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Croissance des jeunes entreprises et territoires Approche économétrique

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Academic year: 2021

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CAHIER

RECHERCHE

CROISSANCE DES JEUNES ENTREPRISES

ET TERRITOIRES.

APPROCHE ÉCONOMÉTRIQUE

Marjorie MAZARS

Philippe MO ATI

Laurent POUQUET

(2)

CROISSANCE DES JEUNES ENTREPRISES

ET TERRITOIRES.

APPROCHE ÉCONOMÉTRIQUE

N° 205 Octobre 2004 Marjorie MAZARS Philippe MOATI Laurent POUQUET

Département "Dynamique des marchés"

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SOMMAIRE

RÉSUMÉ... 1

INTRODUCTION...2

1. LES DÉTERMINANTS DE LA CROISSANCE DES JEUNES ENTREPRISES... 9

1.1 Les opportunités de croissance...10

1.2 Le besoin de croissance...11

1.3 La capacité de croissance...12

2. L’INFLUENCE DU TERRITOIRE D’IMPLANTATION SUR LA CROISSANCE : SURVOL THÉORIQUE... 16

2.1 L’offre de ressources... 16

2.2 L’offre de débouchés... 18

2.3 L’accès à des mécanismes de coordination... 19

3. LES DONNÉES... 22

3.1 La variable à expliquer...23

3.2 Les variables explicatives...23

3.2.1 Les variables relatives aux territoires... 23

3.2.2 Les variables de contrôle... 28

4. LE MODÈLE...31

4.1 Le traitement de la colinéarité des variables territoriales... 32

4.2 Le traitement du biais de sélection... 36

4.3 Le choix de la méthode d’estimation... 37

5. LES RÉSULTATS... 39

5.1 Les déterminants de la survie... 39

5.2 Les déterminants de la croissance... 40

5.2.1 Analyse sur l’ensemble de l’échantillon... 41

5.2.2 Segmentation selon la taille de l'entreprise... 43

5.2.3 Segmentation selon le rayonnement commercial de l’entreprise...46

CONCLUSION...51

ANNEXE... 52

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RÉSUMÉ

Cette étude s’intéresse à l’influence des caractéristiques du territoire d’implantation sur la croissance des jeunes entreprises. Le territoire d’implantation constitue à la fois pour les entreprises une offre de ressources, une offre de débouchés et un accès à des mécanismes de coordination. Les territoires sont inégaux par rapport à ces facteurs susceptibles de contribuer à la définition des opportunités et de la capacité de croissance des jeunes entreprises. Par la mobilisation des données individuelles des deux premières enquêtes SINE réalisées par l’INSEE auprès d’un vaste échantillon d’entreprises nouvellement créées, un modèle de croissance est construit afin de tester l’influence d’un large ensemble de variables décrivant l’environnement local des entreprises (mesure au niveau des zones d’emploi, avec prise en compte des zones d'emploi voisines, par un système de pondération fondé sur le temps de transport).

Il ressort de l’estimation du modèle que les caractéristiques du territoire d’implantation jouent un rôle significatif, mais modeste, sur la croissance des jeunes entreprises au cours des trois premières années d’activité. En particulier, la capacité d’un territoire à offrir aux entreprises qui y sont implantées un environnement dense et riche en ressources (main-d’œuvre, infrastructures) exerce une influence positive sur la croissance des jeunes entreprises. De même, la spécialisation marquée du territoire dans l’activité de l’entreprise, gage de la présence locale de ressources spécifiques et d’économies de localisation, apporte un soutien à la croissance. À l’inverse, et compte tenu de cet effet positif de la spécialisation du territoire, l’intensité de la concurrence associée à une forte densité locale d’établissements du secteur de la jeune entreprise tend à pénaliser sa croissance.

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INTRODUCTION

Avec les lois pour l’initiative économique de 2003 et 2004, le gouvernement Raffarin poursuit et approfondit les politiques engagées par les précédents gouvernements en faveur de la création d’entreprises. Cet effort mené au plan national pour promouvoir la création d’entreprises est fortement relayé par les territoires. En effet, les politiques d’aides et d’accompagnement des créateurs d’entreprises occupent souvent une position centrale dans l’action économique des collectivités locales qui y voient un facteur déterminant du dynamisme économique et de la création d'emplois, par le renouvellement du tissu économique et le développement d'activités nouvelles.

Les études portant sur l’impact sur l’emploi de la création d'entreprises sont rares et lacunaires. L’effet immédiat des créations d’entreprises sur l’emploi est clair : selon les données de l'enquête SINE, les 210 000 entreprises créées ou reprises en 1998 ont représenté un volume de 463 000 emplois [Thirion et Demoly, 2003], Toutefois, l’impact à moyen et long terme est plus délicat à évaluer.

En premier lieu, parce qu’il est quasiment impossible d’estimer l’effet indirect de l’apparition des nouvelles entreprises sur l’emploi des entreprises en place. Environ 15% du flux annuel de créations d’entreprises consistent en reprises d’entreprises préexistantes et ne génèrent pas de créations d’emplois au sens strict1. En outre, l’offre ne crée par toujours la demande. Près du quart des créations d’entreprises interviennent dans les secteurs du commerce et des services aux particuliers. La demande adressée à ces secteurs étant très largement induite par le niveau du revenu, l’augmentation de l’offre par l’apparition de nouvelles entreprises s’accompagne souvent de la sortie d’entreprises préexistantes ou d’une durée de vie très courte des entreprises nouvellement créées.

En second lieu, la mortalité des jeunes entreprises est en effet très importante. Selon l’enquête SINE, seules 64% des entreprises créées ou reprises en 1998 étaient pérennes trois ans plus tard. Ce taux de survie est, certes, minoré par les conventions statistiques de l’INSEE qui conduisent à considérer comme ayant disparu les jeunes entreprises ayant été revendues par leur créateur ou ayant changé de statut juridique2.

1 Même si une proportion difficile à estimer de ces reprises aura permis d’éviter des cessations d’activité.

2 II semblerait cependant que le biais soit relativement modeste. La réintégration, dans le calcul, des entreprises ayant arrêté leur activité temporairement, qui ont été vendues ou transmises ou mises en location gérance au cours de leurs trois premières années d'existence (information obtenue au moyen du questionnaire de la seconde vague de SINE) fait passer le taux de survie à 66%, soit un gain de seulement deux points.

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Il n'en demeure pas moins que la mortalité des jeunes entreprises est importante3, et que, depuis plusieurs années déjà, les politiques en faveur de la création d’entreprises s’efforcent de la réduire par l’assistance aux créateurs au moment de l’élaboration de leur projet, puis par des dispositifs d’accompagnement au cours des premières années d’existence. En dépit de cette mortalité, l’impact direct de la création d'entreprises sur l’emploi est tout à fait significatif. Selon Thirion et Demoly [2003], les 127 000 entreprises créées ou reprises en 1998 et toujours actives en 2001 employaient 472 000 personnes. Le volume d’emploi initial est donc maintenu et même légèrement dépassé, en dépit de la disparition d'une proportion importante des jeunes entreprises4. Le bilan est encore meilleur lorsque seules sont prises en compte les créations pures, les effectifs occupés en 2001 par les entreprises ayant survécu dépassant de près de 14% ceux de l’ensemble des entreprises créées ex nihilo en 1998. Ces bons résultats sont cependant en partie imputables à l'excellente conjoncture dont ont bénéficié les jeunes entreprises à la fin des années 90. Les mêmes calculs effectués sur la cohorte des entreprises créées en 1994 font apparaître un recul au fil du temps de l’emploi créé5.

La propension des jeunes entreprises à la croissance est donc, avec le taux de survie, une variable clé pour l’impact à moyen et long terme de la création d’entreprises sur l’emploi. Or, cette propension à la croissance est très inégale parmi les entreprises nouvellement créées. Seules 36% des entreprises créées en 1998 et pérennes en 2001 ont créé des emplois et, pour la plupart d’entre elles, le nombre d’emplois créés est très modeste (1 ou 2 pour 23% des entreprises créatrices d’emplois), ce qu’il convient, bien sûr, de mettre en regard de la très petite taille de la plupart des entreprises à la

3 La même observation est faite à l'étranger (voir, par exemple, Geroski [1991] pour la Grande-Bretagne, Bionca et Sestito [1992] pour l'Italie, Mata et Portugal [1994] pour le Portugal. Voir aussi la récente étude comparative menée par l'OCDE [Barteslman et al., 2003].

