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Émergence et viabilité des collectifs de producteurs en circuits de proximité

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Academic year: 2021

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Émergence et viabilité des collectifs de producteurs en

circuits de proximité

Mémoire

Sophie Laughrea

Maîtrise en agroéconomie

Maître ès sciences (M. Sc.)

Québec, Canada

© Sophie Laughrea, 2014

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iii

Résumé

Si les circuits de proximité (CP) peuvent être une avenue intéressante pour les producteurs, ils sont souvent difficiles d‟accès. L‟une des pistes de solution fréquemment évoquées est la mise en place de démarches collectives. C‟est pourquoi ce mémoire s‟intéresse aux conditions permettant aux collectifs de producteurs de relever les défis rencontrés par leurs membres en CP au Québec. Pour ce faire, une étude de cas multiples a été réalisée par le biais d‟entrevues auprès de cinq regroupements répartis dans la province. L‟analyse comparative démontre que l‟action collective peut être un moyen d‟accès privilégié à ces circuits, si elle permet une mutualisation des ressources et une consolidation des volumes. Elle démontre également que des défis demeurent quant à leur viabilité : le manque de connaissances et d‟expérience des collectifs en lien avec les CP, l‟intégration de nouveaux métiers et l‟action collective semble sous-tendre plusieurs défis rencontrés tant au niveau économique que social.

Mots clés : circuits de proximité, circuits courts, commercialisation, proximité, action collective, collectifs de producteurs, coopérative, Québec.

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v

Abstract

While proximity supply chains (PSC) can be rewarding for producers, they are often difficult to access. Collective organizing is often considered as a solution to improve accessibility to PSC. The aim of this thesis is to identify some of the conditions allowing farmers‟ organizations to help their members overcome the obstacles they encounter in accessing PSC in Quebec. A multiple case study was carried out through interviews with five farmers‟ organizations across the province. A comparative analysis demonstrated that collective organizing can be a privileged path of access to PSC, particularly when it enables the pooling of resources and the consolidation of volumes. However, considerable challenges remain to ensure their sustainability: the lack of knowledge and experience of the collectives in relation to PSC, collective action and the integration of new craftsmanship (processing, distribution, etc.) seem to underlie several of the challenges faced by farmers‟ organizations, both economically and socially.

Keywords : short supply chain, proximity supply chain, commercialization, proximity, collective action, collective organization, farmers‟ organization, cooperative, Quebec.

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vii

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Liste des tableaux ... xi

Liste des figures ... xiii

Liste des abréviations... xv

Remerciements ... xvii

1. Introduction ... 1

1.1. Circonscrire les circuits courts et de proximité ... 2

1.2. De nouveaux défis en circuit de proximité ... 3

1.3. Les initiatives collectives en circuit de proximité ... 6

1.4. Question et objectifs de recherche ... 8

2. Approcher l’action collective en circuits de proximité: l’élaboration d’un cadre d’analyse ... 13

2.1. Les travaux sur les collectifs en circuits de proximité : quelques enseignements ... 13

2.1.1. Engagement des membres et leadership ... 14

2.1.2. Conjuguer projets individuels et collectifs ... 16

2.1.3. Règles de fonctionnement ... 17

2.1.4. La viabilité économique ... 17

2.1.5. Quels enseignements en tirer? ... 20

2.2. La théorie des coûts de transaction ... 21

2.2.1. Les coûts de transaction : une définition ... 21

2.2.2. Coûts d‟organisation et collectifs de producteurs ... 23

2.2.3. Les collectifs de producteurs, des structures hybrides ... 24

2.2.4. Coûts de transaction et coûts d‟organisation : comprendre l‟émergence et la pérennité des organisations de producteurs ... 26

2.3. Les approches de l‟action collective ... 27

2.3.1. Six facteurs pour l‟analyse de l‟action collective ... 29

2.3.2. Problèmes d‟action collective : comment les résoudre ... 37

2.4. L‟économie de la proximité ... 38

2.4.1. Proximité géographique ... 39

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2.4.3. La proximité au service des collectifs ... 41

2.5. Un cadre d‟analyse pour l‟étude de l‟émergence et de la viabilité des collectifs de producteurs en circuits de proximité ... 42

2.5.1. Émergence des collectifs : raisons et contextes ... 42

2.5.2. Viabilité des collectifs de producteurs ... 43

2.5.3. L‟adoption d‟un cadre d‟analyse ... 47

3. Méthodologie ... 49

3.1. Déterminer la méthode de recherche ... 49

3.1.1. L‟étude de cas multiples : l‟approche méthodologique ... 49

3.1.2. L‟entrevue semi-dirigée : la méthode de collecte de données ... 51

3.2. Le choix des études de cas et des interviewés ... 53

3.2.1. Le choix des études de cas ... 53

3.2.2. Le choix des participants ... 56

3.3. La construction des guides d‟entretien ... 57

3.3.1. Les guides d‟entretien ... 57

3.3.2. Les questions éthiques ... 58

3.4. Méthode d‟analyse des données ... 58

4. Analyse d’expériences collectives en circuits de proximité ... 61

4.1. Regroupement 1 : développer la culture et la mise en marché collective du chanvre ... 61

4.1.1. Description ... 61

4.1.2. Raison d‟être ... 64

4.1.3. Viabilité sociale : les relations humaines ... 66

4.1.4. Viabilité sociale : la structure organisationnelle ... 69

4.1.5. Viabilité économique ... 71

4.1.6. Conclusions ... 73

4.2. Regroupement 2 : un atelier collectif de transformation des viandes ... 76

4.2.1. Description ... 76

4.2.2. Raison d‟être ... 79

4.2.3. Viabilité sociale : les relations humaines ... 80

4.2.4. Viabilité sociale : la structure organisationnelle ... 83

4.2.5. Viabilité économique ... 86

(9)

ix

4.3. Regroupement 3 : produire et commercialiser collectivement un bœuf de créneau ... 91

4.3.1. Description ... 91

4.3.2. Raison d‟être ... 94

4.3.3. Viabilité sociale : les relations humaines ... 95

4.3.4. Viabilité sociale : la structure organisationnelle ... 98

4.3.5. Viabilité économique ... 101

4.3.6. Conclusions ... 103

4.4. Regroupement 4 : une mise en marché collective de l‟ail ... 106

4.4.1. Description ... 106

4.4.2. Raison d‟être ... 109

4.4.3. Viabilité sociale : les relations humaines ... 110

4.4.4. Viabilité sociale : la structure organisationnelle ... 113

4.4.5. Viabilité économique ... 115

4.4.6. Conclusions ... 117

4.5. Regroupement 5 : fabriquer et commercialiser un yogourt biologique et artisanal ... 120

4.5.1. Description ... 120

4.5.2. Raison d‟être ... 122

4.5.3. Viabilité sociale : les relations humaines ... 123

4.5.4. Viabilité sociale : la structure organisationnelle ... 126

4.5.5. Viabilité économique ... 127

4.5.6. Conclusions ... 130

5. Comprendre l’émergence et la viabilité des collectifs de producteurs en circuits de proximité ... 133

5.1. Contextes d‟émergence et raisons d‟être... 133

5.1.1. L‟action collective : des motivations économiques avant tout ... 133

5.1.2. Le collectif de producteurs : une porte d‟entrée vers les circuits de proximité ... 138

5.2. Des leçons à tirer ... 139

5.2.1. La viabilité économique ... 139

5.2.2. La viabilité sociale : un regard sur les facteurs humains et organisationnels ... 144

6. Conclusion ... 159

6.1. Un accès aux circuits de proximité, non sans difficultés ... 159

6.2. Un regard critique sur la recherche ... 162

(10)

Bibliographie... 167

Annexe 1 : Typologie des circuits courts ... 179

Annexe 2 : Recensement de collectifs en circuits de proximité au Québec ... 181

Annexe 3 : Procédure de recrutement des participants ... 183

Annexe 4 : Exemple d’un courriel de recrutement ... 185

Annexe 5 : Exemple d’un guide d’entretien à l’intention des producteurs ... 187

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xi

Liste des tableaux

Tableau 1. Facteurs explicatifs de l'implication variable des producteurs ... 14

Tableau 2. Dix variables fréquemment identifiées comme ayant un impact positif ou négatif sur la probabilité que des individus s‟organisent, par eux-mêmes, afin de gérer une ressource commune 30 Tableau 3. Facteurs de viabilité économiques des collectifs en circuits de proximité ... 44

