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"Aurélie, c'est moi!" Le journal d'Aurélie Laflamme, le succès de la série expliqué par une étude de sa réception

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« Aurélie, c’est moi! »

Le journal d’Aurélie Laflamme, le succès de la série expliqué par

une étude de sa réception

Mémoire

Julie Grenier-Turcot

Maîtrise en études littéraires

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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Résumé

C’est une adolescente parfaitement normale qu’India Desjardins met en scène dans Le Journal d’Aurélie

Laflamme. Aurélie, maladroite et complètement immergée dans la culture populaire des années 2000, ne

diffère toutefois pas énormément des personnages d’adolescentes mis en scène dans les romans du même genre. Et pourtant, la série a remporté un succès qui la classe dans une catégorie à part. Qu’est-ce qui explique donc l’impressionnant succès populaire qu’elle a remporté? Il est vrai que l’auteure démontre une connaissance approfondie de cet univers et se veut accessible à ses lecteurs, des aspects qui ne manquent certainement pas de charmer son public cible. Avec le succès remporté par sa série, l’auteure prouve que les jeunes cherchent à se reconnaître dans ce qu’ils lisent. Nul besoin de créer un monde imaginaire pour les séduire, il suffit de leur offrir un personnage auquel ils peuvent se rattacher, un personnage qui leur ressemble.

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Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... v

Remerciements ... ix

Résumé de la série ... xi

Introduction ... 1

Question ... 1 État de la question ... 2 Structure ... 3

Chapitre 1 - Des valeurs et des thèmes qui touchent les adolescentes d’aujourd’hui ... 7

Les valeurs ... 8

L’amitié : l’importance du meilleur ami « gars » et de la meilleure amie « fille » ... 8

La famille : ces personnes que l’on aime malgré tout ... 11

L’environnement : sauver le monde un sac de plastique à la fois ... 16

L’acceptation de l’Autre : on est tous pareils au fond ... 19

Les thèmes ... 21

L’amour : ce premier amour qui fait tant de ravages (et les autres qui suivent) ... 21

La quête d’identité, la nostalgie : qui suis- je? Où vais-je? ... 23

Conclusion ... 26

Chapitre 2 - Aurélie Laflamme, l’ado ordinaire : étude du personnage central ... 27

Ce qu’elle est, comment elle s’exprime ... 27

Maladroite, comique et ordinaire : quand la maladresse donne du charme ... 27

Un langage familier : parler pour être comprise ... 34

Ce qu’elle rencontre ... 36

Obstacles du quotidien : ce sont des épreuves aussi... 36

Ce qu’elle aime ... 38

Pratiques culturelles : Britney Spears est out, vive Simple Plan ... 38

Conclusion ... 44

Chapitre 3 - Les séries littéraires jeunesse : journaux intimes et adaptations

cinématographiques ... 45

Les séries littéraires : une recette gagnante ... 46

Pour les lecteurs : retrouver un ami ... 46

Pour les éditeurs : l’esprit de fidélité des lecteurs ... 49

Les journaux intimes fictifs : proximité avant tout ... 52

Développement d’une proximité entre la lectrice et l’auteure ... 54

Développement d’une proximité entre le personnage principal et la lectrice ... 56

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Conclusion ... 60

Chapitre 4 - Réception critique : Aurélie et India sont partout ... 61

Exposition médiatique importante ... 61

Diffusion médiatique de la série « Aurélie Laflamme » et des ouvrages de l’auteure ... 62

L’adaptation du premier tome au cinéma : des auditions publiques médiatisées ... 65

L’auteure et ses lectrices : une proximité simplifiée ... 66

Le journal d’Aurélie Laflamme : un phénomène qui traverse les frontières ... 66

Grande accessibilité de l’auteure ... 68

Utilisation des réseaux sociaux : une proximité nouveau genre ... 70

Posture de l’auteure dans les médias ... 72

India Desjardins dans les articles de la réception : une adulte adolescente qui comprend ses lecteurs ... 72

Une posture qui renforce l’illusion référentielle ... 74

Conclusion ... 76

Conclusion ... 79

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Je n’ai jamais osé être ce que je suis

vraiment. Toujours enfermée dans ma bulle

et dans ma tête, emprisonnée par mes

émotions. Je n’ai peut-être jamais su qui

j’étais au fond. Je n’ai jamais pris ma place,

car je n’ai jamais trop su où elle était. Mais

ce que je sais, c’est que je n’arrêterai jamais

de la chercher. Et aujourd’hui, j’entrevois

mon avenir de façon tout à fait excitante, en

pensant que, quoi qu’il arrive, ma place est

celle que je déciderai de prendre.

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Remerciements

Je tiens d’abord à remercier mon directeur, Aurélien Boivin, pour tous ses conseils, pour son soutien tout au long de mon parcours et pour sa confiance. Merci également à Marie Fradette de m’avoir donné envie de réaliser ce mémoire et de m’avoir transmis sa passion pour la littérature jeunesse.

Merci à mes parents et à ma famille sans qui tout cela n’aurait pas été possible. Merci pour tout. Merci à Oli. Merci de me connaître mieux que je ne me connais moi-même. Merci de me faire confiance. Merci à Jo-Annie Maheux d’être toujours là, d’avoir habité avec moi pendant quatre ans et de partager ma passion pour Un gars, une fille.

Merci à Vanessa Grimard et Kim Jacques (Vankim), le couple le plus étrangement cute que je connais, d’être une source de divertissement constant.

Merci à Pierre-Olivier Côté d’avoir traversé le 2e cycle avec moi.

Un merci tout spécial à Florence qui répondait toujours à mes textos lorsque j’avais envie de procrastiner (c’est-à-dire tous les mardis).

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Résumé de la série

Adolescente de quatorze ans, Aurélie Laflamme est d’une simplicité exemplaire. Elle n’est dotée d’aucun pouvoir magique, ni amoureuse d’un vampire et ni nullement pressentie pour sauver le monde. Elle est plutôt une jeune fille qui angoisse à propos de son prochain examen de mathématiques, qui se demande si elle finira un jour par embrasser un garçon à l’haleine fraîche ou encore si elle réussira à vaincre sa maladresse légendaire. Alors que nous faisons sa connaissance, dans le premier tome de la série, la jeune fille trouve les garçons de son âge stupides, même si, contradictoirement, elle attend avec impatience son premier baiser. Ce sentiment d’aversion envers les garçons l’a d’ailleurs poussée à user de tous les efforts nécessaires pour convaincre sa mère de l’inscrire dans une école privée pour filles. C’est là qu’elle fait la connaissance de Kat, qui devient rapidement sa meilleure amie. Aurélie a aussi un bon ami, Tommy, toujours à ses côtés quand elle a besoin d’aide.

Côté sentimental, Aurélie prend rapidement conscience que les garçons ne sont pas aussi stupides que ce qu’elle imaginait, que certains méritent une attention particulière. Elle vit quelques expériences amoureuses, dont certaines plus importantes que d’autres. Elle surmonte toutefois difficilement son premier chagrin d’amour avec Nicolas, un garçon charmant qui sent le bon assouplissant. Elle réalise finalement que, parfois, l’amour qui donne des ailes n’est pas aussi loin qu’elle peut imaginer.

Si les relations amoureuses et amicales d’Aurélie occupent une place importante dans la série, la famille n’est pas pour autant oubliée. Malgré des préoccupations qui peuvent parfois sembler futiles, cette jeune fille a vécu un grand drame dans son enfance, ce qui la différencie de bon nombre d’adolescentes. Elle a perdu son père à l’âge de neuf ans, alors que personne n’aurait pu prédire qu’un tel drame s’abattrait sur la famille Charbonneau-Laflamme. Une embolie pulmonaire l’a emporté laissant ainsi Aurélie et sa mère seules à elles-mêmes, le cœur rempli d’un chagrin qui tarde à s’estomper.

