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Analyse d'un décrochage enseignant : insertion professionnelle et confrontation entre besoins et réalité : outil destiné aux directions d'école pour améliorer l'insertion professionnelle des jeunes enseignants

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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© Caroline Nappert, 2018

Analyse d’un décrochage enseignant : insertion

professionnelle et confrontation entre besoins et réalité

– Outil destiné aux directions d’école pour améliorer

l’insertion professionnelle des jeunes enseignants

Mémoire

Caroline Nappert

Maîtrise en administration et évaluation en éducation - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

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iii

Résumé

Quels facteurs entrent en ligne de compte et sont déterminants dans le décrochage d’un nouvel enseignant? Si le décrochage enseignant n’est pas un phénomène nouveau, il s’agit plus que jamais d’un enjeu majeur à propos duquel il faut s’interroger, pour l’avenir de la profession et du milieu de l’éducation. Cette étude qualitative de type analyse réflexive de la pratique

professionnelle a pour objectif principal de définir et de comprendre la pluridimensionnalité du

phénomène du décrochage enseignant. Afin de répondre à cette question, une vaste recension de la littérature a été réalisée sur le sujet de l’insertion professionnelle des enseignants. Plusieurs aspects liés à l’entrée en carrière ont alors pu être explorés : les facteurs de difficulté liés à cette période, un tour d’horizon de quelques programmes d’insertion présents au Québec et ailleurs, les principales mesures et activités de soutien pour les nouveaux enseignants et les rôles que joue la direction dans l’accompagnement des novices. Cette revue de la littérature a surtout permis d’identifier les facteurs sous-jacents au phénomène du décrochage et de dégager parmi eux les plus déterminants dans le processus du désengagement. Dans un deuxième temps, certains éléments issus de la recension de littérature ont été mis en lien avec ce qui est ressorti de l’analyse approfondie de l’expérience vécue par la chercheuse en tant qu’enseignante. Des similitudes et des différences ont ainsi pu être dégagées entre la théorie et la pratique. Enfin, la discussion s’est ouverte sur douze énoncés, qui s’adressent particulièrement aux directions d’école, et qui visent à accompagner plus efficacement leur personnel enseignant en insertion professionnelle.

Mots-clés : enseignants, directions d’école, insertion professionnelle, décrochage

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Abstract

What factors come into play and are critical in a new teacher’s drop out? If teacher attrition is not a new phenomenon, it is now more than ever a major issue that should provoke reflection for the sake of the profession and the educational community. The purpose of this qualitative study is to define and understand the multidimensionality of the teacher attrition phenomenon. To answer this question, a vast review of the literature was conducted about the professional induction of teachers. Several aspects related to career entry were then explored: the factors of difficulty related to this period, an overview of some induction programs present in Quebec and elsewhere, the main support activities and measures for new teachers and the roles that school principals could play in supporting novice teachers. This review of the literature has made it possible to identify the factors underlying the phenomenon of dropping out and to identify among them the most important factors in the process of disengagement. In a second step, some elements from the literature review were compared to what emerged from the in-depth analysis of the researcher's experience as a teacher. Similarities and differences were thus made between theory and practice. Finally, the discussion was focused on twelve statements, which are especially addressed to the principals, and which aim to support more effectively their teachers in professional integration.

Keywords: teachers, school principals, induction, teachers’ attrition, teacher support, role of

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Table des matières

RÉSUMÉ ... III ABSTRACT ... IV TABLE DES MATIÈRES ... V LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS ... VIII REMERCIEMENTS ... X AVANT-PROPOS ... XI

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE 1 : LA PROBLÉMATIQUE ... 3

1.1 LE CONTEXTE DE LA PROBLÉMATIQUE ... 3

1.1.1 Le portrait du décrochage enseignant ... 3

1.1.2 Les conséquences du décrochage enseignant ... 7

1.2 LA PERTINENCE DU PROJET DE RECHERCHE ... 9

1.3 LES QUESTIONS DE RECHERCHE ... 12

CHAPITRE 2 : REVUE DE LITTÉRATURE ... 15

2.1 LA RECENSION DES ÉCRITS ... 15

2.1.1 Méthode de sélection et d’analyse des écrits scientifiques ... 15

2.2 LES CONCEPTS-CLÉS ... 17

2.2.1 La définition de l’insertion professionnelle (IP) ... 17

2.2.2 La définition de la phase de survie ... 20

2.2.3 La définition du décrochage enseignant ... 22

2.2.4 La définition du développement professionnel ... 23

2.2.5 La définition du programme de soutien à l’IP ... 23

2.2.6 La définition de la culture scolaire ... 23

2.3 LES FACTEURS DE DIFFICULTÉ EN IP QUI PEUVENT MENER AU DÉCROCHAGE ... 24

2.3.1 La nature de la tâche enseignante ... 25

2.3.2 Les conditions de travail inintéressantes ... 31

2.3.3 L’isolement et autres difficultés vécues sur le plan émotionnel ... 34

2.3.4 Le manque de préparation ou l’inadéquation de la formation des maitres ... 36

2.3.5 Le manque de reconnaissance ... 37

2.3.6 Le manque de pouvoir ... 39

2.3.7 Le manque de soutien ... 39

2.3.8 La difficulté à s’intégrer à la culture scolaire ... 45

2.3.9 Le manque de développement professionnel pour se sentir plus compétent ... 46

2.4 LES PIP ... 47

2.4.1 Les PIP au Québec : nature et visées... 47

2.4.2 Les avantages d’un PIP efficace ... 50

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vi

2.5 LES PRINCIPALES MESURES ET ACTIVITÉS D’IP ... 60

2.5.1 Le mentorat ... 62

2.5.2 Le groupe collectif de soutien ... 74

2.5.3 Le réseau d’entraide professionnelle à distance ... 78

2.5.4 Les journées d’accueil ou d’orientation ... 81

2.5.5 Le développement professionnel continu ... 83

2.5.6 Les formations professionnelles ... 84

2.6 DES EXEMPLES QUÉBÉCOIS DE PROGRAMMES DE SOUTIEN À L’IP ... 86

2.7 DES EXEMPLES DE SOUTIEN À L’IP À L’EXTÉRIEUR DU QUÉBEC ... 88

2.7.1 Dans le Connecticut ... 88 2.7.2 En Suisse ... 88 2.7.3 En France ... 89 2.7.4 En Écosse ... 90 2.7.5 En Chine (Shanghai) ... 90 2.7.6 En Nouvelle-Zélande ... 91 2.7.7 Au Japon ... 92 2.7.8 En Alberta ... 94 2.7.9 Points communs ... 94 2.8 LE RÔLE DE LA DIRECTION ... 95

