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.: .. Loretta Hyrat Maîtrise ès Ar~s , Université McGill Département de L~ngue:et' Litt~rature françai~el\r
, ,
'L~AMoUR DANS LES ~àMANS ET CON~S D~ VOL~At~'
, "
.
"..
1 •" . t )
...
L'amour est un ;thème constant dans l' geùvre de VOltai,re
.. 'e..t- . .J.es Contes les J~l~s, cOn,nus sont même, d~ 'véritables "histoires
d'amour".
Ce thèmè jou~ un rôle essentiel dans leur composition:
l ,
renforçant la structurè et unifiant le réeit, 'il est égalem,nt'
l'un des principaux'ressort~ littéraires. Il permet aussi la
't
'satire et, détend
le'
lecteur.(
• \ .!
, 'VOltéilire nous offre ·une peinture variée:: tous les types
• f
d'amour sont& représ~ntés, cependa1'lt
ct
est l*'art\Our-charnel qui.préç'iC?mine. '
.'
L' étudé: de la' passion. ~môuieuse démontre qu~ ,1 i-aute~r
ne s'est pas tellemèntattaché à un~ analyse psychologiquef
fai-sant res,~ortir plutat ~es ~~~ets. sur les amànts. Non seulement
l ' - •
a-t-il montré ses conséquences . funestes.,.. mais égalemEm~' ,.sès ,
,aspects burlesques' .. " r -.1 " • f , " . , 1 , )
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Les rapp,orts q~e nous "a'''ons dégagés entr.e sa .. 'vie et· ,
~
.
-$on O$UVX-èt ~insi,' que les cha~,géménts da~s le gont du pub-lie " '
éctai_t'~nt s~n
, att±t'ude.
. , .-fà'ce~,'~ 'i':~inour.
~, ,
..
" : 'A'insi, bien
que
cela ne soit pas son but; VJl taire,
.
'nous présènte dans ses,' Contes un panorama' a~oureux qui eliJt
le .
"
reflet des'tendanc~s-de la littératùre amoureuse' du dix~
huitiàme'si~cle • \ " , ' r
.'
, ' .... \ , ..., ", , ' ,- .. , , ~ _ " • ' , J .. ' ',l' ,-.'
... , ".
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Î
"1
,
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~ I~'" , ' 1 ~ ~. ~ o,t, t . , '. ' ',-, ,.'.
;~:r'".' , ,~,t
J . - l •• ,1 Master of Art.s . " McGill Unive~sity\
~ , " Department of French Language and Literature• ~ 1 .,
-Loretta Hyrat
"
Love 'is a~o stant theme in the works 9f Voltaire and
, .
'"
'
tl;te mostfamous of his Contes ,are even "1ove-stori~ , )
This theme playa an essentiql
p~rlt
in their,èOmpO~\-'
tion: i t strengthens the' s'tructure, unifies the narrative, it
ia also onè of the most important literary stimuli. It allow~
satire and gives rela~ation to the reader.
,
Voltaire's portrayal of lo~e is divers~i~d: all
types' are represented but-physical love prevails.
The s~udy of passion shows that the author did not apply himself to its psychological analysis, but ta its
eOffécts on the
lovers~
(He- showed not only: its fatalconse-quences, but also i'ts ludicrous' aspects.
1
The relationships that we have att~mpted to ~~ing out
between Voltaire's life and his works, as well as the changes
~I
)
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-. .: -r 'rof taste 'in the
publi~
_shéd',"~: ~ew
l:ight on his attitude... ' towara~ love.
.
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In"
co~çlusion,
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\L' AMOUR D]WS LES ROMANS" ET -CONTES\l [.1' DE VOLTAIRE ,
\'1 by I10retta Hyrat 1\ '1 -, o A Thesis Submitted to
the Faculty of Graduate studies-and Research McGill University
•
l.n Partial Fulfilment of the Requirements
IJ
for the Degree of·
0 Master of Àrts " " " - '
Department of French ~anguage
• - o and Literature Juillet
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HYrat
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• . : ' . • .. ~ .. ~ r La structure " ~ , ' _" ' .. 1 ' " • Llà~ur ~6mme"ressort'littéraire L'amow:' et~a
sattr;e·'"
'.
L'am'our' et,.i '.unité .'du récit
..
.
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,~ L' amôur ',et.
lés'
persoruiage~ secondairesti. ~ .",' ~... L \,amou~ 'et la .. ~tE!llt~ :dû 'lecteur
,
·Chilpitre Il, 'l,.
":~~'
LA:,PÉINTtJiŒ'·
D~'.,L'
AMOUR.r • • l '
... t..I I l ~
'L' amoifr physiqu~ '1 ' •
L'~mpur çhevaleresque: ,
L'~o~r~~aèri~ice èt l'~mour trag~que·
.. L' amà.ur con~u9ar et :le' mëp:iage
· .
\.
, ',L" i~f~~,~it~, ,0 "0' ' , . ' , ~
•
ChaPitr~_,"~l\
l,
,~<L~~~ C!>~~ LI~~RE,
, -, . :F.:tude
1
df'!~a
pass1ém . . :~onsequenc~s: Qe l'amour·
L'élmOUl;':' 1 source de buries'que
.. ' ( ... ra, r ," • \ "
Chapitre IV" ,', ~ VOLTAIRE ET L'AMOUR D'APRES LES
, . ; . ;. " CONTES ~ • • • • • • , .. ,. " •
.,:. ..
'~. ,f
," ,x..:i aro,lu;, dans la vie
de
Voltaire ,, ,""L" '. amour;'. dans 'l'_oE!Uvre- de Voltaire, avant: leEi
, ' ,
' . ' ,t;:Gntes,\, " , '
1 1 ~. Ii t .
", ' 'Vol ta1:r;e, et l'amour dans les Contes
~ r \ ~ ~ , éONèLUSÎON
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" BIBLïciç;AAPHIE~,
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Il .-\ ' c, l'.
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, , 0 : INTRODUCTION i • f ,.
,.
, l ,Le roi ,Vol,ta,ire, comme l'ont surnommé ses' contempqrains,
domine tout le d'iX-huitième siècle.' Déjà connu à ~'âge ~e vingt
.
'.
ans par son talent de poàte mondain, il'çevient èélèbre quatre ans plus tard avec le succès d'Oedipe, sa premièLe tragédie. et
. ' ~.
meurt en pleine apothéose ~vec.Irène'en 1779. Le. succès l'accom~
.
"pagne toute sa vie grace'à une -production.littéraire abondante
, "
.
-et variée qui recouvre presque entièrement le'Siècle'des
Lumi'è-,\
res. Son génie ne se lim~te pas à un se~l gen~e: il est,à lq
\ \
fois u'n poàte ~oridain très en vogue. un ~ramatlirge réputé, . un
brillant historienl et un grand philosophe. C'est pourquoi
d'Alembert l'appelait aveo
raison:.:'Mons.i~ur_
le Multiforme ", 2,
.
\
\
. car Voltaire est indéfinissable. Son imm~nse talent d'une par't,
(1
"
.
1 Vo ta1re occupe l ' ' " . m~me 1 a 0 h arge d h' '~storiograp h e du roi
de,1745 ~ 1747. 0
(Paris:
2Cité par Jean Orieux, Voltaire ou la royauté de l'esprit
Flamma~ion" 1966).
.
-.-I
l.'
