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La perception chez Bergson : étude comparative de la sensation chez Bergson et saint Thomas

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(1)

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EMILE JETTE, e*s*v*

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TS*

LA PERCEPTION

chez

B E R OS Of

Etude comparative de la sensation chez Bergson et saint Thomas

y» éfni

Faculté de Philosophie

(2)

EXAMEN PRELIMINAIRE

I — In Deo lormaliter est Scientia*

II — Rôle du Phantasme dans la connaissance intellectuelle*

III— De Necessitate Conversionis ad phantasmata, quantum ad cognitionem intellectualem singularis.

HT — Distinction entre l’universel métaphysique et l’univer­ sel logique*

(3)

INTRODUCTION

"A mon avis, tout résumé de mes vues les déformera

"dans leur ensemble et les exposera, par là même, â une fou-*

"le d'objections, s’il ne se place pas de prime abord et

"s’il ne revient pas sans cesse à ce que je considère comme

"le centre même de la doctrine: l’intuition de la durée"*

Ainsi s’exprimait Henri Bergson lui-même dans une lettre

qu’il adressait à Earaid HSffding (1)* Et l’auteur conti­

nuait, décrivant brièvement ce qu’il entend par la Durée:

"La représentation d’une multiplicité de "pénétration réci­

proque", toute différente de la multiplicité numérique, —

"la représentation d’une durée hétérogène, qualitative, cré­

atrice, — est le point d’où je suis parti et où je suis

"constamment revenu*"

(1) Lettre reproduite en appendice de la traduction française du livre de HSffding, la Philosophie de Bergson» Paris, Alcan, 1916, pp* 160-161; et citée par M* Jacques Maritain, dans la Philosophie Bergsonienne, préf, à la 2e

(4)

II

Pour ne pas "déformer” ses vues, "ce qui exposerait

â une foule d'objections" cette étude que nous nous propos-

sons sur le Problème de la perception chez Henri Bergson*

nous nous efforcerons donc de placer ici avec le grand phi**

losophe français lui-même, "1* intuition de la durée" au cen­

tre et du résumé et de la critique de sa doctrine»

Partie d'une réflexion sur 1'élimination du temps

ou de la durée dans les études philosophiques et scientifi­

ques, la philosophie bergsonienne est tout entière une réin­

tégration du temps réel dans la vraie connaissance philoso­

phique, dans la métaphysique, dans le domaine de 1'intui­

tion» "Les systèmes philosophiques, dit Bergson (B), ne sont

"pas taillés à la mesure de la réalité où nous vivons» Ils

"sont trop larges pour elle» Examinez tel d'entre eux, con­

venablement choisi: vous verrez qu'il s'appliquerait aussi

"bien à un monde où il n'y aurait pas de plantes ni d'ani-

"maux, rien que des hommes; où les hommes se passeraient de

"boire et de manger; où ils ne dormiraient, ne rêveraient ni

"ne divagueraient; où ils naîtraient décrépits pour finir nour­

rissons; où l'énergie remonterait la pente de la dégradation;

(5)

Ill

"où tout irait à rebours et se tiendrait â 1*envers» C’est

"qu’un vrai système est un ensemble de conceptions si abs­

traites, et par conséquent si vastes, qu’on y ferait tenir

"tout le possible, et même de 1'Impossible, à côté du réel»”

St plus loin (3} : ”Le temps réel échappe aux mathématiques »

“Son essence étant de passer, aucune de ses parties n’est

"encore là quand une autre se présente*** Jamais la mesure

"du temps ne porte sur la durée en tant que durée; on comp­

te seulement un certain nombre d’extrémités d’intervalles

"ou de momentsm c’est-à-divre, en somme, des arrêts virtuels

"du temps, Poser qu’un événement se produira au bout d'un

"temps _t, c’est simplement exprimer qu’on aura compté, d'i-

"ei là, un nombre t, de simultanéités dfun certain genre,

"Entre les simultanéités se passera tout ce qu’on voudra,

"Le temps pourrait s’accélérer énormément, et même infini-

"ment: rien ne serait changé pour le mathématicien, pour le

"physicien, pour lrastronome» Profonde serait pourtant la

"différence au regard de la conscience; ce ne serait plus

"pour elle, du jour au lendemain, d'une heure à l'heure

"suivante, la même fatigue d’attendre»"

(6)

17

Dans ce texte, Bergson nous livre sa formule d'a­

morce philosophique en tous problèmes» Il fait d'abord l'in­

ventaire de tout ce que les philosophes et les savants ont

dit; il constate qu'ils ont tous laissé de côté la durée;

Il se plonge enfin dans sa conscience » dans sa vie intéri­

eure, et il y trouve la durée, la seule vraie réalité* “Mais

“cette durée, dit-il à la suite du passage déjà cité, (4)

“que la science élimine, qu'il est difficile de concevoir

“et d'exprimer, on la sent et on la vit.“ Et une fois plon­

gé dans la Durée, il se dilate Jusqu'à la mesure du problè­

me étudié, problème toujours résolu en Durée* Car pour

Bergson il n'y a que de la Durée* “La réalité est mobili-

“tê“, dit-il dans son Introduction à la Métaphysique (5)♦

“La conscience que nous avons de notre propre personne, dans

“son continuel écoulement, nous introduit à l'intérieur d'u-

“ne réalité sur le modèle de laquelle nous devons nous re­

présenter les autres»* (6) Cette concentration dans le moi

intérieur suivie d'une dilatation jusqu'à la grandeur de

1'univers, c'est l'acte métaphysique lui-méme, c'est

l'in-(4) Id*, p» 10

(5} Publiée dans La Pensée et le Mouvant, p* 238* (6) Id*, p* 259»

(7)

V

tuition de la durée» que Bergson dit avoir mis au centre

même de sa doctrine (7) • ^oiei comme il le décrit dans son

Introduction à la Métaphysique: (8) "On s'installe d'emblée

"dans l'écoulement concret de la durée par un effort d'in-

"tuition. Nous ne trouverons alors aucune raison logique

"de poser des durées multiples et diverses. A la rigueur

"il pourrait n'exister d'autre durée que la nôtre, comme il

"pourrait n'y avoir au monde d'autre couleur que l'orangé,

"par exemple. Mais de même qu'une conscience à base de

"couleur, qui sympathiserait intérieurement avec l'orangé

"au lieu de le percevoir extérieurement, se sentirait prise

"entre du rouge et du jaune, pressentirait même peut-être,

"au-dessous de cette dernière couleur, tout un spectre en

"lequel se prolonge naturellement la continuité qui va du

"rouge au jaune, ainsi 1*intuition de notre durée, bien

"loin de nous laisser suspendus dans le vide comme ferait

"la pure analyse, nous met en contact avec toute une conti­

nuité de durées que nous devons essayer de suivre, soit

"vers le bas, soit vers le haut: dans les deux cas, nous

(7) Cf. La lettre à Hôffding, l.c.

(8)

VI

"pouvons nous dilater indéfiniment par un effort de plus

tten plus violent, dans les deux cas nous nous transcendons

"nous-mêmes. Dans le premier cas, nous marchons à une du-

"rêe de plus en plus éparpillée, dont les palpitations

"plus rapides que les nôtres, divisant notre sensation» sim-

“ple, en diluent la qualité en quantité: à la limite serait

"le pur homogène, la pure répétition par laquelle nous dé­

finirons la matérialité. En marchant dans 1'autre sens,

“nous allons à une durée qui se tend, se resserre, sTinten­

sifie de plus en plus: à la limite serait l'éternité. E-

“ternitê vivante et par conséquent mouvante encore, où no-

"tre durée à nous se retrouverait comme les vibrations dans

"la lumière, et qui serait la concrétion de toute durée corn­

ee la matérialité en est 1* éparpillement. Entre ces deux

"limites extrêmes se meut l'intuition, et ce mouvement est

"la métaphysique même".

