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Les mauvais traitements psychologiques caractérisés par des conflits entre les parents en contexte de Centre Jeunesse

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Academic year: 2021

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Les mauvais traitements psychologiques caractérisés

par des conflits entre les parents en contexte de Centre

Jeunesse

Mémoire doctoral

Marie-Hélène Fauteux

Doctorat en psychologie

Docteure en psychologie (D.Psy.)

Québec, Canada

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Résumé

Au Québec, depuis 2007, il est possible de retenir un signalement à la protection de la jeunesse pour motif de mauvais traitements psychologiques. Actuellement, la façon dont on a opérationnalisé et balisé les

manifestations de mauvais traitements psychologiques permet aux intervenants de la protection de la

jeunesse de considérer que certaines formes de conflits parentaux constituent en soi des mauvais traitements psychologiques envers les enfants. La présente étude a pour objectif de décrire 23 situations familiales qui ont été évaluées en contexte de protection de la jeunesse et pour lesquelles l’évaluation psychosociale fait ressortir la présence de conflits de couple ou de séparation qui sont qualifiés de mauvais traitements psychologiques envers le ou les enfant(s).

Plus spécifiquement, les dynamiques familiales sont décrites en fonction des variables suivantes: 1) les difficultés sociales ou personnelles des parents; 2) l’exercice de la coparentalité; 3) la présence de violence pendant la vie conjugale, que ce soit sous forme de violence commune ou de dynamiques de contrôle et de pouvoir, et l’impact du type de violence sur le conflit après la rupture; 4) la présence de triangulation et de conflit de loyauté chez les enfants et 5) l’impact de la situation conflictuelle sur les enfants, en termes de préjudice à leur développement psychologique, social et affectif et du maintien de leur relation avec leurs parents.

Les liens entre les variables découlant de la description des situations familiales sont explorés et décrits. Parmi ces variables, le manque d’objectivité de la perception parentale se présente systématiquement en présence d’autres variables de l’analyse : difficultés de fonctionnement relationnel de certains parents; coparentalité hostile ou désengagée; présence de triangulation et de conflit de loyauté. Le manque d’objectivité semble aussi associé à la chronicité et à la sévérité du conflit entre les parents ainsi qu’à l’impact du conflit sur les enfants.

La présence élevée, dans l’échantillon à l’étude, d’indices découlant du conflit parental et associés, dans la littérature, à un risque élevé pour les enfants sur le plan adaptatif, incite à adopter la perspective de la protection de la jeunesse et de considérer que certains conflits intenses et chroniques constituent en soi une forme de mauvais traitements psychologiques.

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Remerciements

Je tiens avant tout à remercier les intervenants à la protection de la jeunesse qui ont tous accepté, malgré leur horaire chargé, de s’engager à témoigner, pour cette recherche, du travail qu’ils accomplissent auprès des familles. J’ai pu constater avec admiration le professionnalisme et l’humanité avec lequel ils abordent l’évaluation des situations familiales. Je veux aussi remercier Marie-Hélène Gagné, ma superviseure de recherche, qui m’a accompagnée dans le parcours parfois sinueux que constitue une analyse qualitative. Merci de m’avoir permis de me joindre à cette recherche dès la cueillette de données. Merci pour tes patientes et rigoureuses annotations et commentaires, qui m’ont permis de garder le cap. Merci aussi à Véronique, qui m’a assisté avec beaucoup d’intelligence dans la codification des vignettes et dans la catégorisation.

Ce mémoire doctoral n’aurait pu être mené à son terme sans le support de personnes chères. Un merci tout spécial à mon conjoint, Nicolas, qui m’a supporté tout au long des hauts et des bas de ce cheminement. Merci à mes filles, Capucine et Éliane. Votre présence dans ma vie m’a servi de moteur au cours des quatre dernières années. Je vous aime. Merci à mon père et à ma mère pour les multiples coups de main qui ont aussi aidé à rendre tout ça possible. Merci à mes frères François et Nicolas pour votre dernière relecture. Merci à mes sœurs pour vos encouragements.

Merci à mes superviseurs de clinique, Claire Baudry, Jean Brin, Louis Boivin, Joanne Tendland, François Faucher. Vous m’avez tous apporté des idées, des couleurs, qui m’ont permis d’affiner mon regard et ma sensibilité clinique.