,1'"ii
1
.,. °" , ~I; ""
'4 ~ , ! , ; \. ..-' 1 \ . \ ", '-~---....~~;';. " : i , \ , :,'" 2 ,,
et plus de soixât:lte,a~s, de V'i~ aétive d '""a~tre \ part, lu~ ont'· ... ,
permis de s'imposer comme le meilleur repr~sentant de '~on
(..a..
siècle.
r
; Ses contemporains ilDnt admiré pour se~ o~uvres
offi-
"-c~èlles, mais la seule q?f ait résisté à l'épreuv~ d~ ~.emps' est"
~
~::son Histoire de Charles XII. Aujourd' hui n~us le connaissoh"ES
surtout par ses Cont~s. puis par sa ?orrespo~dan7e. Assez
paradoxalemént d'ailleurs, les co~tes lui app~rtent l'immort~- .
, \ \ '
\
" >-\lité alor~ qU'ii co~~idérait ce genre comme mineur. ~'l appe1~i t,
1
son Microtri~gas une ."fad~ise philosophique" et ~~ns doute què,
comme le souligne G. Ascôli, "il ne se dout:ait pas que c'ét~it
vers [ce] Zadig, comme ve:l;S Cahdide que la lo:i,.ntaine,posté~ité
"
,
se tournerait 'le plus volontiers, entre tant dl,oeuvrès par lui
, .• , 1
plus longtemps travaillées et choyées". "
Quoiqu'il n'ait découvert le conte que relativement tard
dans sa "vie,
.
'à 11 8ge .de quarante-cinq ans, cl,est dans ce genre ,qulil a le mieux exprimé son génie, aux dires de tous/les
criti-/ '
ques dont l'opinion est clairement formulée par W.R. Jones:
o 0
-lvoltaire, Zadig ou la destinée, éd. critique avec
introduction et un comméntaire par Georges ,~scoli (Paris: '
,Librairie Hache~te, 1929),
p:
xix.une
.
'• c.
(
... , ,.
.. , • 'n ••
I. hl B "..
; , ' , , 'r 3 ,1 J : ' vIINu,lle parrt Voltaire n'est :plus "g~and' que dans ses C"ontes;
nulle part l" espri t et l'art même dû .xvIIIe siècle n' nt 'mieux
.", , . 1 ' , - ,~
'trouvé leur .e~pre$~ion l, • Ii compose le premier '. nte en
ï
7 3~,• 0 . . . .
s'oi t La tPrelation du vo a' e •• ". de M.' le baron\ de qui
de-o
.
"viendra plus tard Micrornégas, et le dernier ~n 1775; son oeuvre
. ,
romanesque recouvre donc la seconde moitié de sa'vie, alors que
~
.
'" '9 " .
notr.e
p~ilosoph~
est en pleine· possession de ses moyens. , ,,~ r 1 Ils'appuie sur l'ex~riel?-ce de toute une vie pour réussir; aussi
les Con~es sont-ils 'l'oeuvre la plu~ typique de Voltaire, mais
'également de son siècle, car comme l'affirme un crit~que
contem-i
porain: "Nous
,"
.
ne devons pas oublier •• que de tous les écrivains
du l8e sièële, .
.'
YOltaire.est celui qui~ous
alaiss~
les détails\ les \ \ Imot \
\
. \ \ \ oplus précis sur l~s 'Dusages, sur l'état des personnes, en un"
2
sur la. société. de son tempsu. ','
o ,
Or, nous savons q~e cette époque a été marquée à la foi's
\
~ p~r l'esprit des Lumières et par le libertinage. Sous la
R~-\ ' 4\
gence la license des moeurs était presque totale et sous le
\ \
, ,
"
~Voltaire,
L'Ingénu, 'éd. critique deW.R.
Jones (Genève: Drox, 1957), Introduction, pp. 60-61.2Louis Ducros, La société francaise ~u XVIIIe siècle
(Paris: Hatier, 1,922), p. 303. " . \
..
1 1 • 1 1 1 1 d l ' 1 o "" ,
J
'l~'
,
't '
~
f
,'"
" ... . ' , '.: t
t, 4.
, , ' o ,. ~.règne de Lduis XV le culte· des plai~irs se poursuit avec
insou-"
cia~ce. Mais si l'amour est l'un des tra~té ~les plus
caracté-ristiques de l' époqut:!, c ','est \.
également un des'moins,étudié.
' . '
Les critiques l'ont an~lysê sous·son aspect'psychologique au
'dix-septième. siè~le, par contre ils 'l'ont n'égliga au si~c,le
.
,sui'l-ant qui est le siècle' de.' 1 ',érotisme-'par excellence., Ce sont
.. ~ l '
ces diverses
c~hstatatio'ns'
qui 'riou.s~mt'
décidée à entreprendre~1'a~a1yse de l'amour dans les'Contes. Jusqu'à' présent, on ne
-: f " ,
1i.
trouve que des études assez marginales sur ce sujet malgré lapermanence du
,
th~me dans i'o~uvre, peut-être est-ce parce que,
les, préjugés qui ,font. de",Vo1 taire un ~trl! mi~ogyne;
persistent encore;
..
sans passion,
-Nous-~llons tenter, daDs cette étude, de faire une
\ ,
synthèse,de,l'am~ur tel qul'til est.·rep;:ésenté . .dans.'les Cont~s et
nous espérons apporter des précisions sur'c~t ,aspect plutôt' r
-,. "' ...
~-t
.1
\
.
.
négligé d'une oeuvre, qU'on a'.accorde 'à reconnaÎtre comme 1;.e
chef-<
d'oeuvre de Voltaire. Ainsi nous commencerons par mo~trer que
, , ...
.
.
la passion: est un élé~ent i~portant 9ui joue, un tôle essentiel
( ' ,
.. " ,. " . 1 \ • '!If
dans la composition du récit. p,our'.leau besoins de notre étude,'
'.
.nous "ut'iÜ.serona des ,exemples tirés ~' une grande ,var.fété "de
, . \.
.
.
" (contes~ cependant, nous insisterons sur ,les qurtré plus
i~té->if • \
1
ressants poûr nous, è'est-à-dire: Zadi9, Candide, L'tp9énU et
,. ,,: , ~'''' - " \ " I i " " i
-- J
: ,-
\,/
, ' ~. " " i, p " " , ,.
(1 , . . . I ; .... - . ... ~""'-tun 1~ _ _ _ _ _ ... ~,.-..._ fi il t' E 1.
-(
";'
1 " ! .... ': ~.
! 1 q 1 5 ... ' t . - '.
la Pr,incesse .de Babylone. Nous laisserons.... de côté les oèuvres
où il n'est jamais
fa~
mention ni de l'amour ni d'aucun de, ,
ses, 'thàmes connexes comme l'infidélité, la jalousie ou la
vérole: donc, nous,n'étuqierons pas la Lettre d'un Turc sur
'-les fakirs et sur son ami Bababec, la Petite Digression et
• ,
,,,-.
,,
Dans la deuxiàme partie,' nous classerons les diffé- ' rents types d ',amour, car l' aut'eur en, fait une peinture très
0
variée. Nous verroris qu'il nous en o~fre tout un éventail allant
"
du désir animal au sentiment le plus sublime.
Nous n~us attacherons ensuite plus P~ticuli~ement à
l'e~amen'de la passion amoureuse sous son aspect litt~aire.
. \
Nous en analyserons les diver~es mani~esta~i~ns et co~s~quences;
sans oublier son rôle en tant'que source de burlesque car les
Contes sont destinés 'av~nt tout à divertir le pUbli~.