2.8.1 La responsabilité collective de l’insertion et l’importance du rôle de la direction ... 95

2.8.2 Rôles à assurer par la direction ... 96

2.8.3 Les contradictions entre la perception des directions et la réalité ... 109

2.8.4 Des pratiques de la direction qui supportent la rétention des enseignants en première année de fonction ... 111

2.8.5 Les barrières au support des directions dans l’IP des novices ... 113

CHAPITRE 3 : LE CADRE MÉTHODOLOGIQUE ... 115

3.1 LE TYPE DE RECHERCHE ... 115

3.2 LA DESCRIPTION DE LA PARTICIPANTE ... 116

3.3 LA COLLECTE DES DONNÉES ... 116

3.4 L’ANALYSE DE DONNÉES ... 117

3.4.1 Procédures de codage ... 117

3.4.2 L’analyse de contenu selon le modèle mixte de catégorisation et de classification de L’Écuyer (1990) ... 117

3.5 LES LIMITES MÉTHODOLOGIQUES DE LA RECHERCHE ... 120

3.6 LES CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES DE LA RECHERCHE ... 121

CHAPITRE 4 : LA PRÉSENTATION DES RÉSULTATS ... 122

4.1 LES FACTEURS LIÉS À LA TÂCHE ... 122

4.1.1 La nature de la tâche enseignante ... 123

4.1.2 Les conditions de travail ... 137

4.2 LES FACTEURS SOCIAUX ... 143

4.2.1 Le manque de soutien ... 143

4.2.2 Le manque de reconnaissance ... 148

4.2.3 L’isolement... 149

4.2.4 La relation avec les élèves ... 150

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vii

4.3.1 L’incapacité à décrocher mentalement du travail ... 151

4.3.2 Le manque d’assurance ... 152

4.3.3 La propension à se faire une image préconçue de l’enseignement ... 152

4.3.4 Les difficultés à composer avec le rejet ... 153

4.4 LES AUTRES FACTEURS ... 153

4.4.1 Le manque d’information ... 153

4.4.2 Le manque de pouvoir ... 155

CONCLUSION ... 157

RAPPEL DES RÉSULTATS ... 158

APPORTS DE LA RECHERCHE ... 160

IP DES ENSEIGNANTS : OUTIL DESTINÉ AUX DIRECTIONS ... 161

1. Favoriser un continuum entre les étapes de l’apprentissage du nouvel enseignant ... 162

2. Rémunérer les stages en enseignement ... 164

3. Professionnaliser l’enseignement ... 165

4. Appliquer une prescription ministérielle ... 166

5. Offrir une information continue ... 166

6. Agir comme leadeur pédagogique ... 168

7. Créer la fonction de conseiller d’orientation ... 169

8. Réduire les tâches et responsabilités ... 170

9. Offrir de la reconnaissance... 171

10. Offrir du soutien et le valoriser ... 172

11. Mettre en œuvre un PIP rigoureux... 175

12. Ne pas négliger les suppléants, les contrats court et moyen terme, les arrivées en milieu d’année ... 175

RÉFÉRENCES ... 177

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Liste des sigles et abréviations

CS : commission scolaire CP : conseiller pédagogique IP : insertion professionnelle

MEESR : Ministère de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche MELS : Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport

OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Économiques PIP : programme d’insertion professionnelle

PIPNPE : programme d’insertion professionnelle du nouveau personnel enseignant de l’Ontario TIC : technologies de l’information et de la communication

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Remerciements

Je tiens à remercier chaleureusement toutes les personnes qui ont contribué de près ou de loin à la réalisation de ce mémoire. Le parcours a été parsemé d’embuches1 et d’incertitudes, et je n’aurais pas pu parvenir au fil d’arrivée sans le soutien des personnes incroyables qui m’entourent.

Je remercie d’abord ma directrice de recherche, madame Yamina Bouchamma, qui a su demeurer toujours disponible pour moi pendant ce laborieux parcours, me guider lorsque j’étais égarée et m’encourager jusqu’à la dernière minute. Je remercie également mes évaluateurs, messieurs André Doyon, professeur à l’Université de Moncton, et Denis Jeffrey, professeur à l’Université Laval, pour leurs commentaires tout aussi élogieux qu’éclairants. Merci à toutes les enseignantes et tous les enseignants qui ont traversé ma route. Vous avez été l’inspiration à la base de ce projet. Votre passion et votre persévérance suscitent toute mon admiration.

Merci à mes amies, plus particulièrement à Catherine et à Sandrine, qui ont su être présentes pour moi, m’écouter et m’encourager pendant toutes ces années. Merci pour votre sagesse, nos discussions et l’amitié véritable que nous avons la chance de partager.

Enfin, le plus sincère des mercis à ma famille, qui a toujours cru en moi. Chers parents, c’est grâce à vous si j’ai suivi ce parcours. Sans vous, je n’y serais pas arrivée. Vous avez su me transmettre l’importance d’une éducation de qualité, du travail bien accompli et, surtout, de la détermination, même contre vents et marées. Vous êtes pour moi une inspiration quotidienne. Ma grande sœur, merci d’être à mes côtés à chaque étape, de me soutenir et de partager avec moi une si belle complicité.

À vous tous, un immense merci!

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Avant-propos

Ce qui a donné naissance à ce projet de mémoire, le point de départ, fut ma propre expérience en tant que nouvelle enseignante. Au terme d’un programme de formation de quatre années au baccalauréat en enseignement du français, langue première, au secondaire, et de quatre stages en milieu d’enseignement, j’avais hâte d’enseigner en autonomie et je m’y sentais bien préparée. Pourtant, mon arrivée dans le milieu enseignant fut beaucoup plus difficile que je ne l’aurais imaginé.

Quelques mois après l’obtention de mon diplôme et de mon brevet en enseignement, une commission scolaire m’a embauchée et m’a offert aussitôt un remplacement, qui commencerait dès le lendemain matin. À partir de là, pendant trois ans, j’ai cherché ma place en enseignement. Découragée par les expériences négatives répétées que j’ai vécues, je me suis tournée vers un autre type d’emploi.

Comme je suis loin d’être la seule à avoir affronté de tels défis et vécu une telle détresse, j’ai cru qu’il serait plus que pertinent de m’intéresser à l’insertion professionnelle des

enseignants2, particulièrement au Québec, et de chercher à comprendre ce qui peut pousser

une enseignante comme moi à quitter le navire.

2 Pour faciliter la lecture du présent document, les termes masculins sont employés comme générique. Ils

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1

INTRODUCTION

Si le décrochage enseignant n’est pas un phénomène nouveau, il suscite certes de plus en plus d’intérêt en éducation. Pour l’avenir de la profession et sa relève, il s’agit d’un enjeu majeur à propos duquel il faut plus que jamais réfléchir. Il y a lieu de s’interroger : si plusieurs enseignants persévèrent dans la profession, pourquoi d’autres la quittent-ils? Qu’est-ce qui distingue le premier groupe du deuxième? Pour s’assurer que l’on garde nos enseignants qualifiés dans le système scolaire et pour prévenir le décrochage, il semble nécessaire de s’intéresser à la problématique de l’insertion professionnelle (IP), une période cruciale pour l’engagement d’un enseignant dans sa profession, et de chercher à comprendre les facteurs qui influencent positivement ou négativement son expérience. Il est d’autant plus important de s’intéresser à ce sujet que le système scolaire risque de manquer d’effectifs dans l’avenir. Le principal objectif de ce mémoire est d’arriver à une plus grande connaissance du vécu d’une personne engagée dans une pratique enseignante et donc à une meilleure compréhension du processus d’un individu qui le mène de l’engagement dans la profession à un décrochage. Je chercherai donc à comprendre la pluridimensionnalité du phénomène et à dégager les causes principales du désengagement professionnel d’un enseignant.

Pour atteindre mes objectifs, j’ai réalisé une imposante recension des écrits sur l’IP, suivie d’une analyse réflexive de ma propre pratique professionnelle, selon la méthode de Paillé (2007). Ainsi, j’ai rédigé des journaux de réflexion, basés sur mon vécu en enseignement, que j’ai ensuite analysés. Je me suis interrogée à savoir si les difficultés vécues pendant mon entrée en carrière correspondaient aux constats qui ont été faits dans la littérature scientifique. Le présent mémoire se divise en quatre chapitres. Le premier présente la problématique de recherche. Ainsi, je détaille le contexte dans lequel s’insère la problématique, puis je fais un bref portrait du décrochage et des conséquences de ce phénomène. Ce chapitre se termine par la présentation de la pertinence du projet et des questions de recherche.

Dans le second chapitre, la revue de littérature, je définis d’abord certains concepts relatifs à l’IP, comme celui de la phase de survie, du décrochage enseignant et du développement

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2

professionnel. Puis, je présente une recension des écrits détaillée portant sur l’IP. Quelques aspects liés à l’entrée en carrière sont alors étayés, comme les facteurs de difficulté liés à cette période, un tour d’horizon de quelques programmes d’insertion présents au Québec et ailleurs, les principales mesures et activités de soutien pour les nouveaux enseignants et les rôles que joue la direction dans l’accompagnement des novices.

Le troisième chapitre décrit le cadre méthodologique utilisé : le type de recherche, soit l’analyse réflexive de sa pratique professionnelle (Paillé, 2007), la description de la participante, la méthode de collecte et d’analyse de données, les limites méthodologiques et les considérations éthiques de la recherche.