Sa mère, France, a eu beaucoup de difficulté à surmonter cette tragédie. Les deux femmes ont dû vivre l’une pour l’autre, mais l’adolescente admet qu’elle cachait parfois sa propre tristesse pour éviter de causer davantage de peine à sa mère. Elles évitaient souvent de parler de cette disparition, car, dès qu’Aurélie abordait le sujet, le cou de sa mère se couvrait de plaques rouges et ses yeux s’emplissaient de larmes. Aurélie préférait alors changer de sujet, même si son père lui manquait énormément et qu’il lui arrivait, avec le temps, d’avoir peur de l’oublier. D’un tome à l’autre, l’adolescente devra également apprendre à composer avec la présence de François Blais, le nouveau conjoint que sa mère a rencontré après avoir pleuré, pendant des années, le père d’Aurélie. Elle se rapprochera aussi de ses grands-parents, de sa grand-mère paternelle surtout, qui deviendra une confidente.

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Aurélie vit son lot d’aventures et d’émotions. Accompagnée de ses amis, elle passe d’une école privée de filles à une école publique mixte, termine ses études secondaires, assiste au bal des finissants, fait connaissance avec sa petite sœur et choisi un domaine d’études qui lui plaît, non sans difficulté toutefois. En dépit de tous les obstacles qu’elle rencontre, Aurélie demeure toujours porteuse d’un message d’espoir. Même si elle a perdu son père, même s’il lui est arrivé d’échouer à un examen, même si un de ses boutons fait la taille de Saturne, elle ne s’est jamais laissée abattre. Car, pour elle, la vie est belle malgré les obstacles.

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Introduction

Un rapide passage en librairie est suffisant pour constater l’omniprésence de la littérature jeunesse. Les ouvrages destinés aux jeunes lecteurs se multiplient, l’offre est plus qu’abondante. S’il va sans dire que cette situation est positive, il n’en demeure pas moins que peu d’ouvrages québécois parviennent à se démarquer. Les romans étrangers envahissent le marché et captent davantage l’attention des lecteurs. Des séries telles Harry Potter, Hunger Games ou encore Twilight n’ont plus besoin de présentation tant elles suscitent l’intérêt d’un grand nombre de lecteurs et de lectrices. Il est vrai que les outils utilisés pour promouvoir ces ouvrages sont généralement nombreux, diversifiés et financièrement importants. Les publications québécoises ont donc plus de difficulté à se frayer un chemin jusqu’à la bibliothèque des lecteurs. Malgré cette situation, quelques ouvrages québécois parviennent à tirer leur épingle du jeu. Pensons, par exemple, aux romans pour adolescentes de Dominique Demers qui reçoivent un bel accueil de la part de la critique et qui remportent aussi un succès populaire notoire. Sa série « Mademoiselle Charlotte » a été adaptée deux fois plutôt qu’une au cinéma, indice d’une certaine popularité. Plus récemment, Catherine Girard-Audet a également remporté un succès digne de mention avec sa série La vie compliquée de Léa

Olivier.

Toutefois, dans les dernières années, c’est la série québécoise Le journal d’Aurélie Laflamme, d’India Desjardins, qui a le plus attiré l’attention. Publiée entre 2006 et 2011, cette série pour adolescentes1, comptant

huit tomes, a connu un succès sans précédent au Québec. Un premier film a été réalisé en 2010 et le tournage d’un second, inspiré des tomes sept et huit, s’est amorcé à l’automne 2014. La sortie en salle est prévue le 24 avril 2015. L’auteure, qui s’est fait connaître grâce à ses collaborations au Journal de Montréal et au magazine Cool!, fait courir les foules dans les salons du livre québécois depuis quelques années. Si les jeunes Québécoises sont tombées sous le charme d’Aurélie et, par le fait même, d’India, elles ne sont pas les seules. En France, la série remporte un succès digne de mention. Même lors de son passage aux Rencontres québécoises en Haïti, India Desjardins a constaté, non sans intérêt, que plusieurs jeunes Haïtiennes avaient lu et adoré sa série2.

Question

Un ouvrage qui connaît un tel accueil populaire laisse toutefois planer certaines questions. Parmi le lot impressionnant de romans pour adolescentes, pourquoi la série « Aurélie Laflamme » a-t-elle remporté un

1 Nous utiliserons, dans le cadre de la rédaction de notre mémoire, l’appellation « adolescentes » pour faire référence au

public cible d’India Desjardins. Bien sûr, nous ne nions pas le fait que plusieurs garçons aient pu lire cette série.

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succès qui la classe dans une catégorie à part? Quelles sont les raisons qui expliquent que cette série ait réussi à séduire tant d’adolescentes d’ici et d’ailleurs?

Aurélie représente d’abord le portrait d’une adolescente maladroite et sympathique, une jeune fille simple et des plus ordinaires. Cette représentation de la normalité ne manque certainement pas d’intéresser bon nombre d’adolescentes. L’analyse des huit tomes de la série et de nombreux articles consacrés à l’auteure et à son héroïne nous permettront de démontrer que le succès du Journal d’Aurélie Laflamme repose avant tout sur un effet de proximité avec la lectrice qui se crée à l’intérieur même des romans, grâce, entre autres, aux thèmes abordés et aux valeurs qui y sont véhiculées, mais aussi par tout ce qui englobe sa diffusion et sa réception critique.

Effectivement, en plus d’être très active sur les réseaux sociaux, India Desjardins a bénéficié d’une visibilité que peu d’auteurs de littérature jeunesse peuvent se targuer d’avoir obtenue. Des revues littéraires aux journaux de quartier, la série « Aurélie Laflamme » a été commentée dans un nombre impressionnant de médias. Deux apparitions de l’auteure à Tout le monde en parle, l’émission phare de Radio-Canada, une adaptation cinématographique du premier tome et une seconde en préparation, voilà des éléments qui provoquent un important battage médiatique. Outre la simple présence dans les médias, la façon dont la série et son auteure ont été présentées est également importante. Très souvent, on y mentionne le fait que l’auteure se sent elle-même comme une adolescente dans sa tête, un aspect qui la rapproche de ses destinataires et qui contribue assurément au succès remporté par la série.

État de la question

Malgré l’impressionnante couverture médiatique offerte à la série de Desjardins, les études qui lui ont été consacrées jusqu’ici ne sont pas des plus nombreuses. Même s’il existe peu de recherches approfondies portant sur la série Le journal d’Aurélie Laflamme, une étude réalisée en 2008 par Marie-Pier Luneau3 propose

certaines réflexions qui alimenteront notre mémoire. Luneau analyse le phénomène de la chick lit au Québec et présente la spécificité culturelle de la série pour adolescentes d’India Desjardins en abordant le langage utilisé, mais aussi en insistant sur les pratiques culturelles d’Aurélie. Luneau s’intéresse également aux stratégies de mise en marché utilisées par l’éditeur. Elle explore la piste d’une possible stratégie médiatique élaborée par l’éditeur, Les Intouchables, de concert avec l’auteure, pour favoriser un rapprochement avec les lectrices. Les pistes qu’elle évoque sont pertinentes et nous tenterons de les approfondir par une étude rigoureuse des articles publiés tant sur India Desjardins que sur la série Le journal d’Aurélie Laflamme. Nous pourrons ainsi proposer une analyse documentée qui exposera la façon dont l’auteure a été présentée dans

3 Marie-Pier Luneau, « Georgia, Mia, India… clones de Bridget? Spécificités culturelles et stratégies éditoriales dans la

“chick lit” pour adolescentes au Québec », dans Jean FOUCAULT, Michel MANSON et Luc PINHAS [dir.] L’édition de

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les médias, ce qui nous permettra de voir comment cette représentation, somme toute particulière, donne la possibilité à l’auteure de gagner le cœur de son lectorat.

Structure

Dans un angle d’approche prenant appui sur la théorie de la réception de H.R. Jauss4, le premier

chapitre mettra en lumière les valeurs véhiculées et les thématiques abordées dans la série d’India Desjardins. Nous constaterons que les huit tomes du Journal d’Aurélie Laflamme exploitent des valeurs chères aux adolescentes d’aujourd’hui. Les recherches de Chantal Royer5, ainsi que de Richard Cloutier et Sylvie

Drapeau6, serviront d’ailleurs de point d’ancrage à notre travail, puisqu’elles nous permettront de bien saisir

les intérêts diversifiés des adolescentes. L’amitié, la famille, l’acceptation de l’autre et l’environnement sont des valeurs chères aux yeux des jeunes, ce qu’India Desjardins a bien compris. Elle a également su intégrer les thématiques de l’amour et de la nostalgie dans sa série, permettant ainsi aux lectrices de s’identifier aisément au personnage d’Aurélie.