Sa méthode métaphysique, Bergson l'a appliquée à

quatre problèmes principaux.

Avec le problème de la liberté, il prend conscien­

ce de son moi intérieur, qui n'est autre qu'"une durée dont

(9)

VH

"mais sa mêlent de telle manière gu*on ne saurait dire s'ils

"sontun ou plusieurs, ni même les examiner à ee point de

"vue sans les dénaturer aussitôt" (9j; "une durée qui pour­

rait bien n'être qu'une succession de changements qualité-

"tifs qui se fondent* qui se pénètrent* sans contours pré-

"ois, sans aucune tendance à s'extérioriser les uns par rap-

"port aux autres ; ce serait l'hétérogénéité même® (10).

Son étude intitulée "Matière et Mémoire" lui fait

réaliser le mouvement de détente du moi jusqu'à 1'intuition

de la durée de la matière* qui est "une continuité mouvante

"où. tout change et demeure à la fois" (11), "un mouvement ab­

solument indivisible" (18), oû "toute division en corps in­

dépendants aux contours absolument déterminés est une di­

vision artificielle" (13), commandée par les besoins de no­

tre corps vis-à-vis des corps environnants, "un mouvement

"enfin qui est plutôt le transport d'un état que d'une ehose"(14).

En dernier lieu, ses deux ouvrages l'Evolution

(9) Essai sur les données immédiates de la conscience* p.104, (10) Id*, p* 807. S

(11) Matière et Mémoire* p» 819* (18) Id*, p* 807.

(13) Id*, p. 818* (14) Id*, p. 885.

(10)

VIII

Créatrice et les Sources de la Morale et de la Religion

nous décrivent la tension du moi Jusqu* à l*êlan étemel et

créateur, pour qui, "exister consiste à changer, changer â

"se mûrir, se mûrir à se créer indéfiniment soi-même” (15)•

Cette intuition nous fait entrer en "sympathie" (16) avec

1*évolution elle-même, qui est une tendance vitale dont 1*es­

sence est "de se développer en forme de gerbe, créant, par

"le seul fait de sa croissance, des directions divergentes

"(matière-vie, plante - animal, instinct - intelligence, in­

telligence fabricatrice - supra-conscience, pour ce qui est

"de 1*évolution générale; sociabilité quasi-instinctive avec

"son code Juridique qui agit plutôt comme un poids sur la vo­

tent ê de 1*enfant et du primitif - sociabilité rationnelle

"avec son code rationnel, sociabilité moyenne - mysticité,

"par laquelle 1*homme "continuerait et prolongerait 1*action

"divine" (IV), pour 1*évolution de la vie psychologique et

"sociale) entre lesquelles se partagera l*êlan" (18) et que

1*évolution abandonnera à elles-mêmes, pour poursuivre la ré­

alisation de ce qu*eût été 1*humanité, tout de suite, si elle

(15) L*Evolution Créatrice, p. 8* (16) Id*, p. 191,

(17) Les deux Sources de la Morale et de la Religion, p* 235, (18) Id,, p, 317,

(11)

- IX

avait pu se constituer définitivement sans l'aide de la ma­

térialité et de l'homme lui-même (19) ♦

Bergson réduit tout en "la continuité d'un change-

"ment qui serait mobilité pure" (20). Et il montre, â l'oc­

casion de chaque problème, que toute division dans cette

continuité n'est qu'une illusion de notre intelligence tou­

te occupée à vivre. Elle a besoin de points fixes sur les­

quels elle puisse appliquer son action. Elle sous-tend a-

lors à la réalité mouvante un espace indéfiniment divisible

et recomposable qui lui permet d'agir, mais qui l'oblige â

imaginer système sur système pour réunir artificiellement

ce qu'elle a séparé et distingué artificiellement pour les

besoins de son action.

"Comme notre attention (â la vie) a distingué et

"séparé artificiellement les états psychologique s, elle est

"bien obligée de les réunir ensuite par un lien artificiel.

"Elle imagine ainsi un moi amorphe, indifférent, immuable

"sur lequel défileraient ou s'enfileraient les états psycho-

"logiques qu'elle a érigés en entités indépendantes. Où il

(19) Id,, p. 251.

(12)

X

“y a une fluidité de nuances fuyantes qui empiètent les unes

“sua? les autres , elle aperçoit des couleurs tranchées, et

“pour ainsi dire solides, qui se juxtaposent comme les perles

“variées d*un collier: force $ui est de supposer alors un

"fil, non moins solide, qui retiendrait les perles ensemble*

"Mais si ce substrat incolore est sans cesse coloré par ce

"qui le recouvre, il est pour nous dans son indétermination,

“comme s’il n*existait pas* Or, nous ne percevons précisé-

"ment que du coloré, c'est-à-dire des états psychologique s♦

"A vrai dire, ce “substrat" n'est pas une réalité; c'est,

“pour notre conscience, un simple signe destiné à lui rappe­

ler sans cesse le caractère artificiel de l'opération par

“laquelle l'attention juxtapose un état à un état, là où il

“y a une continuité qui se déroule, Si notre existence se

“composait d'états séparés dont un “moi" impassible dût à

“faire la synthèse, il n'y aurait pas pour nous de durée. Car

“un moi qui ne change pas ne dure pas, et un état psycholo­

gique qui reste identique à lui-même tant qu'il n'est pas

“remplacé par l'état suivant ne dure pas davantage* On aura

“beau, dès lors, aligner ces états les uns à côté des autres

“sur le “moi" qui les soutient, jamais ces solides enfilés

(13)

ZI

"qu'on obtient ainsi une imitation artificielle de la vie

"intérieure, un équivalent statique qui se prêtera mieux

"aux exigences de la logique et du langage, précisément

"parce qu'on en aura éliminé le temps réel» Mais quant à

"la vie psychologique, telle qu'elle se déroule sous les

"symboles qui la recouvrent, on s'aperçoit sans peine que

"le temps en est l'étoffe même" (El)*

Illusoire donc la division du moi psychologique,

de la matière et du monde entier lui-même, illusoire aussi

toutes les théories philosophiques et scientifiques qui ne

se donnent pour rôle que de réparer cette division, illusoi­

res même tous les problèmes qui sont solidaires de cette

illusion due au but pratique de notre intelligence, si bien

que la supériorité de la métaphysique de 1'intuition consis­

tera en cela même qu'elle ne se pose même pas ces problè­

mes, comme ceux par exemple de l'existence de Dieu, et de

l'ordre dans le monde» Elle a l'intuition de Dieu et de l’or

dre des durées et cela suffit. (S3)♦

(El) Id», pp» 3-4»

(ES) "»»,Le problème que cet homme se pose, la résolvons nous? Evidemment non, mais nous ne le posons pas: là est no­

tre supériorité.». Tel est exactement l'effet que produisent sur nous certains "grands problèmes", quand nous nous repla­ çons dans le sens de la pensée génératrice» Ils tendent vers zéro à mesure que nous nous rapprochons d’elle, n'étant que

(14)

