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Les plateformes de SVOD confrontées au maintien de la diversité culturelle : une prise de position des États à l’ère numérique

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Academic year: 2021

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© Lise Emery, 2020

Les plateformes de SVOD confrontées au maintien de la

diversité culturelle: une prise de position des Etats à

l’ère numérique

Mémoire

Maîtrise en droit - avec mémoire

Lise Emery

Université Laval

Québec, Canada

Maître en droit (LL. M.)

et

Université Paris-Saclay

Cachan,France

Master (M.)

(2)

ii

Résumé

Cette étude a pour objet la diversité culturelle et son maintien dans le cadre de l’ère numérique et des plateformes de SVOD. Objectif des Etats dans le cadre de leur souveraineté culturelle, la diversité des expressions culturelles est mise à mal dans un contexte de bouleversement du marché de la production audiovisuelle par les acteurs internationaux issus du numérique. Cet objectif d’intérêt général, tant au niveau national qu’international, doit être préservé par les Etats, pour ne pas voir la création audiovisuelle perdre en qualité. Il convient dès lors de repenser les systèmes audiovisuels, pour intégrer les plateformes SVOD dans la mise en œuvre des obligations de diversité culturelle, notamment dans le cadre du financement de la création. Cette refonte de l’audiovisuel est en marche en France comme au Canada.

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iii

Table des matières

Résumé ... ii

Table des matières ... iii

Avertissement ... vi

Remerciements ... viii

Introduction ... 1

PARTIE 1 : La diversité culturelle dans le secteur audiovisuel ... 18

Chapitre 1 : Qu’est-ce que la diversité culturelle ? ... 18

Titre 1 : Les fondements de la diversité culturelle ... 18

A) L’existence de la culture ... 18

1) Les langues : vectrices de circulation de la culture ... 18

2) Le groupe d’expression de la culture ... 20

3) L’intégration de la culture ... 21

B) Imposer et préserver la diversité culturelle ... 23

Titre 2 : Les prémices de la diversité culturelle en droit : politique nationale et exception culturelle à l’international ... 25

A) Au niveau national ... 25

1) La politique multiculturelle du Canada ... 25

2) L’exception culturelle à la française ... 30

B) Au niveau International ... 31

1) L’exception culturelle dans les relations commerciales internationales ... 31

2) Mot d’ordre dans le cadre régional : diversité de pays, diversité de cultures ... 33

3) L’UNESCO avant 2005 : organe culturel des Nations Unies 35 Chapitre 2 : La culture et le numérique ... 37

Titre 1 : Le rêve de l’ère numérique : accès illimité aux œuvres audiovisuelles ... 37

A) Un nouvel espace d’expression et d’expansion de la culture . 37 B) La Convention de l’Unesco en 2005 : protéger la diversité culturelle à l’ère du numérique... 38

1) L’apport de la Convention ... 39

2) L’accueil de la Convention en France et au Canada ... 41 Titre 2 : L’ère numérique et l’audiovisuel : un retour à la réalité ? . 42

(4)

iv

A) Les effets positifs de l’ère numérique pour l’audiovisuel ... 42

B) Les effets négatifs de la numérisation de l’audiovisuel ... 44

1) Les limites de l’exclusivité des programmes ... 44

2) La perte de pouvoir des Etats ... 45

3) Mise à mal des créateurs audiovisuels locaux ... 46

4) Uniformisation de la consommation audiovisuelle ... 46

PARTIE 2 : Les plateformes SVOD et la politique culturelle : réalisation juridique de la diversité culturelle ... 49

Chapitre 1 : Le bouleversement du droit positif par les plateformes SVOD ... 50

Titre 1 : Inintégration des plateformes dans le droit positif : les acteurs du numériques exemptés d’obligations ... 50

A) Une exemption des obligations de mise en valeur de la diversité culturelle ... 51

1) L’exemption dans le modèle canadien ... 51

2) L’exemption dans le modèle français ... 54

B) Une exemption des obligations de financement de la création audiovisuelle ... 55

Titre 2 : Les plateformes SVOD : grand laissé-pour-compte du droit positif et des politiques culturelles ... 57

A) Les acteurs nationaux bénéficiant du soutien public ... 57

1) Le soutien aux acteurs traditionnels de l’audiovisuel ... 57

2) Le soutien des initiatives nationales ... 60

B) La réticence des Etats à l’intégration des plateformes SVOD dans le modèle actuel ... 61

1) En France et en Europe ... 61

2) Au Canada ... 63

Chapitre 2 : Un ajustement nécessaire du droit positif ... 65

Titre 1 : La Prospection du modèle idéal : entre diversité culturelle et financement de la création audiovisuelle ... 65

A) Sur la diversité culturelle ... 66

B) Sur le financement de la création audiovisuelle ... 68

Titre 2 : La réalisation en marche d’un nouveau modèle pour la création audiovisuelle ... 71

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v

B) En France : la réforme de l’audiovisuel public ... 76 C) En Europe ... 79 1) La révision de la Directive SMA en 2018 ... 79 2) Le renouvellement du programme Europe Créative : période 2021-2027 ... 81 3) L’application de la théorie des ventes passives : mettre fin aux limites à la libre circulation des œuvres audiovisuelles .... 81 Conclusion ... 83 Bibliographie ... 85 Annexes ... 95 ANNEXE A: La Politique gouvernementale sur le multiculturalisme de 1971. ... 95 ANNEXE B : La consommation des œuvres audiovisuelles en France en 2018. ... 96 ANNEXE C : La concentration de la consommation de Vidéo à la

Demande en France en 2018. ... 97 ANNEXE D : La monopolisation du Box-office américain par des œuvres américaines en 2018. ... 98 ANNEXE E : Recommandations pour la réforme de l’audiovisuel en France. ... 99 ANNEXE F : Analyse des changements dans le secteur audiovisuel du Canada. ... 100

(6)

vi

Avertissement

En raison de la pandémie mondiale actuelle, liée au virus de la Covid-19, ce mémoire a été rédigé dans des conditions exceptionnelles. La recherche fut en partie compromise dû à l’impossibilité d’accéder à des ressources physiques, telles que des monographies spécialisées ou encore des ouvrages de droit canadien. Pour réagir face à cette crise qui touche l’ensemble de mes camarades, et d’autres chercheurs à l’heure actuelle, les sources utilisées seront davantage diversifiées, avec le recours notamment à des sources radiophoniques ou audiovisuelles. Alors même que le numérique est critiqué sous bien des aspects, c’est une chance immense que d’avoir accès à une base de données importante, aussi bien par l’Université Laval que par l’Université Paris-Sud.

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vii

« Les humains doivent se reconnaître dans leur humanité commune, et en même temps reconnaître leur diversité tant individuelle que culturelle »1

1 Edgar MORIN, Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, Le Seuil, Paris,

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viii

Remerciements

Ce travail de recherche est l’accomplissement d’une année qui fut riche en émotion, qu’elles soient positives ou négatives.

L’expérience de cette année n’aurait pas été possible, sans le soutien du professeur Alexandra Bensamoun, qui m’a non seulement ouvert les portes de ce Master PIFTN pendant un an, mais aussi accompagné tout au long de l’année.

Je remercie également mes co-directeurs de mémoire, Monsieur Reza Moradinejad et Madame Sarah Dormont, qui m’ont accompagné dans cette recherche, m’ont apporté leurs conseils et leur temps.