Le chapitre suivant sera consacré à Aurélie elle-même, à ses traits de personnalité. Les caractéristiques de la jeune fille sont si réalistes qu’elles plaisent à coup sûr aux destinataires. Nous nous attarderons à sa maladresse légendaire, un élément qui rappelle le phénomène de la chick lit. Nous insisterons également sur le langage de l’héroïne, un langage familier qui correspond à celui que l’on peut entendre dans n’importe quelle école secondaire québécoise.

L’auteure confronte également son héroïne à des situations du quotidien et lui fait vivre des aventures qui pourraient être le lot de bon nombre d’adolescentes. Aurélie n’est pas appelée à sauver le monde d’une fin imminente, mais elle tombe sous le charme d’un « skateur charmeur 7» et se pose de nombreuses questions

sur son avenir. Ce portrait réaliste d’une adolescente n’a pu que séduire le public cible d’India Desjardins et explique en partie l’important succès remporté par la série. Certes, la jeune fille affronte un lot d’obstacles, dont la mort de son père alors qu’elle était âgée de neuf ans, mais il s’agit généralement d’obstacles du quotidien, des épreuves qui pavent le chemin de n’importe quel adolescent.

Aurélie est aussi une jeune fille bien de son temps et partage des intérêts culturels similaires à ceux des adolescents d’aujourd’hui. Elle adore Robert Pattinson et Chad Michael Murray, écoute de nombreux films

4 H.R. Jauss, Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, 2010, 333 p.

5 Chantal Royer, « Voyage au cœur des valeurs des adolescents : la famille, grand pilier d’un système », dans Enfances,

Familles, Générations, nº 4 (printemps 2006), 21 p.

6 Richard Cloutier et Sylvie Drapeau, Psychologie de l’adolescence, 3e édition, Montréal, Gaëtan Morin éditeur, 2008,

313 p.

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populaires, aime faire jouer dans son iPod de la musique de Simple Plan, de Billy Talen et de Malajube. Voilà certes des pratiques culturelles qui ne peuvent que plaire aux lectrices de Desjardins.

Le troisième chapitre diffèrera quelque peu des deux précédents. L’analyse proposée sera centrée sur les aspects externes à la série, sur tout ce qui englobe sa diffusion et sa mise en marché. Nous nous pencherons en premier lieu sur l’abondance de séries dans le marché littéraire jeunesse actuel. L’attachement des lectrices aux séries sera ensuite analysé du point de vue du lecteur, mais aussi de celui de l’éditeur. Nous verrons que cette recette est gagnante pour chacune des parties. Nous répondrons aussi à une question que nous jugeons importante : pourquoi les journaux intimes fictifs suscitent-ils autant d’intérêt, principalement en littérature jeunesse? Le sentiment d’attachement que crée ce procédé y est sans doute pour quelque chose. Cette technique donne également l’occasion aux lecteurs de développer une certaine proximité avec le personnage, mais aussi avec l’auteur. Afin d’appuyer nos propos, nous mettrons à profit les approches intimistes de Béatrice Didier8 et de Françoise Van Roey-Roux9. Nous nous intéresserons finalement à la

production de produits dérivés, offerts sous diverses formes, susceptibles de donner une seconde vie à une œuvre en lui offrant une visibilité nettement plus importante.

Dans le dernier chapitre, nous analyserons la réception critique dont ont été l’objet les huit tomes de la série. Il sera d’abord question de l’impressionnante exposition médiatique remportée par la série d’India Desjardins. Nous aborderons aussi le succès obtenu par Le journal d’Aurélie Laflamme à l’extérieur du Québec. Il semble évident que la grande accessibilité de l’auteure, simplifiée grâce à l’utilisation des réseaux sociaux, a contribué à assurer le succès en librairie de la série. Enfin, les articles publiés sur la série, où l’on insistait beaucoup sur l’association entre l’auteure et son statut d’adolescente, ont largement contribué à établir une proximité naturelle entre elle et les jeunes lectrices. Les études de Jérôme Meizoz10, sur les

postures littéraires, et de Marie-Pier Luneau11 seront mises à contribution, au même titre que les recherches

de Daniel Couégnas12, qui serviront d’appui aux affirmations et conclusions de Luneau.

Ainsi notre mémoire laisse entendre qu’un ensemble d’éléments ont contribué à démarquer la série d’India Desjardins des autres ouvrages jeunesse disponibles sur le marché, en plus de lui permettre de remporter un impressionnant succès populaire. Outre les aspects internes de l’ouvrage, plusieurs facteurs

8 Béatrice Didier, Le journal intime, Paris, Presses universitaires de France, 1976, 216 p.

9 Françoise Van Roey-Roux, La littérature intime du Québec, Montréal, Boréal Express, 1983, 254 p.

10 Jérôme Meizoz, « “Postures” d’auteur et poétique », dans L’œil sociologue et la littérature, Genève, Slatkine Érudition,

2004, 242 p.

11 Marie-Pier Luneau, « Tant d’amour à donner : Le biographique, l’œuvre et la figure de l’auteur Harlequin », dans

COnTEXTES, revue de sociologie de la littérature, n° 3 (juin 2008), p. 1-21.

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externes ont fait en sorte que la série a mérité la faveur du public. L’auteure a assurément joué un rôle primordial dans le succès de sa série. Sa proximité évidente avec les adolescentes de même que sa présence importante sur les réseaux sociaux lui ont donné l’occasion de développer une relation particulière avec ses lectrices. En se montrant facilement accessible, elle ne pouvait que plaire à ses destinataires.

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Chapitre 1 - Des valeurs et des thèmes qui

touchent les adolescentes d’aujourd’hui

Au fil des huit tomes qui composent la série « Aurélie Laflamme », le personnage d’Aurélie, âgé de 14 ans au moment où nous faisons sa connaissance, subit de grandes transformations qui lui permettent de se rapprocher de l’âge adulte. Ses expériences et ses rencontres l’aident à forger sa personnalité, à devenir une jeune adulte souriant à l’avenir. Au contact de son entourage, elle apprend à développer son sens critique et à faire valoir ses idées, tout comme elle prend conscience des valeurs qui lui sont chères. Entourée de ses amis et des membres de sa famille, elle traverse certaines étapes charnières de l’adolescence, tout en demeurant fidèle à elle-même. La série « Aurélie Laflamme », de par son important succès remporté auprès du lectorat, comporte assurément bon nombre d’éléments susceptibles de permettre aux destinataires de s’identifier au personnage principal.

La popularité de la série d’India Desjardins auprès des adolescentes laisse croire que les valeurs véhiculées et les thèmes exploités rejoignent ce lectorat pourtant hétérogène. À ce sujet, un « Sondage sur les préférences de lecture des garçons et des filles du primaire et du secondaire », publié en 2008 dans la revue

Québec français, démontre bien l’intérêt des jeunes pour cette série. Le journal d’Aurélie Laflamme se classe

effectivement parmi les ouvrages préférés des filles des 2e et 3e cycles du primaire ainsi que parmi ceux des

filles du secondaire tous les cycles confondus1. Les résultats de cette enquête nous permettent d’affirmer que

les valeurs défendues et les thématiques privilégiées touchent tant des jeunes filles de 10 ans que des adolescentes de 16 ans. L’intérêt des lectrices plus jeunes que le personnage principal peut s’expliquer par le fait que « les préadolescentes (9-12 ans) sont sensibles aux lectures sentimentales pour adolescentes dans lesquelles les héroïnes sont plus âgées qu’elles2 ». Elles peuvent ainsi mieux comprendre ce qui les attend

dans un futur, somme toute, rapproché.

Cette section nous permettra de mettre en lumière les valeurs et les thèmes principaux abordés dans

Le journal d’Aurélie Laflamme. Nous serons en mesure de démontrer qu’ils captent l’intérêt des destinataires

par le réalisme des situations mises en scène, mais également par leur écho sur la société contemporaine. Bien sûr, ces aspects ne peuvent, à eux seuls, expliquer le succès de la série ; ils sont présents, à différents degrés, dans bon nombre d’ouvrages pour adolescentes qui n’ont pas nécessairement obtenu le même succès que la série d’India Desjardins. Nos recherches nous permettront toutefois de montrer que les valeurs

1 Maryse Lévesque, « Sondage sur les préférences de lecture des garçons et des filles du primaire et du secondaire »,

dans Québec français, nº 151 (automne 2008), p. 73.