4 Des différences importantes apparaissent cependant selon les secteurs. Alors que l’emploi en 2001 dans les secteurs du transport et des services aux entreprises dépasse de plus de 30% le volume comptabilisé en 1998, l'année de la création, le "taux de persistance" n’est que 92% dans le secteur du commerce et tombe à 80% dans celui des services aux particuliers. C’est donc dans les activités les plus soumises à la demande locale que le bilan des créations d’entreprises sur l’emploi est le moins favorable. Ceci ne semble pas constituer une spécificité française : dans leur étude de la trajectoire des entreprises italiennes du secteur des cafés-hôtels-restaurants créées en 1989, Piergiovanni et al. [2002] observent que le volume d’emploi représenté par les entreprises pérennes en 1994 ne représentant plus que 60% de celui mesuré lors de l’année de création. Sur la base des données de l’enquête SINE 1994, le taux de persistance de l’emploi à 5 ans dans le secteur français des cafés-hôtels-restaurants s'élève à 54%.

5 En 1997, le volume d'emploi représenté par les entreprises créées en 1994 ayant survécu ne représente plus que 83% de celui comptabilisé au démarrage. À 5 ans cependant, en 1999, le taux de persistance se redresse pour atteindre 90%. Notons également que les performances de la France concernant l'impact des créations d'entreprises sur l’emploi semblent relativement faibles comparativement à d'autres pays industrialisés, si l’on en juge par l’étude comparative réalisée par l’OCDE couvrant les années 90 (Bartelsman et al. [2003]). Le taux de persistance et la croissance de l’emploi parmi les entreprises pérennes sont faibles comparés aux autres pays pris en compte dans l'étude, et en particulier les États-Unis où la croissance des jeunes entreprises est particulièrement forte, ce qui est en partie imputable au poids dans ce pays des entreprises de haute technologie dans le total des créations.

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naissance. Les effectifs sont stables dans 55% des entreprises, alors qu'ils diminuent dans près de 9% des cas6.

Ce caractère très inégal de la croissance des jeunes entreprises renvoie à des déterminants multiples : nature de l’activité, objectifs du créateur, compétitivité de l’entreprise, dynamisme du marché... Cette recherche s’intéresse à l’influence du territoire d'implantation sur la croissance des jeunes entreprises. Cette influence du territoire peut emprunter trois voies. Premièrement, le territoire d’implantation est pourvoyeur de ressources (main-d’œuvre, infrastructures...) que les entreprises peuvent mobiliser dans le cadre de leur activité. Alors que la grande firme, multi-établissement, a généralement la possibilité de mobiliser des ressources productives sur un espace élargi, voire de créer en son sein les ressources qui feraient défaut localement, la compétitivité de la petite entreprise est largement contrainte par la dotation en ressources de son territoire d’implantation. Deuxièmement, pour beaucoup de petites entreprises, le territoire est également l’espace de transaction privilégié. Leur potentiel de croissance dépend alors notamment de l’importance du marché local, de sa croissance et de la densité de l’offre qui contribue à l’intensité de la concurrence qui y règne. Troisièmement, le territoire peut être producteur de mécanismes de coordination, c’est-à-dire de modalités spécifiques de mise en relation de l’entreprise avec d’autres firmes ou des institutions locales susceptibles de lui faciliter l’accès aux ressources et aux marchés et d’améliorer sa compétitivité. C’est le cas, en particulier, lorsque le territoire est le siège d’un district ou d’un technopole.

Si les travaux sur la nature des relations entre firmes et territoires se sont multipliés ces dernières années, en particulier dans le cadre de la problématique de la proximité7, la question de l'influence du territoire d’implantation sur la croissance des jeunes entreprises n'est que très rarement abordée8. On observe pourtant des différences spatiales importantes dans le rythme de croissance des jeunes entreprises.

Le tableau ci-dessous, issu du traitement des données de l’enquête SINE 1998, témoigne de l’hétéro­ généité des dynamiques de croissance des jeunes entreprises (uniquement créations pures) parmi les

6 La dynamique de l'emploi à 3 ans au sein de la cohorte de 1994, dans un contexte conjoncturel moins favorable, fait ressortir une proportion proche d’entreprises ayant conservé la même taille (53,5%). La proportion d’entreprises en recul est cependant plus forte (14,2%) alors que celle des entreprises ayant accru leurs effectifs salariés est plus faible (32,3%).

7 Voir, notamment, Gilly et Torre [2000].

8 Plusieurs publications récentes abordent cette thématique. La plupart étudient cependant la croissance des firmes de manière agrégée, si bien que leur problématique est en fait l’étude des déterminants territoriaux de l’évolution de l'emploi dans tel ou tel secteur. À notre connaissance, seuls Audretsch et Dohse [2004] abordent frontalement la question de la localisation sur le taux de croissance des entreprises. La littérature est sensiblement plus riche concernant la relation entre les caractéristiques des territoires et les deux grands moments de la démographie d’entreprise : la création et la disparition.

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régions françaises. Ainsi, c’est dans le Limousin que la proportion d'entreprises ayant bénéficié d’un accroissement de leurs effectifs au cours des trois premières années d’existence est la plus faible (28,8%), soit près de 18 points de moins que la Haute-Normandie, en tête du classement. 11,4% des jeunes entreprises implantées dans la région PACA ont connu une baisse des effectifs, contre seulement 4,5% de celles localisées en Franche-Comté.

Dynamique de croissance des entreprises par région française (en %)

Proportion des entreprises selon Création d’emplois l'évolution de l’emplois

Baisse Stabilité Hausse 1 emploi 2à4 5à9 10 et +

Ile-de-France 9,8 51,3 39,0 16,2 13,9 4,7 4,2 Champagne-Ardenne 8,1 49,6 42,3 17,4 17,6 6,2 1,1 Picardie 10,7 54,6 34,7 13,3 14,2 6,9 0,3 Haute-Normandie 7,8 45,8 46,4 22,2 15,5 6,1 2,6 Centre 9,1 55,2 35,7 14,5 12,6 4,6 3,9 Basse-Normandie 6,8 51,1 42,1 16,7 17,0 4,9 3,5 Bourgogne 7,1 57,9 35,0 15,9 14,8 2,9 1,5 Nord - Pas-de-Calais 10,1 49,1 40,9 14,0 15,5 6,4 4,9 Lorraine 11,8 48,7 39,5 13,9 18,5 5,3 1,8 Alsace 10,2 54,5 35,3 15,5 12,4 4,9 2,5 Franche-Comté 4,5 56,4 39,0 12,6 19,1 6,3 1,0 Pays de la Loire 8,1 56,7 35,2 15,4 13,4 5,2 1,2 Bretagne 8,5 53,6 38,0 18,3 14,3 3,6 1,9 Poitou-Charentes 9,0 50,4 40,6 16,4 18,0 4,8 1,3 Aquitaine 10,0 51,4 38,7 16,7 15,9 4,0 2,1 Midi-Pyrénées 8,4 55,1 36,5 15,8 14,9 4,2 1,5 Limousin 7,0 64,2 28,8 12,7 8,7 4,0 3,3 Rhône-Alpes 9,1 50,8 40,1 18,3 15,5 3,8 2,5 Auvergne 8,0 58,2 33,8 14,1 14,3 4,6 0,9 Languedoc-Roussillon 9,4 53,0 37,6 19,5 11,5 5,4 1,2 PACA 11,4 47,6 41,0 18,0 15,2 4,8 3,0

(Source : Calculs CRÉDOC sur données SINE)

Une partie de ces écarts régionaux est imputable à la différence de structure des créations d’entrepri­ ses par secteur. L’analyse structurelle-résiduelle9 réalisée sur la base d’un découpage sectoriel en 114

9 L’analyse structurelle-résiduelle consiste à mesurer, dans l'écart observé dans la valeur d’un indicateur au plan local et au plan national, la part attribuable à un "effet structurel" (généralement la structure du tissu économique local par secteurs), afin d’isoler un "effet résiduel” (souvent appelé "effet régional" en ce qu'il est supposé mesurer ce qui est imputable à l’offre spécifique du territoire sur la variable étudiée).

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secteurs met en évidence la présence d’un effet résiduel non négligeable dans la dynamique de croissance des jeunes entreprises dans les régions françaises.

