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Emprunt et processus de pluriel en arabe marocain : innovation lexicale et facteurs sociolinguistiques d'intégration

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(1)

·'

EMPRUNT ET PROCESSUS DE PLURIEL EN ARABE MAROCAIN: INNOVATION LEXICALE ET FACTEURS SOCt6LINGUISTIQUES D'INTe:GRATION

par

Jean-Charles Beaumont

Thèse présentée à la FacUIt~ des études supérieures et de la recherche

Dtpartement de l1ngutsttêlue Untverslté McGt Il

Montrtal.

can\~ • AoOt, 1986

(2)

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.

-11-,

.

OES'f1E

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--

Émprunt et proceSsus de D)urlel en arabe marocain: Innoyatloo

, .

lexIcale et facteurs socIolinguIstIques d"lotégratloo

Dans cette thèse, nous examinons un certain nombre de lexèmes arabes (d1alecte marocain de Fès) QuLont été empruntés au français. Sur la base d'une enQuête effectuée au Maroc auprès de 70, sujets, nous cherchons à découvrir un schème de facteurs sociollnguist1Ques d'Intégration pour ces emprunts en étudiant leur comportement par rapport au système du plurieL Il existe deux types de ,pluriel de nature morphologique différente en arabe marocain: un premier de type concaténatif (pluriel A) et un second de type non-concaténat1f (pluriel B), certains emprunts prennent le pluriel A, d'autres le pluriel B et certains varient (i.e prennent ·le pluriel A et le pluriel B). Nous faisons l'étude , de cette variation afin de déterminer QuelS sont les facteurs llngulstlQlJes et soctaux Qui en règlent le mécanisme. Nous proposons On système d'évolution vers J'Intégration complète de J'emprunt pluriel A - variation - pluriel B. Pour vérifier cette hypothèse .. nous examinons d'une part les contraintes

.'

structurales Qui pourraient Influencer ce schème évolut1f et d'autre part les facteurs sociolinguistiques (e.g. utilisation des emprunts dans différentes

o

couches sociales et att1tudes envers ces derniers) Qu1, replacés dans le cadre du contact de langues, sera1ent en mesure d'expl tQuer, de corroborer, d'lnf1rmer ou de fatre dévter les tendances actuelles caractérisant certaines tnnovattons lexicales de l'arabe marocain de Fès.

(3)

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, 1 (. 111 -ADSTRAt! fi.

Borrowlng and plural Droeesses ln Morocean Arable: lex1ca) Innoyatlon and socloJ1ngu1stle factors of Integration

ln this thesis, we examine a certain number of Arablc lexemes (Moroccan dlalect of Fes) whlch were borrowed from French. On the basis of fieldwork ln

o

Moroce~ and alter testlng 70 lnforrnants we atternpt to out l1ne' a pattern of

soclo11ngulstie factors of Integration for these loanwords through the study of

thelr behaviour in relation to the plural system. There' are two types of

morphologically dlfferent plurals ln Moroccan Arabie a concatenat1ve type of

1 .

plural (plural A) and a nonconcatenatlve one (plural B), sorne borrowlngs take

on plural A, others plural B," and some others vary (1 e take on both plural A and

B). The study of !hls variation could help determlnlng the l1ngulstlc and soctal

factors that mlght rule lt. VIe propose a sequence towards complet"e

Integration of the borrowlngs. plural A - variation - plural B. To eheck thts hypothesis, we first ,éxamlne the structural constralnts whlch could Influence thls evolutlonary pattern and then, the soclo11ngulstlc factors (e.g the use of

the loanwords In~ dlfferent "social layers and the attitudes towards them)

whlch. J put bacl<. §n the frame of language contact, might explaln, eorroborate,

.

lnval1date or ch~nge the course of the present trends characterlz1ng certain

,

/ 1

lexical innovat l~ns of Fes Moroccan Arablc.

,

,

(4)

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-.

Je tiens tel

a

re~ercler tous ceux qui m'ont aidé dans ce traval1, soit par 1eur support moral et affectif, soit par leurs connaissances.

Tout d'abord, un grand merc1 à ma d1rectr1ce de thèse, le professeur Nicole

~

Z. D'omlngue, dont la patience et la gent111esse m'ont guidé à travers chaque étape de l'élaboration de ce mémoire. Merct également à Abde llah Mkoun, Naïma Bazzlt et Mohamed NateM Barek pour les conse11s qu'Os m'ont promulgués et le temps QU'Us m'ont consacré.

Je remercie le professeur Tang Ly pour l'accueil chaleureux qu'jJ me fit lors de mon séjour au Maroc, a1nsl que tous les étudtants de l'tcole Normale Supérieure de Fès et les habitants de la Médina qui ont aimablement participé auxienquêtes.

Merci encore à Mina Bousbâ, Haktma Blyadl et Khadlr El Hadrl d'avoir non seulement voulu m'aider à faire passer les tests, mals surtout de m'avoir offert leur merve11leuse amitié.

À mes parents, auxquels Je dédie cette thèse, pour l'amour qu'Us _me portent et la confiance qu'Ils ont toujours eue en ce que Je fais.

'C\;.(( \ , "

Enf1n, à"la mémoire d~lonet, qut m'a Inspiré l'amour des tangues et le respect de toute culture humaine.

Cette recherche a été JWÏ)artle soutenue ftnanclèrement par une bourse du Fonds F.C.AC

-.

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(5)

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v

-TABLE DES MATI ERES

IIflrJU)DIJ<:rI<Ui---1

CHAPITRB 1: PlQBLBMATIOIJE---:.---=---u---3

1.1.

8aonciation de la problématique---:---3

1.2. Hypothèse.- --.- --- --- ---- --- -- ---- --- --- -- --- --- -- -

5

~tuation linauistique au

Maroc--- 7

\: .!.!.

~~rcu hlstoriQue---:--- 7

1.3.2. Profil sociolingllÎstique--- .. -- --- --- - ---~---- 9

1 .. 1.2.1. Typologie des IllD6ues en présenœ---9

1 .. 1.2.2. Diglossie el pluri1io8uisme--- Il - . 1.3.3. Emprunt, alternance des langues et facteurs d'intégration des emprunts--- 15

Notes du Chapitre

1---".:---

---=:---19

CHAPITU 2: MBIBODQLOGIB---n---

23

2.1.

Données, variable. et sujet.---23

, 2.1.1. Les don.nées---

23

2.1.2. Les variables et les sujets---,--- 25

2.1.2.1. le 16cteurs

st'.re---:---26

,0 21.2.2. le lIcteur éduarlfo/J'--- 27

2.1.2..1. les

suj'eltl---

28

2.2. ~a

cueillette de. doaa6el---29

(6)

c

(

c

vi

-2.2.2. Les tests d'attitude---'--- 32

2,2,.1. 1. lit recherche sur les Itlitudes linKuislÎques: éléments théoriques el épÎslémoJ06Îquea---

32

2,2.2.2 Coolenu mélbodol06ique des lesl9---

33

2.3. L'ualYle des données--- ---'"--- 34

Notes du chapitre 2---36

CHAPITRE 3: LB SYSTEME MORPBOLOGIOUl--- 38

3.1. lIorphoJoaie CODeaténative 1 Bon-coneaténative--- 38

3.2. La marque du nombre en français---40

• 3.3. La marque du nombre en arabe elallique---40

3 . .f. La marque du nombre en arabe marocain---42

304.1. Le pluriel sain---i---42

304.2. Le pluriel brisé---43

3.5.

Le traitement morpboJOIique des

~.pruntl

au pluriel-- 47

3.5.1. Hypothèse--- --- --- ---49

~ "

" 3.5.2.

Confirmation et motivation de l'hypothèse--- 50

.

.

.1..1.2. 1. CoJ1/ïrJJ1llioo structurllle- -- - - - ---- - - --- - - - - --- - - - -- -50

.1..5.2.2. CanfirJJ1ltlÎoo el moûvllioD sodoJ06ÎqUe--- 53

."-Notel du chapitre 3---54

ClAPIT"

i:

Jt8SULTATS DIS INOUIIBS--- 56

4.1. Telt d'utilisation des eaprunt.----:---56

4.1.1. Facteur sexe---56

4.1.2. Facteur éducation---57

4.1.3. Corrélation factorielle 5e:le et éducation--- 588

(7)

o

,

o

li

,

\

\

--1 ,

.

vii -4.2:1. Facteur sexe---58 4.2.2. Facteur éducation--- ---:--- -- --- --- --- --- --- 59

4.2.3. Corrélation factorielle sexe et éducation---.::-:---59

TableauI et filures--- 60

Notes du

chapitre 4---.:.---68

CHAPIIU 5: INIERPR8TATION DIS RBsULTAIS BI DISCUSSIONn-69

5.1.

