbi mortalité, toutes causes confondues, est d’augmentation exponentielle à partir d’une consommation quotidienne moyenne de 10G/jour d’alcool, avec une accélération dans les niveaux les plus élevés. La réduction de la consommation d’alcool entrainait une réduction de la mortalité (22). Enfin une corrélation significative a été mise en évidence entre le niveau de réduction de la consommation d’alcool et l’amélioration de la qualité de vie dans plusieurs domaines, et avec plusieurs échelles de mesure (15) (23).

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On peut dire que la réduction contrôlée a un impact positif sur la qualité de vie pour quelques items et permet de réduire les dommages liés à l’alcool. En revanche, pour certains patients, cela ne leur permet pas de se sentir libérés et de tourner la page sur l’addiction.

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