Les déterminants de la croissance de l'emploi • Effet sectoriel et effet régional (1)

Région

Baisse Stabilité Hausse

Ecart à la moyenne nationale dont Ecart à la moyenne nationale dont Ecart à la moyenne nationale dont Effet structurel (secteur) Effet résiduel (région) Effet structurel (secteur) Effet résiduel (région) Effet structurel (secteur) Effet résiduel (région) Ile-de-France 0,31% 0,27% 0,04% -0,55% 0,60% -1,15% 0,24% -0,88% 1,11% Champagne-Ardenne -1,41% 0,13% -1,53% -2,17% -1,82% -0,35% 3,58% 1,69% 1,88% Picardie 1,26% -0,18% 1,44% 2,77% -0,92% 3,69% -4,03% 1,09% -5,12% Haute-Normandie -1,62% -0,13% -1,49% -6,04% -0,80% -5,24% 7,67% 0,93% 6,74% Centre -0,34% -0,52% 0,19% 3,36% 0,57% 2,79% -3,03% -0,04% -2,98% Basse-Normandie -2,62% -0,17% -2,45% -0,75% -0,99% 0,24% 3,37% 1,16% 2,21% Bourgogne -2,33% -0,07% -2,26% 6,06% -2,09% 8,14% -3,72% 2,16% -5,88% Nord - Pas-de-Calais 0,60% 0,12% 0,48% -2,71% -0,03% -2,68% 2,11% -0,09% 2,20% Lorraine 2,29% -0,09% 2,38% -3,06% -1,17% -1,89% 0,77% 1,26% -0,50% Alsace 0,72% 0,00% 0,71% 2,72% 0,47% 2,25% -3,44% -0,47% -2,97% Franche-Comté -4,93% -0,10% -4,83% 4,62% -3,04% 7,66% 0,31% 3,14% -2,83% Pays de la Loire -1,39% -0,41% -0,98% 4,89% -0,54% 5,43% -3,51% 0,95% -4,45% Bretagne -1,00% -0,51% -0,49% 1,77% -0,14% 1,91% -0,77% 0,65% -1,42% Poitou-Charentes -0,45% 0,18% -0,64% -1,37% -2,09% 0,72% 1,82% 1,90% -0,08% Aquitaine 0,51% -0,22% 0,72% -0,43% -0,31% -0,12% -0,08% 0,53% -0,61% Midi-Pyrénées -1,02% -0,08% -0,94% 3,29% -0,61% 3,90% -2,27% 0,69% -2,95% Limousin -2,44% -0,46% -1,98% 12,41% -0,08% 12,49% -9,97% 0,55% -10,52% Rhône-Alpes -0,33% -0,20% -0,13% -1,01% -0,14% -0,86% 1,34% 0,35% 0,99% Auvergne -1,48% 0,14% -1,62% 6,43% -0,82% 7,25% -4,95% 0,68% -5,62% Languedoc-Roussillon -0,08% 0,23% -0,31% 1,21% 0,44% 0,77% -1,13% -0,66% -0,47% PACA 1,98% 0,09% 1,89% -4,23% 1,15% -5,38% 2,26% -1,24% 3,49% Moyenne française * 9,46% 9,46% 0,00% 51,80% 51,80% 0,00% 38,73% 38,73% 0,00%

* hors Corse et DOM-TOM

(Source : Calculs CRÉDOC sur données SINE) Guide de lecture : Ce tableau présente les résultats de l’analyse structurelle-résiduelle effectuée au sein des régions françai­ ses, sur les jeunes entreprises réparties par classe de croissance de l’emploi. L’effet structurel correspond à la part de l'écart à la moyenne sur la variable étudiée imputable à la composition sectorielle de la population des jeunes entreprises de la région. Elle exprime quelle aurait dû être la valeur de la variable étudiée si la croissance des jeunes entreprises dans la région avait été égale à celle de l’ensemble des jeunes entreprises de leur secteur au plan national. Ainsi, compte tenu de la répartition par secteur d’activité des entreprises de la région Limousin, la proportion des entreprises ayant bénéficié d’une hausse d'effectif devrait s’établir à 39,28%, soit 0,55 point de plus que la moyenne nationale. L’effet résiduel correspond à la différence entre la proportion réelle observée et celle imputable à l'effet structurel. La part des entreprises ayant connu une hausse d'effectif en Limousin étant de 28,76%, l'effet résiduel s'élève à 28,76%-39,28%= -10,52 points. Des facteurs spécifiques attachés à la région sont donc susceptibles d'avoir joué comme un frein à la croissance des jeunes entreprises limousines.

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Les déterminants de la croissance de l'emploi - Effet sectoriel et effet régional (2)

Région

1 emploi 2 à 4 emplois 5 à 9 emplois 10 emplois et + Ecart à la moyenne nationale dont Ecart à la moyenne nationale dont Ecart à la moyenne nationale dont Ecart à la moyenne nationale dont Effet structurel (secteur) Effet résiduel (région) Effet structurel (secteur) Effet résiduel (région) Effet structurel (secteur) Effet résiduel (région) Effet structurel (secteur) Effet résiduel (région) Ile-de-France -0,38% -0,74% 0,36% -0,71% -0,33% -0,37% -0,09% -0,17% 0,08% 1,41% 0,37% 1,04% Champagne-Ardenne 0,82% 0,81% 0,01% 2,95% 0,80% 2,14% 1,49% 0,45% 1,03% -1,68% -0,37% -1,31% Picardie -3,33% 0,70% -4,03% -0,44% 0,53% -0,97% 2,20% -0,02% 2,22% -2,46% -0,11% -2,35% Haute-Normandie 5,66% 0,23% 5,44% 0,88% 0,48% 0,40% 1,34% 0,41% 0,93% -0,22% -0,19% -0,03% Centre -2,03% -0,04% -1,99% -2,00% -0,11% -1,89% -0,12% 0,22% -0,34% 1,13% -0,11% 1,25% Basse-Normandie 0,09% 0,99% -0,91% 2,38% 0,38% 2,01% 0,17% 0,11% 0,06% 0,73% -0,32% 1,05% Bourgogne -0,69% 0,78% -1,47% 0,11% 1,05% -0,94% -1,82% 0,56% -2,38% -1,32% -0,23% -1,09% Nord - Pas-de-Calais -2,58% -0,10% -2,48% 0,87% 0,01% 0,86% 1,69% -0,09% 1,78% 2,14% 0,09% 2,05% Lorraine -2,65% 0,67% -3,33% 3,86% 0,60% 3,26% 0,51% 0,23% 0,28% -0,95% -0,24% -0,71% Alsace -1,08% -0,05% -1,03% -2,19% -0,09% -2,10% 0,13% -0,21% 0,33% -0,29% -0,13% -0,16% Franche-Comté -3,98% 0,44% -4,42% 4,51% 0,94% 3,57% 1,56% 1,41% 0,15% -1,77% 0,36% -2,13% Pays de la Loire -1,15% 0,46% -1,61% -1,25% 0,25% -1,50% 0,50% 0,23% 0,27% -1,61% 0,00% -1,62% Bretagne 1,67% 0,63% 1,04% -0,35% 0,21% -0,57% -1,17% 0,12% -1,28% -0,92% -0,31% -0,60% Poitou-Charentes -0,15% 1,17% -1,32% 3,39% 0,57% 2,82% 0,06% 0,57% -0,51% -1,47% -0,40% -1,07% Aquitaine 0,12% 0,53% -0,41% 1,26% 0,15% 1,11% -0,76% -0,04% -0,72% -0,70% -0,11% -0,59% Midi-Pyrénées -0,78% 0,43% -1,21% 0,28% 0,46% -0,18% -0,52% 0,01% -0,53% -1,25% -0,21% -1,04% Limousin -3,87% 0,63% 4,50% -5,94% 0,26% -6,20% -0,72% 0,06% -0,79% 0,57% -0,40% 0,97% Rhône-Alpes 1,72% -0,18% 1,91% 0,86% 0,21% 0,66% -0,92% 0,26% -1,18% -0,33% 0,07% -0,40% Auvergne -2,49% 0,35% -2,84% -0,38% 0,15% -0,53% -0,15% 0,03% -0,19% -1,93% 0,14% -2,07% Languedoc-Roussillon 2,88% 0,29% 2,58% -3,14% -0,50% -2,63% 0,67% -0,22% 0,89% -1,54% -0,23% -1,30% PACA 1,42% -0,10% 1,52% 0,58% -0,48% 1,06% 0,09% -0,41% 0,50% 0,17% -0,24% 0,42% Moyenne française ' 16,58% 16,58% 0,00% 14,64% 14,64% 0,00% 4,74% 4,74% 0,00% 2,78% 2,78% 0,00% * hors Corse et DOM-TOM

(Source : Calculs CRÉDOC sur données SINE)

Il subsiste donc des écarts significatifs dans la dynamique agrégée de croissance des jeunes entreprises entre les régions françaises, qui apporte un certain soutien à l’hypothèse selon laquelle le territoire d’implantation de la jeune entreprise n’est pas neutre sur la croissance réalisée au cours de ses premières années d’activité.

