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Musique pour luth jouée à la guitare moderne : adaptation de suites de Silvius Léopold Weiss pour la guitare à 11 cordes

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

© Afshin Torabi Ardekani, 2020

Musique pour luth jouée à la guitare moderne.

Adaptation de suites de Silvius Léopold Weiss pour la

guitare à 11 cordes

Thèse

Afshin Torabi Ardekani

Doctorat en musique

Docteur en musique (D. Mus.)

(2)

Musique pour luth jouée à la guitare moderne

Adaptation de suites de Sylvius Leopold Weiss pour

la guitare à 11 cordes

Thèse de doctorat en musique — interprétation

(D. Mus.)

Afshin Torabi Ardekani

Sous la direction de :

Professeur Richard Paré, directeur de recherche

Professeur Michel Cardin, codirecteur de recherche

(3)

ii

Résumé

Cette étude a pour objectif de transcrire une sonate (synonyme, en Europe centrale à l’époque, de suite, partie ou partita) pour luth baroque à 11 chœurs de Sylvius Leopold Weiss (1687-1750) pour guitare moderne à 11 cordes et d’analyser la manière dont nous pouvons intégrer et interpréter cette musique sur un instrument moderne. L’adaptation de la musique de Weiss à la guitare à 11 cordes est un sujet original, car cette musique, conçue pour le luth, sera fidèlement respectée en gardant le même accord (contrairement aux transcriptions ordinaires impliquant un changement d’accord). La démarche vise donc à préserver l’intégrité de l’œuvre par le biais d’une approche soucieuse de respecter l’intention et l’esthétique du compositeur. Ma recherche porte sur les œuvres de Weiss composées entre 1717 et 1719 pour luth à 11 chœurs (Lundberg, 2001). La Sonate no 1 du Manuscrit de Londres est sélectionnée ici, car elle représente bien les divers aspects du travail de Weiss et on peut y voir tous les éléments clés de sa musique (Cardin, 2005). Ainsi, mes analyses commencent par les bases de la transcription de la musique pour luth sur la guitare à 11 cordes, elles se développent ensuite par des sujets plus complexes comme les ressources stylistiques et se terminent avec les pratiques ornementales de rigueur à cette époque. L’ornementation est l’ajout final dans l’interprétation de cette musique baroque. Elle fait appel à l’imagination et aux connaissances stylistiques, harmoniques et contrapuntiques de l’interprète.

(4)

iii

Table des matières

Résumé ... ii

Table des matières ... iii

Liste des figures ... v

Liste des tableaux ... iii

Introduction ... 1

Chapitre 1 ... 3

1.1

Manière d’adapter cette musique pour luth à la guitare à 11 cordes ... 3

1.2 Les questions de recherche ... 4

1.3

Thèses de doctorat et documents sur Weiss ... 4

1.4

Éditions de la musique de Weiss ... 5

1.5

Biographie ... 6

1.6

Œuvres de Weiss entre 1717 et 1719 pour luth à 11 chœurs ... 8

1.7

Le Manuscrit de Londres ... 9

1.8 Structure de la Sonate n

o

1 en fa majeur ... 9

1.9

Style galant de Weiss ... 10

Chapitre 2 ... 15

2.1

Luth de Weiss et guitare à 11 cordes ... 15

2.2

Guitares multicordes ... 18

2.3

Les deux principaux éléments de la guitare à 11 cordes originale ... 18

2.4

Guitare à 11 cordes accordée comme le luth en ré mineur ... 19

2.5

Apprendre à lire les manuscrits et faire les transcriptions en notation moderne ... 21

2.6

Comment identifier les rythmes dans la tablature ... 22

2.7

Alternance de cordes et arpèges ... 25

2.8

Évolution des doigtés chez Weiss ... 27

Chapitre 3 ... 30

(5)

iv

3.2

Liaisons ... 31

3.3

Trille (ou Tremblement) ... 39

3.4

Vibratos « Bebungen » ... 39

3.5

Les signes ornementaux chez Weiss ... 40

3.6

Les agréments baroques ... 43

3.7

Diminutions ... 43

3.8

Comment j’embellis la Sarabande de la Sonate n

o

1 de Weiss ... 46

3.9 Style brisé et prélude non mesuré ... 54

3.10 Préludes de Weiss ... 55

3.11 Le caractère des préludes de Weiss, œuvres entre 1717 et 1719 ... 56

3.12 Prélude de la Sonate n

o

1 ... 57

Chapitre 4 ... 67

4.1

Revoyons ma démarche avant de conclure ... 67

4.2

Questions légitimes ... 67

4.3

Mon interprétation du Prélude de la Sonate n

o

1 ... 70

4.4

Ornementation suggérée pour l’Allemande de la Sonate n

o

1 ... 72

4.5

Ornementation suggérée pour la Sarabande de la Sonate n

o

1 ... 75

4.6

Ornementation suggérée pour le Menuet de la Sonate n

o

1 ... 80

4.7

Courante, Sonate n

o

1 : Méthode de Weiss ... 85

Conclusion ... 89

(6)

v

Liste des figures

Figure 1 : Weiss, Allemande, Sonate no 1, mesures 5 et 6 ... 12

Figure 2 : Weiss, Menuet, Sonate no 1, mesures 1, 2, 3, 4, 5, 6 ... 13

Figure 3 : Weiss, Bourrée, Sonate no 1, Cadence IV-V-I dans les 3 dernières mesures ... 13