En dernier li~u, 'nous essaierons de voir s'il y. a une
,
.
certaine évolution dans'la conception ,voltairienne de la passion.
Pa~ le ehoi~ de quelques contes 'significatifs, nous déterm~ne
rODS dans
~elle'mesure
la viepersonnell~ de l'auteur a
i~-fluencé sa description de 1· amour., " l ' . ob
.
.
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o
l ' ,'.'
'1 . "...
~ .~ ;. ;.
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; 1 ~ ',-" , . , ".
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• :. Î .. t w, ';.:
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"·
.'~. , · . ' " · " , ".
, "()
, 1 6Pour conclure~ nous 'replac~~ons les Contes- dans le
t • l '
\ ' \ ~
context.e de le1,lr époque afin",de'
c~parer le~r
représ'entation"
', ,
de l'amour à celle qU"oh découvr~. dan,~ la littérat';.1re
a,mou-- '
'\
','reuse du dix-huit~ème siècle, ,et nous ferons les rapprochements
qui s'imp9sent. '_,' c, , ' " : "
.,
, ' '.l'< 1 Î
i
'. f
î
•
r " • ,.
CHAPITRE PREMIER , '.
'.' ,~ , " fi ~'. 1 ~LA PLACE ET L 1 IMPORTA~CE DE L'AMOUR DANS LES CONTES
"
"
On peut Si interroger sur la présence d' un thème aussi,
, 1
romanesque que l'amour dans des Contes philosophiqu~s.
Pour-tant, il ne faut pas s~ en étonner car Montesquieu ,a créé le
f
genre et la formule dans ses Lettres persanes: "La recette du
roman philosophique est assez simple: deux ingrédients, l' es-'
q~isse satirique des moeurs, la description de la volupté
sensuelle, servent à masquer la thèse philosophique. ,,1, nous
dit Lanson. ' Cependant nous sommes persuadée que le rôle de
l'amour ne s~ limite pas uniquement à dé9uiser les idées
phi1o-sophiques de l'auteur. Il est impo~tànt à tous les niveaux du
récit~ c' est pourquoi 'une étude, de la composition des Contes
"
s'imp,!se.
"
o lG:ustaV'e Lanson: Histoire de 'la littérature francaise
(Paris: Librairie Hachet1;~~ ,1951), pp. 677-678.
>, " ~ ~. \ . 1. ffiJ, .
•
, > • r • , ' , I .. ,.
, "J' 1 ! :;...
" ' \.
.
, î1
...
'"o
.-" ;.
,
1 • , ' 8 La s tructurèSi nous examinons le~ cont~s où'le th~me est le plus,
déve:1oppé; zadi~~. Candide, "L ' I~génu, la Princesse de Babylone,
nous
cQnst~
1:onsqu~
ce sont également les contes les plus con;nus et les plus intéressants de volta}re. On pourr~it
dfail-l '
leurs' les déf~nir comme de vérjtables "his;toires dt amour"~
Celles-ci: sont bâties sur un modèle i.d.entiquè: "c' est lp
poursui'te de ÜI femme aimée par un héros malheureux qui se
trou~e finalement récompensé de sa constance par la réunion
1 .
avec celle qu' il souhait~it tant retrouver". Cette l'~marque
de Jean' Sarei! à· propos de ·Z'a.di9 et Candide Si appliqu~
égale-l ' "
ment aux dewç autres histoires' d'I amour.
f Dans chaque cas, il
.'"
Si agi.t
~ffectivement
d' une quête de l'apers~~ne.
aimée.·\ Lédébut'dè chaque histô~re nous fait assister à la naissance
t '
"
.
.dl
un amour passÎ;onné entre le~ deux héros du conte., 'za~l e:t
, ~
l'Ingénu et: Mlle
dé
St ... y s,AS,tar~é,' Candide et Cunégonde,
Amazan et Formosante. Mais cette 'passion est impossible:
,
survient un premier obst~c~e qui provc;>que la séparation
lJea~'
Sareil, "DeZ~dig
à Candide ou perman1nce de lapensée de
Voltaire,~u
The Romanic' Review, Vol. LII(~.ew
ork:Columbia,.university Press. Publisher, 1961), p. 272.
J
C/
, , ,', .. ,J!j' , ~I, ,-'1 , , t ' j i , , , , ", -1 , 1 1 , f ,_ r '" 1 .w ! iII lU MA -_...: ... ~~' . . . .
_._-• \ 9 / -'"
, 0amants et le début de, la qu@te. ~ Les amants se retrouveItt,
mais doivent faire face à
u~ 8econ~
obstaclel, qui estsur-monté pour aboutir au dénouement: un mariage, sauf dans
LI Ingénu.
Tous les héros sopt des amoureux, les int,rigues de base
se ressemblent, seuls lés obstacles diffèrent. , \ La première bar-'
rière que rencontre Candide dans sa passi~n pour Cunégonde est
d"ordre social. En effet, elle est une rrjeune baronnette" qui
possède soixante-douze quart,iers de noblesse, tandis qu'il
n' est, lui, qu'un bâtard, un fils illégitime qui ne- peut
pré-tendre l'épouser. On lui défend d'aimer mIle CUhégonde<et i l
est chassé. Après une assez longue 'séparation, i l ne la
retrouvera qq1à Lisbonne. Là.-bas il se voit obligé de tuer
le j
ui~
donIsskh~r
e"t un ipCJ\lisi teur pour sauver sa vie etprotéger son amour. Obligé de, fuir' le lieu de son double
assassinat, nous le retrouvons â 8uenos-Ayres avec sa
bien-~
aimée. Mais n' ayant pu semer ses poursui v,ànt,s qui le
,
recherchent pour venger la mort ,de l'inq"isiteur, Candide doit
, "
à nouveau quitter sa chère cunégonde pour Se mettre à l'abri.
, 'lparfois les obstacles s'accl,lmulent comme dans Candide.
.
!
.1!
l ' '1 10Après de nouvelles aventures, les amoureux ,sont enfin réunis
1
à Constantinople. Un dernier obstacle empêche encorel leur
mariage: le baron qui est le frère de Cunégonde s'oppose à
leur union pour le motif invoqué au début, c'est-à-dire la dif-férencé de classe sociale. Mais Candide, ayQnt acquis beaucoup
d'expérience, se débarrasse aisément de ce gêneur et se marie~
r
L'Ingénu ressemble beaucoup à Candide par le Qsujet,,
par le héros et par la structure. Son amour pour la St Yves
1
ert contrarié par un interdit d'ordre ,religieux:
est défendu à un baptisé d'épouser sa marrainé.
gn e~fet il
.'~
Aussitôt on sépare les amants en enfermant la st Yves dans un couvent. puis, lorsqu'elle en sort, c'est au tour de l'Ingénu d'être
fait pri·sonnier, on l'envoie à l.a Bastille.
Nous remarquons que Voltaire utilise les mêmes procé-dés dans les deux contes, mais alors que dans ces oeuvres les empêchernen1ts au mariage avaient dês causes externes" dans Zadig et La Princesse de Babylone ils ont des causes internes,
ainsi ils, sont amenés par les amants eux-mêmes. Ast~rté et
Zadig, par exemple, résis~ent tous deux"à ~eur passion: èlle,
.
parce qu'elle est mariée et vertueuse, lui, parce qu 1 i l est
honnête. La jalousie du mari, le roi Moabdar, cause le départ'
t
'l'
Jo' JIll".