Test d'utili.ation et test d'attitude---69

5.1.1. Résultats généraux--- 69

5.1.2. Facteur sexe---... ---72

5.1.3. Facteür éducation--- - 74

5.1.4. Corrélation factorielle sexe et éducation-"---76

5.2. Conscience de

l'oriaine

dei

eapruntl---82

Notel du

chapitre 5---86

~ -CONCLUSION --- 88 ANNBIBS-- --- --- --- --- --- 90 A 1. Translittération de l'arabe---90 Â2. Fiche sociologique--- 92 -... A3. Grille-images des tests--- 93

A 4. Grille-réponses des tests--- --- 100_ B'BLIOGRAPHIB--- --:--- ---102 Il

INDU--- ---

---113 o •

(8)

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) 1

-INTRODUCTION

exIste deux types de plurIel en arabe marocain: un pjurlel suffIxa) dit sain do t le mode-de fonctIonnement se rapproche de celuI des langues Indo-européennes et un pluriel dit brisé caractéristique des langues sémitIques. Dans ce mémoire, nous étudions une sérIe d'emprunts pour lesquels les deux pluriels sont possibles, emprunts provenant du français et/ou de l'espagnol. Par une analyse morphologIque de ces emprunts et par une enquête détermInant Jes racteurs socIologIques de leur utlJtsatlon et les attitudes, nous tâchons de voir comment la varIation entre les deux pluriels chez ces emprunts permet de caractérIser la dlrectlo~ future. du système de nombre en arabe marocain.

e _

Notre hypothèse est la suIvante: durant le processus d'emprunt, le mot slnguJ1er prend d'abord le plurielle plus proche morphologIquement de la langue source O.e.

le

pluriel sain sufflxaD, puis passe par une période de transition varlatlonnelle où deux pluriels sont possIbles (sain et brisé), et enfin, lorsque l'Intégration a atteint son niveau maxImal, ne garde que le pluriel purement sémitique (Je plurIel brIsé). Cette hypothèse se trouve validée par certa1nes contra~ntes structurales telles que celles agissant sur les processus de dlmlnutlvatton et de pronomlnallsatlon personnelle.

\

\

Il s'agira donc essentlellement d'un travail portant sur l'étude de la co-variance des phénomènes linguistiques et sociaux.

Le

but ùltlme de ce mémoire sera de replacer les résultats de l'enquête dans le cadre plus l~rge de la problématique du contact et du changement linguistique afin d'essayer, non seulement d'appréhender les phénomènes en Jeu, mals également d'en saisir

,

l'évoIUtfo~ probable, à savoir des deux systèmes de pluriel actuel en arabe

marocain, quel sera le piUS productif dans J'avenIr et Quelles seront Jes <Cl

(9)

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-,

-• " ~ . 2

-conséquences llngu1stt'Ques

~e

ce choix pour cette laflgue.

, .

Le premier chapitre consiste en une énonciation de la problématique et des hypothèses soumises; 11 fournit ensuite une typologie" générale des systèmes l1ngu1st1Ques en prése~ au M,oc et brosse le profl1 sociolinguistique global de ce pays.

ISJ

Le second chapitre concerne la ,méthodologie employée lors des enquêtes sur le terrain: motivation du choix des variables et des sujets, marqueurs sociaux utilisés, cueillette des données et méthode statlsllqlJe utlltsée.

Le troisième chapitre expose le système morphologique des domaines pertinents (présent"atlon des deux systèmes de pluriel - analyse par rapport aux

1

emprunts - processus morphologiques Intervenant). b

,

Le Quatrième chapitre rend compte des résultats obtenus lors dés tests .. , ,

Le cinqUième chapitre présente l'analyse et l'interprétation des résultats, puis' les replace dans le cadre général du contact et du changefl,lent de langues artn' de déterminer les tendances' de la langue.

v , ,JI " d o , o Ov , , , " , / ! d

(10)

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3 -Chapitre 1; problématique

..

1.1. eoooclatloo de la Dcoblématlgue

Notre problémat IQue dans ce mémoire est la suivante. nous cherchons à

caractériser certains changements Qui sont en train de se prOduire en arabe

<:>

marocain dans un domaine bien circonscrit l'innovat Ion lexicale et les prOcessus morphologiques du pluriel des substantifs

Les changements linguistiques obéissent à des lois dynamiques et chaque facteur Intervenant, Qu'II soit d'ordre sociologique ou purement linguistique (I.e. contraintes structurelles Internes au système), y joue un rôle prédominant Qu'II tient en parfaite dépendance avec les autres facteurs La langue est un tout et le découpage nécessaire à l'analyse de ce tout en ses partIes const Ituantes ne doit pas donner Jï lIuslon que tel facteur agIssant sur telle part te n'aura aucune ou Que peu de conséQuenëes sur te 1 autre domaine. tout dans la langue se tient de façon cohérente et dynamIque, c'est cette dynamique du Jeu de divers facteurs sur le processus diachronique d'une langue que nous aimerions Illustrer Ici Pour ce faire, nous avons choisi un sous-domaIne représentat H, caractérIsé par la variation (cette dernière reflétant l'état Instable et changeant d'une langue), Que nous étudierons sous dtvers aspects afin d'en déterminer le cours. Ce champ est le suivant' Il existe en arabe classique deux types de pluriel pour les substantifs. un pluriel suffixal à processus morphologique concaténat tf, dont l'usage I1mtté et résiduel est parfaitement circonscrit, et un pluriel dit "brlséH

à processus morphologique non-concaténatlf, de loin le plus èmployé et le plus productif. Ces deux

(11)

J

4

-systèmes de pluriel se retrouvent en arabe marocain à la différence que le

pluriel suffixal y a un usage plus étendu.

,

Le système dérlvatlonnel

non-concaténatlf de l'arabe marocain est pauvre par rapport à l'arabe classique,

si bien qu'en plus des facteurs dus aux contacts culturels, la solution première pour Introduire des Innovations dans le lexique est l'alternance deS langues et l'emprunt. Il exIste peut-être une corrélation entre la pauvreté dérlvatlonnelle relative de l'arabe marocain et J'usage un peu plus étendu du pluriel suffixal

d'une part, et l'Influence des emprunts provenant d'une langue à morphologie

concaténative d'autre part. Ce que nous désirerions déterminer, c'est J'avenir des deux systèmes de pluriel en usage par ripport aux emprunts afin de voIr dans quelle dlrecl'on le système marocain est en train d'évoluer.

Il existe un très petit nombre d'emprunts dont J'unique pluriel est non-concaténatlf, un très grand nombre d'emprunts dont la seule forme du

pluriel est suffixale, et un bon nombre d'emprunts à Gouble pluriel. Ceci

pourrait signifier que peu d'emprunts sont vérl tablement Intégrés à la langue,

que beaucoup sont en vole d'attente, et que pour un nombre tout de même

Important d'emprunts doubles, soIt Il n'y a~ra pas stabilisation (en effet, sI l'on

0 a l t référence aux résultats obtenus lors des tests (cf. chapitres 4 et 5), on

note que 43,59% des locuteurs ont choisi le pluriel suffixal, ce qui n'est pas un

pourcentage négl1geable>, soit Il y aura stabilisation de l'une des deux formes

selon les cIrconstances politiques du moment (ainsi, à cause de la politique

d'arabisation, le paysage ltngulstlque du Maroc dans 20 ans pourrait être très

- ~

différent de celui d'aujourd'hui>. Ces résultats remettent en question

J'utlltsatlon de contraintes phonologiques et morphologIques comme crItères

uniques d'accès à Jïntégra~lon lexIcale dans une langue: en effet, Il existe un

nombre Important d'emprunts en arabe marocain: la plupart peuvent être

(12)

c

c

tous au moIns un plurIel en .:al (I.e. plurIel satn concaténattf) et ont presque

\ ' 0 !

tous subi des transformatIons et adaptations phonologIques; seulement,

parallè lement à cela, Il existe aussI un grand nombre de cas d'alternance des

langues QuI font double usage avec les cas d'emprunt, et plusieurs nIveaux d'adaptation morphologIque (les deux types de plurIel, mals aussi les dlmlnut1fs et la pronomlnallsatlon personnelle que nous verrons plus loIn) aInsI que des facteurs socIologiques et psychologIques (utilisation selon des critères sociaux, attitudes) qui semblent détermIner radicalement le droit de passage de l'emprunt en question. Il s'agIt donc, pour précIser le degré d'lntégraUon d'un emprunt et pour évaluer ses chances de subsistance dans la langue, de consIdérer d'une part les contraIntes phonologIques et morphologiques Internes comme faIsant partie d'un continuum dont chaque poInt discret seraIt Indicateur d'un degré d'Intégration relatif (aInsI, pour le pluriel, cela Irait du plurIel suffixal au plurIel brIsé, en passant par des sérIes IntermédiaIres, dont celle que nous étudIons ne représente Qu'un découpage arbItraIre mals

nécessaIre) et d'autre part, les facteur~ soclo-psychologlques sous-Jacents.

