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La transmission du conte de folklore comme fonction du niveau de développement intellectuel et du mode de présentation

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(1)

FACULTE DES SCIENCES SOCIALES

THESE PRESENTEE

A L'ECOLE DES GRADUES DE L’UNIVERSITE LAVAL COMME EXIGENCE PARTIELLE

POUR L'OBTENTION

DU GRADE DE MAITRE ES PSYCHOLOGIE PAR

VIVIAN LABRIE-BOUTHILLIER BACHELIERE ES PSYCHOLOGIE

DE L'UNIVERSITE LAVAL

IA TRANSMISSION DU CONTE DE FOLKLORE COMME FONCTION

DU NIVEAU DE DEVELOPPEMENT INTELLECTUEL ET DU MODE DE PRESENTATION

OCTOBRE 1975 /

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As-tu déjà entendu un sermon sur un disque, toi? Non. Ben un con­ te , c'est pareil.

Voilà ce que Hilaire Benoit, ancien conteur de chantiers, m’a ré­ pondu lorsque je lui ai demandé de me raconter un conte que je lui a-vais fait entendre sur le magnétophone la veille. Et il ne l’a pas conté.

La sagesse de ces paroles m'a frappée. Son intuition était exacte comme le montreront les résultats de cette recherche. Lui qui avait entendu et conté des contes toute sa vie, il remarquait bien tout ce que cette situation d'entendre sans voir avait d'artificiel.

Bien ne remplacera jamais la véritable expérience riche de plu­ sieurs années bien vécues. Aussi, avant d'aborder le corps du travail, je sens le besoin d'effectuer deux mises au point.

Nous vivons dans un siècle ob l'homme s'applique à réaliser de façon accélérée ce que la nature produit lentement et avec mûrissement. On obtient trois récoltes d'une terre qui n’enproduisait normalement qu'une seule. Les poules pondent une production d'un mois en une semai­ ne; mais les coquilles sont plus fragiles... De même, en psychologie, avant de passer de 1'Expérience à des expériences, il importe de prendre certaines précautions. Le lecteur trouvera cette thèse un peu volumi­ neuse. Il y a des raisons à cela. Tirer des conclusions à propos de la transmission orale à partir de situations artificiellement créées est une entreprise pleine de promesses, mais qui comporte des risques, d'au­

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tant plus qu’il y a peu de précédents sur lesquels appuyer cette démarche. Alors, il m'a semblé essentiel d'essayer d'obtenir une vision d’ensem­ ble du domaine avant de m'engager dans un problème plus restreint, ce qui explique la longueur de la revue de la littérature et l'attention spéciale apportée à F.C. Bartlett, La méthode expérimentale constitue un excellent moyen de vérification d'une connaissance, mais à la condi­ tion que le problème qu'on pose soit bien le problème qu'on veut étu­ dier, d'oh l’importance d'une procédure soignée. Alors j'ai essayé de décrire la méthodologie de façon précise et détaillée pour permettre les reprises à qui le désirera. Finalement, comme je suis toute jeune "dans le métier", j'aipréféré garder un peu de paille dans ma récolte, de crainte de laisser échapper par mégarde des biens plus précieux.

Je dis "je" et "moi" depuis le début, et je me trompe. C'est la se­ conde mise au point.

Nous sommes tous des ouvriers de la connaissance, chacun a des fonc­ tions différentes, voilà tout. Si un seul nom apparait sur la page-ti­ tre de la thèse, il ne faudra pas oublier en la lisant les quelques cen­ taines de personnes dont le concours a permis sa réalisation. D'accord, il faut un contremaître pour planifier, coordonner, superviser les tra­ vaux, et aussi pour rédiger le rapport, mais quel piètre rapport que celui du contremaître solitaire...

Aussi, je voudrais que cette thèse soit mon hommage à vous qui, par vos conseils, votre présence, votre participation, m'avez aidée à toutes

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vi

les étapes de ce cheminement vers un petit morceau de plus de la con­ naissance.

Tout d'abord à vous, Dr. P. Joshi, qui avez si gentiment accepté de diriger ma recherche et qui vous êtes montré un guide sûr et encou­ rageant, Vous m'avez appris l'importance de développer un esprit criti­ que et ouvert, et cela, je ne l'oublie pas.

Ensuite à vous, M, Lacourcière, pour votre bienveillance, et votre sagesse, et surtout, pour cet amour du folklore qui respire de vous et qui sait replacer les connaissances dans leur contexte humain et vécu, à leur vraie place.

Puis, à vous chercheurs d'un peu partout qui avez fait l'effort d'un timbre et d'une enveloppe pour partager vos connaissances avec une simple étudiante que vous ne connaissiez pas, A toi Jean, qui a voulu retrouver l'âme d'un vieux conteur pour raconter cinq fois "Crotte mon Ane" sur une échelle de moins vivante à plus vivante... A vous, techni­ ciens de 1'Audio-Visuel, qui avez pris le temps de préparer le maté­ riel adéquat. A vous, membres du jury, qui avez coté des fragments de conte. A vous, Pauline, Madeleine, Y van, qui avez décomposé les parties, les péripéties, les éléments de rétention, en bleu, en rouge, en noir.

A vous, directeurs des camps Kéno, Notre-Dame du Lac Sept-Iles, Oasis Notre-Dame, qui avez pemis qu'une expérimentation se tienne chez vous. A vous, les moniteurs des équipes utilisées, qui avez bien voulu

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adapter le programme d'une de vos journées à la procédure expérimentale. A vous, Pierre, Claude, Stéphane, Henri, Eric, Charles, et à tous vous- autres, campeurs qui êtes devenus des sujets. A vous, Léo Basque, qui m'avez ouvert votre camp de bûcherons, et à vous, les bûcherons de

Tra-cadie, qui avez vu avec appréhension votre tour de conter arriver et qui vous êtes encouragés mutuellement, A vous, les étudiants du groupe

PH OCCM, qui avez interrompu vos activités pour rendre service à une autre étudiante.

Et surtout à toi, Robert, compagnon de toutes les routes, conseil­ ler de tous les instants, qui m'as fait partager les joies de l'enquête ethnographique et qui t'interroges toi aussi sur ce phénomène si extra­ ordinaire de la transmission orale.

J'espère que cet ouvrage sera à la mesure des espoirs et du temps que tous, vous avez bien voulu y placer.

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viii

TABLE DES MATIERES

AVANT-PROPOS ... iii

TABLE DES MATIERES ...viii

LISTE DES FIGURES ...xii

LISTE DES TABLEAUX ...xiii

1- INTRODUCTIONj MODELE DE TRANSMISSION D'UN MESSAGE ... 1

2- REVUE DE LA LITTERATURE... 10

2.1 - F. C. Bartlett ... 11

2.1.1 - Contexte ... 11

2.1.2 - Les diverses expériences et méthodes... 13

2.1.3 - La théorie reconstructive ... 16

2.1.3.1 - relations entre perception et mémoire ... 16

2.1.3.2 - le schème et la reproduction... 1?

2.2 - Etat actuel des recherches ... 19

2.2.1 - Théories et concepts théoriques ... 20

2.2.1.1 - évidences de la théorie reconstructive .... 20

2.2.1.2 - la théorie de l'imagery... ... 24

2.2.1.3 - autres démarches théoriques ... 27

2.2.2 - Le contenu du message ... 29

2.2.2.1 - les unités considérées ... 29

2.2.2.2 - organisation du passage ... 31

2.2.2.3 - ambiguité du message ... 35

2.2.2.4 - autres caractéristiquesdu message ... 36

2.2.2.5 - types de messages utilisés ... ... 38

2.2.3 - Conditions de transmission et de retransmission . 40 2.2.3.1 - présentation de l'information ... 41

2.2.3.2 - délais et intervalles ... 45

2.2. 3. 3 - remise de l’information ... 45

2.2.4 - Caractéristiques psychologiques du sujet... 4?

2.2.5 - Les mesures effectuées ... 50

2.3 - Apport du folklore ... 52

2.3.1 - Un nouveau champ d'application... 53

2.3.2 - La littérature spécialisée en folklore ... 57

2,3.2,1 - le conte ... 5?

