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Mise au point d'une méthode de diagnostic de la surimmunosuppression chez le patient greffé par l'étude ex vivo de l'activation monocytaire

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Academic year: 2021

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Mise au point d’une méthode de diagnostic de la

surimmunosuppression chez le patient greffé par

l’étude ex vivo de l’activation monocytaire

Mémoire

Patrice Vallin

Maîtrise en médecine expérimentale

Maître ès sciences (M. Sc.)

Québec, Canada

(2)

Mise au point d’une méthode de diagnostic de la

surimmunosuppression chez le patient greffé par

l’étude ex vivo de l’activation monocytaire

Mémoire

Patrice Vallin

Sous la direction de :

Sacha De Serres, directeur de recherche

Éric Wagner, codirecteur de recherche

(3)

iii

Résumé

Contexte. Les traitements immunosuppresseurs actuels sont associés à un risque considérablement accru d'infection grave et de cancer. Un outil identifiant les patients surimmunosupprimés (SI) pourrait changer de façon significative le suivi clinique et réduire les comorbidités liées à l’immunosuppression.

Méthodes. Dans cette étude observationnelle prospective, plus de 300 collections de cellules mononucléées du sang périphérique (PBMCs) ont été prélevées longitudinalement au cours des 2 premières années post-transplantation chez 50 greffés rénaux. Les patients ont été classés comme SI ou contrôles. 2 patients ont été exclus à cause d’une perte de greffe, d’un risque biologique et 7 autres dus à un problème de congélation des cellules en début d’étude. Les PBMC ont été incubées pendant une nuit (non stimulées, stimulées au LPS ou des peptides de l'EBV). La réponse monocytaires a été examinée par cytométrie en flux.

Résultats. Les patients ont été répartis au hasard dans une cohorte d’entrainement (n=12) et une cohorte de validation (n=29). Dans la cohorte d’entrainement, nous avons exploré l'expression de surface et de la production intracellulaire de cytokines pro-inflammatoires dans les sous-populations monocytaires. Dans les cultures stimulées par les peptides de l’EBV, les monocytes de patients SI ont présenté une réponse TNFa dans la sous-population CD14+CD16+ (pro-inflammatoire) inférieure aux patients contrôles. Un seuil de 73% des monocytes CD14+CD16+ positifs au TNFa+ a été déterminé par courbe ROC. Une règle de classification a été définie: tout patient avec 2 points consécutifs sous le seuil du %TNFa pour les monocytes CD14+CD16+ a été classé SI. Dans la cohorte d’entrainement, cette règle a donné une sensibilité=83%, spécificité=83%, VPP=83% et VPN=83%. Dans la cohorte de validation, les valeurs ont été sensibilité=90%, spécificité=63%, VPP=56% et VPN=92%.

Conclusion. Cette étude démontre que la mesure de la réponse des monocytes après stimulation in vitro des PBMCs peut informer sur l'état de surimmunosuppression.

(4)

iv

Abstract

Background. The current immunosuppressive regimens are associated with a substantially increased risk of serious infection and cancer. A tool that identifies over-immunosuppressed (OIS) patients could significantly change clinical management and reduce comorbidities related to the immunosuppression.

Methods. In this prospective, observational study, over 300 peripheral blood mononuclear cells (PBMC) samples were collected longitudinally during the first 2 years post-transplant in 50 kidney recipients. Patients were classified as OIS [opportunistic infection (n=16), BK viremia or nephropathy (n=12), CMV viremia (n=1), ≥3 recurrent bacterial infection (n=2), cancer (n=1)] or controls (n=25). 2 patients were excluded because of graft loss, biohazard issue or 7 because of technical issue with the cells frozen in the first months of the protocol. Whole PBMCs were incubated overnight (unstimulated, LPS-stimulated and EBV peptides-stimulated) and the monocyte response was examined by flow cytometry.

Results. Patients were randomly distributed in a training (n=12; 6 OIS and 6 controls by design) and a validation cohort (n=29; 10 OIS and 19 controls). In the training cohort, we explored the surface expression of intracellular production of pro-inflammatory cytokines in monocyte subsets. In the EBV peptides-stimulated cultures, monocytes from OIS patients had a lower TNFα response in the CD14+CD16+ (pro-inflammatory) subset. Cut-off of 73% CD14+CD16+ monocytes positives for TNFα was determined by ROC curve. A classification rule was defined: any subject with 2 consecutive samples under the %TNFα+ cutoff for CD14+CD16+ monocytes was considered OIS. In the training cohort, this rule yielded the following: sensitivity=83%, specificity=83%, positive predictive value=83% and a negative predictive value=83%. In the validation cohort, values were: sensitivity=90%, specificity=63%, positive predictive value=56% and negative predictive value=92%.

Conclusion. This proof-of-concept study demonstrates that measuring monocyte response when whole PBMCs are stimulated in vitro can inform on the OIS status.

(5)

v

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Table des matières ... v

Liste des tables ... vii

Liste des figures ... viii

Liste des abréviations ... ix

Remerciements ... xi

Introduction ... 1

I. La transplantation rénale ... 1

I.1. L’insuffisance rénale terminale ... 1

I.2. Historique de la transplantation rénale ... 2

I.3. Principe de la transplantation rénale ... 2

I.4. Épidémiologie ... 3

I.5. Avantages de la transplantation sur la dialyse ... 4

II. Le rejet en transplantation rénale ... 5

II.1. Origines du rejet ... 5

II.2. Description du rejet de l’allogreffon ... 11

II.3. Les monocytes dans l’immunologie de la greffe rénale... 13

III. L’immunosuppression chez le greffé rénal ... 17

III.1. Objectifs de l’immunosuppression ... 17

III.2. Le régime immunosuppresseur standard ... 18

III.3. Un effet secondaire de l’immunosuppression: La surimmunosuppression... 21

III.4. Les biomarqueurs de la surimmunosuppression ... 26

IV. Résumé de la revue de littérature ... 27

Hypothèse et objectifs de recherche ... 28

Matériels et méthodes ... 29

I. Devis de l’étude ... 29

I.1. Construction de l’étude... 29

I.2. Suivi et collection des échantillons ... 29

I.3. Issue primaire : critères de la surimmunosuppression ... 30

(6)

vi

II. Culture cellulaire ... 34

III. Stimulations ex vivo et cytométrie de flux ... 35

IV. Analyses statistiques ... 36

Résultats ... 38

I. Étude de l’activation cellulaire ex vivo dans la cohorte d’entrainement ... 38

I.1. Stratégie d’étude en cytométrie de flux ... 38

I.2. Étude de l’activation lymphocytaire ... 39

I.3. Étude de l’activation des monocytes ... 43

II. Test de prédiction du statut de surimmunosuppression ... 47

III. Validation du test de surimmunosuppression ... 51

IV. Les doses d’immunosuppresseurs et le statut d’immunosuppression ... 54

IV.1. Association des doses d’immunosuppresseur avec la positivité des monocytes intermédiaires au TNFa ... 54

IV.2. Étude de l’effet confondant des immunosuppresseurs sur l’association entre le statut d’immunosuppression et la positivité au TNFa des monocytes intermédiaires ... 56

Discussion... 58

I. Comparatif à la littérature ... 58

II. Limitation de l’étude ... 59

III. Impact de l’étude ... 61

IV. Perspectives ... 61

V. Conclusion ... 61

(7)

vii

Liste des tables

Table 1 : Description des évènements cliniques dans les groupes de patients contrôles et

surimmunosupprimés entre les mois 0 à 24 post-greffe. ... 33 Table 2 : Caractéristiques cliniques de la population étudiée. ... 34 Table 3 : Liste des anticorps utilisés pour l'analyse des monocytes et des cellules T et leurs isotypes correspondants. ... 36 Table 4 : Caractéristiques de la courbe ROC définie par un test de deux points consécutifs sous le seuil. . 48 Table 5 : Résumé des évènements cliniques et résultat du test de surimmunosuppression dans la cohorte d’entrainement. ... 50 Table 6 : Résultats du test de surimmunosuppression pour la cohorte de validation. ... 53 Table 7 : Description des doses d’immunosuppresseurs recommandées dans le cadre d’un régime basé sur une triple immunosuppression. ... 55 Table 8 : Étude de l’effet confondant des immunosuppresseurs et de la fonction rénale sur l’association entre le statut d’immunosuppression et le pourcentage de monocytes intermédiaires positifs au TNFa. ... 57