Merci aux collègues du labo. Merci à Karine, Sonia, Marie-Ève, Francis, Thomas, les amis du labo d’à côté. Ça a été bien de vous savoir pas loin, de vous entendre rigoler, de savoir que je peux prendre une pause, pour sortir des histoires de conflit, pour décompresser. Merci à mes amies Emmanuelle, Sabrina, Isabelle, à mon ami Sébastien, fidèles au poste pour un p’tit café, des confidences, des états d’âme... Le doctorat restera une expérience mémorable, grâce à vous.

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Table des matières

Résumé ... iii

Remerciements ... v

Table des matières ... vii

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Problématique ... 3

Conflit de couple et de séparation : Mise en contexte ... 7

Conflits de couple, séparation et adaptation de l’enfant ... 8

Taux de séparation et de divorce ... 9

La séparation et le conflit en contexte de protection de la jeunesse ... 9

Trajectoires conflictuelles post-séparation ... 10

Circonscrire le lien entre mauvais traitements psychologiques et conflits parentaux ... 10

Question et objectifs de recherche ... 16

Chapitre 2 : Méthodologie ... 17

Contexte ... 17

Échantillon ... 17

Source de données ... 24

Procédures ... 25

Stratégie d’analyse qualitative ... 25

Chapitre 3 : Résultats et discussion ... 33

Description des parents ... 33

Relation entre les variables décrivant les parents ... 48

Comportement de l’enfant dans la dynamique conflictuelle. ... 57

Relation entre les variables décrivant les parents et la réaction des enfants ... 61

Lien entre conflit parental et maltraitance psychologique ... 62

Synthèse des résultats ... 64

Forces et limites de l’étude ... 67

Conclusion et retombées cliniques ... 69

Références ... 71

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Liste des tableaux

Tableau 1: Unions antérieures et recomposition familiale ... 19

Tableau 2:Temps écoulé depuis la rupture ... 20

Tableau 3: Personne qui assume la garde de l'enfant au quotidien ou, si l'enfant est placé, qui en assumerait la garde au quotidien ... 20

Tableau 4: répartition des motifs de signalement retenus pour l'ensemble de tous les signalements recensés dans les 23 situations familiales ... 21

Tableau 5: Répartition des capacités parentales au sein des couples parentaux ... 22

Tableau 6: Caractéristiques des intervenants ... 22

Tableau 7: Description du processus d'évaluation (n=23) ... 23

Tableau 8: Difficultés liées au fonctionnement relationnel des parents ... 36

Tableau 9: Répartition des difficultés liées au fonctionnement relationnel des parents au sein des couples parentaux ... 37

Tableau 10: Dynamiques de violence conjugale en fonction du sexe et du rôle joué dans la dynamique ... 40

Tableau 11: Répartition des couples parentaux en fonction de leur style et du sous-type de coparentalité exercé ... 44

Tableau 12: Perception du parent envers l'autre parent... 47

Tableau 13: Répartition de l'objectivité des parents au sein des couples parentaux ... 47

Tableau 14: Dynamiques de violence conjugale et difficultés liées au fonctionnement relationnel des parents ... 50

Tableau 15: Objectivité et difficultés de fonctionnement relationnel des parents ... 51

Tableau 16: Coparentalité et perception des parents ... 52

Tableau 17: Objectivité des parents et temps écoulé depuis la rupture... 54

Tableau 18: Sous-type de coparentalité en fonction du temps écoulé depuis la rupture ... 56

Tableau 19: Maintien de la relation parent-enfant ... 58

Tableau 20: Répartition des enfants qui ont développé un conflit de loyauté en fonction de la présence d'objectivité chez les parents ... 61

Tableau 21: Facteurs associés à un risque accru d'impact du conflit parental sur le développement de l'enfant ... 63