2,3.2,2 - la perpétuation du conte ... 60

2.3.2.3 - les agents de perpétuation» le conteur et son auditoire ... 61

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3- PROBLEMATIQUE ... 65

3.1 - Première hypothèse: niveau Intellectuel ... 68

3.2 - Seconde hypothèse: mode de présentation... 71

3.3 - Troisième hypothèse: attente créée ... 73

3.4 - Résumé des hypothèses 4- METHODOLOGIE ... 76

4.1 - Echantillonnage et Plan général de la recherche 78 - Préparation 4,2.1 - Choix 4.2.1.1 -4.2.1.2 -4.2.1.3 -du matériel commun ... ... du conte ... critères de choix... ... le conte choisi ... résumé du conte choisi ... .. 4.2.2 - Enregistrement vidéo et audio des versions ... 4.2.2.1 - le conteur ... 4.2.2.2 - directives ... 4.2.2.3 - conditions d’enregistrement et matériel ... 4.2.3 - Cotation des versions plus vivantes et moins vivantes .... 4.2.3.1 - le jury ... 4.2.1.2 - cohérence des juges ... 4.2.4 - Décomposition du conte ... 4.2.4.1 - le matériel désiré ... 4.2.4.2 - coteurs ... 4.2.4.3 - directives ... 4.2.4.4 - résultats ... .. 83 83 83 85 86 88 88 88 88 90 90 93 94 94 97 98 99 4.3 - Première expérience ... 102 4.3.1 - Sujets ... 102

4.3.2 - Lieu et conditions d’expérimentation... .. 103

4.3.3 - Tâche ... 105

4.3.3.1 - accueil des sujets ... 105

4.3.3.2 - Kim ... 106 4. 3.3.3 - induction de l'attente ... 109 ^.3.3.^ - présentation du conte ... 110 4,3.3.5 - test de rétention... 111 4.3.4 - Mesures effectuées ... 113 4.4 - Seconde expérience ... 11^ 4.4.1 - Sujets ... 11^

4.4.2 - Lieu et conditions d'expérimentation... 11^

4.4.3 - Tâche ... 115

(10)

X

4.5 - Troisième expérience ... 116

4.5.1 - Sujets ... 116

4.5.2 - Lieu et conditions d'expérimentation... 117

4.5.3 - Tâche ... 118

4.5.4 - Mesureseffectuées ... 118

5- RESULTATS ... 120

5.1 - La cotation des versions ... 122

5.1.1 - Procédure de cotation... 122

5.1.2 - Critères d'acceptation... 123

5.1.3 ~ Cohérence de la cotation... 125

5.2 - Première expérience ... 12?

5.2.1 - Résultats simples pour chaque mesure ... 128

5.2.1.1 -âge ... 129

5.2.1.2 - Kim ... 129

5.2.1.3 - durée des versions ... 133

5.2.1.4 - nombre de parties retenues ... 133

5.2.1.5 - nombre de péripéties ... 137

5.2.1.6 - nombre d'éléments de rétention ... 141

5.2.1.7 - éléments de rétention sur péripéties ... 141

5.2.1.8 - questionnaire ... 144

5.2.2 - Mesures de corrélation ... 145

5.2.3 - Analyse de variance ... 149

5.2.4 - Fonctions discriminantes ... 151

5.2.4.1 - premier niveau: conditions de présentation (vidéo-audio) ... 151

5.2.4.2 - second niveau: variance de l'intonation .. 154

5.2.4.3 - troisième niveau: attente créée ... 155

5.2.5 - Analyse factorielle ... 155

5.3 - Seconde expérience ... 159

5.3.1 - Résultats simples pour chaque mesure... .. 159

5.3.2 - Analyse de variance ... 159

5.3.3 - Fonctions discriminantes ... 161

5.4 - Troisième expérience ... 162

5.4.1 - Résultats simples pour chaque mesure ... I63 5.4.2 - Analyse de variance ... I65 5.4.3 - Fonctions discriminantes ... I65 5.5 - Analyse de rétention ... 169

5.5.1 ~ Niveau structural ... 169

5.5.1.1 - parties ... 170

5.5.1.2 - péripéties ... 171

5.5.1.3 - éléments de rétention ... 172

(11)

6- DISCUSSION ... 182

6.1 - Schème et reconstruction ... 183

6.2 - Images et imagery ... 188

6.2.1 - Présentation audio et vidéo ... 188

6.2.2 - Vivance de l'intonation ... 190

6.3 - Qualité de la rétention ... 193

6.3.1 - Le conte comme message ... 194

6.3.1.1 - structure ternaire ... 194

6.3.1.2 - faible densité des concepts ... 196

6.3.1.3 - caractère simple et concret ... 196

6.3.1.4 - grammatical!té... ... 197

6.3.1.5 - effet Von Restorff ... 198

6.3.2 - Caractère oral de la transmission... 198

6.4 - Attente créée ... 199

7- CONCLUSION ... 202

7.1 -Apport à la connaissance de la mémoire des textes organisés .... 204

7.2 - Perspectives ... 207

7.3 - Vers un modèle de la transmission orale ... 209

8- RESUME ... 220 LEXIQUE... 226 BIBLIOGRAPHIE ... 229 APPENDICES ... 241 Appendice A ... 242 Appendice B ... 249 Appendice C ... 263 Appendice D... 283 Appendice E ... 284

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xii

LISTE DES FIGURES

Figure 1.1» Modèle de transmission d'un message ... 6 Figure 1.2: Message de Mme Lévesque à Mme Tremblay ... 7 Figure 1.3: Expérience sur la mémoirede textes ambigus .... 8 Figure 4.1: Plan d’expérience ... 81 Figure 4.2» Procédure expérimentale d'après le modèle

de transmission ... 82 Figure 4.3: Exemple de feuille de cotation des versions

d’un extrait ... 92 Figure 4.4: Arrangement des objets du jeu de Kim... .. 108 Figure 5.1: Durée moyenne des versions pour chaque groupe .. 135 Figure 5.2: Nombre moyen de parties retenues pour chaque

groupe ... ... 138 Figure 5.3: Nombre moyen de péripéties retenues pour

chaque groupe ... 140 Figure 5.4: Nombre moyen d’éléments retenus pour chaque

groupe... ... 143 Figure 7,1: Modèle de transmission d’un message... ...210 Figure 7.2: Chaîne de reproduction ... ... 212 Figure 7.3: Unité collective de transmission 213 Figure 7.4» Modèle collectif de la transmissionorale ... 215 Figure 7.5» Extinction et élaboration d'une variante ... 217 Figure 7.6: Création d'une super-variante ... 218

(13)

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 4.1: W de Kendall pour la concordance de la

cotation des versions plus ou moins vivantes .. 95 Tableau 4.2: W de Kendall pour chacun des extraits

du conte ... 96 Tableau 5.1* Age moyen en mois pour les différents ni­

veaux factoriels ... 130 Tableau 5.2: Réussite moyenne au jeu de Kim en nombre

d'objets pour les différents niveaux fac­

toriels ... 131 Tableau 5.3* Fréquence des réponses données par l'ensemble

des sujets pour chaque objet du jeu de Kim .... 132 Tableau 5.4: Durée moyenne en secondes des versions re­

cueillies pour les différents niveaux fac­

toriels ... 134 Tableau 5.5* Nombre moyen de parties retenues pour les

différents niveaux factoriels ... I36 Tableau 5.6: Nombre moyen de péripéties retenues pour

les différents niveaux factoriels ... 139 Tableau 5.7» Nombre moyen d’éléments retenus pour les

différents niveaux factoriels... 142 Tableau 5.8* Matrice générale des intercorrélations

pour les sept mesures considérées ... 146 Tableau 5.9: Analyse multivariée de variance avec

sept variables dépendantes ... I50 Tableau 5.10* Analyse multivariée de variance avec

trois variables dépendantes 152

Tableau 5.H» Fonctions discriminantes pour le premier

niveau factoriel: mode de présentation ... 153 Tableau 5.12: Fonctions discriminantes pour le second

niveau factoriel: vivance de l'intonation .... 156 Tableau 5.13* Analyse factorielle... 158 Tableau 5.14: Moyenne des mesures effectuées pour

(14)

xiv

Tableau 5.15* Moyenne des mesures effectuées pour

chaque groupe ... 164 Tableau 5.16: Fonctions discriminantes pour la

troisième expérience ... 166 Tableau 5*1?* Matrice de classification des sujets

(15)
(16)

I

Le travail qui sera exposé ici a trouvé sa justification, pour

ne pas dire son moteur, dans une contradiction, du moins apparente, entre la recherche et la réalité,

La plupart des expérimentalistes s’étant intéressés au domaine de la rétention de la prose sont unanimes à constater dans les essais de reproduction de leurs sujets, une abondante quantité de transformations, omissions, simplifications. Ils admettent qu’une des propriétés d'un mes­ sage confié à humain est l'altération et devant l'éventualité d'une chaîne de reproduction, ils ne se surprennent pas des résultats obtenus en 1932 par Sir Frederick C. Bartlett, un des grands initiateurs de ce type de recherche. Celui-ci, après avoir expérimenté la reproduction en chaîne de divers messages, conclut qu'après une dizaine de reproductions, il de­ vient pour ainsi dire impossible de reconnaître le message original,

La chaîne de reproductions constitue la caractéristique principale de la tradition orale ou, si l'on préfère, du folklore. En effet, dans notre société occidentale, une partie de la population, la classe popu­ laire, s'est vue refuser pendant des siècles l'accès à l'instruction, et par conséquent à l'écriture. Et pourtant, toute une littérature extrêmement riche, composée de contes, légendes, chansons, dits, proverbes, est parve­ nue jusqu'à nous, transmise uniquement de bouche à oreille, par des illet­ trés, pendant de multiples générations. Depuis plus d'un siècle, les

folkloristes et ethnographes ont recueilli et continuent à recueillir d'innombrables documents, témoins de cette tradition.