(8)

viii

Liste des figures

Figure 1 : Survie non ajustée à 3mois et 1, 3, 5 ans post-greffe par type de donneur, chez les patients

transplantés pour un rein en 2008 au Canada. ... 4

Figure 2 : Représentation des complexes majeurs d’histocompatibilité -I et –II. ... 7

Figure 3 : Voies de signalisation du TCR. ... 8

Figure 4 : Différenciation des lymphocytes T CD4+. ... 9

Figure 5 : Biopsie d'un patient présentant un rejet aigu médié par les cellules T. La flèche indique l'infiltration de cellules mononucléées dans un tubule. ... 11

Figure 6 : Biopsie d'un patient atteint de rejet humoral aigu. ... 13

Figure 7 : Taux de survie des greffes de rein cadavérique et des épisodes de rejet à 1-an post-greffe entre 1965 et 2005. ... 17

Figure 8 : Effets des immunosuppresseurs utilisés dans le cadre d’un régime standard sur l’activité des cellules T.. ... 19

Figure 9 : Pourcentage des patients transplantés pour un rein hospitalisés pour un rejet ou une infection par année de transplantation entre 1987 et 2000. ... 22

Figure 10 : Ratio d'incidence standardisé chez les greffés rénaux par rapport à la population générale pour différents cancers reliés ou non à un virus... 26

Figure 11 : Dates de suivi post-greffe pour les collectes de sang et les prélèvements de biopsies protocolaires.. ... 29

Figure 12 : Diagramme des cohortes d’entrainement et de validation. ... 32

Figure 13 : Stratégie utilisée pour cibler les sous-populations cellulaires et les cellules productrices de médiateurs pro-inflammatoires.. ... 39

Figure 14 : Pourcentage de lymphocytes CD4+ mémoires produisant de l’IFNg chez les patients contrôles et surimmunosupprimés. ... 41

Figure 15 : Pourcentage de lymphocytes CD8+ mémoires produisant de l’IFNg chez les patients contrôles et surimmunosupprimés.. ... 42

Figure 16 : Pourcentage de monocytes classiques CD14+CD16- produisant du TNFa chez les patients contrôles et surimmunosupprimés. ... 44

Figure 17 : Pourcentage de monocytes intermédiaires CD14+CD16+ produisant du TNFa chez les patients contrôles et surimmunosupprimés.. ... 46

Figure 18 : Détermination du statut du test de surimmunosuppression sur les groupes contrôles et SI de la cohorte d’entrainement. ... 49

Figure 19 : Détermination du statut du test de surimmunosuppression sur les groupes contrôles et SI de la cohorte de validation.. ... 52

Figure 20 : Analyse longitudinale des doses d’immunosuppresseurs moyennes reçues par l’ensemble des patients surimmunosupprimés et non-surimmunosupprimés. ... 54

Figure 21 : Analyse longitudinale de l’indice global d’immunosuppresseur reçus par l’ensemble des patients surimmunosupprimés et non-surimmunosupprimés .. ... 56

(9)

ix

Liste des abréviations

AMR (antibody mediated rejection) : rejet médié par les anticorps AUC (area under the curve) : aire sous la courbe

ATG : anti-thymoglobuline ATP : adénosine triphosphate Aza : azathioprine

BKV : virus BK

C/EBPα : enhancer binding protein-α

CDC-XM (complement dependant cytotoxicity crossmatch) : appariement croisé en cytotoxicité complément dépendante

CMH : complexe majeur d’histocompatibilité

CMP (common myeloid progenitor) : progéniteur myéloïde commun CNI : inhibiteurs de la calcineurine

CPA : cellule présentatrice d’antigène CRP : C-reactive protein

CsA : Cyclosporine-A

DCA : dommages chroniques à l’allogreffon DFGe : débit de filtration glomérulaire DSA : anticorps spécifique au donneur

DWFG (death with a functionning graft) : décès avec une greffe fonctionnelle EBV : Virus Epstein-Barr

FK506 : tacrolimus

FKBP (FK506-binding protein) : protéine de liaison au FK506 FSC : Forward scatter

GMP (granulocyte/macrophage progenitor) : progéniteur des granulocytes et des macrophages H. pylori : Helicobacter pylori

HBV/HCV : virus de l’hépatite B et C HHV8 : virus herpès humain 8

HLA (Human Leukocyte Antigen) : antigènes leucocytaires humains HPV : virus du papillome humain

HSC : cellules souches hématopoïétiques du foie fœtal du mésoderme IFNg : Interféron gamma

IL-2 : Interleukine 2

IMPDH : inosine 5’-monophosphate déshydrogénase IRC : insuffisance rénale chronique

IRT : insuffisance rénale terminale

ITAM : immunoreceptor tyrosine-based activation motif IVIg : immunoglobulines en intraveineuses

LAT : Linker for Activation of T cells

LCK : Lymphocyte Cell-specific protein tyrosine Kinase LPS : lipopolysaccharide

M-CSF : macrophage colony-stimulating factor M class.: monocytes classiques (CD14+ CD16-)

(10)

x M int.: monocytes intermédiaires (CD14+ CD16+)

MDP (macrophage/dendritic cell progenitor) : progéniteur des macrophages et des cellules dendritiques MICA : major histocompatibility complex class I related chain A

MMF (mycophénolate mofétil) : Acide mycophénolique mTOR : mammalian Target Of Rapamycin

n/a : non-applicable

NABKV : néphropathie associée au BKV NFAT : Nuclear Factor of Activated T cells NSI : non-surimmunosupprimé

OIS : over-immunosuppressed

PAMPs : pathogen associated molecular patterns PBMCs : cellules mononucléées du sang périphérique PCR : polymerase chain reaction

PHA : phytohémagglutinine

PRRs : pathogen recogniton receptors ROC : Receiver Operating Characteristic

PTLD (posttransplant lymphoproliferative disease) : syndrome lymphoprolifératif post-greffe SI : surimmunosupprimé

SPOR : strategy for patient-oriented research SSC : Side scatter

SSOP : sequence specific oligonucleotide probes SSP-PCR : sequence specific primer PCR ST (small T) : petit T

TCMR (T-cell mediated rejection) : rejet médié par les cellules T TCR : T-cell receptor

TLR : Toll-like receptor TNFa : tumor necrosis factor

VPN : valeur prédictive négative VPP : valeur prédictive positive

(11)

xi

Remerciements

Je remercie sincèrement mon directeur de recherche, le docteur Sacha De Serres, pour m’avoir accueilli au sein de son laboratoire, son enseignement ainsi que la confiance qu’il m’a accordé dans la réalisation de ce projet. Je souhaite remercier également le Dr Richard Larivière et le Dr Éric Wagner pour le soutien qu’ils m’ont accordé tout au long de ces 3 ans.

Je tiens à remercier toute l’équipe de recherche : le Dr Olivier Désy, France Samson et Stéphanie Béland pour leur aide dans la collecte (interminable) des échantillons. Un merci tout particulier à Olivier qui m’a été d’un grand soutien dans les moments importants. Je garderai un très bon souvenir de notre rencontre. France, merci pour ton éternelle bonne humeur. Même les tâches les plus fastidieuses deviennent agréables en ta compagnie. Cela a été une grande joie de collaborer avec toi.

Merci à toutes les personnes que j’ai eu la chance de côtoyer lors de cette formidable expérience. Je voudrai remercier en particulier le Dr Roth-Visal Ung, la Dre Caroline Basoni, Sylvain Picard, Catherine Fortier et Mariepier Desjardins pour leur enthousiasme et leur soutien.

Pour conclure, je souhaite remercier Laetitia et mon fils, Philémon. Merci d’avoir partagé avec moi cette merveilleuse aventure.

(12)

1

Introduction

I. La transplantation rénale

I.1. L’insuffisance rénale terminale

Dans les pays industrialisés, on estime qu’environ 10% de la population souffre d’insuffisance rénale chronique (IRC) 1,2. Au Canada, 5333 nouveaux cas d’insuffisance rénale terminale (IRT) ont été diagnostiqués en 2013 3. Ceci amène à plus de 41000 patients, le nombre de canadiens souffrant d’IRT, soit 151.7 personnes par millions d’habitant. L’augmentation du nombre de patient atteint d’IRT est un réel problème de santé publique. Entre 2004 et 2013, il y a eu une augmentation de 35% du nombre de canadiens souffrant d’IRT 3.