Ensuite je tiens à remercier mes proches qui m’ont soutenu et encouragé tout au long de l’année. Mes parents et ma sœur, qui ont toujours été présents, et m’ont poussé à donner le meilleur de moi-même, cette année et tout au long de ma vie. Alain, à qui j’aurais aimé faire lire ce travail. Mes amis les plus proches, Alice, Robin, et tant d’autres qui, même à distance, m’ont apporté leur affection et leur soutien, ce qui m’a permis de rester positive jusqu’au bout. Je remercie également Kevin qui, en traversant l’Atlantique, m’a montré toute sa bienveillance.

Enfin, je tiens à remercier mes camarades PIFTN, avec qui j’ai pu partager un appartement, une aventure au Québec, et surtout beaucoup de bons moments que je ne pourrais jamais oublier.

(9)

1

Introduction

En 2019, la sortie du film The Irish Man sur la plateforme de streaming audiovisuel Netflix, a suscité l’étonnement, à la fois chez les professionnels du secteur mais aussi chez le public. Ce film, pourtant réalisé par Martin Scorcese, reconnu par l’ensemble de la profession et du public pour ses drames qui percutent de plein fouet les spectateurs, n’a pas été distribué classiquement par une des majors de l’industrie audiovisuelle américaine. Ni Universal ni Paramount n’a investi pour la production et la distribution de ce film promettant un retour sur investissement du fait de la renommée du réalisateur et des acteurs. Etonnant ? Pas tant que ça. En effet le modèle dominant le marché de l’audiovisuel ces dernières années, est celui des films à suite. En 2019 sont sortis notamment le sixième Terminator ou encore le 12ème film de

l’univers Star Wars. Un succès assuré qui ne laisse plus de place à la prise de risque pour un film dit « d’auteur ». Le film a donc été vendu au géant distributeur Netflix, et n’a pas été sorti en salle, il aurait été le cas dix ans plus tôt. Ce mode de production contribue à accentuer le manque de diversité culturelle à la fois en amont de la création, l’absence de nouveauté se fait ressentir, mais aussi en aval, lors de la diffusion massive de ces blockbusters dans les salles du monde entier.

Le législateur est loin d’être aveugle face à ces questions touchant la culture et le financement de celle-ci. Des mesures sont prises peu à peu, à la fois au niveau national mais aussi au niveau régional, comme c’est le cas dans l’Union Européenne avec la révision de la Directive sur les services de médias audiovisuels (SMA) le 14 novembre 20182. En

France, la réforme de l’audiovisuel est toujours en débat, un an après la

2 Directive (UE) 2018/1808 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la

coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels, compte tenu de l'évolution des réalités du marché, 14 novembre 2018.

(10)

2

signature de l’Accord sur la chronologie des médias3 qui est applicable

pour une durée de trois ans4. Cet accord est le fruit de discussions

entre les auteurs et les financeurs du secteur audiovisuel. Il contribue notamment à réduire le laps de temps entre la diffusion des œuvres audiovisuelles en salle, et la diffusion de celles-ci sous forme de DVD, ou encore à la télévision via des chaines payantes (de onze à huit mois), et finalement pour les plateformes de SVOD5, dont le délai passe à 15

mois lorsque ces dernières se sont engagées à financer le cinéma. Tous les acteurs du secteur sont encore consultés à l’heure actuelle, mais nombreuses sont les difficultés à trouver un consensus satisfaisant les créateurs, les producteurs et distributeurs traditionnels, et les producteurs et distributeurs du numérique. En effet, les plateformes de SVOD sont soumises à des conditions toujours plus strictes que les chaînes traditionnelles, mais leur engagement pour le financement du cinéma reste insuffisant et incertain quant à son montant, par rapport aux acteurs traditionnels. Le débat reste entier.

Récemment encore, la Société Civile des Auteurs, Réalisateurs et Producteurs (ARP) prenait position sur la tant attendue réforme de l’audiovisuel, via des communiqués de presse. Ainsi, le 10 mars 20206,

l’ARP soulève la question de l’indépendance de la création face aux producteurs et la problématique du piratage, qui reste encore un domaine juridique inefficace en France. Si l’ARP salue la prise en compte des évolutions technologiques qui ont bouleversé le secteur, dans la loi, il n’en reste pas moins qu’elle considère que la redevance sur l’audiovisuel doit être modifiée, dans son mode de perception, pour protéger le modèle français de l’audiovisuel public. Plus récemment

3 Arrêté du 25 janvier 2019 portant extension de l’accord pour le réaménagement de la

chronologie des médias du 6 septembre 2018 ensemble son avenant du 21 décembre 2018, (2019), JORF n°0035.

4 Ibid.

5 SVOD : Streaming et Vidéo à la Demande (en anglais : subscription video on

demand).

6 Projet de loi audiovisuel : seulement un travail technique, ou un texte fondamental pour

notre souveraineté culturelle ?, ARP, 10 mars 2020, en ligne :

<https://www.larp.fr/communiques/projet-de-loi-audiovisuel-seulement-un-travail-technique-ou-un-texte-fondamental-pour-notre-souverainete-culturelle/>.

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3

dans son communiqué du 7 mai 20207, l’ARP demande au

gouvernement d’accélérer la transposition de la Directive SMA8 de 2018

et de la Directive sur le Droit d’auteur de 20199, afin de renforcer la

« diversité et l’indépendance de la création française et européenne ». Le financement des œuvres cinématographiques et des séries est mis en œuvre par des producteurs, traditionnels lorsqu’il s’agit de chaînes de télévision, mais aussi et de plus en plus, du numérique qui ont débuté leur activité en tant que simple plateforme proposant un service de SVOD, comme on l’a vu pour le film The Irish Man. En 2018, Netflix, grande plateforme audiovisuelle dans le monde, est devenu le premier producteur de films d’Hollywood10 en termes de quantité.

En France, l’article L 132-23 du Code de la Propriété Intellectuelle11 précise que « le producteur de l’œuvre audiovisuelle est la

personne physique ou morale qui prend l’initiative et la responsabilité de la réalisation de l’œuvre ». Le producteur n’a donc pas seulement un rôle purement financier en amont de la création, mais intervient dans la réalisation qui mènera au projet audiovisuel final. Le producteur prend réellement part à l’œuvre, son format, son contenu. Au Canada, le statut du producteur est spécifié dans le cadre de la Loi sur le droit d’auteur comme « La personne qui effectue les opérations nécessaires à la confection d’une œuvre cinématographique, ou à la première fixation de sons dans le cas d’un enregistrement sonore »12. Le droit qualifie ces

acteurs de l’industrie du cinéma et de l’audiovisuel de manière générale, afin de les encadrer dans leur activité d’intervention dans l’œuvre, notamment dans leur interaction avec les auteurs et les droits de ces

7 Souveraineté culturelle et cinéma : les Cinéastes de L’ARP saluent les annonces du

Président de la République, ARP, 7 mai 2020, en ligne :

<https://www.larp.fr/communiques/souverainete-culturelle-et-cinema-les-cineastes-de-larp-saluent-les-annonces-du-president-de-la-republique/>.

8 Directive 2018/1808, supra note 2.

9 Directive 2019/790 du Parlement européen et du Conseil sur le droit d’auteur et les

droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE, (2019), 2019/790.

10 Alain LE DIBERDER, La nouvelle économie de l’audiovisuel, coll. Repères. Culture,

communication, n°723, Paris, La Découverte, 2019, p. 8.

11 Code de la Propriété Intellectuelle, Version du 1er juillet 2020. 12 Loi sur le droit d’auteur, L.R.C (1985), ch. C 42.