2 Marie Fradette, « Le roman québécois pour adolescentes depuis 1940 jusqu’aux années 2000 : pour une littérature

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et les thématiques, bien que parfois similaires à celles qui sont habituellement mises en scène dans les romans pour adolescentes, reflètent davantage le quotidien des jeunes filles d’aujourd’hui. À ce propos, Daniela Di Cecco constate, dans son étude Entre femmes et jeunes filles. Le roman pour adolescentes en

France et au Québec, que, « à partir de la fin des années 1960, aux États-Unis, on cherche à produire une

nouvelle littérature pour adolescents en fonction des intérêts du lectorat visé, plutôt que de promouvoir des valeurs définies par les adultes3 ». Il y a donc une volonté affirmée, depuis plusieurs années déjà, d’offrir aux

destinataires des ouvrages qui se veulent un reflet de leur quotidien, de leurs intérêts, des ouvrages en somme qui leur ressemblent. Rédiger un roman reflétant avec réalisme la vie des adolescents facilite l’apparition d’un rapprochement entre l’auteure et son lectorat. India Desjardins exploite bien ce filon. Il y a là un élément qui contribue à assurer le succès de sa série dans la littérature pour adolescentes.

Les valeurs

L’amitié : l’importance du meilleur ami « gars » et de la meilleure amie « fille »

L’amitié est une valeur déterminante dans la vie des adolescentes. C’est à l’école, entourées de leurs amies, qu’elles passent la plus grande partie de leur journée. Comme le mentionnent Richard Cloutier et Sylvie Drapeau : « Les amis jouent un rôle central entre 12 et 18 ans puisque c’est vers eux que se tourne l’adolescent lorsqu’il prend ses distances par rapport à ses parents4 ». Ces personnes sont à tel point

omniprésentes, leur importance, si capitale, qu’elles peuvent occuper une place que l’on pourrait, de prime abord, attribuer à la famille. À ce propos, l’étude « Voyage au cœur des valeurs des adolescents : la famille, grand pilier d’un système5 », de Chantal Royer, si elle insiste principalement sur l’importance de la famille,

s’intéresse aussi à l’importance des pairs. Selon elle, « la famille et les amis occupent une place centrale dans le système, tandis que d’autres valeurs sociales, telles la religion et la politique par exemple, sont apparues comme étant nettement moins importantes pour eux6 ». Elle ajoute : « Pour certains, la notion de famille

pourrait aussi inclure les enfants du conjoint ou de la conjointe et, parfois, un ami qu’ils considèrent comme un frère ou une sœur7 ».

Cette notion voulant que des amis puissent être considérés comme des membres de la famille trouve écho dans la série Le journal d’Aurélie Laflamme. L’amitié est une valeur importante pour Aurélie qui ne saurait se passer de ses amis, ces personnes à qui elle peut se confier et au milieu de qui elle peut être elle-même. Elle n’est pas une adolescente très populaire ; elle n’a pas beaucoup d’amis, mais ceux qu’elle a lui

3 Daniela Di Cecco, Entre femmes et jeunes filles. Le roman pour adolescentes en France et au Québec, Montréal,

Remue-ménage, 2000, p. 59.

4 Richard Cloutier et Sylvie Drapeau, Psychologie de l’adolescence, op. cit., p. 194. 5 Chantal Royer, « Voyage au cœur des valeurs des adolescents », op. cit., p. 1-21. 6 Ibid., p. 5.

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sont précieux. Elle priorise la qualité plutôt que la quantité. Aurélie fait la connaissance de Katryne Demers, alias Kat, sa meilleure amie, lors du test de sélection pour son acceptation à l’école privée de filles qu’elle a fréquentée pendant trois ans. Cette amitié est au cœur de la série. Malgré quelques conflits, qui se règleront somme toute rapidement, les deux adolescentes demeurent inséparables, comme doivent l’être deux best

forever and ever. D’ailleurs, au moment où elles apprennent, dans Un été chez ma grand-mère, la fermeture

de leur école, elles ont peur de se retrouver dans des écoles différentes et de ne pas partager le quotidien de l’autre. Kat souhaite fréquenter une école publique alors qu’Aurélie penche plutôt vers l’école privée. Elles opteront finalement, grâce à une partie de roche-papier-ciseaux très serrée, pour l’école publique. Quand Aurélie fait part de sa décision à France, sa mère, cette dernière l’informe qu’elle l’a déjà inscrite dans une autre école privée. Lorsqu’elle apprend la nouvelle, Aurélie est dévastée :

Être séparée de Kat… Autant dire la fin de mon existence, oui! Carrément. Aller à l’école sera comme aller en prison. Je vais compter les jours et faire un trait sur le calendrier pour chaque journée passée. Kat et moi allons vivre des choses séparément, comme cet été. Et seulement s’envoyer de petits courriels superficiels! En la revoyant l’autre jour, je me suis demandé comment j’avais fait pour passer tout ce temps sans elle, sans savoir ce qui arrivait vraiment dans sa vie. Ça nous a pris des heures pour tout récapituler. […] Alors, si on va dans des écoles différentes, ce sera comme Gabriel a dit : on se contactera au début, puis, peu à peu, on se fera d’autres amies et on s’oubliera8.

Elle tient donc à participer au quotidien de son amie, se refusant à n’être qu’une personne à qui Kat donnera des nouvelles de temps à autre. Elle n’a pas envie que son amie lui raconte son quotidien, elle souhaite y prendre part. France acceptera finalement que sa fille s’inscrive à la même école que Kat, car, après tout, elle ne « veut pas être celle qui [la] sépare de [sa] best9 ».

Si Kat est sa meilleure amie depuis longtemps, la relation qu’Amélie développe avec son voisin Tommy est bien particulière. Après un début plutôt difficile10, leur amitié évolue et ils deviennent, en quelque

sorte, inséparables. Pour l’héroïne, Tommy est son meilleur ami gars. Aurélie l’appelle toujours en renfort lorsqu’elle aperçoit, par exemple, une araignée, qu’elle n’est pas en mesure de tuer elle-même ou encore quand elle réclame réconfort à la suite d’une chicane avec sa mère. Cela correspond en tout point à la définition de « l’ami » que propose Rhéa Dufresne, dans son étude « Que lisent les filles? » quand elle

8 India Desjardins, Le journal d’Aurélie Laflamme. Un été chez ma grand-mère, Montréal, Les Intouchables, 2007, p. 294. 9 Ibid., p. 298.

10 Dans Sur le point de craquer, Tommy embrasse Aurélie sans sa permission, et ce, devant les fenêtres de Musique

Plus. L’évènement sera télédiffusé et Nicolas, le petit ami d’Aurélie à l’époque, le verra. Il n’appréciera pas du tout et, malgré les excuses et explications d’Aurélie, il choisira de mettre un terme à leur relation.

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affirme : « L’ami, quant à lui, fait partie du décor depuis toujours : il est gentil, attentionné, drôle et toujours disponible pour secourir l’héroïne11 ».