1.2. Hypothèses

Nous avons dit que certaIns emprunts pouvaient prendre les deux types de

pluriel sur une base varIationnelle; ce sont ces dernIers Que nous étudierons --,

étant donnée leur situation stratégique sur le continuum. Notre hypothèse de base est donc la suivante.

Durant le processus d'emprunt, le mot singulier prend d'abord le pluriel Je,

plus proche morp~QloglQuement de la langue source (I.e. ,le pluriel saIn

sLfflxaD, puis passe par une période de transition variationnelle où deux

, .

(13)

o

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.

~.

\ / \ , \ 1 \ ' - 6 - \,,-__ ,/

atteInt son nIveau maxImal, ne garde que le plurIel purement sémItIque (le p lurle 1 brisé).

A

ce modèle logique de base, viennent s'ajouter des considératIons sociologIques Qui peuvent s'avérer tout aussI Influentes et décISives dans le . choix futur des systèmes Que les contraintes linguIStiques Internes <racteurs de prestige, politiques d'arabisation, degré de bllinguallté des locuteurs, statut socio-économique, etc.> C'est pourquoi, en plus de procéder à une analyse morphologique formelle des emprunts (pour déterminer le degré d'Intégration), nous effectuerons une enquête sociolinguistique pour connaître la fréquence d'occurrence de tel type de pluriel chez des locuteurs ap~enant à telle ou telle catégorie SOCio-économique, ainsi QtJ'une analyse des attitudes des locuteurs natifs vis-à-vis de ces types de pluriel. Sur cette hypothèse centrale, vjennent donc se greffer d'autres hypothèses que nous tenterons de . vérifier:

-La varlat Ion dans J'ut 11 Isatlon des différents pluriels des emprunts est conditionnée socialement.

-Certains traits linguistiques, en plus de véhiculer leur message communicatif Intrinsèque, expriment une signification socioculturelle donnée. la varlatton fat.t partie de la compétence du locuteur, dans la mesure où elle ét~bJ1t des liens entre ces traits partIculiers et certains paramètres sociaux, de manIère systémat IQue et générale.

-la variation des emprunts à double pluriel est symptomatlQve de CJ

changements dans la langue, le nombre Important d'emprunts varfables et de cas d'alternance des langu~s démontrent J'InstabIlIté actuelle du système marocaIn; J'étude des facteurs sociaux régissant J'utilisatIon de J'un ou l'autre pluriel peut pe~ettre de préVOir le système favorisé étant donnée la place c,entrale de ces emprunts dans le proce?sus d'lnté9ratlon.

(14)

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--11 Y aurait co-variance entre les facteurs sociaux et linguistiques, 1.e. les attitudes sociales vis-à-vis de telle ou telle forme Joueraient un rôle v prédominant dans l'adoption et l'adaptation linguistique de cette forme.

-ttant donnés la stratification sexuelle au Maroc, le nombre Important d'analphabètes, le poids de la culture orale et des traditions, et la situation dlglott Ique, le sexe des locuteurs et le degré d'éducat Ion de ces demlers devraient avoir une Influence dans l'utilisation des variables.

-Le comportement morphologique des emprunts par rapport à d'autres· processus que le pluriel (diminutifs, pronomlnansatlon personnelle) devrait corroborer les résultats découlant de l'analyse sociolinguistique des emprunts (validation externe).

I.J. La situation linguistique au Maroc

Afin de pouvoir situer les problèmes dont nous traitons, nous donnons Ict ..., un court aperçu de la situation linguistique actuelle du Maroc.

1 .J. ,. Aperçu historique

Le Mâroc d'aujourd'hui se présente comme une mosaïque d'ethnies et -de cultures différentes et la situation sociale du pays s'en ressent fortement. L'étude diachronique des peuplements successifs du Maroc permet de mettre en

o

reUef la dynamique synchronique des rapports de force 1 Ingulst IQues actuels. Nou~ne ferons Ici Que brosser grossièrement le déroulement chronologique des peuplements iusceptlbles de nous éclairer Quant à la· situation l1ngulstlQue présente. Nous renvoyons aux ouvrages de Terrasse-(1950) et Brignon et al.

(15)

o

o

--0

8

-Le Maroc est peuplé durant la préhistoire par les populations capslennes et moulIl lennes. C'est vers l'an 2000 av. J.-C qu'apparaissent les berbères dont l'origine exacte nous est Inconnue (lis seraient venus soit par Immigration soit • par évolution des popuJat Ions capslennes). Xie-Ille s. av J. -c.: colonisation phénicienne près des côtes (Larache, Tanger, Tétouan). Jusqu'en 40-42 ap. J.-c.

.

se développe la civilisation maurétanlenne (les romains distinguaient deux types de berbères parlant la même Jangue les Maures au Maroc et les Numides en Algérie).

A

cette date, c'est l'annexion romaine du royaume maure Qui est organisé en Mauritanie tlngltane. Les RomaIns n'occupent ni le RIf, ni J'Atlas, laissés aux rebelles maures. Après l'invasion vandale de la Mauritanie césaréenne et de J'Afrique (429), la Mauritanie tlngltane se trouve Isolée; on retrouve des populations hispaniques sur les côtes ftt berbères à l'Intérieur En 683, c'est le déb~t de la conquête arabe. Son origine est mal connue mals on salt Ql1'en 739 les berbères, quoiqu'Islamisés, se révoltent 788. dynastie Idrislde 1070 empIre Almoravlde. 1147. dynastie Almohade (L'empire s'étend du Maroc au sud de J'Espagne). XVe S: dynast les Mérlnlde et Wattaslde. Jusqu'au·

XVIIe s.} date de la conquête par les AlaouItes, nombreux contacts avec l'Espagne et le Portugal. XVIIIe et XIXe s., querelles dynastiques. 1906. conférence d'Algésiras entre la France et l'Espagne Qui place le Maroc sous protectorat de puissances. 1912. Protectorat français 1956: Indépendance du Maroc. Depuis lors, le Maroc est une monarchie dont le roi est également chef religieux (H Amlr AI Mo'm Inlne"). Le roi actuel est Hassan II.

Ce schéma historique nous permet de constater que l'emprunt, phénomène J1ngulstlque dû aux contacts entre les peuples, a eu,m~lntes fols l'occasion de se produire au Maroc: non seulement le tissu ethnique est-II barrlolé, mals les langues qui se sont trouvées ·en contact sont nombreuses et variées: substrats berbères, langues phéniciennes et Ibères, laUn, arab~., espagnol, portugais et

(16)

(

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c

françats.

I.J.2. profil soclollogulstlgue

I.J.2.1. Typologie des langues en présence

On peut Ç.;Jasser les marocains en deux grands groupe..s ethnIques selon des critères linguIstiques, I.e. selon le groupe linguIstique auquel appartient leur langue maternelle, à savoir la (amUIe sémitique (QUi comprend les dialectes

.

arabes) et la famille berbère, la'caractérlstiQue commune de ces dIalectes est d'être nombreux, dlverslrtés et de rester au stade de langues orales (diverses tentattves p"our codifier les dla~eètes par écrit ont vu le Jour, mals demeurent embryonnaires).

les dialectes arabes du Maghreb (TunIsIe, AlgérIe et Maroc) forment un

~

groupe suffIsamment' homogène pour que J'tntercompréhenslon, au prix d'un certaIn effort de la part des Interlocuteurs,' soit possible; Il n'en va pas de même a~ec les dIalectes orientaux (Ëgypte, l1ban, Syrie, etc.> qui sont ~eaucoup plus proches grammaticalement et phonologlquement de l'arabe ClassIque que .