Tableau 4. Facteurs humains de viabilité sociale des collectifs en circuits de proximité ... 45

Tableau 5. Facteurs organisationnels de viabilité sociale des collectifs en circuits de proximité ... 46

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xiii

Liste des figures

Figure 1. Cadre d‟analyse adopté pour l‟étude de l‟émergence et de la viabilité des collectifs de

producteurs en circuits de proximité ... 48

Figure 2. Portrait du regroupement 1: développer la culture et la mise en marché du chanvre ... 75

Figure 3. Portrait du regroupement 2 : un atelier collectif de transformation des viandes ... 90

Figure 4. Portrait du regroupement 3: produire et commercialiser un bœuf de créneau ... 105

Figure 5. Portrait du regroupement 4: la mise en marché collective de l'ail ... 119

Figure 6. Portrait du regroupement 5: fabriquer et commercialiser un yogourt artisanal ... 131

Figure 7. Conditions à l‟émergence et la viabilité des collectifs de producteurs en circuits de proximité ... 161

Figure 8. Typologie des circuits courts de distribution selon le nombre d'intermédiaires et le lieu de vente ... 179

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xv

Liste des abréviations

AAC Approches de l‟action collective

AG Assemblée générale

AOC Appellation d‟origine contrôlée

ASC Agriculture soutenue par la communauté

ATC Atelier de transformation collectif

CA Conseil d‟administration

CLD Centre local de développement

CUMA Coopérative d‟utilisation de matériel agricole

ÉE Études empiriques sur les collectifs de producteurs en circuits de proximité

ÉP Économie de la proximité

HRI Hôtellerie, restauration et institution

IGP Indication géographique protégée

MAPAQ Ministère de l‟Agriculture, des Pêcheries et de l‟Alimentation

MRC Municipalité régionale de comté

OPTJQ Office des producteurs de tabac jaune du Québec PVC Point de vente collectif

SADC Société d‟aide au développement des communautés

SFSC Short food supply chain (circuits courts alimentaires)

TCT Théorie des coûts de transaction

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Remerciements

Ce projet de recherche a été rendu possible grâce au soutien financier de la Chaire d‟analyse de la politique agricole et de la mise en marché collective. Il a également bénéficié de l‟appui financier de l‟Association des femmes diplômées des universités de Québec (AFDU). La poursuite de mes études au cycle supérieur a été grandement facilitée par le soutien procuré par ces organisations. C‟est grâce à la reconnaissance et à l‟appui donné par de telles bourses que des étudiantes, comme moi, sont encouragées à continuer leurs études au cycle supérieur et à y persévérer.

Je tiens également à remercier chaleureusement ma directrice de recherche, Annie Royer, et mon codirecteur, Patrick Mundler, pour leur passion, leur ouverture, leur disponibilité, leur rigueur et leurs encouragements. Vous m‟avez amenée, tous deux, à persévérer et à naviguer allègrement dans le processus laborieux que peut être la rédaction d‟un mémoire de maîtrise.

Je veux aussi souligner le rôle central qu‟ont joué ma famille, mes amis et mes collègues tout au long de ces deux années de maîtrise. Ils ont été un support essentiel.

Un merci particulier :

À mes parents, pour m‟avoir appuyée et accueillie dans cette aventure. À ma sœur, Marie-Christine, pour son expérience et ses conseils judicieux.

À Stéphanie, pour sa compagnie et son écoute lors de marches nécessaires au grand air.

À Frédérick, pour son accueil, nos nombreuses discussions et son indulgence envers une néophyte. À Justine, pour sa fidèle présence autant dans ma vie personnelle qu‟académique.

À Solange, pour sa générosité et son ouverture.

À Gabriel, pour sa patience, sa compréhension et sa curiosité intellectuelle.

Enfin, j‟aimerais sincèrement remercier toutes les personnes qui ont accepté de me rencontrer et de participer à cette recherche. Vous m‟avez accueillie avec beaucoup de gentillesse et de patience, malgré vos horaires chargés. Sans vous, ce projet n‟aurait jamais eu lieu. Merci mille fois.

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1. Introduction

Au Québec, le marché de la distribution alimentaire1 est occupé principalement par trois grands détaillants : Loblaws, Métro et Sobeys, qui contrôlent près de 70 % du marché. Exigeant d‟importants volumes, imposant un ensemble réglementaire strict et des frais considérables liés à la mise en marché, il est de plus en plus difficile pour un agriculteur québécois de se tailler une place sur les tablettes de ces grands détaillants. Conséquemment, plusieurs producteurs au Québec ont décidé de miser davantage sur la qualité de leurs produits et sur la relation directe avec le consommateur afin d‟écouler leur production. Cette approche a amené le Québec à connaître, depuis les dix dernières années, une prolifération d‟initiatives de mise en marché qui rapprochent le consommateur du producteur telles que les marchés publics et la vente à la ferme (Colombani-Lachapelle & Pouliot, 2012).

Bien que certains producteurs se voient contraints à ces circuits de commercialisation en raison des caractéristiques de leur production, pour d‟autres, c‟est un choix. En effet, ces canaux de mise en marché sont vus comme une façon d‟avoir un meilleur contrôle sur le prix des produits et donc d‟être moins exposé aux fluctuations du marché (Blouin, Lemay, Ashraf, Imai, & Konforti, 2009; Chiffoleau, 2002; Delhommeau, 2009; Hérault-Fournier, 2010; Mustière, 2010). Par ailleurs, en multipliant les canaux utilisés, le producteur diversifie ses sources de revenus et tend à réduire sa dépendance à un seul type d‟acheteur pour l‟écoulement de ses produits (Barbieri & Mahoney, 2009; Chiffoleau, 2010; Delhommeau, 2009; Kneafsey et al., 2013; Uematsu & Mishra, 2011). Il peut ainsi retrouver une plus grande autonomie par rapport à ses choix de production et de mise en marché. En éliminant certains intermédiaires dans la distribution, le producteur peut aussi retenir une plus grande marge sur le prix de ses produits (Barbieri & Mahoney, 2009; Blouin et al., 2009; Brown & Miller, 2008; Chiffoleau, 2010; Govindasamy, Hossain, & Adelaja, 1999; Hardesty & Leff, 2010; Hérault-Fournier, 2010; LeRoux, Schmit, Roth, & Streeter, 2010; Martinez, 2010; Uematsu & Mishra, 2011). Toutefois, ce gain financier peut se traduire par un besoin accru de main-d‟œuvre, ou encore d‟investissements (camion de livraison, entrepôt, atelier de transformation, etc.), afin de combler les fonctions qui étaient remplies autrement par les intermédiaires (Hardesty & Leff, 2010). Enfin, le contact direct

1 La distribution peut être définie comme « l‟ensemble des activités réalisées par le fabricant [ou le producteur] avec ou

sans le concours d‟autres institutions, à partir du moment où les produits sont finis jusqu‟à ce qu‟ils soient en possession du consommateur final et prêts à être consommés » (Vandercammen & Jospin-Pernet, 2010, p. 26).

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avec le consommateur permet au producteur d‟obtenir une reconnaissance de sa clientèle et d‟ainsi valoriser le métier d‟agriculteur (Chiffoleau, 2002, 2010; Hérault-Fournier, 2010).