Figure 4 : Weiss, Sonate no 1, Prélude : forme d’arpège avec la sensible ... 13

Figure 5 : Weiss, Courante, Sonate no 1, les basses chantantes et animées ... 14

Figure 6 : Courante, autres exemples ... 16

Figure 7 : Weiss, Allemande, Sonate no 1, ... 23

Figure 8 : Weiss, Prélude, Sonate no 1 , ... 23

Figure 9 : Signe rythmique au début de l’Allemande ... 24

Figure 10 : Fin du prélude ... 25

Figure 11 : Courante, mesures 20 à 30 ... 27

Figure 12 : Weiss, Menuet, Sonate no 1 — Londres, mesures 52, 53, 54 ... 28

Figure 13 : Menuet-Dresde, mesures 52, 53, 54 ... 28

Figure 14 : Liaisons dans l’Étude du luth de Baron, 1727 ... 32

Figure 15 : Menuet, mesures 8 et 9 ... 33

Figure 16 : Weiss, Allemande, Sonate no 1, mesure 2 ... 35

Figure 17 : Allemande, mesure 5 ... 35

Figure 18 : Allemande, mesure 18 ... 36

Figure 19 : Allemande, mesure 22 ... 36

Figure 20 : Allemande, mesure 25 ... 37

Figure 21 : Allemande, mesure 28 ... 38

Figure 22 : Trille (Baron, 1727) ... 38

Figure 23 : Vibrato (Baron, 1727) ... 39

Figure 24 : Autre vibrato (Baron, 1727) ... 39

Figure 25 : Les signes ornementaux (Chiesa, 1967) ... 39

Figure 26 : Trille, (Chiesa, 1967) ... 41

Figure 27 : Autre trille (Chiesa, 1967) ... 41

Figure 28 : Acciaccatura (Chiesa, 1967) ... 41

Figure 29 : « R » : petite reprise à la française ... 44

Figure 30 : Petite reprise à la française dans l’Allemande ... 44

Figure 30.1 : Diminutions suggérées dans le manuscrit, Allemande, Sonate no 1……….. 44

Figure 30.2 : Diminutions comparées, Allemande, Sonate no 1………. 45

Figure 31 : Petite reprise à la française dans la Bourrée ... 46

Figure 32 : Weiss, Sarabande, Sonate no 1, mesure 1 ... 47

Figure 33 : Sarabande, mesure 2 ... 47

Figure 34 : Sarabande, mesure 3 ... 48

Figure 35 : Sarabande, mesure 5 ... 48

Figure 36 : Sarabande, mesure 10 ... 48

Figure 37 : Sarabande, mesure 11 ... 49

Figure 38 : Sarabande, mesure 12 ... 49

Figure 39 : Sarabande, mesure 13 ... 50

Figure 40 : Sarabande, mesure 14 ... 50

Figure 41 : Sarabande, mesure 16 ... 51

Figure 42 : Sarabande, mesure 17 ... 51

(7)

iii

Figure 44 : Sarabande, mesure 27 ... 52

Figure 45 : Sarabande, mesures 28 et 29 ... 52

Figure 46 : Sarabande, mesure 30 ... 52

Figure 47 : Sarabande, mesure 32 ... 53

Figure 48 : Sarabande, mesures 33 et 34 ... 53

Figure 49 : Sarabande, mesure 35 ... 53

Figure 50 : Couperin, Prélude à l’imitation de Mr. Froberger (Ledbetter, 1984) ... 54

Figure 51 : Le caractère des préludes de Weiss, 1717, 1719, (Smith, 1977) ... 56

Figure 52 : Weiss, Sonate no 1, Prélude : les 27 premiers accords ... 57

Figure 53 : F. Campion, Règle de l’octave, « Prototype majeur » (Nicolas, 2018) ... 57

Figure 54 : F. Campion, Règle de l’octave, « Prototype mineur » (Nicolas, 2018) ... 58

Figure 55 : PROLATION, au début du manuscrit et du prélude ... 58

Figure 56 : Prélude, Octave de Fa ... 60

Figure 57 : Octave de Do ... 61

Figure 58 : Octave de Do ... 61

Figure 59 : Octave de Fa ... 62

Figure 60 : Codetta et nouvelle partie du Prélude ... 63

Figure 61 : Cadence sur  pédale de dominante ... 64

Figure 62 : Octave de Fa, Finale ... 65

(8)

iii

Liste des tableaux

Tableau 1 : Le type d’accord principal de la guitare à 11 cordes ... 19 Tableau 2 : L’accord du luth à 11 chœurs en ré mineur ... 20 Tableau 3 : 1re ligne : accord du luth à 11 chœurs en ré mineur

2e ligne : accord standard de la guitare à 11 cordes ou guitare alto (similaire au luth en sol) 3e ligne : scordatura (accord différent) pour guitare à 11 cordes en ré mineur au 440hz

4e ligne : scordatura pour guitare « mineure » à 11 cordes au 415hz et en do # mineur………. 21

Tableau 4 : Luth en ré mineur ... 22 Tableau 5 : Diapasons ... 22 Tableau 6 : Résumé des agréments baroques ... 43

(9)

iv

Remerciements

Je tiens à remercier mon directeur de recherche à la Faculté de musique de l’Université Laval, le professeur Richard Paré. Il m’a encadré tout au long de mon programme et a partagé avec moi son savoir et son expérience en lien direct avec mon projet de recherche. Malgré un horaire chargé, il m’a consacré tout le temps nécessaire pour la bonne marche de mon doctorat. Je tiens aussi à le remercier pour sa gentillesse et pour les nombreux encouragements qu’il m’a prodigués.

J’ai beaucoup de reconnaissance et d’admiration à témoigner envers mon codirecteur de recherche, le professeur Michel Cardin de l’Université de Moncton. C’est un grand honneur qu’il m’a fait en acceptant cette codirection, à la fois comme interprète, professeur, pédagogue et comme grand chercheur, étant une importante référence pour l’œuvre de Sylvius Leopold Weiss.

Je remercie Monsieur Rémi Boucher, mon professeur de guitare depuis plus de huit ans. C’est à ses côtés que j’ai compris ce que rigueur et précision voulaient dire.

Enfin, je tiens à remercier ma conjointe, Parinaz Hami, qui m’a soutenu et encouragé pendant tout ce processus.

