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IV.1. Association des doses d’immunosuppresseur avec la positivité des

monocytes intermédiaires au TNFa

En transplantation rénale, la survenue de maladies opportunistes est une conséquence directe du traitement immunosuppresseur. Aussi, il est important de s’assurer que les doses d’immunosuppresseurs reçues entre les patients contrôles et SI ne confondent pas l’association entre le statut de surimmunosuppression et le pourcentage de monocytes intermédiaires positifs au TNFa.

Dans un premier temps, nous avons analysé les doses reçues pour chacun des immunosuppresseurs de manière indépendante entre les groupes NSI et SI (Figure 20). L’exposition à la prednisone et au tacrolimus ont été similaires entre les deux groupes (p=0.638 et p=0.167 respectivement). On pourra noter une tendance du groupe SI à être moins exposé au tacrolimus, avec des concentrations moyennes de 7.62±0.7ug/l contre 8.2±0.9ug/l pour les patients contrôles (p=0.167). Les doses de MMF ont été inférieures chez les patients du groupe SI (p=0.002 dans un modèle linéaire mixte). Les patients SI ont reçu en moyenne sur 24 mois de suivi post-greffe 963mg/jour±198 contre 1384mg/jour±99 pour les patients contrôles, soit 30% de moins. Cette différence est une conséquence directe du statut d’immunosuppression et non l’inverse. En effet, lors d’une infection ou d’un cancer, le MMF est le premier immunosuppresseur à voir ses doses diminuées et dans certains cas, complètement arrêté jusqu’au rétablissement du patient 119.

Figure 20 : Analyse longitudinale des doses d’immunosuppresseurs moyennes reçues par l’ensemble des patients surimmunosupprimés (n=16, ligne verte) et non-surimmunosupprimés (n=25, ligne bleue). Les courbes montrent la valeur moyenne de l’immunosuppresseur indiqué +/- l’écart-type. Les valeurs p ont été calculées entre les groupes contrôles et surimmunosupprimés dans un modèle linéaire mixte. L’astérisque indique une valeur statistiquement significative.

55 Dans un deuxième temps, nous avons cherché à évaluer la dose « effective » totale d’immunosuppresseur reçue par les patients, afin de déterminer s’il y avait un effet conjugué des immunosuppresseurs. Pour cela nous avons codé une variable qui prend en compte chacune des doses reçues avec un facteur de pondération égale pour les trois immunosuppresseurs, prednisone, tacrolimus et MMF. Chaque immunosuppresseur a été rapporté à un score dont la valeur 1 représente la dose recommandée et le score 0, l’absence de prescription. Les doses d’immunosuppresseur recommandées sont définies dans le temps de la façon suivante (Table 7):

Table 7 : Description des doses d’immunosuppresseurs recommandées dans le cadre d’un régime basé sur une triple immunosuppression. Les valeurs sont exprimées en fonction du temps post-greffe et en dose quotidienne pour la prednisone et le MMF et en concentration sérique pour le tacrolimus.

Mois 0 Mois 1 Mois 3 Mois 6 et +

Prednisone (mg/jour)

30

15

7,5

5

Tacrolimus (ug/l sérum) 9

9

7

7

MMF (mg/jour)

1500

1500

1500

1500

Afin de rendre l’interprétation plus accessible, la somme des scores obtenue est exprimée en pourcentage du score optimal, de sorte que des doses optimales donneront une valeur de 100%. La formule de détermination de l’indice global d’immunosuppresseur a été calculée de la façon suivante :

Indice global d’immunosuppresseur = [ [ score(Prednisone) + score(tacrolimus) + score(MMF) ] /3 ] *100. En utilisant les valeurs de référence de la Table 7.

Selon cette méthode, nous avons obtenu une valeur moyenne d’indice global d’immunosuppresseur pour les groupes contrôles et SI de 111% et 97% respectivement sur la période de suivi de 24 mois post-greffe (p=0.002) (Figure 21). Toutes ces données indiquent que les patients du groupe SI n’ont pas reçu plus d’immunosuppresseur que les patients contrôles, mais au contraire en reçoivent moins du fait de leurs événements cliniques.

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Figure 21 : Analyse longitudinale de l’indice global d’immunosuppresseur reçus par l’ensemble des patients surimmunosupprimés (n=16, ligne verte) et non-surimmunosupprimés (n=25, ligne bleue). Les courbes montrent la valeur moyenne de l’indice global d’immunosuppresseur +/- l’écart-type. Les valeurs p ont été calculées entre les groupes contrôles et surimmunosupprimés dans un modèle linéaire mixte. L’astérisque indique une valeur statistiquement significative.