XII

"Certes, 1* opérât ion par laquelle la science i-

"sole et clôt un système n'est pas une opération tout à

"fait artificielle* Si elle n'avait pas un fondement ob­

jectif, on ne s'expliquerait pas qu'elle fût tout indi­

quée dans certains cas, impossible dans d'autres" (S3)*

"(Chaque théorie), appuyée sur un nombre considérable de

"faits doit être vraie à sa manière* Chacune doit corres-

"pondre à un certain point de vue dans le processus évo­

lutif*.* Mais la réalité sur laquelle chacune prend une

"vue partielle doit les dépasser toutes" (24)*

Il faut en dire autant de la perception qui ne

nous livre pas toute la réalité, mais nous en livre tout

de même une partie, celle qui regarde l'action possible de

notre corps sur elle*

Comme le dit M* Bd» LeRoy (25), le réel bergsonien

est "une courbe, une succession rythmée de phases dont nos

l'écart entre elle et nous* Nous découvrons alors l'illusion de celui qui croit faire plus en les posant qu'en ne les po­ sant pas. Autant vaudrait s'imaginer qu'il y a plus dans la bouteille â moitié bue que dans la bouteille pleine, parce que celle-ci ne contient que du vin, tandis que dans l’autre

il y a du vin et, en outre, du vide." (La Pensée et le Mou­ vant, p» 78)»

(23) L'Evolution Créatrice, p, 11. (24) Id., p» 92»

(15)

XIII *

"concepts marqueraient autant de tangentes"* La Métaphy­

sique lors consistera à "remonter la rente naturelle du

"travail de la pensée, pour se placer tout de suite, par

"une dilatation de lresprit, dans la chose qu'on étudie"(£6

)t

pour coïhoider avec la chose au point de tangente entre la

chose et la perception, le concept, la théorie*

M* Jacques Chevalier, dans son ouvrage sur Berg­

son, nous montre bien comment celui-ci, après avoir tourné

le dos à Kant, orienté vers la chose en soi par l'Empirisme

anglais, le Positivisme de Mill et l'Bvolutionisme de Spen­

cer, en est venu à sa notion de l'intuition de la Durée,

poussé par le réalisme spiritualiste de Maine de B Iran et

de ses professeurs Ravaisson, Bachelier et Boutroux, pour

terminer dans une conciliation générale et de l'idéalisme

kantien, qu'il associe à 1'aristotélisme abstrait, et du ré­

alisme de ceux qui l'ont guidé jusqu'à l'intuition de la Du­

rée pure* Kant aurait eu yaison s'il avait su limiter son

relativisme à la connaissance qu'a l'intelligence quand elle

est tout occupée à vivre pour son compte personnel et au

profit de la société dans laquelle elle est plongée par la

(16)

XXV

-ture# Son tort est tout uniquement dans sa généralisation

du relativisme. Car lfintuition, en nous détachant de ce

besoin de vivre, nous permet réellement de “sympathiser",

de coïncider avec la chose en soi, de pénétrer la réalité

mouvante, qui est matière, ou mieux, matérialisation, se­

lon le mot de M* Le Roy (87), et la pure Durée qui est es­

prit pur, ou encore, spiritualisation.

Dans cet ouvrage, nous nous proposons d*étudier la

valeur de cette conclusion de la pensée de Bergson, nous li­

mitant toutefois à l'examen de sa réponse au problème de la

perception, proposant, en même temps, la solution qu'y appor­

te la doctrine aristotélieo-thomiste (27a).

Après avoir donné un bref exposé du bergsonisme, nous

(27) “Esprit et matière apparaissent.♦. non pas comme deux choses qui s'opposeraient, termes statiques d'une antithèse im­ mobile, mais plutôt comme deux sens inverses de mouvement $ et,

à certains égards, il faut donc moins parler de matière ou d'es­ prit que de spiritualisation et de matérialisation, celle-ci résultant d * ailleurs automatiquement d'une simple interruption de celle-là" (o.c., p, 98).

(27a) Bergson ne distingue pas entre perception intellec­ tuelle , perception sensible interne ou perception sensible ex­ terne. Pour lui, la perception, c'est la “perception extéri­ eure “, c'est-à-dire sensible externe. Nous nous limiterons donc a celle-là. Si nous touchons à la perception sensible in­ terne, ce ne sera que pour faire ressortir, avec Bergson, la rôle subjectif de celui qui perçoit.

(17)

en ferons la critique, nous reportant à la double existence de

1*objet de perception dans son être naturel et dans son être

(18)

CHAPITRE PREMIER

La théorie de Bergson»

"Il suffit de sr être convaincu une fois pour tou­

rtes que la réalité est changement, que le changement est

"indivisible, et que, dans un changement indivisible, le

"passé fait corps avec le présent pour voir fondre et s'é­

vaporer bon nombre d' énigmes philosophiques" (28 j * Nous

avons vu que cette intuition du changement ou de la durée

a eu pour premier effet, chez Bergson, de lui ouvrir les

yeux sur la grande illusion de tous les philosophes et de

tous les savants qui l'ont précédé, à savoir, la fin spécu­

lative de 1*intelligence. Pour Bergson en effet lfintelli­

gence est essentiellement pratiqueï elle est uniquement fonc tion de Vaction* Toutes ses études l'ont amené à l'éviden­

ce de cette vérité* Mais il en tire la preuve de trois sour

(19)

*## prninaipalsm,

mm* mm* arrêterons quel##

pm négligeant 1*1* toutefois* la dernière, afin &*@n voir r

la valeur et de suivre ainsi Bergson dans la première pha­

se de sa critique de la connaissance. Ces trois sources

sont la nature même de 1* intelligence et sa double ac­

tivité: la perception des images et 1*élaboration de ses f

(20)

Article I

la nature de l’intelligence.

L’intelligence et lrinstinct»

"Si nous pouvions nous dépouiller de tout orgueil,

"si, pour définir notre espèce, nous nous en tenions stric­

tement à ce que l’histoire et la préhistoire nous présen­

tent comme la caractéristique constante de l’homme et de

"1’intelligence, nous ne dirions peut-être pas Homo sapiens,

"mais Homo faber. En définitive, 1’intelligence, envisagée

"dans ce qui en paraît être la démarche originelle, est la

"faculté de fabriquer des objets artificiels, en particulier

"des outils à faire des outils, et d’en varier indéfiniment

"la fabrication" (29),

(21)

4c **

la effet, une étude comparative de 1Tinstinct et

de Vintelligence nous les montre comme deux facultés corn-

plëmentaires d'un même élan originel de vie, dont l'essen-

ce paraît bien être de fournir aux êtres qu'il engendre les

moyens, les instruments pour agir sur ceux qui les entou*

rent.

Chez les uns, les instruments font partie des corps

eux-mêmes qui les utilisent. Ils sont tout organisés ; l'a»

nimal n'a ç$u'à s'en servir. Il s'en sert toujours de la mê­

me façon et il en tire toujours, sans effort, le meilleur

parti possible* L'instinct, chez lui, est infaillible, du

moins considéré dans les cas limites, pomme sont les Insec»

tes*

Chez les autres, c'est-à-dire, chez les hommes,

le choix des instruments est libre. L'homme a l'initiative

d'organiser lui-même ses moyens de défense* d'action et de

réaction sur les êtres qui peuvent lui venir en aide ou

constituer pour lui un danger. Mais chez les uns et chez

les autres* l'élan vital n'a qu'un but* fabriquer et Uti­

liser des instruments d* action.