- "J
;;
~' f. t~. li " ,(
(
) ___ __~-XII."""',,_.1!j I lpréeipité de zadig et la séparation des amoureux. Plus tard,
la mort du roi élimine le premier obstacle à leur union, mais alors qu'ils sont sur le point d'être réunis pour toujours,
surgit un nouveau probl~me: le vol de l'armure'blanche de
zadig. Or, cette armure prouvait la victoire de notre hé{os
" ~
dans un tournoi qui permettait au vainqueur'd'épouser la belle
Astarté. Il a tout ~erdu, et un peu par sa faute, car s ' i l
n' avai t pas trop dormi cela ne serait pas arrivé: "voilà ce
que c'est, disait-il, de m'être éveillé trop tard~ si j'avais
moins dormi. je serais roi de Babylone, je posséderais Astarté".l
La Princesse de Babylone se distingue des trois contes précédents du fait que OIes amants créent eux-mêmes les entraves
à leur bonheur. Ce ne sont plus des questions sociales,
reli-gieuses ou conjugales qui entrent en jeu ici. Amazan quitte momentanément Formosante pour revoir une dernière fois s9n père
qui agonise. Mais c'est plus, tard, à cause d'un baiser du roi
d'Egypte à Formosante, que la jalousie fait fuir Arnazan loin de
,
sa bien-aimé~ et provo,que ainsi 1;;\ première véritable séparation'
J
INOUS citons ici et dàns les· chapitres, suivants
l'édi-tion des Romans et Contes de Vol taire", publiée par H. Benac
(paris: Editions Garnier Fr~res, 1960).
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part
3 sa recherche, Q~~nd elle le.
, re~rouve,' dans la c~pi ta~e. ,des Gaules, endormi dans les bras
dlune "fi.lle
dlaffa~reij, 'comme on disait
à l'époque, 1 c'est àj
son tour,., de fuir,' ja1ause~ Et c Î est Amazan
qui
commence saquête.'
;
En résumé,l' nous voyons que le même schéma se répète, dans chaque conte. Sur une charpente identique viennent se
greffer de légères variantes dans le choix des obstacles et dans .
~
lIa
quête qui estentrepri~e
par le héros dans Candide et Zqdiq,par l~ héros et l'héro!ne dans LI Ingénu et La Princesse de
Babylone.:
L'amour comme ressort littéraire
,
Comme Voltaire utilise le même canevas pour toutes ses histoires dl amour, le lecteur sait dès le début quel en Séra
le dénouement. LI intérêt réside alors dans 'les aventures du
héros lors des nombreux rebondissements de l'intrigue. Nous \,
, \
, \
venons de voir que les affronts et 1es\obstacles à l'amour'fai~
saient rejaillir 11 action. Or, en plus d~ stimuler V action
lune "fille dt affairelt est le nom ,que-l'on donnait à
une pro~tituée.
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• 1
tout au lonq du cont~t ~galement
'donne 'l'él~n du départ au, :r;écit.'
. l
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"
la p~ssion amoureuse qui
,
.
Mlle de St Yves convainc l'Ingénu de'se.laisser bap-tiser et il accepte par amour pour elle comme nous ,le prouve
.,.
cet extrait de d.i,alogue: "Est-ce que vous ne' ferez rien pour 'moi? lui dit~elle.
.
. .
Ahl tout ce que vous voudrez,mademoiselle, tout ce que vous me commanderez,: baptême d'eau,
b~ptême de feu" baptême de en que je vous
1
refuse". C· est justement c causera tous leurs
'malheur~: il les empêchera e·se marier et causera finalement
, Îl;
,
-la mort tragique de l'héroïne. La St Yves meurt ~'avoir cédé
~
~~J,~ . 2 . '
à monSl.eur de St Pouange par amour pour 1 génu. •
,
.
On retrouve le même ressort littéraire dans les Contes moins importants comme Memnon ou la sagesse humaine. L'amour, ou plutôt le ,désir, a été la première tentation à laquelle Memnon a cédé, et c'est elle qui a provoqué tous les développe-'ments de l'intrigue: le héros s'enivre pour oublier cétte
lRomans·et
cont~s,
éd. citée, p. 235.Zpour libérer son 'amoureux de la Bastille, St Pouange a exigé d'elle qu'elle lui ac~orde ses faveurs. Elle a été forcée ,d'accepter mais, ne pouvant plus supporter cette honte, elle èn
meurt.
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.
1
C,':
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'.
',\ 14aventure amoureuse; ivre, il joue avec des amis~ il
/
~---,~
.:_---.-~~-- ,
s'endette, il se dispute, il perd ~ti oeil: il va à la cour
,
.
. a~ec uh placet pour le roi. Tout s'est enchaîné et il n'a tenu aucune des résolutions qu'il avaït prises pour être sage.
Cependant, ç::',esb Zadig qui démontré le mieux le -rOle
essentiel joué par l'amour en tant que moteur de l'action. &fi
effet, la passion est absente au début ~t le conte piétine avec 1
une série d'an~cdotes amusantes mais asSez décousues"
Heureu-sement; au chapitre ~uit, une passion amoureuse se déclqre entre
'.
Zadig et Astarté et aussitôt le réèit démarre. Ce nouvel élan
brise la monotonie du début et permet'à l'auteur d'aEpliquer
•
'!-:--!.-son schéma habituel: amour, -obstacle, ~éparation,
retrouvail-Quant au chef-d'oeuvre de Voltaire, Candide, il .. pous
.t::.
f
plonge dans un monde picaresque où les intrigues. et les
inc~-dents qui rebondissent sont très nombreux. Et tous les actes'
'du héros ~ont motïvés par sa pas~ion car, comme le relève
M. Bertrand dans un a~tic1e sur Candi4e: ." le sentiment
qu'éprouve Candide pour Cunégonde 'fournit non seu1ement,la
,
~-chiquenaude in~tia~ à ses aventures mais aussi_l'élan au
reste de 11 action pu~que celle-ci est conduite à part"ir de
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15'
1
Candide". Il a été chassé du bea.u château de,
Tl).under=-ten-~tronckh à cause de Cunégonde'. Il tue un juif et Un
inquisi-teur par amour,pour' ~lle, ce qui entraîne la néces~ité de leùr
fuite~ Au ~araguai, albrs qu'ïl n'e~t pas avec sa bien-aimée,
il tue le baron lorsque celui-ci lui conteste le<droit d'aimer .
"
la jeune baronnette. Àinsi, même élbigné de l'objet de son
amour, la passion le pousse à agir. A la suite de ce nouveau
meurtre, notre héros do~t encor~ fuir: il ~rrive au pays des-' {J
Oreillons, puis dans l'Eldorado. Il décide de qu~tter ce pays
'7)::' '
~~
utopique parce que Mlle Cunégonde ne s'y trouve pas. A
Co~stantinople, il 'se débarrasse du baron, d~rnier empêchement. à son mariage. Tous les actes et toutes les décisions de
Candide sont motivég, de façon directe ou ipdirecte, par l'amour.
En tant,que ressort littéraire, la passion joue donc un
rôle capïtal: elle engendre l'action~ provoque des
rebondis-sements,de l'intrigue et ~outient l'intér~t du lecteur. Mais~
tous ces déplacements des héros qui sont sans cesse interrompus
,
dans leur quête par des obstacles ou des aventures,· ont en plus du but romanesque é,vident (qui est la réunion des amants) un
,---.1Marc Bertrand, "L'amour et la sexualîté dans Candide''.,
The
Fren~h Review, vol.37
(mai i964), p. 620.,--
.
.'
_ _ _ _ ~ " , . p J.