(17)

Gomment se fait-il que ce qui est ne se peut pas? Car on ne peut mettre en doute l’existence de tels documents qui, recueillis au ving­

tième siècle, vont se recouper avec un manuscrit écrit quelques siècles plus tôt. Nous avons nous-même recueilli d'une vieille dame n’ayant jamais fréquenté que les quelques premières années du cours primaire, une version du Roman de P.enart descendant directement des fabliaux du moyen-âge. Nous en connaissons la forme grâce à quelques clercs bien intentionnés de l'époque qui les ont transcrits. Et la chaîne de repro­ ductions dépasse certainement dix intermédiaires de la France du moyen- âge au Nouveau-Brunswick du vingtième siècle. De même, on ne peut ba­ layer du revers de la main nombre de recherche^ scientifiques, puisque celles-ci ont bel et bien été effectuées.

Il faut alors s’interroger autrement. Si les résultats ne corres­ pondent pas, il y a quelque chose dans la démarche scientifique qui ne coïncide pas avec la démarche populaire. Cerner ce quelque chose et ten­ ter de le vérifier ne peut que profiter à la connaissance de la mémoire qui tiendra compte d’un aspect de plus dans ses explications. Egalement, les déductions des folkloristes et ethnographes à partir d'études des­ criptives et comparatives, n'en acquierront que plus de force si elles peuvent trouver une preuve expérimentale.

Voilà le contexte dans lequel s'inscrit cette recherche. Nous nous fixerons cependant un objectif plus modeste, soit dégager deux ou trois pistes de travail après un examen critique le la littérature et une con­ frontation avec les caractéristiques du conte populaire, et enfin, tenter de vérifier expérimentalement ces pistes.

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On sait que pour être efficace, une expérimentation doit savoir limiter son domaine. Il est fort possible que ce soit dans les variables

éliminées ou non étudiées, ou encore dans la manière de les envisager que se situent les causes des différences observées. Il suffit de peu pour qu’une procédure dévie de son objectif et qu'un résultat ne soit généralisable qu’à, une partie seulement de la population envisagée. Une théorie peut prédire certains résultats; mais conclure en raison de

cela à la validité de la théorie n'a de valeur effective que jusqu'à, ce que de nouvelles manipulations produisent des résultats inattendus obligeant à une réorganisation plus réaliste de ces concepts théoriques.

Dans la revue de la littérature, une grande attention sera appor­ tée aux travaux de Bartlett. Son approche généraliste -il fut critiqué à, cause de cela- donnera une idée de l'étendue du problème, et de l'o­ rientation qu’a prise l'étude de la rétention de la prose. Déjà, cette orientation a pu déterminer des approches définies qui elles ont pu produire la contradiction entre les résultats de recherches et ce domai­ ne particulier du folklore. Après, on examinera les recherches subsé­ quentes, plus spécifiques donc plus limitées et aussi, plus expérimen­ tales.

Cette contradiction peut tout aussi bien trouver sa source dans des contenus de message différents. Le conte populaire est peut-être fort peu apparenté aux messages construits en laboratoire; pourtant Bartlett a utilisé des "folktales", ce qui se traduit bien par "contes de folklore". Il est possible aussi que les conditions de transmission impliquées soient différentes, ou encore les caractéristiques psycho­

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logiques du sujet. Les mesures effectuées traduisent-elles exactement la rétention, la mémoire du sujet? Après un certain temps, les construits théoriques ont certainement influencé le point de vue avec lequel on a abordé le sujet. Il sera donc essentiel de bien considérer tous ces aspects.

La partie unitaire de toute chaîne de transmission d’un message à un humain, aussi bien dans une expérience que dans la vie courante, se conforment au modèle simple apparaissant en figure 1.1 .

Un message d’une nature donnée est transmis dans certaines con­ ditions à un individu spécifique qui peut transmettre à nouveau ce dont il se souvient du message. Ainsi, madame Tremblay, fort occupée cet après-midi-là, reçoit un appel téléphonique de madame Lévesque qui lui annonce le mariage de sa fille, ce que madame Tremblay annonce ensuite à son mari le soir. Cet événement s’illustrerait comme à la figure 1.2 , Une expérience oh un étudiant gradué doit lire dans un cahier un texte ambigu sur le lavage de la vaisselle pendant cinq minutes et récrire ce texte le lendemain matin se schématiserait comme à la figure 1,3 .

L’élément "contenu" réfère à la structure du message, à sa signi­ fication, à ses caractéristiques. Par "conditions de transmission" ou "conditions de retransmission", on entend les moyens ou media entou­ rant la présentation du message. Les "caractéristiques psychologiques du sujet" désignent les aspects internes au sujet, impliqués dans le processus de transmissions facteurs cognitifs, perceptuels, affectifs ou motivationnels.

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6

message co ndliions <fe transmission

V

message (etaosmis

(21)

Fort occupes. Mme teveague mariage de b fille de MmeLeves^oe

K

téléphone. mémoire de MmeTremblay après-midi Soir mari mariage dû b fi Ile de, Mme Levesqœ

(22)

8

(23)

Ces quatre constituantes "contenu", "conditions de transmission", "conditions de retransmission", "caractéristiques psychologiques du sujet" peuvent être manipulées expérimentalement, quoique indirectement pour la dernière. La "mémoire", elle, apparaît comme une boîte noire, dont le contenu peut être inféré en considérant les relations entre 1' "out-put" et les variations expérimentales. Ces inférences se tra­ duisent par des concepts théoriques qui tendent à approximer au mieux le contenu réel de la mémoire. L*out-put ou "message retransmis" est le résultat du processus et peut être considéré comme un indice impor­ tant de la rétention. Dans un contexte expérimental, c’est ici que se situe la mesure.

Aussi, après un examen préliminaire des travaux de Bartlett, la revue de la littérature sera organisée autour de ce modèle et se sub­ divisera en théories existantes, contenu du message, conditions de trans­ mission et de retransmission, caractéristiques psychologiques des sujets et types de mesures effectuées.

Quelques termes seulement seront définis dans le texte, lorsque la situation s’y prêtera. Dans les autres cas, nous prions le lecteur de bien vouloir se référer au lexique placé en fin de travail. Il y trouvera les définitions nécessaires ainsi que les équivalents anglais, souvent plus justes parce que originaux. Nous avons cherché à employer des expressions françaises le plus souvent possible, mais comme la terminologie de la mémoire n’est pas au point dans cette langue, nous demandons au lecteur de ne pas se formaliser de traductions boîteuses ou approximatives.

(24)
(25)

2,1.1 - Contexte

En publiant son livre, Remembering, en 1932, Sir Frederick C, Bartlett présentait une synthèse de plusieurs années de recherches sur la mémoi­ re et les phénomènes connexes. A cette époque, du moins dans certains milieux scientifiques, l'excellence de la recherche en psychologie se définissait par l’utilisation d'un cadre expérimental serré et isolant le plus possible le stimulus, la conséquence devant être une réponse clai­ re, logique, découlant directement du stimulus. L’emploi de méthodes

statistiques constituait un second critère d'excellence. Bartlett enta­ me son propos par une remise en question de ces deux principes.