Cette étude vise à expliciter le rôle du territoire d’implantation dans la croissance des jeunes entreprises par le traitement des données individuelles de l’enquête SINE et la prise en compte des caractéristiques des territoires d'implantation définis au niveau des zones d’emploi. Il ressort de cette étude que le degré de "munificence"10 de l’environnement local (densité économique, niveau de

10 Ce terme, largement utilisé dans la littérature anglo-saxonne, renvoie à la richesse et à la diversité des ressources et des opportunités en tout genre offertes par un territoire.

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revenu, abondance des ressources cognitives...) apporte un soutien à la croissance des jeunes entreprises. La spécialisation du territoire dans le secteur d’activité de l’entreprise est positivement associée à la croissance, alors que l'intensité de la concurrence locale exerce un effet négatif. Ces résultats confirment le rôle de pourvoyeur d’externalités joué par les territoires. Il ressort cependant de cette étude que l’influence du territoire sur la croissance des jeunes entreprises est globalement très modeste.

Décomposition entre effet structurel et effet résiduel des entreprises ayant augmenté leurs effectifs

Effet résiduel Provence-Alpes-Côte d'Azur 8,0% 6,0% 1,0% Haute-Normandie Nord-Pas-de-Calais 2,0°/? Basse-Normandie • Champagne-Ardenne

Rhône-Alpes Effet structurel

Ile-de-France

Poitou-Charentes

-... 0,0% 4--- -..-...• ... -.... -...—

-1,5% -1,0% *-0,5% 0,0% 0,?/» 1,0°4orr*ine1,5% 2,0% 2,5% 3,0% 3,5% Languedoc-Roussillon Aquitaine • Bretagne

-2,0%

Alsace • • Centre • Midi-Pyrénées

-4,0% • Pays de la Loire -6,0% Picardie Auvergne Franche-Comté • Bourgogne -8,0% -10,0% -12,0% • Limousin

(Source : Calculs CRÉDOC sur données SINE)

Le rapport est organisé de la manière suivante. La section 1 rappelle l'état des connaissances sur les déterminants de la croissance des entreprises. Dans la section 2 sont étudiés les principaux mécanismes par lesquels les territoires sont théoriquement en mesure d’affecter la croissance des jeunes entreprises et dont seront déduites un certain nombre d’hypothèses testables. Les données mobilisées dans l’étude empirique sont présentées dans la section 3. Les résultats des traitements sont exposés dans la section 4.

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1. LES DÉTERMINANTS DE LA CROISSANCE DES JEUNES ENTREPRISES

L’hétérogénéité des taux de croissance des entreprises est un phénomène de portée générale, dépassant de beaucoup le cas spécifique des jeunes entreprises, et qui a donné lieu à la production d’une abondante littérature théorique et empirique.

La croissance des entreprises est un phénomène extrêmement complexe, résultant du jeu combiné d’une multitude de déterminants relevant de champs différents : croissance des débouchés, caracté­ ristiques de la fonction de coût, intensité et modalités de la concurrence, objectifs et compétitivité des entreprises... Face à cette complexité, la microéconomie du producteur a longtemps reposé sur l’hypothèse commode de l’entreprise « représentative »11 pour s’intéresser principalement aux conditions d'équilibre des marchés. Dans de telles conditions, il n’est pas étonnant que la question des déterminants de la croissance des firmes (approche dynamique) et des écarts de croissance au sein d'une population d’entreprises (problématique de l’hétérogénéité) ait longtemps été négligée par les économistes. Les recensements d’entreprises font cependant apparaître une grande dispersion de la taille des entreprises (y compris au sein d’un même secteur), cette dispersion pouvant être représentée au moyen d'une courbe log-normale. Depuis les travaux de Gibrat dans les années 30, il était plus ou moins admis que cette dispersion de la taille des entreprises découlait du jeu de la « loi de l’effet proportionnel » qui suppose que le taux de croissance d'une entreprise est indépendant de sa taille. Tout se passerait ainsi comme si, à chaque période, chaque entreprise tirait un taux de croissance d'une distribution donnée et partagée par l’ensemble des entreprises. Autrement dit, les facteurs à la base des écarts de croissance entre les entreprises sont si nombreux et forment un ensemble si complexe que l’on peut finalement considérer le taux de croissance comme une variable aléatoire... On montre aisément que, partant d’une population d’entreprises de taille identique, la répétition de ce type de tirage conduit progressivement à la formation d’une distribution de type log-normale des entreprises par tranche détaillé12.

La littérature empirique s’est longtemps concentrée sur l'étude de la validité de la loi de Gibrat. Alors que les premiers travaux concluaient généralement à la validité de la loi13, les études plus récentes,

11 Un secteur est composé d'entreprises identiques en tous points et réagissant de la même manière (celle dictée par l’hypothèse de rationalité substantielle) aux informations délivrées par le système de prix.

12 Voir les simulations numériques de McGIoughan [1995].

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réalisées à partir d’échantillons d’entreprises plus importants et englobant des petites entreprises, parviennent à des résultats plus contrastés14. Sans rentrer dans les détails, il est aujourd’hui à peu près admis15 que le champ de validité de la loi de Gibrat est limité aux grandes entreprises, que la taille des entreprises est corrélée négativement à leur taux de croissance, et que la variance de la croissance est elle aussi décroissante avec la taille. En outre, et contrairement à ce que suppose la loi de Gibrat, il existe une certaine auto-corrélation des taux de croissance16, ce qui signifie qu’une entreprise qui enregistre une forte croissance au cours d’une certaine période risque de réaliser de nouveau une forte croissance au cours de la période suivante. Toutefois, la « rémanence » de la croissance serait de relativement courte durée17.

Les travaux autour de la loi de Gibrat ont ouvert le chantier de la recherche sur la croissance des entreprises et une littérature importante s’est développée au cours des vingt-cinq dernières années, sur les plans théorique et empirique. Pour reprendre la formule de Davidsson [1991], on peut regrouper les déterminants de la croissance des entreprises (et, en particulier, des petites) autour de trois registres : les opportunités, le besoin, et la capacité.

1.1 Les opportunités de croissance

Le registre de l’opportunité renvoie au potentiel de marché que rencontre chaque entreprise. Ce potentiel de marché - qui peut évoluer au cours du temps - dépend bien sûr de caractéristiques sectorielles : la position du produit dans son cycle de vie, la conjoncture de la demande... De fait, les études mettent en évidence une influence du secteur d’activité sur la croissance des entreprises en général et des jeunes entreprises en particulier18. Les opportunités de croissance offertes à chaque entreprise dépendent aussi de sa position compétitive : pertinence de la segmentation de marché opérée, qualité relative de l’offre, niveau de compétitivité-prix... Depuis Nelson et Winter [1982], la théorie évolutionniste a produit de nombreux modèles s’intéressant aux dynamiques qui naissent de la concurrence entre firmes hétérogènes. Dans ces modèles, la croissance (ou le déclin) de chaque

14 Voir, parmi beaucoup d’autres, Kumar [1985], Evans [1987], Dunne, Roberts et Samuelson [1989], Dunne et Hugues [1994], Acs et Audretsch [1990], Hart et Oulton [1996]...

15 Voir les synthèses de Sutton [1997] et Marsili [2001],

16 Chester [1979], Kumar [1985], Wagner [1994],

17 Geroski, Machin et Walters [1997],

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entreprise est fonction de son niveau de compétitivité, c’est-à-dire de l’adaptation de ses comporte­ ments aux spécificités des critères de sélection imposés par l’environnement concurrentiel. Mais les entreprises ne subissent pas passivement le jeu de la sélection. Elles disposent d’une capacité relative d’adaptation. La théorie évolutionniste travaille à une théorie de la firme comme acteur collectif engagé dans des processus d'apprentissage qui conditionnent la dynamique de ses compétences et de ses capacités d’adaptation à son environnement. De fortes convergences existent entre cette théorie évolutionniste de la firme et les approches en termes de ressources en plein développement dans le champ du management stratégique19. On se contentera ici de retenir que l’étendue du champ d’opportunité de croissance offert à chaque entreprise dépend, à court terme, du patrimoine de ressources que celle-ci est capable de mobiliser et, à plus long terme, de sa capacité à faire évoluer ce patrimoine.