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4

derniers, ou dans leur activité en tant que société ayant des intérêts économiques à défendre.

La finalité du droit, lorsqu’il ne régit pas les relations entre personnes privées, est de préserver l’intérêt général. C’est donc un des outils de première ligne lorsqu’il s’agit de défendre la diversité culturelle dans le secteur audiovisuel. C’est cette poursuite de l’intérêt général qui rend légitime les actions politiques menées par le législateur et les gouvernements. Dans le cadre de ce mémoire, la diversité culturelle représente un enjeu d’intérêt général. Enjeu certain, puisque ce dernier est présent dans de nombreux textes juridiques tant nationaux qu’internationaux.

Mais que doit-on entendre par diversité culturelle ? Et surtout pourquoi la préservation de cet objectif d’intérêt général, puisque c’est bel et bien la préoccupation qui se dénote dans les différentes sources juridiques, est-elle au centre des discussions actuelles dans le secteur audiovisuel ?

La diversité culturelle est un enjeu de droit macro-juridique, en ce qu’il concerne l’ensemble du droit13. De plus, ce n’est pas un enjeu

extravaguant, lubie d’un seul pays. Il s’agit bien d’une préoccupation mondiale, transcendant les systèmes juridiques, puisque l’UNESCO a considéré comme nécessaire en 2005 de rédiger une Convention visant à protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles14. La

notion de diversité culturelle repose sur des principes de pluralisme, de diversité de formes d’expression et de groupes, d’enrichissement culturel, et de transmission de cette richesse. C’est bien parce qu’on a compris que la culture était une richesse, mise à mal par des éléments extérieurs à elle tels que le commerce et les conflits armés, que

13 Boris BARRAUD, « Recherche macro-juridique et recherche micro-juridique », Revue

de la recherche juridique - Droit Prospectif 2017.

14 UNESCO, Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions

(13)

5

l’UNESCO a été créée en 194515. Mais il a fallu attendre la Convention

de l’Unesco de 200516 pour enfin poser une définition de la diversité

culturelle au niveau international, à laquelle les Etats adhérents de la Convention devraient se référer. L’article 4 de la Convention précise donc que :

« “Diversité culturelle” renvoie à la multiplicité des formes par lesquelles les cultures des groupes et des sociétés trouvent leur expression. Ces expressions se transmettent au sein des groupes et des sociétés et entre eux. La diversité culturelle se manifeste non seulement dans les formes variées à travers lesquelles le patrimoine culturel de l’humanité est exprimé, enrichi et transmis grâce à la variété des expressions culturelles, mais aussi à travers divers modes de création artistique, de production, de diffusion, de distribution et de jouissance des expressions culturelles, quels que soient les moyens et les technologies utilisés »17.

La notion de diversité culturelle est également présente dans d’autres textes nationaux, comme dans la Loi sur le multiculturalisme canadien18, ou régionaux. Par exemple, au niveau de l’Union

Européenne, plusieurs grands textes fondateurs y font référence. L’article 3 du Traité sur l’Union Européenne stipule que « l’Union respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique »19. Les

articles 126 et 12820 du même texte formulent cet objectif de l’Union

européenne. Même si la force contraignante d’une Charte est souvent remise en question, il est indéniable que la Charte des Droits fondamentaux de l’Union Européenne21, donne un statut prépondérant à

certains droits. Là encore, la diversité culturelle est incluse dans ces

15 CONFERENCE GENERALE DES NATIONS UNIES, Convention créant une Organisation des

Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, 16 novembre 1945.

16 Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions

culturelles, supra note 14.

17 Ibid.

18 Loi sur le multiculturalisme canadien, L.R.C (1988), ch. 24 (4ème suppl.). 19 UNION EUROPEENNE, Traité sur l’Union Européenne, (1992), 92/C 191/01. 20 Ibid.

21 UNION EUROPEENNE, Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne, (2000),

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6

droits dits fondamentaux, puisque l’article 22 énonce que « L'Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique »22.

Cette préoccupation pour la culture est loin d’être un sujet purement moderne. Les Etats se sont saisis de cette question à l’échelle internationale dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale, et notamment dans les accords de commerce et d’investissement avec la notion d’exception culturelle. Lors des négociations du General Agreement on Tariffs and Trade23 (GATT), l’industrie audiovisuelle a été à l’origine du

questionnement quant au statut devant être appliqué à la culture. Doit-on cDoit-onsidérer que la culture est un bien commercial comme les autres ? Si ce schéma est choisi, alors toute barrière à la libre circulation pour la culture devra être supprimée, sous peine d’être en infraction au principe de libre-échange prévu dans le GATT24. Or plusieurs Etats

s’opposent à ce bouleversement qui les empêcherait de mener une politique culturelle favorisant la culture nationale. Ressort des différentes négociations l’idée d’« exception culturelle ». Ce concept repose sur l’idée que la culture ne doit pas être assimilée à l’industrie de manière générale, et doit être exemptée des mesures prises dans le cadre de la libéralisation. Quand bien même ce terme ne fut pas explicitement inscrit dans l’accord du GATT25 en 1947, on retrouve ce

concept dans l’interprétation qui est faite de l’accord.

Dans les années 90, la négociation des accords visant à instituer l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC)26, remet au centre des

discussions la question de la culture. L’Union Européenne, créée avec la signature du Traité de Maastricht en 199227, fait le constat que la

libéralisation, fruit du GATT28 de 1947, n’a fait qu’accroître l’expansion

22 Ibid.

23 Accord général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce, 30 octobre 1947, en ligne :

<https://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/gatt47.pdf>.

24 Ibid. 25 Ibid.

26 Accord instituant l’Organisation Mondiale du Commerce, 15 avril 1994, en ligne :

<https://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/04-wto.pdf>.

27 Traité sur l’Union Européenne, supra note 19.

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et le rayonnement de la culture américaine, notamment dans le domaine de l’audiovisuel. Or l’Union considère que la diversité culturelle doit être préservée, et ce grâce à des moyens devant être laissés à la discrétion des Etats. Dans le domaine de l’audiovisuel, elle a déjà pris des mesures pour préserver le cinéma européen, par la mise en place de quotas de diffusion d’œuvres européennes et nationales. En 1993, le quota minimal à respecter est fixé à 51%, la France quant à elle a fixé ce quota à 60%, dont 40% de ces œuvres européennes diffusées à la télévision sont des œuvres françaises. De plus en France les chaînes de télévision ont l’obligation de réinvestir une part de leur chiffre d’affaires dans la production de films nationaux. Cette volonté de l’Union Européenne est perçue comme une résistance par les Etats-Unis, une mesure protectionniste contraire au mouvement de la mondialisation.

Ce souci portant sur le maintien et le renforcement de la diversité culturelle marque le secteur économique de l’audiovisuel. On entend ici l’audiovisuel comme l’ensemble de la production, de la commercialisation et de la consommation d’images animées2930. Cette

définition de l’audiovisuel permettra de vérifier que, pour chaque maillon de la chaîne de valeur d’une œuvre audiovisuelle, le droit et la politique menée sont bien propices à la préservation et la promotion de la diversité culturelle.