Je dédie cette thèse à mon très cher père Naser Torabi Ardekani qui été mon premier professeur de guitare qui a quitté ce monde il y a 4 mois ! تﺎﮭﯾرﺎﮐداﻓموﻣ ﺗیار ﺑﯽﺳرﻣ ﺑﺎﺑﺎ

(10)

1

Introduction

L’adaptation de la musique de Weiss pour guitare à 11 cordes permet un accès direct et fidèle aux œuvres telles qu’écrites, comme c’est le cas pour le piano et les œuvres pour clavecin. Mais comme pour le piano et son rapport avec le clavecin, il y a une part délicate dans notre adaptation, soit la considération de l’ajustement technique nécessaire de l’exécution pour un rendu sonore adéquat. Cependant, cet ajustement est avantagé ici car du clavecin au piano il y a la différence importante des cordes pincées vs les cordes frappées alors que luth et guitare n’ont pas de différence à ce point de vue. Par ailleurs, leur différence sonore comporte un élément intéressant, la couleur. Au-delà de l’enveloppe sonore générale, due aux agencements différents des pièces de bois, cette couleur provient en fait de la doublure des cordes au luth, par unissons ou octaves et qui donnent cette caractéristique chatoyante, absente de la guitare. Toutefois, la couleur sonore différente de la guitare à 11 cordes, et il faut insister sur cet atout, n’infirme en rien sa fidélité remarquable quant à la sonorité générale. Ce que nous voulons démontrer ici, c’est que ce rapprochement sensible peut se faire malgré tout sans faire la moindre concession quant à la technique d’exécution établie de la guitare moderne.

Étant donné que les recherches musicologiques ont souligné l’importance du rôle de l’interprète dans l’ornementation de la musique de Weiss (Crittenden, 1996 ; Smith, 1977 ; Cardin, 2005 ; Crawford, 2007), le processus d’analyse de cette étude fonctionne ainsi : il commence bien sûr par les bases de la transcription à partir de la tablature pour luth, nous fait passer ensuite aux sujets plus complexes comme les ressources stylistiques, et opère sa finalisation avec les pratiques ornementales d’usage à l’époque. Une question importante qui peut être soulevée dans le cadre de l’étude consiste à se demander quel est l’intérêt d’adapter cette musique pour luth à la guitare moderne. Les arrangements et les transcriptions d’œuvres pour la guitare, en particulier les œuvres pour luth des époques Renaissance et baroque, constituent une grande part du répertoire de la guitare moderne.

À ces époques, il n’existe pas de répertoire pour instrument à six cordes sauf pour le luth Renaissance à 6 chœurs (cordes doublées sauf la première). Afin d’être en mesure d’exécuter le répertoire des autres instruments anciens que sont le luth baroque, la guitare Renaissance, la guitare baroque et le théorbe, les guitaristes d’aujourd’hui, qui trouvent compliqué d’apprendre à jouer ces instruments anciens, n’ont d’autre choix que d’adapter à la guitare moderne les œuvres destinées à ces instruments. Aux 16e et 17e siècles, de nombreux compositeurs ont écrit principalement pour le luth. Le luth étant un proche parent de la guitare, il est donc naturel pour les guitaristes de s’approprier son immense et magnifique répertoire (Serrano, 2016).

(11)

2

La Sonate (ou Suite) no 1 du Manuscrit de Londres, une composition de Sylvius Leopold Weiss, grand luthiste et compositeur allemand du 18e siècle, est choisie pour cette recherche. Weiss est une figure de premier plan parmi les compositeurs pour luth baroque. Des publications comme Étude du luth de Ernst Gottlieb Baron sont des témoignages éloquents de la qualité et de l’influence déterminante des travaux de Weiss au terme de cette époque baroque. Cet ouvrage décrit Weiss comme le plus grand luthiste ayant jamais existé :

The first to show that more could be done on the lute than was hitherto thought possible. And in regards to his skill, it makes no difference whether one hears an ingenious organist performing his fantasias and fugues on a harpsichord or hears Monsieur Weiss playing. (Baron, 1727, p. 113 — traduction anglaise de l’allemand de D. A. Smith)

Même ses contemporains, parmi lesquels un certain J. S. Bach, admiraient tout autant ses qualités de compositeur et ses dons d’improvisateur. Bach lui-même a transcrit pour violon et clavecin la Sonate 22 pour luth solo de Weiss (BWV 1025). Selon J.F. Reichardt, au sujet de la concurrence à laquelle se livraient les musiciens à Dresde :

Quiconque connaît la difficulté de jouer des modulations et de bons contrepoints au luth sera étonné et croira à peine que des témoins oculaires nous assurent que le grand luthiste de Dresde qu’était Sylvius Leopold Weiss faisait la compétition avec Johann Sebastian Bach, grand claveciniste et organiste, en jouant des fantaisies et des fugues. (Reichardt, 1805)

Généralement, on voit une unité dans les sonates de Weiss sur le plan stylistique, on y retrouve les mêmes constructions, les mêmes jeux de rythmes et de marches harmoniques. Mais l’avantage de cette première sonate réside dans sa facture. Elle semble volontairement être un modèle pour permettre de prendre facilement conscience du style des mouvements chez l’auteur (Cardin, 2005). Il existe de nombreuses publications qui proposent des transcriptions pour guitare avec leurs doigtés mais sans donner les informations nécessaires sur les modifications rédactionnelles, telles que les changements d’octaves dans la ligne de basse. En outre, elles ne mentionnent pas les détails relatifs aux caractéristiques stylistiques à considérer pour l’exécution, par exemple de quelle manière le luthiste utilise le style brisé1 ou le style legato2

C’est à ce moment que les choses se compliquent lorsqu’on envisage de transcrire ces œuvres pour guitare moderne. Le musicien est nécessairement confronté à des dilemmes. Étant donné que peu de recherches ont été menées à ce jour sur le sujet, trop de questions demeurent sans réponses.