Les dommages rénaux à l’origine de l’IRC ont de multiples origines. Approximativement 2.6 million de canadiens présentent un risque accru de maladie rénale ou en sont atteints 4. D’après le registre canadien des insuffisances et des transplantations d’organes, la première cause de néphropathie entrainant l’IRT est le diabète (35.9%) suivi des maladies vasculaires rénales (14.7%, i.e. hypertension) et de la glomérulonéphrite (10.6%) 3. Parmi les autres causes, il y a la polykystose rénale (4.2%), la pyélonéphrite (2.1%), les causes médicamenteuses (2.8%), autres (17%) et inconnus (13.5%).

L’IRC est une maladie rénale caractérisée par une diminution lente et irréversible de la fonction rénale et qui aboutit à l’IRT. La progression de l’IRC est divisée en stades classés de 1 à 5 5. Le stade 1 correspond au degré d’IRC le plus faible ; il y a eu des dommages rénaux mais la filtration n’est pas altérée. Dans les stades 2 à 4, la filtration du sang est progressivement amoindrie. Au stade 5, la fonction rénale est trop basse pour permettre la survie sans suppléance rénale par la dialyse ou une greffe rénale ; le patient est en IRT. De nos jours, la fonction rénale est le plus souvent estimée par l’équation du débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) « CKD-EPI » 6. Lorsque le DFGe devient inférieur à 15mL/min/1.73m2, le patient est considéré en IRT. À ce stade, selon son état clinique il doit recevoir un traitement permettant de suppléer sa fonction rénale

À ce jour, il n’existe que deux techniques qui permettent aux personnes en IRT de survivre : la dialyse et la transplantation rénale. L’hémodialyse et la dialyse péritonéale constituent les deux formes de dialyse disponibles. Ce sont des formes de suppléance de filtration extra-rénale. Dans le cas de l’hémodialyse, la forme de dialyse la plus répandue, le sang sort du corps du patient afin d’être filtré au moyen d’une membrane semi-perméable qui le sépare du dialysat. La survie à 5 ans des patients en hémodialyse au Canada est de 42% 3 ; celle-ci est encore plus faible aux États-Unis. L’alternative à la dialyse est la transplantation rénale.

(13)

2

I.2. Historique de la transplantation rénale

De par l’enjeu thérapeutique que la greffe d’organe suscite, elle a depuis longtemps fait l’objet d’une attention particulière de la part des médecins et des scientifiques. Des traces de tentative de transplantation remontant à l’antiquité ont pu être découvertes 7. Toutefois ce ne sera qu’à partir du début du 20ème siècle que les premières avancées significatives dans ce domaine verront le jour.

La première greffe de rein fût réalisée par Emerich Ullmann en 1902, qui effectua une autogreffe sur un chien ainsi qu’une xénogreffe chien-à-chèvre 8. Les travaux d’Alexis Carrel sur la suture vasculaire et leur utilisation en transplantation font de lui un des pionniers dans ce domaine 9. Ces travaux lui valurent l’obtention du prix Nobel de médecine en 1912. En 1906, les premières xénogreffes de rein sur des humains atteints d’IRT sont effectuées en utilisant les organes d’un cochon et d’une chèvre 10. Malgré une opération réussie d’un point de vue technique, les patients décéderont peu après. En 1937, Loeb réalise des homogreffes de peau sur des rats. Il constate que l’intensité du rejet est liée aux différences génétiques entre le donneur et le receveur 11. Par la suite, il soulèvera l’implication des lymphocytes dans ce mécanisme. En 1933, Yu Voronoy devient la 1ère personne à réaliser une homogreffe de rein sur un humain depuis un donneur cadavérique 12. Bien qu’un test d’incompatibilité de groupe sanguin ait été réalisé avant l’opération, le patient décèda quelques jours plus tard.

Au milieu du 20ème siècle, la transplantation d’organe solide rencontre ses premiers succès. En 1951, Kuss mettra au point une technique chirurgicale d’implantation du rein greffé en position extra-péritonéale 13. Cette technique deviendra le standard qui encore aujourd’hui est utilisée en transplantation rénale. Le 23 décembre 1954, Murray transplanta le rein d’un donneur vivant à son jumeau homozygote 14,15. Le receveur vécu pendant 9 années avant d’observer une chute de la fonction rénale et le décès du patient. Cette opération reste dans les mémoires comme étant le 1er succès de la transplantation rénale. Plus tard, des opérations de greffe rénale sur des jumeaux hétérozygotes seront réalisées en abolissant le système immunitaire du receveur avec des irradiations sub-létales 16,17. Leur impact est très important d’un point vu scientifique car elles montrent pour la 1ère fois l’abolition de la barrière immunologique entre le donneur et le receveur. Depuis ces prémices, l’apparition de nouveaux médicaments immunosuppresseurs et le perfectionnement des techniques de préservation des organes en pré-transplantation ont amélioré le retour de la fonction rénale et à la survie des patients post-greffe.

I.3. Principe de la transplantation rénale

(14)

3 La transplantation est précédée d’une série d’évaluations qui ont pour objectif d’optimiser la réussite de la future greffe. Une liste de contre-indications à la greffe portant sur des aspects psychiatriques, immunologiques et de comorbidité ont été définis 18. Par exemple, des pathologies psychiatriques telles que des tendances suicidaires ou une non-compliance à la dialyse constituent une contrindication absolue. Pour les facteurs immunologiques, les multiples mésappariements HLA (Human Leukocyte Antigen), une sensibilité aux antigènes du donneur, ou encore une maladie infectieuse active sont des contre-indications relatives. Une fois ces étapes validées, la transplantation peut avoir lieu.

Pour procéder à la transplantation, un rein est prélevé sur un donneur vivant, relié ou non, ou sur un donneur cadavérique. Lors de l’opération chirurgicale, le rein greffé est implanté à la fosse iliaque et raccordé aux systèmes vasculaire iliaque et urinaire du receveur. L’opération se déroule sous anesthésie générale et dure environ 4 heures. À cause du caractère pro-inflammatoire de l’acte chirurgical, le patient reçoit un traitement immunosuppresseur d’induction qui vise à limiter la réponse du système immunitaire contre le greffon. Bien que l’induction varie d’un centre de greffe à l’autre, le traitement comporte en général des corticostéroïdes à hautes doses ainsi qu’un agent inhibiteur des cellules T.

Suite à l’opération, le patient reçoit un traitement immunosuppresseur d’entretien qui a pour objectif de limiter la réponse immunitaire contre l’allogreffon sans toutefois compromettre la capacité de l’organisme à monter une défense contre un pathogène/tumeur. Durant la 1ère année, le patient est suivi régulièrement afin de s’assurer du bon fonctionnement du rein et au besoin ajuster la médication.

I.4. Épidémiologie

Selon le registre canadien des insuffisances et en transplantation d’organe, 1148 transplantations rénales ont été effectuées au Canada en 2013, incluant les greffes multiples 3. Cela représente une augmentation de 33% du nombre d’opérations annuelle par rapport à 2004. Sur cette même période, les greffes de donneur vivant ont augmenté de 26% et les greffes de donneur cadavérique de 37%.

Malgré le nombre croissant de transplantation rénale chaque année, le nombre de patient en attente d’une greffe reste en moyenne 2,5 fois supérieur au nombre d’opérations pratiquées. Entre 2005 et 2014, il y a eu une augmentation de 26% du nombre de patient en attente d’une greffe 19. En moyenne, un patient doit patienter 4 ans sur liste d’attente avant de recevoir une greffe de rein issu d’un donneur cadavérique. Entre 2004 et 2013, il y a eu une augmentation de 60% des patients décédés sur liste d’attente au Canada (55 patients décédés contre 88 respectivement). En 2008, la survie d’un rein transplanté est d’environ 92% et 96% à 1 an post-greffe et de 83% et de 89% à 5 ans post-greffe pour une greffe de donneur cadavérique et de donneur vivant respectivement (Figure 1).

(15)

4

Figure 1 : Survie non ajustée de l’allogreffon à 3mois et 1, 3, 5 ans post-greffe par type de donneur, chez les patients transplantés pour un rein en 2008 au Canada. D’après les données du CORR 2015. La survie à court terme d’un rein greffé est supérieure à 90%. La survie de l’allogreffon à 5 ans post-greffe est inférieure à 90% pour les receveurs d’une greffe d’un donneur vivant et inférieure à 85% pour les donneurs cadavériques. 3

I.5. Avantages de la transplantation sur la dialyse

La transplantation rénale est le meilleur traitement possible de l’IRT. La transplantation rénale vis-à-vis de la dialyse est avantageuse sur de multiples aspects : social, économique et médical.