Comme on l’a vu plus haut, un constat est fait dans l’audiovisuel aujourd’hui : les blockbusters prévalent. Joëlle Farchy parle face à cette situation d’une concentration économique et d’une uniformisation des contenus31. Elle fait ce constat en observant que les plateformes de

vidéos en ligne ont favorisé les blockbusters au lieu d’augmenter la diversité, et que l’augmentation du nombre de films diffusés à la

29 Alain LE DIBERDER, supra note 10. P. 6.

30 Dans le cadre de ce mémoire la notion d’images animées, fait référence aux films et

aux séries. Les plateformes audiovisuelles telles que Youtube, sur laquelle est disponible aujourd’hui un grand nombre de vidéos à vocation culturelle, ne seront donc pas l’objet principal de la recherche.

31 Joëlle FARCHY, Et pourtant ils tournent: économie du cinéma à l'ère numérique,

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télévision, désormais modèle audiovisuel démodé, ne s’est pas accompagnée d’un élargissement des œuvres proposées. Cette production multipliée de blockbusters, combinée aux systèmes de recommandation des plateformes, qui tendent eux aussi à contribuer à l’uniformisation de la consommation de contenus audiovisuels, fait que les plateformes SVOD fragilisent davantage la diversité culturelle.

Le secteur audiovisuel est donc confronté à de nombreuses inquiétudes de part et d’autre de la création. Ces inquiétudes concernant l’avenir de la production cinématographique, et plus généralement de la culture, ont été ravivées avec l’apparition d’acteurs du numérique forts, à l’image du commerce mondial dans son ensemble. Dans ce sens, les auteurs de Main basse sur la culture considèrent ces nouveaux arrivants comme des « prédateurs »32. Netflix

par exemple, est souvent associé aux groupes des GAFA33, et donc

également considéré « comme un prédateur technologique venant piétiner par effraction les traditions de l’audiovisuel »34.

Que proposent ces « prédateurs » par rapport aux acteurs traditionnels de l’audiovisuel ? Ils offrent au consommateur d’accéder à un catalogue de contenus audiovisuels en échange du paiement d’un abonnement mensuel ou annuel. Le spectateur n’a plus à s’aligner avec le programme de la télévision, il a accès à n’importe quelle heure et en illimité à un large catalogue de films et de séries. Finalement, cette technologie contribue à « faciliter l’accès à une diversité de contenus culturels pour un moindre coût »35. Deux modèles existent, d’un côté les

plateformes qui proposent uniquement du streaming (Netflix), et de

32 France : quelle politique publique pour la culture, Entretien avec Michael Moreau et

Raphael Porier,

auteurs de "Main basse sur la Culture", TV5MONDE,

https://www.dailymotion.com/video/x26vg65

33 Désormais GAFAN (Google, Apple, Facebook, Amazon, Netflix) 34 Alain LE DIBERDER, supra note 10. P. 59.

35 Véronique GUEVREMONT, Clémence VARIN et Iris RICHER, Les nouveaux modes

d’intervention de l’Etat visant à protéger et à promouvoir la diversité des expressions culturelles sur les plateformes numériques, coll. Presses universitaires de Sceaux,

Sceaux, Mare & Martin, Culture et numérique; Rencontre franco-québécoise, 2019, p. 161‑ 183.

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l’autre les plateformes qui proposent à la fois du streaming et de la vidéo à la demande (Canal+). Aujourd’hui, il est incontestable que l’usage de ces plateformes s’est généralisé, à l’image de l’analyse que fait Alain Le Diberder de l’impact de l’apparition de la télévision sur la fréquentation des salles de cinéma36. Les plateformes audiovisuelles de

streaming et vidéo à la demande existent maintenant depuis presque 20 ans partout dans le monde. La consommation de ces services mondiaux s’est généralisée, et désormais ce sont les grandes chaînes de télévision qui peinent à garder leur audimat. A la fin de l’année 2018, plus d’un milliard de personnes dans le monde vivaient dans un foyer abonné à un service généraliste de SVOD comme Netflix ou Amazon Prime Vidéo37. Le succès de ces plateformes a fait chuter la vente de DVD,

support révolutionnaire du début du siècle, à travers le monde, d’environ 12% par an depuis quinze ans. La baisse de la vente de DVD coïncide avec la fermeture progressive des vidéoclubs, et notamment la faillite du géant Blockbusters sur le marché américain qui s’est longtemps battu avec Netflix lorsque cette dernière ne proposait encore qu’un service de location de DVD par abonnement.

Le secteur de l’audiovisuel évolue constamment et est directement impacté par les différentes crises économiques mondiales. La dernière crise en date est celle causée par la pandémie mondiale de la Covid-19. Cette crise sanitaire ne remet pas en cause l’existence des différentes questions soulevées plus haut, mais participe à mettre encore plus en exergue ces problématiques. Les conséquences de la pandémie actuelle sont à la fois économiques, sociales et politiques. Les tournages et les projets de créations audiovisuelles sont à l’arrêt. Pour exemple, Les Feux de l’Amour, série télévisée diffusée sur la chaîne CBS aux Etats-Unis, véritable carton télévisuel mondial, en subit les conséquences : la

36 « En vingt ans, la télévision fit perdre aux salles plus de la moitié de leur public », in.

Alain LE DIBERDER, La nouvelle économie de l’audiovisuel, coll. Repères. Culture, communication, n°723, Paris, La Découverte, 2019, p. 3.

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pandémie mondiale interrompt, pour la première fois depuis 47 ans, le tournage et la diffusion de cette série emblématique. Le « Monde de la culture [est] à l’arrêt »38, et les intermittents du spectacle et les

indépendants sont le plus touchés, car désormais privés de revenus. Au vu de ces difficultés d’emploi frappant le secteur, Netflix a créé un fonds d’aide aux intermittents, et y a contribué en versant 1 million d’euros. Ces « prédateurs » s’intègrent dans les actions pour remédier à cette crise.

De plus, l’accès à la diversité culturelle est fortement remis en question : les salles de cinéma sont fermées, et les festivals de films, annulés. Face à cette situation, les institutions publiques françaises se sont mobilisées pour donner accès gratuitement à du contenu audiovisuel. Ce fut le cas notamment de la Cinémathèque française qui a donné accès au public à sa bibliothèque audiovisuelle en ligne. Le secteur est en proie à un véritable gel des affaires. L’annulation des festivals, moyen efficace afin de faire connaître les films et surtout de les vendre aux distributeurs, constitue une véritable perte de publicité et de mise en valeur de la diversité. Par exemple la 73ème édition du

Festival de Cannes étant reportée jusqu’à nouvel ordre, le marché du film n’aura pas lieu sous forme physique. Mais les organisateurs du festival ont pris la décision d’organiser ce marché en ligne pour permettre au Cinéma de perdurer a minima. Ce marché du film en ligne a eu lieu du 22 au 26 juin. C’est potentiellement un nouveau modèle, s’adaptant à la numérisation du marché, qui voit le jour et peut devenir récurrent à l’avenir. Cette crise bouleverse le cinéma à court terme mais pas seulement, parce qu’il faut s’attendre à une pénurie d’offres qui sera ressentie au moins jusqu’en 2021.

Cependant, tous les acteurs du milieu ne sont pas touchés de la même manière. Un constat général peut-être dressé : il est indéniable que les plateformes numériques tirent le plus partie de la situation,

38 Fabienne SINTES, Culture, l’état d’urgence: quand irons-nous au cinéma?, Le

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grâce au nombre grandissant d’abonnés et donc de leur chiffre d’affaires. La plateforme Netflix par exemple a séduit 15,8 millions de nouveaux abonnés entre janvier et mars 2020, contre 9,6 millions sur la même période l’année précédente. Netflix a donc doublé son bénéfice net au premier trimestre, pour atteindre un chiffre d’affaires de 5,8 milliards de dollars, en hausse de 28% sur un an39. Il reste à voir si ces

fonds seront réinvestis en faveur de la diversité culturelle, pour la production de nouveaux films ou séries, ou bien pour la production monoculturelle.