,

ne le sont les dIalectes maghrébins. CecI revIent à dIre QU'un marocaIn dont la langue maternelle est l'un des dIalectes arabes ne pourra pratiquement pas, à

partir de sa langue, comprendre J'arabe classIque (GrandgulJ laume, 1983: 13).

Quant à un .berbérop,hone, la compréhension du Classique depuis sa langue est Impossible,

?

1 v

Le prOblème du berbère est complexe au Maroc. Ne faIsant pas l'obJ~t de . notre thèse, nous le laisserons de cOté 1.

On dIstingue trois types de dlalectes.proprement arabes (Boukous, 1979);,

.

, les parlers citadins (dont celui de Fès/Meknès QuI nous concernè), les parlers

(17)

.1

-10-montagnards (Qui se subdivisent en parlers septentrionaux, méridionaux et le parler de Sefrou), et les parlers bédoulns2. La variété dialectale que nous avons étudiée est géographiquement parlée, comme nous l'avons déjà dIt, dans la région de Fès/Meknès; Il s'agit d'un dialecte régional assez unifié et' suffIsamment stable pour perm:fhre une Intercommunication générale dans une zone étendue, le prestige de Fès en tant que capitale spirituelle et culturelle du Maroc (bien que ces désignations soient à l'heure actuelle quelque peu surfaites) rayonnant à travers toute la province. Ce dialecte est caractérisé par une Intégration de traits ruraux et citadins et, malgré J'Importance de la couche rassie d'origine, il est utilisé par une population hétérogène, ( hétérogénéité à la fols sociale (les clivages étant démesurés) et ethnique (échantt1lonpage assez équilibré de berbères et d'arabes) (Heath, 1986: 5). Nous avons donc affaire à un terrain extrêmement Intéressant pour effectuer des

1

études sociolinguistiques, surtout en ce Qui a trait à la prOblématique du contact de langue~

l'arabe Classique (également désigné "arabe IIttéraJ"), bIen que langue religieuse et culturelle de tout le monde arabe, n'est utll1sé nulle part comme langue de J'usage quotidien. Il s'agi t essentiellement d'une langue écrite (celle dans laquelle fut révélé le Coran, donc langue du Livre, langue classique et littéraire par excellencef.

A

partir du Xlxe siècle, au contact du monde occidental, la langue s'est assouplie grammaticalement et a ouvert son lexique aux Influences de la vie moderne donnant naissance à ce que l'on appelle -l'arabe moderne".

,

AuJourd'hui, J'administration, la presse ~crlte et la littérature moderne ainsi Que les mass media et l'enseignement s9us forme orale, se devraient d'employer cette langue (d.es politiques oUlclelies d'arabisation ont été Instituées), Da"ns les faits, bien qu'II ne fasse aucun doute

,

que l'arabe moderne tl~nt une place prépondérante au Maroc, son rôle est

',.

1

--

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(18)

(

(-c

, "

-11-sowent réduit au profit de la langue française qui fut, sous le Protectorat, la seule lang~e officielle dominant tout l'appareil administratif (GrandgulJJaume, 1983 : 12). Ce qu'Il faut retenir, c'est Que J'arabe classique (ou "moderne") n'est la langue maternelle d'aucun marocain. Nous renvoyons le lecteur à la note 3 de ce chapitre pour un historique de l'implantation de l'arabe au Maroc (â l'origine, Il n'y a certainement pas Heu de distinguer entre arabe classique et arabe dlalectaI4).

De 1912 â 1956, soIt pendant 44 ans, Je Maroc a été colonisé par la France; cette der.nlère a Imposé au pays son Idiome comme langue offfc'Ielle. C'est â

travers le français que furent érigées les Institutions modernes. Il va sans dire que cette langue Joue toujours un rôle considérable au Maroc: elle demeure, au.,x yeux de beaucoup de marocains, une langue de prestige assocIée au monde moderne. SI J'arabisation a pu toucher certaIns secteurs de l'enseignement et de J'industrie, le français n'en reste pas moins la langue des secteurs-ç}efs de l'Industrie et de l'administration, ainsi qu~~_cel1e des branches spéCialisées de l'enseignement supérieurS <GrandgulJ laume, J 983 :

12-13); , l'ascension sociale et l'avancement économique ne sont donc pas .

ènvisageables sans elle. En tant que langue orale, son utlllsatlon varie selon , , les milieux; le français est toutefois largement répandU, ce qui a grandement c~ntrtbué, comme nous le verrons, à l'évolutlo(l du dialecte arabe6.

','

. I.l.2.2.

Diglossie et

plurllioguisme

Ferguson (1966) résume les rapports de force sociolinguistiques du Maroc en établtssant la fo~ule algébrique générale suivante:

St • 3t

maJ

(Cotw:

y •

Sel.

Yg) + 2L

min

(VU)

Cette fOn1)ule se lit de la manière suivante: Il existe cinq langu~s au Maroc

+ ~

(19)

o

o

-12-'"

(SU, dont trois langues majeures (3L maj) et deux langues .mlneures (2l min).

Parmi les langues majeures, on retrouve une situation dlglottlQue (caractérisée par les deux points) ~ntre, d'une part une langue classique (C), c'est-à-dire une langue standard Qui s'est éteInte en tant Que langue maternelle, utilisée pour des fonctions officIelle (0), rel1gleuse (r) et de large communicatIon (w) (11

s'agl1 bIen entendu de l'arabe claSSique), et d'autre part, un vernaculaire (V) (l'arabe marocain, I.e. la langue maternelle non standard de la communauté linguistIque), une langue standard (S) (Je français) utilisée dans le système 'd'éducation (e) (comme sujet et comme médium) et à des fins Internationales

(1), et un autre vernaculaIre (V) (Je tamazlght> utIlisé à des fins

communlcat Ive sein d'une communauté linguIstIque particulière, Identifiant cette dernière co me un groupe soclo-culturel spécifique dans le pays (g) (les berbères). En pl~ de ces trots langues majeures, fi existe deux langues

;"

mineures vernacul~s (V) rempltssant toutes qeux une fonction Groupe (g): le tashalheit et la tarif1t (deu dialectes berbères, tout com.me le tamazlgh07 .

Comme le démontre la rmule précédente, J'une des caractéristiques du paysage linguistique marocâin est le Plurtlingulsme doublé du phénomène de diglossie (Nous utl lisons dans cette thèse le sens premier de diglossie tel Que

formu~é par Ferguson,195gB); cette dlgl~ est nette pour "'Ia population citadIne marocaIne (près de 25%) quI opte selon les (onet Ions d'usage entre \

1 l'arabe classique ou moderne et J'arabe marocain. On recense lOS de

berbérophones unll Ingues alors que 40% d'entre eux sont au moIns bilIngues

~ p "

(arabe marocain et berbère, auxquels peuvent venir s'ajouter l'arabe classique et je français). En tenant compte du français, on estime à 10% le nombre de

locuteurs parfaitement bl lingues. Selon Youssl (1983), la diglossie marocaine évoluerait en trlglossle, c'est-à-dIre en une sItuation où la spécialisation fonctionnelle serait trilatérale; comme Il le dit lul-mêm..e (Youssl, 1983: 79),

(20)

c

c

" - " existerait une "variété médiane ayant pour fonction de réduire la distance conceptuelle et structurale entre l'arabe natal spontané de la vie pratique, Qui est uniquement parlé, et l'arabe classique d'Intellection et du patrimoine arabo-lsJamlQue, uniquement écrit eHoujours prémédité". Nous pensons Qu'II est encore trop tôt pour dlst Inguer un arabe marocain médian. On pourrait déduire à partir de la situation actuelle, Quoique cette dernière reflète synchroniquement un état plutôt morcelé Qu'uni, qu'une telle forme pourralt·un jour apparaître; mals l'émergence d'une telle langue dépendrait pour beaucoup de facteurs politiques et ces derniers pou~ralent être fort différents dans vingt ans de ce qu'Ils sont aujourd'huI. Les conditions linguistiques actuel1es du Maroc ne laissent pas présager un tel phénomène.