(22)

«* 5 —

"manières d'agir sur la matière brute. Elle peut fournir

"cette action immédiat ement en se créant un instrument or­

ganisé avec lequel elle travailleraj ou bien elle peut la

"donner médiat ement dans un organisme qui, au lieu de pos­

séder naturellement 1'instrument requis, le fabriquera

"lui-même en façonnant la matière inorganique. De là 1*in­

telligence et l'instinct" (30).

Instinct et intelligence individuelle.

L'intelligence, tout comme l'instinct est innée,

héréditaire, car "elle aussi connaît certaines choses sans

"les avoir apprises" (31)♦ Mais tandis que l'instinct, à

cause de son action déterminée, connaîtra des choses déter­

minées, 1'intelligence, qui doit se tirer d'affaire toute

seule, trouver et utiliser par elle-même l'instrument qui

répond le mieux aux circonstances présentes, doit être ou­

verte à la connaissance de tous les instruments, sans être

déterminée à aucun en particulier. Il suit de là que, au

lieu de porter sur des choses déterminées, comme l'instinct,

sa connaissance innée a plutôt pour objet des formes

ouver-(30) Id., p. 154. (31) Id., p. 159.

(23)

6

tes, des cadres dans lesquels viendront sfinsérer tout ce

qui pourra servir à son action» Elle connaît non des cho­

ses > mais des rapports»

"l*enfant gui vient de naître ne connaît ni des

"objets déterminés ni une propriété déterminée d'aucun ob-

"jet: mais, le jour où l'on appliguera devant lui une pro­

priété â un objet, une épithète â un substantif, il com­

prendra tout de suite ce gue cela veut dire» La relation

"de Vattribut au sujet est donc saisie par lui naturelle­

ment" (52)♦ De même, "1*écolier, gui sait gu'on va lui

"dicter une fraction, tire une barre, avant de savoir ce

"que seront le numérateur et le dénominateur$ il a donc

présente â l'esprit la relation générale entre les deux

"termes, guoigu'il ne connaisse aucun d'eux; il connaît la

"forme sans la matière* Ainsi pour les cadres, antérieurs

"à toute expérience, où notre expérience vient s'insérer"(33)»

Si l'on demande guelle matière viendra s'insérer

dans ces formes générales dont l'intelligence a la connais­

sance innée, la réponse se fait en fonction de l'action, de

(32) Id*, p* 160* (33) Id*, p* 161*

(24)

— 7 —

la fabrication â laquelle est astreinte 1rintelligence.

En effet, il est évident que sâ 1* intelligence a pour u-

nique fonction de fabriquer des instruments qui seront

le prolongement de ses organes, elle ne s*exercera que

sur la matière brute et aura donc pour objet principal

le solide inorganisé»

Si» en outre, elle est fonction de lraction,

celle-ci ne s’exerçant que sur des points fixes» l’in­

telligence ne se représentera clairement que le discon­

tinu* et le discontinu immobile, car alors, ce qui l’in­

téressera, ce ne sera pas la mobilité du mobile, mais

bien ”ses positions actuelles ou futures”. Ce qui lui

importera, ce sera ”de savoir où le mobile va, où. il est

”â un moment quelconque de son trajet” (34)»

De plus» il est évident que si 1’intelligence

s’applique au vivant organisé» au continu, et au mobile,

c’est en termes de solide inorganisé, de discontinu et

d’immobile qu’elle les étudiera. Elle laissera passer le

fluide pour ne retenir que ce sur quoi peut s’appliquer

(25)

8

son action* Elle considérera donc la matière brute comme

"une immense étoffe" dans laquelle elle peut découper à

volonté les pièces qui peuvent lui être utiles, quitte â

les recoudre ensuite selon qu'il lui plaira. Solide. dis-*

continu« immobile* ce sont là les trois caractères essen­

tiels de l'objet de 1*intelligence livrée à ses besoins

individuels*

Instinct et intelligence sociale*

Mais l'homme est fait pour vivre en société, pour

communiquer avec ses semblables, tout comme l'instinct por­

te l'animal à diviser le travail avec ses congénères. Tan­

dis toutefois que celui-ci est rivé à sa fonction, et em­

ploie sans doute, dès lors, toujours les mêmes signes pour

s'adresser à ceux qui travaillent avec lui, l'homme est oc­

cupé dans la société à une action, à une fabrication qui

varient sans cesse. Il lui faudra, en vertu de la mobili­

té de son travail, un langage mobile à l'infini, un système

de signes transportables à une infinité d'objets, â tous

les instruments dont il aura à se servir, dans sa vie indi­

viduelle et sociale*

(26)

— 9 —

qui paraît distinguer le langage humain» particulièrement

chez le petit enfant qui commence à parler* “Tout de sui-

nte et naturellement, il étend le sens des mots qu'il ap-

“prend, profitant du rapprochement le plus accidentel ou

“de la plus lointaine analogie pour détacher et transpor­

ter ailleurs le signe qu'on avait attaché devant lui à

"un objet. “B*importe quoi peut désigner n'Importe quoi",

"tel est le principe latent du langage enfantin" (35),

G*est cette mobilité des mots qui nous permet de

passer du connu â l'inconnu. Et c'est elle également qui

leur a permis de s'étendre des choses aux idées. "Le mot,

"fait pour aller d'une chose â une autre, est, en effet, es­

sentiellement déplaçable et libre. Il pourra donc s'éten-

"dre, non seulement d'une chose perçue à une autre cho­

se perçue, mais encore de la chose perçue au souvenir de

"cette chose, du souvenir précis â une image plus fuyante,

"d'une image fuyante, mais pourtant représentée encore, à

"la représentation de l'acte par lequel on se la représen­

te, c'est-à-dire à l'idée" (36)•

(35) Id., p. 178. (56) Ibid.

(27)

10

Comme Men l'on pense, lfintelligence, de par ses

caractères essentiels, ne pourra sfétudier elle-même que

“sous forme de discontinuité11, “Les concepts sont en ef~ O

“fet extérieurs les uns aux autres, ainsi que des objets

“dans ltespaee. Et ils ont la même stabilité que les ob-

“jets, sur le modèle desquels ils ont été créés. Ils cons­

tituent, réunis, un tonde intelligible" qui ressemble par

“ses caractères essentiels au monde des solides, mais dont

“les éléments sont plus légers, plus diaphanes, plus taci­

tes â manier pour lf intelligence que 1* image pure et sim­

ple des choses concrètes; ils ne sont plus, en effet, la

“perception même des choses, mais la représentation de

“l'acte par lequel 1'intelligence se fixe sur elles. Ce

“ne sont donc plus des images, mais des symboles" (37},

Quel que soit le domaine où elle porte son atten­

tion, 1*intelligence est donc bien toujours conditionnée

par sa fonction essentielle de fabricatrice d*instrumentsj

elle est tout entière fonction de l'action* Elle n'est

pas une faculté spéculative, comme se la sont imaginée les

anciens; son but est essentiellement pratique. Une étude

(28)

IX *

comparative avec l'instinct vient de nous en convaincre*

Voyons maintenant si son activité pensante de la percept

tion extérieure va venir confirmer cette conclusion (38) *

(38) Cette expression **1* activité pensante de la percep­ tion extérieure** pourra surprendre* On la comprendra facile­ ment si l*on se rappelle que, pour Bergson, c*est tout 1*hom­ me qui perçoit, 1*homme adonné â ses besoins vitaux; et cet homme, e*est 1*intelligence, à son stage évolutif inférieur, intelligence qui devra le céder, dans la métaphysique, à cel­ le du stage supérieur, c'est-à-dire, à 1*intelligence renfort aie d'un retour à l'instinct, intelligence qui, seule, peut être intuitive*

(29)

Article IX

La -perception extérieure.