Parallèlement, les différentes crises sanitaires (vache folle, fièvre aphteuse, listériose) qui ont frappé le système alimentaire mondial dans les dernières années ont amené le consommateur à vouloir connaître la provenance des produits qu‟il achète ainsi que leurs modes de fabrication (Agriculture et Agroalimentaire Canada, 2010; Govindasamy et al., 1999; MAPAQ, 2009; Ménard, 2009; Mondy, 2014 [à paraître]). Les consommateurs sont de plus en plus inquiets quant à la sécurité et la salubrité de leurs aliments. Cette perte de confiance envers le système agroalimentaire mondial a amené les consommateurs à se tourner vers l‟achat local, ayant une confiance plus grande en la qualité de ce qui est produit « chez nous » (Barbieri & Mahoney, 2009; La Trobe, 2002; Merle, Piotrowski, & Prigent-Simonin, 2009; Wiskerke, 2009). Cette tendance alimentaire se traduit notamment par la prolifération d‟identifiants régionaux (Saveurs du Bas-St-Laurent, Goûtez Lotbinière, Aliments du Québec, etc.), mais également par l‟apparition, au cours des trente dernières années, de diverses formes de commercialisation en circuits courts. Le ministère de l‟Agriculture, des Pêcheries et de l‟Alimentation du Québec (MAPAQ) définit ces circuits comme faisant « intervenir au plus un intermédiaire dans la distribution entre l‟entreprise de production ou de transformation et le consommateur » (MAPAQ, p. 3). Cette définition fait largement consensus dans la littérature.

1.1. Circonscrire les circuits courts et de proximité

Lorsqu‟il est question de circuits courts, différentes initiatives peuvent venir à l‟esprit2. Probablement l‟une des plus anciennes et des plus connues est celle des marchés publics. Il y a actuellement plus d‟une centaine de marchés publics au Québec (Proulx, 2014), nombre qui est en augmentation depuis les années 1990 où le nombre de marchés était presque nul dans la province (Chazoule & Lambert, 2007, p. 32)3. Il est également possible de penser aux kiosques à la ferme ou encore à l‟autocueillette où le producteur vend ses produits directement aux consommateurs qui se déplacent sur les lieux de son exploitation. L‟agriculture soutenue par la communauté (ASC), où le consommateur paie d‟avance sa part de la récolte au producteur qui s‟engage à lui livrer, de façon régulière, un panier de produits pour la durée de la saison (Brown & Miller, 2008; Coley, Howard, & Winter, 2009; Perez, 2004), est également bien établie au Québec. Alors qu‟en 1995 Équiterre

2 Voir l‟Annexe 1 pour une typologie des circuits courts.

3 Ce phénomène est également observé aux États-Unis (Henneberry, Whitacre, & Agustini, 2009; Hughes, Brown, Miller,

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3 mettait sur pied le premier réseau organisé d‟ASC au Québec, la province compte aujourd‟hui près de 22 initiatives réparties dans l‟ensemble du territoire qui desservent plus de 341 points de chute (Équiterre, 2011).

Bien que ces trois formes soient les plus classiques, de nouvelles « modalités de circuits courts » se sont développées depuis les dernières années au Québec4 et se caractérisent « par une relation "distendue" entre producteur et consommateur, où peut intervenir un intermédiaire commercial (le détaillant), virtuel (le site internet), voire même plus » (Praly, Chazoule, Delfosse, Bon, & Cornée, 2009, p. 3). Bien qu‟elles insistent sur « une (re)localisation des débouchés, le recentrage de la création de valeur sur la ferme et le choix de modes de production économes, écologiques et autonomes » (Dubuisson-Quellier & Le Velly, 2008, p. 103), ces initiatives ne cadrent pas nécessairement dans la définition évoquée plus haut des circuits courts puisque plus d‟un intermédiaire peut se retrouver entre le producteur et le consommateur (Dubuisson-Quellier & Le Velly, 2008, p. 103; Équiterre, 2011; Pringent-Simonin & Hérault-Fournier, 2012).

C‟est pourquoi plusieurs chercheurs se sont tournés plutôt vers la notion de circuits de proximité afin d‟englober l‟ensemble de ces phénomènes. Ce concept réfère à l‟ensemble des circuits de commercialisation relevant de la relocalisation ou de la redéfinition du lien entre le producteur et le consommateur vers davantage de proximité. Cette notion permet alors d‟englober ces initiatives « où la logique structurante est la valorisation d‟une proximité [géographique et relationnelle] entre producteurs et consommateurs » (Praly et al., 2009, p. 15), et ce, peu importe le nombre d‟intermédiaires qui s‟y retrouve. La notion de circuits de proximité permet donc d‟ouvrir la porte à des initiatives qui, malgré un nombre plus élevé d‟intermédiaires, illustrent « la recherche, la revendication et la valorisation d‟un rapprochement […] entre consommateurs et producteurs » et la conservation d‟une « dimension spatiale modeste » (Fraszczak, 2011, p. 6).

1.2. De nouveaux défis en circuit de proximité

Bien que les circuits de proximité puissent être une avenue intéressante tant pour les producteurs que pour les consommateurs, certains défis demeurent quant à leur développement. En effet, ces

4 Il est possible de penser, par exemple, à l‟approvisionnement, par les producteurs, de commerces alimentaires ou du

secteur de l‟hôtellerie, de la restauration et des institutions publiques (HRI). C‟est aussi le cas des plateformes virtuelles de vente (souvent appelées marchés de solidarité ou écomarchés) qui permettent au consommateur de faire l‟achat en ligne de produits régionaux qui lui sont livrés à un point de chute particulier.

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circuits demandent des producteurs « une solide organisation et structuration. S‟ils sont valorisants, ils sont aussi exigeants en temps et en énergie » (Delhommeau, 2009, p. 82). Les producteurs se retrouvant dans ces circuits font face à de nouvelles formes de proximité qui peuvent les amener à devoir redéfinir leur organisation du travail engendrant ainsi de nouveaux défis (Dufour, Hérault-Fournier, Lanciano, & Pennec, 2010).

Cette réorganisation du travail est souvent liée à une diversification des activités sur l‟exploitation, phénomène très présent en circuits de proximité (Chiffoleau, 2010; Govindasamy et al., 1999; Mundler, Ferreo, Jan, & Thomas, 2008). Gafsi, Mondy, Mundler, Couzy, et Valorge (2013) distinguent deux types de diversification soit celle agricole, correspondant aux activités de production, et celle structurelle ou entrepreneuriale qui comprend les « activités en prolongement de l‟acte de production (transformation et commercialisation) » (p. 4).

La diversification agricole survient lorsque de nouvelles productions sont introduites au sein de l‟exploitation. Par exemple, le producteur participant à une initiative d‟ASC doit s‟assurer d‟offrir dans son panier une diversité de produits afin de satisfaire le consommateur (Perez, 2004). Il doit donc être en mesure de gérer non plus une seule, mais une diversité de cultures. Une enquête réalisée pour Équiterre révèle que des producteurs maraîchers produisent jusqu‟à 45 variétés de fruits et légumes (Lemay, 2012, p. 24). Certains vont même développer de petites productions animales (Mundler, 2007), telles que les œufs ou la volaille. D‟ailleurs, plusieurs producteurs refusent de se lancer dans ces circuits de proximité puisqu‟ils considèrent que « la nécessité d‟offrir un large éventail de produits empêche la spécialisation et les économies d‟échelle sur la ferme, réduisant ainsi l‟efficacité et la productivité » (Équiterre, 2011, p. 21).

La diversification structurelle peut quant à elle prendre la forme de nouvelles activités de transformation (fromage, légumes en conserve, découpe de la viande, etc.) ou de commercialisation intégrées par l‟exploitant. Dans certains cas, les producteurs vont se retrouver à éliminer des intermédiaires les amenant à devoir assumer de nouvelles fonctions (transformation, emballage, transport, stockage, promotion, service à la clientèle, etc.) et à faire face à un nombre accru d‟interlocuteurs, décuplant les interactions, les négociations, la facturation et les livraisons complexifiant ainsi la gestion des comptes clients (LeRoux et al., 2010; Perez, 2004). Dans d‟autres cas, les producteurs seront appelés à modifier le type d‟intermédiaires ou de débouchés utilisés ou

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5 encore à modifier les liens de proximité entretenus avec les intervenants en aval de la chaîne de distribution.