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Introduction

Les parents de J, une fille de 8 ans, sont séparés depuis qu’elle a 4 ans. Depuis la séparation, c’est la guerre entre ses parents. Lors des visites à leur père, une fin de semaine sur deux, l’échange des enfants se tient à la maison de la famille. Les parents communiquent uniquement par écrit, à l’aide d’un journal, afin d’éviter les conflits lorsqu’ils se parlent. Le père de J. lui dit fréquemment, à elle et à son jeune frère de 5 ans, que sa mère les néglige, qu’elle garde contact avec eux uniquement pour l’argent de la pension alimentaire. Lorsque les enfants reviennent d’une fin de semaine passée chez leur père, leur mère les questionne; elle semble inquiète et tente d’obtenir tous les détails des moments passés avec leur père, des gens qu’ils ont rencontrés, des mots et des gestes de leur père. Lorsque les enfants se réjouissent des bons moments passés avec leur père, leur mère ne semble pas se réjouir avec eux; elle se renferme, semble triste. Le père se bat depuis des années pour obtenir la garde complète des enfants. Il note toute information qui pourrait nuire à la mère et à ses droits de garde. Au cours de leur dernière visite, il a demandé aux enfants de raconter, devant la caméra, un épisode au cours duquel leur mère a « été méchante avec eux », une fois où elle a crié fort.

En contexte de protection de la jeunesse, les situations familiales semblables à celle de J. peuvent être considérées comme une forme de mauvais traitements psychologiques envers l’enfant. Elles correspondent à un profil de fonctionnement familial proposé par Malo et Gagné (2005) dans leur guide de soutien à

l’évaluation du risque de mauvais traitements psychologiques envers les enfants, sous le titre des « feux croisés ». Dans ces situations, l’enfant se retrouve témoin, pris à partie ou même utilisé lors de la

communication négative entre les parents. Ce type de fonctionnement psychologiquement maltraitant a été intégré au guide de Malo et Gagné suite à des discussions avec les intervenants jeunesse, à partir de l’expérience clinique de ceux-ci. Cependant, contrairement aux 4 autres profils identifiés dans le guide, il n’avait pas été validé scientifiquement.

La présente étude dépeint comment se présentent les situations familiales qui sont évaluées en contexte de protection de la jeunesse pour motif de « mauvais traitements psychologiques » caractérisés par des conflits entre les parents. Cette étude clarifie le lien entre les mauvais traitements psychologiques et les conflits de couple ou de séparation. Elle décrit les interactions présentes au sein de ces situations familiales et explore les processus par lequel les conflits qui y sont présents pourraient entraver le développement des enfants qui y vivent. Elle propose des pistes d’intervention et de prévention dans ce domaine.

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Chapitre 1

Problématique

Conflit de couple et maltraitance psychologique envers les

enfants

Les liens entre les mauvais traitements psychologiques faits aux enfants et les conflits entre les parents peuvent être analysés sous un angle conceptuel ou un angle empirique. Dans le cas de l’angle empirique, on conçoit le conflit de couple et la violence envers l’enfant comme deux éléments distincts d’adversité familiale, qui peuvent coexister et même s’alimenter l’un l’autre ou interagir sur divers aspects du développement, de l’adaptation ou de la santé de l’enfant. Cette perspective est illustrée, dans l’étude de Gagné, Drapeau, Melançon, Saint-Jacques et Lépine (2007), où les conflits parentaux et les conduites parentales psychologiquement violentes sont conceptualisés comme deux variables distinctes, toutefois associées, susceptibles de contribuer toutes les deux aux difficultés d’adaptation de l’enfant.

Lorsque des conflits parentaux intenses perdurent dans le temps et perturbent plus sérieusement l’enfant qui y est exposé, le conflit comme tel peut être conceptualisé comme une manifestation de maltraitance

psychologique envers l’enfant. Sur ce plan, les manifestations de conflit de couple ou de séparation en viennent à faire partie de la définition opérationnelle du mauvais traitement psychologique. C’est la perspective adoptée par le système québécois de protection de la jeunesse, pas tellement dans le libellé de la loi mais dans la manière dont, en pratique, on a opérationnalisé et balisé les manifestations de mauvais traitements psychologiques. En effet, l’article 38 c de la Loi sur la Protection de la Jeunesse (LPJ) définit comme suit les mauvais traitements psychologiques :

Lorsque l'enfant subit, de façon grave ou continue, des comportements de nature à lui causer un préjudice de la part de ses parents ou d'une autre personne et que ses parents ne prennent pas les moyens nécessaires pour mettre fin à la situation. Ces comportements se traduisent notamment par de l'indifférence, du dénigrement, du rejet affectif, de l'isolement, des menaces, de l'exploitation, entre autres si l'enfant est forcé à faire un travail disproportionné par rapport à ses capacités, ou par l'exposition à la violence conjugale ou familiale (Québec, 2010).