Le quatrième chapitre rassemble la présentation et la discussion des résultats. J’y analyse mes résultats de recherche et établis des liens avec ce que j’ai trouvé dans les écrits, c’est-à-dire dans ma revue de littérature. Cette étape me permet de valider si les thèmes retrouvés au deuxième chapitre sont ceux qui m’ont menée au processus de décrochage enseignant; en d’autres mots, si les constats faits dans la littérature s’appliquent bel et bien à la pratique. Enfin, je conclus ce mémoire en proposant un rappel des principaux résultats, puis en recommandant certaines pistes d’action et de réflexion basées sur ce que la littérature et ce que mes résultats de recherche m’ont appris. Un outil constitué de quatorze énoncés est proposé aux directions d’école afin de leur permettre d’accompagner plus efficacement leur personnel enseignant en IP.

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3

Chapitre 1 : La problématique

1.1 Le contexte de la problématique

1.1.1 Le portrait du décrochage enseignant

Bien que des preuves solides suggèrent que l’efficacité des enseignants augmente fortement après leurs premières années dans la profession, la recherche montre que de nombreux enseignants la quittent avant d’atteindre ce niveau d’expertise (Kain et Singleton, 1996, Worthy, 2005, cités par Fantilli et McDougall, 2009, p. 814). Au Québec comme ailleurs, les écrits abondent au sujet du décrochage des jeunes enseignants. Il en ressort que le portrait ne s’améliore pas depuis un bon nombre d’années. L’enseignement est d’ailleurs traditionnellement reconnu pour son taux élevé d’attrition professionnelle par rapport à d’autres professions (Shakrani, 2008, Martineau, Gervais, Portelance et Mukamurera, 2008, cités par Leroux et Mukamurera, 2013, p. 13). Les écrits rapportent en plus que les taux de décrochage sont en général plus forts dans les milieux défavorisés (Boyd et al., 2005, cités par Karsenti et Collin, 2009, p. 4). Voyons plus en détail l’état de la situation dans certaines régions du monde.

1.1.1.1 Au Québec

Selon Cambier et al. (2010), déjà en 1990, 15 % des enseignants québécois diplômés quittaient la profession après cinq années d’exercice. En 1998, ce pourcentage montait à 17 %. Plus tard, en 2003, le Comité d’orientation de la formation du personnel enseignant (le COFPE) a présenté un avis au ministère de l’Éducation du Québec afin de sensibiliser les autorités gouvernementales au décrochage des jeunes enseignants (Boivin, 2004, p. 1). En 2004, Boivin (p. 1) rapportait qu’un nouvel enseignant sur cinq, soit 20 %, abandonnait la profession très tôt en carrière. L’OCDE soutenait même alors qu’il s’agissait plutôt du tiers des recrues qui renonçaient à l’enseignement après les deux premières années de travail (Ibid.). Quant à Duchesne (2008, p. 311), elle nous apprend que, pendant des tables rondes sur l’IP, parmi les participants qui avaient moins de deux ans d’expérience dans l’enseignement, 20 % songeaient à quitter la profession. Elle rapporte aussi qu’environ

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4

« 18 % des enseignants débutants s’avèrent être des décrocheurs potentiels » (Ibid.). Les données statistiques recueillies par le MELS montrent qu’environ 83 % des finissants en formation des maitres travailleraient dans une CS l’année suivant leur graduation et que, parmi eux, autour de 13 % quitteraient le milieu dans les cinq premières années, tous statuts d’embauche et domaines confondus (Martel, 2009). Du côté de Gingras et Mukamurera (2008, p. 205), on estime qu’au Québec, 15 à 20 % des jeunes enseignants désertent la profession dans les cinq premières années de pratique – une proportion trois fois plus élevée que pour les autres professions où le taux d’abandon avoisine les 6 % (Lanthier, Ouellet et Laporte, 2007, p. 1) – et qu’environ 43 % ont déjà envisagé sérieusement de quitter l’enseignement (Mukamurera, 2006, cité par Gingras et Mukamurera, 2013, p. 205). En fait, au Québec, l’enseignement, avec ses 20 % de décrocheurs potentiels dans leurs deux premières années d’exercice, serait la profession présentant le plus important taux de décrochage (COFPE, 2002, cité par Martineau et Ndoreraho, 2006, Chouinard, 2005, cités par Cambier et al., p. 32).

À la vue de telles statistiques, force est de constater que le décrochage enseignant est une réalité bien présente. La situation est préoccupante : la rétention des nouveaux enseignants doit devenir une priorité, car la profession pourrait risquer de manquer d’effectifs à court et moyen terme. Présentement, le Québec a suffisamment d’effectifs en enseignement, mais il pourrait en être autrement dans l’avenir. En fait, la baisse démographique des années 1997 à 20033, jointe à une stabilité des sortants diplômés des baccalauréats en enseignement des universités québécoises4, a créé un surplus de personnel enseignant5. Toutefois, si les

3 Selon l’Édition 2016 du Bilan démographique du Québec de l’Institut de la statistique du Québec,

4 Selon les éditions 2007, 2009, 2011 et 2013 de La relance à l’université – La situation d’emploi de personnes

diplômées (MELS), le nombre de diplômés au baccalauréat en enseignement au secondaire est resté plutôt stable

– entre 730 et 790 diplômés – entre 2007 et 2013. Nous observons dans ces mêmes publications parmi les diplômés qui travaillent à temps plein qu’en 2007, 94,8 % avaient un emploi en rapport avec leur formation, tandis qu’en 2013, ce pourcentage était de 86,2 %.

5 Selon le MELS, la population des écoles secondaires (secteur des jeunes) a connu une diminution de

46 347 élèves entre l’année scolaire 2007-2008 et l’année scolaire 2010-2011. (http://www.mels.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/PSG/statistiques_info_decisionnelle/Indicateurs_ educ_2012_webP.pdf) La diminution de la population des écoles secondaires devrait se poursuivre jusqu’en 2015, où un creux sera atteint. Puis, le nombre d’élèves remontera graduellement. (http://www.infobourg.com/2012/08/31/rentree-2012-plus-deleves-au-primaire-moins-au-secondaire/)

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enseignants continuent de déserter la profession, l’augmentation des naissances que l’on connait depuis 2004 créera un fossé.

1.1.1.2 En Ontario

Chez nos voisins ontariens, la situation est semblable à la nôtre. Bien que les chiffres varient d’un contexte à l’autre, on estime que de 20 à 30 % des nouveaux enseignants quittent le terrain dans les trois premières années (Angelle, 2002, Birkeland et Johnson, 2002, Brewster et Railsback, 2001, Colley, 2002, DePaul, 2000, Hope, 1999, Wong, 2002, cités par Cherian et Daniel, 2008, p. 1). Puis, après environ cinq ans, environ 50 % des débutants ont quitté la profession complètement (Ibid.). Dans une étude de Fantilli et McDougall (2009, p. 818), 46,8 % de l’échantillon d’enseignants sondés a rapporté avoir songé à quitter l’enseignement étant donné les défis majeurs à relever comme débutants.

En général, les décrocheurs potentiels se retireraient pour diverses raisons : « insatisfaction quant à l’affectation, épuisement, frustration par rapport à la politique éducative en vigueur, manque de ressources pédagogiques adéquates, absence de mentorat » (Cambier et al., 2010, p. 32). Ajoutons que, souvent, les enseignants soulignent le manque de soutien de la direction de l’école comme une raison clé pour quitter la profession (Roberston, Hancock et Anderson, 2006, p. 34).

Au cours des dernières années, cependant, la plupart des professionnels de l’éducation ont commencé à prendre conscience que les attentes irréalistes envers les éducateurs novices ne pouvaient que conduire à plus de départs dans la profession, en plus de drainer les ressources déjà limitées (Cherian et Daniel, 2008, p. 1).

1.1.1.3 Au Canada

Des recherches de certaines CS nord-américaines ont établi qu’environ 40 à 50 % des enseignants quittaient la profession dans leurs cinq premières années (Anderson, 2000, Ingersoll et Smith, 2003, Maciejewski, 2007, cités par Fantilli et McDougall, 2009, p. 814). Pour ce qui est du Canada, la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants évaluait en 2004 le taux d’attrition à près de 30 % (Karsenti, Collin, Villeneuve, Dumouchel et Roy, 2008, cités par Leroux et Mukamurera, 2013, p. 13). Quant à l’envie de quitter la profession, elle toucherait 76 % des enseignants canadiens à statut précaire et 37 % des

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enseignants réguliers au cours de leurs cinq premières années de pratique (Mukamurera, Bourque et Gingras, 2008, cités par Leroux et Mukamurera, 2013, p. 13).