Pour que les films récemment sortis en salle ne subissent pas un échec commercial du fait de l’interruption prématurée de leur diffusion, le Centre National de la Cinématographie (CNC) a pris la décision de déroger à l’Accord sur la chronologie des médias40, de manière

exceptionnelle, en autorisant l’achat ou la location en VOD de ces films dès leur sortie. Une véritable aubaine pour tous les services de SVOD, leur permettant de proposer une offre encore plus attrayante à leurs abonnés, mais qui risque fort de faire de l’ombre aux salles de cinéma. Parallèlement à cela, certains acteurs de l’industrie ont préféré prendre d’autres mesures. Par exemple, le distributeur français Le Pacte a vendu le film Pinocchio à la plateforme SVOD d’Amazon et a été largement critiqué. Mais pour Jean Labadie, PDG de la société de distribution Le Pacte, ce choix était le plus raisonnable compte tenu de la situation41. En effet, le film, qui devait sortir en salle le 18 mars

2020, avait fait l’objet d’une campagne promotionnelle à fort budget, et la société de distribution aurait été incapable de déployer les mêmes moyens pour la réouverture des cinémas, qui était alors encore indéterminée. Les acteurs du numérique sont susceptibles de remplacer pas à pas le schéma nostalgique des sorties en salle, par des sorties

39 Le confinement vaut à Netflix un nombre record de nouveaux abonnés, 21 avril

2020, Julie Jammot, Lapresse.ca, En ligne

[ https://www.lapresse.ca/affaires/entreprises/202004/21/01-5270316-le-confinement-vaut-a-netflix-un-nombre-record-de-nouveaux-abonnes.php]

40 Arrêté du 25 janvier 2019, supra note 3.

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exclusivement en ligne. En créant le module Netflix Party, permettant aux abonnés de différents foyers de regarder un même contenu au même moment, et d’échanger par chat (dialogue en ligne), Netflix multiplie les ressemblances avec le mode de consommation classique des films en salle : partager un instant de cinématographie, ressentir au même instant les émotions, et échanger sur cette expérience.

La pertinence sociale de la recherche

Cette recherche traite d’un sujet qui concerne une grande partie de la population mondiale, dont la consommation de produits audiovisuels a fortement augmenté ces dernières années. Or, le but de cette recherche est également de faire prendre conscience de la mise en danger de la diversité culturelle sans une intervention réelle de la part des législateurs. Cette intervention doit être mise en œuvre dès maintenant, sous peine de voir disparaître des cultures, qui par manque de moyens principalement, risquent de perdre définitivement leur représentation dans le domaine de l’audiovisuel.

Ce travail a aussi pour ambition d’être accessible à des personnes extérieures à la sphère juridique, pour mieux comprendre les rouages de la production audiovisuelle et de la situation des artistes, qui sont moteurs de la diversité culturelle lorsque leur condition la leur permet.

La pertinence scientifique de la recherche

Le domaine de l’audiovisuel fascine tout autant qu’il trouble les chercheurs du domaine scientifique. Des mémoires et des thèses ont été produits au début des années 2000, et plus récemment avec l’apogée de ces plateformes de streaming et VOD42.

42 Sol BERAHA, Exploitation échelonnée des films cinématographiques, propriété

intellectuelle et droit de la communication audiovisuelle en France et dans la CEE,

Thèse, Université Panthéon-Assas, 1995 ; Charlotte GALICHET, L’apparition du

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Cependant, ce domaine soulève constamment de nouvelles interrogations, et ce dans différents champs du droit, en droit de la propriété intellectuelle, mais aussi en droit de la concurrence, en droit international économique, et en droit international de la culture.

La chronologie des médias a fait l’objet d’un mémoire à l’Université Laval43 en 2019, et ne sera donc pas l’objet principal du

présent travail. La question de la diversité culturelle en constituera l’angle d’approche. De plus, la façon dont est traité le sujet sera nécessairement différente car empreinte de la personnalité de son auteur. Enfin, des solutions aux problématiques soulevées seront proposées, et ce à l’aube du droit en vigueur en 2020.

Questions spécifiques de recherche et hypothèses

Ce mémoire a pour objectif de répondre à une problématique, de laquelle découlent quatre questions principales spécifiques de recherche. Pour chacune de ces questions, une hypothèse peut d’ores et déjà être apportée.

- Est-ce que la diversité culturelle existe encore à l’heure des plateformes mondiales de SVOD ?

Il ne faut pas considérer que tous les acteurs du numérique bouleversent un équilibre préétabli. Les plateformes de SVOD permettent au consommateur à travers le monde d’avoir accès à un grand choix de films et de séries. Le grand ennemi de la diversité culturelle relève davantage de l’uniformisation des contenus, de même que des motivations d’ordre commercial.

Panthéon-Assas, 2003 ; Julie NIDDAM, L’exportation du cinéma français, quel avenir

juridique, Mémoire, Université Panthéon-Assas, 2003.

43 Inès Soraya BENANAYA, Cinéma, nouveaux usages et modes de financement: vers

une nécessaire évolution de la chronologie des médias, Mémoire, Université Laval et

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- Qu’en est-il de l’exception culturelle à la lumière du droit international d’aujourd’hui ?

L’exception culturelle, utopique pour certains dans les années 70, résiste encore à l’ère du numérique. La France et le Canada sont connus pour avoir défendu cet enjeu du secteur audiovisuel, à l’échelle nationale, grâce à la Loi sur l’audiovisuel public44 et la Loi

sur la radiodiffusion45, comme à l’échelle internationale. La

Convention de 200546 de l’UNESCO montre bien que l’exception

culturelle, ou plus largement la protection et la promotion de la diversité culturelle, reste un objectif du droit international, même si cet objectif a souffert du passage à l’ère numérique.

- Est-il légitime pour les Etats d’intervenir sur ce marché par le biais de règlementations organisant la production de contenus audiovisuels ?

La France et le Canada, mais aussi les institutions régionales telles que l’Union Européenne interviennent de manière délibérée dans la production audiovisuelle. C’est le cas notamment des obligations de financement de contenus nationaux ou régionaux proportionnel au chiffre d’affaires du producteur. Ainsi le droit et la politique gouvernementale interviennent dans ces relations privées pour des raisons d’intérêt général.

- Est-il nécessaire de repenser le droit positif afin de promouvoir et préserver la diversité culturelle dans le secteur audiovisuel ?

44 Loi n° 86-1067 relative à la liberté de communication (Loi Leotard), 30 septembre

1986.

45 Loi sur la Radiodiffusion, (1991), L. C. 1991, ch. 11, en ligne :

<https://laws.justice.gc.ca/fra/lois/B-9.01/>.

46 Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions

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Les plateformes SVOD, telles Netflix ou Amazon Prime Video, échappent actuellement aux différentes règlementations du marché de l’audiovisuel, telles que les obligations de financement de production européenne ou française. Alors que ces acteurs du numérique dominent désormais la production de films et de séries, ils ne sont pas vraiment intégrés dans le droit positif. Les règles visant à encadrer le secteur afin de préserver la diversité culturelle sont donc obsolètes et doivent être révisées.

Démarche méthodologique

Dans le cadre de cette recherche, trois démarches méthodologiques principales seront mises en œuvre pour encadrer et démontrer les hypothèses dégagées.