Dans tous les cas, la mise en place d‟activités de diversification demande au producteur de revoir l‟organisation du travail au sein de son exploitation, ce qui engendre des coûts monétaires et non monétaires. Mis à part le temps de travail qui doit être consacré à ces nouveaux rôles (nouvelles productions, transformation et distribution) (LeRoux et al., 2010), ces derniers peuvent être exigeants en termes d‟investissements (Galt, 2013; Mustière, 2010). Souvent, l‟exploitant doit se munir de nouvelles infrastructures ou de nouveaux équipements qui, bien que nécessaires à sa diversification, peuvent être difficiles à acquérir à titre individuel en raison d‟un capital limité (Martinez, 2010, p. 25). La diversification amène également le producteur à devoir développer de nouvelles compétences (LeRoux et al., 2010). En effet, il semble que plusieurs producteurs en circuits de proximité soient « confrontés à des savoir-faire et des pratiques qui diffèrent largement de leur activité initiale » (Mustière, 2010, p. 24). Le développement d‟une nouvelle production et d‟activités de transformation ou de distribution demande des compétences spécifiques que les producteurs ne détiennent pas nécessairement (Galt, 2013; Perez, 2004).

Par ailleurs, dans certains marchés, les producteurs en circuits de proximité peuvent faire face à des barrières à l‟entrée, particulièrement lorsque le nombre d‟intermédiaires est réduit. Une de celles-ci est la capacité de fournir les volumes demandés qui sont souvent trop importants pour ce qu‟un producteur seul est en mesure de produire (Groupe de travail "Circuits courts de commercialisation", 2009; Konforti, 2011; Martinez, 2010; Romeyer, 2012). Ce n‟est pas simplement la question de la quantité qui est un enjeu pour les producteurs, mais également celle de la saisonnalité et de la stabilité de l‟offre (Chiffoleau, 2010; Équiterre, 2012; Groupe de travail "Circuits courts de commercialisation", 2009; Lemay & Pelletier, 2013; Martinez, 2010). Plusieurs établissements, notamment dans le secteur HRI ou du détail, préfèrent interagir avec un seul fournisseur qui sera en mesure de les approvisionner à l‟année, et ce, pour tous les produits qu‟ils désirent. Il peut donc être difficile de se conformer aux exigences des acheteurs.

En résumé, les producteurs en circuits de proximité sont souvent amenés à revoir leur organisation du travail, en raison de la relocalisation et de la redéfinition du lien avec le consommateur. Le recours au circuit de proximité est souvent lié à une diversification des activités sur l‟exploitation, ce qui

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demande au producteur de conjuguer de nouvelles tâches dans son horaire, d‟apprendre de nouveaux métiers et de dégager les fonds nécessaires afin de posséder des infrastructures conséquentes. De plus, une proximité accrue avec le consommateur peut signifier, pour le producteur, de rencontrer de nouvelles exigences sur le plan de la quantité, de la stabilité et de la qualité. Face à ces difficultés, certains producteurs ont décidé de s‟organiser afin de mutualiser leurs ressources5, qu‟elles soient financières, humaines, physiques ou sociales et d‟ainsi réduire certaines barrières qui se dressent à l‟entrée des circuits de proximité.

1.3. Les initiatives collectives en circuit de proximité

Une des pistes fréquemment évoquées pour favoriser le développement des circuits de proximité et d‟en assurer leur pérennité est la mise en place de démarches collectives (Biénabe & Sautier, 2005; Bordron & Cakmak, 2009; Camanzi, Malorgio, & Azcárate, 2011; Card, 2001; Delhommeau, 2009; Équiterre, 2012; Gafsi et al., 2013; Mustière, 2010; Saleilles & Poisson, 2012; Starr et al., 2003). Pour ces auteurs, l‟action collective présente un effet de levier sur le plan de l‟exploitation et sur celui de la commercialisation. Dans cette recherche, les termes organisations, collectifs, regroupements et groupes sont utilisés de façon interchangeable afin de signifier « un arrangement conscient résultat du choix des parties de coordonner délibérément leurs actions sur une base régulière et pour des objectifs spécifiques » (Ménard, 2004b, p. 18).

Pour Saleilles et Poisson (2012), « dans les démarches de circuits alimentaires de proximité, l‟organisation collective vise à faciliter l‟accès des producteurs à des opportunités dont ils n‟auraient pas pu bénéficier à titre individuel » (p. 45). Cet accès passe avant tout par la mutualisation de ressources, qu‟elles soient physiques, financières ou humaines (Biénabe & Sautier, 2005). Pour Mustière (2010), ces démarches de mutualisation sont un facteur important de succès pour les exploitations en circuits de proximité. Que ce soit un camion réfrigéré, des entrepôts de stockage, des plateformes de distribution (stockage à plus court terme) ou des unités de transformation ou de

5 Le terme « ressource » est entendu au sens de l‟approche basée sur les ressources (resource-based theory), où l‟on

considère non seulement les capitaux classiques (physiques, humains et financiers), mais également le capital social et naturel (Gafsi, 2006; Sourisseau, 2012). Le capital social est décrit plus en détail dans le second chapitre de ce mémoire. Le capital naturel « correspond au stock des biens (végétaux, animaux, minéraux, etc.) et services fournis (cycle d‟absorption des déchets, par exemple) par les écosystèmes » (Gafsi, 2006, p. 493). Quant aux capitaux classiques, « le capital physique comprend les infrastructures et équipements utilisés pour la production de biens ou de services » (Sourisseau, 2012, p. 166) et le capital financier « comprend les actifs monétaires ou physiques, mais facilement convertibles, ainsi que l‟accès au crédit » (Sourisseau, 2012, p. 166). Le capital humain, quant à lui, « renvoie aux caractéristiques de la main-d‟œuvre familiale (âge, capacités productives, santé, éducation) » (Sourisseau, 2012, p. 166).

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7 conditionnement, la mutualisation physique « permet aux producteurs de répartir entre eux un investissement coûteux et parfois économiquement injustifié pour une seule exploitation » (Mustière, 2010, p. 29). En France, les ateliers de transformation collectifs (ATC) en sont un exemple. Ils sont « une structure gérée par un collectif d‟agriculteurs qui mettent leurs moyens en commun pour disposer des équipements nécessaires à la transformation de leurs produits agricoles primaires » (Mundler et al., 2013, p. 5).

Cette mutualisation est une opportunité pour les producteurs de réduire les coûts de production et de réaliser des économies d‟échelle (Martinez, 2010; Romeyer, 2012). En partageant les équipements, les producteurs réduisent leur investissement individuel, et donc, l‟amortissement financier. De plus, les machineries sont souvent conçues pour d‟importants volumes. Les partager permet donc d‟optimiser et de rentabiliser leur fonctionnement. En plus des économies d‟échelle, certains auteurs voient, dans la mutualisation, une occasion pour le producteur de réduire ou partager les risques liés à ces investissements (Biénabe & Sautier, 2005; Dumas, 2013; Gafsi et al., 2013). La notion de risque entre en jeu de deux façons. D‟une part, elle se fait par l‟accès nouveau à des équipements qui permettent aux producteurs de diversifier leur production et de développer ainsi une nouvelle offre lui permettant d‟accéder à de nouveaux marchés (Gafsi et al., 2013). D‟autre part, le partage d‟investissements lourds est perçu, par certains producteurs, comme une façon de tester certains débouchés à risques réduits (Dumas, 2013). S‟ils ne s‟avèrent pas rentables, les pertes ou l‟endettement sont moindres.

La mutualisation des ressources peut également être immatérielle. Il y a la possibilité de mettre en commun de l‟information en instaurant une organisation qui centralise les besoins de différentes clientèles, de répartir les approvisionnements nécessaires entre les membres et de transmettre conséquemment les commandes à chacun des producteurs. Souvent, ce mode de fonctionnement est accompagné d‟un partage des transports. Les producteurs peuvent alors se coordonner pour effectuer des livraisons groupées de façon à optimiser les déplacements et l‟utilisation du matériel roulant. Cette mutualisation demande toutefois une certaine proximité géographique entre les producteurs membres.

L‟action collective peut également permettre aux producteurs de diminuer le temps dédié à leur mise en marché en partageant la charge de travail, ou encore, en engageant un employé pour l‟ensemble du groupement. Pour Pringent-Simonin, Hérault-Fournier, et Merle (2012), ce peut être une façon

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pour les producteurs de « bénéficier de ressources humaines et techniques qui peuvent pallier le manque de temps, d‟argent et de compétences » (p. 55). C‟est dans cette optique que les points de vente collectifs (PVC) ont été mis en place en France. Les PVC sont des « [groupements] de producteurs qui commercialisent ensemble et de façon directe, dans un magasin, leurs produits fermiers » (Bernard, Dufour, & Mundler, 2008, p. 142). Les producteurs livrent eux-mêmes leurs produits au point de vente et assurent la tenue de ce dernier en rotation de manière à garantir, en tout temps, la présence d‟au moins un agriculteur au PVC. Une dynamique semblable pourrait être instaurée au sein d‟un groupe de producteurs vendant en marché public ou livrant des paniers d‟ASC.