1.1.1.4 En Europe

La France ne semble pas non plus être épargnée par les abandons des nouveaux enseignants. En 1989, Huberman (cité par Cambier et al., 2009, p. 32) rapportait chez les enseignants français un taux de décrochage de 18 % au cours des dix-huit premiers mois de carrière. Dans la Communauté française de Belgique, des données un peu plus récentes, de Vandenberghe (1999, cité dans Gerard, 2009, Dejan, 2010, cités par Cambier et al., 2010, p. 32), montrent que le taux d’abandon des enseignants atteignait les 41 % au cours des cinq premières années, contre 17 % dans l’enseignement secondaire pour la Communauté flamande (Vlaams Ministerie van Onderwijs en Vorming, 2009, cité par Cambier et al., 2010, p. 32).

De leur côté, dans une étude réalisée auprès de 374 enseignants débutants répartis dans 219 établissements secondaires de la Communauté française de Belgique, Cambier et ses collègues chercheurs (2010, p. 64) sont arrivés aux constats suivants : environ 42 % des répondants n’ont jamais envisagé de quitter l’enseignement et près de 37 % des novices ont eu des doutes quant à la poursuite de leur carrière dans l’enseignement à la suite d’un évènement exceptionnel liée à l’institution scolaire. Les 20 % restants ont envisagé de quitter leur profession au moins une fois par mois (Ibid., p. 108). Enfin, seulement 3,70 % de l’échantillon étudié envisageait quotidiennement de rompre avec la profession (Ibid.). Au total, ce sont près de 58 % des débutants qui « sont potentiellement susceptibles de quitter la profession si un ensemble de facteurs simultanés venaient à perturber leur développement professionnel » (Ibid.). L’ensemble de ces constats confirme l’importance de lutter contre l’abandon précoce du métier (Vandenberghe, 1999, Martineau et Ndoreraho, 2006, cités par Cambier et al., 2010, p. 108).

Le portrait du décrochage enseignant au Royaume-Uni s’apparente à celui de la France : 40 % des enseignants débutants y abandonnent la profession durant leurs trois premières années en carrière, selon une étude comparative de huit pays industrialisés menée par Stoel et Thant (2002, cité par Karsenti et Collin, 2009, p. 3).

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7 1.1.1.5 Aux États-Unis

Aux États-Unis, comme chez nous, le taux de décrochage est plus élevé chez les enseignants que dans bon nombre d’autres professions : 39 % des novices abandonneraient l’enseignement au cours de leurs cinq premières années de pratique (Ingersoll, 2002, p. 23). En 2003, la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE) estimait plutôt ce nombre à 30 % (Duchesne, 2008, p. 311). D’autres écrits rapportent qu’au cours de la première année de carrière, le taux d’abandon s’élèverait à 18 %, pour ensuite grimper à 30 % pendant les deux premières années, puis à 40 % à l’intérieur de trois ans. Ce chiffre dépasserait finalement les 50 % dans les cinq à sept premières années d’enseignement (Feeney Jonson, 2008, cités par Cambier et al., 2010, p. 32). Cambier et ses collègues soulèvent en plus un phénomène inquiétant qui a été mis en lumière par la Recherche : « les enseignants les plus compétents sur le plan académique semblent être les plus susceptibles de quitter le terrain » (Feeney Jonson, 2008, cités par Cambier et al., 2010, p. 32).

En outre, il semblerait que la situation diffère de celle du Québec et de certains pays européens, puisque les décrocheurs potentiels de l’enseignement seraient pour la plupart de jeunes enseignants exerçant leur profession dans des contextes particulièrement difficiles (Martineau et Ndoreraho, 2006, cités par Cambier et al., 2010, p. 31).

1.1.2 Les conséquences du décrochage enseignant

Le décrochage des enseignants, particulièrement en début de carrière, a certainement des conséquences sur les systèmes scolaires : des couts financiers, mais aussi des répercussions sur la qualité de l’enseignement (Karsenti et Collin, 2009, p. 4).

La principale conséquence serait, selon Epperson (2004, cité par Ndoreraho et Martineau, 2006, p. 12) le gaspillage de fonds, entre autres lié à la formation initiale des enseignants et aux couts de la mobilité professionnelle. Certaines études démontrent que, pour les écoles étatsuniennes, le cout financier annuel du décrochage oscillerait autour de 2,2 (Corbell, 2009, cité par Leroux et Mukamurea, 2013, p. 14) ou de 2,6 milliards de dollars américains (National Commission on Teaching and America’s Future [NCTAF], 2005, p. 8). Ce dernier montant est fondé sur la multiplication du nombre d’enseignants étatsuniens qui quittent la

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profession avant la retraite par 12 500 $, le cout estimé par le U.S. Department of Commerce pour chaque employé à temps plein perdu (Ibid.). Ce cout serait, selon certains auteurs, bien en dessous du cout réel. Wong et Breaux (2003, cités par Fulton, Yoon et Lee, 2005, p. 9) calculent plutôt que chaque enseignant qui quitte la profession dans ses premières années couterait 50 000 $ à l’État. Ces couts touchent à la formation initiale, au recrutement, à l’embauche, au développement professionnel et à la formation des enseignants qui remplacent ceux ayant abandonné l’enseignement (Karsenti et Collin, 2009, p. 4; Corbell, 2009, cité par Leroux et Mukamurera, 2013, p. 14). Peu de chiffres existent sur les couts du décrochage enseignant par pays, mais l’OCDE mentionne tout de même que la problématique est répandue mondialement (Karsenti, Collin et Dumouchel, 2013, p. 553)

L’impact du roulement des enseignants ne se limite pas qu’aux chiffres. Au-delà des conséquences financières à l’abandon et au roulement des enseignants, le cout humain et organisationnel, bien qu’il soit plus difficile à quantifier, est dévastateur pour les CS, les écoles, les parents et les élèves en difficulté (Fulton, Yoon et Lee, 2005, p. 9). Les CS perdent l’élan de certaines initiatives de réforme lorsque leurs enseignants partent. Les écoles perdent la continuité et la cohérence qui sont essentielles au tissu de leurs communautés. Les élèves sont forcés de s’adapter à un défilé de professeurs, rompant ainsi les liens affectifs tissés avec quelques-uns des adultes les plus significatifs dans leur quotidien (Ibid.).

Il faut considérer les effets néfastes sur la qualité de l’enseignement (OCDE, 2005, cité par De Stercke et al., 2014, p. 1). En ce sens, des études étatsuniennes confirment que « l’attrition peut entrainer une certaine discontinuité dans l’enseignement des programmes due au fort taux de roulement du personnel, une diminution de la qualité des apprentissages des élèves et une baisse de leur réussite » (Corbell, 2009, cité par Leroux et Mukamurera, 2013, p. 13). La rotation des enseignants dans les écoles rend aussi plus complexe le développement d’une cohésion au sein de l’équipe scolaire (Alliance for Excellent Education, 2004, p. 8) et d’un système de soutien formel ou informel, comme le mentorat (Loeb et al., 2005, p. 44). De plus, si les nouveaux enseignants se succèdent, alors qu’ils n’ont pas atteint la pleine maitrise de leurs compétences, il est possible de s’imaginer que l’enseignement qu’ils offrent aux élèves, à tour de rôle, n’est peut-être pas d’aussi bonne qualité que celui d’un enseignant d’expérience, qui a atteint un stade de stabilité (AEE, 2004, p. 8; OCDE, 2005, cité par

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Karsenti et Collin, 2009, p. 4). Ainsi, ce serait les élèves qui feraient les frais du décrochage enseignant, se voyant recevoir un enseignement de moindre qualité que si les décrocheurs persistaient (AEE, 2004, p. 8; OCDE, 2005, cité par Karsenti et Collin, 2009, p. 4).