La première méthode est celle du droit comparé47. Cette

méthodologie prendra comme objet de comparaison le modèle juridique, politique et économique de la France et du Canada. Ces deux pays étant membres d'organisations économiques régionales différentes, une comparaison devra également être effectuée entre le cadre de l'Union Européenne et de l'Accord de Libre-Echange Nord-Américain48 (ALENA).

Les liens unissant la France et le Canada, qu’il s’agisse d’accords bilatéraux ou dans le cadre de l’Union Européenne (Accord Economique et Commercial49, CETA), rendent cette comparaison particulièrement

intéressante. Ce choix de méthodologie n'est pas anodin, du fait du grand nombre de différences entre ces deux pays, dues notamment aux régimes juridiques différents (régime de common law/régime de civil law), mais aussi des rapprochements qui peuvent être faits, compte tenu par exemple d'une volonté conjointe de préservation de la diversité

47 Boris BARRAUD, « Le droit comparé », dans La recherche juridique, L’Harmattan, coll.

Logiques juridiques, 2016, p. 91 s.

48 Accord de libre-échange nord-américain, Can./Mex./E.-U., (1992), R. T. Can. n°2, en

ligne : <http://international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements-accords commerciaux/agr-acc/nafta-alena/fta-ale/index.aspx?lang=fra>.

49 Accord économique et commercial, U.-E. /Can., 30 octobre 2016, en ligne :

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culturelle. Enfin ce choix a été motivé par le contexte de rédaction de la recherche, puisque l'étudiant fait partie d'un programme bi-diplômant entre une Université française et une Université canadienne. Cependant, l’approche comparative sera limitée par la disponibilité des ressources en ligne, du fait de l’impact de la Covid-19 sur la recherche.

Dans le cadre de cette recherche comparative en droit, une interprétation suivant la méthode téléologique sera effectuée. Seront ainsi analysés et comparés, l'origine des législations et les objectifs du législateur. Cette analyse sera faite en prenant en intégrant l'évolution du contexte économique, social et politique dans lequel le droit s’inscrit. Cette méthode permettra d'envisager au mieux les évolutions à apporter au droit, celles qui seront les plus à même de respecter l'objectif originel du législateur et la prise en compte des nouveaux acteurs du droit.

L'auteur de la recherche fait le choix de suivre la méthode de l’exégétique pour l’analyse des sources juridiques françaises, canadiennes et internationales. L'objectif sera de trouver le sens que les législateurs et politiciens ont voulu donner au droit dans lequel le sujet de recherche s’inscrit. Pour cela il est nécessaire de recueillir différentes sources juridiques, de les interpréter, et de tenir compte de l’interprétation de la doctrine, qui évolue selon l’époque, expliquant l’importance de l’approche historique et sociologique du sujet. Enfin, la pertinence sociale importante qui pèse sur ce travail de recherche nécessite de considérer l'évolution de la pratique, pour analyser le sens du droit au moment de sa mise en place et à l'époque contemporaine.

Problématique

Dans quelle mesure le droit et les plateformes de SVOD doivent-ils coïncider en vue de protéger et promouvoir la diversité culturelle ?

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Pour répondre à cette problématique et aux questions de recherche qui sous-tendent, ce mémoire sera divisé en deux parties, chacune composée de deux chapitres, destinés à démontrer les hypothèses formulées.

La première partie sera consacrée à la diversité culturelle et à son maintien dans l’ère numérique (Partie 1). Le premier chapitre de cette partie permettra d’analyser l’existence et la portée de la diversité culturelle dans les systèmes de droit nationaux et internationaux (Chapitre 1). Le second chapitre sera quant à lui dédié à comprendre le bouleversement du numérique dans l’audiovisuel et ses conséquences pour la diversité culturelle (Chapitre 2).

La seconde partie portera davantage sur l’intégration des plateformes SVOD dans les politiques culturelles de l’audiovisuel et les systèmes de droit (Partie 2). Dans le cadre du premier chapitre, il sera démontré que ces plateformes ne sont pas intégrées dans les schémas traditionnels de l’audiovisuel, et ne sont donc pas soumises à mettre en œuvre les objectifs de diversité culturelle (Chapitre 1). Dans le deuxième chapitre, on envisagera un nouveau modèle pour l’audiovisuel, alors que les Etats commencent à agir dans ce sens, permettant d’intégrer pleinement les plateformes SVOD dans les systèmes de droit pour répondre à la nécessité de maintenir une diversité culturelle dans l’audiovisuel (Chapitre 2).

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PARTIE 1 : La diversité culturelle dans le secteur

audiovisuel

Chapitre 1 : Qu’est-ce que la diversité culturelle ?

Pour comprendre comment la notion de diversité culturelle s’est développée dans nos systèmes de droit (Titre 2), il est indispensable de connaître les tenants et les aboutissants de la diversité culturelle (Titre 1).

Titre 1 : Les fondements de la diversité culturelle

A) L’existence de la culture

Pour l’UNESCO, on peut désormais définir la culture comme étant « l’ensemble des traits distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social »50. Ces

« traits distinctifs » se perpétuent grâce à la langue, à l’existence d’un groupe d’expression, et à l’intégration dans le système social.

1) Les langues : vectrices de circulation de la culture

Pour qu’une culture existe, qu’elle se diffuse, qu’elle rayonne, elle doit être partagée, au sein d’un groupe et en dehors de celui-ci. Ce partage ne peut passer par nature que par la communication, écrite ou orale, mais nécessairement par l’utilisation de la langue.

Edgar Morin considère qu’il y a à la fois une unité et une diversité de langues « ce qui fait que nous sommes jumeaux par le langage et

50 Thierry GARCIA et Annie HERITIER, « La diversité culturelle à l’aune de la Convention

de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles », Legicom 2006.n°36.35 à 47.

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séparés par les langues »51. Par exemple, on peut retrouver les mêmes

expressions dans plusieurs sociétés, mais elles ne sont pas formulées de la même manière, avec les mots.

La formulation de la culture par la langue permet de toucher un plus grand nombre de personnes. Dans un film, ce qui importe n’est pas seulement le jeu d’acteur ou la mise en scène mais bien le scénario. De plus, c’est bien les traductions des œuvres audiovisuelles qui « permettent à chaque pays d’accéder aux œuvres des autres pays et de se nourrir des cultures du monde tout en nourrissant par ses œuvres un bouillon de culture planétaire »52.

Une langue peut être officielle, en ce sens qu’elle est reconnue par les institutions du pays dans lequel elle est utilisée, ou non officielles, utilisée à échelle régionale par exemple, mais participant toujours à la transmission d’une culture.

Prenons l’exemple de la France : les langues bretonnes ou corses continuent à être parlées et à être empreintes de la culture de ces communautés.

La particularité du Canada est qu’il existe deux langues officielles, l’anglais et le français. Cela implique que tous les documents officiels sont disponibles dans ces deux langues. Ainsi dans la Charte canadienne des droits et libertés, que l’on retrouve dans les Lois constitutionnelles de 1867 à 1982, l’article 16.1 à son paragraphe 1 prévoit que :

« La communauté linguistique française et la communauté linguistique anglaise du Nouveau-Brunswick ont un statut et des droits et privilèges égaux, notamment le droit à des institutions

51 Edgar MORIN, Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, UNESCO, Paris,

1999, p. 28.

52 Edgar MORIN, Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, UNESCO, Paris,

(28)

20

d’enseignement distinctes et aux institutions culturelles distinctes nécessaires à leur protection et à leur promotion. »53

Le lien entre langue et culture est donc clair. Plus qu’un lien, l’existence d’une langue dépend des institutions culturelles, et vice versa.