,
..
16autre-but beaucoup plus subtil. Tous ces "retardements
,
dlamour" sont essentiels pour permettre. à l'auteur une satire
o
variée et efficace. '
L'amour comme support à la satire
)
Souven~, dans les Contes, l'amour devient un prétexte
à la satire car c'est à 11 occasion des vpyages'r4es héros,
pen-,
dant leur quête, qui ils soJt confrontés aux malheurs du genre
"
.
humain. Il est de l'intérêt du philosophe Voltaire de promener
ses héros un peu partout pout qui ils vivent le plus d'expérien-èes possibles, qu'ils soient témoins de toutes les intolérances, de tous les maux qui existent sur notre globe .. De cette façon,
il peu~ exposer ses propres points de vue sur des questio~s
philosophiques précises. Jean Sareil, dans son brillant Essai
sur Candide, note à cet effet:
L'élément romanesque répond ici à une tout autre intention, qui est de créer un milieu artificiellement réel, comme c'est le cas dans. un roman, dans le seul but d'examiner' une théorie métaphysique non plus sur sa valeur logique' intrinsèque, qui ne sera
jamais discutée, mais sur la façon dont elle s'accommode des données de llexpérience
spé-cialement conçue pour cette épreuve. Le
conte eàt en quelque sorte un banc d'essai'
"'"'1 c, t ~ , \
(,
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el • • __ ~1't7.hati .. 41 . . . se- . . . . 17destiné à vérifie17 ··la valeur de résistance
d'un système. l
Nous allons analyser quelques contes pour voir comment la passion devient le support de,.la ·satire. L'amour fait
>: •
voyager le héros' soit qu'il parte
à"t
lar~he d~
-
la personne'aimée, soi ~ qu'il fuie l'amoui ou" plu~ôt certaines aV,2?tures
C> ,~ amoureuses. Tel est le cas çe Scarmentado qui quit.;te. Rome
}c
1
l'
qu~nd Monsignor Profondo "fut SUl; le point de [le] mettre dans
. "'2
la ca t~gor.ie de ses mignons". Puis c'est la signora Fatelo
~j. en l'aimant, lui fait courir le risque'd'être excommunié
, '\
" ~t empoisonné. Enfin, i l f3' enfui t de la Turquie pour sauver
son prépuce et échapper à la 'belle Circassfenne avec qui i l a
goQté' les délices de l'amour. Ses aventures sexuelles l'ont mis en présence des moeurs condamnables des évêques et lui ont permis de découvrir plusieurs exemples d'intolérance religieuse.
,~
, ,
Tout au long du conte, Vol~aire s'a,ttache à faire une critiqué
de ~a religion mais. surtout dU fanatiSMe religieux et de
l'into-lérance.
1 ' '1 t : \ . d' (!IL '
. Jean Sare~ , J:.Issa~ sur Cau lde Gen-=v-e:Libralrie
Droz, 1967). p. ,40'.',
.
, 2Romans et cont~s, éd. ci té~, p. 89. '..
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.,. " 1 '"<If
, , '. 18Dan,~ Lâ ·;P~ncesse de B~bylone, nous retrouvons encore des voyages, mais cette fois l'auteur organise son récit pour
, ~
faire ,U)1e satire .de moeurs . . .Amazan fu~t' Formosi:mte par dépit
amou"reux, tout en l~i dert\eurant' fidèle. Or, dans sa fuite,
l' 'auteur le condui·f dans' le plus de c;ou';rs possibles: . "Amazan '
. : ( \ ' . . ~
s'enfuyait de., toutes les cours"qu'i1 visitait gitât qu'une"'C~ _,
l ',:
-
'~dame lui avait dOJ'\né un rendei-'vo'us au~ue1 i l craignait de
. ' . r , "
• ~ l "
.,sucG~mbër."
.1,,Ce~i, per~et-
'à Voitaipi ,de',dress'e~
un tableau cri-;-'"'.
.
tique des -mo,e\lrs de la' soci~'té: de son temps: en ef'fet,
l'in-trigue entre ~~rmosante"et-Junazan _$~, d~roulè ',parallèlement
à
ta
re~ue satirique des ,moeurs ,des divercs pays qu", iJ:~ travers'ent,én se poursuivant.
D'autre part, lès contes plus longs et plus complets,
comme Candide'ou L'Ingénu, peuvent axer davantage la satire sur
.
'
un problè:m~ ~nique dont la critiqué se poursuivra tout au cours '
des voyages. Ainsi dans' Candide, comme nous avons affaire -à un, • Ji
conte' phÜ.osoph:ique, i l e:x;iste des rapp'orts ét.rpi ts entre les
grand~ 'épisodes
.
. .
,du'
conte et les thèses optimistes qu'il yeut' "-réfuter '. Chaque malheur sexuel que subit Cunégpnde et chaque
1
': J'
Romans et Contes, éd. citée, p. 378.
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if " -t ~ , f, ~ f ' , l A lU' _ _ _ 63 J _ ' $ 1 I __ ... _~.c~ -t;·Oo'(r~~ 19.
,.aventure que 'vit Candide à cause de sa passion, les mettent
l
d~vant une réa+ité affreuse: le viol, la guerre, l'intolérance,
le fanatisme, 1· esclavage, etc. \IITout est prévu pour que les
, \
expériences ~es plus diverses se succèdent: celle de ,la guerre,
1
celle de l'Inquisition et tant d'autres." Le bU,t .d~ tout cela.
, ,
est bien évident: i l s'agit de prouver q~e ce monde ,n'est pa~
"le meilleur des mondes possibles I l , cont1:,,airement à la
philoso-, ,
phie optimiste de LeibniftzQ
~t
chacunde~
chapitres constitue\
une étape dans
l'expé~ience
de"Candide,une\~rOgreSSiOn
dans\
la démonstration de Voltaire contre ,
La façop de procéder du philosophe plus év
ij!
~ente encor et da,~s des contes comme Cosi-Sanc'ta et • In énu. ,
.. If, ,
t
l
Dans lè prem~er, tout_est orienté dans le er q le
vice est préférable à la vertu. L'auteur veut ,arriver 1
conclusion suivante: IIUn petit mal pour un grand bienl l ( • 613)
et
il bâtit l'intrigue en fonction de ce but pré-établi. C· est'ainsi que, vertueuse~, Cosi~Sancta cause la ,mort de son amant, et
-qU~,elle sauve son ma-r;L", son ,~rère et son fils lorsqu' elle ne l'est. plus.
j'l
r
lp.G; C"astex, Voltaire: MicrornégBs, Candide, L'Ingénu,Les ,eours'de 50~bonne, (Paris:. Centre de Documentation
r
1
t
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1 ,...
(
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J .,aLlzUA.a; : J dJ:1;" rI ! ' ~, ift --.---'""" " .
20L'intention satirique est très apparente dans L'Ingénu
où l'intrigue amoureuse est tou~ours subordonnée à la mise en
valeur de quelques idées de Voltaire. Le baptême du Huron est
un bon prétexte pour aévelopper une cr~tique des textes sacrés
et de la religion ~n général. Plus loin, l'intrigue le conduit
à Versailles pour des raisons sentimentales: "Quand je verrai
le roi, je lui demander'ai mademoiselle de St Yves en mariage
1
et certainement il ne me refusera pas ,. 1 mais c'est surtout
• pour, lui p~rmettre de souper en chemin avec des Huguenots et
n 0
faire ressortir ainsi l'intolérance religieuse des catholiques.