Enfin, la création d‟un collectif de producteurs peut permettre à ses membres de diversifier la gamme de produits offerts ou encore d‟augmenter les volumes mis en marché, selon le canal et la stratégie de commercialisation choisis. D‟une part, des producteurs distribuant des paniers s‟inscrivant dans la formule d‟ASC pourraient décider de se regrouper afin de diminuer le nombre de cultures que chacun doit produire. Le collectif leur permettrait de maintenir une diversité de produits dans leurs paniers tout en réduisant le nombre de tâches à effectuer sur leurs exploitations. D‟autre part, des producteurs pourraient se regrouper afin de développer une marque commune et être en mesure de garantir un certain volume à des magasins spécialisés ou des supermarchés. Ils auraient donc la « capacité de répondre à de plus gros clients grâce à l‟augmentation de volume proposé » (Romeyer, 2012, p. 148). Dans tous les cas, le collectif peut leur permettre d‟atteindre des marchés qu‟ils ne pourraient atteindre seuls, ou encore, de faciliter l‟approvisionnement des marchés qu‟ils desservent déjà (Biénabe & Sautier, 2005). En d‟autres mots, que ce soit en permettant la consolidation de l‟offre ou en réduisant les investissements nécessaires afin de respecter les normes et exigences des canaux de distribution, l‟action collective peut permettre aux producteurs agricoles d‟éliminer ou de réduire les barrières à l‟entrée de certains marchés.

1.4. Question et objectifs de recherche

En somme, la commercialisation en circuits de proximité est de plus en plus présente au Québec. En les empruntant, plusieurs producteurs se retrouvent à relocaliser et redéfinir le lien qu‟ils entretiennent avec le consommateur afin de s‟en rapprocher et doivent ainsi revoir leur organisation du travail. Ce changement peut demander au producteur d‟importants investissements, de développer de nouvelles compétences, d‟assumer de nouveaux rôles et responsabilités, et ce, tant

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9 au niveau de la production, de la transformation que de la commercialisation de ses produits. Il doit également se soumettre aux différentes exigences de ses acheteurs. Ces réalités peuvent représenter un défi majeur pour les producteurs qui décident d‟utiliser ce type de mise en marché. Comme suggéré par plusieurs auteurs, l‟action collective semble répondre à plusieurs de ces défis (Bordron & Cakmak, 2009; Delhommeau, 2009; Équiterre, 2012; Mustière, 2010; Saleilles & Poisson, 2012). Elle permet de partager les coûts ainsi que les tâches à réaliser tout en offrant au producteur des opportunités auxquelles il ne pourrait accéder seul. La création de collectifs en circuits de proximité pourrait donc faciliter le travail des producteurs en allégeant certaines contraintes rencontrées en circuits de proximité.

Dans ce contexte, il est pertinent de se demander : à quelle(s) condition(s) les collectifs de

producteurs peuvent-ils permettre à leurs membres de relever les défis rencontrés dans les circuits de proximité au Québec? Cette étude a conséquemment pour objectifs :

 d‟identifier les raisons et étudier les contextes menant à l‟émergence de collectifs de producteurs en circuits de proximité;

 d‟identifier les défis et les facteurs facilitants liés à la viabilité des collectifs de producteurs. Bien que les circuits de proximité gagnent en importance au Québec, il existe actuellement peu de travaux sur les initiatives collectives qui s‟y trouvent6. Les études existantes se concentrent principalement sur l‟examen et la caractérisation des différents canaux de mise en marché de proximité (Bordron & Cakmak, 2009; Colombani-Lachapelle & Pouliot, 2012; Équiterre, 2011, 2012; Lemay, 2012). Toutefois, force est de constater que le peu de connaissances développées et diffusées au Québec a certainement été une embûche pour les producteurs qui se sont lancés dans des initiatives collectives, mais qui se sont rapidement trouvés éreintés par la difficulté à les faire fonctionner. Dans un contexte où le MAPAQ lançait en 2013 le Programme Proximité qui vient principalement en appui aux collectifs de producteurs en circuits de proximité, il semble nécessaire de poser les bases pour le développement d‟une telle expertise au Québec et c‟est ce que ce mémoire propose.

6 On notera d‟abord une recherche d‟Équiterre, publiée en 2011, évaluant les attentes et les appréhensions de

producteurs maraîchers de la région de Montréal envers un modèle associatif de mise en marché en circuits courts pour le secteur HRI (Konforti, 2011). Également, une étude de cas approfondie a été réalisée sur la coopérative La Mauve, un modèle collectif de mise en marché en circuits de proximité (Galarneau, 2010).

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Dans ce but, il est nécessaire de formuler une première réponse théorique à la question de recherche afin d‟orienter le travail d‟analyse réalisé par la suite. Si les bases théoriques ont été posées, dans ce premier chapitre, pour répondre au premier objectif fixé, il n‟en est pas de même pour le second. C‟est pourquoi le chapitre 2 s‟attarde à identifier les défis et les conditions liés à la viabilité et à la pérennité des collectifs de producteurs. Cette démarche est réalisée en deux temps. Dans un premier temps, une revue de la littérature est effectuée sur les regroupements en circuits de proximité. Si elle permet de dégager certaines pistes de réflexion sur les facteurs susceptibles d‟avoir un impact sur l‟action collective, le faible nombre d‟études réalisées à ce jour sur le sujet en fait des fondements insuffisants pour la construction d‟un cadre d‟analyse complet et rigoureux. C‟est pourquoi, dans un deuxième temps, trois approches théoriques sont mobilisées. Les approches de l‟action collective, la théorie des coûts de transaction et l‟économie de la proximité sont toutes trois concernées par la coordination des individus et, bien qu‟elles offrent des angles d‟approches distinctifs, convergent également vers des enjeux similaires. Cette démarche, dans son entièreté, permet d‟aboutir à un ensemble de facteurs ciblant les conditions humaines, organisationnelles et économiques nécessaires à la viabilité des collectifs qui constitue le cadre d‟analyse guidant l‟analyse réalisée dans ce mémoire.

Par la suite, il est proposé d'étudier la façon dont ce cadre peut se transposer à une expérience réelle de regroupement de producteurs au Québec. Pour ce faire, une démarche qualitative de type exploratoire a été développée et est présentée au chapitre 3. L‟étude de cas multiples est l‟approche méthodologique qui a été adoptée puisqu‟elle permet d‟étudier en profondeur plusieurs cas tout en laissant ressortir les points de convergence et de divergence entre chacun et d‟ainsi enrichir la compréhension du phénomène global. Cinq regroupements visant les circuits de proximité et ayant collectivisé la transformation ou la mise en marché de leurs produits ont donc été sélectionnés afin de constituer l‟échantillon de cette recherche. Ils ont été choisis en fonction de leur taille, de leur type de production, des services offerts aux membres et de leur type de structure afin de permettre l‟observation de situations contrastées. Des entrevues ont été réalisées auprès de ces collectifs afin de constituer la base de données pour la réalisation de cette étude.

La dernière étape consiste en l‟analyse des données qui a été réalisée en deux phases, soit l‟analyse intracas et l‟analyse intercas. Le chapitre 4 présente les résultats obtenus par la première phase d‟analyse. Chacun des cas est dépeint en profondeur de manière à exposer son fonctionnement et

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11 ses dynamiques particulières. Les cas sont également décomposés selon la grille d‟analyse développée au chapitre 2 afin de dégager la présence, ou l‟absence, des facteurs retenus. Par la suite, les résultats obtenus dans les différents cas ont été comparés de manière systématique et itérative afin de dégager de grands constats. Ces derniers sont présentés au chapitre 5 et constituent le cœur de ce mémoire.