2) Le groupe d’expression de la culture

« La culture est le lieu de l’émergence sociétale »54, en ce qu’elle

permet à des individus qui se différencient par leur singularité propre à chaque être vivant de construire « une appartenance commune et de borner son espace »55. Il est très rare qu’un seul et même groupe,

qu’une seule et même culture, soit présent dans un pays. C’est encore plus souvent le cas lorsqu’une communauté d’Etats est créée pour partager des règlementations et des valeurs. L’Union Européenne a été créée juste après deux guerres mondiales qui ont divisé le continent. L’objectif était de mettre en place des règlementations économiques communes, mais aussi de créer un groupe malgré, ou grâce à, des cultures différentes. En effet une culture est bien rattachée à un pays, un groupe d’individus, une communauté. Ainsi, en 1957 a bien été créée une communauté européenne56. Même si la culture n’était pas

l’objet du traité, il s’agissait des prémices de la construction d’une réelle communauté qui se poursuit encore aujourd’hui.

Au Canada, les communautés anglophone et francophone sont bien représentées dans les normes juridiques, et dans la société canadienne de manière plus générale. Pourtant, il existe une forte communauté autochtone, emplie de culture, qui pendant longtemps a

53 Lois constitutionnelles de 1867 à 1982, en ligne :

<https://laws-lois.justice.gc.ca/PDF/CONST_f.pdf>.

54 La diversité culturelle à l’aune de la Convention de l’UNESCO sur la protection et la

promotion de la diversité des expressions culturelles, supra note 50.

55 Ibid.

56 Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne, 25 mars 1957, en ligne :

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été mise de côté. Ces dernières années ont été marquées par un mouvement de reconnaissance de cette communauté et de sa culture. Reconnaissance de faits historiques qui ont mis à mal l’existence des communautés autochtones, mais reconnaissance institutionnelle également. L’adoption de la Loi sur les langues autochtones57, en 2019,

marque une nouvelle étape dans la reconnaissance de cette communauté et de son rôle déterminant pour le Canada : « les peuples autochtones ont joué un rôle important dans le développement du Canada et que les langues autochtones contribuent à la diversité et à la richesse des patrimoines linguistiques et culturels du Canada »58.

La reconnaissance ne vaut que si ces groupes, ces cultures, sont pleinement intégrés.

3) L’intégration de la culture

La reconnaissance officielle d’une culture a des conséquences diverses. L’une d’elles peut être l’accès à une aide à la protection par les institutions. Cette aide peut être sous forme de financement par exemple. Les financements accordés à la culture et à l’audiovisuel en France et au Canada à l’audiovisuel sont conséquents. Ils ont été déployés dans l’optique d’imposer et de préserver la diversité culturelle à l’échelle nationale, mais surtout à l’échelle internationale sur le marché international du cinéma, comme nous le verrons plus loin dans ce chapitre.

Un autre moyen permettant d’intégrer une culture dans un pays est par l’emploi. C’est une des voies que le Canada a considéré comme nécessaire dans sa politique d’intégration de la culture autochtone au secteur audiovisuel canadien. Dans le Plan Triennal (2017-2020) de l’Office National du Film du Canada (ONF) Redéfinir les relations de

57 Loi sur les langues autochtones, (2019), L.C. 2019, ch.23, en ligne :

<https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/I-7.85/TexteComplet.html>.

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l’ONF avec les peuples autochtones, cette institution, qui a pour mission de « susciter et promouvoir la production et la distribution de films dans l’intérêt national »59, selon l’article 9 de la Loi sur le cinéma, s’engage à

intégrer la culture autochtone à la « culture institutionnelle60 ». Une des

premières mesures qui semble indispensable pour agir dans ce sens, est d’instaurer l’équité représentationnelle. L’objectif est de travailler en amont pour assurer l’accessibilité des œuvres audiovisuelles aux auditoires autochtones et non autochtones61. Pour cela il est nécessaire

d’avoir une représentation plus équivoque de cette communauté parmi les employés de l’Office National. Finalement, l’ONF considère que pour espérer davantage de diversité culturelle, qui marque le Canada par son histoire et sa politique, il faut une intégration des cultures à tous les plans, et cela passe par l’emploi.

Après une première année de mise en œuvre du Plan Triennal de l’ONF62, deux personnes « issues des communautés autochtones », ont

été embauchées par l’ONF dans le secteur de la production et du marketing. L’ONF prévoit d’atteindre « l’équité représentationnelle » d’ici 202563.

L’intégration est la première étape, mais pour qu’une culture, et qu’une diversité de cultures, puisse exister, il faut que des moyens soient mis en œuvre pour les protéger et les préserver.

59 Loi sur le cinéma, (1985), L. R. C. 1985, ch. N-8. Art. 9.

60 Redéfinir les relations de l’ONF avec les peuples autochtones, Plan triennal, Canada,

ONF, 2017, p. 5.

61 Redéfinir les relations de l’ONF avec les peuples autochtones, Plan triennal, Canada,

ONF, 2017, p. 7.

62 Redéfinir les relations de l’ONF avec les peuples autochtones, Plan triennal, Canada,

ONF, 2017.

63 Bilan de la première année de mise en oeuvre du Plan d’action autochtone 2017-2020

de l’ONF, Bilan, Office National du Film du Canada, 2018, en ligne :

<https://espacemedia.onf.ca/comm/bilan-premiere-annee-plan-daction-autochtone-2017-2020-onf/>.

(31)

23

B) Imposer et préserver la diversité culturelle

Une culture est liée à une communauté, un groupe, une société. Il n’est pourtant pas rare qu’au sein d’une société, ou autrement dit dans le langage courant d’aujourd’hui, d’un pays, que plusieurs groupes composent cette société. Ces groupes coexistent, ils peuvent avoir des traits communs, d’ordre purement juridique et administratif, comme la nationalité, mais aussi d’ordre culturel. Une personne intégrée dans son pays, adoptera inévitablement des traits caractéristiques de la culture commune. Cependant il peut conserver des éléments d’une autre culture à laquelle elle est liée, par son histoire par exemple, culture parfois désignée comme minoritaire.

Ce terme minoritaire peut être perçu négativement, à raison, mais aussi être l’issue d’un simple constat factuel, au vu de la manifestation de cette culture dans le paysage culturel. Minoritaire, en ce qu’elle n’est pas partagée par le plus grand nombre, minoritaire, en ce qu’elle est parfois non connue par les membres d’une société donnée. Pourtant, la doctrine considère que la préservation et la mise en avant « d’une langue et d’une culture minoritaires donne une formidable ouverture d’esprit sur le monde et sur les autres en nous permettant de relativiser et de remettre en cause les modèles idéologiques et politiques dominants »64. Edgar Morin confirme dans ce sens que « la

désintégration d’une culture sous l’effet destructeur d’une domination technico-civilisationnelle est une perte pour toute l’humanité dont la diversité des cultures constitue un de ses plus précieux trésors »65. Pour

que la diversité culturelle soit considérée comme le patrimoine commun de l’humanité il aura fallu attendre la consécration de cette valeur par la déclaration de l’UNESCO de 200166.

64 Jean SIBILLE, La reconnaissance de la valeur culturelle des langues, Strasbourg,

Editions du Conseil de l’Europe, La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires et la France. Quelle(s) langue(s) pour la République? Le dilemme « diversité/unicité », avril 2002, p. 13 à 23.