Pour illustrer le premier, il cite l'exemple d'Ebbinghaus dans le domaine de la mémoire, qui, après avoir constaté la complexité de l'utili­ sation de passages en prose, a utilisé des syllabes sans signification. Sa critique porte sur trois points. D'abord, même avec des syllabes sans signification, il est impossible d'enlever tout sens au stimulus qui demeurera toujours générateur d'associations différentes pour cha­ que sujet. Ensuite, cela crée une atmosphère d'artificialité qui de­ vient elle-même une variable influençant une part de la réponse. Fina­ lement, affirmer que la réponse dépend directement du stimulus, c'est

(26)

12

oublier de tenir compte des variables internes au sujet. Il rappelle que la simplicité du stimulus ne garantit pas 1‘uniformité et la simpli­ cité de la réponse organique. Il ne croit pas non plus que pour le mo­ ment, la mémoire puisse être étudiée pour elle-même:

Remembering is not a completely

indépendant function, entirely distinct from perceiving, imaging, or even from constructive thinking, but it has intimate relations with them ail. (Bartlett, 1932, p.13) (1)

Quant à l'utilisation des statistiques, Bartlett résume ainsi sa position:

In this book there will be no

statistics whatever. This must not be held to imply any disrespect for

one of the most powerful tools which the psychologist can use. It is merely because an attempt is being made to deal with a field of research in which suspected relations must be made as definite as possible before it can become fruitfult to collect and correlate masses of results, (Bartlett, 1932, p.9)

Aussi se fixe-t-il un objectif de comparaison subjective. A partir d'un matériel étroitement relié à celui utilisé dans la vie courante, il tentera de tenir compte également des caractéristiques internes du sujet.

1 Note au lecteur: dans ce travail, les références seront indiquées à même la citation; les signes d'appel, celui-ci inclus, renverront à des notes placées à la fin de chaque grande partie.

(27)

Cet aspect "honnêtement'’ préexpérimental des travaux de Bartlett en fait un point de départ fondamental, solide, pour toute recherche dite expérimentale sur la mémoire de textes en prose. C’est pourquoi il nous a paru important de nous y attarder et d’examiner attentivement la méthodologie employée et les concepts qui s'en dégagent.

2.1.2 - Les diverses expériences et méthodes

La mémoire a partie liée avec d’autres fonctions, plus particu­ lièrement avec la perception et l'imagination. Chacune de ces fonctions peut être définie indépendamment mais la réalité les présente presque toujours en combinaison. Bartlett utilise les mots "remembering", "perceiving" et "imaging", que nous traduirons imparfaitement par ”se souvenir", "percevoir", "imager" (2). De ces mots il donne les définitions suivantes.

Percevoir, c'est donner une réponse directe à une combinaison de stimuli sensoriels présentés dans le moment présent.

Imager, c’est utiliser un matériel fluide, provenant de sources diverses et combinées ensemble pour former des structures qui n'ont jamais été présentes de façon sensorielle.

Se souvenir, c'est utiliser des combinaisons de stimuli en sachant qu'ils ne sont pas présents mais l’ont déjà été.

(28)

Les deux premières séries d’expériences ont été élaborées dans le "but de saisir les interactions entre la perception et l’imagination, et la mémoire. Les sujets devaient reproduire des figures présentées pendant un temps très court, ou élaborer à partir de taches d’encre. Dans le premier cas, l’observation la plus intéressante est la tendance générale à relier la figure observée à un schème déjà connu, ce que l’auteur qualifie de "effort after meaning" ou recherche d'une signifi­ cation. Plus les figures deviennent complexes, plus les sujets cher­ chent à les nommer. La présence d'un processus inférentiel est aussi signalée, c'est-à-dire qu'une grande partie de ce que les sujets disent avoir vu est en réalité déduite plutôt qu'observée. Pour la seconde expérience, on remarque la variété des résultats et le caractère dyna­ mique des suggestions. Les images évoquées semblent l'être en fonction des intérêts de chacun. Pour un même sujet, la même image tend à se répéter pour plusieurs taches.

Dans la méthode de description, les sujets étaient amenés à décri­ re des cartes après les avoir observées dix secondes chacune. L'auteur distingue deux catégories de transformations! le transfert et l'importa­ tion. Il y a transfert lorsqu'un élément de la série est changé de po­ sition. Il y a importation si un élément de provenance externe est introduit dans la série. Les cas d'importation se concentrent autour des détails saillants. Cette tendance à l'importation augmente consi­ dérablement avec le temps.

Avec la méthode de reproduction répétée, les sujets devaient lire une histoire et la répéter après un certain temps. Parmi les

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consta-tâtions pour l’ensemble, on note la persistance de la forme des repro­ ductions. La première détermine les suivantes qui se transforment de moins en moins, sauf si il y a de longs intervalles de temps entre les reproductions, La structure de l’histoire change peu»

The form, plan, type or scheme of a story seems, in fact, for the ordinary, educated adult to be the most dominant and persistent factor in this kind of material, (Bartlett, 1932, p.83)

On signale aussi la présence d’un mécanisme de rationalisation qui amène les sujets à expliquer et à motiver certains incidents, et à relier entre eux des événements apparemment sans relations, de manière à rendre le matériel clair et compréhensible; la nature des liens, explications, motivations prend alors souvent une couleur sociale. Des détails prennent une place hors de proportion et ils sont alors plus souvent transfoimés que d’autres. On remarque aussi un délai dans des transformations qui ne se présentent alors qu'après plusieurs repro­ ductions.

Elaborée dans le but d'étudier l'effet des combinaisons de modi­ fications apportées par différents individus, la méthode de reproduc­ tion sérielle est identique à celle de la reproduction répétée, sauf que la reproduction d'un sujet A est reproduite par un sujet B , que la sienne l'est par un sujet C et ainsi de suite. On obtient ainsi des chaînes de reproductions. D'une reproduction à l'autre, le contenu se dégrade très rapidement. Les noms propres et les titres figurent parmi les éléments les moins stables. D'une certaine façon, 1'auteurs croit que la situation expérimentale a pu inciter les sujets à abréger.

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16

Les reproductions successives prennent vite une forme concrète. Le style vient à s’éventer; les qualificatifs originaux sont remplacés par des termes très communs; les textes deviennent très quelconques. Le mécanisme de rationalisation déjà cité est observé. Tout élément est sujet à transformation et on note la nature radicale des changements.

2,1,3 - La théorie reconstructive

Une synthèse de ses diverses observations amène Bartlett à for­ muler cette théorie qui repose principalement sur deux concepts, le premier assurant le second. Il s'agit d’abord d'une hiérarchisation des relations entre la perception et la mémoire, et ensuite de la formation du schème.

2.1,3.1 - relations entre perception et mémoire

Dans la perception, deux fonctions sont impliquées; la formation d’un patron sensoriel et la construction du patron sensoriel en un tout possédant un sens, une signification. De même, la perception au­ ditive peut être considérée comme une combinaison d’entendre et d’écouter, et dans la perception visuelle, on doit distinguer entre voir et re­

marquer, observer, La transformation du patron sensoriel s'effectue dans le sens d’une orientation psychologique présente chez le sujet et en partie propre à lui seul. L’altération du patron sensoriel peut empêcher ou détruire la possibilité d'une récognition, mais le patron sensoriel seul ne suffit pas pour permettre cette reconnaissance; la présence commune du patron sensoriel et d’une orientation psychologique, seule, peut amener la reconnaissance.

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Se souvenir est plus complexe que reconnaître; une petite partie seulement de ce qui est reconnu peut être souvenue. Cependant, tout le matériel souvenu n’aurait pas nécessairement été reconnu. Si à

l'acte de percevoir, la présence d'un patron sensoriel initial et d'une orientation psychologique est essentielle, à l'acte de reconnaître s'ajoute la persistance de l'orientation psychologique dans le temps et dans une situation différente; et à l'acte de se souvenir s'ajoute l'organisation, avec l'orientation psychologique, du matériel cognitif interne. Cette organisation du matériel est tout de même présente pour la récognition, mais en degré minime, alors que le rappel en dépend en grande partie,

2.1,3,2 - le schème et la reconstruction

Comment cette organisation s'opère-t-elle ? Par une simple collec­ te et mise en ordre de tous les éléments retenus ? La grande quantité de transformations qu'il a observées amène l'auteur à déclarer;

The first notion to get rid of is that memory is primarily or literally reduplicative, or reproductive. In a world of constantly changing environment, literal recall is extraordinarily unimportant, (Bartlett, 1932, p.2(&)

Ses expériences démontrent que malgré la ferme volonté du sujet de reproduire exactement un contenu donné, de fait, il ne le reproduit pas. Au contraire, la condensation, l'élaboration et l'invention sont des caractéristiques évidentes de la mémoire humaine.