La perception détermine la réalité*

La perception extérieure porte sur la matière*

Elle est une relation entre la réalité matérielle et cer-

tains corps qui ont le privilège de la sensation, c'est*

à-dire, qui peuvent entrer en contact conscient avec les

corps qui les environnent, pouvant, grâce à un système

nerveux, recueillir en un centre les impressions reçues

à la périphérie et transmettre ses impressions sous for­

me de mouvements à la surface affectée par les sensations*

Or ce contact a pour effet de déterminer la matière, de

la mettre en lumière, H lui donne la couleur sous la­

quelle elle nous apparaît, H y fait ressortir les qua­

lités qui nous permettent d'y avoir quelque prise. En un

(30)

puis IS puis

-sions découvrir*

MresSons-nous en effet au sens commun* Inter*

rogeons 1'homme de la rue, qui ne s'est jamais mêlé aux

discussions philosophiques. Il soutiendra infaillible­

ment d’abord que la matière existe indépendamment de lui,

qu'elle est une réalité en dehors de son activité propre.

Mais il se refusera toujours à admettre qu’elle soit tou­

te différente de ce qu'il la Perçoit* Et comme, lorsqu’il

regarde le monde extérieur, il a conscience de s'en fai­

re une image, la matière, alors, ne sera pas autre chose

pour lui qu'une immense image, un ensemble d'images* Il

dira tout naturellement que "la matière est une image,

"mais une image qui existe en soi, c'est-à-dire, une cer*

"taine existence qui est plus que ce que 1'idéaliste ap­

pelle une représentation, mais moins que ce que le réaliste

"appelle une chose, - une existence située à mi-chemin en-

"tre la "chose” et la "représentation” (39),

La science physique nous conduit exactement à la

même conclusion. "En posant le monde matériel, écrit Berg-

"son (40), on s'est donné un ensemble d* images, et il est

"d'ailleurs impossible de se donner autre chose* Aucune

(39) Matière et Mémoire, Introduction, p, II (40) Id*, p* SB*

(31)

- 14

“théorie de la matière n*échappe à cette nécessité*. Ré­

duisez la matière â des atomes en mouvement: ces atomes,

Mmême dépourvus de qualités physiques, ne se déterminent

"pourtant que par rapport â une vision et à un contact

“possibles*** Condensez 1fatome en centres de force, dis*

“solvez-le en tourbillons évoluant dans un fluide conti-

“nu: ce fluide, ces mouvements, ces centres ne se déter­

minent eux-mêmes que par rapport à un toucher impuissant,

"à une impulsion inefficace, à une lumière décolorée; ce

“sont des images encore*”

La matière est un ensemble dfimages* L'expérien­

ce extérieure va nous le révéler à son tour, en nous pion*

géant, cette fois, au sein même de lfaction. Si nous je­

tons, en effet, un coup d'oeil sur l'ensemble de la réalité

matérielle, nous y apercevons une multitude de corps «qui

sont en inter-act ion continuelle* Mais nous voyons aussi

tout de suite qu'il y en a toute une catégorie qui y tient

une place privilégiée* Les corps de cette catégorie parti­

culière sont comme des centres d'attraction vers lesquels

convergent tous ceux qui les entourent*

(32)

- 15

corps, que nous ne connaissons pas seulement du dehors

par des perceptions, mais aussi du dedans par des affec-

tiens» En effet, si, d’une part, en m’observant, je cons­

tate que je suis un centre d’action, que je reçois, par

mes nerfs afférents, des mouvements qui me viennent des

corps extérieurs, et que je leur transmets ces mouvements *

grâce à mes nerfs afférents, qui, partis des centres ner­

veux, mettent mon corps en mouvement, j’ai d’autre part

la sensation bien nette de pouvoirs exercer une action ré­

elle et libre sur ces corps extérieurs» Car je sens qu’il

y a une hésitation entre les mouvements que je reçois et

ceux que je transmets. Je réalise intérieurement que je

choisis entre plusieurs retours possibles. J’ai une clai­

re conviction que je pourrais interrompre le retour, et

je l’interromps d’ailleurs souvent, me contentant de lais­

ser prendre à mon corps une attitude de retour, de ne lui

laisser opérer que des mouvements naissants, comme lorsque

je retiens, inhibe un réflexe.

Et l’observation extérieure confirme en tous points

cette assurance intérieure, déterminant le genre d’influen­

ce que me vaut cette liberté vis-à-vis des mouvements de re­

(33)

■* X6

milieu des corps* "Pe fait, j’observe que la dimension,

"la forme, la couleur même des objets extérieurs se mo­

difient selon que mon corps s*en approche ou s'en êloi-

"gne, que la force des odeurs, l'intensité des sons, aug**

"mentent et diminuent avec la distance, enfin que cette

"distance elle-même représente surtout la mesure dans la*»

"quelle les corps environnants sont assurés, en quelque

"sorte, contre l'action immédiate de mon corps* A mesu­

re que mon horizon s'élargit, les images qui m'entourent

"semblent se dessiner sur un fond plus uniforme et me de­

venir indifférentes* Plus je rétrécis cet horizon, plus

"les objets qu'il circonscrit s'échelonnent distinctement

"selon la plus ou moins grande facilité de mon corps à

"les toucher et à les mouvoir* Ils renvoient donc â mon

/corps, comme ferait un miroir, son influence éventuelle ;

"ils s'ordonnent selon les puissances croissantes ou dé­

croissantes de mon corps" (41)•

La perception: réflexion de mouvements*

Mais quelle peut être la nature de cette

(34)

17

ence de mon corps sur ceux qui 1' environnent ? Si l'on

parcourt toute la série animale, on constate que le corps

est avant tout un système nerveux, qui se complique et

se perfectionne de plus en plus, pour s'enrichir, chez

l'homme, du cerveau et d'une foule de mécanismes moteurs,

construits avec l'expérience, qui ouvrent la voie à une

infinité de solutions possibles dans le retour des mou­

vements reçus sous l'action des objets extérieurs*

Le corps n’est qu'un instrument à transporter

du mouvement* Parti du pur réflexe avec la masse pro­

toplasmique, il s'élève jusqu'au retour libre avec 1* hom­

me, Il reçoit des mouvements de l'extérieur, qui vien­

nent exciter sa surface* Ces mouvements se transmettent

au centre par le moyen des nerfs et se prolongent immé­

diatement en d'autres mouvements dans le pur automatis­

me* Mais la multitude des cellules cérébrales lui lais­

sent, chez les animaux supérieurs, le choix entre plusi­

eurs chemins de retour qu'il peut prendre à volonté*

Le corps humain constitue ainsi un centré d'in-

détermination qui cause un arrêt dans le prolongement des

(35)

<* 18 «

tous ees mouvements qui nous affectent et qui intéres­

sent notre activité sur la réalité extérieure, “au lieu

“de traverser notre corps, paraîtront revenir dessiner

"les contours de l'objet qui les envoie. Il n'y aura là

“rien de positif, rien qui s'ajoute à l'image (à l'ob-

“jet), rien de nouveau* Les objets ne feront qu'aban­

donner quelque chose de leur action réelle pour fi gu-

“rer ainsi leur action virtuelle, c'est-à-dire, au fond,

“1'influence possible de l'être vivant sur eux" (4B)*

Ce retour réflexif ne met une partie de l'objet

en lumière que par l'obscurcissement du reste de la réa­

lité matérielle produit par la présence d'un corps supé­

rieur» “Si les êtres vivants constituent dans l'univers

“des 'centres d'indétermination', et si le degré de cet-

“te indétermination se mesure au nombre et à l'élévation

“de leurs fonctions, on conçoit que leur seule -présence

"puisse équivaloir à la suppression de toutes les parties

“des objets auxquelles leurs fonctions ne sont pas inté­

ressés* Ils se laisseront traverser, en quelque sorte,

“par celles d’entre les actions extérieures qui leur sont

(36)