Certains prOblèmes se posent avec la notion de diglossie au Maroc car la situation est Ici beaucoup plus complexe qu'on ne 1'1maglne. non seulement

,

avons-nous affaire à une variété haute prestigieuse et à sa contre-partie basse vernaculaire (plus éventuellement une troisième variété médiane), mals aussi à

une deuxième langue natale (Je berbère) et à une deuxième langue prestigieuse (le français), si bien que non seulement les fonctions se chevauchent parfois (ainsi le français et l'arabe classique sont tous deux utlJlsés dans les fonctions éducation, sujet d'étude, usage International, Iittéralre9 ) mals 11 devient

"

difficile" d'en délimiter les contours: par exemple, du fait de l'importance primordiale de la culture orale et des traditions au Maroc ainsi Que du taux extrêmement élevé d'analphabètes,' l'arabe marocain peut~rempllr toutes les fonctions prestigieuses (sauf peut-être la fonction religieuse) auxQuel1es de nombreux Individus peuvent avoIr affaire. Ceci signifierait Qu'II faut entendre la diglossie (ou la trl§1ossle) au Maroc en termes de fonctions pouvant être remplies par une ou plUSieurs variétés en même temps comme le montre la figure 1.1.

(21)

,0

-

14-Figure 1.1. - langues ou yarlétés et domaines d'ut1Jlsatloo (Nous reproduisons le tableau tel qu'Il appara1t chez Youssl ( 1983 : 80), ~Joutons cependant que la distinction fonctionnelle entre arabe marocain CAM) et arabe marocain médian

(At"t1) ne nous semblant pas aussi nette Que l'auteur le prétend, les domaines

d'utfl1satlon des deux variétés pourraient très bien ne figurer Que sous une seule entête),

(22)

(

(

-::: .. '

,

-

-15-~f '-;1..;1.3. Emprunt, alternance des langues et racteurs d'Intégratloo des

Imprunts

L'alternance des langues nous Intéresse dans la mesure où elle peut être un facteur déterminant dans le processus d'Intégration des emprunts. Nous nous proposons d'exposer brièvement ce dont Il s'agit.

L'alternance des langues consiste à faire alterner dans un même discours des segments provenant d'une langue X avec ceux d'une langue Y, à partir de points de rupture_et d'alternance précis, que ce soit au niveau Interphrastlque ("code-swltchlng") ou Intraphrastlque ("code-mlxlng")IO. Ces mélanges, très fréquents chez les marocains Il, sont des conséquences directes du contact de

langues. la~ frontière entre emprunt et alternance des langues est loin d'être claire au Maroc; aussi n'est-IJ pas rare qu'un même lexème paraIsse être un emprunt dans un c~s (reconnaissable à son adaptation morphologique) et être un

,

cas d'alternance dans l'autre, et ce dans le discours d'une même personne.

Le critère de distinction traditionnel entre emprunt et alternance des langues Qui postule l'adaptation phonologIque dans le cas de J'emprunt ne tient pas pour l'arabe marocain. Ainsi va-t-on retrouver un même emprunt, disons 'charrlot', Qui dans certains cas sera adapté phonologlQuement et réalisé en sharyu et dans d'autre~ serà- prononcé exactement de la même manière qu'un français le ferait sharyo. Dans les deux cas Il s'agit d'un -emprunt, car morphologiquement, le mot a été Intégré (ainsi au pluriel on a shary(u/o)wat et non pas lesbaryo). Quel est alors le statut exact du segment 2. (QUi n'existe pas originellement en arabe) dans le système marocain? Peut-on affirmer qu'Il n'est pas vraiment marocaiô~ajors Qu'on le retrouve dans différentes formes

~ ~

Infléchies de cette langue? N'est-Il Qu'une variante aJJophonlQue du phonème u? En tait, quel Que soIt son statut synchronlquce, l'.exlstence de ce type de

(23)

o

o

o

-

16-segments aura très certainement une Influence profonde sur le système. Nous

postulons donc pour l'arabe marocain le seul critère d'Intégration

'\, morphologique pour dIstinguer "l'emprunt de l'alternance des langues. Nous

pensons Que, synchronl~uement. le système marocain est en pl~lne mutation, et

Que des changements majeurs sont en train d'opérer dans les structures de base

du lexique; ces Innovations lexicales sont dues en grande partie à l'existence

d'un continuum Qui va de l'alternance simple à l'emprunt bien Intégré, cont,lnuum

non pas linéaire, mals en pleine mouvance, laissant un champ d'action ouvert au

locuteur, qui opte selon des facteurs socl<\llngulstlques qui restent à

~ U 1

déterminer Les niveaux d'Intégration quI distInguent un emprunt d'un cas

d'~Jternan~~ sont relatifs et fluctuants; ainsi, nous verrons que le pluriel sàln

se situe sur lé continuum d'Intégration morphologique à un niveau plus proche

de l'alternance Que te pluriel brisé

Prenons un exemple: le fait Que la plupart des emprunts aient un pluriel suffixal (Harrell, 1962 113, cf. chapitres 4 et 5) Indique, Que la majorité des

emprunts français en arabe marocain se situe à un niveau superficiel

d'Intégration, ce 'qui est confirmé par leur caractère Instable puisque, comme nous l'avons dIt, bien Que certains critères morphologIques permettent de faire

la dlst Inctlon, t 1 est étonnant Que même là où existe un emprunt, un même

. locuteur pourra tantôt employer ce dernier dans son dIscours, tantôt alterner ce lexème avec l'équivalent français, et ce dans le même discours De plus, l'alternance des langues semble être de nature comportementale dlfférenté

dans les cas d'emprunts à double pluriel et à pluriel uniquement sémitique Que

dans les cas d'emprunts à pluriel suffixal. ainsi, un emprunt comme tlllfuo

" 'téléphone' sera volontiers remplacé par l'alternance téléphone et l'emprunt , tÙlfunat 'téléphones' (pluriel saIn suffixal) par l'alternance les-téléohones,

alors qu'un emprunt comme ~ 'guide' pourra être alterné avec gu1dt en

"

...

(24)

c

(

c

français au singulier, mals Il y a peu de chances que son pluriel Infléchi ~ 'guides' (pluriel brisé ablauté) soit remplacé par l'alternance les-guides, tout du moins chez les locuteurs ne connaissant pas l'origine française de J'emprunt

Il

(ce Qui nous amène aux facteurs d'attitude Que nous analyserons au chapitre 5), En plus des critères morphologiques d'Intégration Que nous venons de signaler, Il faut noter Que lorsqu'un emprunt est bien Intégré, et ce de nouveau chez les locuteurs ne connaissant pas le français, donc chez lesquels aucune Interférence directe n'est possible, Il y a tendance à avoir adaptation au système phonologique de base (bien Qu'on n'ait encore trouvé aucune règle systématique pouvant expliquer la dynamique d'lntégrat1on phonologique). CecJ étant surtout vrai pour les voyelles, le statut phonologique de ces dernières pourrait êtr:,e un Indicateur fiable du degré d'Intégration des emprunts. Ainsi, pour un mot comme placeuse. on pourrait vérifier l'Intégration en arabe marocain (entre autres critères) par le type de vocalisme utilisé: si les locuteurs prononcent leblaS0Z avec un lei à la française, on aurait une Intégration superficielle, et s'Ils prononcent leblasuz en adaptant le /0/ français au phonème marocain le plus proche /u/, on aurait une IntégratIon plus profonde, \

Pour résumer, comme premIer facteur d'Intégr~tlon des emprunts, nous aurions l'adaptation morphologique (sur laque Ile nous reviendrons en détail au chapitre 3). Ëtant donné le caractère Instable et changeant du système actuel, ., Il convient d'affiner la notion d'Intégration afIn de pouvoir vérifier la position d'un lexème sur le continuum pour détermIner son avenJr dans le système lexical de la langue.

A

cette fIn, nous pouvons étudier Je comportement de

1 t

certains sous-systèmes morphologIques (plurIel, dlmlnutlvatlon, etc.> et éventuel1ement phonologiques (vocalisation) IndIcateurs du degré d'adaptation lexical.