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du conteur et de ses impressions au moment de la perception, est emma­ gasiné, et avec lui, certains détails plus marquants. Ce schème serait organisé de manière chronologique. Déjà, le schème est teinté de subjec­ tivité et se trouve lié à l'aspect proprement personnel de la perception que nous avons décrit précédemment.

Au moment du rappel, le sujet utiliserait le schème comme squelette et rebâtirait autour le "contenu devant être souvenu", à l'aide de tous les éléments cognitifs dont il disposerait personnellement:

In ail ordinary instances he has an over mastering tendency simply to get a general impression of the whole; and, on the basis of this, he constructs the probable detail,

(Bartlett, 1932, p. 206)

Il est fréquent de constater d'abord des doutes, des hésitations, de la satisfaction avant que le sujet ne s'oriente dans la construction de l'histoire complète avec de plus en plus de confiance dans une certaine direction; ce délai préliminaire correspondrait au repérage du schème et au ramassage progressif des matériaux autour, jusqu'à ce que le tout prenne une forme satisfaisante.

Bartlett résume lui-même sa position ainsi:

Remembering is not the re-excitation of innumerable fixed, lifeless and

fragmentary traces. It is an imaginative reconstruction, or construction, built out of the relation of our attitude towards a whole active mass of organised past reactions or expérience, and to a little outstanding detail which commonly appears in image or in language form.

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2.2 - Etat actuel des recherches

Après Bartlett, le domaine de l’apprentissage et de la mémoire de textes et autres contenus d'organisation linguistique complexe a perdu la faveur des chercheurs, au profit de l'étude de sujets plus simples comme les lettres, les syllabes sans signification, les mots. Une des causes de ce manque de popularité résidait dans le problème méthodologique de la mesure du produit de la rétention. Le fait que la recherche utilisant des stimulis plus simples était considérée comme plus fondamentale a également pesé dans la balance.

A l'exception peut-être de Cofer qui travaillait dans ce domaine dès les années quarante, et de quelques autres, il a fallu attendre les années soixante pour revoir apparaître dans des titres d'articles les mots "prose", "passage", "sentence", associés à "recall", "rétention", "memory", "leaming". L'apport de solutions originales au problème

de la mesure, et aussi la conviction nouvelle que des théories basées sur des niveaux très simples de manipulation d'information ne peuvent expliquer totalement l'ensemble des processus cognitifs impliqués dans le traitement d'informations complexes, ont permis ce renouveau. De­ puis, de nouvelles théories et de nouvelles procédures sont venues enrichir le corpus des connaissances sur ce sujet.

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2.2.1 - Théories et concepts théoriques

2.2.1.1 - évidences de la théorie reconstructive

La psychologie des fonctions cognitives dont Neisser (196?) ap­ porte le point de vue a trouvé tout naturellement son précurseur dans Bartlett, La théorie reconstructive, apparentée à l'approche cognitive par son intérêt dans les processus internes d'appréhension de la connais­ sance, a été depuis réexaminée- , vérifiée, critiquée et reprise dans le vocabulaire du jour. Neisser lui-même avoue lui devoir beaucoup et plusieurs autres en ont repris les concepts (Bransford, Barclay et Franks, 1972; Flores D'Arcais, 197^).

Un point de la théorie réunit l’assentiment général, soit l'affir­ mation de la sélectivité de la perception et de la subjectivité de la mémoire. Dans le premier cas, une longue série d'expérimentations sur les facteurs sociaux de la perception (Levine,Chein et Murphy, 19^2; Bruner et Goodman, 19^7; Postman, Bruner et McGinnies, 1952) l'a prou­ vé hors de tout doute. Quant à la seconde partie de l'affirmation, elle devient plus qu'admissible si on reconnaît que la mémoire s'inté­ gre de façon presque indissociable à l'ensemble des fonctions cogni­ tives, Les caractéristiques spécifiques d'une personne déterminent en quelque sorte ce qu'elle retiendra d'un contenu présenté (Howe et Evans, 1973). C'est aussi la position de Bower (1970, dans Howe et Evans,

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Une série de recherches sur les erreurs thématiques ou "false

positive récognition errors" (Pompi et Lachman, 1967» Dooling et Lachman, 1971 ; Dooling et Mullet, 1973» Sulin et Dooling, 197^5 Brockway et al., 197^) tendent à vérifier l'existence du schème et l'aspect reconstruc­ tif de la mémoire. Si, après avoir présenté à des sujets un texte en prose, et à d'autres les mêmes mots mais arrangés au hasard, on leur donne un test de récognition, seuls les sujets de la condition "prose” tendent à faussement reconnaître des mots à forte valeur thématique mais qui ne figuraient pas dans la présentation initiale (Pompi et Lachman, I967). Les résultats sont interprétés ainsi1 dans le cas de la présentation d'un discours ayant du sens, la signification du mes­ sage serait conservée sous forme intermédiaire (thème, images, schème ou mots) et lors du rappel, des associations lexicales nouvelles mais reliées au sens pourraient s'introduire, ce qui est perçu comme cohé­ rent avec l'approche reconstructive.

Argumentant que si le schème existe, l'induction expérimentale de ce schème devrait faciliter la rétention de la prose, Dooling et Lachman (1971) montrent que la connaissance initiale du thème d'un passage au contenu ambigu favorise la rétention des mots du passage. Ils ne voient pas cependant comment le thème est utilisé pour la recons­ truction et se bornent à citer les travaux de Tulving (1962,1968) oh on note les méthodes subjectives et peu rationnelles employées par des sujets pour organiser du matériel. Dooling et Mullet (1973) répli­ quent l'expérience de Dooling et Lachman (1971) mais en faisant varier le moment de la présentation du thème, soit avant le texte, après ou pas du tout. Selon eux, si les résultats de la condition "avant" sont supérieurs aux résultats des deux autres conditions, la connaissance

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du thème joue au niveau du stockage des informations} des résultats supérieurs pour les conditions "avant" et "après" comparés à la condi­ tion "rien" seraient une indication de reconstruction.

Ce n'est pas si sûr. Il est également possible que le stockage soit organisé en fonction d'une reconstruction ultérieure, et à ce moment, la connaissance initiale du thème serait une aide à la recons­ truction, alors que la présentation postérieure au message serait trop tardive. Leurs résultats supportent cette possibilités la présenta­ tion initiale du thème s'avère supérieure à la présentation postérieu­ re et à 1 'absence de présentation,

La théorie reconstructive prédit que la probabilité d'apparition des erreurs thématiques va augmenter en fonction de l'augmentation de l'intervalle de temps entre la présentation du message et le rappel ou le test de récognition. Le schème est supposé demeurer stable, et les aspects spécifiques s'estomper, laissant une plus grande latitude d'interprétation au sujet, Sulin et Dooling (197M arrivent à ce résul­ tat. De plus, la performance est meilleure si le rappel est effectué immédiatement après la présentation que si il y a un délai. L'intensi­ té thématique fut également manipulée en centrant l'histoire autour d'un personnage connu (Hitler, Helen Relier) ou d'un individu quel­ conque, Il appert que le manque de sensibilité du test de récognition, allié à l'organisation déjà bonne du texte autour de l'idée centrale, ont suffi à ne pas produire les résultats attendus, soit une meilleure performance avec la présentation d’un personnage connu. Alors que

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les premières expériences sur les erreurs thématiques ont été effectuées avec des mots, dans cette recherche, un test de récognition utilisant des phrases a produit le même effet. Le même résultat est rapporté dans Bransford et Franks (1971) qui concluent comme Spencer (1973) que les gens intègrent et retiennent linguistiquement les idées exprimées plutôt que de simplement emmagasiner la série de phrases.

On peut se demander si ces conclusions concernent uniquement le contenu du message ou si les gestes, le style ne font pas également partie du langage (Carroll, 1968). Il fut par la suite proposé que si l’individu reconstruit vraiment autour du schème à l’aide de son uni­ vers cognitif propre, alors le style normal de la conversation se re­ flétera dans le rappel; des résultats favorables à cette hypothèse ont été obtenus (James et al., 1973). Comme dans le langage courant, on note une préférence pour les phrases actives plutôt que passives; on remarque également une tendance à commencer la phrase par le nom le plus saillant de la situation sémantique. On voit ainsi que loin d’être réfutés, certains aspects de la théorie reconstructive ont pris une extension inattendue.