La transplantation rénale confère au patient une meilleure qualité de vie en abrogeant les séances de dialyse qui sont souvent mal vécues par les patients. L’arrêt de la dialyse est la première cause de décès chez les patients en IRT (19%). Il a été rapporté que l’incidence est de 41 épisodes pour 1000 patients par année 20. Une importante proportion de patient en hémodialyse finit par développer des maladies mentales. Les cas les plus rapportés sont la dépression et/ou un trouble affectif (26%), le syndrome organique cérébral et/ou une démence (26%) et l’abus d’alcool et/ou de drogues (15%) 21.

Du point de vue médical, l’espérance de vie d’un patient en dialyse est en moyenne plus courte que chez les patients transplantés. Le taux de survie à 5 ans des patients dialysés est de 44.8%, contre une survie de l’allogreffon de 85% pour une même période 3. Y compris chez les personnes âgées de plus de 65 ans, la différence d’espérance de vie reste importante. Le taux de survie des personnes de plus de 65 ans en dialyse pendant 5 ans et plus est inférieur à 41% (40.6% de 65 à 74ans et 26.8% pour les 75 ans et plus) alors que la survie de l’allogreffon à 5 ans post-greffe est en moyenne de 73% pour cette population 3. Cela s’explique par le fait que le rein transplanté assure une filtration continue du sang, de jour comme de nuit et de meilleure qualité. En comparaison l’hémodialyse est effective que lors des séances de 3 à 4 heures répétées 3 fois par semaine et ne permet pas d’éliminer aussi bien les toxines de l’organisme. Il faut également noter un biais de sélection des patients greffés, qui sont en meilleure condition générale que les dialysés qui ne sont pas mis sur la liste d’attente de greffe.

75% 80% 85% 90% 95% 100%

3 Months 1 Year 3 Years 5 Years

Deceased Donor Living Donor

(16)

5 La dialyse vise uniquement à éliminer les toxines accumulées dans le sang, alors que la transplantation rénale offre la possibilité de restituer non seulement les fonctions de filtration, mais également les fonctions endocrines perdues par les reins natifs. Les reins assurent le bon fonctionnement du métabolisme notamment par la sécrétion d’érythropoïétine, qui est essentielle chez l’adulte pour la formation de nouveaux globules rouges, ou de rénine et de l’angiotensine, pour la régulation de l’homéostasie minérale et de la pression sanguine 22,23.

Enfin, la transplantation rénale représente une solution plus économique pour la société que l’hémodialyse, la forme de dialyse la plus utilisée 4. L’hémodialyse coute approximativement 60 000$ par patient par an, ce qui en fait le traitement le plus couteux pour traiter l’IRT. En comparaison, la transplantation rénale coute 23 000$ et la médication 6 000$ par an. Un patient greffé permettra d’économiser 250 000$ au bout d’une période de 5 années post-transplantation. Le point de « rentabilité économique » d’une transplantation est estimé à 2.7 ans et peut même atteindre 1.7 ans si le patient ne nécessite pas une réadmission dans la 1ère année 24.

II. Le rejet en transplantation rénale

II.1. Origines du rejet

En transplantation rénale, le rejet de l’allogreffon se manifeste cliniquement par une perte de la fonction rénale. Le rejet est provoqué par un ensemble de facteurs de nature immunologique ou non immunologique qui doivent être régulièrement suivis après la transplantation.

II.1.1. Les facteurs immunologiques

Les facteurs immunologiques regroupent l’ensemble des facteurs liés au système immunitaire du receveur qui vont provoquer le rejet aigu et/ou chronique de l’allogreffon. L’histocompatibilité entre le donneur et le receveur est liée au polymorphisme génétique de gènes permettant au système immunitaire de discriminer le soi du non-soi. Parmi les facteurs immunologiques, le système ABO et HLA de classe -I et -II constituent deux paramètres important de la compatibilité donneur-receveur.

II.1.1.1. La compatibilité ABO

Au début du 20ème siècle, Landsteiner décrit la première classification ABO de groupe sanguin 25. Au niveau moléculaire, le système A, B et O caractérise la présence de glucides spécifiques à la surface de la membrane plasmique des globules rouges et des cellules endothéliales. Après la naissance, l’organisme développe des anticorps dirigés contre les glucides du groupe A et/ou B, si ceux-ci ne font pas partis du soi. Ces anticorps résultent de la mise en place d’une réponse immunitaire adaptative contre des bactéries de l’intestin qui présentent des épitopes identiques à ceux présentés par les glucides des groupes A et B.

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6 Cette réactivité antigénique croisée génère des anticorps capables de reconnaitre des épitopes des groupes A et/ou B, sans aucune sensibilisation préalable. Dans le cas d’une transfusion sanguine avec un donneur incompatible (i.e. donneur A, receveur O), il y a une agglutination rapide des globules rouges.

En transplantation rénale, une incompatibilité ABO est considérée comme une barrière immunitaire importante. Les premiers cas de transplantation ABO incompatible ont menés à des rejets hyperaigus des allogreffons. Le rejet hyperaigu survient dans les minutes après que l’anastomose vasculaire ait été réalisée et résulte en une thrombose généralisée de l’allogreffon. Afin d’éviter le rejet hyperaigu, la compatibilité du groupe ABO du donneur et du receveur sont déterminés en pré-greffe. La majorité des transplantations effectuées sont ABO-compatibles.

Dans certains cas, la transplantation ABO-incompatible peut être réalisée. C’est le cas pour une transplantation de donneur vivant ou au Japon afin pallier au manque d’organe disponible. Les avancées récentes dans les protocoles de transplantation rénale ABO-incompatible semblent montrer de bons résultats sur la survie de l’allogreffon à long terme 26,27.

II.1.1.2. Les complexes majeurs d’histocompatibilité

II.1.1.2.1 Rôles physiologiques des complexes majeurs d’histocompatibilité

Les complexes majeurs d’histocompatibilité (CMH), ou HLA chez l’homme, se présentent en deux classes: Les HLA de classe I et les HLA de classe II. Les I regroupent le A, -B et -C et les II, le HLA-DR, -DQ et –DP 28. Les HLA de classe I sont exprimés constitutivement par toutes les cellules nucléées. Ils se composent d’une chaine polymorphe  et d’une chaine non-polymorphe microglobuline . Les HLA de classe II sont exprimés constitutivement par les cellules présentatrices d’antigènes (CPA) et les cellules endothéliales en conditions inflammatoires. Ils se composent de deux chaines polymorphes, une  et une

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7

Figure 2 : Représentation des complexes majeurs d’histocompatibilité -I et –II. Les chaines des CMH-I et –II appartiennent à la superfamille des immunoglobulines. Le CMH-I (à gauche) se compose d’une chaine polymorphique ancrée dans la membrane plasmique et d’une chaine microglobuline non polymorphique. Les chaines et sont liées entre elles par des liaisons non covalentes. La chaine forme une poche dans laquelle un peptide de 8 à 10 acides aminés est intégré. Le CMH-II est formé de deux chaines transmembranaires polymorphiques, une et une. Ces deux chaines forment une poche capable d’accepter un peptide d’environ 20 acides aminés. Figures publiées dans Cellular and Molecular Immunology, 6th Edition, Abbas et al. Copyright Elsevier, 2007. 29

Les HLA -I et -II comportent chacun une poche peptidique dans laquelle est fixée par des liaisons hydrogènes un peptide présenté au système immunitaire. Il est admis que le HLA-I fixe un peptide endogène de 8 à 10 acides aminés et le HLA-II un peptide exogène de 15 à 25 acides aminés (Figure 2). Dans le cas particulier de la présentation croisée d’antigène, une population de CPA spécialisée est capable de présenter un peptide exogène via le HLA-I.

En conditions physiologiques, les cellules T patrouillent et analysent les peptides présentés à la surface des cellules via le TCR (T-cell receptor). Les cellules T sont programmées pour reconnaitre le non-soi via une liaison spécifique du TCR et de son corécepteur (CD4/CD8) avec le complexe CMH/peptide présenté par la cellule cible. Lorsque le lymphocyte T reconnait le peptide présenté par le CMH, le lymphocyte T est activé et déclenche une cascade de signalisation intracellulaire qui aboutit à une modification de l’expression génique de la cellule via l’activation des facteurs de transcription, NFAT, NFB et AP-1 (Figure 3).