Pour Leroux et Mukamurera (2013, p. 13), l’attrition des débutants « entraine des couts pour la société ». Chez nos voisins du Sud, par exemple, les chercheurs « prévoient un manque d’enseignants qualifiés […] au cours des prochaines années, ce qui affecterait grandement le marché de l’emploi » des États-Unis (Molner Kelley, 2004, cité par Leroux et Mukamurera, 2013, p. 14). De surcroit, en quittant la profession, les nouveaux enseignants privent le système scolaire de leur dynamisme, essentiel à l’ensemble (Boivin, 2014, p. 1). En plus de représenter une perte de personnel prometteur (Curtis, 2005, Hensley, 2002, Thibeault, 1994, cités par Ndoreraho et Martineau, 2006, p. 11), ils renforcent la pénurie d’enseignants (Cambier et al., 2010, p. 33).

1.2 La pertinence du projet de recherche

De nombreuses recherches ont déjà été faites sur le sujet du décrochage enseignant, dont certaines seront d’ailleurs considérées dans le présent écrit. Cependant, je souhaite mettre au jour un aspect lacunaire par rapport au champ de la recherche et aux autres écrits déjà parus sur la question en apportant une nouveauté : ici, ce sera moi-même, la chercheuse, qui m’interrogerai sur ma propre expérience. J’espère ainsi contribuer à une plus grande connaissance du vécu d’une personne engagée dans une pratique enseignante et donc à une meilleure compréhension du processus d’un individu qui le mène de l’engagement dans une profession à un décrochage.

Ce projet est pertinent à plusieurs égards et s’inscrit dans une volonté de répondre aux besoins présentement ressentis par les enseignants en IP, par les directions qui désirent favoriser la rétention de ces enseignants et par le système scolaire entier qui a un besoin inévitable d’avoir continuellement de nouveaux enseignants, compétents et qui, idéalement, resteront dans la profession. D’autres raisons sous-tendent la pertinence de ce projet :

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- Parce que la situation de la rétention des nouveaux enseignants au Québec est

inquiétante.

Le constat vient tout juste d’être fait : au Québec comme ailleurs, le portrait du décrochage enseignant ne s’améliore guère depuis les dix dernières années. Si les choses continuent ainsi, la profession enseignante risque de manquer d’effectifs éventuellement. La rétention des nouveaux enseignants devient donc un sujet prioritaire dans le domaine de l’éducation. Il faut maintenant chercher à comprendre pourquoi un nombre record d’entre eux quittent l’enseignement (Dumler, 2010, p. 32), se demander ce qui est à l’origine du décrochage des enseignants et s’intéresser aux solutions qui permettraient de les retenir dans nos écoles. Pour comprendre le phénomène et y trouver des solutions, il faut aller à la source du problème – les débuts de carrière – et s’interroger sur l’expérience d’IP vécue par les enseignants.

- Parce que l’IP est une étape cruciale dans le développement professionnel des

enseignants.

Les écrits démontrent que « les premières années dans l’enseignement sont déterminantes dans la décision de demeurer ou de quitter la profession; par conséquent, l’IP constitue une étape cruciale de ce processus décisionnel » (Duchesne, 2008, p. 311). Ces années exercent une grande influence sur la suite de la carrière (Martineau et Presseau, 2003, p. 55). Une entrée réussie dans la vie professionnelle est un facteur déterminant pour le développement du sentiment d’efficacité personnelle de l’enseignant (Weinstein, 1988, Huberman, 1989b, Murnane et al., 1991, Martineau et Corriveau, 2000, cités par Cambier et al., 2010, p. 11), pour son bienêtre personnel et professionnel (OEEO, 2008, cité par Duchesne et Kane, 2010, p. 67) et pour son désir d’engagement professionnel (Martineau et Presseau, 2003, p. 55). Comme l’affirme Raymond (2001, cité par Martineau et Presseau, 2003, p. 55), « [l]es débuts dans l’enseignement jettent les bases de la dynamique motivationnelle qui animera l’enseignant » par la suite. Le succès de l’insertion est aussi essentiel à leur rétention dans la profession (Cambier et al., op. cit., 2010), à la croissance et au développement de la profession ainsi qu’à l’excellence du système d’éducation (OEEO, 2008, cité par Duchesne et Kane, 2010, p. 67). C’est pourquoi il est indispensable de se pencher plus particulièrement sur cette période de la carrière des enseignants.

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- Parce qu’il faut se pencher sur les nombreuses difficultés vécues par les enseignants débutants si l’on veut trouver des solutions.

Ce qui mène au désengagement et au décrochage des enseignants en début de carrière, c’est souvent l’accumulation des obstacles trouvés sur le chemin et l’amoncèlement des difficultés vécues sur les plans professionnel et personnel, tant dans la classe qu’à l’extérieur de ses murs, tant avec les élèves qu’avec les autres acteurs du milieu enseignant – collègues, membres de la direction, parents. Pour un professionnel sans expérience, la tâche peut sembler insurmontable. Au Québec, mais aussi en Amérique du Nord et en Europe (Cusinay, 2005, Eurydice, 2002, Feiman-Nemser, 2003, Huberman, 1989; Kutch et Schulz, 2006, Mukamurera, 2005 et 2011a, Nault G., 2003, Portelance, Mukamurera, Martineau et Gervais, 2008, cités par Martineau et Mukamurea, 2012, p. 46), les études s’entendent sur le fait que les débuts de carrière souvent difficiles et frustrants. Il n’est alors pas surprenant de constater que les nombreuses difficultés vécues par les novices nourrissent un intérêt grandissant pour le thème de l’insertion dans le milieu de la recherche et le milieu scolaire (Martineau et Vallerand, 2007, p. 1).

- Parce que le rôle des directions dans l’accompagnement des enseignants en IP est

un sujet peu exploité dans la littérature.

La situation des enseignants novices dans les milieux scolaires d’ici et d’ailleurs est un sujet largement abordé dans la littérature. Toutefois, les auteurs et les chercheurs explorent rarement en profondeur le lien direct ou indirect qui existe entre le rôle joué par les directions d’école et la qualité de l’expérience d’IP vécue par les nouveaux enseignants. Pourtant, le support de la direction a un impact sur la rétention des enseignants débutants dans le milieu. Il sera donc intéressant de se pencher plus spécifiquement sur cet aspect de l’IP.

- Parce qu’il y a peu de programmes efficaces pour soutenir les enseignants lors de leur IP.

En ce moment, au Québec, certains programmes sont mis en place pour faciliter l’IP des enseignants. Pourtant, malgré certains bienfaits reconnus de ces programmes (Martineau et Mukamurera, 2012, p. 47) et le soutien essentiel qu’ils pourvoient aux débutants pour

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affronter les défis de l’entrée en carrière, toutes les CS et tous les novices ne peuvent en bénéficier (Martineau et Vallerand, 2007, p. 2). Plusieurs débutants continuent d’intégrer les milieux scolaires sans aucune forme de soutien formel (Martineau, Presseau et Portelance, 2005). Peu de dispositifs d’aide et peu de programmes systématiques d’accueil et de soutien sont présents dans les organisations scolaires, et ceux qui le sont peuvent être parfois d’une efficacité relative (Mahonym 1996, Vallerand et Martineau, 2006, Nault, 2000, cités par Martineau et Mukamurera, 2012, p. 47). Certains programmes pourraient en effet être améliorés pour mieux répondre aux divers besoins des novices, selon Martineau et Mukamurera (2012, p. 49).

La recherche portant sur l’IP est fortement axée sur le recrutement, la rétention ou l’attrition des enseignants (Allen, 2005, Guarino et al., 2006, cités dans Bickmore et Bickmore, 2010, p. 1007) et sur le recourt au mentorat un à un pour assurer la transition des débutants dans la pratique professionnelle (Allen, 2005, Darling-Hammond, 2003, Feiman-Nemser, 2003, Gold, 1996, cité par Bickmore et Bickmore, 2010, p. 1007). Toutefois, la recherche se concentre peu sur les programmes d’IP englobant plusieurs composantes et qui sont destinés à aider les nouveaux enseignants. Peu d’études ont examiné comment les approches systématiques et entières des écoles affectent la transition des enseignants dans la profession (Smith et Ingersoll, 2004, cités par Bickmore et Bickmore, 2010, p. 1007). Ajoutons qu’au Québec, il n’y a pas de politique de l’IP (Martineau et Mukamurera, 2012, p. 47). Il apparait donc pertinent de se pencher particulièrement sur l’aspect « programme » de l’IP.