(25)

"

-18-L'ex~stence même d'un continuum entre alternance des langues, emprunt ...

superficiellement Intégré (pluriel suffixa!), ~mprunt profondément Intégré (pluriel non-concaténatlf>, et le fait que les frontières entre ces phénomènes soient si perméables et Interpénétrables, signifierait Que le Jeu des règles lexicales (peut-être aussi certaines restrictions de sous-catégorisation, et, en conséquence, certains processus morphologIques et syntaxiques) en vigueur à

J'heure actuelle en arabe marocaIn ressortiraient plus à un composant stylistique (ou sociolinguistique, variable) qu'à un composant central de la Grammaire nucléaire. Ceci se trouve corroboré par le fait qu'aucune contrainte établie pour déterminer le comportement de J'alternance des langues (pour savoir à partir de Quels points l'alternance est possible ou pas) ne fonctionne réellement .pour le Maroc (qu'" s'agisse de la contrainte d'équivalence de Sankoff et Poplack (1981) ou de l'utilisation du Gouvernment par 01 Sclullo et Muysken (J 98 1). Ainsi Bentahlla et Davles <1982 : 329) concluent-Ils pour le cas du Maroc "". that swltchlng Is freely permltted at_ail boundarles above that of the word, sUbJect only to the condition that It entalls no violation of the subcategortsatlon restrictions on partlcular Items of elther language"'2, ~

) , IJ

, '

(26)

(

(

o

NOTES DU CHAPITRE 1 l

1- Signalons cependant Que l'on recense, en moyenne, une proportion de 40 à

60~ de berbérophones sur une populat Ion générale d'environ 21 275 000

. habitants (Galand, 1979 : 107,124), ce Qui représenterait sans dOU!~

'., majorité des marocains. Il existe trois dialectes berbères (Nalt M'barelc, 1 86'

le tashalhett, parlé au sud-ouest d'Ifni, le tamaztght, parlé dans les montagnes de J'Atlas jusqu'à

Taza,

et le tartflt, parlé au nord du pays.

2- Des bédouins, les Beni Hl1al et les MaâQII, originaires de l'Arable méridionale, se sont Introduits au Maroc-'au cours des XIIe et XIIIe siècles (Terrasse, 1950). ''Les parlers bédouins sont ceux véhiculés par les tribus hlJallennes et maâQlllennes, Ils sont en usage principalement dans les plaines ~tlantlQues d'Aslla à Essaouira avec des avancées Intérieures vers la Moulouya et méridionales vers le Sahara" (Boukous, 1979, p. 18).

,

3- "La langue arabe a été Introduite au Maroc à partir de la fin du VI le. s. de l'ère chrétienne au nom de J'Islam; d'abord épiphénomène linguistique, elle a pu par la suite acquérir le statut de langue dominante. Le processus d'arabisation s'est déroulé en trois phases. La phase de l'Intromission est caractérisée par les raids Intermittents des troupes musulmanes (640. QQba ben Naftâ, 711:

Moussa ben Nouçalr, etc.), mals leurs avancées sont mitigées en raison de la résistance des autochtones (épisodes Kousayla, AI Kahlna, Maysara, etc.>. la

phase de renforcement est représentée par la- création de Fès en 808. Par son rayonnement, cette ville a arabisé les populations environnantes et cel1es Qui se trouvent sur la route Qui la relte aux ports. Enrtn, l'action de Fès a été affermie par l'introduction des Bent HlIal et MaâQjJ respectivement aux XIIe et XIIIe slèc les. Ainsi l'arabisation amorcée par le noyau "andalou" est-elle définitivement consolidée par les bédouins originaires de l'Arabie méridionale. Nous pouvons est Imer Que la carte linguistique du Maroc est fixée dans ses grandes lignes depuis le XVIe siècle: les plaines atlantiques et Intérieures sont essentlell~ent arabophones (exception faite du Souss) tandis Que les montagnes sont exclusivement tamazlghtophones". (Boulcous, 1979, p. 17).

G

4- Les dialectes se sont distingués de l'arabe classique au cours d'une lente histoire de contacts; le substrat berbère de la populat1on Joue certainement un rOle majeur dans rédlflcation de ces dialectes. On peut toutefois considérer l'arabe classique d'auJourtrhut comme assez représentatif de ce que fut le protO-dialecte. "De~ ~arguments historiques militent en f~veur de cette

(27)

..

_-û

o

'!

o

-

20-hypothèse. J'arabe classique n'a pour ainsi dire pas 'évolué depuis l'hégire (circonstances religieuses); on peut donc affirmer que les premiers arabes Qui ont Islamisé le Maroc parlaient une langue assez semblable à l'actuel arabe classique. L'arabe marocain a dû se développer à travers les contacts avec le berbère et le franç~ls. Les différences essentielles entre arabe claSSIque et arabe marocaIn sont donc dues pour la majeure partIe au contexte polyglosslQue dans lequel J'évolution a eu Heu, par des processus d'emprunt à tous les niveaux (phonologique, morphologIque, syntaxIque et lexlca1)" (Beaumont & Mkoun, 1986, note 1).

. 5- Ainsi, à l'tcole Normale Supérieure de Fès, où nous avons travaillé pour notre recherche, l'unique langue d'enseignement pour les domaines sclentlrtQues (chimie, physique, mathématique .. ,) est le français.

1

J •

6- Carmen Mata (Rossillon, 1 ~83 . 134-135), dans sa récente étude' de démographie I1ngulstique, donne les chIffres suivants concernant la populatIon francophone au Maroc en 1980 pour les 10 ans et plus: hommes (2 488 500),

femmes (1 249600), total (3 738 100)< sur une population globale estimée à

21 275 000 habitants (selon Quld 1985) Pour l'an 2000, elle prévoIt Que la

populat ion francophone sera de 9 071 900, le pourcentage de francophones pour le Maroc étant de 60%. Elle conclut pour le Maghreb: "Alors Que la populatIon passera 1 t de 4t:: 569 700 hab 1 tan ts en 1980 à 83 1 OS 600 en 2000, soIt un taux d'accroissement en vingt ans de 82,4%, le nombre des francophones augmenteraIt en vingt ans à un rythme de 160,2%." BIen que nous croyons ces chiffres fort exagérés, Ils Indiquent tout de même la place Qui est faIte au français au Maroc

7- Boukous (1979) critique la formule de Ferguson pour le Maroc. PremIèrement, elle présenterait des amblgultés au niveau de la dIglossie arabe. selon les critères de Stewart (1968), l'arabe marocain ne serait pas un , vernaculaIre (i.e. un langage natIf non standardIsé), mals un dIalecte (I.e. la variété régionale et sociale du standard, entendez l'arabe classique); sur ce poInt, nous ne sommes pas d'accord avec Boukous, nous avons montré dans un précédent article (Beaumont & Mkoun, 1986) la dIstance structurale Qui sépare

"

.

J'arabe marocain de l'arabe classique, d'un point de vue purement synchronique, nous avons affaIre à deux systèmes Indépendants, donc aut~es, dont l'un par conséquent (1'#1) peut être conSIdéré comme un vernaculaire. le fait Que ces

deux systèmes portent le nom d'arabe est bIen plus dû à des raisons historiques et Idéologiques Que l1ngulsttques. Boukous ajoute également Que l'on devrait affecter à l'arabe marocain la fonction (w) eA tant Que IIngua franCà nationale,

la Jonction (1) Internationale à J'arabe classique en tant Que langue de travail à

1

1

(28)

(

.-c

l'ONU, et la fonction (J) littérature au français en tant que moyen d'expression

littéraIre au Maroc. .

Deuxtèment, Boukous ne trouve pas pertinent le fait de dIstinguer entre trois types de berbère, l'un comme langue majeure, les deux autres comme langues . mineures, "sur le plan statistique, les trois dialectes dépassent le cap du million de locuteurs qui' définit cette classe (I.e.: LmaJ) et sur le plan fonctionnel, Ils ne se distinguent que par la fonction (D qui semble être

1 l'apanage du tachelhlt H

(Boukous, 1979 : 29). Il propose donc la nouvelle

1 fgrmule suivante. "Sl maJ. (Cortes) : Dw, Sles) Vg (1) • Ol min. + Ol

spéc. ou en élfmlnant les redondances: • Sl

maJ.

(C orl : Dw, S lei Vg (1).

1". Nous laissons au lecteur le sôln de Juger.