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8

Figure 3 : Voies de signalisation du TCR. Le TCR est activé suite à la reconnaissance du CMH/peptide. Cette interaction est stabilisée par le corécepteur du TCR, le CD4 (ou CD8). La partie cytoplasmique du corécepteur est associée à la protéine LCK (lymphocyte cell-specific protein tyrosine kinase) qui après recrutement au niveau du TCR va phosphoryler un motif ITAM (immunoreceptor tyrosine-based activation motif) contenu dans la chaine du CD3. Après phosphorylation CD3, il y a augmentation de l’affinité pour la protéine ZAP-70 et recrutement de celle-ci. Cela induit un changement de conformation de ZAP-70 lui permettant d’être phosphorylée par LCK. Une fois activée, ZAP-70 va activer la protéine LAT (Linker for Activation of T cells). Il y a alors activation de la voie MAP kinase suite au recrutement de protéines adaptatrices (en vert) et activation de la PLC. Cette dernière entraine l’activation de la voie NFB (en rouge) et l’activation de la voie NFAT via l’augmentation de la concentration calcique intracellulaire (en jaune). ERK, NFB et NFAT vont réguler la transcription de gènes spécifiques. Reproduit avec la permission de Macmillan Publishers Ltd : Nature Immunology, copyright (2012). 30

Les cellules T CD4+ reconnaissent les peptides exogènes présentés par les CPA via une liaison spécifique de leur complexe TCR/CD4 avec le CMH-II/peptide (Figure 4). La reconnaissance d’un peptide spécifique oriente le lymphocyte T vers un profil effecteur qui dépend notamment du contexte inflammatoire. Les principaux lymphocytes T CD4+ sont les Th1 et les Th2, qui sécrètent respectivement de l’IFN ou de l’IL-4 31.

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9

Figure 4 : Différenciation des lymphocytes T CD4+. Après la présentation antigénique par une cellule présentatrice d’antigène, les lymphocytes T CD4+ naïfs sont activés, prolifèrent et se différencient en différents sous-types avec des profils de sécrétion de cytokines spécifique. Le choix de l’orientation vers tel ou tel sous-type est dicté par des facteurs du microenvironnement. Les principaux sous-types sont les cellules auxiliaires Th1 et Th2. Les Th1 sécrètent de l’IFNg afin de diriger la réponse cellulaire et les Th2 sécrètent de l’IL-4 et dirigent la réponse humorale. Les Th17 produisent de l’IL-17 et sont contrôles l’inflammation locale. Les cellules T régulatrices ou Treg sont impliquées dans le contrôle de la réponse immune via la sécrétion d’IL-10. Reproduit avec permission à partir de Nankivell et al., 2010. Copyright Massachusetts Medical Society. 32

Suite à la liaison du TCR/CD8 avec le complexe le CMH-I/peptide, les cellules T CD8+ également appelées cellules T cytotoxiques sont activées. Elles libèrent des granules de Perforin/GranzymeB. Ces granules vont induire la mort cellulaire de la cellule cible de plusieurs manières: soit par activation de voies intracellulaires qui vont induire l’apoptose caspase-dépendante et caspase-indépendante, soit par la formation de pore membranaire qui vont entrainer la lyse cellulaire. De plus, les lymphocytes T CD8+ activés expriment à leur surface le FasL, qui lorsqu’il reconnait, la protéine Fas, son récepteur sur la cellule cible, induit l’apoptose de celle-ci.

II.1.1.4. Prévention du rejet causé par les facteurs immunologiques

La prévention du rejet peut se scinder chronologiquement en 2 étapes : la prévention pré- et post-transplantation.

Avant une transplantation, des tests de compatibilité immunologique entre le donneur et le receveur sont effectués. Ces tests visent à déterminer:

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10 1) l’histocompatibilité donneur-receveur qui repose sur la compatibilité des groupes sanguins (ABO) et l’appariement des HLA donneur-receveur. Les allèles HLA du receveur sont déterminés par une approche moléculaire en PCR (polymerase chain reaction). Les séquences HLA encodées par le bras court du chromosome 6 sont séquencées en SSP-PCR (sequence specific primer PCR) ou SSOP (sequence specific oligonucleotide probes) qui les techniques les plus utilisées aujourd’hui.

2) la réponse humorale contre des antigènes spécifiques du donneur. La présence d’anticorps spécifiques au donneur (DSA) est fréquente chez les receveurs qui ont été sensibilisés avant la greffe (i.e. transplantation antérieure, transfusion sanguine, grossesse). Afin de déterminer la présence de ce type d’anticorps, deux approches sont utilisées : l’appariement croisé en cytotoxicité complément dépendante (CDC-XM, complement dependant cytotoxicity crossmatch) et la détection d’anticorps en phase solide, aussi appelée Luminex. Dans ces deux méthodes, du sérum du receveur est utilisé pour la détection des DSA. En CDC-XM, le sérum est mis en contact avec des cellules du donneur, des cellules T ou B. Les anticorps se fixent à la surface de la membrane plasmique des cellules du donneur et induisent la cascade du complément. La lyse cellulaire est détectée en fluorescence via un marqueur qui diffuse à travers les pores membranaires. Une limitation de cette technique est qu’il est impossible de vérifier quels antigènes spécifiques du donneur sont ciblés. Le Luminex comble cette lacune en utilisant des billes recouvertes par des molécules d’un seul type d’HLA. Les DSA produits par le receveur se fixent sur la bille qui leur est spécifique. Une fois attachée à la bille, les DSA sont marqués par une molécule fluorescente et détectés.

Après la greffe, le patient est régulièrement suivi et doit suivre un traitement immunosuppresseur afin d’éviter le rejet (cf. III L’immunosuppression chez le greffé rénale).

II.1.2. Les facteurs non immunologiques

Les facteurs non-immunologiques englobent tous les facteurs indépendants du système immunitaire du receveur qui sont susceptibles de compromettre la fonction du rein transplantés. Ces facteurs non-immunologiques sont en partie responsables des dommages chroniques à l’allogreffon (DCA), c’est-à-dire la destruction progressive, à long terme, des tissus qui composent le rein.

Les facteurs non-immunologiques comprennent notamment 1) les facteurs à l’origine de l’IRC, c’est-à-dire la maladie initiale qui a mené à la perte des reins natifs et qui peut réapparaître dans le greffon, notamment certaines formes de glomérulonéphrite, la néphropathie diabétique et les infections urinaires répétées. Un facteur non-négligeable et contre-intuitif pour le non-greffeur est le traitement immunosuppresseur lui-même, essentiellement lié à la néphrotoxicité des inhibiteurs de la calcineurine. La voie de la calcineurine n’est pas exclusive aux cellules T et le blocage de cette voie conduit à une perte de la fonction rénale 33. On distingue la néphrotoxicité aigue, réversible et liée à un surdosage, de la

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11 néphrotoxicité chronique, qui est irréversible et provoquée par l’utilisation prolongée de cette classe de médicament. La néphrotoxicité chronique se traduit par des dommages tubulo-interstitiels et de la glomérulosclérose.

La prévention du rejet lié aux facteurs non-immunologiques est compliquée car multifactorielle et difficile à contrôler. La néphrotoxicité induit par l’immunosuppression ne peut être réduite que par la diminution de la posologie. Toutefois si la quantité d’immunosuppresseur est trop faible, alors le patient développera un rejet. Jusqu’à maintenant, aucun immunosuppresseur non néphrotoxique n’a remplacé les anti-calcineurines. Des études cliniques sur le belatacept, qui agit en bloquant les voies de costimulation des lymphocytes T, sont positives, toutefois la molécule n’est pas encore disponible.

II.2. Description du rejet de l’allogreffon

L’histologie du tissu rénal est analysée selon les critères de Banff qui fournit une information semi-quantitative sur les lésions présentes dans la greffe 34. Le type de rejet est déterminé à partir des paramètres d’étude qui classent les différents dommages observés dans le tissu selon leur localisation (i.e. tubule, interstitium, vasculaire) ainsi que leur nature (i.e. infiltration leucocytaire, dommages chroniques).

II.2.1. Le rejet aigu TCMR

L’un des premiers signes clinique du rejet aigu est l’augmentation brutale de la concentration sérique en créatinine 35. Lors de la 1ère année, il est estimé que 5% à 10% des patients greffés font un rejet aigu. Dans certains cas de TCMR sévères, une inflammation vasculaire peut être observée. Lors du TCMR, il y a une infiltration importante de cellules mononuclées, en particulier les cellules T, dans l’interstitium de l’allogreffon et l’épithélium des tubules rénaux (Figure 5).