1.3 Les questions de recherche

Dans un premier temps, mon texte vise à résumer ce qui est ressorti d’une revue de la littérature francophone et anglophone portant sur l’IP des nouveaux enseignants. Puis, dans un deuxième temps, je comparerai certains éléments issus de cette revue avec ce qui ressort de l’analyse approfondie de ma propre pratique.

Au départ, le souhait était de faire une recension des écrits québécois uniquement, puisque je voulais circonscrire cette recherche à la clientèle des nouveaux enseignants au Québec. Toutefois, la littérature québécoise francophone n’abonde pas à ce sujet. J’ai donc élargi mes

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champs de recherche initiaux à la littérature francophone européenne (France, Suisse, Belgique) et à la littérature anglophone canadienne et étatsunienne.

Par le biais de cette recherche, je tenterai de répondre à la question globale suivante :

Quels facteurs entrent en ligne de compte et sont déterminants dans le décrochage d’un nouvel enseignant?

L’objectif principal poursuivi par cette question est de définir et de comprendre la pluridimensionnalité du phénomène du décrochage enseignant. Selon moi, c’est la conjoncture de plusieurs facteurs qui mène au décrochage. Je souhaite donc identifier ces facteurs et dégager parmi eux les plus déterminants dans le processus du décrochage. Derrière la question globale à laquelle ce mémoire répond, je cherche à répondre aux questions sous-jacentes suivantes :

Quel genre d’expériences les enseignants vivent-ils lors de leurs premières années en milieu de travail?

L’objectif est ainsi de faire le portrait des premières années d’IP d’un enseignant : les points positifs et les difficultés vécus en début de carrière chez les enseignants, leurs besoins durant cette période et les facteurs qui influencent leur expérience.

Quels sont les outils existants pour accompagner les enseignants novices lors de leur première année en milieu de travail?

Cette question permettra de faire la recension des outils utilisés par les enseignants en début de carrière et ceux qui sont mis à leur disposition par l’école ou la CS pour faciliter leur IP. Le potentiel de ces outils sera également évalué et le rôle des directions, analysé.

Quels sont les divers rôles des directions auprès des enseignants novices?

Par cette question, je désire m’arrêter aux rôles joués par les directions d’établissements scolaires et mettre en lumière, par-dessus tout, leurs rôles dans l’IP des enseignants. Cela pourra permettre aux directeurs d’envisager différentes manières d’ajouter ces rôles à leur

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tâche déjà particulièrement lourde. Par extension, je veux aussi comprendre l’influence ou l’impact de la direction sur l’expérience vécue par les enseignants en début de carrière.

Quelles sont les pistes de solution au décrochage des novices?

Enfin, à la lumière de tout ce que la littérature et mon expérience m’auront appris, je souhaite être en mesure de dégager des pistes de solution qui favoriseraient la rétention des enseignants dans la profession.

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Chapitre 2 : Revue de littérature

Ce chapitre présente le cadre théorique de la recherche, qui est « constitué des théories et des concepts qui servent de matrice théorique pour les diverses étapes de la recherche » (Karsenti et Savoie-Zajc, 2011, p. 84).

2.1 La recension des écrits

Dans cette section, la recension des écrits portant sur l’IP des enseignants sera présentée. Plus spécifiquement, il sera question des facteurs de difficultés rencontrés par les enseignants en phase d’IP.

2.1.1 Méthode de sélection et d’analyse des écrits scientifiques

Tout d’abord, afin constituer la base de ma recension des écrits, je me suis appuyée sur ma question de recherche pour retenir un ensemble de mots-descripteurs. J’ai ensuite mis ces mots en relation afin de me permettre de relever des écrits significatifs pour mon analyse :

 insertion professionnelle  induction  enseignants débutants  nouveaux enseignants  beginning teachers  new teachers  abandon  décrochage  attrition  turnover  programmes d’induction/d’admission  entry year assistance

 supervision of preservice and inservice teacher  inservice teacher education

 rétention des enseignants  teacher retention

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À partir de ces mots-clés, une recherche a été réalisée dans les banques de références Education Resources Information Center (ERIC), Érudit, Cairn.info, Science Direct et Google Scholar. Cet exercice m’a permis de construire une banque de références détaillées comprenant tous les écrits scientifiques pertinents au sujet de recherche. Le corpus a été complété par quelques références secondaires.

J’ai ensuite retenu de ces écrits une documentation qui répond à certains critères de qualité et de validité tels que définis par Van der Maren (2004, p. 136), c’est-à-dire l’accès aux sources, l’exhaustivité, l’actualité et l’authenticité. Premièrement, l’accès aux sources signifie que j’ai préférablement cité les auteurs à partir de leurs propres travaux plutôt qu’à partir de sources secondes. Dans la mesure du possible, la vérification à la source a été faite. Si je ne pouvais le faire, je l’ai minimalement mentionné et ai essayé de vérifier la validité de l’information.

Deuxièmement, l’exhaustivité signifie que j’ai sélectionné les extraits pertinents des textes cités par rapport à l’objet d’étude, tout en évitant de « nettoyer le corpus en éliminant ce qui pose [un] problème ou ce qui entre en contradiction avec [mes] idées » (Ibid., p. 137). Les extraits devaient également être à la fois complets – sans que soient effacés certains passages qui orientent la lecture qu’on peut en faire – et être mis en contexte.

Troisièmement, j’ai tenu compte du critère de l’actualité, ce qui signifie qu’il m’a fallu recueillir les extraits récents du corpus sur l’objet examiné plutôt que de m’en tenir à la documentation ancienne. Pour ce faire, je me suis principalement arrêtée aux écrits publiés à partir de 2002. Puisque le sujet du décrochage enseignant est relativement récent dans la littérature, ce critère était d’autant plus important à mes yeux (Ibid., p. 138).

Enfin, le critère d’authenticité a été légèrement mis de côté, puisqu’il touche davantage les écrits se rapportant au passé, ce que je n’ai pas. J’ai toutefois tenu compte de la datation des écrits, de leur réédition, s’il y avait lieu, et de leur authenticité (de première ou seconde source), pour bien en situer le contexte (Ibid., p. 138-139).

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2.2 Les concepts-clés

Avant de présenter l’analyse thématique réalisée à partir d’une recension de la littérature, il apparait nécessaire de préciser certains concepts qui seront maintes fois abordés et qui peuvent porter à confusion par leur polysémie ou leurs différents usages.

2.2.1 La définition de l’insertion professionnelle (IP)

L’IP, comme le remarquent Karsenti, Collin et Dumouchel (2013, p. 552), peut être définie soit comme un processus, une période, une transition, un passage ou une expérience de vie. Peu importe la façon dont elle est définie, elle peut être comprise comme une phase de la vie professionnelle de l’enseignant qui se produit en début de carrière et qui nécessite chez lui un processus d’adaptation et d’évolution (Martineau et al., 2008, p. 2, cité par Karsenti, Collin et Dumouchel, 2013, p. 552)

Ne pouvant pas faire état de toute la multiplicité des définitions retrouvées dans la littérature, j’ai retenu quelques définitions de l’IP en enseignant, aussi parfois appelée induction. Pour définir ce concept, la définition d’abord retenue est celle de Martineau et Mukamurera (2012, p. 47) :

L’insertion est un processus dynamique et non linéaire qui se déroule environ durant les cinq premières années de travail. Mais quoique ce concept soit utilisé de façon courante, il est en fait polysémique et il renvoie à des dimensions et critères. Trois principales dimensions émergent dans les écrits : l’insertion professionnelle (IP) en tant qu’intégration sur le marché du travail, l’IP en tant que socialisation professionnelle et enfin l’I.P en tant que socialisation organisationnelle. La première dimension fait référence à la variabilité de l’emploi et à ses différentes facettes et processus comme la durée, le type, le statut d’emploi et les trajectoires d’accès, les conditions de travail, la nature du travail, etc. C’est l’insertion au sens économique et administratif. La deuxième dimension renvoie à la familiarisation avec le milieu de travail à la fois au plan physique, organisationnel, social, philosophique et politique. À cet égard, on considère que pour exercer un rôle professionnel dans un milieu donné et s’y faire accepter comme membre à part entière, il est essentiel que le nouvel enseignant s’approprie les règles de fonctionnement, les attentes et la culture de ce milieu. Enfin, l’insertion renvoie aussi, et c’est là la troisième dimension, à l’adaptation et à la maitrise du rôle professionnel, par le développement des savoirs et des compétences spécifiques au métier. Il s’agit ici, dans le cas des

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enseignants, du savoir « faire la classe », de devenir efficace dans le travail selon les compétences professionnelles attendues. C’est souvent cette dimension qui est prise en compte par les dispositifs de soutien au détriment des deux autres.