"

8- "Dlglossla Is a relatlvely stable language situation ln whlch, ln addition to the prlmary dlalects of the language (whlch may Include a standard or reglonal :'standards), there Is a 'very divergent, hlghly codlf1ed (often grammatlcally more complex) superposed varlet y, the vehlcle of a large and respected body of wrltten Iiterature, elther of an earller perlod or ln another speech communlty, whlch Is learned largely by formai education and 15 used for most wrltten and formai spoken purposes but Is not used by any sector of the commun1ty for ordlnary conversation", Ferguson (1959: 245),

'9- Cette fonction ()), Introduite par Boukous (1979), est commune à la fots au français et à l'arabe classique; en effet, ces deux langues servent d'outil d'expression littéraire au Mar.oc: non seulement exlste-t-II une littérature marocaine d'expression arabe, mals aussi une Importante Itttérature marocaine d'expression française (cf, Tahar ben Jelloun, Abdallah Bounfour, Mohamed Choukrl, Mohammed Azlz Lahbab'l, Zaghloul Morsy, entre autres),

10- Certa1ns auteurs (Sankoff & Malnvltle, 1986) ne font pas de distinction entre "code-mlxlng" et "code-swltchlng"; Ils regroupent les deux phénomènes sous un seul. "l'alternance des langues", D'autres, tels que Srldhar & Srtdhar

(1980), font la distinction: "Code rriixingrefers to the transition from uSlng

Itngu1stlc unlts (words, phrases, clauses, etc.> of one language to uslng those of another wlthln a single sentence, It Is to be dlstlngulshed from the better known term code switc/Jlng ln two respeêts. (1) each Instance of language altematton ln CM 15 not accompanled bya shtft ln the speech situation <...>, and

(2) the language alt,ematlons take place Intra-sententtally" (Srldhar 8< Srldhar,

1980 : 4Q8-409>' La phrase suivante serait un exemple de "code-swltchlng"

entre de l'anglais et de J'espagnol: "There..are go dltldren 10

the

oetghborboog, Bien. sJ. hay crtaturas" (JI n'y a pas d'enfants dans le voisinage. Bien sil 11 y a

(29)

-0

\ .' '/ ... , '.-" r (. ' , "

-22-représenterait un cas de "code-mlxlng": '1 en Puerto Rico he would say Que cQrtaba cana, eyen though teo)a su negoclo, you know· <Et à Porto RIco, 11 diraIt Qu'jJ coupait la canoe, même s'II avait son commerce, vous savez>. (SankoH &

Poplack, 1981 : 24),

11- Le groupe Sankoff /Nalt M'barek du Centre de Recherche Mathématique de "Université de Montréal travaille actueJlement sur un projet concernant l'alternance des _ langues entre Je français et l'arabe marocain; bIen qu'Ils n'aient pas encore publié leurs conclusions, nous avons eu accès à l'Important corpus_(plus de 1000 phrases alternées) Qu'Ils ont établI.

-12- Bentahlla et Davles ( 1982) et Heath (1983) émettent même des réserves quant à l'tmposslblltté d'alterner au sein d'une même entité lexicale. Ainsi, une

forme comme ma-ta-y-t-7ütlllza-w-s 'Ils ne sont pas utilisés' (Heath, 1983 :

39) pourrait bien être un c-as d'alternance Intralexèmlque.

\

..

(30)

c

c

\ l

c

Ch_pUre 2: MéthodologIe

l'étude détaillée d'un échant Illonnage de faits I1ngulst IQues savamment circonscrits peut donner une bonne Idée d'ensemble du comportement général

,

d'un système linguistique et de son évolution. Afin de vérifier les hypothèses émises précédemment, nous avons choisi d'étudier le fonctionnement d'un

,

-sous-système de l'arabe marocain, à savoir, l'emploi effectif de certains emprunts à pluriel variable par une population déterminée et les attitudes de cette dernière envers ceux-cf. Pour ce faire, nous avons procédé à une enquête sociolinguistique au Maroc, dont nous allons examiner maintenant la méthodologie employée.

2. 1. Données, variables et sujets 2. I.l! Les données

l'élaboration du corpus de données fut établie avant notre départ pour le Maroc auprès d'Informants marocains étudiant à Montréa1. Nous avons travall1é d~ façon à obtenir u~e Hste de 120 emprunts, parmi lesquels nous comptons 30 mots avec un pluriel sain suffixal (A) exclusivement, 30 autres avec un pluriel brisé (B) seulement, et 60 lexèmes à pluriel variable, c'est-à-dire (A) et (6).

le but de l'étude de ce dernier groupe de mots est de déterminer si l'usage de l'un ou J'autre pluriel (rappelons-re, l'un (A) employant un processus de

,

suffixation commun aux langues à morphologie concaténatlveJ et l'autre (6)

usant d'un système Inflectlonnel ablauté propre; aux langues sémitiques, à ,

morphologie non-concaténatlve) est conditionné sociologiquement et de voir de quelle manière les facteurs d'attitude Influencent la dynamique du processus. Parmi ces 60 emprunts, nous en avons choisi 30 au hasard. Arrivés sur les

(31)

" l,' ..,-/"'\ \

o

• -24-•

.

lieux de J'enquête (Fès), et du fait que les Informants marocains de Montréal originaires de Rabat pariaient un dialecte légèrement différent du vernacul~lre fassl, nous avons remarqué que 8 des emprunts établis au Canada n'étalent pas

, >

en usage à Fès; nous les avons donc simplement laissés de cOté et nous en sommes tenus aux 22 mots Que voici romanisés:

Emprunts au singulier 1)- nlmlru 'numéro' 2)- garru 'cigarette' 3)- .1I.oJ. 'Ittre;' 4)- Jarda' Jardin' 5)- teober 'timbre' 6)-

lllm

'un bon' 7)- ~ 'as' 8)- Tabla 'table' 9)-

bar.

'bar' 10)-,

llim

'film' 11)- shl1ya 'chaise' 12h shlfur 'chauffeur' 13)-munaDa 'limonade' 14)-magana* 'montre' 15)- fersh1Ta 'fourchette' 16)-maklna 'machIne'

17)-I<S!Da, 'ace ident'

18)- SanDala 'sandale' 19)-!Usk 'disque' 20)-blaSa 'place' 21)-rwlDa 'roue' 22)-blaka 'plaque' pluriel sarnW = (A) nlm Irwat • (h) garruwat • (A) ITruwat - (A) Jardat - (A) tenbrat • (A) buoat

:II (A) laSat

.. (A) Tablat • (A) 12ar:a ... (A) fi lm-al' ... (A) shllyat • (A) shlfurat

=

(A) munaDat • (A) magaoat • (Al fersh1Tat • (A) makloat .. (A) kSIDat

:r& (A) SaoDalat

.. (A)" dlskat

• (A) blaSat - (A) 'rwlDat .. (A) blakat

*

Cet emprunt est d'or1gine douteuse .

Pluriel brisé

<6>

(6) nwamer (6) gwarro (B).1I.ara (6) .

.1Œ11

(6) tnaber (6) bbwan (6).l.1Sao. (6) Tball/ Twabel (6)bl!:an (6) 7e(Jam (6).sJlll-(6) shyarer (6) mwaneD (6) éowagen (6) frashet (6) mwaken (6) kSayed (8) Soadel (8) dyask (8) bJayes (6) rwayed (6) blayek "

(32)

,.c

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c

2.1.2. VarIables et sujets

,

Les variables soclo"'économlques que nous avons utilisées en corrélation avec Jes tests d'usage et d'attitudes sont Je sexe et le niveau d'éducation; le choix de ces variables a été fait selon les résultats obtenus dans diverses études (cf. Scherer, KS. (1979). La variable âge, dont la pertinence semble certaine quant à son rôle dans le fonctionnement varlatlonnlste du système, n'est pas entrée en ligne de compte dans ce travall pour plusieurs raisons: à

cause justement du clivage Important qui sépare les différents groupes d'âge1, une étude qui tiendrait compte de cette variable ne ferait que conftrmer un état de fait prévisible: les Jeunes, de par leur scolarisation plus Intensive et de la

-politique d'arabisation mise sur pied depuis J'Indépendance (cf. Grandgull1avme,

.

1983), ont à la fols une attitude plus positive envers l'arabe et une

connaissance plus approfond1e de la langue Impériale, le français, les gens âgés, qu'Ils connaissent l'arabe, le français, ou les deux, ont pour la plupart 'une attitude très favorable envers le français, souvent au détriment de J'arabe, et un nlvea.u de scolarisation très bas (Bentahila, 1·983); ainsi, nous avons deux groupes certainement caractérisés par un comportement linguistique différent: le groupe âgé qui devrait reflèter des traits plus conservateurs (quant à

l'emprunU, le groupe des Jeunes, dont la consclentlsatlon J1ngulstlQue est plus nette et qui subit-les courants soclo-polttlQues actuels de façon plus directe.