De même l'emprisonnement de l'lngénu à la Bastille le sépare
de sa bien-aimée mais lui donne ~'occasi~n,de s'entretenir ~v~c
un janséniste. 'L'auteur a lé loisir alors de c~mp~rer la morale
.
'naturelle du Huron à 'la morale janséniste de Gordon. Par
ailleurs, leurs discussions ouvrent la PQrte à toute une série
"
de critiques portant sur les sujet~ le,8 _p,lu~, Vàr~és:' la
prçvi--1' • 1
dence,' les sciences, les livres, la rel':igion. l'histoire, etc.
• .. J ~
. ,
.
',.En fait, l' in1;:r igue 'amoureuse dans P o~uv~~ ~e
vol
t~ire,'" j , '. -'~. •
, • ' f
,
est toujours' le cadre, d' une, dis~ùssion ou d', une. démo~,~tra tion
lR~ns
et Contes,' éd.ci~éei ,p~
243., /,
. j
,j,
1
: ·.1
(
1 , '. ..-
...
I I ! 21philosophique, elle n'est jamais racontée pour elle-même. Cette dichotomie entre la philosophie et la trame romanesque pourrait o poser des problèmes de cohérence dans les Contes;' nous allons voir comment l'auteur résout cette difficulté.
Le rôle de l'amour dans l'Unité du récit
L'intention satirique, les éléments philosophiques, les voyagesi les aventures, les rebondissements, pourraient nuire
à l'unité du conte. Or, malgré les digressions que se permet
....
l'auteur, malgré
le~
va-et-vient des héros, le conte sembletou-•
jours cohérent. Nous ne perdons jamais le f~l de l'intrigue parce ~ue Voltaire utilise dans chaque histoire d'amour des leitmotive dont il ne craint pas d'abuser.
o
..
Le leitmotiv habituel est l'image dè
IF
femme aimée qui scande le récit telle une obsession. Que ce soit Zadig, l'Ingénu,,
Candide, Amazan ou Rustan (dans Le Blanc et le Noir), ilsson-q
ge~t sans cesse à la maîtresse qU'ils vont retrouver. Dans
2adig, la pensée de la bien-aimêe revient souvent mais à inter-valles assez irréguliers:
Et dans le fond
qe
son coeur il' était occupé du' sort de la reine de Babylone [~ 27]; Zadig marcha du côté de la Syrie, to~jours pensant à1
1
~-f , \ " 1 " 1 " , ! 1 i, l
-
,-~~ ... 1t4!\iAIMt ... ~ _ _ :.. WIU 1 . la' JI.
22
malheureuse Asta,rté et toujours réfléchissant sur le sort qui s'obstinait [p. 36]; O,Astarté,
qu'êtes-vous devenue? [p. 38]; l'esprit tout
occupé de la malheureuse Astarté [p. 39].
Si, dans Zadig, presque tous les chapitres nous rappel-lent le sort de la reine, dans Candide, chaque chapitre s'achève sur une pensée pour sa bien-aimée, êomme par exemple:
Qu'est devenue mIle Cunégonde, la perle des filles, le chef-d'oeuvre de la nature [Po 144];
o
mIle Cunégonde, la perle des filles [p. 150];Et assurément je l'épouserai [p. 170].
• Cette dernière affirmation est reprise par l'Ingénu (P. 238)
qui, lui, n'a que la St Yves en tête.
Candide se 'souvient même de certaines'scènes de la vie passée ensemble avant leur brutaie séparation, i l se rappelle
surtout de la plus draïnatiqu~ pour lui:' "cet amour • • • il
.
~.... \ne m'a jamais valu qu'un"baiser et vingt coups de pied ,au cul"
, '
(p. l44).
.. a ~ ,
En reliant-le passé ,au 'présent, le héros rend le
.
,"
conte plus cohérent. cu~o~~e r,este ':J.' idé,e fixe de Candide
car, 'comme le note Marc Bert;:and dans son article sur cette
.;' .. ~-;' ...
oeuvre:
~,' !>,~
-.. , /
Cette constance dans la'passion sert évidemment dè contrepoint aux expériences multiples de Candide. Dans les remous violents de
l'expé-rience vécue il s'attache à l'idée de'
1 •
i ~. i •
,-_______ -A--....
I . . . ~' . . ---~ 1 • ,,~ 'J 23Cunégonde comme à une dernière certitude.l
La ,répétition continuelle de cer~aines phrases ou de certaines
scènes comme les viols de Cunégonde (dans Candide) et le viol
..
d'Adaté (dans Les Lettres d~Amabed) soudent les différents
épi-sodes des Contes.
~ourtant, malgré tout, la réussite la plus frappante de
Voltaire est d'arriver à faire cofncider intrigue romanesque et ,
but philosophique. C'est dans Candide que le synchronisme est
parfait comme le fait d'ailleurs remarquer Jean Sarei~dans son
essai: liOn a le' sentiment dl être dans une impasse dès que lion
veut discuter la pensée de Voltaire en soi, comme une entité et non dans le cqntexte romanesque et ironique qui lui donne son
originalité et son prix". 2 En effet, c'est à l'occasion de la
poursuite de Cunégonde par Candide que se développe l'impitoyable
satir·e de l'optimisme, quoique à première vue, les deux sujets
semblent n'avoir aucun rapport. Ainsi
le coup de pied qui, à la fin du premier
chapitre, précipi~e le héros loin de sa
chère Cunégonde, déclenche les rouages de
lBertrand, JlL' amour et la sexualité dans Candide'*, éd. citée, p. 622.
2Sareil, Essai sur Candide, éd. citée, p. Il.
" 1 ~l ~, :;-i-: :1':'" " « . .l.~ . .'.
.,
.
,
r. i , , 11
1
~ i(,
".-(.)
... .-&Bd tu .11.11 j..,
24 ,1la satire antileibnitzienne, et à la dernière
~page, le jardin de Constantinople constitue
à la fois le dénouement de l'histoire et le
terme de Il' enquête philosophique. 1
Ce synchronisme est plus ou moins bien réussi dans ses
autr~s cont~s, il est complètement raté dans l'Histoire de Jenni •
ou l'athée et le sage parce que l'affabulation y est trop mince
et n'arrive ni à nous intéresser ni à supporter tout le
bavar-dage métaphysique des personnages. Le dialogue de Freind et de
2
Birton sqr l'.athéisme traîne en longueur et nous fait .comp1ète-ment décrocher de l'intrigue senti.comp1ète-mentale de Jenni.
,~~bservons
,la même tendance dans Les Oreilles,duC6mterde~::l::erfield.
Aussi Goudman; le personnage principal.apparaît-il davantage comme un fataliste que comme un amoureux.
L'oeuvre est entièrement consacrée à la propagande des idées
philosophiques et métaphysiques d~ Voltaire qui développe des
sujets aussi sérieux que la Providence.
~
En fait, les contes composés pendant les dIx dernières
années de sa vie ont une trame romanesque très mince et manquen~
lSareil, Essai sur Candide, éd. citée, p. 70.
1 ' I . 1 .
-'
, "'.