En somme, ce projet de mémoire propose de transposer les fondements théoriques de l‟action collective à l‟étude de regroupements de producteurs en circuits de proximité au Québec afin de dégager les conditions nécessaires pour surmonter les défis rencontrés par les producteurs dans ces circuits. En quelques mots, l‟analyse réalisée semble dégager que les collectifs de producteurs sont avant tout un moyen d‟abaisser les barrières à l‟entrée des circuits de proximité, et ce, à condition qu‟ils soient en mesure de conserver une viabilité économique et sociale qui passent, avant tout, par un accompagnement externe soutenu, un engagement persistant des membres et une collaboration équilibrant confiance et procédures.

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2. Approcher l’action collective en circuits de

proximité: l’élaboration d’un cadre d’analyse

Dans le premier chapitre, il a été établi que les producteurs en circuits de proximité rencontrent deux difficultés majeures. D‟une part, il existe d‟importantes barrières à l‟entrée pour certains marchés, que ce soit au niveau des volumes, de la stabilité de l‟offre ou encore des coûts d‟accès. D‟autre part, la redéfinition du lien avec le consommateur en circuits de proximité amène le producteur à occuper de nouvelles fonctions (production, transformation ou commercialisation) et à assumer des coûts monétaires et humains accrus (infrastructures, ressources humaines, promotion, etc.). Il est donc plausible que la création d‟un collectif permette au producteur d‟amoindrir ces contraintes s‟il est en mesure de réduire les barrières à l‟entrée des marchés visés ou encore les coûts liés à l‟emprunt des circuits de proximité.

Toutefois, la capacité des producteurs à s‟organiser afin d‟atteindre l‟un ou l‟autre de ces deux objectifs peut être compromise par des problèmes d‟action collective. Se regrouper et se coordonner amène en soi son lot de contraintes et de défis. Il est donc nécessaire d‟identifier les conditions permettant aux producteurs de surmonter ces obstacles et d‟atteindre leur objectif final. Pour ce faire, une revue de la littérature a d‟abord été réalisée sur les défis et les facteurs de viabilité des groupes de producteurs en circuits de proximité (section 2.1). Dans un deuxième temps, afin de compléter l‟état de l‟art et de bâtir un cadre d‟analyse permettant d‟identifier des facteurs facilitant l‟action collective, trois approches théoriques sont présentées soit la théorie des coûts de transaction (section 2.2), les approches de l‟action collective (section 2.3) et à l‟économie de la proximité (section 2.4). Enfin, cette démarche aura permis d‟aboutir à un ensemble de facteurs constituant le cadre d‟analyse de cette étude et permettant de cibler les facteurs d‟émergence et de viabilité des collectifs en circuits de proximité.

2.1. Les travaux sur les collectifs en circuits de proximité :

quelques enseignements

La littérature existante sur les circuits de proximité explore très peu la question de l‟action collective dans ces réseaux. Il existe tout de même un certain nombre de recherches en France portant sur les ATC (Couzy et al., 2013; Mondy & Terrieux, 2010; Mundler et al., 2013; Wagner, 2012) ainsi que sur les PVC (Bernard et al., 2008; Montet, 2008; Olivier-Salvagnac, Pouzenc, & Pilleboue, 2010) qui sont

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tous deux des formes de regroupements mutualisant la transformation ou la distribution des produits. Quelques-unes de ces recherches s‟intéressent plus spécifiquement aux conditions de durabilité de ces initiatives et permettent de tirer certains enseignements pertinents pour cette recherche.

2.1.1. Engagement des membres et leadership

Pour qu‟il y ait action collective, il faut nécessairement que des membres s‟y impliquent. C‟est pourquoi les travaux sur les collectifs en circuits de proximité mettent l'accent sur l‟intensité et la persistance de l‟engagement des producteurs. Mundler et al. (2013) notent une progression relativement lente des projets d‟ATC qui prennent souvent, au minimum trois ans avant d‟ouvrir leur porte. Cette progression lente demande une certaine endurance et une forte mobilisation de la part des agriculteurs membres, car les fruits des efforts consentis au projet ne peuvent être récoltés qu‟à long terme. C‟est pourquoi, afin d‟éviter le découragement, Mundler et al. (2013) soulèvent l‟importance de souligner chacune des petites avancées dans le projet et d‟organiser régulièrement des rencontres entre les membres afin qu‟ils puissent « actualiser leur engagement » envers le collectif (p. 7). Poisson, Olivier, et Saleilles (2010) voient non seulement « l‟opérationnalité tardive des outils » (p. 4) comme un facteur déterminant dans l‟implication variable des producteurs, mais également une série d‟autres facteurs émanant de l‟environnement externe, du regroupement ou encore des exploitations membres (voir le Tableau 1).

Tableau 1. Facteurs explicatifs de l'implication variable des producteurs Externe au collectif  Cours des matières premières agricoles et énergétiques

 Adaptation des services à la demande des producteurs et des consommateurs

Interne au collectif  Opérationnalité tardive des outils  Coût de l‟innovation

 Manque de transparence dans la gestion  Faible poids dans la décision

 Tensions avec les salariés et entre producteurs

Propres au producteur  Moyens techniques disponibles : engagements individuels multiples, peu de main-d‟œuvre disponible sur l‟exploitation pour assurer la production, faibles compétences en transformation

 Caractère : affirmation de valeurs, affinités sociales, incompréhension, enjeux non maîtrisés, etc.

Source : Tableau tiré de Poisson et al. (2010, p. 4)

Par ailleurs, l‟engagement des membres par rapport au projet est rarement proportionnel aux bénéfices retirés (Mundler et al., 2013), ce qui peut devenir source de tension (Poisson et al., 2010; Wagner, 2012). L‟intensité de l‟engagement des membres provient souvent d‟une forte dépendance

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15 envers le projet ou encore de leur caractère militant. À partir de ces dimensions, Mundler et al. (2013) ont développé une typologie des membres au sein des ATC :

1. Les grands utilisateurs avec une implication forte : ils sont toujours présents au sein des collectifs et représentent des moteurs importants pour le projet.

2. Les petits utilisateurs avec une implication forte : ils sont parfois présents au sein des collectifs et cette présence est essentielle dans les phases plus creuses du projet, car leur motivation est puisée ailleurs que dans les bénéfices tirés de l‟utilisation des services du collectif.

3. Les petits utilisateurs avec une implication faible : ils sont toujours présents au sein de collectif et, ayant une utilisation plus souple de l‟atelier, leur présence est complémentaire aux autres membres du groupe.

4. Les grands utilisateurs avec une implication faible : ils sont un facteur fragilisant pour les projets collectifs puisque le projet peut dépendre fortement de leur participation et que leur engagement est faible.

Bien que certains types de membres soient plus mobilisateurs que d‟autres, Mundler et al. (2013) soulignent que les projets mariant petits et grands utilisateurs en tirent une certaine richesse, car : « les plus petits apporteurs contribuent à l‟équilibre général du système en étant capables d‟occuper l‟atelier dans les interstices laissés par les utilisateurs réguliers » (p. 8). En revanche, il faut éviter de trop grands déséquilibres où le projet dépend entièrement d‟un grand utilisateur pour fonctionner (Rougé, Droz-Vincent, & Sansous, 2014 [à paraître]). Dans tous les cas, Pons (2014 [à paraître]) souligne que l‟implication des producteurs est centrale à la viabilité et à la réussite des regroupements.

Par ailleurs, la présence d‟un ou de leaders capables de mobiliser les énergies se révèle également être un facteur facilitant pour l‟émergence et la durabilité des initiatives collectives (Pons, 2014 [à paraître]). Bien qu‟il ne doive pas se substituer à l'engagement des membres du groupe, Mundler et al. (2013) identifient la présence d‟un animateur, externe au groupe, comme un élément facilitateur dans l‟avancement du projet. D‟une part, il permet plus de transparence, car le surinvestissement d‟un membre ou d‟un noyau de membres dans le collectif peut masquer le désengagement des autres. D‟autre part, la gestion de projet étant de plus en plus complexe, cet animateur peut amener des compétences particulières que le collectif ne détient pas nécessairement.