Un des aspects les plus critiqués de la théorie de Bartlett a certainement été l'importance accordée aux modifications, inventions et détériorations dans les reproductions (Zangwill, 1972). On admet que la reproduction n’est jamais la réplique fidèle du message initial, mais plusieurs chercheurs considèrent que les différences se situent plutôt au niveau d'omissions et de constrictions (Cofer, 1961, 1967i

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accepte le schème mais pas la reconstruction. Ce point de vue se cris­ tallise principalement autour de la théorie des traces abstractives de Gomulicki (1965). Celui-ci considère deux types de mémoire: une de nature sémantique et une autre de nature épisodique conservant la struc­ ture des idées de sorte que l’acte de se rappeler est considéré comme un repérage des unités sémantiques à partir de la structure des idées plutôt que comme une reconstruction. C’est une position en un sens plus restrictive puisqu'elle limite l’apport des autres fonctions cognitives au processus de la mémoire. D'autres positions similaires sont rappor­ tées (Ausubel, 19ô3î James et al,, 1973» Meyer et McConkie, 1973) (3).

C'est notre avis que les deux théories, reconstructive et abstrac- tive, ne s'opposent pas autant qu'on se plaît à le souligner. Dans la mesure oh la subjectivité de la mémoire est faible, il est possible que les réponses prennent un caractère abstractif ou reproductifj par

contre, une situation augmentant le taux de subjectivité (instructions différentes, procédure particulière) produira une réponse de type cons­ tructif, l'apport des autres fonctions cognitives étant plus important. Ainsi, par exemple, un paragraphe complètement nouveau pour le sujet, comparé à un passage traitant un thème abondamment étudié. Quoi qu'il en soit, ni l'une ni l’autre n'envisage les faits sous l'angle de la fidélité à l'original, angle dont nous cherchons une évidence.

2,2.1.2 - la théorie de l'imagery

Quand les gens apprennent des phrases, ils encodent plutôt des significations que des sons (Bobrow, 1970). Sous quelle forme ces

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significations sont-elles conservées? Sous forme de mots ou sous forme d’images? Bower (1971) postule que les deux modalités sont possibles, et qu'elles doivent être étroitement interreliées. Il distingue se souvenir par "imagery" et se souvenir par "propositions”. L'imagery met en contact avec "comment" les choses étaient (4), par opposition à "quoi" elles étaient, qui référerait plutôt à la mémoire verbale. Même, les phrases abstraites seraient stockées sous forme de suites de mots, et les phrases concrètes sous forme "imagino-spatiale" (Paivio, 1971) (5). La conservation des significations sous forme d'images s'est formée en théorie, la théorie de 1' "imagery", autour de Anderson (1971 ? et Hidde, 1971; et McGaw, 1973).

Des sujets devant coter des phrases pour leur richesse en images ont retenu trois fois plus de mots que d'autres sujets devant coter les mêmes phrases pour leur "prononciabilité" (Anderson et Hidde, 1971). Les instructions d'imagery sont vues comme facilitant l'apprentissage en amenant les sujets à traiter les phrases en leur donnant une signi­ fication, Pour un même mot, plusieurs images correspondantes sont pos­ sibles; ainsi le mot "chien" peut susciter la vision d'un caniche, de Snoopy, d'un berger allemand, de son propre chien et ainsi de suite. Les mots à sens général semblent être encodés, du moins en partie, sous forme d’images particulières (Anderson et McGaw, 1973). Sans que ces mots perdent leurs autres valeurs sémantiques, le processus de mémoire les fixerait sur un sens précis qui constituerait en quelque sorte la clé pour retrouver les autres sens.

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Les "images-mémoire" contribueraient en partie à la production imaginative (Bower, 1971) (6). Elles ne pourraient servir à l’élabo­ ration de concepts complexes vu le caractère limité du nombre possible de leurs manipulations simultanées. Ces images demeureraient indéter­ minées en bonne partie, un peu comme une peinture impressionniste; ainsi, avoir en tête l'image de sa maison, ne signifie aucunement qu'on peut compter le nombre de marches de l'escalier.

Quant à comment s'exerce la facilitation imaginale, quatre hypo­ thèses sont émises» d’abord par une augmentation de la motivation et de l'intérêt; deuxièmement par une sélection d'indices incidentaux et redondants; troisièmement par une stimulation de la distinction entre les éléments du contenu; quatrièmement, par une organisation relationnelle» "imagery enhances the associative connection between the two terms" (Bower, 1971» p. 80).

Certains indices physiologiques ont été considérés comme le REM (rapid eye movements), la dilatation des pupilles et 1' EEG

(électroencéphalogramme) sans grand succès (Oswald, 1962; Singer, 1966; Paivio et Simpson, 1966). Cn constate toutefois une organisation sem­ blable entre les deux hémisphères cérébraux, le droit étant relié au visuel et le gauche au verbal (Kimura, 1963; Milner, 1968).

De cette théorie, on retiendra l'importance pour la compréhen­ sion et la rétention d'un message que celui-ci se fixe sous forme concrète et imagée.

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2.2.1.3 - autres démarches théoriques

Pour compléter cette revue théorique voici, dans l’ordre chrono­ logique, quelques autres positions et démarches théoriques rapportées depuis une quinzaine d'années.

Les phrases sont conservées sous forme d'assertions simples, acti­ ves, affirmatives, accompagnées d'une étiquette mentale indiquant les transformations à apporter pour donner à 1'assertion sa forme premiè­ re (Miller, 1962). Ce concept est devenu périmé avec Chomsky (1965) qui affirme que c'est une structure, un résumé, un "abstract" qui est conservé dans la mémoire.

Une théorie du traitement de l'information linguistique propose qu'une première analyse fait repérer par le sujet si l'information sera impossible, difficile ou facile à traiter•, la façon d'aborder le matériel est ensuite conditionnée par cette première décision (Schwartz et al., 1970). L’efficacité de la lecture rapide est mise en doute (Frase, 1970).

Fillenbaum (1970) remarque que la distribution des erreurs et confusions dans une tâche de rétention ne constitue pas une indica­ tion directe des structures sous-jacentes. Il pondère ainsi l'impor­ tance généralement accordée aux résultats dans l’interprétation de la mémoire.

L’importance des relations entre les divers processus cognitifs est souvent affirmée (Norman, 1972; Mistler-Lachman, 1972). Cette

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dernière recherche souligne que la compréhension, loin d'être unitaire, peut s'effectuer à plusieurs niveaux de profondeur selon les exigences de la tâche.

Le contexte joue un rôle dans la façon de traiter une phrase. Une décision doit être prise au sujet de la normalité sémantique de la phrase. Le temps de réaction est plus long en 1'absence de contexte, que si le contexte est un mot que si le contexte est une phrase (Dooling, 1972)

.

Brockway et al. (197^) pose des critères rigoureux pour l'élabora­ tion d'une théorie de la mémoire. Celle-ci devrait fournir des explica­ tions à la connaissance épisodique, aux performances à la fois adéquates et inadéquates, à la production d'éléments non appris. Les conditions amenant soit 1’adéquacité, 1'inadéquacité ou la productivité seraient reliées aux instructions données et aux intervalles de temps employés. Après l'apprentissage, la connaissance du sujet porte à la fois sur les propriétés du matériel, la forme de présentation et le contenu propre. Il ajoute à cela une remarque d'ordre méthodologique»,','that the house of memory has many mansions, The problem is to devise methods which can display their structures" (Brockway et al,, 197^» P. 19^).

A l'instar de Kintsch et al, (sous presse), Frase (sous presse) constate le retard de la connaissance de la mémoire de la prose sur celle des listes de mots. Ce retard est attribué en grande partie à des problèmes méthodologiques. Kintsch insiste sur le besoin d'une approche basée sur une théorie, pour surmonter la question du comment

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représenter la signification des textes. Frase souligne en plus l'im­ portance du concept de l'attention, un peu oublié dans ce type de re­ cher che s.

2.2,2 - Le contenu du message

Si on considère l'ensemble des recherches, cette partie se sub­ divise assez naturellement de la façon suivante. D'abord, les unités considérées pour l'examen de textes en prose; à cette occasion nous aborderons quelques recherches pertinentes à notre propos mais d'un domaine connexe, soit l'étude des mots. Puis, les recherches sur l'organisation structurale et lexicale des passages. Ensuite, les travaux concernant l'ambiguité de textes. Enfin, les autres caracté­ ristiques du message, leur effet, et finalement, l'examen des types de passages utilisés.

2,2.2.1 - les unités considérées

Pour étudier la rétention de la prose, il est à peu près impossi­ ble de se contenter de considérer le texte dans son ensemble; une décomposition en unités plus petites s'avère essentielle pour l'inter­ prétation des résultats (Johnson, 1970), Le choix de l'unité idéale a préoccupé plusieurs chercheurs quoique ils en arrivent souvent à des unités différentes (Levitt, 1956).