L’exposition aux conflits parentaux n’est pas normée explicitement dans cette définition. Dans la pratique, toutefois, lorsqu’il est jugé que le conflit parental risque de compromettre ou compromet effectivement le développement de l’enfant, le système de protection de la jeunesse retient les motifs de compromission du développement relatifs aux conflits parentaux sous l’article 38 c « mauvais traitements psychologiques ». En effet le système de protection de la jeunesse a opérationnalisé la notion légale de mauvais traitements

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psychologiques en treize problématiques spécifiques (voir annexe A). Trois de ces problématiques concernent des conflits entre les parents ou les adultes de la maisonnée : conflit de couple, conflit de séparation et conflit entre deux adultes présents dans la situation familiale. Dans certains cas et sous certaines conditions, on conçoit donc les manifestations du conflit entre adultes comme une forme de maltraitance psychologique envers l’enfant qui y est exposé. C’est précisément ce genre de situations qui sera étudiée dans le présent mémoire.

Les mauvais traitements psychologiques et le conflit de couple constituent des problématiques socio-familiales dont la prévalence est élevée dans la population générale, qui sont toutes deux des menaces au

développement, à l’adaptation et à la santé des enfants et des adolescents. Dans la littérature scientifique, la maltraitance envers les enfants et les conflits conjugaux constituent cependant deux domaines de recherche distincts, qui ont été étudiés en parallèle au cours des dernières décennies. Aussi, les deux concepts seront présentés séparément dans un premier temps.

Mauvais traitements psychologiques

Définition

Une discussion est toujours en cours quant à la meilleure façon de définir les mauvais traitements psychologiques. Baker (2009), dans une revue de littérature, fait le survol des définitions des mauvais traitements psychologiques ayant cours aux États-Unis. Elle constate que les définitions légales diffèrent d’un état à l’autre et sont la plupart du temps basées sur l’impact qu’a le comportement parental sur l’enfant et non sur le comportement parental en soi. Quant aux définitions opérationnelles qui sont développées et utilisées par les chercheurs, elles diffèrent aussi largement entre elles et sont parfois définies du point de vue de l’impact sur l’enfant, parfois à partir de la comparaison à une norme sociale définissant un comportement parental acceptable. Une source d’ambiguïté réside dans les différentes terminologies utilisées par les chercheurs: « emotional abuse », « psychological maltreatment », «mental injury », « psychological abuse », « emotional neglect » sont tous des termes faisant référence plus ou moins au même construit, avec parfois quelques nuances, ce qui ajoute à la confusion conceptuelle.

Au Québec, depuis 2007, il est possible de retenir un signalement à la protection de la jeunesse pour motif de mauvais traitements psychologiques. La définition du mauvais traitement psychologique mise de l’avant par la loi de la protection de la jeunesse englobe à la fois le préjudice subi par l’enfant, donc l’impact, et la nature du geste parental (voir la définition en page 3). Comme la présente étude s’inscrit dans un contexte québécois de protection de la jeunesse, c’est cette définition qui lui servira de base.

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Mauvais traitements psychologiques : Prévalence

Une enquête téléphonique menée au Québec en 2004 auprès d’un échantillon représentatif de 3148 mères (Clément, Chamberland, Côté, Dubeau, & Beauvais, 2005) a permis de mettre en lumière, à l’aide d’une traduction du Parent-Child Conflict Tactics Scales (PCCTS), qu’au moins une agression psychologique par année est rapporté dans 79,6 % des foyers. Ce taux diminue à 52% lorsqu’on compte trois épisodes similaires ou davantage. Comparé à la même enquête, menée en 1999 (Clément, Bouchard, Jetté, & Laferrière, 2000), une baisse de 5% de l’utilisation de la violence physique est notée, baisse contrebalancée toutefois par une augmentation similaire d’agressions psychologiques. Il est possible que cette augmentation soit due au fait que les parents compensent l’utilisation de comportements physiquement violents par l’utilisation de stratégies psychologiquement violentes pour la gestion de la discipline. Il est aussi probable, cependant, que la sensibilisation des parents aux conséquences de gestes psychologiquement violents fasse en sorte qu’ils y soient plus sensibles donc plus conscients et qu’ils nomment davantage ces comportements lors de l’enquête (Clément & Chamberland, 2007).

