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La croissance des entreprises chinoises a marqué le pas dès 2006, alors. À la recherche d un nouveau modèle de croissance.

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À la recherche

d’un nouveau modèle de croissance

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uzIel

Directrice générale adjointe de l’activité conseil en management d’Accenture monde

La Chine, désormais deuxième puissance économique mondiale, pourrait atteindre la première place à l’horizon 2030. Depuis son ouverture économique, il y a une trentaine d’années, elle s’est d’abord positionnée comme sous-traitante ou fabricante de produits bon marché. Ce premier modèle de croissance a désormais atteint ses limites. La Chine qui cherche un nouveau mode d’insertion dans l’économie mondiale, en fin de compte, se cherche…

L

a croissance des entreprises chinoises a marqué le pas dès 2006, alors que la profitabilité n’était toujours pas au rendez-vous 1. Si les entreprises chinoises les plus performantes croissaient largement plus vite que leurs concurrentes occidentales, ce n’était plus que par 40 % d’écart (au lieu de 110 % les années précédentes), et la moyenne des entreprises chinoises ne se démar- quait plus du peloton international par ses taux de croissance.

Au-delà du plan

En 2006, les entreprises chinoises les plus performantes créaient deux fois moins de valeur que leurs homologues occidentales alors que les autres segments d’en-

1. Cf. étude Accenture « Jumping Over the Dragon Gate », 2009.

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treprises chinoises détruisaient de la valeur économique. Dès ce moment, les plus performantes ont remonté la chaîne de valeur pour concevoir et innover, lancer des produits et services à forte valeur ajoutée, faire reconnaître leurs marques et développer une relation client à travers des réseaux de distribution. Ainsi Erdos, premier producteur mondial de cachemire, ouvre, depuis des années, des boutiques en propre aux États-Unis et dans les grandes villes d’Europe. Huadong Medicine affiche une stratégie de spécialisation et d’innovation sur les aires thérapeutiques les plus profitables. Hisense déclare, quant à elle, se focaliser sur l’équipement du foyer et le multimédia et vouloir « faire monter en gamme sa technologie, ses produits, ses employés et sa structure de capital ».

Dans les enquêtes réalisées annuellement lors du Forum économique mondial de Davos, les dirigeants chinois se jugent deux fois moins prêts que leurs homolo- gues étrangers à affronter les défis du monde multipolaire. Contrairement aux chefs d’entreprises indiens ou latino-américains qui se sont lancés dans des acquisitions très visibles (Tata avec Chorus, Tetley ou Jaguar, Mittal avec Arcelor, le brésilien AmBev avec Interbrew) entre 2005 et 2010, les Chinois

sont restés à l’écart des grandes opérations internatio- nales. Les explications sont multiples ; barrières linguis- tiques et tensions diplomatiques autour des droits de l’homme font clairement partie des difficultés. Mais les dirigeants chinois ont aussi conscience des spécificités de ce « capitalisme à la chinoise » qui ne connaît ni le jeu de la concurrence ni l’allocation des ressources par le marché en fonction du potentiel de création de valeur. Les entreprises sont au service de l’État et l’État

au service des entreprises, une collaboration entre deux grands groupes ou un sou- tien logistique de l’armée sont naturels, l’activité industrielle s’inscrit dans un plan quinquennal (dont la douzième édition paraîtra officiellement à l’été) et les res- sources semblent infinies.

Historiquement, les investissements directs étrangers et les acquisitions ont été essentiellement patrimoniaux (faisant fructifier les excédents extérieurs de la Chine) ou stratégiques (sécurisant l’accès à des ressources naturelles). La Chine consacre 10 % de ses investissements étrangers directs à l’Afrique pour accéder aux ressources.

Quand Minmetals achète le groupe minier australien OZ Minerals et quand Chinalco s’intéresse de près à Rio Tinto, on reste encore dans le même registre de motivations stratégiques. À l’inverse, quand des acteurs mexicains tels que Cemex

Les dirigeants chinois se jugent

deux fois moins prêts que leurs

homologues étrangers à affronter les défis du monde

multipolaire.

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(ciment) ou Modelo (boissons) se sont internationalisés, historiquement selon le modèle « E2E » (d’un pays émergent vers un autre pays émergent), en couvrant l’Amérique latine et l’Asie, il s’est agi de véritables prises de positions industrielles et commerciales sur de nouveaux marchés.

Un accueil réservé

Une nouvelle forme d’internationalisation se dessine depuis la crise mondiale : les entreprises d’État chinoises ont pris des participations stratégiques ou industrielles dans cent pays durant les douze derniers mois, volant au secours d’économies en difficultés et profitant de « bonnes affaires ». Les investissements chinois directs à l’étranger ont ainsi été multipliés par trois entre 2007 et 2009.