Cette relation est toutefois confrontée, en dépit de l’amitié, à certains problèmes, lorsque, par exemple, l’adolescente fréquente à nouveau Nicolas dans Plein de secrets. Ce dernier n’apprécie pas que la jeune fille passe autant de temps avec un autre garçon. Depuis le baiser que Tommy a donné à Aurélie devant les bureaux de Musique Plus, Nicolas ne porte pas l’adolescent dans son cœur et a l’impression qu’il ne pourra jamais occuper, dans la vie d’Aurélie, la place occupée par Tommy. Il voit dans cette relation spéciale qui les unit une relation teintée d’une grande complicité. Au final, Nicolas ne pourra supporter l’omniprésence de Tommy dans la vie de sa blonde et demandera à Aurélie de faire un choix : lui ou Tommy. Consciente du fait que Tommy a toujours été là pour elle alors que Nicolas l’a laissée tomber à plusieurs reprises, Aurélie préfèrera préserver son amitié avec Tommy plutôt que de poursuivre son histoire d’amour avec un garçon qui ne peut accepter la présence de son meilleur ami. Pour elle, le choix qu’exigeait Nicolas était simple et elle a été obligée de lui avouer que « sa demande était irréalisable12 ». Malgré cette décision, Aurélie est sereine et

constate : « Nicolas n’est pas fait pour moi s’il n’accepte pas qui je suis et ce qui vient avec. Et je ne suis pas faite pour lui non plus13 ». Après sa rupture, elle ne tarit pas d’éloges pour son ami : « Tommy, c’est mon

meilleur ami. Celui qui me comprend, malgré mes plus grands défauts. Celui qui multiplie mes qualités14 ». La

jeune fille laisse ainsi deviner qu’elle privilégie les relations amicales au détriment des relations amoureuses. Il existe une autre preuve de cette affirmation, dans Championne. Dans ce tome, Aurélie fréquente Iohann, le garçon le plus populaire de l’école. Même si elle a toujours envié la vie des élèves populaires, elle se rend rapidement compte que la réalité n’est pas toujours aussi enviable que les rêves. Elle constate qu’elle passe de moins en moins de temps avec Kat, Tommy et Jean-Félix15 et qu’elle côtoie davantage ses

nouvelles amies Frédérique, l’ex de Iohann, Nadège et Roxanne, des filles populaires. Après quelque temps, Aurélie en a assez de ne plus voir ses amis et de sentir qu’elle ne fait plus partie du groupe. Elle décide donc de mettre un terme à sa relation avec Iohann, jugeant qu’être populaire ne lui confère pas nécessairement d’autres avantages « que d’être saluée par… une fille qui avait ri [d’elle] au primaire16 ». Encore une fois, elle

met un terme à une relation, car, en plus d’avoir l’impression de ne plus être elle-même, elle s’éloigne de ses amis. Elle réalise qu’elle n’a pas envie de les perdre, qu’ils sont importants pour elle et qu’ils sont de véritables amis sur qui elle peut toujours compter. Elle est heureuse de pouvoir retourner à ses activités habituelles avec

11 Rhéa Dufresne, « Que lisent les filles? », dans Lurelu, vol. 33, n° 2 (automne 2010), p. 7.

12 India Desjardins, Le journal d’Aurélie Laflamme. Les pieds sur terre, Montréal, Les Intouchables, 2011, p. 17. 13 India Desjardins, Le journal d’Aurélie Laflamme. Plein de secrets, Montréal, Les Intouchables, 2010, p. 260. 14 India Desjardins, Le journal d’Aurélie Laflamme. Les pieds sur terre, op. cit., p. 17.

15 Jean-Félix est un ami de Tommy. Il va sortir pendant un certain temps avec Kat, mais va rompre avec elle en lui disant

qu’il est homosexuel.

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ses amis et affirme : « Avec ceux qui m’aiment, je peux être complètement moi, c’est-à-dire une fille totalement déconnectée du reste de la planète17 ». Ainsi, Aurélie s’est éloignée quelque temps de ses amis et

s’est rapidement aperçue que la vie sans eux n’était pas des plus réjouissantes. Elle préfère nettement son statut de fille ordinaire avec des amis géniaux que celui d’une fille populaire avec de faux amis.

Plusieurs études, dont celle de Chantal Royer, soulignent l’importance du groupe d’amis à l’adolescence. Pour Richard Cloutier et Sylvie Drapeau, « le monde indépendant de l’adolescent se construit et s’expérimente par l’entremise des relations amicales18 ». Les adolescents se développent, gagnent en

maturité, apprennent à devenir qui ils sont, entre autres, au contact de leurs pairs. Aurélie passe beaucoup de temps avec ses amis et elle les privilégie lorsque vient le moment de prendre une décision importante. Beaucoup de romans pour adolescentes accordent aujourd’hui une place primordiale à l’amitié. Dufresne remarque d’ailleurs, dans les romans destinés aux adolescentes des dernières années, qu’« hors de l’amitié, point de salut19 ». Elle ajoute : « […] que l’on soit en présence d’un groupe d’inséparables ou d’une fille qui

vient de déménager et qui souhaite se faire des amies le plus vite possible, la dimension de l’amitié est omniprésente. Pour certaines, c’est facile, tout leur sourit, pour d’autres, c’est la solitude, le rejet et les sarcasmes20 ». Les romans de Desjardins se classent assurément dans la première catégorie. Aurélie est

constamment entourée d’amis. Elle ne fait pas rire d’elle, même si elle raconte que son passage au primaire s’est avéré difficile et que ses camarades l’ont seulement laissée tranquille lorsqu’ils ont appris le décès de son père. L’auteure accorde une place significative à l’amitié, dans la série « Aurélie Laflamme ». Elle fait ainsi écho aux autres romans destinés aux adolescentes, mais aussi au quotidien même de ces jeunes pour qui la relation avec les pairs est primordiale. L’évident réalisme des situations ne peut que séduire les destinataires qui voient ainsi un reflet de leur propre vie dans Le journal d’Aurélie Laflamme.

La famille : ces personnes que l’on aime malgré tout

Il serait erroné de prétendre que les adolescents n’ont que faire de leurs parents. Selon Richard Cloutier et Sylvie Drapeau, « il existe une croyance bien ancrée voulant que plus un adolescent entretient des liens étroits avec ses amis, plus il rejette sa famille et ses valeurs. Or, il semble que, dans bon nombre de cas, les valeurs des parents soient en chevauchement avec celles du groupe d’amis, particulièrement lorsque les adolescents sont très attachés à leurs parents21 ». Ainsi, même si nous pouvons avoir l’impression que les

jeunes, dès qu’ils deviennent adolescents, tentent de s’éloigner le plus possible de leur famille, qu’ils essaient d’échapper au contrôle parental, les recherches démontrent qu’il s’agit d’une situation loin d’être récurrente.

17 India Desjardins, Le journal d’Aurélie Laflamme. Championne, Montréal, Les Intouchables, 2008, p. 292. 18Richard Cloutier et Sylvie Drapeau, Psychologie de l’adolescence, op.cit., p. 194.

19 Rhéa Dufresne, « Que lisent les filles? », op. cit., p. 7. 20 Id.

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L’étude de Royer montre, elle aussi, que les adolescents d’aujourd’hui accordent beaucoup plus d’importance à la sphère familiale que la génération précédente, davantage préoccupée par les relations amicales22. Royer

met en lumière cette importance accordée à la famille en mentionnant que, « malgré le fait que de profonds changements aient affecté la structure familiale depuis les années 70 […], les études empiriques continuent d’indiquer que la famille est une valeur de la plus grande importance pour les jeunes23 ». Très peu d’entre eux

se disent insatisfaits des relations qu’ils entretiennent avec leurs parents, même s’ils avouent qu’ils « ne discut[ent] que très peu avec eux24 ». La famille leur permet de construire leur identité, de devenir ce qu’ils

sont. L’apport de la sphère familiale est d’ailleurs, semble-t-il, nettement supérieur à celui de l’école dans la construction d’une identité. En effet, « si l’école est plutôt associée à l’acquisition de savoirs dans le discours des jeunes, la famille, pour sa part, [est] liée à la formation de l’être dans son entièreté25 ». Bien que les amis,

ou encore les conjoints des parents puissent être considérés comme des membres d’une même famille, nous nous concentrerons sur les rapports entre les personnes liées par le sang.