Les jeunes que l’on retrouve dans les services de protection de la jeunesse présentent généralement les situations de maltraitance les plus sévères. En général, leur sévérité va bien au-delà de celle des incidents rapportés dans les enquêtes populationnelles comme celle de Clément et al. Au Canada, les situations retenues suite à un signalement aux services de protection de la jeunesse parce qu’elles présentent

effectivement de la maltraitance ou un risque de maltraitance représentent environ 16 enfants sur 1000 dans la population générale. C’est ce que révèle une enquête pancanadienne de Trocmé, Fallon, MacLaurin, Sinha, Black, Fast, et al. (2008) menée auprès d’intervenants de la protection de l’enfance de 112 services de protection Canadiens. Cette enquête a documenté les signalements retenus de 15 980 cas d’abus physique, sexuel, négligence et maltraitance émotionnelle chez des enfants de moins de 16 ans. Cette étude révèle que la négligence (34% des cas d’abus) et l’exposition à la violence conjugale (34% des cas) sont les formes de maltraitance les plus fréquemment recensées comme principale forme de maltraitance. L’abus physique (20%) constitue la troisième, et la maltraitance psychologique se retrouve au 4e rang (9%). Toutefois, il faut prendre en considération que plusieurs formes de maltraitance sont souvent recensées chez un même enfant. Ainsi, les situations dans lesquelles une forme quelconque de mauvais traitement psychologique a été documentée représentent 29 % de tous les cas investigués. Les signalements et interventions en protection de la jeunesse ayant pour motif unique la maltraitance psychologique demeurent rares jusqu’à récemment (Levesque, 1998; Loue, 2005 ; Trocmé, et al., 2008; Trocmé, Tourigny, MacLaurin, & Fallon, 2003).

Au Québec, le mauvais traitement psychologique est retenu comme motif de compromission dans un pourcentage assez élevé de signalements depuis que la loi le permet. Dans une étude menée auprès des

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services de la protection de la jeunesse de la région de Québec, Chavarria (en cours) a recensé 3102 signalements retenus du 1er septembre 2007 au 31 août 2008. Parmi ceux-ci, 834 cas (27%) ont comme motif de compromission le mauvais traitement psychologique; dans 648 de ces 834 cas, le mauvais traitement psychologique survient en concomitance avec un autre motif de compromission. Pour 6% de tous les signalements le motif de compromission retenu est le mauvais traitement psychologique uniquement. En somme, les mauvais traitements psychologiques font souvent partie d’un portrait regroupant de multiples formes de maltraitance dans les familles signalées aux services de la protection de la jeunesse et demeurent rarement le motif premier ou la cause unique de rétention d’un signalement.

Développement des enfants et mauvais traitements psychologiques

Les mauvais traitements psychologiques surviennent souvent dans des contextes familiaux où d’autres formes de violence ou de maltraitance sont aussi présentes (Clément, et al., 2005). Aussi, il est difficile d’isoler l’impact des mauvais traitements psychologiques sur l’adaptation psychosociale de l’enfant. Il reste que plusieurs problèmes ont été associés à un vécu de maltraitance psychologique.

Les recensions des écrits sur la question rapportent, dans la petite enfance et l’enfance, un développement de l’attachement problématique, une communication déficiente ou inexistante avec les proches, des difficultés académiques, des problèmes de comportement, de l’encoprésie et de l’énurésie qui peuvent amener le rejet des pairs, un déficit d’estime de soi et un sentiment d’inutilité. Un développement physiologique compromis est aussi possible; le développement du cerveau de l’enfant peut même en être affecté (Gagné, 2001; Iwaniec, 2006).