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pas du nombre de mots rappelés (Johnson, 1970). Cependant, Osgood et Hoosain (197^) montrent que le mot constitue l’unité de signification la plus saillante dans la perception du langage. Le temps de réaction est plus bas pour des mots que pour des morphèmes, trigrammes, groupes de mots et autres composés. Des mots peuvent servir comme indices pour re­ trouver le sens d'une phrase apprise, mais leur efficacité dépend de

leurs relations avec le thème de la phrase (Perfetti et Goldman, 197^). Les mots abstraits s’avèrent plus difficiles à retenir que les mots concrets à la fois pour une mesure de type reproduction (Stoke, 1929) que pour une mesure de type récognition (Janpolsky, 1950; Goxman, 1961). Pour ce dernier, la fréquence des mots constitue également une variable pertinente. Lors de l'apprentissage de paires de mots, des paires de synonymes sont mieux rappelées que des paires de mots répétés de la même liste ou de mots sans relation (Frase, 1973b).

Plus le texte à retenir s'allonge, plus le mot semble perdre de son intérêt comme unité de rétention. Un certain nombre de variables intermédiaires ont été proposées. Johnson (1970), suggère la division en "pausal location units" ou morceaux de texte limités par une pause de la voix lors de la lecture; les pauses de voix serviraient de

frontières fonctionnelles pour le codage et le décodage. La catégorisa­ tion des unités d'effectuerait au fur et à mesure de la présentation, sans la connaissance de ce qui vient (7).

La proposition constitue un autre choix (Kintsch et Keenan, 1973» Kintsch, 197^-). Elle est composée de mots-concepts s'articulant en un prédicat et des arguments, le prédicat servant de lien entre les argu­

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ments, Ainsi, dans "la fillette aime les chevaux", le prédicat est "aimer" et les arguments "fillette" et "chevaux". Ces mots-concepts seraient conservés dans la mémoire sémantique (8). Toute proposition n’est pas aussi facile à apprendrej une proposition principale se retient mieux qu'une subordonnée. La proposition correspond à peu près à l'utilisation fréquente des "idea units" ou unités conceptuel­ les pour la notation des protocoles des sujets (Meyer, 1971). On remarque aussi une extension de la proposition à la phrase ou clause indépendante comme unité de compréhension.

2.2.2.2 - organisation du passage

On a communément prouvé qu'un discours sensé est plus facile à retenir que des mots au hasard. Pourquoi? L'organisation du contenu à retenir constitue un facteur plus qu'essentiel (Cofer, 1965; Cohen, 1966, Tulving et Pearlstone, 1966; Meyer, 1971» Myers et al., 1973). A la fois l'organisation sémantique et l'organisation syntaxique ap­ portent leur contribution à la compréhension des phrases (Marks et Miller, 196^). Nous les distinguerons donc dans notre revue des re­ cherches.

L'organisation sémantique du texte, soit l'organisation des idées entre elles, peut être étudiée selon trois optiques, la position séri­ elle des idées ou leur ordre de présentation, les rapports hiérarchiques des idées entre elles ou leur structure, et enfin, l'importance rela­ tive des idées, perçue par le sujet ou déterminée par l'expérimentateur.

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32

La position sérielle a été beaucoup investiguée en rapport avec l'apprentissage de listes de mots (Deese, 1958)» on a entrepris la même chose pour des textes en prose, sans réunir un véritable consensus cependant. Ainsi, Shaw (1896) et Jersild (1929) affirment que les pre­ mières phrases sont mieux retenues, et le dernier précise que la pre­ mière partie d'un texte est mieux retenue également. D'autres recherches ne montrent pas de relation (Dell, 1912j Wilson, 1931). Par contre,

Deese et Kaufman (1957) et Frase (1969) constatent des "primacy effects" et des "recency effects", soit une meilleure rétention pour les parties limitrophes d'un texte (la première et la plus récente). Bartlett (1932) ayant remarqué des effets semblables, établissait d'ailleurs la corres­ pondance avec les débuts et fins stéréotypés du conte de folklore. D'autre part, on constate une tendance pour les sujets de se rappeler les idées dans l'ordre oh elles ont été présentées (Meyer et McConkie, 1973)

.

Travaillant avec des listes de mots, Bower et al. (1969) montrent que les mots sont mieux rappelés hiérarchiquement que si ils sont présentés au hasard. Ces résultats s'appliquent à la fois pour des hiérarchies de type associatif que pour des hiérarchies de type con­ ceptuel. Un exemple d’organisation associative pourrait être» "chien" faisant penser à "poil" et "os"; "poil" faisant penser à "puce" et "laine" et "os" faisant penser à "viande" et "squelette". On obtient ainsi une hiérarchie avec, au premier niveau "chien", au deuxième niveau "poil" et "os", au troisième niveau "puce", "laine", "viande" et "squelette", et ainsi de suite. La classification phylogénétique elle, serait un bon exemple de hiérarchie conceptuelle. Dans cette

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recherche, la supériorité de la rétention s’avère plus forte pour une mesure de reproduction que pour une mesure de récognition; la hiérar­ chie servirait de plan pour amorcer la reproduction et perdrait de sa valeur lorsqu'il ne s'agirait que de reconnaître un mot.

Avec des textes en prose, la rétention est également influencée par la structure logique des idées. Les idées placées plus haut dans la structure sont mieux rappelées, et si une idée est rappelée, la probabilité est très forte que l'idée au-dessus d'elle dans la hié­ rarchie ait été rappelée aussi (Meyer et McConkie, 1973). Les idées placées très bas dans la hiérarchie étaient elles rappelées infréquem-ment. De même, des propositions principales sont mieux rappelées que des subordonnées et sont moins oubliées si il y a un délai (Kintsch et al., sous presse); il est possible que cela soit dû au fait que des concepts structuralement plus importants seront aussi plus redon­ dants, Pour résumer, on note deux conséquences importantes d'une hau­ te position structurale» prédominance et stabilité. Autre point inté­ ressant, l'effet Von Restorff veut qu'une phrase soit mieux rappelée que les autres si elle en diffère sensiblement par sa structure ou son contenu; ainsi on a également un facteur d'incongruité (Carroll, 1968).

Le rappel des segments linguistiques se trouve lié étroitement au jugement de leur importance; cela pour des délais allant jusqu'à 63 jours et avec différentes méthodes de mesure d'importance structu­ rale (Johnson, 1970). Les unités d'importance structurale plus élevée sont mieux rappelées en tout temps. Une analyse de variance des

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élé-&

ments nouveaux introduits dans le rappel montre que ces éléments nou­ veaux vont plutôt s'insérer à des niveaux plus importants structurale­ ment (Johnson, 1971). La possibilité que la meilleure rétention soit due au temps pris par les sujets pour apprendre les segments en ques­ tion a été éliminée par un contrôle du rythme de présentation du texte. Johnson suggère prudemment que les segments plus importants seraient plus facilement disponibles lors de la reproduction.

Les trois types d'organisation sémantique qui viennent d'être distingués ne peuvent l'être que pour des fins opératoires, d'après Meyer et McConkies

,.. much of the effect of serial position and of rated importance can actually be explained in tenus of the influence of logical structure of recall, (Meyer et McConkie, 1973» P. U5)

Quant à l'organisation syntaxique, Clark (1965) montre qu'elle facilite la rétention au-dessus de tout effet de probabilité. On ob­ serve une préférence pour des phrases actives plutôt que pour des phrases passives (James et al,, 1973). Dans une phrase active, il y a moins d'incertitude pour le sujet que pour le verbe et le complément, alors que dans une phrase passive la différence ne se fait pas (Clark, 1965). Un passage peut être organisé par attributs (ainsi le climat de cinq pays différents), par concepts (le climat, la population, les exportations, la mortalité d'un même pays), ou au hasard (Myers et al,, 1973» Di Vesta et al., 1973} Frase, 1973). Dans une forme sérielle de rappel, la condition "attribut” produit un meilleur rappel que les

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conditions "concept" ou "hasard" (Myers et al., 1973); si la mesure est un rappel libre, il n’y a pas de différences. Les résultats de Di Vesta et al. (1973)» sont opposés: les passages organisés par con­ cepts se retiennent mieux que ceux organisés par attributs. Les textes employés ne correspondent probablement pas dans leurs autres proprié­ tés.

2.2,2.3 - ambiguité du message

On a montré que des phrases inconsistantes ne sont pas traitées de la même façon que des phrases consistantes (Zahn, 1973). Dans leur investigation des effets thématiques, Dooling et Lachman (1971), et Dooling et Mullet (1973) se sont servis de passages vagues et métapho­ riques.