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2.1.2. Conjuguer projets individuels et collectifs

Un des défis des collectifs de producteurs en circuits de proximité est d‟être en mesure de conjuguer le projet collectif avec les différentes stratégies individuelles des membres qui le composent. Les producteurs impliqués au sein du collectif restent, à l‟extérieur de celui-ci, des entrepreneurs ayant leurs propres contraintes, objectifs et valeurs encadrant leurs décisions de production et de distribution. D‟ailleurs, Olivier et Coquart (2010) soulignent que le choix de certains producteurs de commercialiser en circuit de proximité provient du désir « de construire un projet leur apportant une plus grande autonomie » (p. 24). Les collectifs de producteurs en circuits de proximité doivent donc porter une attention particulière à la préservation des stratégies individuelles des membres :

Dans la mesure du possible, la démarche collective doit donc permettre la réalisation du projet individuel de l‟exploitation, et non la contraindre, ni même uniformiser les projets individuels dans un projet collectif. Il s‟agit de faciliter l‟accès des producteurs à des dont ils n‟auraient pas pu bénéficier à titre individuel et non de mettre en œuvre une stratégie de production, transformation et commercialisation commune à tous les producteurs membres. (Saleilles & Poisson, 2012, pp. 122-123)

Cependant, il faut noter que certains collectifs font le choix explicite de développer une stratégie de transformation et de commercialisation commune afin de partager certains coûts rencontrés si les producteurs menaient ces étapes seuls (temps de travail, apprentissage des métiers, recherche de consommateurs, promotion, etc.). Par exemple, des collectifs font le choix de se doter d‟un cahier des charges et de mettre leur produit en marché sous une marque commune : dans ce cas, une stratégie collective de production, de transformation et de commercialisation se révèle essentielle. Néanmoins, l‟expérience montre que le développement de ces stratégies doit être réalisé dans le respect des stratégies individuelles (au sens de valeurs, choix de modèles de production, etc.) des membres. Pour Mundler et al. (2013), il s‟agit plutôt de la capacité des collectifs et de leurs membres à « concilier leurs enjeux respectifs » (p. 6).

Pour Saleilles et Poisson (2012), cette conciliation doit se faire à trois niveaux : opérationnel, organisationnel et stratégique. Au niveau opérationnel, il s‟agit de coordonner l‟utilisation de la ressource mutualisée avec les réalités de production de chacun des membres. Au plan organisationnel, l‟implication de chacun dans le collectif est souvent fonction de « l‟évolution de leur projet d‟exploitation et notamment de l‟importance de l‟outil commun dans ce projet » (Saleilles & Poisson, 2012, p. 123). Le collectif doit donc assurer un certain sentiment d‟équité entre les membres, au niveau de l‟implication de chacun, tout en respectant également les priorités et contraintes de chacun. Enfin, au niveau stratégique, les choix faits par le collectif peuvent « heurter

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17 les convictions et choix individuels de producteurs et entraîner leur désengagement » (Saleilles & Poisson, 2012, p. 123). Il faut donc que le groupe réussisse à concilier les valeurs de chacun au sein d‟un projet qui leur semble porteur.

C‟est pourquoi Saleilles et Poisson (2012) soulignent qu‟il doit y avoir, au sein des collectifs, le maintien de certaines ambiguïtés. Notamment, l‟ambiguïté d‟organisation qui implique l‟existence d‟un système structurant au sein duquel il n‟y a ni hiérarchie ni contrôle entre les membres. Chacun doit être en mesure de préserver une certaine indépendance quant à la prise de décision. Également, il doit y avoir une certaine ambiguïté d‟intention qui permet au collectif de conjuguer une variété de motivations et d‟objectifs et ainsi d‟intégrer une diversité de membres. Toutefois, comme le soulignent les deux prochaines sections, l‟ambiguïté ne peut être totale : d‟une part, il est nécessaire que les collectifs se dotent de règles de fonctionnement définissant, entre autres, les rôles et les responsabilités de chacun et, d‟autre part, qu‟il existe une certaine cohésion sociale au sein du groupe provenant du partage de valeurs et d‟objectifs communs. Chaque regroupement, raisonnent Saleilles et Poisson (2012), doit donc trouver un équilibre entre ambiguïté et rigidité.

2.1.3. Règles de fonctionnement

Les ATC qui ont réussi, selon l‟étude de Mondy et Terrieux (2010), « sont ceux qui ont su mettre en place des systèmes efficaces de fonctionnement, de régulation, et de définition des responsabilités et qui ont su s‟enrichir de l‟expérience des autres » (p. 94). Les regroupements de producteurs ont donc intérêt, dès le départ, à se doter de règles de fonctionnement, non seulement au niveau opérationnel, mais également au niveau de la prise de décision et du règlement de conflits. Il est important que les règles mises en place soient connues, négociées et respectées de tous afin qu‟elles puissent remplir leurs fonctions (Boullier & Ollivier, 2014 [à paraître]). Mondy et Terrieux (2010) perçoivent, en ce sens, la nécessité pour les collectifs de se doter d‟un responsable qui exerce « les fonctions de coordination, de veille organisationnelle et de contrôle » (p. 94).

2.1.4. La viabilité économique

Les collectifs de producteurs sont non seulement des groupes sociaux, mais également des entités économiques. Pour que l‟action collective porte ses fruits, il faut donc que le projet ait aussi une viabilité économique. Dans une étude réalisée par Poisson (2010), après quelques années d‟activités, les cas enquêtés ont tous eu des difficultés à atteindre l‟équilibre financier. Pourtant, à

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l‟exception de certains mémoires de fin d‟études produits dans le cadre du projet ATOMIC7 (Dumas, 2013; Maréchal, 2013; Wagner, 2012) et d‟un livre sur les ATC à paraître en 2014 (Mundler & Valorge, 2014 [à paraître]), peu d‟études sur les collectifs en circuits de proximité se sont attardés à ces questions de faisabilité et de rentabilité économique. Les études de cas menées dans le cadre de ces recherches permettent tout de même de dégager certaines pistes de recherche qui pourraient être généralisables à l‟ensemble des projets collectifs.

Dans un premier temps, le travail doit se faire au niveau de l‟élaboration et la préparation du projet (Couzy & Morizot-Braud, 2014 [à paraître]). Les choix faits (choix du matériel, choix du lieu, choix du canal de mise en marché, détermination du fonctionnement, etc.) doivent être en concordance avec les besoins et les moyens des membres du collectif. Un investissement initial trop important pour la capacité de paiement des membres pourrait nuire au développement du projet collectif: « Le coût initial du projet semble se révéler décisif dans les premières années de vie d‟un ATC, car c‟est cela qui implique le remboursement important d‟emprunts au départ. Ce sont ces remboursements couplés à des volumes inférieurs au prévisionnel qui ont posé problème au démarrage ou après plusieurs années de fonctionnement dans tous les ateliers enquêtés » (Dumas, 2013, p. 34). Souvent, un accompagnement technique externe dans l‟élaboration du projet est considéré comme essentiel par plusieurs ATC, car elle permet au producteur d‟appréhender plus facilement cette phase qui peut être complexe (Dumas, 2013).

La question des volumes prévisionnels s‟est également révélée être un facteur clé dans la capacité de rentabiliser l‟investissement de départ (Dumas, 2013). Généralement, l‟ATC assure son fonctionnement en facturant à ses membres un tarif sur les volumes transformés (Dumas, 2013; Wagner, 2012). Toutefois, si ces derniers sont inférieurs aux prévisions, l‟atelier se retrouve dans un contexte de déficit budgétaire. C‟est pourquoi, afin de s‟assurer un volume minimal de transformation, certains ateliers exigent des engagements écrits de la part de leurs utilisateurs sur les quantités qu‟ils prévoient transformer (Wagner, 2012). Ainsi, ils s‟assurent, en période plus creuse, de couvrir au minimum leurs coûts fixes.

Un autre problème soulevé au niveau des ATC est l‟identification du coût de revient (comprenant les charges fixes et variables) qui permet de fixer le tarif d‟utilisation des infrastructures (Wagner, 2012).