19

»

"indifférentes$ les autres, isolées, deviendront "per*

"centions" par leur isolement même* l'out se passera alors

"pour nous comme si nous réfléchissions sur les surfaces

“la lumière qui en émane, lumière qui, se propageant toy.-

"jours, n'eût jamais été révélée* Les images qui nous en­

vironnent paraîtront tourner vers notre corps, mais é-

"clairée cette fois, la face qui l'intéresse, elles déta»

"cheront de leur substance ce que nous aurons arrêté au

"passage, ce que nous sommes capables d'influencer. In»

"différentes les unes aux autres en raison du mécanisme

"radical qui les lie, elles se présentent réciproquement

"les unes aux autres toutes leurs faces à la fois, ce qui

"revient à dire qu'elle agissent et réagissent entre al-

"les par toutes leurs parties élémentaires, et qu'aucune

"d'elles, par conséquent, n'est perçue ni ne perçoit cons­

ciemment. Que si, au contraire, elles se heurtent quel»

"que part à une certaine spontanéité de réaction, leur

"notion est diminuée d'autant, et cette diminution de leur

"action est justement la représentation que nous avons d'el-

"les. Notre représentation des choses naîtrait donc, en

"somme, de ce qu'elles viennent se réfléchir contre notre

(37)

* so

w

"En un sens, on pourrait dire que la perception

”d'un point matériel inconscient quelconque, dans son ins*

“tantanéitê, est infiniment plus vaste et plus complète

“que la nôtre, puisque ce point recueille et transmet les

“actions de tous les points du monde matériel, tandis que

“notre conscience nfen atteint que certaines parties par

“certains côtés. La conscience, - dans le cas de la per­

ception extérieure, - consiste précisément dans ce choix.

“Mais il y a, dans cette pauvreté nécessaire de notre per­

ception consciente, quelque chose de positif et qui an-

“nonce déjà 1*esprit : c'est, au sens étymologique du mot,

“le discernement“ (44).

But -pratique de la -perception.

Percevoir consiste donc à renvoyer à tout instant,

â leur point de départ les mouvements qui intéressent no*

tre action et viennent se réfléchir contre notre indétermi­

nation, pour aller isoler, dans l'objet, la partie corres­

pondante à cette action que nous pouvons exercer sur lui.

Or cette action est notre activité vitale, celle par laquel­

le nous recherchons, dans ce qui nous entoure, ce qui peut

(38)

81

-satisfaire nos besoins, et repoussons ce qui deviendrait

un danger pour notre organisme* G*est là* en effet, la

seule activité que nous observions dans tous les corps vi-

vants, de la monère aux vertébrés supérieurs. D'où l'on

voit que, de même que le système nerveux, du bas de l'é-

challe animale jusqu'au haut, travaille uniquement à trans­

porter et à diviser du mouvement, loin d'être "un appareil

“à fabriquer ou même à préparer des représentations" (45),

de même la perception, "qui règle son progrès sur le sien,

"est tout entière orientée, elle aussi, vers l'action, non

"vers la connaissance pure* (46)» La perception a un but

uniquement pratique*

La perception: opération intellectuelle*

Mais, dira-t-on, une telle perception, qui est,

en somme, purement mécanique, n'a aucun rapport avec l'in­

telligence, et son but pratique ne peut nullement prouver

le but pratique de celle-ci*

Rappelons d'abord que si le corps, dans la

percep-(45) Id*, p* 17 (46) Ibid*

(39)

83

-tion, isole, oar sa seule -présence la partie les images

extérieures, des objets de perception, qui répond â son

action possible sur elles, il n'en opère pas moins, par

là, “quelque chose de positif et qui annonce déjà l'es*

“prit: le discernement* (47)+

Mais notre perception est surtout une opération

intellectuelle à cause dunrêle qu'y joue la mémoire» Car

on peut dire que, si courte qu'on la suppose, la percep*

tion requiert un jeu extraordinaire de la mémoire» Elle

est même, en elle-même, mémoire*

L'attention la plus élémentaire nous révèle, en

effet, qu* "aux données immédiates et présentes de nos

"sens nous mêlons mille et mille détails de notre expéri­

ence passée" (48); notre mémoire y laisse infailliblement

couler toutes les images qui peuvent être de quelque utili­

té pour l'action présente. Ces images permettent aux di­

verses perceptions de se prolonger les unes dans les autres

et de constituer ainsi le flot continu de notre vie inté­

rieure*

(47) Id*, p* 36; cf+ texte cité à la page 18* (48) Id*, p* 30*

(40)

25

-IL y a encore plus* Chaque perception consiste

dans la condensation d'une multitude de vibrations de la

durée de la matière: penser seulement qu'il faudrait deux

cent cinquante siècles ppur percevoir consciemment toutes

les vibrations de la lumière rougej la perception occupe

ainsi» elle-même, une certaine durée, si instantanée qu'on

la suppose, et nécessite alors le secours de la mémoire*

"Bref, la mémoire sous ces deux formes, en tant

“qu'elle recouvre d'une nappe de souvenirs un fond de

“perception immédiate et en tant çussi qu'elle contracte

“une multiplicité de moments, constitue le principal ap-

“port de la conscience individuelle dans la perception,

“le cètê subjectif de notre connaissance des choses" (49)♦

Ce double mouvement, l'un venant de l'objet ex­

térieur, l'autre de la mémoire, est surtout remarquable

dans la -perception attentive* qui nous permet de décou­

vrir, dans l'objet, de plus en plus d'aspects, de plus en

plus de détails, dans la mesure de l'intensité de l'atten­

tion#

(41)

— 84 “

Ici, en effet, d'une part, comme dans toute per­

ception, le mouvement reçu se prolonge en mouvements au

moins naissants dans les mécanismes moteurs. Ces mouve­

ments naissants dessinent les grandes lignes de la percept

tion extérieure et se stabilisent toujours de plus en plus

par lrexpérience, au point de devenir une véritable mémoi­

re corporelle, comme il appert, par exemple, dans la réci­

tation d'une leçon apprise par coeur, où les mots s'appel­

lent les uns les autres, mécaniquement, et où 1*attention

même serait plutôt nuisible qu'utile*

D'autre part, la mémoire laisse couler sur la per­

ception les images qu'elle a accumulées et qui ressemblent

à cette perception dont nos mouvements naissants ont déjà

tracé l'esquisse. Ces images viennent recouvrir l'objet

et en illuminer les contours* 1

"Si, en effet, après avoir fixé un objet, nous dé­

tournons brusquement notre regard, nous en obtenons une i-

"mage consécutive: ne devons-nous pas supposer que cette i-

"mage se produisait déjà quand nous le regardions" (50)?

(42)

25

-Elle s’y produisait

;

et c’est elle qui, à mesure qu’elle s’éclaire et se perfectionne, appelant à son aide

d’autres images qui lui ressemblent et qui, des profon­

deurs de la mémoire, ne demandent qu’à venir à son secours*

nous permet, par une réflexion de plus en plus riche sur

l’objet, d’en approfondir la perception, d’y découvrir sans

cesse de nouveaux aspects tout le long de l’observation at­

tentive.