()
,-
.... iJt4U. ... t 4" 25 .de cohérence. Le critiqtte Henri Bénac rapporte ce fait et
écrit dans sa présentation des contes: liA 11 extrême limite,
le cadre romanesque devait finir par disparaître: Voltaire l'oublie au milieu des aventures de Jenni, et l'Homme aux Qua-rante écus ou les. Oreilles du Comte de Chesterfield tendent vers le dialogue philosophique ou l'article de dictionnaire,
., , 1
dictionnair,e philosophique, bien' entendu Il Ç!es oeuvres n'ont
~
pas dl intrigue amourèuse solide et l'Homme àux Quarante écus nia même pas une intrigue amoureuse. En somme, ce qui ressort de
1
cette analyse et ~ui est digne d'intérêt pour notre étude,
c'est que l'absence d'unit~ va de pair avec 11 absence du thème
de l'amour dans l'oeuvre.
Cepen~ant, en général. ,les Contes sont quand même
assez cohérents. M~ Van Tieghem distingue, parmi eux, trois
, \
éléments structuraux: "une i~rigue sentimentale,
un
problèmeesséntiel (le problème philosophique) • • • auquel vont se
rap-porter tous les événements, et des épisodes ou
r~cits.1I2
~'
l~e~i
B,énac, Voltaire: Romans et Contes (Paris: Editions Garnier Frère, 1960), Présentation, p. x.2William F. Bottiglia, Voltaire's Candide: Analvsis of a Classic, in Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, vol. VIlA, édité par Theodore Besterman, Institut et Musée
Vq}taire (Genève: Les Délices, 1964).
, " , \ , ; , 1 1
1
-~"t~~""ZIF ... ,,,..; .... _,., ... , ... _ -_ _ _ _ _ • _ _Ces "épisodes ou récits /1 auxquels, il fait sont assez
nombreux dans l'oeuvrei ils'forment de pet~tes digressions.
cependant, ces digressio~s ne nuisent pas à 1 unité du récit
même si cela ~pa'rait contradictoire. En ,effet, elles
s'intè-" -4
grent bien au cQnte par leur thème général qui se rapporte
.
toujours à ~~amour ou 'à la se~ualité. Par exemple, des petits
\
épisodes, au début de Zadig, ont trait au mariage et à la
fidé-li té (les passages sur Sémire et Azora). ,L 1 histoire du pêcheur
dont la femme est partie,avec un autre homme est une reprise de
•
l'aventure de Zadig et sa première femme •
• De même, l'histoire assez longue de la vieille, dans Candide, contient plusieurs ressemblances avec celle de cunégonde
et de Candide, Cl est un ré ci t de viols, de s,exuali té. Elle
su-, ,
bit les mêmes malheurs sexuels que Cunégonde. 'L'histoire de
.
\ "
P~ngloss avec sqp explication scientifique sur la généalogie
de la vérole, celle de Paquette, prostituée, et celle du b~ron
hO'lllqsexuel, trouvé nu avec un "jeune icoglan'" n' ont qu' un seul
lien: la sexualité. Grâce à ce thème commun, tous ces petits
,
récits,dans le récit s'encastrent très bien dans l'oeuvre. 'Ltamour et les personnages secoftdaires
Si nous nous intéressons de'plus près à la technique
\ , ,
.
:,de comPosition en ce qui cQncerne les personnages, nous déduisons
i l , ;
(
Ci
1 su ... J b 27aisément comme My Bertrand, que
'.
la sexualité procure aussi le seul lien roma-nesque qui unisse entre eux les personnages ' touchant directement à Candide. Ainsi à
partir de la leçon de physique expérimentale~
se forme toute une filière Pangloss-Paquette,
Candide-Cunégonde, puis Pangloss-C~ndide
jusqu'à Lisbonne, et de là un' nouvel essaimage
\ 0 suivant des ,données touchant soit à l'amour
soit à la sexualité. l
Nous constatons que, non seulement dans' Candide, mais da~s tous
les Contes, la plupart des personnages ne. se rattachent au
ré-cit que par leurs moeurs amoureuses. Pangloss, en.plus d'être,
le phi.losophe de l'Optimisme, est le plus grand coureur d~
jupons. Le.baron, à part son préjugé nObiliaire, est connu par
son homosexualité. D'autres personnages aux rôles moins
impor-tants ne sont connus et n'existent "qu'en fonction des avatars
2
de leur vie sexuelle". CI est le cas, entre autres, de A
Paquette, du frère Giroflée, de la vie~lle. Nous a~prenons
éga-, ~ \1
.lement que do~ Issac;har "aimait passionnément les femmes Il
(p. 152), que Don Fernando d'Ibaraa, y Figueora, y Mascarene~,
y Lampo1)rdos, y Souza: "aimait les femmes à la fureur" (p. 164) '.' '
lBertr~nd,
"L'amour et lasexuali~
dans Candide'l,éd. citée, p. 624.
2Ibid., p. 620.
(.
,-',
.
.
~, " .-'.
.
r " 1()
! \ - ----~,,-
, 1 • IlIId 28S'il Y a moins de personnages secondaires dans les autres
, ,
Contes, leurs caractéristiques en ce_qui a trait à l'amour
ne diffêrent aucunemen~. Ainsi st pouange dans L'Ingénu,
Orcan dan,a Zadig aiment beaucoup' les femmes." Le proconsul
Acindynus "avec qui toutes les fenunes avaient eu affaire, uni-
.
' • 0
quement pour ne pas se brouiller avec lui Il (p., 61l) dans
Cosi-sancta, reSà~l!IDle au médecin du même conte qui "était le
confident des unes, l ~ 'amant 'des autres If (p. 162). Déra nous
apparaît toujours comiquement associée à un acté sexuel dans
Les Lettres d' Amabed. Enfin" la 'Clive;Hart.. et Birton ne sont
connus que par leur débauche et leur ath~isme dans l'Histoire
de'Jenni.
Donc Voltaire décrit ses personnages secondaires à gros
traits, il ne nuance pas. Ce qui importe, c'est leur attitude
face ~ 'l'amour physiq~e puisque la destinée romanesque des
héros voltairiens est régie presque exclusivement ~ar 'la
sexu~-1
lité.
1
~'amour et la détente du lecteur
~
Les allusions continuelles à la sexualité ainsi que le
\ , \..
contrepoint re philosophie ét.roman sentimental
instaurent un équilib agréable pour lé.lecteur. :Apr~à avoir
(
1
• 1C
'
t , J , ,-b • "1 " ,29 / ' ./ ~\ réfléch~ à des questions sérieuses, il peut se d~~endre. Et
/
les messages de l'auteur passent beaucoup plus facilement. Ce n'est pas un procédé nouveau, inventé par Voltaire, car
Montesqùieu dont il s'est inspiré, a utilisé cette méthode dans ses Lettres Persanes.
on y
retrouve le'même dosage entre considérations philoso~iqués et développements frivoles.Ainsi, même dans les Contes les plus courte où le thàme de l'amour est presque absent, on trouve toujours une allusion ou une boutade sur la passion, sur l'infidélité des fe~es ou
" r
sur la prQcréation. L'Homme auX Quarante écus, apràs des dis-cussiops fort sérieuses, en arrive à poser des questions sur
l~s diverses théories 'de la reproduction et s'exclame: "Les oeufs df!'ma
femm~
me sont f01=t chers".l Des passages semblables ne sont -là que po~r divertir le lecteur en provoqu~nt le rire~? le sourire: "le romanesque ïntervient pour nous reposer, de l'idéologie".2
Dans Micromégas, après avoir aligné des nombres, ,
Voltaire 'intercale quelques réflexions sur la femme et l'amour.
l ' ,
,_Ro~ns, et Contes, éd. citée~ p. 313.
'2éastex~ Voltaire:,~~romé9as,
candige, L'Ingénu,p.