Desjardins traduit bien, dans ses romans, cette importance accordée à la sphère familiale par les adolescents d’aujourd’hui. Les relations qu’Aurélie entretient avec sa famille sont aussi essentielles pour elle que celles qu’elle privilégie avec ses amis. L’accent est toutefois mis sur la relation de l’héroïne et de sa mère, relation basée sur le respect mutuel et sur la confiance. Ayant perdu son père à l’âge de neuf ans, Aurélie a dû se résigner à vivre seule avec sa mère, à être présente pour la soutenir dans les moments difficiles. Cette épreuve, combien douloureuse certes, leur a permis de se rapprocher l’une l’autre. Aurélie raconte qu’il lui est arrivé, à plusieurs reprises, de masquer sa tristesse pour éviter de faire davantage de peine à sa mère, qui a eu beaucoup de difficulté à surmonter la mort de son conjoint. Aurélie relate la pénible période qui a suivi le deuil de sa mère de cette façon :

Après ça, ma mère est devenue quasi-zombie […]. Au début, j’avais de la peine, mais, à la longue, j’ai fini par m’y faire. Et par comprendre que mon père ne reviendrait pas. Jamais. Pas ma mère. Ça toujours été difficile de parler de mon père avec elle. Des fois, j’ai l’impression qu’elle va mieux et j’essaie de lui en parler, mais elle devient toute rouge au niveau du cou, et des larmes lui montent aux yeux. Avec les années, j’ai compris que, quand son cou devient rouge, il faut tout de suite que je trouve quelque chose à dire pour éviter qu’elle en vienne aux larmes. J’ai mes trucs. Le plus souvent, j’essaie de la faire rire. Et, à mon grand soulagement, on passe à autre chose26.

Outre le fait d’éviter de parler de son père avec sa mère, Aurélie se souvient aussi « avoir [eu] du mal à dormir parce qu[’elle] [s]’inquiétai[t] pour elle. [Elle] avai[t] peur qu’elle ait de la peine et de ne pas être réveillée pour

22 Chantal Royer, « Voyage au cœur des valeurs des adolescents : la famille, grand pilier d’un système », op.cit., p.

11-12.

23 Ibid., p. 4. 24 Ibid., p. 2. 25 Ibid., p. 8.

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[s]’occuper d’elle27 ». L’adolescente éprouve donc un fort attachement pour sa mère et ne supporte pas de la

voir souffrir. Au fil de la série, France apprendra à surmonter sa peine, accompagnée de sa fille, de son nouveau conjoint et, nous pouvons supposer, de sa fille Sandrine, qui naît à la fin du dernier tome de la série.

Même si Aurélie entretient, de prime abord, une bonne relation avec sa mère, plusieurs évènements lui permettront de se rapprocher encore davantage de France, et ce, malgré le fait que quelques conflits ponctuent la trame narrative de la série. Elle comprendra que, même si, parfois, sa mère fait preuve de comportements excessifs, elle est une bonne mère. Ce qu’Aurélie écrit à sa petite sœur Sandrine, dans une lettre qui lui est destinée, est particulièrement éloquent : « Ta mère est la femme la plus généreuse que tu connaîtras dans ton existence. La plus cool aussi. Même si parfois, surtout à cause de son obsession pour le ménage, il t’arrivera de penser le contraire28 ». Dans le dernier tome, la relation de l’héroïne et de France

atteint un nouveau sommet. L’adolescente est enthousiaste à l’idée de faire un voyage seule avec sa mère, avant l’arrivée du bébé, même si, pour cela, elle doit renoncer à un stage à son magazine favori. Pour Aurélie, le choix était simple :

Mes amis n’ont pas compris comment je pouvais annuler un stage au Miss Magazine pour aller en voyage avec ma mère. Pour moi, ces vacances représentaient simplement un rêve que je caressais depuis longtemps et auquel je ne pouvais tout simplement pas dire non. Depuis la mort de mon père, nous n’avons pas eu de moment comme ça ensemble, ou ceux que nous avons eus étaient remplis de malaises ou d’une certaine lourdeur. Il m’a semblé que je pourrais remettre le stage, mais pas ce moment avec ma mère. Et si, habituellement, j’ai de la difficulté à faire des choix, celui-là m’est apparu tout naturel29.

Ce choix d’Aurélie de favoriser une semaine de vacances avec sa mère, au détriment d’un stage qui pourrait lui permettre d’obtenir un emploi, témoigne de son désir de toujours mettre sa famille au premier plan. Pour elle, un travail éventuel n’équivaut pas à ce moment précieux qu’elle a la chance de partager avec sa mère. Personne ne comprend sa décision, qui renoncerait à une telle opportunité? Plusieurs signes auraient pu nous laisser croire que la jeune fille n’aurait pas osé renoncer à ce stage. Après tout, l’avenir est une importante source d’angoisses pour elle, puisqu’elle ignore ce qu’elle veut faire dans la vie. Ce stage était, pour Aurélie, une occasion de juger de la pertinence d’un travail dans le monde des médias. Toutefois, au fil de la série, nous constatons son attachement pour les membres de sa famille et pour tout son entourage. Ce choix, bien qu’il paraisse complètement illogique aux yeux de certains, va de soi pour elle. Malgré son jeune âge, Aurélie est consciente que les décisions qu’elle aura à prendre dans sa vie tiendront toujours compte de sa famille. N’affirme-t-elle pas : « Si on s’accepte, on ne peut pas faire quelque chose qui n’est pas conforme à ce qu’on est. Pour ma part, je ferai quelque chose qui me permettra de rester assez près des gens que j’aime, car j’ai

27 India Desjardins, Le journal d’Aurélie Laflamme. Le monde à l’envers, Montréal, Les Intouchables, 2007, p. 232. 28 India Desjardins, Le journal d’Aurélie Laflamme. Les pieds sur terre, op. cit., p. 493.

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du mal à les quitter très très longtemps. Et ça, c’est moi30 ». Ce voyage en compagnie de sa mère est donc

une occasion privilégiée d’être seule avec elle. Et, pour la première fois depuis longtemps, il n’y a aucune ombre au tableau.

Aurélie se rapproche aussi beaucoup de sa grand-mère Laflamme. Alors qu’au début d’Un été chez

ma grand-mère Aurélie est réticente à se rendre passer l’été chez cette dame qu’elle ne connaît pas tellement,

elle a l’agréable surprise de développer une complicité évidente avec Simone, la mère de son père. Cette femme devient une sorte de confidente pour l’adolescente. Elle sera celle qui lui parlera de son père, celle qui lui permettra de mieux accepter le fait qu’il ne soit plus là. Elle lui racontera des choses que France n’aurait sans doute pas été en mesure de lui dire. La maison de sa grand-mère lui servira de refuge à quelques reprises au fil de la série, par exemple, lorsqu’elle voudra prendre une pause et se rapprocher de son père. Elle tient beaucoup à sa grand-mère et s’inquiète sérieusement de son état de santé. Dans Les pieds sur

terre, Simone est victime d’une crise cardiaque et cette situation inquiète l’héroïne qui s’en veut de ne pas la

voir aussi souvent qu’elle le souhaite : « Je n’ai pas pris le temps de lui rendre visite depuis quelque temps et […] en cet instant précis je le regrette tellement. Et pourtant, depuis que j’ai passé l’été avec elle, même si je m’étais promis de la voir plus souvent, la vie est allée trop vite et je n’ai pas pu tenir ma promesse31 ». Sa

grand-mère est le seul ancrage familial qui lui reste du côté de son père, elle tient à elle plus que tout.

La proposition d’une définition de la famille n’est pas une mince tâche. Les multiples rencontres qu’a organisées Chantal Royer avec des adolescents lui permettent d’affirmer que « la famille est un lieu où se trouvent des personnes sur qui ils [les adolescents] peuvent compter lorsque vient le moment de faire des choix, de prendre des décisions ou plus simplement de partager les bons coups ou de confesser les mauvais32 ». Cette définition se rapproche beaucoup de la relation qu’entretient Aurélie avec sa mère, mais

aussi avec sa grand-mère Laflamme. Elle aime compter sur des personnes avec qui elle peut discuter de ses bons et, parfois, de ses mauvais coups.

Il convient encore de ne pas négliger le fait qu’Aurélie maintient une relation avec son père décédé. N’ayant pas été en mesure de vivre pleinement sa peine, elle est encore affectée par son départ prématuré qui l’a profondément troublée : « C’est juste… arrivé. J’ai eu de la peine. Énormément de peine. Je ne me souviens même pas si, ce jour-là, je lui ai dit au revoir avant qu’il parte. Je ne me souviens pas même pas si je

30 Ibid., p. 290.

31 Ibid., p. 221-222.

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lui ai assez dit que je l’aimais. Je ne me souviens de rien. À part que mon cœur s’est brisé en mille morceaux33 ».