La perception est donc mémoire. Or pour Bergson,

la mémoire c’est l’esprit même (51). La perception est

donc elle-même esprit. Elle est l’ultime degré de l’es­

prit, sans cesse plongée, par l’action présente, dans la

réalité matérielle, faisant le passage de l’esprit à la ma­

tière, réalisant le contact entre matière et esprit.

Elle est donc bien une activité spirituelle, une

activité de l’intelligence, Et son but pratique prouve

(51) "Puisque la perception pure nous donne le tout ou au moins l’essentiel de la matière, puisque le reste vient de la mémoire et se surajoute à la matière, il faut que la mémoire soit, en principe, une puissance absolument indépen­

dante de la matière. Si donc l’esprit est une réalité, c’est ici, dans le phénomène de la mémoire que nous devons le tou­ cher expérimentalement". (Matière et Mémoire, pp. 67-68).

(43)

26 *

alors véritablement le but pratique de 1*intelligence

elle-même. Aussi, il nous suffira dTétudier et de cri­

tiquer pette perception à but pratique, pour juger l’in­

(44)

Article III

Bergson et la double existence du connu»

"Simile simili*

Bergson écrivait, en 1930, une lettre â ïï, T,

lankélêviteh, clans laquelle il le félicitait pour sa com*

préhension de la philosophie de lrintuition* "Votre expo-

*sê, lui disait-il (521, est exact et précis; il témoigne

*dtun remarquable approfondissement de la doctrine et dfu-

*ne sympathie intellectuelle, qui vous fait retrouver*#*

"des termes dont je me serais servi si j’avais exposé ce

"qui est resté sous-entendu"*

Or 1Tauteur de "Bergson", pour expliquer la con­

naissance bergsonienne, se reporte â Bmpêdoole et sa thé­

orie de la connaissance du même par le meme, "Comme le

(45)

28 «

"même, dit Empédocle, nrest connaissable qu’au même, ainsi

"la vie n’est penetrable qu’à la vie. (Donc} la connaissan­

ce de la vie doit être une imitation de la vie " (55).

Ce rapprochement de M. Jankêlévitch nous permet

de situer exactement notre étude sur le but bergsonien de

la perception.

Nous savons, en effet, qufEmpédocle, poussé par

la vérité, - "somniabat quodammodo veritatem", dit saint

Thomas (54), - soutenait, avec tous les anciens, que la

connaissance se fait par la présence de la chose connue

dans le connaissant. "Cognitio omnis fit per hoc quod co-

"gnitum est aliquo modo in cognoscente" (55).

Mais nous savons surtout que, en vertu du princi­

pe rapporté par M. Jankêléviteh: "le même n’est connaissa­

ble qu’au même", il se croyait forcé de soutenir que la cho­

se connue devait avoir, dans le connaissant, cette même exis­

tence naturelle qu’elle a en elle-même (56).

(53) Id., p. 98.

(54) In Arist. de Anima, Lib.I, lect.4 (ed. Pirotta, n.43). (55) Id., L. II, 1.12, n. 377.

(56) "Nescierunt enim (antiqui philosophi) distinguere il­ lum modum quo res est in intellectu, seu in oculo, vel imagi­ natione, et quo res est in seipsa" (S. Thomas, o.c. L. I, 1.4, n. 45).

(46)

- 29

Bmpédocle et Bergson»

Empedocle, parce qu’il voyait que l’âme connais­

sait toutes choses, posait toutes choses dans l’âme, se­

lon leur existence naturelle elle-même (57). Le princi­

pe “le même n’est connaissable qu’au même” n’y est appli­

qué qu’à l’objet,

Bergson va 1’appliquer au mode même de connais­

sance en même temps qu’à l’objet.

“La vie n’est pênétrable qu’à la vie”, dit l’au­

teur de “Bergson”, “Donc la connaissance de la vie doit

être une îmitation de la vie”. Nous savons que cette i-

mitation n’est autre que l’intuition, qui fait entrer le

connaissant en sympathie avec l’objet, le fait participer

â la vie même de l’élan créateur, le fait créer lui-même

avec l’élan vital.

Dans son application à l’objet, Bergson procède

toutefois autrement qu’Empédocle. Gelui-ci, en effet, de

l’existence du connu dans le connaissant, conclut à son

(57) “TJnde si anima cognoscat omnia, oportet, quod ha­

(47)

30

-existence naturelle dans le connaissant même* Tandis

que celui-là passe de la connaissance intuitive d,un ob­

jet à 1*affirmation de son existence réelle dans la na-

tqre, ou encore, il va de 1'impossibilité pour l'objet

d'exister partiellement dans la nature à l'impossibilité

de sa connaissance partielle*

Ainsi la fin, par exemple, ne pourra aucunement

préexister dans l'intention du vivant qui agit, parce

que, la liberté étant de l'essence même de la vie, le

vivant ne peut prévoir toutes les particularités qu'il

créera réellement au fur et à mesure de son action: "La

"théorie des causes finales va trop loin quand elle sup-

"pose une préexistence de l'avenir dans le présent sous

"la forme d'idée" {58)*

De là, Bergson en est venu à nier même la pos­

sibilité de tout ce qui n'existe pas actuellement, ou n'a

pas déjà existé, de son existence naturelle* Si on ne

peut prévoir une chose, elle n'est pas possible: "Au fond

"des doctrines qui méconnaissent la nouveauté radicale de

(48)

— si **

"chaque moment de l'évolution, ...il y a 1 ' Idée que le nos*

"sible est moins que le réel, et que, pour cette raison,

"la possibilité des choses précède leur existence. Elles

"seraient ainsi représentables par avance ; elles pourraient

"être pensées avant d'être réalisées* Mais c'est l'inver**

"se qui est la vérité**. La vérité est que "le possible est

"le mirage du présent dans le passé (une chose "aura été

"possible" quand elle existera). Il faut plus pour obte­

nir le virtuel que le réel, plus pour l'image de l'homme

"que pour l'homme même, car l'image de l'homme ne se des**

"sinera pas si l'on ne commence par se donner l'homme, et

"il faudra de plus, un miroir" (59)* C'est la négation de

(59 Le Possible et le Réel (essai publié dans la Pen­ sée et le Mouvant), pp. 1&6-1S9.

On reconnaît ici la théorie des Mêgariques, réfu­ tée par Aristote, au 9e Livre de ses Métaphysiques, chap*5: si la construction d'une maison n'est pas possible avant la réalisation de son être naturel, l'architecte n'a pas plus la puissance de la construire que le simple manoeuvre* Vis- à-vis de telle maison qui n'est pas encore construite, l'ar­ chitecte n'est pas plus architecte que le manoeuvre, et le manoeuvre pas plus manoeuvre que l'architecte. L'un et l'autre, des lors, pourront tout aussi bien devenir archi­ tectes ou manoeuvres au moment de la construction de la mai­ son.

Aristote appelle cette conclusion une "absurdité" (1046555), et avec raison. L'évidence nous montre bien, en effet, que "l'essence de l'architecte réside dans la puis­ sance de construire" (1046554), et non dans le fait, dans l'acte de construire*

(49)

— 32 —

toute puissance, sous quelque forme que ce soit, avant

liante naturel.

"Simile simili1* et la Durée.