~~O.. _~_"
\
, i .1 1 1l
, "(
,
Cf
• 30Le dialogue entre le Saturnien et sa ma~tresse repose le
1ec-teur des discussions scientifiques et philosophiques entre
Micromégas et le Saturnien. Ce dernier est très attaché à sa
maîtresse qul1~ doit qu~tter pour un voyage. Or, malgré sa
J'"
.
.
philosophie il réagit cotl1l'Re n'importe quel amant: ilLe
philo-sophe l'embrassa, pleura avec elie, tout philophilo-sophe qu'il étai t ". 1 L'auteur en profite par ailleur's, pour se moquer des
philosophes (et de lui-même par ricochet) en montrant qu'u~
philosophe ne diffère pas d'es autres honttnes quand il s'agit de
~
ce sentiment~
')
•
lRomans et Contes, éd. citée. p. 101. l
l
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1
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1
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l"~! " 4 CHAPITRE II ~ LA PEINTURE DE L'AMOUR\\
.
--~ ~
.-, "-~~----
-Notre étude nous a fait-découvrir que l'amour, a plu~
sieurs fqpctions dans le~ Contes: il étoffe et stimule l'action,
, \.'
)
il contribue à 'l'uni té ctu récit, il amène la sa tire et permet
à .
,l" auteur d'exposer ses idées philosophiques, enfin il varie le'
ton pour amuser et détendre le lecteur. Ses apports sont multi,-ples et diversifiés, et les possibilités qu'il fournit à l'auteur nombreuses, car Voltaire sait en exploiter, toutes )es facettes.
C'est pourquoi, pout être efficace et ne pas nous ennuyer, il ,
nous offre dans son Oeuvre tout un eventail de types d'amgur.'
Nous retrouvons ce sentiment de sa-forme la plù~ éthérée à la
p_lus dégradante.
.
'
L'amour physiciue
.
"Ce qui nous frappe, ~ lisant les Contes, c1est
l'impor-tance qu'il, -accorde à l'amQur ch;;trnel. Il prend' plaisir à nous
31
.
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,,'
"
- , ;
1
3 i1
. ~.' 1 ; ~ J~-(
,.
~ ~~ v _ _ • _ _ ~ioW""~lII'fP"'~PifiÂ~·""·7.~':~'''> ~ , , ( / 32rappeler 'que nous sommes faits de ch~ir avant toût. Par cet _
, "
aspect. ,il reflète la tendance ,de ,son époque puisque, comme nous l'indigue Henri Coulet dans son excellente synthèse,du
Roman jusqu'à la Révoluti9n,: "Tout le XvIIIe siècle
a
reco~nu.
e,t proèlamé le rôle des sensJ , la détermination du moral par: le
physique, e.t ch~rché un ~angag~ décen-t po~r 'ef<pliquer ce. rÔle
dans le sentiment, le
plu~ ~ouvent idé~lisé:
-l'; amourtl. 1 Donc,-1 "
Voltairè choisit des personnages, des 'scènes et un vocabulaire
-,
"qui mettent l'amo,ur charnel' au premier plan.
f
-Tous les personnages principaux sont décrits physique~
ment, mais d'une façon b~en particuliè're, cQmme lé ptbuve
"
l'exemple suivant: "Ce fut d'après sèS portraïts et ses statues
que dans la sui te. des siècles Pra~i tèle sculpt~ ":son Aphrodite,
."
2,
et celle qu'on nomma la Vénus aux belles fesses".
Cette'des-crip~ion de la princesse de Babylone n'a tien d'intellectuel}
li' .
l ,
Pans le même style, Dona Las Nalgas décr,it Jenni qu'elle
•
voit dans le plus simple appareil: .tsur la plus belle chute de , - ,
1
Henri Coulet, Le Roman-jusqu'à la kév,ol:ution (raris;:
Librairie Armanq Coll.n, ,1967), p. 386. " "
~
2Romans
et
Contes, éd. citée, p. ( 344~ "J '
, 1
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.. ~ . /, 0' ~-.:.
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1 ~ 1 .r} , : i 1 IL ,.
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co.
~~ -, -\ 33reins que j'aie vue de ma' vie: ses brqs, ses cuisses, ses
approche, à mon
d'un charnu, dtun fini, d'une élégance qui
l'Apollon du Be1védàre
~
"Rome". 1L'aut~~r-insiste sur tout ce qui peut ex~itet l'appétit
sexuel. ,Ainsi" A,lmona montre "le sein le plus charmant que, J:a
na~ure
eUt jam'ais formé:' ( "un bouton Ider~se
suru~e
ponnne2 ' ' 0 '
d' ivoire Il , elle offre' ses faveurs aux vieux pr~tres en' échange
d'une signature 'Pour ~ibérer Zadig.' , Elle réussit, car, personne
, ne peut t:'ester insensible .à tqn1;: d' attraits.'
• , 4, ,,~, 4
,
.
,
La description vante.égàlement la beauté appé~issante
?
de Cuné90nde, qui aigu~se le 'désir sexuel chez ~es personnages
o' , ~ " - ' , '
... masc.l,l,lins des Contes et .lui cau~ê beaucoUp de malheurs: "Sa
;
.
'fille cunégonde, âgée dè dix-sept ~ns, était haute en couleur,
, " • 0 3
fr~îche:: ~ras.se, ~ppéti~sa~te".
La "'Sensualité- des héros fait que tous s'in€éressent
..
à.
,~ême.placêe aevant une sc~e horr~fia~tè, l·au~Qdafé ~e
~.
lRom~ns..
~b.coites, 2 . Ibid", p. 34. 3Ibid", p. '138. . ; .;' " o ~ , , " '" ~ éd. .,. ... çr' citée, , p. 495. ' ".
.
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,
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.,. c-~ " __ .. __ .. _ ... _ . i . - - . /.
.
34ama~t, ~négonde
fait des comparaisonsen~~~~dide et,l~
,
capitaine des Bulgares dont elle a été la. maîtresse.: "',je vous
diDai, avec vér~té, que votre peau est encore plus bl~nche et
d'un incarnat plus parfai~ que celle de mOh'ëapitaine ~es
Bul-gares" 1 Quant à Mlle' de Kerkabon, elle
e~t
fasoinée par lapeau du Huron, par son "teint de' lis et de rose", , to~t, autant,
que Cunégonde l' éta.i t par celle du capi t~ine et de cand~de:,
LI" auteur suit tout à fait la' tradition gaulo~se qui ré~uisait
l'amour à l'exercice des sens. Tous les personnages sont
extrê-meUlent sensuels, surtout' le~ femmes: c,unégonde, Boc,a Vermeja,
Primerose, Almona, Formosante, Amaside. ,etc. La beauté masculine
, ,'--'"
fait une grande impress~on sur elles, co~e'elle impressionnait
. ,
les contemporaines de Voltaire. En effet: 'au dix-huitième siàcle,
,"ils.> [les hOrlJmGs1 séduisent par un mélangé ete' f,rivolité 'et
d'hé-l ,
rolsme, par,leur\peau blanche comme,la peau d'une'femme, par ,
leur uniforme de soldat que le feu va baptisèr ... 2
En"'plus de leur sensualité, les héros et les hérolnes
,: sont intér'es.sé~ p~r t~u~ ce qui touche "à l'amour. Mlle de St
"
Yves "éurieuse ,de savoir comment on faisait l'amour au pays des
lRomans et Contes, éd.' citée, p. 153.
2Bdmond et Jules de' Goncourt, La fennne au l8e siècle
(~aris: Charpentier.. 1893), p. 162.
) ,