Figure 5 : Biopsie d'un patient présentant un rejet aigu médié par les cellules T. La flèche indique l'infiltration de cellules mononucléées dans un tubule. Reproduit avec permission à partir de Cornell et al., 2007. Copyright Annual Reviews. 36

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12 À l’origine du TCMR, les CPA du donneur initient dans les jours qui suivent la transplantation la présentation des antigènes du donneur aux cellules T du receveur dans les organes lymphoïdes secondaires. Les cellules T en circulation sont recrutées dans l’allogreffon et déclenchent une réponse inflammatoire. Deux types de cellules T sont présents lors du TCMR, les cellules T CD4+ effecteurs qui entretiennent le contexte inflammatoire par la sécrétion de cytokines et les cellules T CD8+ cytotoxiques qui sont capables de lyser les cellules du donneur par reconnaissance des allo-antigènes. La lyse cellulaire a deux conséquences, elle soutient le contexte inflammatoire et permet aux CPA du receveur faire la présentation indirecte des allo-antigènes.

II.2.2. Le rejet aigu médié par les anticorps

L’AMR peut se manifester cliniquement par une détérioration rapide de la fonction rénale avec élévation de la créatininémie, parfois accompagné de douleur au greffon. Il résulte de la reconnaissance de l’allogreffon par des anticorps du receveur. Tel que décrit dans la partie II.1.1.4, ces anticorps sont dirigés le plus souvent contre des protéines spécifiques du donneur (DSA, donor specific antibody) comme les HLA de classes I ou II. La sévérité de l’AMR est liée intrinsèquement aux types de DSA et à leur titre dans le sérum 37. La capacité des DSA à fixer le complément ou encore les épitopes reconnus par les DSA sont autant de facteurs qui vont influencer l’intensité de la réponse humoral contre l’allogreffon 38,39. La présence de DSA pré-greffe est largement reconnue pour promouvoir la destruction précoce de l’allogreffon 40. Les DSA de novo proviennent du développement d’une réponse humorale contre le tissu du donneur. Ils sont associés avec une moins bonne survie de l’allogreffon à 10-ans post-greffe 41.

Le dépôt de C4d à la surface des capillaires péritubulaires est un marqueur largement utilisé dans le diagnostic de l’AMR 42. Lors de l’AMR, les DSA se lient à l’endothélium de l’allogreffon et induisent la formation d’un dépôt de C4d, un marqueur de l’activation de la cascade du complément (Figure 6). L’AMR est fréquemment associé avec la perte de l’allogreffon 43,44. Toutefois, les critères de Banff ont dû être réévalués afin d’inclure les AMR négatifs pour le marquage au C4d 45.

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Figure 6 : Biopsie d'un patient atteint de rejet humoral aigu. Le dépôt de C4d est détecté dans les glomérules et les capillaires péritubulaires en immunohistochimie (à gauche) et dans les capillaires péritubulaires en immunofluorescence (à droite). Reproduit avec permission à partir de Nankivell et al., 2010. Copyright Massachusetts Medical Society. 32

II.2.3. Le rejet chronique

Le rejet chronique résulte d’une accumulation de dommages tissulaires qui s’articulent en deux phases : une phase précoce et une tardive 46. La phase précoce survient lors de la première année et est caractérisée par l’apparition de dommages tubulointerstitiels et une augmentation rapide des scores de Banff pour la fibrose interstielle et l’atrophie tubulaire. L’observation d’épisodes de rejet aigu et borderline, y compris de rejets sous-cliniques, prédit une plus forte augmentation des DCA chez les patients. Dans la phase tardive du rejet chronique, au-delà de 1-an post greffe, les DCA observés sont la hyalinose artériolaire et la glomérulosclérose. La hyalinose artériolaire précoce est résolue dans près de la moitié des cas, mais peut être suivi par une forme persistante qui s’accompagne de changements vasculaires, de glomérulosclérose progressive et d’une perte de la fonction rénale. À 10-ans post greffe, on estime que 58% des patients souffrent d’une néphropathie sévère liée aux DCA. La classification de Banff reconnaît le rejet chronique de type humoral (AMR chronique) et le rejet chronique de type cellulaire (TCMR chronique). Le lecteur peut s’y référer pour obtenir les critères précis de chacun des sous-types.

II.3. Les monocytes dans l’immunologie de la greffe rénale

Le système immunitaire inné est un mécanisme de défense de l’organisme ancestral non spécifique d’un pathogène. Parmi les acteurs du système inné, les monocytes circulants et les macrophages résidents sont les premières cellules à être mobilisées lors d’une infection 47. Grâce à des récepteurs extracellulaires et intracellulaires, les PRRs (pathogen recogniton receptors), les monocytes reconnaissent des motifs sur les micro-organismes pathogènes, les PAMPs (pathogen associated molecular patterns). Chaque PRR est spécifique d’un PAMP. Par exemple, les monocytes expriment le TLR4 (Toll-like receptor 4) un PRR extracellulaire capable de reconnaitre le LPS (lipopolysaccharide), une molécule présente à la surface des bactéries Gram-négatives. Suite à la liaison du complexe TLR4/CD14 avec le LPS, le monocyte est activé.

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14 Cette activation conduit à la phagocytose de la bactérie Gram-négative et à la sécrétion de TNFa (tumor necrosis factor ), une cytokine pro-inflammatoire 48. L’un des effets du TNFa est l’induction d’un contexte inflammatoire local qui sera favorable au recrutement et à l’activation des cellules du système adaptatif. Certains monocytes peuvent produire de l’IL-10, une cytokine anti-inflammatoire, afin de réguler négativement la réponse inflammatoire.

II.3.1. Développement des monocytes

Les monocytes sont des leucocytes qui appartiennent au système phagocytaire mononucléé qui comprend également les macrophages et les cellules dendritiques 49. Les monocytes circulants sont issus de la différenciation d’une cellule souche hématopoïétique de la moelle osseuse. Pendant près de 40 ans, il a été considéré que les macrophages résidants dans les tissus étaient originaires soit du stade embryonnaire et donc dans le tissu depuis la naissance, soit des monocytes en circulation 49. Aujourd’hui, il est clair que la majorité des macrophages s’auto-renouvelle à l’intérieur du tissu chez l’adulte et que la part liée au recrutement de monocyte est mineure à l’état basal 50,51. Le recrutement des monocytes circulant dans les tissus est un processus qui survient presque exclusivement lors d’une inflammation.

II.3.2. Fonctions immunitaires des monocytes

II.3.2.1. Les monocytes, une population cellulaire hétérogène aux fonctions

diversifiées

Les monocytes représentent une proportion importante des cellules immunitaires, entre 4 à 10% des leucocytes totaux 52. Ils jouent un rôle central dans la régulation de l’immunité, dans l’homéostasie cellulaire et dans la réparation tissulaire. Toutefois, à l’état basal, plus de la moitié des monocytes résident dans la rate dans l’attente d’un signal qui induira leur recrutement et seulement une minorité de cette population restera en circulation dans le sang, notamment dans le but de patrouiller à la rencontre de pathogènes éventuels.

Chez l’homme, les monocytes sont classés en 3 groupes sur la base des niveaux d’expression du CD14 et du CD16 : les monocytes classiques (CD14+CD16-), les monocytes intermédiaires (CD14+CD16+) et les monocytes non classiques (CD14-CD16+) 53. Les monocytes classiques représentent environ 90% des monocytes totaux et les 10% restant sont répartis entre les monocytes intermédiaires et non-classiques 54.

L’hétérogénéité de la population monocytaire est à l’image de leur diversité fonctionnelle, migratoire et maturité. Le phénotype intermédiaire a été proposé comme un état de transition entre les monocytes classiques et non-classiques 53. Les monocytes présentent une expression contrôlée graduellement pour plusieurs marqueurs de surface (CD64, CD115, CD163, CCR2 et CX3CR) entre les monocytes classiques, intermédiaires et non classiques, ce qui appui le statut intermédiaire des monocytes CD14+CD16+ 55.

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15 Les monocytes non-classiques sont généralement associés à un phénotype mature, présentant des similitudes avec les macrophages résidents 56,57. Les monocytes non-classiques présentent une capacité moindre pour la phagocytose que les monocytes CD14+, classiques et intermédiaires 58. Plusieurs marqueurs sont surexprimés dans les monocytes non-classiques et intermédiaires (monocytes CD16+), dont le CMH de classe II et le CD86, ce qui appuie le fait que ces populations ont une meilleure capacité à présenter des antigènes aux cellules T 58-60.