1 Voir Chapitre 3 « style brisé de Weiss »

(12)

3

Dans cet ordre d’idée, nous considérons qu’il n’y a pour le moment que deux éditions exhaustives de la musique de Weiss en version guitare moderne (une troisième par Michel Cardin doit paraître sous peu) : la première est la transcription de Ruggero Chiesa du Manuscrit de Londres, qui a été publiée en 1967. Chiesa utilise la clé de

sol octaviée qui, à toute fin pratique, sonne à une octave inférieure ; il s’agit de la notation usuelle de la guitare

classique (Chiesa, 1967). La deuxième est l’édition du Manuscrit de Moscou transcrit par Tim Crawford en notation moderne qui a été arrangée pour la guitare à six cordes par Alan Rinehart. Cette édition est l’une des plus complètes quoiqu’encore problématique pour qui veut saisir la démarche entre la source première et l’adaptation proposée (Crawford, 2007) (Rinehart, Editions Orphée 1995).

Chapitre 1

1.1 Manière d’adapter cette musique pour luth à la guitare à 11 cordes

Les œuvres de S.L. Weiss ont été écrites pour l’instrument à 11 ou à 13 chœurs (ou doubles-cordes), ce qui amène beaucoup de difficultés d’adaptation à la guitare à six cordes. Afin de couvrir le répertoire du luth baroque et effectuer son adaptation sur la guitare moderne, les guitares multicordes offrent de plus grandes possibilités. La guitare dite classique, bien connue et majoritairement utilisée, est celle à six cordes. Il existe cependant des guitares classiques avec des cordes supplémentaires, qui peuvent avoir de sept à treize cordes ou même plus, qui nous offrent d’immenses possibilités pour interpréter le répertoire dévolu au luth. La guitare à 11 cordes est peut-être le modèle le plus utile pour jouer la musique destinée au luth baroque « à l’exception du luth » (Johnson, 1998) , en particulier les œuvres de Bach et de Weiss. Cette guitare a été conçue par le luthier suédois Georg Bolin3 avec la collaboration du guitariste suédois Per-Olof Johnson4 dans les années 1960. Ils voulaient apporter un équivalent moderne au luth en gardant les avantages ergonomiques de la guitare moderne (plus forte tension des cordes, plus grand volume, etc.). Johnson a trouvé une façon équilibrée de jouer la musique pour luth en conservant la technique normale de la guitare classique. Il voulait pouvoir faire résonner l’instrument comme le luth en utilisant quand même la technique moderne usuelle de la main droite à la guitare, qui est comme on le sait déterminée par la tension des cordes et leur hauteur différente sur la table d’harmonie, hauteur due au rehaussement de la plaque de touche (Alto guitar, 1998).

3 Georg Bolin, born February 24, 1912 in Guldrupe parish on Gotland, died April 21, 1993, was a Swedish musical instrument designer and builder of guitars and pianos in particular. He was original and inventive, and attracted international attention for creations such as the 8- to 13-string alto guitar. (Alto guitar,1998)

4 Per-Olof Johnson, born October 8, 1928 in Västra Vingåker, died November 8, 2000 in Bara, Svedala Municipality, was a Swedish guitarist and professor. Johnson grew up in Katrineholm. As a young man, he played guitar in Edor Cednert's Old Dance Chapel but then switched to folk songs and classical guitar. He was a teacher at Folkgesskolan in Ingesund 1961–1965, at the Royal Danish Conservatory of Music in 1966 and an associate professor there from 1968. He was a teacher at the University of Music in Malmö 1966–1982 and professor there from 1982–1993. (Alto guitar,1998)

(13)

4

1.2 Les questions de recherche

En considérant l’ensemble des informations disponibles sur l’adaptation de la musique de Weiss, la présente étude vise à répondre aux questions de recherche suivantes :

Comment adapter la musique de Weiss à la guitare ?

Dans quelle mesure pouvons-nous en faire l’adaptation en respectant le style de Weiss ?

Quelles conclusions peut-on tirer, à la suite de l’analyse des différentes versions proposées par les éditeurs ? Quels ornements se trouvent dans ces pièces, où sont-ils placés et doit-on en ajouter ?

Rappelons que la méthodologie utilisée dans cette recherche pour recueillir les données et adapter le style de Weiss sur l’instrument moderne consiste tout d’abord à apprendre à lire la tablature des manuscrits, puis à réaliser les transcriptions en notation moderne. Il faudra ensuite intégrer les deux aspects de la pratique ornementale chez Weiss, soit l’ornementation de base indiquée par signes ou symboles et les diminutions et agréments divers. Puis, l’instrument moderne devra être accordé d’une manière proche de celle du luth. Et finalement, le style brisé et les mouvements de danse devront être analysés pour comprendre le caractère de la musique pour luth allemand de la fin du baroque.

1.3 Thèses de doctorat et documents sur Weiss

Douglas Alton Smith fut l’un des plus importants chercheurs ayant révélé l’ampleur du travail de S.L. Weiss. Dans sa thèse de doctorat, il examine de manière exhaustive les éléments stylistiques des sonates pour luth qui caractérisent le style tardif du compositeur. En outre, il commente abondamment la démarche compositionnelle de Weiss, son style legato caractéristique, les types de luth utilisés par Weiss durant sa vie et la chronologie de ses compositions (Smith, 1977).

Le guitariste David Crittenden a publié une édition à la fois critique et pratique de deux sonates de Weiss qui figurent dans le Manuscrit de Dresde5. Il couvre divers aspects de la transcription de la musique de Weiss à la guitare, tels que l’ornementation d’après l’interprétation de la tablature originale, l’application pratique de questions stylistiques, une discussion technique sur les liaisons, les détails sur le rendu sonore de la musique

5 Environ 21 suites composées probablement après 1725 sont conservées à la Sächsische Landesbibliothek de Dresde qui les a

acquises en 1929 lors de la vente aux enchères de l'importante bibliothèque musicale de Werner von Wolffheim. D'autres pièces de Weiss ont été dispersées en Europe lors de la même vente. http://www.slweiss.com/MsDresde/fr_MsDresde.html (page consultée le 22 Novembre 1998)

(14)

5

à partir de la tablature et l’approche appropriée d’une édition critique de la musique de Weiss. Les recherches de Crittenden se sont révélées très utiles non seulement par leur rigueur, mais parce qu’elles ont également permis de définir les limites de l’originalité de ce genre d’étude. Cela est dû au fait que les deux domaines de cette étude sont :

- L’adaptabilité à la guitare moderne du répertoire de Weiss (comment adapter la musique de

Weiss à la guitare).