Si la notion de compétitivité est difficile à appréhender empiriquement, on dispose d’un certain nombre d’indices relatifs à son influence sur la croissance des entreprises. Par exemple, Crépon et Lung [1999] ainsi que François [1998], à partir des résultats de l’enquête Innovation, ont mis en évidence l’avantage de croissance dont bénéficient les firmes innovantes de l’industrie française. Le même résultat avait été obtenu sur données britanniques par Geroski et Machin [1992] et Van Reenen [1997], et par Papadaki et Chami [2002] pour un échantillon de micro-entreprises canadiennes non industrielles. En Italie, Bottazzi et al. [2001] observent une relation positive entre le niveau de la productivité apparente d’un échantillon de firmes industrielles et le taux de croissance de leurs effectifs. Ce résultat est cohérent avec le constat par Greenan [1995] que les entreprises industrielles utilisant des robots ou des machines-outils à commandes numériques ou bien ayant introduit des systèmes assistés par ordinateur ont enregistré une croissance de leurs effectifs supérieure à celle de la population de référence, compte tenu de leur secteur d’activité et de leur taille.

1.2 Le besoin de croissance

Le besoin de croissance comporte deux dimensions. La première correspond à la nécessité d’assurer la compétitivité, ou simplement la survie de l’entreprise. Ce besoin « objectif » de croissance est particulièrement marqué lorsque l’entreprise souffre d’une dimension inférieure à la taille minimale optimale de son secteur et se trouve ainsi pénalisée sur le plan des coûts face à ses concurrents

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(Audretsch [1995]). Le besoin d’atteindre la « taille critique » peut également naître de l’importance des investissements en matière de R&D ou de communication que l’entreprise doit consentir pour demeurer dans la course.

La deuxième dimension du besoin de croissance relève d’un registre plus psychologique. Elle renvoie à la place que tient la croissance dans les objectifs du responsable de l’entreprise. L’hypothèse selon laquelle les comportements des entreprises n’obéiraient qu’au seul critère de la maximisation du profit a été maintes fois contestée. Les auteurs du courant managerial, dans les années 60, ont développé l’idée émise par Berle et Means [1932] selon laquelle la croissance serait le critère de gestion privilégié dans les entreprises dirigées par des managers salariés. À l’inverse, les travaux réalisés dans le champ de l'entrepreneuriat ont à de nombreuses reprises mis en évidence la relativité de la croissance (comme, d’ailleurs, du profit) dans les objectifs qui président à la prise de décision dans les petites entreprises dirigées par leur propriétaire20. L’exploitation des opportunités de croissance peut alors se trouver sacrifiée en faveur du désir de rester fidèle à une certaine conception de l’exercice du métier, de la volonté de ne pas perdre le contact avec le terrain, de ne pas se laisser envahir par les tâches de gestion et d'administration... C'est ainsi qu’une récente enquête réalisée pour le compte de la Direction du commerce et de l’artisanat (DECAS) du ministère de l’Économie nous apprend que 80% des artisans « solos » du bâtiment se sont fixés comme objectif de se contenter de maintenir l'activité de leur entreprise à son niveau actuel. La principale raison mise en avant est, dans 47% des cas, le refus de la responsabilité de l’embauche d'un salarié. D’où une passivité commerciale patente de la part de cette population d’entreprises : dans près de 80% des cas, ce sont les clients qui prennent contact avec l’entrepreneur ; seulement 4% consultent les appels d’offres et 3% effectuent des démarchages... (Rimlinger [2003]).

1.3 La capacité de croissance

A opportunités et à besoin de croissance donnés, la croissance des entreprises dépend de leur capacité à la mener à bien. La capacité de croissance renvoie à la question de la mobilisation des ressources nécessaires, mais aussi à celle des capacités organisationnelles appelées par leur mise en œuvre.

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Croître implique d’augmenter le patrimoine de ressources productives de l’entreprise : recrutement de personnel, acquisition de nouveaux équipements, augmentation du besoin en fonds de roulement... L’accès à ces ressources peut se révéler problématique et compromettre l’exploitation du potentiel de croissance. On connaît par exemple les difficultés rencontrées par certaines petites entreprises pour recruter du personnel doté de qualifications spécifiques, face à la concurrence de gros employeurs capables de proposer des conditions de travail et des perspectives de carrière plus attractives. De même, les petites entreprises peinent souvent à consentir l’effort de formation nécessaire à l’évolution du portefeuille de compétences21. Les difficultés d’accès aux ressources financières sont fréquemment mises en avant par les entreprises en croissance. Les petites entreprises indépendantes sont naturellement davantage exposées à ces difficultés que les filiales de groupes [Kremp et Sevestre, 2000], Teurlai [2004], sur la base des données de SINE, met en évidence que, toutes choses égales par ailleurs, les jeunes entreprises qui financent leur activité entièrement par leurs capitaux propres souffrent d’un déficit de croissance comparativement à celles qui recourent uniquement à la dette ou adoptent un financement mixte22. Papadaki et Chami [2002] n'ont cependant pas découvert de liens significatifs entre les sources de financement et la croissance des micro-entreprises canadiennes de leur échantillon, confortant ainsi le résultat obtenu par Storey [1994],

La littérature sur l’entrepreneuriat souligne l’influence de l’intensité de « l'orientation entrepreneuriale » du chef d’entreprise dans sa capacité à obtenir les ressources nécessaires à la croissance23. Elle insiste également sur le rôle de I insertion du chef d'entreprise dans des réseaux variés comme facteur intervenant dans la plus ou moins grande facilité d’accès aux ressources. Brüderl et Preisendorfer [1998] ont ainsi mis en évidence l’influence du soutien du créateur par ses amis et sa famille sur la survie et la croissance des jeunes entreprises, et Antoncic [2002] l’importance de la richesse du réseau social du créateur sur la croissance de son entreprise. Plus généralement, Papadaki et Chami [2002] observent un effet positif sur la croissance des micro-entreprises du fait d'être en réseau avec « des associés, des consultants, des fournisseurs ou des clients »24. Un lien entre le nombre de partenariats

21 Chaillot [1995],

22 Carpenter et Petersen [2002] parviennent à une conclusion similaire à partir d’un échantillon de PMI américaines.

23 Perren [2000], Brown et Kirchhoff [1997], à partir d'un échantillon d’entreprises de l'État du New Jersey, mettent en évidence une influence significative de l’orientation entrepreneuriale du chef d'entreprise (évaluée sur la base des réponses données à une batterie de questions visant à appréhender l'attitude à l'égard du risque, de l'innovation...) sur la croissance de l’activité.

24 Par contre, être en réseau « avec des avocats, des comptables ou des institutions financières » n’est pas significativement corrélé à la croissance.

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au démarrage et la croissance a été établi par Cooper et al. [1992], Sur la base des données de SINE, Moati et al. [2000] montrent une influence positive, sur la croissance, de l’existence de liens étroits de coopération avec d’autres entreprises, de l’exercice d’une activité de sous-traitance, ou sous contrat de franchise, de concession ou d’agent de marque. En amont, l’insertion dans les réseaux peut renforcer le « besoin de croissance », comme le montre le lien établi par l’étude de Liao et Welsch [2001] entre le capital social des chefs de jeunes entreprises et leur aspiration à la croissance.

La croissance d’une petite entreprise provoque rapidement le besoin de changements organisationnels majeurs qui sollicitent fortement les capacités manageriales du chef d’entreprise. Le problème est particulièrement aigu dans les petites entreprises où la croissance se traduit souvent pas un changement de statut juridique, une modification de l’organisation, une évolution du mode de management impliquant notamment certaines délégations de responsabilités de la part du chef d’entreprise25...

Un certain nombre de travaux théoriques s’inscrivant dans le paradigme standard ont modélisé l’influence de l'inégal niveau de talent entrepreneurial ou managerial au sein de la population des chefs d’entreprises. Le modèle de Lucas [1978] montre comment l’inégale dotation des individus en compétences manageriales détermine, d'une part, le nombre d’entreprises (chaque individu, en fonction de son niveau de compétences manageriales, choisit d’être chef d’entreprise ou de rester salarié) et, d’autre part, leur distribution par tranche de taille (les managers les plus talentueux dirigeant les plus grandes entreprises). La même idée est exploitée de manière dynamique par Calvo et Wellisz [1980] qui modélisent une situation où les firmes dirigées par les managers les plus talentueux (ceux qui sont les plus efficaces dans l’application des connaissances techniques générales aux besoins de l’entreprise) bénéficient de la croissance la plus rapide. Dans le modèle de Jovanovic [1982], les acteurs économiques sont incertains quant à leur niveau de compétences manageriales. Celui-ci se révèle progressivement (et imparfaitement) après la création d’entreprise. Les chefs d’entreprise révisent ainsi à chaque période leur niveau de production de façon à maximiser leur profit attendu sur la base de la mise à jour de leurs anticipations concernant leur degré d’efficience. Les entrepreneurs qui réalisent que leurs compétences excèdent leurs anticipations augmentent l'échelle de leur activité alors que les autres la réduisent.