Le célèbre mot d’ordre du « Going out » lancé par les autorités de Pékin dans les années 1990 revêt une nouvelle signification en sortie de crise ; l’internationalisation ne doit plus reposer sur la seule exportation. Il faut prendre pied sur les marchés internationaux et s’intégrer dans le capitalisme mondial. Les acquisitions, cette fois- ci industrielles et commerciales, constituent un outil essentiel de cette nouvelle stra- tégie. Avec une acquisition industrielle, on recherche de nouveaux produits, de nouvelles technologies, des réseaux de distribution, une marque ou des savoir-faire ainsi que des débouchés et des accès aux marchés internationaux. Des acquisitions ont déjà abouti : l’activité PC d’IBM rachetée par Lenovo, Volvo passant dans le giron de Geely, Cerruti absorbé par Trinity Limited ou Marionnaud acquis par AS Watson. Mais si les tentatives se multiplient, les échecs aussi. Chinalco n’est pas parvenu à un accord avec Rio Tinto. Les fameux Chocos BN, CSR (le géant australien du sucre) et récemment Yoplait ont échappé à Bright Food, conglomérat agroalimentaire propriété directe de la municipalité de Shanghai. Pour Yoplait, Bright Food avait pourtant investi en communication et lobbying, insistant sur la préservation de l’emploi qu’une fusion entre acteurs locaux plus « redondants » ne permettait pas, ouvrant des perspectives sur les débouchés chinois et la réorientation de sa chaîne d’approvisionnement au profit de fournisseurs français, sans oublier de remettre une offre financière particulièrement attractive. Cela n’a pas suffit. Huawei, industriel des réseaux de télécommunications chinois, s’est plusieurs fois heurté au

Si les tentatives chinoises d’acquisitions industrielles et commerciales se multiplient, les

échecs aussi.

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veto du gouvernement américain. La préservation des intérêts stratégiques de la nation dans les secteurs sensibles des hautes technologies ainsi que la proximité de Huawei avec le ministère de la Défense chinois ont été invoquées. Récemment, Huawei a tenté d’acquérir en toute discrétion la 3-Leaf pour seulement 2 millions de dollars mais le CFIUS (organisme qui surveille les acquisitions étrangères aux États-Unis) a mis au jour ce projet et l’a immédiatement bloqué. Huawei a alors argué de la petite taille de l’acquisition tandis que le gouvernement américain s’éton- nait de la « dissimulation » de cette démarche, générant une nouvelle tension diplo- matique entre les deux États.

Même les acquisitions qui aboutissent se révèlent complexes à gérer une fois signées : résistance des instances représentatives du personnel, influence limitée de l’acqué- reur sur le cours des opérations de la cible en raison des barrières linguistiques, culturelles et managériales, difficulté de l’acquéreur pour transférer les connaissances et « apprendre » de la cible. On débat, même en Chine, des vertus des reverse takeover qui donnent du pouvoir aux cadres issues d’une cible acquise afin de leur permettre de transformer l’acquéreur en important leurs bonnes pratiques. Par où faudra-t-il en passer pour ne pas détruire de valeur mais pour réellement matérialiser les pro- messes d’une acquisition ? ! Si l’attention portée à la bonne conclusion de la transac- tion a été grande et l’aide des banques d’affaires précieuse, les acquéreurs chinois découvrent un peu tard que la signature n’est que le début de l’aventure. Les cadres du Parti, dirigeants des entreprises d’État récemment introduites en bourse, expri- ment spontanément leur fierté d’appartenir au club des « Fortune 500 » et leur ambition de se hisser au tout premier rang, mais ils mesurent de plus en plus la difficulté et le prix à payer pour devenir un membre accepté et actif de ce « club » : s’intégrer véritablement dans le jeu concurrentiel mondial, embrasser les règles du capitalisme de marché et prendre pied à l’étranger constituent autant de défis.

Pour réaliser les ambitions économiques nationales et vraiment ancrer les entreprises chinoises dans les mar- chés mondiaux, de nouvelles approches sont mises en œuvre par les pouvoirs publics et les entreprises. Au rang de celles-ci, on peut relever la priorité donnée au développement international «  harmonieux et équi- libré  ». Un travail est notamment mené sur l’image des entreprises chinoises pour en faire des partenaires

« acceptables », voire « souhaitables ».

La Chine travaille à l'image

de ses entreprises en vue d'en faire

des partenaires

« acceptables », voire

« souhaitables ».