Pour la Durée, au contraire, Bergson passe de

son Intuition, ou de sa présence dans le connaissant in­

tuitif, abstraction faite de ses qualités, abstraction

faite même du mobile, à son existence réelle, telle que

perçue, c'est-à-dire, sans mobile qui la soutienne (60)♦

Il va ainsi de la présence abstraite à la présence con­

crète.

"Tant que vous appuyez le mouvement contre la

"ligne qu'il parcourt, le même point vous paraît tour à

"tour, selon l'origine à laquelle vous le rapportez, en

"repos ou en mouvement♦ Il n'en est plus de même si vous

"extrayez du mouvement la mobilité qui en est l'essence.

"Quand mes yeux me donnent la sensation d'un mouvement,

"cette sensation est une réalité, et quelque chose se

pas-(60) "Il y a des changements, mais il n'y a pas, sous le changement, de choses qui changent : le changement n'a pas besoin d’un support. H y a des mouvements, mais il n'y a pas d'objet inerte, invariable, qui se meuve: le mou­ vement n' implique pas un mobile" (La Perception du Change­ ment, conférence publiée dans la Pensée et le Mouvant, p.

(50)

- 53

"se effectivement, soit qu'un objet se déplace à mes

’’yeux, soit que mes yeux se meuvent devant l’objet#♦♦Le

"mouvement est un absolu” (61)•

L’Essai sur les Données immédiates de la Consci­

ence (62) manifeste davantage le passage de l’existence

d’abstraction â l’existence naturelle (63). ”0n dit le

(61) Matière et Mémoire, p# 217# (62) pp# 84-85#

(63) Bergson se défendrait sans doute d’avoir même pensé à un semblable passage# Il nous rappelerait certai­ nement sa volonté expresse d’être le plus réaliste de tous les philosophes# Mais, nous le verrons, autre ce qu’il a voulu être et autre ce qu’il est#

Nous n’avons pas à juger ce à quoi il a pensé en écrivant, ni son intention, mais seulement ce qu’il a écrit la doctrine qu’il nous a transmise dans ses ouvrages#

Or réduire le mouvement de l’univers à une "sen­ sation”, à une "synthèse mentale”, à un "processus psychi­ que", comme il dit (Essai sur les Données Immédiates de la Conscience, p# 84), n’est pas autre chose que de projeter dans le monde naturel un pur travail d’abstraction. Et il est impossible de ne pas voir là une doctrine qui s’oppose au vrai réalisme, malgré la vérité de 1’affirmation que la sensation du mouvement, la "synthèse mentale", le "proces­ sus psychique", par lesquels nous parvenons à la notion de mouvement, sont des réalités. La sensation du mouvement

est une réalité, mais elle n’est pas le mouvement#

Nous reconnaissons qui’il est impossible de saisir la raison de mouvement sans un jeu mental de comparaison ou d’ordre : nous reconnaissons même, avec saint Thomas D’A­ quin, que le mouvement ne peut avoir raison de mouvement

sans dépendance nécessaire d’un acte ordonnateur de 1’intel ligence*

"Ratio motus completur non solum per id quod est de motu in rerum natura, sed etiam per id quod ratio appre­ hendit. De motu enim in rerum natura nihil aliud est quam actus imperfectus, qui est incohabitio quaedam actus per­ fecti in eo quod movetur: sicut in eo quod dealbatur, iam incipit esse aliquid albedinis. Sed ad hoc quod illud

(51)

im-- 34

"plus souvent qu'un mouvement a lieu dans l'espace* et

"quand on déclare le mouvement homogène et divisible*

perfectum habeat rationem motus, requiritur ulterius quod intalligamus ipsum quasi medium inter duo; quorum prae­ cedens comparatur ad ipsum sicut potentia ad actum, unde motus dicitur actus; consequens vero comparatur ad ipsum

sicut perfectum ad imperfectum vel actus ad potentiam, propter quod dicitur actus existentis in potentia" (s. Th*

in Arist», Phys., L* III, 1.5, n. 17).

Il en est du mouvement, comme de toutes parties ordonnées dans un tout, comme des murs d'une maison par exemple. Ceux-ci n'ont raison de murs que si nous les con­ sidérons comparativement comme supports mitoyens entre les fondements et le toit de la maison, n'étant, en eux-mëmes qu'un assemblage quelconque de matière à construction. No­ tre acte intellectuel de comparaison n'en devient cependant pas, pour cela, lui-même, ces murs. Ceux-ci ont leur exis­ tence réelle, - même dans leur raison de murs, - indépen­ damment de notre acte de comparaison, non sans dépendance toutefois nécessaire de l'acte comparatif de l'architecte qui les a construits, en posant en eux une relation réel­ le, - leur ordre réel lui-même, - aux autres parties de son oeuvre. (Cf. J. de S.-Th., Ours. Theolf* Iia-IIae, q.83, disp* 21, a* 1; éd. Vivès, T.7II, pp. 744-5)♦

La raison de murs est constituée et par l'assem­ blage de matériaux et par cet ordre réel aux autres par­

ties de la maison. Elle n'est donc pas indépendante de tout acte d'intelligence. C'est l'architecte qui doit imprimer l'ordre, comme fruit de son intellect pratique. Mais les murs ont raison de murs, dès que celui-ci les a constitués

comme tels, indépendamment de l'acte comparatif d'intelli­ gence que nous devons faire pour en percevoir cette raison, dans leur ordre aux fondements et au toit.

De même le mouvement, qui est le passage d'un point à un autre, n'aura raison de mouvement que si une in­

telligence, - 1'intelligence divine ou angélique pour les mouvements naturels, ou l'intelligence humaine pour les mouvements artificiels, - le constitue moyen-terme ordonné du point de départ à celui d'arrivée. Les murs de la mai­ son étaient des moyens-termes statiques. Ici le moyen-ter­ me est dynamique. Mais, ici comme plus haut, le mouvement

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-"c’est à l’espace parcouru que l’on pense, comme si on pou­

vait le confondre avec le mouvement lui-même* Or, en y

"réfléchissant davantage, on verra que les positions suc-

"Passives du mobile occupent bien en effet de l’espace, mais

"que l’opération par laquelle il passe d’une position à l’au-

"tre, opération qui occupe de la durée et qui n’a de réali-

"té que pour un spectateur conscient, échappe à l’espace*

"Nous n’avons point affaire ici à une chose, mais à un pro-

"grèst le mouvement, en tant que passage d’un point à un

"autre, est une synthèse mentalef un processus psychique*

"et par suite, inétendu* Il n’y a dans l’espace que des

"parties d’espace, et en quelque point de l’espace que l’on

"considère le mobile, on n’obtiendra qu’une position. Si

a raison de mouvement indépendamment de celui qui le perçoit, s’il ne peut l’avoir sans dépendance nécessaire de l’intel­ ligence qui le constitue dans son ordre d’un point à un au­ tre*

D’où, dire que "le Mouvement n’a raison de mouvement que si nous le considérons comme moyen-terme entre deux points" signifie surtout que la raison de mouvement est nécessaire­ ment dépendante d’une intelligence, sans qu’il s’agisse de celle qui le perçoit* Gela peut signifier également, toute­ fois, que seul un être intelligent peut en percevoir la rai­ son, sans pouvoir dire, pour cela, avec Bergson (Essai sur les Données*»., l.c*), que "l’opération par laquelle (le mo­ bile) passe d’une position à l’autre.*, n’a de réalité que pour un spectateur conscient". Le mouvement, en effet, dès

qu’il est ordonné â son terme par son initiateur, a toute sa réalité, indépendamment de tout "spectateurtconscient".

Figure

TABLE DES  MATIERES.

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