Dans MacKay (1966), sans se rendre compte que les phrases sont ambiguës, les sujets prennent plus de temps pour les traiter que les autres; le degré d’interférence varie avec le niveau linguistique impliqué. MacKay et Bever (1967) définissent trois types d’ambigui­ tés. L'ambiguité lexicale est celle oh un mot a plusieurs significa­ tions; l'ambiguité structurale de surface est celle oh la syntaxe peut attribuer des propriétés à un mot ou à un autre, et l'ambiguité structurale sous-jacente, celle oh la phrase entière est à double- sens. L'expérience démontre que les sujets règlent d'abord les ambi­ guités lexicales, puis les ambiguités de surface, puis les ambiguités sous-jacentes, le temps de perception étant fonction du type d'am­ biguité. Dans des phrases à multiples ambiguités, le temps de percep­

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tion est plus long pour localiser une ambiguité que dans des phrases à une seule ambiguité. Les mots ambigus, dans une tâche de récognition, sont aussi bien rappelés que d’autres mots (Perfetti et Lindsey, 1971).

2.2.2.4 - autres caractéristiques du message

Outre les propriétés déjà mentionnées, le message possède d'autres caractéristiques verbales, stylistiques et dans les cas oh le message est oral, caractéristiques vocales.

Voici un peu en vrac le fruit des recherches en ce qui concerne les caractéristiques verbales. Des phrases d'une imagery et d'une prévisibilité élevées se vérifient plus rapidement et donnent lieu à un meilleur rappel (Jorgensen et Kintsch, 1973; Holmes et Murray, 1974)

. Les sujets trouvent les phrases faibles en imagery difficiles à comprendre} même lorsque faciles à prévoir, des phrases abstraites sont moins bien retenues que des phrases concrètes de même degré de prévisibilité. Une étude de Danks (1969) fait ressortir la significa­ tivité et la grammaticalité comme les variables principales affectant le processus de compréhension. Paivio (1968) fait sortir les mêmes facteurs d'une analyse factorielle de 96 mots. Pour Carroll et White (1973)» l'âge d'acquisition des mots constituerait une meilleure nor­ me que leur fréquence, pour pondérer les résultats de diverses recher­ ches.

Kintsch (et Keenan, 1973» 1974; sous presse) s'est préoccupé d'un caractère de la composition du message, sa densité. Pour des

(51)

textes de même longueur, mais avec un nombre différent de proposi­ tions, le temps de lecture augmente avec le nombre de propositions. De même, le temps de lecture était plus long et le rappel moins bon pour des textes comprenant plusieurs concepts que pour des textes en produisant moins. Des textes répétant plusieurs fois les mêmes argu­ ments demandent moins de temps pour les comprendre que des textes

comportant plusieurs nouveaux arguments.

A date, peu de chercheurs ont voulu intégrer à leurs travaux l’aspect vocal du message, comme le constate Carroll:

The organization of discourse for optimal understanding is the traditional matter of rhetoric, which has been little studied from a psychological point of view, (Carroll, 1968, p, 19)

Pourtant, puisque une communication orale est plus souvent essentielle à retenir qu’une communication écrite où le texte sert en quelque sor­ te de mémoire, il serait normal que la voix ait un rôle à remplir,Zahn (1973) note que l'aspect vocal du message d'adresse directement à l'auditeur. L'intonation contient des informations importantes de na­ ture plutôt émotionnelle ou affective (Soskin, 1953» Huttar, 1968), Il est rapporté qu’une inconsistance entre le niveau verbal et le niveau vocal provoquera une impression désagréable sur le sujet (Haley, 1959). Si on présente à des sujets des phrases jugées séparément dans leur aspect vocal et verbal, sur une échelle allant de hostile à amicale, les sujets ayant à noter leur impression sur la même échelle après audition, on remarque que lorsqu'il y a inconsistance entre les deux niveaux, l'aspect vocal prime sur l'aspect verbal (Zahn, 1973)•

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38

2.2.2.5 - types de messages utilisés

Deux options se présentent à celui qui désire effectuer une re­ cherche avec de la prose. Il est possible d'élaborer soi-même son texte en fonction du type d'hypothèse qu'on posera, ce qui résulte selon les cas en un passage ambigu et métaphorique, en une série de phrases groupées par concepts ou attributs, ou encore en une suite de propositions claires, logiques et courtes. L'autre possibilité consiste à utiliser un matériel ressemblant le plus possible à celui qui fait partie de notre vie de tous les jours.

Nous ne prétendons pas trancher le débat. Qu'il nous suffise de remarquer qu'une grande prudence est nécessaire si l'on veut éviter qu’à force de contrôle, le matériel soi-disant expérimental ne devien­ ne qu'un pâle reflet de la réalité à investiguer. Avant de simpli­ fier un matériel, on doit pouvoir justifier cette simplification, et prouver que les aspects mis de côté ne tiennent pour aucune part dans le phénomène étudié. Nous nous permettrons ici une citation, un peu longue certes, mais fort à propos de Howe et Singer (1975)*

In experimental research it is customary to use materials for learning that are in some respects artificial, and often simpler than the kinds of content typically

encountered in educational settings. The reasons for this are perfectly justifiable and relate to the

necessity for exerting précisé

control over experimental conditions. Nevertheless, the use of artificial, simplified learning materials

does give rise to problems in applying resuits. One can never be

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sure, for instance, that a

student strategy which effectively facilitâtes the leaming of a simple list of words has any value for the acquisition of knowledge that is communicated in highly complex and structured forms, as in the case with much educational content.

(Howe et Singer, 1975»P. 53)

Lorsqu’ils n'auront pas été composés pour les fins de la recher­ che, les passages utilisés auront été extraits de revues scientifiques (Meyer et McConkie, 1973? Howe et Singer, 1975)» de nouvelles du

vingtième siècle (Howe et Evans, 1973)» ou encore de recherches pré­ cédentes. A ce propos, notons qu'un des textes utilisés par Bartlett (1932)» The War of Ghosts, a souvent été repris ces dernières années, en particulier par Johnson (1970). Quoique on qualifie ce texte de "folktale" ou "conte de folklore", cette appellation ne doit pas être acceptée dans son sens littéral; il s'agit plutôt d'une légende, très courte, presque résumée, et remaniée sous forme littéraire, ce qui enlève de sa valeur à l'attribut folklore qu'on lui prête.

Les sujets traités varient du lavage de la vaisselle au traite­ ment de l'uranium 238, en passant par la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb, A notre connaissance, après Bartlett, les cher­ cheurs se sont limités à des textes de nature factuelle, éliminant pour le moment des spécimens de nature émotive, des descriptions de sentiments, lettres, poésies et autres. La longueur varie aisément de moins de 25 mots à plus de 500? la plupart du temps, on n'expli­ que pas la raison du choix.

(54)

*4-0

2.2,3 - Conditions de transmission et de retransmission

Nous arrivons maintenant aux parties du modèle de la transmission qui constituent en quelque sorte des canals, l’un emprunté par le

message pour arriver au destinataire, et l’autre traduisant le message interne à retransmettre sous forme compréhensible. Ces canals ne font pas que relier simplement une cause à son effet car ils sont eux-mêmes chargés d’implications. Pourtant, lorsqu’ils ne sont pas con­ sidérés en soi comme un objet de recherche, trop souvent on les oublie et on ne leur prête pas l’attention nécessaire à une meilleure in­ terprétation des résultats. Les différences entre les diverses procé­ dures contribuent probablement pour une part aux écarts dans les résul­ tats observés.

En suivant notre modèle dans l’ordre chronologique, nous étu­ dierons séparément trois points: les conditions de présentation de l’information, les délais entre la présentation et la remise de l’in­ formation, et les conditions de remise de l’information. A l’inté­ rieur de chacun de ces aspects, les recherches spécifiques seront abordées lorsqu’il y en aura, mais on verra aussi à décrire l’éventail des moyens utilisés dans l’ensemble des recherches sur la prose. La simplicité relative des manipulations expérimentales autorise d’une certaine manière ce cloisonnement dans la description des informations.

Figure

Figure  1.1» Modèle de transmission  d'un  message  ............  6 Figure 1.2: Message de Mme Lévesque à  Mme  Tremblay ........
Figure 1.1  :/1odèle de  transmission d’or» message
Figure  1.2  - Message de  Mme Levesque â Mme  Tremblay
Figure 4.1 'Plan dexpérience
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