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Cent dix-sept fois plus de cadres que d'ouvriers

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Academic year: 2021

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Submitted on 25 May 2021

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Cent dix-sept fois plus de cadres que d’ouvriers

Michel Koebel

To cite this version:

Michel Koebel. Cent dix-sept fois plus de cadres que d’ouvriers. Le Monde Diplomatique, 2014, pp.17-17. �hal-03235734�

(2)

Rendez-vous manqué de la gauche et de la politique locale

Cent dix-sept fois plus de cadres

que d’ouvriers

par Michel Koebel, janvier 2014

Les gouvernements et les parlementaires qui, depuis les

années 1970, prônent la décentralisation du pouvoir de l’Etat vers les collectivités territoriales fondent une partie de leur argumentaire sur une supposée proximité entre les citoyens et les élus locaux. Mais ces derniers sont-ils réellement plus

proches de leurs administrés que leurs homologues nationaux ?

Comprennent-ils mieux leurs préoccupations, par exemple ?

Il faudrait pour cela qu’ils les rencontrent régulièrement. Or cette possibilité, fréquente en milieu rural, devient improbable quand la taille de la commune augmente. Conscients du

problème, de nombreux maires ont tenté d’institutionnaliser les

contacts en développant la « démocratie participative». Mais

des études ont pointé les failles des dispositifs mis en œuvre : quand ils ne se résument pas à de simples opérations de

communication politique, ils favorisent essentiellement

l’implication d’habitants déjà pourvus de certaines ressources, notamment ceux appartenant aux classes moyennes

supérieures (1).

La rareté des rencontres pourrait être compensée par une

proximité sociale avec les citoyens. Mais il n’en est rien. Comme leurs collègues nationaux, ces élus forment une élite. D’après le

«Répertoire national des élus » établi par le ministère de

l’intérieur, plus de 60 % des maires des deux mille quatre cent

soixante-quatorze communes de plus de deux mille cinq cents habitants — considérées en France comme des villes — sont des cadres ou appartiennent aux professions intellectuelles

supérieures, contre seulement 0,8 % de maires ouvriers, alors

(3)

respectivement 15,6 % et 23,6% de la population active. Cela revient à dire que les cadres supérieurs sont cent dix-sept fois plus représentés que les ouvriers parmi les maires urbains.

Depuis les lois de décentralisation du début des années 1980, la situation s’est même aggravée : la proportion de maires cadres supérieurs est passée, dans l’ensemble des communes

françaises, de 15,1 % à 17,4%, tandis que celle des ouvriers

stagnait autour de 2,2%. Dans les grandes villes, celles de plus

de cent mille habitants, le pourcentage des maires cadres

supérieurs et encore actifs (car il y a aussi des retraités qui sont

maires!) atteint même 93 %, un chiffre supérieur à celui des

parlementaires.

Les employés sont plus nombreux qu’avant : ils représentent

10,2% des maires; 16,6 % si l’on ne prend en compte que les

actifs. C’est en grande partie grâce à la loi sur la parité, qui a propulsé des femmes à la tête de certaines municipalités. Mais,

là encore, la conquête ressemble plus à un « octroi» : il ne s’agit

pratiquement que de petites communes, où le pouvoir est moins important et moins convoité. La proportion des femmes parmi

les maires dépasse 20 % dans les communes de moins de

cinquante habitants, alors qu’elle franchit à peine la barre des

10% en moyenne dans les communes de plus de deux mille

habitants.

L’âge constitue également un obstacle en matière d’accès aux responsabilités politiques locales : au début de leur mandat, en 2008, la moyenne d’âge des maires actuels était de 57 ans. Seuls

3,7% d’entre eux avaient moins de 40 ans ; même les députés

actuels — avec 7,4 % — sont plus jeunes qu’eux.

Certes, on pourrait arguer que les maires ne sont pas seuls à gouverner, et que les assemblées délibérantes sont plus

accessibles. Ce n’est qu’en partie vrai, car les règles de scrutin sont ainsi faites que le pouvoir reste concentré entre les mains d’un quarteron formé par le premier magistrat, le premier

(4)

locaux (2), en maintenant l’opposition dans un rôle secondaire, voire inexistant. C’est notamment le cas avec le scrutin à liste bloquée, formule qui s’appliquera désormais dans les

communes de plus de mille habitants, contre trois mille cinq

cents auparavant, et concernera plus de 84 % de la population

française.

Deux raisons principales expliquent le renforcement de la sélectivité sociale. D’abord, la décentralisation a accru les compétences nécessaires à l’exercice des mandats locaux en complexifiant les tâches. En élargissant les prérogatives des maires, elle a également augmenté le nombre de candidats à cette fonction. Par ailleurs, le climat de concurrence généralisée entre territoires, accentué par la crise économique, disqualifie inévitablement ceux qui ne disposent pas des ressources

politiques nécessaires pour mener cette bataille, tant médiatique qu’économique.

Or il ne faut pas minimiser les effets de l’appartenance sociale de ceux qui concentrent le pouvoir — fût-il local — sur le

contenu même des politiques qu’ils mènent. On peut en outre douter de leur capacité à représenter d’autres catégories de

population que la leur, ou que celles qui savent se faire entendre d’eux… et qui sont rarement éloignées de la leur.

Michel Koebel Maître de conférences à l’université de Strasbourg.

(1) Cf. Le Pouvoir local ou la démocratie improbable, Editions du Croquant,

Bellecombe-en-Bauges, 2006.

(2) « Les hiérarchies du pouvoir local », Savoir/Agir, n° 25,

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