Une certaine controverse existe autour de la source principale de TNFa dans des conditions inflammatoires. Depuis plusieurs années, il a été montré que les monocytes CD16+ sont ceux qui répondent le plus fortement au LPS en sécrétant du TNFa 61. Toutefois, des études indiquent que la source majoritaire pourrait être les monocytes intermédiaires 62,63 et d’autres les monocytes non-classiques 55. En condition inflammatoire, les monocytes intermédiaires sont la principale source d’IL-10, une cytokine anti-inflammatoire, en quantité toutefois moindre que le TNFa 58. Une controverse demeure sur la population monocytaire qui produit le plus d’IL-10. Les monocytes classiques représentent une autre source importante d’IL-10 55,63. Cros et collaborateurs ont démontré que les monocytes non-classiques sont spécialisés dans la patrouillent et la détection des virus 63.

En parallèle à la nomenclature des monocytes classiques/intermédiaires/non-classiques, l’expression du CD163, un récepteur « scavenger » pour le complexe hémoglobine/haptoglobine est utilisé pour diviser en deux sous-populations les monocytes. Le CD163 est exprimé par la majorité des macrophages et par approximativement 10% à 30% des monocytes en circulation 64. L’expression du CD163 à la surface des monocytes circulant peut être régulée par des facteurs pro-inflammatoires comme le LPS, l’IFNg et le TNFa qui entrainent une diminution de l’ARNm et de l’expression du CD163 65. Les signaux anti-inflammatoires comme les glucocorticoïdes et l’IL-10 ainsi que l’IL6, induisent une surexpression du CD163 par les monocytes circulants 66. Après injection de glucocorticoïdes par voie intraveineuse chez des volontaires sains, le pourcentage de monocytes CD163+ augmente à 80% 12 heures post-injection 67. Les monocytes/macrophages CD163+ sont associés à un phénotype anti-inflammatoire et un rôle dans la réparation tissulaire, la fibrose et l’angiogenèse 68.

II.3.3. Pertinence clinique des monocytes

II.3.3.1. Dans les pathologies

La pertinence clinique des monocytes est aujourd’hui largement acceptée. Les monocytes CD16+ semblent jouer un rôle prédominant dans la régulation de pathologies d’origine diverses. En effet, il est observé une augmentation du pourcentage de monocyte intermédiaire et/ou non-classique dans des maladies à infection bactérienne comme le sepsis 69,70 et la tuberculose 71 ; dans des maladies

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auto-16 immunes tel que la maladie de Crohn 72, la maladie de Eales 73 et l’arthrite rhumatoïde 62 ; et dans l’asthme 74. Ces données suggèrent une expansion des monocytes intermédiaires et non-classiques dans ces maladies.

Outre la proportion cellulaire, l’aspect fonctionnel des monocytes intermédiaires et non-classiques pourrait se voir changé dans de telles conditions. Plusieurs marqueurs sont souvent sous-exprimés (i.e. HLA-DR, CX3CR1) ou surexprimés (i.e. CD163, CCR2) par rapport à des volontaires sains 69,72,73. Dans ce cas, ces populations pourraient ne plus être capables de remplir leur rôle de protection de l’organisme et de régulation de la réponse immune. Plusieurs études rapportent également l’importance des monocytes intermédiaires chez les patients souffrant d’une maladie rénale 75.

II.3.3.2. En transplantation rénale

Lors du rejet aigu, l’allogreffon est infiltré principalement par les cellules T et les monocytes. Près de la moitié des leucocytes infiltrés sont des monocytes. Des données montrent que le nombre de monocytes infiltrés dans l’allogreffon corrèle avec l’intensité de la perte de fonction, ce qui n’est pas le cas pour les cellules T 76. L’infiltration de monocytes dans l’allogreffon peu de temps après la greffe est associée avec un mauvais pronostic 77,78. De plus, les monocytes suffisent pour induire le rejet. Dans un essai clinique, des patients déplétés en cellules T, par un anticorps monoclonal anti-CD52 et sans régime immunosuppresseur, ont présenté un rejet sévère provoqué par les monocytes dans le premier mois post-greffe 79. Les monocytes/macrophages représentent un composant important des infiltrats cellulaires dans le rejet chronique 80. Lors de l’AMR, la présence de monocytes dans l’allogreffon est associée à une faible survie de l’allogreffon 81,82. Des études rapportent une association entre l’infiltration des monocytes et le dépôt de C4d dans les capillaires péritubulaires et les glomérules, ce qui suggèrent un rôle important des monocytes dans le rejet humoral 83.

Les monocytes jouent un rôle effecteur central dans le rejet de l’allogreffon notamment par la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires. Des études transcriptomiques soutiennent le rôle pro-inflammatoire des monocytes dans le rejet de l’allogreffon 84. Les patients en rejet aigu et en rejet sous-clinique présentent une surexpression de transcrits codant des cytokines dérivées de monocytes/macrophages 85. Dans une étude transversale, De Serres et collaborateurs ont démontré que les monocytes circulants sécrètent les cytokines pro-inflammatoires IL-1b, IL-6 et TNFa, chez des patients atteints de glomérulopathie du transplant 86.

Les monocytes/macrophages peuvent contribuer à la réparation tissulaire dépendamment du contexte inflammatoire. Suite à l’infiltration dans l’allogreffon, les monocytes peuvent se différencier en macrophage ou en cellules dendritiques 87. Les macrophages peuvent présenter un phénotype M2 dit alternatif,

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17 caractérisé par l’expression du récepteur scavenger CD163. Ces cellules sont spécialisées dans la réparation tissulaire et peuvent sécréter des cytokines anti-inflammatoires et de la fibronectine, un molécule profibrotique 88. L’infiltration de monocytes/macrophages provoque une inflammation de l’allogreffon. Dans ce contexte, les monocytes sont capables de libérer des facteurs angiogéniques (i.e. VEGF, TNFa) afin de favoriser la réparation du tissu 89,90. L’activation chronique des monocytes/macrophages favorise une néovascularisation soutenue qui provoque une fibrose du tissu 80.

III. L’immunosuppression chez le greffé rénal

III.1. Objectifs de l’immunosuppression

Comme il a été révisé précédemment, le système immunitaire joue un rôle central dans l’induction du rejet aigu/chronique. Des immunosuppresseurs sont nécessaires pour limiter la réponse immune contre l’allogreffon. Les traitements immunosuppresseurs doivent suffisamment réprimer le système immunitaire du receveur pour empêcher qu’il ne développe un rejet, sans toutefois l’empêcher de monter une réponse efficace contre les maladies infectieuses et les cellules cancéreuses.

Ces dernières décennies ont connu des avancées importantes dans le perfectionnement des thérapies immunosuppressives, ce qui a largement contribué à la diminution du nombre de rejet et à l’augmentation de la survie de l’allogreffon à court terme (Figure 7) 91.

Figure 7 : Taux de survie des greffes de rein cadavérique et des épisodes de rejet à 1-an post-greffe entre 1965 et 2005. Le nombre de rejet et la survie durant la première année post-greffe se sont largement améliorés en 40 ans. Les dates d’apparition des immunosuppresseurs coïncident avec les périodes d’amélioration des taux de survie et de rejet. Reproduit avec permission à partir de Zand et al., 2005. Copyright Seminars in dialysis. 91

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III.2. Le régime immunosuppresseur standard

Le régime immunosuppresseur standard comporte 2 étapes séparées chronologiquement. Avant la greffe, la phase d’induction consiste à éviter les risques de rejet aigu immédiat. L’induction cible principalement les cellules T. Deux agents d’induction sont couramment employés au Canada : Basiliximab et l’anti-thymoglobuline (ATG). Basiliximab, un anticorps monoclonal chimérique souris-homme anti-CD25 92. Une fois injecté per iv, il se fixe au récepteur de l’IL-2 présent à la surface des cellules T, ce qui inhibe leur prolifération. L’ATG est un anticorps polyclonal qui induit une déplétion lymphocytaire 93. Le Rituximab, un anticorps monoclonal anti-CD20 (un marqueur des LB) vise à dépléter les cellules B en circulation chez le receveur afin de limiter le risque de rejet humoral aigu 94. Le Rituximab se fixe aux cellules B, ce qui induit leur lyse médiée par le complément. L’IVIg (immunoglobulines en intraveineuses), un autre agent utilisé pour l’induction, qui élimine les DSA en pré-greffe chez les patients dit sensibilisés 95. L’IVIg est une solution d’Ig en large majorité de l’isotype G qui ont été purifiés à partir de plusieurs milliers de patients sains. En transplantation rénale, l’IVIg est surtout utilisé pour sa capacité à inactiver les DSA, en ciblant leur région idiotypique, inactivant les cellules B sécrétrices des anticorps ciblés et par l’inactivation du complément 95.