- L’utilisation des ressources stylistiques sur la guitare par l’analyse des tablatures d’époque et

la résolution des problèmes techniques concernant l’emplacement des doigts sur le manche de la guitare (Crittenden, 1996).

La thèse de Charles Nelson Amos comprend une description détaillée des différentes techniques utilisées au luth entre 1500 et 1750, année de la mort de Weiss. Amos analyse l’évolution des pratiques au luth en Allemagne au cours de cette période, ainsi que l’influence d’autres pratiques régionales sur les luthistes allemands, connus pour « intégrer le style de musique de leurs voisins ». Ses recherches montrent l’influence du style français. Pour la musique de luth allemande baroque, le style brisé est donc une conséquence naturelle dans les compositions de Weiss. Le travail d’Amos contient également une longue liste de luthistes allemands de 1500 à 1750. Cette description détaillée fournit un panorama clair du terrain et aide à comprendre la stature de Weiss parmi les autres (Nelson Amos, 1975).

1.4 Éditions de la musique de Weiss

La transcription de Ruggero Chiesa du Manuscrit de Londres6 a été publiée en 1967. Chiesa utilise la clé de sol octaviée qui fait résonner les notes à l’octave inférieure ; il s’agit de la notation usuelle de la guitare classique. Dans cette édition, Chiesa a pris soin de donner le doigté original de la tablature pour luth, comme si on avait en main un luth baroque. La transcription est précédée de brefs commentaires sur les éléments biographiques de Weiss, sur la tablature, sur les critères éditoriaux et les pratiques ornementales essentielles. Donc, même s’il manque un fac-similé, nous pouvons comprendre comment fonctionnent les campanellas7 et

le style legato si particulier de Weiss, ce dont nous reparlons plus loin. Nous avons ainsi en bonne partie les doigtés de la main gauche et d’autres informations importantes. Cette édition conserve les liaisons d’origine telles qu’elles apparaissent dans la tablature (Chiesa, 1967).

6 Voir Chapitre « Le Manuscrit de Londres »

(15)

6

L’édition et l’arrangement de Michel Cardin du Manuscrit de Londres pour la guitare à 6 cordes a été publiée en 2017 par Le Luth Doré8. Ce qui prime ici, c’est la préoccupation de rester près de l’original tout en permettant de minimes mais naturelles adaptations. C’est tout le contraire d’une transcription sophistiquée, qui proposerait par exemple différentes scordaturas (accordages inhabituels) ou des changements de notes afin de rehausser l’harmonie ou de faciliter l’exécution (Cardin, 2017).

L’édition du Manuscrit de Moscou9 transcrit par Tim Crawford en notation moderne a été arrangée pour la guitare par Alan Rinehart. Elle contient deux volumes dont le premier a été édité par Crawford. Ce premier volume est une reproduction et une transcription en notation musicale usuelle. Le second contient les arrangements pour la guitare de Rinehart basés sur la transcription de Crawford. Les arrangements de Rinehart n’indiquent pas où se trouvent ses changements éditoriaux, notamment les transpositions des notes de basse à l’octave. Par conséquent, l’interprète devrait consulter le fac-similé de Crawford pour compléter les informations (Crawford, 2007) (Rinehart, 1995).

Les autres transcriptions publiées pour guitare de la musique de Weiss ne sont pas aussi complètes que les éditions de Cardin, Crawford et Rinehart, principalement parce qu’elles n’incluent pas l’édition en fac-similé. Il existe de nombreuses publications qui ne livrent que la transcription adaptée à la guitare avec doigtés. Pourtant, elles ne fournissent pas de compte-rendu des modifications rédactionnelles, telles que les modifications nécessaires des octaves de la basse, ni ne partagent des informations sur les caractéristiques stylistiques à prendre en compte pour la compréhension des styles brisé et legato et leurs différences, chez Weiss. Dans cette catégorie on trouve par exemple les publications de John Duarte10 et de Terrell Stone11. Ils rendent tous les deux avec précision les notes et rythmes de la tablature, mais l’absence du fac-similé ne permet pas à l’interprète de comprendre les intentions originales de Weiss.

1.5 Biographie

Pendant de nombreuses années, il était largement admis que Sylvius Leopold Weiss était né à Breslau, en Silésie (aujourd’hui Wroclaw en Pologne) en 1686 (Smith, 1977). On sait maintenant qu’il est né en fait en 1687 (Frank Legl, 2002). Son père, Johann Jacob (1662-1764), reconnu comme « musicien profond, luthiste et

8 https://www.leluthdore.com/luths/ (page consultée le 2019, Le Luth Doré SAS)

9 En 1941, ce manuscrit à été transféré du Conservatoire d'État PI Tchaïkovsky de Moscou à la Librairie Musicale du Musée Central d'État pour la culture Musical MI Glinka de Moscou (aujourd'hui Musée Glinka).http://www.slweiss.com/MsMoscou/fr_MsMoscou.html (page consultée le 22 Novembre 1998)

10 Three pieces from suite No. XII, guitar solo Silvius Leopold Weiss, edited by John W. Duarte. 1977

(16)

7

théorbiste », enseigna le luth à Sylvius ainsi qu’à son frère cadet Johann Sigismund et à leur jeune sœur Juliana Margaretha (Cardin, 2005). En 1706, Sylvius Weiss commença sa carrière avec sa première nomination connue à Breslau en tant que luthiste à la cour du comte Carl Philipp du Palatin. Au cours de l’année, il se produisit à Kassel pour le compte de l’Électeur Palatin Johann Wilhelm12 qui était un important mécène des arts, ce qui a ainsi contribué à étendre sa réputation dans les plus hautes sphères de la société.

Johann Wihelm fut un fervent protecteur des arts et un mélomane averti et passionné, à tel point que Corelli lui dédia son opus VI. Le jeune Weiss s’installa donc à sa cour pendant plus d’un mois avant de retourner à Breslau. Son père et son frère étaient employés à la cour de Düsseldorf à partir de 1709, emplois probablement soutenus par Sylvius Leopold (Cardin, 2005).