Les études empiriques ont effectivement mis en évidence une relation entre la croissance des entreprises et un certain nombre de variables permettant d’approcher la notion de compétences

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manageriales26. En particulier, le capital humain du créateur (mesuré par son niveau de diplôme, la position hiérarchique occupée dans le dernier emploi...) est positivement corrélé à la croissance, notamment lorsque ce capital humain est spécifique à l’activité dans laquelle s’inscrit la nouvelle entreprise27. L’intensité de l’orientation entrepreneuriale du chef d’entreprise est également susceptible de rendre compte de sa capacité à gérer la croissance. Brown et Kirchhoff [1997] ont ainsi établi l’existence d’une relation entre l’orientation entrepreneuriale du chef d'entreprise (mesurée subjectivement par son attitude à l’égard du risque, de l’innovation, son caractère plus ou moins proactif...) et la croissance enregistrée par son entreprise28. Les données de l'enquête SINE révèlent une relation entre le type de motivation ayant conduit à la création de l’entreprise et sa propension à croître au cours des premières années de son existence. Ainsi, les créations motivées par le goût d’entreprendre ou par la volonté d'exploiter une idée nouvelle sont plus souvent associées à la croissance que celles découlant de l’observation d’une « opportunité » et du désir de créer son propre emploi (le même constat est opéré sur un échantillon de jeunes entreprises italiennes par Vivarelli et Audretsch [1998]). L’enquête SINE révèle également que le fait d’avoir réalisé des études avant la création ou d’avoir eu recours au conseil est positivement associé à la croissance29.

26 Storey [1994], Cooper et al. [1994], Vivarelli et Audretsch [1998].

27 Perren [2000], Brüderl et al. [1992],

28 La même relation est observée sur un échantillon de micro-entreprises canadiennes de tous âges par Papadaki et Chami [2002],

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2. L’INFLUENCE DU TERRITOIRE D’IMPLANTATION SUR LA CROISSANCE :

SURVOL THÉORIQUE

L’influence du territoire d’implantation sur la croissance des jeunes entreprises est susceptible d’intervenir à trois niveaux d'analyse.

2.1 L’offre de ressources

Certaines des ressources nécessaires à l’activité des entreprises se distinguent par le fait qu’elles sont géographiquement peu mobiles et se trouvent donc attachées aux territoires où elles se trouvent et qui, souvent, les produisent. Par exemple, si le capital dispose d’une remarquable mobilité (tout au moins du point de vue des grandes entreprises), le travail reste, en règle générale, un facteur de production attaché aux territoires en raison de la faible mobilité géographique des salariés. Chaque territoire affiche donc certaines spécificités en termes de dotations en ressources fixes. C’est pourquoi le territoire d’implantation n’est pas neutre pour la compétitivité des entreprises, celle-ci se trouvant renforcée lorsque les entreprises peuvent bénéficier localement d’un accès aisé et à faible coût aux ressources immobiles nécessaires à leur activité. Les grandes firmes, par l'exploitation de plusieurs établissements pouvant être dispersés dans l’espace ainsi que par une certaine propension à la re­ localisation de leurs unités productives, ont la capacité d’aller à la rencontre des ressources fixes. La faible mobilité des petites entreprises (pour des raisons qui relèvent souvent de choix privés de la part de leurs dirigeants) les rend particulièrement dépendantes de l’offre de ressources de leur territoire d’implantation. La richesse de l’offre de ressources du territoire (mais aussi l’adaptation qualitative de cette offre aux besoins spécifiques de l’entreprise) est donc susceptible d’influencer le rythme de croissance des jeunes entreprises (action sur la « capacité » de croissance). La croissance des jeunes entreprises devrait donc, toutes choses égales par ailleurs, être plus forte dans les territoires à forte densité économique30 (qui offrent aux entreprises un environnement diversifié, particulièrement munificent).

H1 : La croissance des jeunes entreprises est favorisée par leur implantation sur un territoire à forte densité économique

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Plus précisément, les caractéristiques du marché du travail constituent un aspect important de l’offre de ressources des territoires, par l’intermédiaire du niveau des salaires, mais aussi par la facilité d’accès aux qualifications. L’existence d'un marché du travail local pour certaines qualifications spécifiques est généralement associée à la présence d’un nombre significatif d’entreprises de la même branche ayant pu favoriser la constitution d'un pôle de formation spécialisé. Les infrastructures de formation constituent ainsi un des éléments constitutifs de l’offre de ressources territoriales. L’agglomération au sein du territoire d’un ensemble d’entreprises du même secteur ou de la même filière est donc susceptible de générer des externalités favorables aux jeunes entreprises. Aux externalités liées au marché du travail s’ajoutent alors celles pouvant naître de la présence sur place de fournisseurs spécialisés et de prestataires de services, ainsi que les externalités de connaissance associées notamment à la circulation de la main-d’œuvre et la facilitation de la mise en réseau par la proximité (voir plus bas). Fingleton et al. [2004] ont montré, pour le secteur britannique des services informatiques, que la présence sur le territoire d'un cluster a un impact positif sur la croissance des PME du secteur, confortant ainsi le résultat obtenu par Van Oort et Stam [2004] pour l’industrie néerlandaise des technologies de l’information et de la communication.

H2 : La croissance des jeunes entreprises est favorisée par leur implantation sur un territoire doté des ressources spécifiques nécessaires à leur activité

Les infrastructures de communication constituent un autre aspect très important de l’offre de ressources des territoires. Couplées au positionnement géographique du territoire, les infrastructures de transport conditionnent la facilité avec laquelle les entreprises locales pourront se connecter aux grands réseaux d’échange. Cette dimension de l'offre de ressources territoriales est évidemment plus importante pour les entreprises dont l’envergure commerciale est nationale ou internationale que pour celles dont l’essentiel de l’activité est réalisé localement. Les infrastructures de télécommunication déterminent quant à elles la qualité et le coût des échanges d’informations, dont on connaît le rôle croissant dans la vie des entreprises.

H3 : La croissance des jeunes entreprises est favorisée par ia richesse des infrastructures de communication du territoire

Le degré de munificence de l’environnement local doit être mis en relation avec l’intensité de la concurrence à laquelle se livrent les firmes locales pour l’acquisition des ressources. Cette concurrence peut jouer un rôle ambiguë sur la croissance des jeunes entreprises : rendant l’accès aux ressources plus difficile, elle est de nature à entraver la croissance. On pense aux tensions qui peuvent régner sur le marché du travail de certaines qualifications spécifiques ou à la saturation des disponibilités

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foncières et immobilières. Dans le même temps, cette concurrence contraint la jeune entreprise à améliorer sa compétitivité (notamment par l’augmentation rapide de sa taille) afin de survivre31. Une concurrence locale intense pour l’accès aux ressources peut être ainsi associée à l’observation d’une forte croissance des jeunes entreprises, par l’élimination rapide des entreprises les moins compétitives.

H4 : Une forte concurrence locale pour l’accès aux ressources réduit la capacité de croissance des entreprises

ou,

H5 : Une forte concurrence locale pour l’accès aux ressources stimule le besoin de croissance des entreprises

2.2 L’offre de débouchés

46% des entreprises créées en 1998 déclarent travailler principalement pour un marché local et 32% pour un marché régional. Elles ne sont que 22% à déclarer un champ commercial national ou international. Cet ancrage des jeunes entreprises sur les marchés locaux est pour une bonne part imputable au poids des créations dans les secteurs du commerce de détail et des services aux particuliers qui, par définition, impliquent des marchés de proximité. Pourtant, la proportion d'entreprises à rayonnement local est également significative dans l’industrie et les services aux entreprises. Cet ancrage local est une caractéristique distinctive des petites entreprises (et, peut-être, plus encore des plus jeunes d’entre elles), alors que la mondialisation intensifie la dissociation entre l’espace de production et l’espace de transaction des grandes firmes. La croissance du nombre de jeunes entreprises est donc fortement dépendante des débouchés que leur territoire d’implantation offre à leur activité (registre des « opportunités de croissance »). Pour les entreprises s’adressant aux consommateurs (marchés « BtoC »), ces débouchés (et leur croissance) reposent sur l’importance (et la croissance) de la population locale et de son revenu moyen. Ils dépendent aussi de la capacité du territoire à attirer, pour un temps plus ou moins long, les consommateurs venus d’autres territoires : attraction commerciale sur les territoires voisins, flux touristiques, résidences secondaires... Pour les jeunes entreprises qui vendent à d'autres entreprises (marchés « BtoB »), les opportunités de croissance dépendent de la densité de la clientèle locale et de sa propension à s’approvisionner

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localement. La présence locale de grands donneurs d'ordres attachés à une fourniture de proximité est évidemment un contexte favorable à la croissance des jeunes entreprises.