Une étude de Gingras et Mukamurera (2008) réalisée auprès d’enseignants se rallie à cette définition, puisque les facteurs évoqués par les participants pour définir la réussite et l’appréciation de leur IP montre une dynamique de relation et de complémentarité entre quatre dimensions similaires à celles qui viennent d’être présentées : « a) l’intégration socio-organisationnelle, b) la socialisation professionnelle, c) l’insertion dans l’emploi, d) l’insertion dans le travail » (p. 210).

Quant à Nault (1993, cité par Cambier et al., 2010, p. 14), elle considère l’IP non pas comme un ensemble de dimensions qui se complètent, tel que le décrivent Martineau et Mukamurera, mais plutôt comme un processus qui comporterait trois étapes successives plus ou moins distinctes : 1) l’anticipation et l’euphorie (avant l’entrée en fonction); 2) le choc de la réalité (premiers moments d’enseignement); et 3) la consolidation des acquis (prise de confiance et reconnaissance des compétences).

D’après Rebore (1991, dans Weva, 1999, cité par Cambier et al., 2010, p. 10), l’IP met en jeu de nouveaux enseignants qui doivent se familiariser à leur environnement de travail sur plusieurs plans : physique et organisationnel, social, philosophique et politique.

Comme le démontrent ces trois définitions, l’aspect « socialisation » est souvent étroitement lié à l’insertion dans la littérature. Cet aspect se retrouve aussi chez Angelle (2002), pour qui l’insertion est un processus de socialisation à travers lequel les éducateurs débutants ont l’occasion de se pratiquer et de développer des compétences d’enseignement sous l’aile de mentors, d’enseignants chevronnés et de directeurs d’école. Ce processus contribue à approfondir leur compréhension de la pratique (l’intégration réflexive de la théorie, de la technique, et de la profession) et, plus important encore, à développer un sens plus profond de ce qu’ils sont en tant qu’éducateurs.

2.2.1.1 La durée de l’IP

Aucun consensus n’existe dans la littérature en ce qui concerne la durée de l’IP. Certains considèrent qu’elle s’étendrait d’une demi-journée à trois ans (Weva, 1999, cité par Cambier

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1993, cités par Cambier et al., p. 20), qu’elle devrait être de trois ans minimum (Katz, 1972, cité par Cambier et al., p. 20) ou encore qu’elle pourrait atteindre sept ans (Nault, 1993, Nault, 2007, cités par Cambier et al., 2010, p. 20). Pour Wong, Britton et Gaser (2005, p. 379), l’insertion est une forme hautement organisée et globale du développement du personnel, impliquant de nombreuses personnes et des composants, qui se poursuit généralement comme un processus durable pour les deux à cinq premières années de la carrière d’un enseignant. Si personne ne semble s’entendre sur la délimitation temporelle de l’IP, la recherche reconnait néanmoins la variabilité de celle-ci. Pour Nault (1999, cité par Cambier et al., 2010, p. 20), « l’IP se prolonge jusqu’à ce que le débutant ait acquis un certain niveau de compétence et de confiance en celle-ci; point [que l’auteure] estime souvent rejoint au moment de l’engagement à long terme de l’enseignant (nomination) ». Cette IP perdurerait jusqu’à ce que le débutant soit adapté à son environnement professionnel et à ses tâches quotidiennes (Nault, 2007, cité par Cambier et al., 2010, p. 21), jusqu’à ce qu’il « fonctionne pleinement et efficacement dans le système scolaire » (Ibid.). Pour Letven (1992, cité par Cambier et al., 2010, p. 21), l’IP n’est complétée que lorsqu’un nouvel enseignant n’est plus tourné vers la satisfaction de ses propres besoins (« ses préoccupations de bases »), mais vers ceux des élèves (Füller, 1969, Veenman, 1984, Huberman, 1989, cités par Cambier et al., 2010, p. 21).

En outre, plusieurs facteurs auraient une influence sur la durée de l’IP : la personnalité de l’enseignant, sa capacité d’adaptation, ses expériences antérieures, le contexte de son insertion, le type de contrat qu’il aura obtenu (Lamare, 2003, cité par Ndoreraho et Martineau, 2006, p. 2; Nault, 1999, cité par Cambier et al., p. 21), la qualité globale de sa formation initiale, le degré de compétence qu’il a atteint à la fin de cette formation, l’encadrement obtenu pendant ses stages ainsi que les mesures de soutien disponibles dans son milieu d’insertion (Martineau et Vallerand, 2005, p. 15).

Lorsque je parlerai d’enseignants en IP, ou de novices, j’aurai en tête les « jeunes diplômés fraichement sortis des organismes de formation initiale s’étant directement engagés dans celle-ci après [leurs] études [collégiales] » (Cambier et al., 2010, p. 12), certains enseignants qui sont « amenés à changer de contexte d’exercice en cours de carrière » (Ibid.), mais aussi des individus en réorientation professionnelle qui décident à un moment de leur carrière

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d’intégrer la profession alors que leur formation initiale était peut-être dans un tout autre domaine, ainsi que des enseignants qui ont quitté la profession et qui se décident plus tard à la réintégrer (Ibid.).

2.2.2 La définition de la phase de survie

Nombreux sont les écrits portant sur l’IP qui font état d’une période intense et difficile vécue par les enseignants en début de carrière, que les auteurs nomment « phase de survie », « stade de survie » ou encore « période de survie ».

Il s’agit d’une période pendant laquelle les nouveaux enseignants constatent, avec choc, les différences entre ce qu’ils ont appris à l’université et vécu pendant leurs stages et la réalité du quotidien d’un enseignant, avec tout ce que cela comporte de responsabilités, comme la charge d’une classe à soi (FSE, 2013, p. 7). Ils doivent alors apprendre à vivre « à la fois tous les aspects de la vie exigeante et engageante du métier » (Gingras et Mukamurera, 2008, p. 204).

Selon Huberman (1989, p. 7), « [l]'aspect “survie” traduit ce qu’on appelle communément le “choc du réel” : le tâtonnement, la préoccupation de soi-même [,] le décalage entre les idéaux et les réalités quotidiennes de la classe, etc. ». Les novices n’ont plus la supervision et l’aide d’un enseignant d’expérience dont ils pouvaient bénéficier pendant les stages (Gingras et Mukamurera, 2008, p. 204). Les débuts « représentent [pour eux] un moment d’adaptation et d’apprentissage intense, au cours duquel ils auraient l’impression d’être parachutés dans le milieu, sans rien pour amortir leur arrivée au sol (Mukamurera, 2005, cité par Gingras et Mukamurera, 2008, p. 204) ».

Plusieurs futurs enseignants idéalisent le milieu de travail qu’ils s’apprêtent à intégrer (Martineau, Portelance et Presseau, 2009, cités par Jeffrey, 2011, p. 29). Ils ont entre autres l’impression que « leur originalité, leur vitalité et leur formation » les protègeront des pires difficultés, ils « se font une représentation idéale de leur personne comme enseignant » et croient à tort que « leur jeunesse et leur détermination [faciliteront] leurs relations avec les élèves » (Jeffrey, loc. cit.). Néanmoins, l’arrivée dans la pratique, qui passe souvent par la

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suppléance, peut être bien souvent décevante pour les novices et peut se traduire pour eux en « une sorte de choc professionnel pouvant parfois être paralysant » (Ibid.).