~

La principale raison pour laquel1e nous"nous sommes Itmltés à un ensemble de sujets âgés de 15 à 30 ans est que ces sujets sont nés,après l'Indépendance du Maroc. En tant que générat Ion future de ce pays, Ils sont les plus aptes à

représenter Je comportement linguistique à venir (d'autant que, facteur

, '

.

démographique non négligeable, ce groupe représente la majorité de la populatfon; en effet, 56~ de la population, au Maroc a motns de 20 ans). La'

(33)

-o

o

-

26-"il

sltuatton soclo-polttlque actuelle étant Instable, de grands changements peuvent se produire dans J'avenir Qui affecteront ce groupe d'age de façon radicale.

D'autres variables, telles que le facteur ethnie (arabe, berbère, JUif,

~

français, espagnoD, le facteur religion (musulmans, Israélites, chrétiens) auraient pu entr:er en 1 Igne de compte; la raison pour laquelle nous ne les avons pas pris en consldér.atlon est qu'à chacun de ces groupes ethniques et religieux correspond un dialecte spéclf.tque. Or, dans toute étude linguistique, Il faut qu'II y ait cohérence quant à la définition précise du domaine étudié. Nous avons choisi J'arabe marocain te 1 Que parlé1laf1'es arabes musulmans de Fès, et y Introduire d'autres groupes dont la langue maternelle est différente aurait Invalidé notre recherche. C'est pour cela Que nous avons demandé à nos sujets de rempltr une fiche socIologique (cf. 2.2.1'> contenant des InformatIons propres à contrôler les crItères d'admissIon aux tests (I.e.c ethnie, religion, etc.>.

Une dernière varIable dont nous avons tenu compte mals QuI n'apparaTt pas

-expHcltement est le niveau SOCiO-économique des locuteurs. Nous a~ Inclus ce crItère sous la variable éducation; en effet, au Maroc, Qui dit éduqué dit de condition sociale plus élevée que la moyenne "et de nlveJu économique plus grand, et qui dit non-éduqué dit niveau SOCiO-économique

PIU~

bas (cf. 2. 1.2.2'>'

2. 1.2.1. Le facteur sexe

L'Importance de la variable sexe dans J'utilisation du langage a été démontrée par plusieurs auteurs <Trudgl1 1, 1974, Labov,1976, Smith, 1979 par exemple). Ainsi, 11 a été montré que les femmes tendent à utiliser des formes Ungulstlques se rapprochant plus de la variété standard de la langue ou de

(34)

c

c

l'accent le plus prestigieux, ce Qui ~Ignlfleralt Que les fbrmes employées par les remmes seraient souvent considérées comme 'meilleures' que cel1es des hommes nrudgll1, 1974 : 85); ngu'S tâcherons de voir si cet aspect s'avère

, \

\

pertinent dans le cadre de notrehJétude .. ttant donnée la nature sociale du phénomène IIngùlstlQUe, on s'attend à ce Que l'utilisation. de certaines formes

.

langagières soit reliée d'une manière ou d'une autre à certaines attitudes sociales. Ainsi, le langage doit refléter le fait Qu'II existe des rôles sociaux

~

prédéterminés pour les hommes et les femmes èt Que le comportemen.t

"

langagier des locuteurs découle directement de cet état de chose. Plus les

.""

,différences entre les rôles sociaux des hommes et des femmes dans une - communauté particulière sont marquées et Inflexlbl~s, plus les différences Ungulst IQues ont tendanée à être grandes et rigides; car Il faut bien comprendre que les phénomènes dus au sexe des locuteurs ne ressortissent pas

,

à la distance sociale (comme c'est le cas de variables telles que J'origine géographique, l'appartenance ethnique ou SOCio-économique des locuteurs),'

...

mals bien à la différence sociale qUf existe entre les Individus de sexe différent,

.

ët que le langage est un des moyens de marquer cette différence

~

(Trudgl Il, 1974. 88): En cons~Quence, étant donnée la rigidIté des structures

comportement~les régissant J'interaction entre hommes et femmes au Maroc,

,

on s'attendrait à ce Que les femmes aient un langage distinct de celui des hommes2.

2.1,2.2. Le racteur éducation

Le Maroc est un pays socialement stratifié en deux grandes cJasses: d'une part, une classe dirigeante, extrêmement riche et puissante, éduquée et assez occidentalisée, et d'autre part, une classe énorme de gens vivant sous le seu1J

(35)

o

.'

o

-

26-de la pauvreté et analphabète 01 y aurait ,

en

effet, rappelons-le, plus de 701

d'analphabètes au Maroc). la classe moyenne (ou petite et moyenne bourgeoisie), est très peu nombreuse; éduquée elle aussi, elle est essentlel1ement représentée par les membres du corps enseignant; ainsi, on peut s'attendre à ce que le comportement linguistique de la classe moyenne converge vers celui de la classe supérleuré ou Qu'jJ lui soit Identique. Nous avons donc dé1tmlté deux groupes de personnes pour l'enquête: les éduqués (des étudiants, âgés de 18 à 30 ans, de l'Ëcole Normale Supérieure de Fès <ENS) se spécialisant pour la plupart en chimie, physique et Jettres clas~lques et modernesJ> et des non éduqués généralement analphabètes (provenant tous de la médina de;.fès, I.e. Fas al Bali). Nous avons donc deux bassins de population extrêmes, représentàtlfs de la situation sociale marocaine.

1

2. J .2.3. Les sujets

Les données furent recuellltes auprès de N=70 personnes4, 34 femmes et 36 hommes. Chaque sujet fut sélectionné selon les variables données précédemment et selon des critères statlsUques préCiS: notre échantillonnage représente la vtJIe de Fès (plus précisément la médina de Fès, milieu des plus fermés, non seulement par des enceintes médiévales fortlttées, mals par son étanchéité Vis-à-vis des étrangers). Les sujets éduqués (N-36, 16 femmes, 20 hommes) sont tous originaires de la médina et étudient à J'ENS de Fès. Nous les aVons choisis en demandant la liste de 100 étudiants de J'Ëcole (sur laquelle

figure J'origine géographique - Fas al BaH pour la médina) et en en prenant 36 •

au hasard. Pour les sujets non éduqués, comme Il n'existe pas de Itste de recensement oHlclelJe de la population (les autorités ne savent même pas le nombre exact de la population de la médina), nous n'avons pu faire , de choix

(36)

(

1 J

/

aléatoire . systématique; ce dernier s'est donc fait au hasard des rues et nous avons regroupé Nz3~sujets, 18 femmes et 16 hommes.

2.2. La cue' J lette des données

Les données furent recuell11es selon une méthodologie dont nous aHons maintenant exposer les ~trandes 1 Ignes. Notre connaissance de la langue arabe étant limitée au code écrit et normatif ainsi qu'à son fonctionnement structurel, nous avons fa1t appel à deux marocains pour mener les tests. Tous deux, un homme et une femme, étalent éduqués et avalent été mis préalablement au courant de la problématique. Ils avalent un contact très facl le avec les gens et parlaient le dialecte commun aux fassls. Le marocain a 'Interviewé les sujets masculins et la marocaine les sujets fémln1ns, de façon à

"

--ce qu'II n'y ait pas d'Interféren--ces dues au sexe des enquêteurs. Deux types de tests ont été établ1s. (1) un test sur l'utl J1satlon des emprunts au plurfe 1. (2)

deux tests d'attitude. un premier concernant les attitudes pOSitives ou négatives des locuteurs envers les pluriels et un second sur le degré de conscience ("awareness") d~ l'origine des emprunts.

2,2,1. Les tests d"utillsation des emprunts

la première partie du test consistait en des renseignements soclo-démographlques sur les sujets: ( 1) l'âge, (2) le sexe, (3) la religion, (4)

lalles langue(s) materne lle(s), (5) les langues parlées (nous demandions également la façon dont la langue fut apprise, le nombre d'années d'études), (6)

"

,'ethnie (arabe ou berbère), (7) le nombre d'années de scolarité, (8) la

Figure

Tabla  Tablat  Tballl Twabel

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