Même si elle n’expose pas sa peine, soucieuse d’épancher celle de sa mère, nous sentons une grande émotivité lorsqu’elle parle de son père : « Ma mère est entrée dans ma chambre et elle m’a vue pleurer. Elle m’a dit qu’elle ne pensait pas que Les frères Scott, c’était si important pour moi. […] Je ne pleurais pas pour ça, mais je ne voulais pas lui parler de mon père, car ça lui aurait fait de la peine. Elle n’aime pas qu’on en parle34 ». Voilà qui démontre à la fois la tristesse que ressent l’adolescente, mais aussi qui laisse

deviner son désir bien présent de protéger sa mère d’une souffrance supplémentaire. Elle hésite d’ailleurs à interroger les gens qui ont connu son père. Elle veut éviter de leur faire de la peine. C’est ce qui se produit alors qu’elle est chez sa grand-mère : « Je n’ai jamais vraiment parlé de mon père avec grand-mère. J’ai essayé quelques fois, cet été, mais je me suis ravisée, pensant que ça lui ferait de la peine. Je me suis imaginé que tout le monde était comme ma mère. Qu’il était préférable qu’on n’en parle pas pour ne pas déterrer de vieux souvenirs douloureux et poussiéreux35 ». Toutefois, lorsqu’elle s’autorise à poser des

questions sur son père, elle se félicite de son courage. Cela lui donne l’occasion de mieux connaître cet homme, parti trop tôt. Que des gens puissent lui parler de son père, lorsqu’elle en ressent le besoin, voilà qui lui permet de réussir à s’adapter à cette nouvelle vie sans lui.

Bien que certains puissent penser que les adolescents tendent à mettre de côté leur famille lorsqu’ils entrent au secondaire, les études de Royer et de Cloutier/Drapeau, en arrivent plutôt à la conclusion qu’il n’en est rien. La majorité des adolescents ont des relations harmonieuses avec leur famille et ne rejettent pas d’emblée les valeurs qu’ils ont connues au cours de leur apprentissage. Le personnage d’Aurélie se veut ainsi un portrait fidèle des adolescentes d’aujourd’hui. Les quelques conflits qui l’opposent à sa mère portent principalement sur les tâches ménagères. D’ailleurs, « les recherches montrent que les sujets de discorde concernent surtout des questions que l’on pourrait qualifier de mineures, comme le partage des tâches et des responsabilités dans la maison36 ». Si la famille est une valeur importante, l’accent, dans Le journal d’Aurélie

Laflamme, est véritablement mis sur la relation mère-fille. Cette thématique est récurrente dans les romans

pour adolescentes. Selon Daniela Di Cecco, « le thème de la relation mère-fille reflète le rapport “maternel” implicite créé entre l’auteure et la lectrice37. » À la manière des mères, les écrivaines pour la jeunesse

prodiguent de bons conseils et enseignent de bonnes valeurs aux adolescentes, comme si ces lectrices

33 India Desjardins, Le journal d’Aurélie Laflamme. Extraterrestre…ou presque!, op. cit., p. 41. 34 Ibid., p. 21.

35 India Desjardins, Le journal d’Aurélie Laflamme. Un été chez ma grand-mère, op. cit., p. 270. 36 Richard Cloutier et Sylvie Drapeau, Psychologie de l’adolescence, op. cit., p. 179.

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étaient leurs propres filles. Ainsi, par l’exploitation d’une telle relation, India Desjardins parvient, à son tour, à créer un réel rapprochement avec ses destinataires.

L’environnement : sauver le monde un sac de plastique à la fois

La protection de l’environnement est un sujet à la mode, qui a fait couler beaucoup d’encre, dans les dernières années. De nombreux groupes de sauvegarde de l’environnement ont émergé çà et là sur la scène internationale. Les sacs de plastique, par exemple, ont été remplacés petit à petit par des sacs réutilisables dans les supermarchés et les boutiques. La population semble davantage conscientisée à la cause environnementale bien que les gestes qu’elle pose ne soient pas toujours concrets. Les adolescents sont davantage touchés par tous les problèmes qui entourent la sauvegarde de la vie sur la Terre. Ce serait principalement dans les milieux scolaires que les jeunes apprendraient à développer leur conscience environnementale. Un rapport de l’OCDE intitulé, « Aujourd’hui, les jeunes de 15 ans sont-ils “verts”? », fait état de la situation :

C’est à l’école que les élèves prennent le plus souvent connaissance de ces sujets. Les élèves plus performants utilisent également les médias et Internet pour élargir et approfondir leurs connaissances. En développant les compétences des élèves en sciences de l’environnement et en incluant l’environnement dans les différentes parties du programme scolaire, l’école peut susciter un intérêt pour ce sujet qui perdurera en dehors de son enceinte et jusqu’à l’âge adulte38.

Une nouvelle étude du gouvernement du Québec s’inscrit dans la même problématique. Effectivement, le livre blanc, Une génération aux multiples aspirations, réalisé dans le cadre de la « consultation Destination 2030 menée auprès des jeunes dans toutes les régions du Québec et dans Internet39 », poursuit comme objectif

« la rédaction d’une nouvelle Politique québécoise de la jeunesse, qui proposera une vision phare des enjeux jeunesse pour les prochaines années40 ». Ce rapport a permis de mettre au jour leurs valeurs et les causes

qui les tiennent à cœur. Parmi ces causes, figure la protection de l’environnement. Les différentes consultations menées dans le cadre de cette étude ont permis de révéler que, « pour un grand nombre de jeunes, l’environnement devrait être une priorité des débats collectifs41 ». D’ailleurs, « plusieurs jeunes

privilégient l’engagement dans les causes environnementales, conforme à leurs valeurs et à leurs priorités42 ».

38 Organisation de coopération et de développement économiques, « PISA à la loupe. Aujourd’hui, les jeunes de 15 ans

sont-ils verts? », dans OCDE, [en ligne]. http://www.oecd.org/pisa/pisaproducts/pisainfocus/50160261.pdf [Texte consulté le 15 février 2014].

39 Secrétariat à la jeunesse Québec, Livre blanc sur la jeunesse-Destination 2030, [en ligne]

http://fjat.qc.ca/wp-content/uploads/2011/03/Livre-blanc-version-courte.pdf [Site consulté le 15 février 2014].

40Secrétariat à la jeunesse Québec, Le projet destination 2030, [en ligne].

http://www.saj.gouv.qc.ca/consultations-jeunesse/projet/index.asp [Site consulté le 15 février 2014].

41 Gouvernement du Québec, Une génération aux multiples aspirations. Livre blanc sur la Politique québécoise de la

jeunesse, Québec, février 2014, p. 78.

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Cette cause devrait d’ailleurs, selon eux, occuper plus de place dans la sphère publique, être davantage au cœur des débats. Les jeunes croient en une économie axée sur le développement durable : « La protection de l’environnement n’entre pas forcément en contradiction avec le développement économique. Un développement durable est possible et souhaitable43 ». Les adolescents sont ainsi conscientisés aux enjeux

environnementaux.

C’est aussi à cette conclusion qu’arrive India Desjardins. Effectivement, lorsque Guy. A Lepage lui a demandé, lors de son premier passage à l’émission Tout le monde en parle, le 26 octobre 200844, quelle

valeur avait remplacé la religion chez les jeunes, elle a répondu sans hésiter l’écologie. À la suite de ses multiples rencontres avec les adolescents dans les écoles, dans les salons du livre ou même dans la rue, elle a réalisé que les jeunes, conscients de tous les bouleversements environnementaux, souhaitent sauver la planète et offrir un lieu de vie plus sain aux futures générations. Ils sont préoccupés par ce qui se passe aujourd’hui autour d’eux. India Desjardins rend bien compte, avec le personnage d’Aurélie Laflamme, du désir des jeunes de protéger l’environnement. Aurélie n’hésite pas à poser des gestes concrets pour la planète. Elle le prouve bien dans Sur le point de craquer, lorsqu’elle ne trouve pas d’emballage pour envelopper de cadeau de fête de Kat. Puisqu’elle est à la dernière minute, elle lui rédige rapidement un mot lui expliquant pourquoi elle a choisi d’emballer son cadeau dans une taie d’oreiller :