H6 : La croissance des jeunes entreprises est positivement liée à l’importance et à la croissance des débouchés qui leur sont ouverts localement

La présence locale de débouchés importants et croissants constitue évidemment un ingrédient déterminant de l’influence du territoire sur les opportunités de croissance des jeunes entreprises. Il convient cependant de prendre également en considération la densité de l’offre locale qui détermine l’intensité de la concurrence à laquelle devront faire face les entreprises nouvelles.

H7 : L’intensité de la concurrence limite le champ des opportunités de croissance associé aux débouchés locaux

2.3 L’accès à des mécanismes de coordination

Nous avons évoqué plus haut les travaux mettant en avant l'influence sur ses performances de l’insertion de la jeune entreprise dans différents types de réseaux (réseaux sociaux, professionnels, économiques...). Les réseaux sont à la fois des vecteurs de soutien psychologique, des sources d’idées, d’information et d'assistance, des facilitateurs de transaction par le jeu d’effets de signal ou de réputation32...

Les réseaux auxquels les entreprises sont susceptibles de participer peuvent avoir des emprises spatiales très différentes : réseaux nationaux associés à la communauté professionnelle sectorielle, réseaux transnationaux de coopération interentreprises, réseaux locaux de chefs d’entreprises pratiquant l’échange d’expériences au sein de clubs, réseaux régionaux de sous-traitance... Mais plus les relations au sein du réseau sont intenses et impliquent des échanges d’information peu formalisés sur un mode interactif, plus les contacts interpersonnels sont nécessaires à la bonne marche du réseau. La proximité géographique est donc de nature à favoriser la participation à des réseaux, en particulier de la part de petites entreprises mono-établissement et dont les effectifs d’encadrement sont très limités. Les réseaux personnels du créateur d’entreprise (relations familiales, amicales, associatives, issues de son expérience professionnelle passée...), fréquemment mobilisés à différents niveaux pour la bonne marche de l'entreprise, s’inscrivent le plus souvent de manière privilégiée

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localement. L’insertion dans de nouveaux réseaux est elle aussi favorisée par la proximité qui facilite la recherche, l’identification et la rencontre de partenaires potentiels [Maillat et Kebir, 1999],

Le territoire d’implantation est donc le lieu privilégié de la participation à des réseaux et de l’activité d’un tissu relationnel pour les petites entreprises. Or, tous les territoires ne sont pas équivalents dans leur capacité à favoriser la mise en réseau des petites entreprises. Ceci renvoie à la dimension culturelle du territoire, vu alors comme pourvoyeur de systèmes de valeurs, de normes de comportement, de représentations partagées..., et qui contribue à la formation du cadre social dans lequel s’exerce l’activité des réseaux. C’est ainsi que, au-delà du contact interpersonnel, les références partagées, les dispositifs locaux de contrôle social de nature à sanctionner les comportements opportunistes... facilitent l’établissement d’un climat de confiance entre les partenaires potentiels. L’articulation entre proximités géographique et culturelle met à la disposition des acteurs économiques des mécanismes de coordination originaux (des modalités de mise en relation) pouvant offrir un soutien significatif à leur compétitivité33. L’existence de ce type d'articulation est particulièrement probable au sein des territoires sièges de systèmes productifs localisés où proximités géographique et culturelle se trouvent couplées à la proximité économique (complémentarités).

H8 : La présence d’un système productif localisé sur le territoire est de nature à stimuler la croissance des jeunes entreprises des secteurs concernés

La mise en réseau des acteurs locaux est également souvent favorisée par les institutions territoriales, soit directement par l’intermédiaire de politiques incitatives, soit indirectement par la définition d’un projet de territoire contribuant à forger des représentations communes autour desquelles vont pouvoir s’articuler les décisions privées.

Le bénéfice des économies de proximité semble particulièrement important pour ce qui relève des activités d’innovation. De nombreuses études ont mis en évidence le caractère localisé des externalités de connaissance34 (résultant notamment de la recherche publique), et particulièrement pour les petites entreprises35.

33 Cette combinaison d’une proximité géographique et d’une proximité « culturelle » se retrouve également dans les cas d'essaimage par des grandes entreprises où elle marque la nature des relations entretenues entre le créateur d’entreprise et son ancien employeur [Attia et Rizoulières, 2001].

34 Voir la revue de la littérature par Fadairo et Massard [2000].

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H9 : La croissance des jeunes entreprises est susceptible d’être favorisée par l’importance de la production locale de connaissances

Ainsi, les raisons de penser que le territoire d’implantation est susceptible d’influencer le taux de croissance des jeunes entreprises sont nombreuses. À ce jour, cependant, peu d’études se sont attachées à mesurer explicitement cette influence36. Celles que nous avons identifiées confirment l’influence de certaines variables territoriales, telles que le potentiel d’externalités lié à la présence de clusters ou la richesse des ressources cognitives. Toutefois, ces effets ne sont repérés que sur des populations d’entreprises issues de secteurs de haute technologie.

36 L’étude d'Audretsch et Dohse [2004] est la plus proche de la problématique de ce papier. Leur échantillon est cependant composé d’entreprises cotées au nouveau marché allemand (sans contrainte particulièrement sur leur âge) et, de ce fait, est assez peu représentatif de l'ensemble des jeunes entreprises. L’étude de Papadaki et Chami [2002] sur les micro­ entreprises canadiennes ne distingue pas spécifiquement la population des jeunes entreprises et n’aborde le territoire de localisation que par le jeu de 5 variables muettes correspondant à des macro-régions canadiennes (ces variables ne sont d'ailleurs pas significativement reliées à la croissance des micro-entreprises). L’étude de Van Oort et Stam [2004] s’intéresse aux écarts de croissance globale de l'emploi dans le secteur des technologies de l’information et de la communication entre les villes néerlandaises.

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3. LES DONNÉES

Cette étude utilise les données individuelles de l’enquête SINE de l’INSEE. Le dispositif SINE (Système d’information sur les Nouvelles Entreprises) consiste dans la réalisation de plusieurs vagues d’enquêtes successives auprès de cohortes de créateurs d’entreprises. L’objectif est de mieux cerner le profil du créaieur et les conditions de la création, mais aussi, par le suivi des premières années, d'éclairer les conditions de survie et de développement des jeunes entreprises. Trois cohortes ont été formées à quatre années d’intervalle : 1994, 1998, 2002. L’enquête, par voie postale, porte sur 30% des entreprises créées au cours de la période de référence (le premier semestre de l’année). Il est constitué d'environ 30 000 entreprises par cohorte. L'échantillon est stratifié par région, selon les deux types de création (pure et par reprise) et selon un découpage en 9 secteurs (8 dans SINE 94). Les entreprises de chaque cohorte sont ensuite ré-interrogées 3 ans, puis 5 ans après la création.

Les données mobilisées pour cette étude concernent les cohortes de 1994 et de 1998. Nous disposons des résultats des trois vagues d’interrogation pour la cohorte 1994 (1994, 1997 et 1999), et seulement des deux premières pour la cohorte 1998 (1998 et 2001), les résultats de la vague 2003 n’étant pas encore disponibles au moment de la réalisation de ce travail.

L’objet de cette étude étant d’examiner les déterminants de la croissance des entreprises naissantes, seules les créations pures ont été prises en compte (les créations par reprise ainsi que les transfor­ mations juridiques d’entreprises existantes ont été éliminées). Les entreprises à activité saisonnière ont été exclues du champ en raison de leurs spécificités37, ainsi que les filiales, qui sont à la naissance très différentes des entreprises créées par une personne physique et pour lesquelles la problématique de la croissance se pose en d’autres termes. Enfin, l’étude ne porte que sur la France métropolitaine38. Les entreprises créées en 1994 et celles créées en 1998 ont été rassemblées dans un même échantillon. Naturellement, seules les entreprises en activité durant deux phases successives sont prises en compte. Notre échantillon se compose finalement de 17 498 entreprises dont on se propose d’analyser les déterminants de la croissance à trois ans.

37 Seul le questionnaire de SINE 98 permet d’identifier les entreprises à activité saisonnière ou occasionnelle. Il n’a donc pas été possible d’éliminer ces entreprises de la cohorte de 1994.