À partir de 1710, il fait partie de la cour du prince Alexandre Sobieski, qui vivait à Rome avec sa mère, la reine Maria Casimira. Ce séjour fut important puisque Weiss eut la possibilité de fréquenter Alessandro et Domenico Scarlatti13, ainsi qu’Arcangelo Corelli14 (Smith, 1977). En 1714, le prince Alexandre décéda et Weiss retourna à la cour de Carl Philipp à Düsseldorf. En 1717, il se rendit à la cour de Dresde où il se produisit deux fois avec un tel succès qu’il obtint 100 Ducats à titre de récompense (Cardin, 2005). Puis il se rendit à Prague où il rencontra le célèbre luthiste bohémien, le comte Johann Anton Losy von Losimthal (env.1650-1721) plus connu aujourd’hui comme comte Logy. On peut voir sans difficulté que Weiss a été influencé dans ses compositions par celles de Losy. Il a d’ailleurs composé un Tombeau en sa mémoire au même titre qu’en la mémoire du Baron Cajetan von Hartig (Cardin, 2005).

En 1722 Weiss eut une sérieuse altercation avec le violoniste Petit, qui se rua sur Weiss et lui mordit le pouce si fort que le luthiste ne put jouer pendant presqu’un an. Petit soupçonnait Weiss de « comploter contre lui à la cour » (Smith, 1977.p : 11). En 1723, il retourna à Prague pour la troisième fois (1717 et 1719 pour ses précédentes visites) accompagné cette fois de l’illustre flutiste Johann Joachim Quantz15 et de Carl Heinrich Graun16, chanteur mais surtout compositeur. Les trois musiciens se rendaient au couronnement de l’Empereur Charles VI comme roi de Bohème (Cardin, 2005).

12 Johann Wilhelm l’électeur Palatin (1658 - 1716) était le monarque régnant à la cour de Düsseldorf et réputé protecteur des arts. 13 Giuseppe Domenico Scarlatti (Naples, 26 octobre 1685 - Madrid, 23 juillet 1757) était un compositeur italien.

14 Arcangelo Corelli (17 février 1653 - 8 janvier 1713) était un violoniste et compositeur italien de l'époque baroque.

15 Johann Joachim Quantz (30 janvier 1697 - 12 juillet 1773) était un flûtiste allemand, luthier et compositeur de musique baroque. Il a composé des centaines de sonates et de concertos pour flûte et a écrit Essai d'une méthode pour apprendre à jouer de la flûte traversière, un traité sur la compréhension de l’interprétation. Ses œuvres étaient connues et appréciées par Bach et Mozart. (Harvard Dictionary of Music, 1944)

16 Carl Heinrich Graun (7 mai 1704 - 8 août 1759) était un compositeur et chanteur ténor allemand. Avec Johann Adolph Hasse, il est considéré comme le plus important compositeur allemand d'opéra italien de son temps. (Harvard Dictionary of Music,1944)

(17)

8

Weiss a aussi été un protégé du comte impérial Hermann von Kayserlingk, ce qui était aussi le cas de J.S. Bach. D.Charlton17 nous indique qu’en fait les deux hommes ont eu maintes occasions de se rencontrer à Dresde mais aussi que J.S. Bach aurait composé quelques morceaux pour luth à l’attention de Weiss. Bach se rendit de temps à autre à la cour de Dresde à partir de 1717 mais surtout après 1733 quand son fils Wilhelm Friedemann devint organiste de l’église Sainte-Sophie, ce qui laisse penser que les deux hommes aient pu se rencontrer à plusieurs reprises (Cardin, 2005).

Le 16 octobre 1750, Weiss décédait, laissant derrière lui sa veuve, Marie-Elizabeth, et ses 7 enfants dont seul Johann Adolf Faustinus suivit ses traces comme luthiste de chambre à la cour de Dresde.

Weiss a composé près de 1 000 œuvres sinon plus car nous en découvrons de nouvelles régulièrement. Les principales sources dont nous disposons pour connaître l’étendue de son œuvre sont le Manuscrit de Londres et le Manuscrit de Dresde. Conservé à la British Library, celui de Londres comprend 237 pièces en tablature pour luth. Ces pièces sont réparties en 26 suites ou sonates solos, 5 grands duos avec flûte et plusieurs autres pièces dont la Fantaisie (Prague, 1719), et le Tombeau sur la mort du Comte Logy. Le Manuscrit de Dresde, conservé à la Bibliothèque d’État de Saxe à Dresde, comprend 21 sonates plus de nombreuses concordances avec celles de Londres, soit en tout 34 sonates et 6 duos ou concertos (Cardin, 2005).

1.6 Œuvres de Weiss entre 1717 et 1719 pour luth à 11 chœurs

Les premières sonates de 1717 à 1719 sont écrites pour un instrument à 11 chœurs, prouvant que Weiss n’a commencé à écrire pour un luth à 13 chœurs que plus tard. En effet, Lundberg (1978) démontre que les premières œuvres de Weiss, dont celles des années 1717-1719, ont bien été écrites pour luth à 11 chœurs :

We know that Weiss made trips to Prague in 1717 and again in 1718-1719. In 1717 he did not have a 13-course lute, since all his pieces dateable then and earlier were written originally for eleven courses, though some were later altered for the 13-course configuration. In January of 1719 he began to write for an instrument with thirteen courses. The London Manuscript of Weiss contains numerous 13-course pieces dated 1719, following his second documented trip to Prague. These are the earliest tablatures of Weiss which require thirteen courses. I propose that in 1717 or even earlier, Weiss became acquainted with Thomas Edlinger18 and his wonderful conversions of Italian, late-Renaissance lutes into 11-course d-minor Baroque lutes. (Lundberg, 2001, p. 36)

17 http://www.classical.net/music/comp.lst/articles/weiss/bio.php (page consultée depuis 2002)

(18)