65 Edgar MORIN, Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, UNESCO, Paris,

1999, p. 29.

(32)

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A contrario, on parle de « culture dominante ». Cette notion peut être rapprochée de la notion de « culture officielle ». Comme on l’a vu plus haut, les Etats ont souvent une ou plusieurs langues officielles, qui généralement sont liées à une culture dite officielle.

Au Canada, il y a deux langues officielles, auxquelles sont liées deux cultures dominantes, francophone et anglophone. C’est une diversité que le gouvernement canadien considère comme fondamentale de protéger. La Loi sur les langues officielles67 de 1985 pose des règles à

différents niveaux visant à préserver cette diversité culturelle. Cette préservation passe tout d’abord, comme on l’a vu précédemment, par la reconnaissance. En ce sens, l’article 41 §1 de la Loi sur les langues officielles prévoit que le « gouvernement fédéral s’engage à […] promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne »68.

De plus, comme on l’a vu dans le cadre de l’ONF, l’emploi est un facteur de préservation d’une culture. De ce fait l’article 39 b) de la Loi sur les langues officielles précise que le gouvernement veille à ce que les institutions fédérales soient représentatives de la diversité culturelle marquée par ces « deux collectivités de langue officielle »69.

A travers cette Loi sur les langues officielles70 canadienne, il est

tout à fait clair que l’objectif premier du Canada est de favoriser en premier lieu la préservation et l’utilisation de manière égalitaire de la culture française et anglaise71. Mais cette particularité bilingue du

Canada, ne signifie pas biculturel. En effet, comme on le verra plus loin, le Canada agit en faveur d’une politique gouvernementale multiculturelle depuis les années 70. Cela explique ce qui est prévu à l’article 83§2 de la Loi sur les langues officielles : « la présente loi ne fait

67 Loi sur les langues officielles, (1985), L. R. C. 1985, ch. 31 (4ème suppl.). 68 Ibid.

69 Ibid. 70 Ibid.

(33)

25

pas obstacle au maintien et à la valorisation des langues autres que le français ou l’anglais »72.

On voit à travers de l’exemple du Canada, « que les langues ont une valeur en tant qu’élément constitutif de cette diversité »73 tant

recherchée par cet Etat. En effet, il est « approprié de concevoir une unité qui assure et favorise la diversité, une diversité qui s’inscrit dans une unité »74.

Titre 2 : Les prémices de la diversité culturelle en droit : politique nationale et exception culturelle à l’international

A) Au niveau national

1) La politique multiculturelle du Canada

La diversité culturelle au Canada existe depuis longtemps, mais la politique canadienne, posant des mesures précises, et dirigée expressément en faveur de cette diversité, a réellement été amorcée en 1971 avec la Politique Gouvernementale sur le Multiculturalisme75 (voir

Annexe A).

Le 8 octobre 1971, le Premier Ministre Canadien, Pierre Trudeau, présente une politique gouvernementale officielle concernant le multiculturalisme devant la Chambre des communes. Cette politique gouvernementale est l’aboutissement du travail et des recommandations formulées par la Commission royale sur le bilinguisme et le biculturalisme, créée en 1963.

Dès le début de sa prise de parole, le Premier Ministre reconnaît le pluralisme ethnique et culturel, singularité du Canada. Ce pluralisme

72 Loi sur les langues officielles, supra note 67. 73 Jean SIBILLE, supra note 62.

74 Edgar MORIN, Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, UNESCO, Paris,

1999, p. 28.

75 Pierre TRUDEAU, Déclaration de politique gouvernementale sur le multiculturalisme

(34)

26

des cultures est égalitaire entre ces dernières puisque : « Il n’y a pas de culture officielle, et aucun groupe ethnique n’a la préséance »76. Dans le

cadre du plan d’aide gouvernemental présenté lors de cette allocution, on comprend bien que l’objectif est de ne mettre de côté aucun groupe culturel quelle que soit sa taille.

Plus qu’une valeur canadienne, le multiculturalisme se révèle être « le meilleur moyen de préserver la liberté culturelle des canadiens ». Le gouvernement doit alors veiller à aider tous les canadiens à participer à la vie culturelle régionale et nationale.

Robert L. Stanfield, en ce temps chef de l’opposition à la Chambre des communes, applaudit ces « nobles principes », prémices d’une politique gouvernementale, mais considère cependant que dans les faits, les mesures prises par le gouvernement pour mettre en valeur le multiculturalisme ont été favorables de manière exclusive aux cultures francophone et anglophone, et non par exemple pour les peuples autochtones77

Quant au représentant de la circonscription du York Sud, M. David Lewis, il appuie l’initiative du gouvernement puisqu’ « il faut reconnaître que dans une société chaque minorité pose un problème de survivance. Elle doit s’assimiler. Elle doit lutter pour rester en vie »78.

Peut surprendre également, la prise de conscience des effets de la technologie, alors que nous sommes au début des années 70. « Partout dans le monde, la technologie, les communications de masse et l’urbanisation font disparaître peu à peu la diversité culturelle ». Alors qu’il s’agit des débuts de la technologie que l’on connaît aujourd’hui, les canadiens ont conscience que cette nouvelle ère numérique peut avoir pour conséquence de créer une société de masse, ennemie de la

76 Chambre des communes. Débats, 28ème Parlement, 3ème session, tome 8, 8 octobre

1971, p. 8545.

77 Chambre des communes. Débats, 28ème Parlement, 3ème session, supra note 66,

p. 8546.

78 Chambre des communes. Débats, 28ème Parlement, 3ème session, supra note 66,

(35)

27

diversité culturelle. C’est ce facteur qui doit donc motiver, selon M. David Lewis, une prise de position active du gouvernement car : « Le pluralisme ethnique peut nous aider à vaincre ou à éviter l’homogénéisation et la dépersonnalisation de la société de masse »79.

Les lignes directrices de la politique gouvernementale étant fixées, des mesures concrètes seront également mises en place. Il s’agit en grande partie d’aides financières notamment pour l’éducation, la recherche, et les associations culturelles. L’objectif est de développer et renforcer l’identité canadienne qui s’exprime dans un cadre bilingue mais multiculturel. Le gouvernement précise qu’une aide sera apportée à tout groupe culturel, à trois conditions exigeantes. Il faut tout d’abord que le groupe culturel ait manifesté le désir de poursuivre son développement. Ensuite, il faut que ce groupe montre sa capacité à croître et à apporter une plus-value à la vie canadienne. Enfin, pour bénéficier d’un soutien gouvernemental, le groupe culturel devra justifier d’un besoin évident d’assistance. A la vue de ces éléments, cette mesure serait un réel appui pour des cultures qui risquent de tomber en désuétude. Mais la question qui doit être posée à la lecture de ces conditions est celle des modalités ou preuves qui seront acceptées pour justifier du « besoin évident d’assistance »80. A partir de quel moment

doit-on considérer qu’une culture a un besoin réel d’assistance ? De plus, ne vaudrait-il mieux pas agir avant que ce besoin soit évident afin de préserver une culture ?

Dans le cadre de cette politique gouvernementale, des règles visent spécifiquement la production audiovisuelle et la diversité culturelle dans ce domaine. Le gouvernement souhaite notamment que l’ONF augmente la promotion des films diffusés en d’autres langues que le français et l’anglais. De plus, le gouvernement demande à l’ONF de diriger des enquêtes afin de connaître les genres de films que chaque communauté culturelle souhaiterait voir davantage produits.

79 Ibid. 80 Ibid.

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