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19 Plusieurs ateliers ont tendance à fixer un tarif en début de projet et à le maintenir au fil du temps puisque la réactualisation de celui-ci est mal perçue par les membres (Dumas, 2013; Wagner, 2012). Toutefois, le tarif devrait être révisé fréquemment afin de tenir compte de la variation des coûts et des volumes transformés et de s‟assurer ainsi du maintien de l‟équilibre budgétaire du projet collectif (Dumas, 2013; Wagner, 2012). Au minimum, le tarif devrait être révisé après la première année afin qu‟il se base non pas sur des estimations de coûts et de production, mais sur des données réelles (Wagner, 2012). Tout de même, certains ateliers soulignent une difficulté à se faire payer par leurs membres : ils ont peu d‟outils coercitifs à leur disposition (Dumas, 2013; Maréchal, 2013).

Afin de réduire la taille de l‟investissement de départ, certains collectifs se tournent vers des moyens de financement externes. Plusieurs ATC ont pu démarrer leur projet grâce à une subvention publique (Dumas, 2013; Terrieux, Valorge, & Mundler, 2014 [à paraître]; Wagner, 2012). Presque l‟ensemble des personnes enquêtées par Dumas (2013) jugent les subventions reçues comme essentielles à l‟existence de leur projet collectif. Toutefois, cette source de financement n‟est pas à la disposition de tous les collectifs : les programmes doivent aussi exister dans leur région. D‟autres ATC se sont plutôt tournées vers des emprunts bancaires. Pour la construction de bâtiment, les emprunts souscrits s‟étendent entre 12 et 20 ans alors que, pour l'équipement, ils s‟étendent entre cinq et dix ans.

La durée de remboursement peut créer des problèmes de passager clandestin (Cook, 1995) : « Les producteurs de l‟atelier 2 ont opté pour une durée d‟amortissement de leurs bâtiments de 20 ans. Cela leur permet de diminuer les annuités et de ne pas avoir des coûts de revient trop élevés dès le départ. Si l‟atelier avait été amorti au bout de 12 ans, les nouveaux adhérents seraient favorisés, car le bâtiment aurait été financé par les producteurs présents les 12 premières années » (Wagner, 2012, p. 52). Il est question d‟un problème de passager clandestin, car les nouveaux adhérents profitent des investissements réalisés par les autres membres sans pour autant y contribuer financièrement. Ce type de problème peut réduire l‟incitatif des membres à investir dans le projet collectif. Toutefois, il est également possible que d‟autres motivations, que l‟intérêt d‟un plein gain futur, amènent les producteurs à investir dans leurs collectifs. De plus, bien que les anciens membres aient fait les investissements initiaux, les structures mutualisées demandent souvent de nouveaux investissements, pour de l‟amélioration ou de la réfection, qui mobiliseront, à leur tour, les

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nouveaux membres. Un collectif de producteurs ne se retrouvera donc pas nécessairement sous le joug du problème de passager clandestin.

2.1.5. Quels enseignements en tirer?

Parfois en accord, parfois en contradiction, les travaux sur les collectifs en circuits de proximité sont encore jeunes et s‟appuient sur des exemples empiriques limités. Tout de même, la revue de littérature effectuée permet d‟identifier certaines variables qui semblent importantes à considérer lorsqu‟il est question de la pérennisation d‟initiatives collectives. L‟engagement des membres semble dépendre à la fois du niveau d‟utilisation de la ressource mobilisée et du caractère militant de ses membres. Il est aussi fonction de la présence d‟un ou de leaders capables de mobiliser les énergies du groupe. Qu‟ils soient internes ou externes au groupe, les leaders doivent permettre une transparence au niveau de l‟engagement de chacun des membres et mettre certaines compétences en gestion de projet au profit du groupe. Les collectifs de producteurs doivent également être en mesure d‟articuler les stratégies individuelles de membres avec le projet collectif. Bien que Saleilles et Poisson (2012) soulignent l‟importance d‟une ambiguïté organisationnelle et d‟intention afin de marier les différentes stratégies, d‟autres auteurs insistent également sur l‟importance de la mise en place de règles de fonctionnement et de décision claires ainsi que sur le développement d‟une cohésion sociale basée sur des objectifs, valeurs et conceptions partagées (Konforti, 2011; Mondy & Terrieux, 2010; Mundler et al., 2013). Le collectif doit donc trouver un équilibre entre un flou et des procédures trop serrées (Rougé et al., 2014 [à paraître]). Enfin, la viabilité économique des collectifs ne peut être écartée de l‟analyse. Une bonne planification doit être faite autant dans le montage du projet que dans sa gestion quotidienne. Bien que certains collectifs n‟aient pas comme but annoncé de réaliser des bénéfices importants (Wagner, 2012), ils doivent tout de même s‟assurer d‟arriver à l‟équilibre budgétaire, et potentiellement, de dégager des excédents afin d‟assurer des investissements futurs.

En somme, la revue de la littérature effectuée sur les collectifs de producteurs en circuits de proximité permet de jeter un éclairage sur différents facteurs ou conditions qui peuvent permettre, ou faciliter, l‟action collective et ainsi alléger les contraintes rencontrées en circuits de proximité. Elle oriente ainsi les théories qui ont été choisies afin de constituer un cadre conceptuel servant d‟ancrage à ce travail de recherche. Le portrait dépeint de la réalité de collectifs de producteurs en circuits de proximité permet de saisir la complexité du sujet. Il ne s‟agit pas seulement d‟être capable

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21 de créer un projet économiquement viable. L‟existence d‟enjeux humains et organisationnels amène une analyse beaucoup plus fine des conditions permettant aux membres de collectifs de producteurs d‟atténuer les contraintes rencontrées dans les circuits de proximité. C‟est pourquoi trois approches complémentaires ont été mobilisées afin de constituer ce cadre conceptuel : théorie des coûts de transaction (section 2.2), les approches de l‟action collective (section 2.3) et à l‟économie de la proximité (section 2.4).

2.2. La théorie des coûts de transaction

Dans son article The Nature of the Firm, Coase (1937) s‟interroge sur l‟émergence de l‟entreprise dans une économie de marché : si le prix permet de coordonner les échanges entre les individus sur le marché, pourquoi existe-t-il des entreprises où une autorité se substitue au prix dans l‟allocation des ressources? C‟est alors qu‟il évoquait pour la première fois l‟idée qu‟il y avait un coût associé à l‟utilisation du mécanisme de prix, aujourd‟hui appelé coût de transaction. Il justifiait ainsi l‟existence d‟entreprises qui, selon lui, permettent de réduire ces coûts. Il tirait alors la conclusion que, lorsque les coûts d‟utilisation du marché sont élevés, il peut être nécessaire de se coordonner autrement que par le marché. C‟est notamment sur ces travaux que Williamson (1971, 1981, 1985, 1991) s‟est basé afin de développer et populariser ce qui est aujourd‟hui la théorie des coûts de transaction.

2.2.1. Les coûts de transaction : une définition

Coase (1937) a été le premier à définir les coûts de transaction comme le « coût d‟utilisation du mécanisme de prix »8 (p. 390). Il mentionne notamment les coûts liés à l‟obtention d‟information sur les prix applicables sur le marché, à la négociation et à la signature de contrats séparés pour chacune des transactions réalisées (Coase, 1937). Les coûts de transaction démontrent donc que « l‟opération d‟un marché coûte quelque chose »9 (Coase, 1937, p. 392). De façon similaire, dans ses travaux sur l‟organisation des activités économiques, Arrow (1969) considère les coûts de transaction comme « le coût de fonctionnement du système économique »10 (p. 1). C‟est d‟ailleurs cette définition que Williamson (1985) utilise dans son ouvrage The Economic Institutions of

Capitalism: Firms, Markets, Relational Contracting. Il la précise en ajoutant qu‟ils sont « les coûts

comparatifs de planification, d‟adaptation et de suivi de transfert de droits associés à des tâches,

8 Traduction libre. 9 Traduction libre. 10 Traduction libre.

Figure

Tableau 1. Facteurs explicatifs de l'implication variable des producteurs  Externe au collectif    Cours des matières premières agricoles et énergétiques
Tableau 3. Facteurs de viabilité économiques des collectifs en circuits de proximité
Tableau 4. Facteurs humains de viabilité sociale des collectifs en circuits de proximité
Figure 1. Cadre d’analyse adopté pour l’étude de l’émergence et de la viabilité des collectifs  de producteurs en circuits de proximité
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Références

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