Ils se retrouvent à la fois à devoir s’adapter à la profession, à chercher à se faire accepter par les acteurs de leur nouveau milieu et à maitriser leur travail (Gingras et Mukamurera, 2008, p. 204). Ils ont à s’adapter aux nouvelles situations qui se présentent continuellement à eux, à faire face aux aléas du quotidien enseignant et aux tâches d’organisation, comme « les routines et les modes de fonctionnement de la classe » (Lamontagne, 2006, p. 28). Il s’agit d’une période où ils font beaucoup d’essais et erreurs (Gingras et Mukamurera, 2008, p. 204). D’après Gingras et Mukamurera (2008, p. 205-206), ce n’est pas seulement l’inexpérience qui rend les débuts dans l’enseignement difficile chez nous, ce sont aussi les conditions d’IP et tout le contexte de précarisation du travail qui entrent en jeu et qui alimentent chez les novices l’impression d’être en « mode survie » en début de carrière.

2.2.2.1 La durée de la phase de survie

La durée de cette période difficile varie d’un auteur à l’autre. Par exemple, pour Lamontagne (2006, p. 28), elle se situe « au cours du premier mois, au moment où l’enseignant est centré sur la préparation de la classe, la matière à enseigner et les diverses tâches à accomplir dans le cadre de ses fonctions ». Dans le modèle des stades de développement de carrière de l’enseignant de Huberman (1995), ce sont les trois premières années d’enseignement qui représentent l’entrée en carrière, la période de survie, de découvertes et de tâtonnements dans l’exercice de ses fonctions.

De surcroit, pour certains, il semble que ce ne serait qu’une fois que les enseignants ont traversé le choc initial de la première année qu’ils sont en mesure de se concentrer sur des activités importantes, comme la planification à plus long terme, les objectifs des élèves et leurs besoins individuels (Marshall, Fittinghoff et Cheney, 1990, cités par Fantilli et McDougall, 2009, p. 814). Avant d’en arriver là, la situation est très mouvementée pour eux et ils investissent temps et efforts disproportionnés simplement pour garder la tête hors de l’eau (Fantilli et McDougall, 2009, p. 814).

Notons toutefois qu’à l’aspect « survie » de l’entrée en carrière, Huberman (1989) ajoute l’aspect « découverte », qui « traduit l’enthousiasme des débuts, l’expérimentation, la fierté

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d’avoir enfin sa propre classe, ses élèves, son programme, et de faire partie d’un corps de métier constitué » (Huberman, 1989, p. 7).

2.2.3 La définition du décrochage enseignant

Dans la littérature, on entend le décrochage enseignant comme « un départ volontaire et prématuré de la profession enseignante » (Macdonald, 1999, cité par Karsenti et Collin, 2009, p. 3). Toutefois, l’aspect « volontaire » n’est pas nécessairement approprié à la situation des enseignants, qui décrochent parfois parce qu’après avoir surmonté d’innombrables défis, il ne semble plus y avoir d’autres options pour eux (Karsenti, Collin et Dumouchel, 2013, p. 551). En ce sens, j’ai préféré retenir la définition du décrochage enseignant de Karsenti et Collin (2009, p. 3), qui m’apparait plus juste : « le départ prématuré de la profession enseignante (moins de sept ans), qu’il soit volontaire ou non, voulu ou subi ». À l’instar de Karsenti et ses coauteurs (2013, p. 551), je me concentrerai sur les « enseignants qui quittent non pas leur poste d’enseignement, mais la profession enseignante dans son ensemble ». Comme le soulignent ces auteurs (2013, p. 551-553), le décrochage est inhérent à toutes les professions. Il est normal et inévitable. En effet, il se peut que dans l’enseignement, comme dans une autre profession, une personne décide de changer de carrière, par exemple parce qu’elle juge ne pas être à sa place ou parce qu’elle trouve un projet plus stimulant ailleurs. De plus, la mobilité actuelle que l’on connait dans le monde du travail touche à tous les domaines. À cette première conception du décrochage enseignant s’ajoute une deuxième, qui envisage le décrochage enseignant « comme le symptôme d’un dysfonctionnement professionnel » (Karsenti, Collin et Dumouchel, 2013, p. 552). C’est ce qui arrive lorsqu’on remarque un taux élevé de décrochage et des impacts négatifs sur le système éducatif. Dans cette recherche, il sera davantage question des problèmes liés à la profession d’enseignant que des problèmes liés à l’évolution de carrière de la chercheuse.

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2.2.4 La définition du développement professionnel

La conception retenue du développement professionnel est celle de Uwamariya et Mukamurera (2005, p. 148) : il s’agit d’un « processus de changement, de transformation, par lequel les enseignants parviennent peu à peu à améliorer leur pratique, à maitriser leur travail et à se sentir à l’aise dans leur pratique ».

2.2.5 La définition du programme de soutien à l’IP

Comme le soulignent Leroux et Mukamurera (2013), « programmes » et « dispositifs » d’IP sont souvent utilisés indifféremment. Pourtant, les deux concepts sont distincts : l’un inclut en fait l’autre. En effet, le « PIP est un ensemble de procédures institutionnelles établies dans le but d’accueillir ou d’intégrer les nouvelles recrues » (p. 15); il inclut donc des mesures et des dispositifs d’insertion.

Quant au concept de dispositif, il réfère plutôt à une mesure ou à un outil plus spécifique de soutien à l’IP des enseignants, qui fait partie d’un programme. Il peut s’agir, par exemple, de mentorat, de groupe de discussion, de groupe de soutien en ligne, etc. (Martineau et Mukamurera, 2012, p. 47; Boivin et Lamoureux, 2011, cités par Leroux et Mukamurera, 2013, p. 15).

2.2.6 La définition de la culture scolaire

La définition retenue de la culture organisationnelle scolaire est celle de Cambier et ses coauteurs (2010, p. 26) : « un système de conduites, de représentations et de valeurs partagées par un ensemble relativement large de membres du système éducatif ». C’est une base, qui sert à faire agir et diriger (Weva, 1999, cité par Cambier et al., 2010, p. 26), par rapport à laquelle les acteurs du milieu doivent se situer, selon leur conformité avec les comportements prescrits et leur adhésion aux valeurs de la culture en question (Cambier et

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2.3 Les facteurs de difficulté en IP qui peuvent mener au

décrochage

Le novice se situe dans un paradoxe, comme le remarque Lamontagne (2008). D’un côté, à la sortie de ses quatre années de formation, il se considère comme un professionnel compétent. D’un autre côté, « la tâche complexe qu’il a à accomplir peut lui laisser penser qu’il lui reste des lacunes à combler » (p. 1). Dans sa nouvelle réalité, l’enseignant débutant peut se sentir envahi par l’ampleur de la tâche et il peut vivre certaines situations où il se sent démuni et où il a besoin d’aide (Ibid., p. 2). En effet, malgré sa formation et ses stages pratiques, chaque jour, le novice est confronté à de nouveaux problèmes professionnels (Loc.

cit.). Et un contraste existe entre l’accompagnement reçu pendant la formation initiale par le

futur enseignant, puis le désengagement soudain auquel il fait face aussitôt qu’il est diplômé (Karsenti et Collin, 2009, p. 5). Selon ce que rapportent Martineau et Presseau (2003, p. 55), « [d]ans les cas les plus dramatiques, des débuts difficiles peuvent conduire le nouvel enseignant à abandonner complètement l’enseignement ».

En fait, tous les écrits s’entendent sur le fait que les enseignants vivent un début de carrière généralement chargé de difficultés. Et les facteurs qui peuvent engendrer un décrochage de leur part sont nombreux. Toutefois, j’ai noté que certains facteurs sont plus souvent cités que d’autres dans la littérature. Pour les enseignants du secondaire, Mukamurera et Bouthiette (2008, cités par Cambier et al., 2010, p. 33) rapportent que les quatre principales causes d’abandon, par ordre croissant, seraient les suivantes : « “la lourdeur” et la difficulté de la tâche, la précarité/instabilité en cours d’IP, [les] écarts entre la représentation idéalisée du métier et la réalité du terrain, ainsi que l’enseignement à des groupes-classes difficiles ». Ces quatre facteurs seront analysés plus en détail dans cette section, en plus de certains autres qui sont souvent rapportés dans les écrits. Nous verrons aussi ce que remarquent Karsenti et Collin (2009, p. 4) : les facteurs de décrochage peuvent être étroitement liés et un facteur peut en créer un deuxième ou plusieurs autres.

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