Post-greffe, un régime immunosuppresseur continu est nécessaire pour éviter le rejet de l’allogreffon (Figure 8). Le régime le plus courant est basé sur une triple-immunosuppression : un corticostéroïde (i.e. prednisone), un inhibiteur de la calcineurine (i.e. tacrolimus, FK506) et un anti-prolifératif (i.e. mycophénolate mofétil, MMF) 96. Dans les trois premiers mois post-greffe, le patient reçoit de fortes doses de ces médicaments. À cause des effets à long terme, le traitement est progressivement diminué pendant la première année afin d’atteindre une dose d’immunosuppresseur minimum efficace.

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Figure 8 : Effets des immunosuppresseurs utilisés dans le cadre d’un régime standard sur l’activité des cellules T. L’ATG et le Basiliximab sont deux inducteurs utilisés avant une transplantation afin de prévenir le rejet. L’ATG (anti-thymocyte globuline) entraine une déplétion des cellules T par lyse cellulaire. Le Basiliximab (anti-CD25) bloque le récepteur de l’IL-2 à la surface des cellules T, ce qui va empêcher leur prolifération. Trois immunosuppresseurs sont utilisés dans le régime d’entretien basé sur une triple immunosuppression : la prednisone, le FK506 (tacrolimus) et le MMF (acide mycophénolique). La prednisone inhibe la transcription de gènes pro-inflammatoires et de l’IL-2 et stimule la transcription de l’IL-10, une cytokine anti-inflammatoire. Le TACROLIMUS inhibe la calcineurine, une des principales voies de signalisation des cellules T utilisée lors de l’alloreconnaissance. Le MMF inhibe la prolifération des cellules T.

III.2.1. Les corticostéroïdes

Les corticostéroïdes inhibent l’ensemble du système immunitaire inné et adaptatif. Ils lient le récepteur nucléaire aux glucocorticoïdes, ce qui induit sa translocation dans le noyau où il régule l’expression génique de la cellule 97. Bien que des processus régulés par les corticostéroïdes soient encore débattus, leurs effets immunosuppresseurs passent en majorité par la répression des voies NFB et AP-1. Le blocage de ces deux voies induit une inhibition de l’expression des cytokines pro-inflammatoires telles que l’IL-1, l’IL-2, l’IL-3, l’IL-4, l’IL-6, le TNF-α et l’IFNg et l’augmentation de l’expression de l’IL-10.

Bien que leurs effets immunosuppresseurs soient très efficaces, l’utilisation prolongée de corticostéroïdes est associée à des effets secondaires graves, notamment d’ordre métabolique tel que le diabète, l’ostéoporose et des maladies cardiovasculaires 98-100. Aussi, les doses de corticostéroïdes prescrits chez les greffés rénaux suivent un protocole afin d’en limiter leur usage et certains centres utilisent des

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20 protocoles sans corticostéroïdes. Lors de la survenue d’évènements cliniques comme un rejet ou une infection, la dose prescrite est augmentée ou diminuée afin de mieux répondre aux besoins du patient.

III.2.2. Les inhibiteurs de la calcineurine

Le tacrolimus et la Cyclosporine-A (CsA) sont deux inhibiteurs de la calcineurine (CNI) utilisés en transplantation pour l’immunosuppression. Après avoir passé la membrane plasmique, le tacrolimus et CsA lient un récepteur cellulaire spécifique, le FKBP (FK506-binding protein) et la cyclophiline respectivement, deux protéines qui appartiennent à la famille des immunophilines 101,102. Le mécanisme d’inhibition de la calneurine par le tacrolimus et la CsA est similaire malgré leurs différences structurales et de récepteurs cellulaires. La liaison immunophilines/CNI permet l’interaction du CNI avec la calcineurine, ce qui va inhiber cette dernière 103,104. L’inhibition de la calcineurine par les CNI intervient en autre par le blocage de la liaison calcineurine-calmoduline. Les CNI provoquent notamment une inhibition de la voie NFAT (Nuclear Factor of Activated T cells) 105. Dans les cellules T, la voie NFAT est essentielle à la signalisation du TCR et à la production de plusieurs cytokines dont l’IL-2 106,107. Les CNI régulent de nombreux processus biologiques incluant l’expression de TGFb, l’IFNg, le TNFa, l’IL-4, l’IL-5, l’IL-13, le LAT (linker for activation of T cells) et le récepteur de l’inositol triphosphate 108-112. Les CNI diminuent l’expression de l’IL-2, du TNFa et du récepteur de l’inositol triphosphate, alors qu’ils augmentent l’expression du TGFb, de l’IFNg et du LAT.

Le tacrolimus est 100 fois plus actif que la CsA in vitro 113 et prévient mieux le rejet aigu 114. D’autre part, le tacrolimus et la CsA présentent une néphrotoxicité assez similaire 115. Cependant les patients traités avec le tacrolimus présentent moins d’hypertension, mais plus de diabète. De nos jours, le tacrolimus est privilégié à la CsA dans le régime immunosuppresseur en transplantation rénale 116.

Le tacrolimus présente une mauvaise solubilité aqueuse (environ 12ug/ml) et sa biodisponibilité lors d’une administration orale est extrêmement variable entre les individus, de 4 à 89%. Cette variabilité s’explique par les différences de métabolisme qui sont liées à la prise de nourriture et d’autres médications concomitante, au sexe et au polymorphisme génétique de CYP3A5, qui est la voie principale d’élimination du tacrolimus 117,118. À cause de ces contraintes, il est nécessaire de réaliser régulièrement un dosage sérique du tacrolimus chez les patients pour ajuster la médication de façon à avoir une concentration idéale de 5-15ng/ml 119.

III.2.3. Les inhibiteurs de la prolifération

L’azathioprine (Aza) est le premier médicament anti-prolifératif autorisé en transplantation 91. Désormais remplacé par le MMF, l’Aza est utilisé dans les thérapies en remplacement du MMF. Des essais cliniques

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21 randomisés ont montré un effet bénéfique du MMF pour une dose quotidienne d’approximativement 2000mg dans le cadre d’un régime basé sur une triple immunosuppression 119.

L’inosine 5’-monophosphate déshydrogénase (IMPDH), une enzyme clef dans la synthèse des purines de novo 120. Hors, cette voie est essentielle pour la synthèse d’ADN par les lymphocytes alors que les autres types cellulaires peuvent utiliser la voie dites « de sauvetage » 121. Le MMF est un inhibiteur de l’IMPDH, ce qui a pour conséquence de bloquer leur prolifération mais également de prévenir la réponse humorale 122.

III.2.4. Les autres immunosuppresseurs

Certains patients ne tolèrent pas le tacrolimus. Dans ce cas, il est abandonné au profit d’une autre drogue, la rapamycine, un inhibiteur de la voie mTOR (mammalian Target Of Rapamycin). La rapamycine est de moins en moins utilisée à cause de ses effets secondaires. De plus la combinaison de la rapamycine et du tacrolimus reste rare. Récemment, plusieurs anticorps monoclonaux ont été développés pour l’immunosuppression en transplantation. Ces agents ont des cibles diversifiées tel que les molécules de costimulation (Belatacept), les molécules d’adhésion (Alefacept) ou le complément (Eculizumab) 123,124.

III.3. Un effet secondaire de l’immunosuppression: La surimmunosuppression

III.3.1. Définition

Jusqu’à récemment, le rejet aigu de l’allogreffon était un enjeu majeur en transplantation rénale. Le régime basé sur la triple immunosuppression et l’arrivée de nouveaux agents d’induction ont permis de diminuer considérablement le risque de rejet à court terme, mais pas la perte de l’allogreffon à long terme 125,126. La conséquence de l’amélioration des thérapies immunosuppressives est une plus forte sensibilité des patients transplantés aux infections opportunistes 127. Depuis plusieurs années, le nombre de patients hospitalisés pour un rejet diminue, alors qu’en revanche, le nombre de patients transplantés recevant des soins pour des infections ne cesse d’augmenter (Figure 9).

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