IV.2. Étude de l’effet confondant des immunosuppresseurs sur l’association entre

le statut d’immunosuppression et la positivité au TNFa des monocytes

intermédiaires

Nous avons vérifié que l’association entre le statut d’immunosuppression et le pourcentage de monocytes intermédiaires positifs au TNFa après stimulation aux peptides de l’EBV n’était pas confondue par les doses d’immunosuppresseur reçues. À cette fin, nous avons intégré la variable codant l’indice global d’immunosuppresseur au modèle linéaire mixte ayant servi à mesurer l’association entre le pourcentage de monocytes intermédiaires positifs au TNFa et le statut de surimmunosuppression (Table 8). Le modèle a également été ajusté pour la créatinine afin de tenir compte de la fonction rénale.

Dans ce nouveau modèle statistique, nous pouvons constater que l’association entre le statut d’immunosuppression et le pourcentage de monocytes intermédiaires positifs au TNFa reste fort (p=0,001). Par conséquent, les doses d’immunosuppresseurs ne confondent pas cette association. Ceci était attendu en analysant les données ci-haut, montrant que les patients SI avaient globalement reçu moins d’immunosuppresseurs. D’ailleurs, nous observons une association entre l’indice global immunosuppresseur et le pourcentage de monocytes intermédiaires positifs au TNFa (p=0.024). Ceci indique que l’immunosuppression en soi est associée à notre test, de façon indépendante. Enfin, on note que la concentration sérique de la créatinine n’est pas associée avec le pourcentage de monocytes intermédiaires positifs au TNFa (p=0,661).

On peut conclure que le profil d’activation des monocytes intermédiaires lors d’une stimulation des PBMC avec des peptides de l’EBV est indépendant des doses d’immunosuppresseurs. L’intensité de la réponse

57 des monocytes intermédiaires après stimulation aux peptides de l’EBV est donc associée au statut d’immunosuppression des patients.

Table 8 : Étude de l’effet confondant des immunosuppresseurs et de la fonction rénale sur l’association entre le statut de sur-immunosuppression et le pourcentage de monocytes intermédiaires positifs au TNFa. L’association entre le pourcentage de monocyte CD14+CD16+ positifs au TNF-a et le statut surimmunosupprimé est étudié dans un modèle linéaire mixte ajusté pour la concentration sérique en créatinine et l’indice global d’immunosuppresseur. Le coefficient β quantifie le pourcentage de monocytes pro-inflammatoires positifs au TNF-a en fonction du statut de sur-immunosuppression.

β Erreur standard Valeur p Sur-immunosupprimé -12,34 3,71 0,001 Indice global d'immunosuppresseur -0,14 0,06 0,024 Créatinine -0,006 0,014 0,661

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Discussion

Le régime basé sur la triple immunosuppression cible le système immunitaire sur deux fronts : le système immunitaire inné avec des corticostéroïdes et le système adaptatif via les inhibiteurs de la calcineurine et les antiprolifératifs qui ciblent majoritairement les cellules T. Nous avons étudié la réponse immunitaire innée et adaptative des patients greffés contre des peptides de l’EBV. Après culture ex vivo des PBMCs, les médiateurs pro-inflammatoires produits par les cellules T mémoires et des monocytes a été étudiée en cytométrie de flux.

Notre étude ne révèle aucune différence dans le pourcentage de cellules T mémoires positives à l’IFNg entre les conditions basales et la stimulation aux peptides de l’EBV. L’absence de profil distinctif entre ces deux stimulations semble indiquer une limite de sensibilité de la technique de cytométrie de flux. D’autres techniques existent pour détecter la production d’IFNg par les cellules T stimulées, comme l’ELISPOT. Cependant, ces techniques sont difficilement applicables en clinique en raison de leur complexité de mise en œuvre, ou de leur manque de reproductibilité, contrairement à la cytométrie de flux.

Les monocytes sont des effecteurs centraux du système immunitaire, notamment, par l’amplification des signaux pro-inflammatoires lors d’une infection. Ici, nous avons étudié cette amplification des signaux pro- inflammatoires via le pourcentage de monocytes intermédiaires capables de produire du TNFa. Nous avons observé une différence dans le profil d’activation des monocytes intermédiaires aux peptides de l’EBV entre les patients SI et les contrôles. Les patients en surimmunosuppression présentent en majorité un pourcentage de monocytes intermédiaires activés qui est plus faible au moment d’un évènement clinique, ainsi qu’une activation longitudinale moins homogène que les contrôles. L’implication des monocytes dans le rejet aigu de l’allogreffon est largement reconnue. Cependant, le rôle des monocytes dans la surimmunosuppression n’a jusqu’à aujourd’hui jamais été étudié. La perte des capacités effectrices des monocytes intermédiaires est directement associée avec le statut de surimmunosuppression des patients. Aussi, nos résultats suggèrent que les monocytes intermédiaires jouent un rôle central dans l’établissement d’une réponse immunitaire efficace contre un pathogène et qui est perdu par les patients surimmunosupprimés.

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