38 Non compris la Corse en raison des difficultés d'application de la méthode de prise en compte des territoires voisins appliquée dans cette étude (voir infra).

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3.1 La variable à expliquer

Le questionnaire ne nous permet d’appréhender la croissance que par la variation des effectifs (salariés et non salariés)39. La variable à expliquer est donc la variation de l’emploi entre l’effectif occupé à la naissance et l’effectif occupé trois ans plus tard.

3.2 Les variables explicatives

Les variables explicatives ont été sélectionnées de manière à tester les hypothèses énoncées plus haut concernant l’influence du territoire d’implantation sur la croissance des entreprises. Un ensemble de variables de contrôle ont été ajoutées afin de prendre en compte les déterminants sectoriels et ceux associés aux caractéristiques spécifiques de l’entreprise et de son créateur.

3.2.1 Les variables relatives aux territoires

Sauf mention contraire, les indicateurs décrivant le territoire d’implantation de l’entreprise ont été élaborés au niveau des zones d’emploi. Cependant, il serait absurde de supposer que l’influence du territoire d’implantation sur les performances des entreprises se bornerait à la zone d’emploi. L’échelle géographique pertinente pour rendre compte des questions qui nous préoccupent (le champ des externalités de connaissance, la dimension géographique pertinente des marchés, la présence des infrastructures...) est une question d’une redoutable complexité n’admettant sans doute pas de réponse univoque. C’est la raison pour laquelle, plutôt que postuler a priori une échelle géographique comme pertinente, chaque variable territoriale X est construite, pour chaque zone d’emploi /', en prenant en compte sa valeur dans chacune des autres zones d'emploi du territoire national, pondérée par le temps de trajet t nécessaire pour parcourir la distance40 qui les sépare, selon la formule suivante :

39 La déclaration de chiffre d’affaires se fait au moyen de tranche et il n’est pas demandé aux entreprises d’indiquer le montant de leurs actifs.

40 Ces temps de trajet, calculés en fonction du parcours routier retenu en appliquant des vitesse moyennes sur les différents types de voie routière (autoroute, route nationale...), ont été calculés en prenant en compte la ville principale de chaque zone d'emploi. Ces données ont été obtenues auprès de CVN, société spécialisée dans la fourniture de services aux entreprises de transport et de logistique.

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X.=X.+ j*'

^4

ti-j

j*<

v ''J y

Sauf mention contraire, toutes les variables territoriales ont subi cette transformation. Un indicateur de densité économique a été construit afin de tester l’hypothèse H1.

DENSECO : nombre d’emplois/superficie de la zone d’emploi en km2 en 199941

Les hypothèses H2 et H8 sont abordées au travers de l'observation de concentrations sectorielles d’activité sur les territoires. Il est courant de mesurer ces concentrations sectorielles par le quotient de localisation de Hoover :

LQ.-où Eij est l’emploi (salarié) dans le secteur / et la zone d’emploi j42.

Cependant, cet indicateur de spécialisation ne prend pas en compte la masse absolue que représente l’activité sur le territoire. Or, l’offre de ressources, la production d’externalités, l’attractivité d’un pôle sectoriel sont probablement corrélées à sa densité. Pour tenir compte de ce point, Fingleton et al. [2004] ont proposé une adaptation du coefficient de Hoover. Celle-ci consiste tout d’abord à calculer la valeur de qui conduit à LQy = 1. L’indicateur de spécialisation final est alors :

LQFu = F, -4

Les indicateurs LQF sont construits sur la base de la nomenclature sectorielle en 36 postes (NES36). À chaque entreprise est ensuite associé l'indicateur de spécialisation de sa zone d’emploi d’implantation (et des zones d’emploi voisines, selon la méthodologie décrite plus haut) dans son secteur d’appartenance. On s’attend à ce que cet indicateur soit positivement corrélé à la croissance.

41 Source : Recensement général de la population (RGP), INSEE [1999],

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La munificence de l’environnement local est également susceptible d'être liée au degré de diversité des activités économiques qui s’y déroulent. La diversification du tissu économique local est appréhendée par :

DIV =

où Si est la part du secteur i (en NES 36) dans l’emploi total de la zone d’emploi en 200143.

Les indicateurs d’infrastructures de transport de nature à tester l’hypothèse 3 sont les suivants :

AEROP = variable muette prenant la valeur 1 dans le cas de la présence d’un aéroport international dans la zone d’emploi44

PORT = variable muette prenant la valeur 1 dans le cas de la présence d’un port maritime de marchandises45

TGV = variable muette prenant la valeur 1 dans le cas de la présence d’une gare TGV

PTRANS = Part du secteur du transport dans les effectifs salariés de la zone d’emploi en 199946

DENSECO, l’indicateur de densité économique, est également supposé corrélé à la richesse des

infrastructures de transport, et ce d’autant plus que le facteur pondérateur des zones d’emploi voisines est un temps de transport (et non une distance).

Il ne nous a pas été possible de construire un indicateur de la dotation en infrastructures de télécommunications du territoire. On peut cependant supposer que celles-ci sont également positivement corrélées à DENSECO.

L’influence de la concurrence locale sur la croissance (hypothèses H4 et H5) est appréhendée à différents niveaux. De manière très générale, elle est mesurée par la densité d’entreprises du même secteur dans la zone d’emploi :

43 Source : Unédic [2001].

44 8 aéroports recensés.

45 22 ports recensés.

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CONCjj : nombre d’entreprises du secteur i dans la zone d’emploi j / superficie de la zone d’emploi j

On associe à chaque entreprise le coefficient CONC correspondant à son secteur d’appartenance et sa zone d’emploi d’implantation.

La concurrence pour l’accès aux ressources est appréhendée indirectement par le niveau des salaires. Sont pris en compte ici les niveaux du salaire horaire pour quatre grandes qualifications au niveau du département en 199947 :

SALCADR : salaire horaire moyen des cadres et chefs d’entreprise dans le département SALINTERM : salaire horaire moyen des professions intermédiaires dans le département SALEMPL : salaire horaire moyen des employés dans le département

SALOUV : salaire horaire moyen des ouvriers dans le département

DENSECO peut également être considéré comme un indicateur de concurrence générale pour l'accès aux ressources locales.

Afin de tester l’hypothèse H6, l’offre de débouchés peut être appréhendée, très globalement, par

DENSECO. Il est évidemment préférable de mesurer les débouchés de manière plus fine, au plus près de l’activité de chacune des entreprises. On définit ainsi cinq indicateurs exprimant la demande finale des ménages et des administrations :

POP : population résidente en 199948 REVENU : revenu fiscal moyen en 200049

PCOMM : part des effectifs salariés employés dans le secteur du commerce en 199950

PSERV : part des effectifs salariés employés dans le secteur des services aux particuliers en 199951 47 Source : INSEE-DADS. 48 Source : RGP. 49 Source : INSEE-DGI. 50 Source : RGP. 51 Source : RGP.

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HOTEL : nombre de chambres d’hôtei en 199652

LITTORAL : variable muette prenant la valeur 1 en cas d’accès direct à la mer

PRESSEC : part des résidences secondaires dans le nombre total de logements en 199953 PADMIN : part du secteur « administration » dans l’emploi en 199954

PCOMM, PSERV, HOTEL, LITTORAL, PRESSEC visent à identifier les « territoires de

consommation » susceptibles de bénéficier d’une forte attractivité commerciale et touristique. PADMIN permet d’identifier les territoires jouant le rôle de capitales administratives.

Il ne nous a malheureusement pas été possible de construire des indicateurs de débouchés inter­ industriels.

La croissance des débouchés, à l’échelle de l’ensemble de la zone d’emploi, est mesurée par

CROISEMP (qui est aussi un indicateur de prospérité économique du territoire) et CROISPOP

CROISEMP : taux de croissance de l’emploi salarié total sur la zone d’emploi entre 1994 et

200155

CROISPOP : taux de croissance de la population résidentielle entre 1990 et 199956 57

Enfin, les indicateurs de ressources cognitives des territoires mobilisés pour tester l’hypothèse H9 sont les suivants :

PBAC2 : part des diplômés à Bac + 2 ou plus dans la population active de la zone d’emploi en 199957

ETUDIANTS : nombre d’étudiants dans la zone d’emploi en 199958

BREVETS : nombre de demandes de brevet dans le département en 199959

52 Source : Atlas des zones d’emploi.

53 Source : RGP. 54 Source : RGP. 55 Source : Unédic [1994, 2001]. 56 Source : RGP. 57 Source : RGP. 58 Source : RGP. 59 Source : INPI.

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