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Savoir partager

La création d’emplois en Occident devient une priorité. Lors de sa visite aux États- Unis début 2011, pour sa rencontre avec le président Obama, Hu Jintao a sélectionné une délégation composée de dirigeants chinois produisant sur le sol américain (et employant des salariés américains). Hu Jintao a ainsi signalé aux dirigeants d’en- treprises chinois l’importance de créer de l’emploi en Occident afin de partager les fruits de la croissance pour devenir des partenaires commerciaux et industriels intégrés. Une série d’accords bilatéraux susceptibles de préserver quelque 235 000 emplois aux États-Unis a également été annoncée lors de ce voyage. En dépit de ces efforts, trois des principaux leaders du Congrès, dont le speaker républicain John Boehner et le sénateur démocrate Harry Reid, ont brillé par leur absence au dîner officiel à la Maison Blanche…

Des opérations variées (et parfois sophistiquées) sont expérimentées pour intégrer plus progressivement et harmonieusement les entreprises chinoises dans le tissu économique international. Certains acquéreurs, tels que Hangzhou Donghua Chain Group, choisissent de ne pas interférer avec la gestion quotidienne et de main- tenir le management. Bénéficier de partenariats peut aider à gérer les difficultés diplomatiques, sociales et opérationnelles. Si seulement 27 % des dirigeants chinois

2 déclarent prévoir une acquisition étrangère à court terme, 48 % supplémentaires annoncent une joint ven- ture (30 %) ou une alliance (18 %). Ainsi, PetroChina et Royal Dutch Shell ont acheté conjointement l’aus- tralien Arrow Energy pour 3 milliards de dollars. La société automobile BYD, cotée à Hong Kong et dont Warren Buffett est actionnaire, a signé un partenariat avec Daimler pour développer un véhicule électrique pour le marché chinois. L’opérateur national State Grid ouvre une place de marché pour massifier les demandes de compteurs électriques intelligents des utilities étran- gères. Le canadien Bombardier et le chinois Comac signent une alliance pour contrer Airbus et Boeing sur le marché des moyen-courriers. China Huaneng Group (premier producteur d’électricité chinois) a ainsi acquis 50 % du producteur d’électricité InterGen (dont les usines sont localisées en Angleterre, en Hollande,

2. Cf. sondage Accenture et The Economist Intelligence Unit.

Hu Jintao a signalé aux dirigeants d’entreprises

chinois l’importance de partager les fruits

de la croissance pour devenir des partenaires

commerciaux et industriels

intégrés.

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au Mexique, aux Philippines et en Australie) aux côtés du fonds de pensions des professeurs de l’Ontario qui détient les autres 50 % depuis 2005. Zoomlion (un leader des équipements pour la construction) a conclu récemment un archétype de ces nouveaux accords avec le rachat de CIFA (spécialiste des équipements pour la production de ciment) : une approche en consortium intégrant des banques d’inves- tissement pour acquérir un portefeuille de produits et un réseau de distribution international dans la plupart des grands marchés en forte croissance, tout en main- tenant l’équipe de direction en place.

Un capitalisme à plusieurs visages se développe désormais en Chine : un capitalisme entrepreneurial émerge aux côtés des énormes entreprises d’État, tandis que ces entreprises publiques entrent elles-mêmes de plus en plus en bourse. Si les groupes financiers de Hong Kong ou de Taïwan appartiennent depuis longtemps au paysage économique, d’ambitieux entrepreneurs de Chine continentale s’allient désormais à des fonds d’investissement privés pour se hisser sur la scène mondiale. La Chine compte ses entrepreneurs Internet et dans ce domaine tous les géants occidentaux voient naître leurs doubles locaux : Alibaba est la version chinoise d’e-Bay, 360buy (qui livre dans toute la Chine en 24 heures avec plus de 90 % de fiabilité) est l’émule d’Amazon et Renren veut jouer le rôle de Facebook. Et ces géants Internet ferment déjà largement le vaste marché chinois à leurs aînés étrangers.

Si nous savions depuis quelques années qu’au XXIe siècle il faudrait compter avec la Chine et son ambition de reprendre sa place d’empire du Milieu, nous allons assis- ter à une nouvelle forme d’expansion chinoise dans les années à venir. Issues d’un modèle d’exportation devenu de plus en plus sophistiqué, les entreprises chinoises évoluent vers un modèle intégré de véritable internationalisation, en prenant pied sur les principaux marchés mondiaux. Cette phase, plus que la précédente, est por- teuse de transformations profondes du modèle chinois qui ne pourra plus se conten- ter de « gérer des contradictions irréductibles », selon la tradition nationale, mais devra s’adapter au monde pour réussir dans des territoires étrangers aux références chinoises habituelles.

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