9

1.7 Le Manuscrit de Londres

La source que nous avons étudiée pour cette recherche est l’imposant recueil habituellement appelé le Manuscrit de Londres, de Sylvius Leopold Weiss. Il représente moins de la moitié de sa production mais offre un grand intérêt quant au contenu de ses pages, des addendas et des corrections apportées par Weiss lui-même, ainsi que l’annotation de certaines dates et lieux de composition (Cardin, 2005). Mais aussi dans cette étude, je vais essayer de comparer chacun des mouvements de la sonate no 1 avec les concordances d’autres manuscrits, soit ceux de Dresde et de Varsovie, pour les raisons suivantes :

1. Problèmes dans le texte-source, erreurs, informations manquantes. (Crawford, 2007)

2. Ajouts de détails d’ornementation par Weiss lui-même dans Dresde et Varsovie, suggérés dans le bas des folios, par exemple pour l’Allemande de la sonate no 1, où on voit l’ajout d’une petite reprise à la française.

1.8 Structure de la Sonate n

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En ce qui concerne l’organisation générale des sonates de Weiss, Smith souligne deux aspects pertinents : 1. Johann Jakob Froberger19, qui a été très influencé par l’écriture des luthistes français, a normalisé la

séquence des danses à la française, à savoir : Allemande, Courante, Sarabande et Gigue.

2. Weiss élargit ce groupe de danses en ajoutant une bourrée après la courante et un menuet après la sarabande. Ses sonates des manuscrits de Londres comme de Dresde suivent également cette organisation habituelle (Smith, 1977).

Dans le catalogue weissien, cette sonate en fa majeur a été désignée comme étant la no 1 puisqu’elle se trouve au début du premier volume de référence, situé à Londres, et elle contient un prélude. Dans Dresde, elle est placée comme troisième sonate sur trente-quatre, mais on n’y trouve pas de prélude. Impact d’autant plus grand dans Londres où ce Praelude, qui sert également de point de départ pour l’ensemble du volume, nous offre pas moins de 27 accords d’affilée, indiqués en blanches. Cette méthode de notation appelle diverses interprétations, car la procédure standard de cette époque nécessitait une improvisation sur ces structures rythmiques ouvertes. Et cette improvisation est ici de toute évidence souhaitée (Cardin, 2005). Nous y reviendrons plus loin.

Selon l’analyse de Smith, le prélude « semble avoir été optionnel et improvisé » mais Cardin considère qu’au contraire « il a été conçu comme une ouverture, un coup d’envoi solennel pour le grand volume auquel il était destiné ». Du point de vue structurel, des analyses plus approfondies de pratiques improvisées et

(19)

10

improvisées telles que les préludes non mesurés, les réalisations de basse continue et les préludes improvisés dépassent le cadre de cette étude et le lecteur est renvoyé aux recherches de David Ledbetter et Stephen C. Grazzini pour une étude approfondie de telles pratiques. » (Ledbetter, Grazzini, 2014).

Dans le Manuscrit de Londres, Weiss a ajouté à la sonate trois mouvements après la gigue, soit deux menuets et une gavotte, semblant vouloir suggérer des alternatives si on se fie à l’étude stylistique de Cardin. Il était pratique courante — on le voit chez ses contemporains — pour le dépositaire d’une œuvre musicale de la renouveler d’une prestation à l’autre en remplaçant des mouvements. C’est pourquoi des interprètes (comme

Nigel North par exemple dans son enregistrement « The Heart Trembles with Pleasure »20 préfèrent jouer un

des deux menuets supplémentaires plutôt que celui placé à l’intérieur de la sonate (6e mouvement). D’autres, comme Michel Cardin dans le Vol. 1 de son intégrale Weiss, the Complete London Manuscript,21 ont préféré la

version originale avec le menuet placé comme 6e mouvement.

Cette sonate se trouve donc dans les manuscrits de Londres et de Dresde mais nous en trouvons cependant encore des fragments dans les folios de Vienne et de Varsovie, ce dernier contenant trois versions pour chaque pièce. En tant que source principale, la première sonate laisse peu de place à la conjecture. Quatre des sept mouvements sont signés et datés par le compositeur lui-même avec l’inscription en français « Weis, original fait

à Prague 1717 » (Cardin, 2005).

1.9 Style galant de Weiss

Malgré la similitude générale, le style de Weiss diffère de façon marquée de celui, plus traditionnel, de J. S. Bach, car Weiss, à l’instar de quelques contemporains, commença à introduire dans ses œuvres certaines caractéristiques du style dit galant (que Weiss désignait lui-même parfois dans ses écrits par le mot Galanterie) (Weiss, 1719). Ernst Gottlieb Baron, dans son livre Étude du luth (1727), mentionne les luthistes allemands du 17e siècle, comme par exemple les deux Esaias Reusner22, père et fils, comme ayant eu une grande influence sur le style de Weiss, particulièrement Esaias fils, qui possédait déjà cette touche de galanterie :

The father, Esaias Reusner, published his Lauten-Lust in Breslau in 1668. It consisted of preludes, padovanas, courantes, sarabandes, gigues, gavottes, and other pieces. His son, however, who was more gallant in composition than his father, distinguished himself considerably in those days

20 Nigel North, CD Music for Lute by Sylvius Leopold Weiss, Vol.1 ℗ 2010 BGS Records

21 Michel Cardin, 12 CD The Complete London Manuscript, SNE 1994 et Brilliant Classics Records 2015

(20)

11

when he published his Neue Lauten-Früchte23. His sacred songs and hymns are set very well, so that one can still use them today for private enjoyment. He strove to practice “cantabile” on the instrument and to bring a better, pure harmonious essence into his pieces. (Baron, 1727, p. 66). (Traduit de l’allemand par D.A. Smith)

Baron, lui-même virtuose, fut aussi témoin oculaire des prestations de Léopold Weiss et de son frère cadet Sigismund, également luthiste, et c’est en tant que spécialiste du sujet qu’il apporte son témoignage direct sur eux :