Tu es pour l’environnement, non? C’est ce que je me disais, aussi… C’est pour ça que je n’ai pas emballé ton cadeau. Le papier d’emballage, c’est très peu écologique. Détruire un arbre seulement pour camoufler un cadeau, pour un effet de surprise? Je dis « Contre! » Si la planète explose et que nous avons perdu toutes nos ressources naturelles et que nous avons un procès devant Dieu et qu’il nous demande : « Coudonc, Humains, quéssé que vous avez fait avec les arbres? » et qu’on répond : « Ben… il y a les journaux, le papier hygiénique, sans oublier le papier d’emballage, pour ne pas gâcher l’effet de surprise d’un cadeau… », il va nous trouver twits en mautadit!45

Cette première manifestation d’un réel intérêt pour la sauvegarde de la planète sera suivie de plusieurs autres témoignages similaires au fil des huit tomes de la série. Dans Le monde à l’envers, Aurélie prend véritablement conscience de l’impact des changements climatiques. Le 4 décembre, elle réalise qu’il n’y a toujours aucune trace de neige « et [qu’] il paraît qu’il n’y en aura pas avant un bout de temps46 ». L’héroïne

aborde la question de la météo en affirmant : « Habituellement, ce sujet de conversation est réservé aux gens qui n’ont rien à dire. […] Mais ces temps-ci, les gens parlent de température par inquiétude, disons, planétaire. Il n’est pas normal […] de jouer au golf en plein mois de décembre. Et plusieurs pères d’élèves de mon école

43 Id.

44 Société Radio-Canada, Tout le monde en parle, 26 octobre 2008, [en ligne].

http://www.youtube.com/watch?v=PGEvpK8CDmE [Site consulté le 14 octobre 2014].

45 India Desjardins, Le journal d’Aurélie Laflamme. Sur le point de craquer!, op. cit., p. 172. 46 India Desjardins, Le journal d’Aurélie Laflamme. Le monde à l’envers, op. cit., p. 248.

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ont joué au golf en fin de semaine47 ». Aurélie constate que les élèves de son école sont davantage

sensibilisés aux bouleversements environnementaux et modifient leurs comportements. Elle remarque : Une panique généralisée s’est emparée de plusieurs personnes qui s’inquiètent du sort de notre planète. […] On retrouve beaucoup plus de papiers dans les bacs de recyclage de l’école. Et même des canettes. […] Les graffitis des toilettes ont même changé. Il y a moins d’insultes aux profs ou encore de « Tatata love Tatata », c’est plus « Tatata love le monde » (et il y a un dessin de la Terre) ou encore « Sauvé [sic] la planète » (ce que j’ai évidemment corrigé pour « Sauvez la planète »)48.

Toujours en plein questionnement sur son avenir, Aurélie mentionne même qu’elle se « verrai[t] bien devenir une figure importante de l’écologie49 ». La cause environnementale lui tient donc à cœur. Aurélie est

consciente que des gestes doivent être posés rapidement pour sauver la planète de la destruction. C’est pourquoi, à l’approche de la période des Fêtes, Aurélie s’oppose à la décision de sa mère de se procurer un sapin de Noël :

Ma mère et moi avons décoré un sapin. (Et ce, malgré mes arguments écologiques. Sauver la planète n’est pas évident au moment des traditions. Je nous vois arriver en grand nombre sur une nouvelle planète, et leur chef nous demande : « Pourquoi votre planète a explosé » Et nous, de répondre : « Ben…Une fois par année, on n’était pas capables de s’empêcher de couper des arbres et de leur mettre plein de décorations et de lumières. Assez quétaine, mais t’sais, ça mettait une ‘tite ambiance” »)50.

Elle est consciente du ridicule de bon nombre de gestes qui sont posés et n’hésite pas à faire valoir ses arguments en faveur de l’écologie. La sauvegarde de la Terre devient également une excuse pour Aurélie afin de ne pas suivre des cours de conduite. Lorsqu’elle explique à sa mère qu’elle souhaite suspendre ses cours pour un moment, elle déclare : « Après mûre réflexion, conduire, ce n’est pas très écolo. Je crois que je suis une cycliste dans l’âme, plus qu’une conductrice. Je pense que c’est plus important de sauver la planète que de savoir conduire51 ». Elle a à cœur la protection de la planète et ne manque d’ailleurs pas une occasion

d’utiliser cette valeur en laquelle elle croit fermement comme excuse pour ne pas poser des gestes qui la dérangent.

L’enquête Une génération aux multiples aspirations permet de mettre en lumière les enjeux et les valeurs chers aux adolescents d’aujourd’hui. L’un des constats de cette étude est que les jeunes ont, actuellement, un souci d’accorder davantage de place à la cause environnementale dans les débats publics. Ils sont conscients de la fragilité de l’environnement et ressentent le besoin de consacrer plus de temps et

47 Id.

48 Ibid., p. 289. 49 Ibid., p. 250. 50 Ibid., p. 289.

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d’énergie à cette cause. De son côté, Aurélie accorde aussi beaucoup d’importance à la sauvegarde de la planète. Elle pose plusieurs gestes concrets, tout en utilisant fréquemment des excuses environnementales pour éviter d’accomplir certaines tâches qui lui sont dévolues. L’auteure parvient ainsi à refléter, dans sa série, une valeur qui est, actuellement, capitale aux yeux des adolescents. Alors que les romans de science-fiction québécois pour adolescents semblaient autrefois refléter cette réalité52, on retrouve maintenant cette même

préoccupation dans les romans pour adolescentes. India Desjardins représente ainsi, à travers les attitudes de son personnage, le souci de toute une génération de protéger coûte que coûte l’environnement, la planète entière.

L’acceptation de l’Autre : on est tous pareils au fond

Les valeurs d’acceptation de soi sont souvent présentes dans les romans pour adolescentes. Les personnages féminins doivent apprendre à être bien dans leur peau et à s’accepter comme ils sont. Marie Fradette constate que « [l]e discours des auteurs rime avec connaissance de soi et acceptation de soi53 ». Il

s’agit d’un aspect bien présent dans la série d’India Desjardins. Elle souhaite visiblement que les adolescentes puissent voir en Aurélie une jeune fille qui trouve que la vie est belle malgré les obstacles et qui apprend, lentement, à aimer ce qu’elle est, même si elle a souvent l’impression d’être une extraterrestre. Elle ne se limite toutefois pas à marteler cette idée de l’acceptation de soi. Elle invite les jeunes, par l’entremise d’Aurélie, à s’ouvrir aux autres et à accepter leurs différences.

À une époque où il est abondamment question de l’intimidation dans les écoles54, il apparaît essentiel

pour l’écrivaine de transmettre aux jeunes des valeurs d’acceptation et de tolérance. Il n’est toutefois pas aisé de modifier ces valeurs auprès des adolescents. Les romans contemporains destinés à ce lectorat peuvent toutefois se révéler un moyen efficace. Effectivement, Marie Fradette constate que « la dominante cléricale, qui imposait ses diktats à ses fidèles, a été remplacée par un pouvoir moins autoritaire, mais tout aussi structurant, qu'imposent cette fois les politiciens et les médias. Ces instances tiennent un discours commun basé sur la tolérance et sur l'acceptation de l'Autre dans ses différences55 ». Dans sa série, Desjardins

n’hésite pas à défendre l’acceptation de l’Autre, une valeur qui peut sembler, à première vue, difficile à acquérir. En proposant à ses lecteurs des personnages qui leur ressemblent, elle peut exploiter des comportements jugés davantage adéquats sans pour autant que son discours soit teinté de morale.

52 Claire Le Brun, « La science-fiction au féminin », dans Françoise Lepage [dir.], La littérature pour la jeunesse

1970-2000, Montréal, Fides, 2003, p. 92.

53 Marie Fradette, « De la jambe poilue au nombril percé. Le roman québécois pour adolescentes de 1940 à 2000 ».

Thèse de doctorat en littérature québécoise, Québec, Université Laval, 2006, f. 144.

54 Un projet de loi a été voté pour contrer ce phénomène qui semble être de plus en plus présent. Voici la source de ce

projet de loi : Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Projet de loi n° 56 : Loi visant à prévenir et à combattre

l’intimidation et la violence à l’école, [en ligne].

http://www.mels.gouv.qc.ca/dossiers-thematiques/intimidation-et-violence-a-lecole/projet-de-loi/ [Site consulté le 15 février 2014].

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