Among these siblings, the elder Herr Sylvius Leopold has especially excelled with his perfect compositions, but his brother is also very fine and is, in addition, an excellent gambist, violinist, and composer. Their lute concerti, trios, and Galanterie partitas are so filled with such ingenious, charming, well-connected ideas that one beautiful and exceptional thought accompanies another, as it were. Because I have seen several pieces by the elder Herr Weiss and have heard him play. (idem) (Baron, 1727, p. 70). (idem Smith)

Qu’est-ce que le style galant ? Selon Mark A. Radice, dans son article intitulé The Nature of the « Style Galant » : Evidence from the Repertoire, a dit à propos du problème de terminologie de l’expression style galant :

The term galant is a particularly difficult one to understand since it was applied during the seventeenth and eighteenth centuries in strikingly diverse contexts. Though the word was used in conjunction with music, it was also used to describe social behavior, painting, and literature, among other things. The proliferation of the term in writing about music is due largely to the fact that “the musicians of the galant half century 1730-1780 had no doubts about their own importance; they were quite sure that their style was the finest ever evolved and indeed were so conscious of it that their own expression, style galant, is one of the very few original designations still in use by music historians. (Radice, 1999, p. 607)

Dans Encyclopaedic Dictionary of Music on peut trouver cette définition du style galant :

Style galant ou Galanter Stil. Il s’agit d’un style clair, élégant et simple, qui contraste avec le style plus complexe du contrepoint baroque. Il est léger, gracieux, parfois spirituel et très agréable à écouter. Ce style de musique a rejeté l’ancienne basse figurée et l’a remplacée par une basse plus vive fortement inspirée par Domenico Alberti et a employé des mouvements de danse tels que le menuet, la gavotte, la bourrée, le passepied, la loure, la polonaise et l’air. (Encyclopaedic Dictionary of Music, 2005, Volume 1, page 290 (Traduction de l’auteur de l’anglais)

Gregory Butler, dans son article The "Galant" Style in J. S. Bach's "Musical Offering" : Widening the Dimensions, suggère que Bach a malgré tout lui aussi finalement suivi ce courant :

(21)

12

What has been written about galant features in Bach’s late works in general and the Musical Offering in particular has tended to focus on surface details. As a result, galant style is said to be characterized by simplified melody clearly articulated into short balanced phrases and employing such figures as triplets, syncopations, and appoggiatura “sigh” motives (traduction du terme

sanglot, ornement présent par ex. dans les Principes de musique de Montéclair (1736)

N.D.T.), dominating a thinned out, polarized texture in which the bass part abandons any thematic

engagement with the upper part. […] The galant style was intended by Bach both to demonstrate his engagement with progressive tendencies and to appeal to certain aesthetic sensibilities at the Potsdam court of the collection’s dedicatee in widely accepted by Bach scholars. (Butler, 2002, p. 57)

La musique galante avec son élégance, son immédiateté et sa simplicité, était à l’opposé du majestueux style baroque. Carl Philip Emanuel Bach24, Wilhelm Friedemann Bach25 et Johann Joachim Quantz ne sont que quelques représentants de ce style galant.L’Empfindsamer Stil traduit en français serait un style sensible ou tendre, censé exprimer de vrais sentiments simples, une sensibilité et des émotions personnelles.

On peut caractériser le style galant par les éléments suivants : le contexte mélodique et harmonique est simplifié, la mélodie comporte une articulation plus claire, des syncopes, des appogiatures et beaucoup de notes étrangères très expressives. Le tout sur des harmonies simples où la tonique, la dominante et la sous-dominante affirment bien les cadences. La basse est vive et prend souvent le modèle dit de la basse d’Alberti26. Nous pouvons voir ces éléments du style galant dans la sonate qui a été choisie pour cette étude.

Figure 1 — Weiss, Allemande, Sonate no 1, mesures 5 et 6

24 Carl Philipp Emanuel Bach (8 mars 1714 - 14 décembre 1788), autrefois orthographié Karl Philipp Emmanuel Bach, était un musicien

et compositeur de la période classique allemande, cinquième enfant et deuxième fils (survivant) de Johann Sebastian Bach et de Maria Barbara Bach. Son deuxième nom a été donné en l'honneur de son parrain Georg Philipp Telemann, un ami de Johann Sebastian Bach. (Harvard Dictionary of Music, 1944)

25 Wilhelm Friedemann Bach (22 novembre 1710 - 1er juillet 1784), deuxième enfant et fils aîné de Johann Sebastian Bach et de Maria Barbara Bach, était un compositeur et interprète allemand. Malgré son génie reconnu d'organiste, improvisateur et compositeur. 26 Alberti bass is a particular kind of accompaniment figure in music, often used in the Classical era, and sometimes the Romantic era.

It was named after Domenico Alberti (1710–1740/46), who used it extensively.

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Figure 2 — Weiss, Menuet, Sonate no 1, mesures 1 à 6

Dans les exemples ci-dessus on peut voir une figure mélodique fine et sensible, en cantabile avec les appoggiatures.

Figure 3 — Weiss, Bourrée, Sonate no 1, Cadence IV-V-I dans les 3 dernières mesures

Figure 4 — Weiss, Sonate no 1, Prélude, forme arpégée en expansion, y compris sur la sensible

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Figure 2 — Weiss, Menuet, Sonate n o  1, mesures 1 à 6
Figure 6 — Weiss, Courante de la Sonate n° 1 en fa majeur
Tableau 1 – Le type d’accord principal de la guitare à 11 cordes est, de haut en bas : g-d-b b -f-c-g et les cordes-
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Les cordes vibrent entre le sillet et le chevalet, des clefs situées sur la tête de la guitare permettant de faire varier la tension mécanique de chaque corde (Fig. ci- dessus).

Les frettes sont des éléments de certains instruments de musique à cordes et à manche comme la guitare, la mandoline ou le banjo.. Elles font partie intégrante du manche, étant

• Le réglage de la fréquence n’est pas effectué en changeant une capacité mais en changeant (avec un potentiomètre) la résistance d’une association série résistance variable