À l’adolescence, le passage à travers les enjeux liés au développement de l’identité et de l’indépendance, à l’acceptation sociale, au niveau d’activité sexuelle peuvent s’avérer plus difficiles si l’adolescent est victime de maltraitance psychologique. Quant à la santé mentale, elle semble être menacée par la maltraitance

psychologique, qui est associée à des sentiments dépressifs, un sentiment de désespoir et une estime de soi compromise. L’adolescent intérioriserait les paroles blessantes et démesurément critiques de ses parents et finirait par se les appliquer à lui-même. Les mauvais traitements psychologiques peuvent, d’autre part, mener à des difficultés dans les relations interpersonnelles. Des déficits apparaîtraient aussi au niveau scolaire, difficultés qui agiraient comme une menace supplémentaire à l’établissement de l’estime de soi. Les problèmes de comportement, en plus des difficultés à se faire des amis, l’isolement et l’évitement social, seraient aussi des résultats des mauvais traitements psychologiques subis. Ainsi, on retrouverait plus de jeunes qui font abus de drogues et d’alcool, plus de comportements délinquants et de grossesses non

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7 désirées chez les adolescents qui ont été victimes d’abus. En résumé, on retrouverait donc à la fois des problèmes d’intériorisation comme la dépression et d’extériorisation comme la délinquance chez les jeunes victimes de maltraitance psychologique (Gagné, 2001; Iwaniec, 2006).

Des recherches plus récentes appuient ces constats. Les mauvais traitements psychologiques vécus dans l’enfance semblent associés à une estime de soi, à une satisfaction de la vie et à une perception de soutien social plus basses (Festinger & Baker, 2009). Ils semblent nuire à l’établissement de schèmes relationnels et de relations saines (Crawford & O'Dougherty Wright, 2007) et ils sont associés à davantage de problèmes d’intériorisation et d’extériorisation, d’autant plus si plusieurs types de violence sont présents dans le contexte familial (Arata, Langhinrichsen-Rohling, Bowers, & O'Brien, 2007). Une analyse du contenu de 345 demandes d’aide acheminées à un service d’aide anonyme par des jeunes de 9 à 17 ans qui font face à des

manifestations de violence psychologique parentale (Gagné, Melançon, Pouliot-Lapointe, Lavoie, & Roy, 2010) a montré que la majorité des jeunes expriment un niveau de détresse modéré (54,5%), ou très élevée (32,9%). Les émotions les plus courantes nommées par ces jeunes en lien avec le contexte de maltraitance psychologique sont la lassitude et l’accablement, les sentiments dépressifs, la peur, l’impression d’être démuni et impuissant, et un sentiment de souffrance généralisée.

En bref, bien que les définitions des mauvais traitements psychologiques fassent encore l’objet de

discussions, les chercheurs s’entendent à l’effet que leur présence est associée à des difficultés importantes chez les enfants qui en sont victimes. Ils se présentent fréquemment au sein des familles, sous diverses manifestations. Il est primordial de poursuivre l’identification de ces manifestations afin d’offrir des bases solides à la prévention et à l’intervention dans ce domaine.

Conflit de couple et de séparation : Mise en contexte

La présence de divergences d’opinions ou de sentiments survient inévitablement au sein d’un couple, amenant ponctuellement des conflits. Ceux-ci ne sont toutefois pas nécessairement malsains. Dans son ouvrage intitulé « La survie du couple », Wright (1990) présente son « art du combat loyal » comme une manière saine d’être en conflit au sein d’un couple. De fait, ce sont les conflits hostiles, intenses et qui demeurent non résolus qui ont l’impact le plus négatif sur l’enfant (Saint-Jacques & Drapeau, 2009). Une étude de Buehler, Krishnakumar, Stone, Anthony, Pemberton, Gerard, et al. (1998), menée auprès de 337 jeunes de 10 à 15 ans, dont les parents sont séparés ou non, révèle que les conflits voilés, qui se manifestent notamment par la triangulation de l’enfant, sont aussi préjudiciables.

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Le conflit conjugal et la séparation conjugale sont deux problématiques très liées mais pourtant différentes; il est possible de vivre des conflits sérieux sans être séparé et de se séparer sans qu’il y ait de conflit important. Dans les cas où les parents sont séparés, les recherches montrent clairement que les conflits entre les ex-conjoints et l’absence de coopération parentale comptent parmi les plus puissants facteurs de prédiction des difficultés d’adaptation des jeunes à la séparation de leurs parents (Saint-Jacques & Drapeau, 2009).

Conflits de couple, séparation et adaptation de l’enfant

En ce qui a trait au conflit parental en contexte de séparation, selon une recension de littérature de

Hetherington, Bridges, et Insabella (1998) sur l’adaptation des enfants au divorce de leurs parents, les conflits entre parents précédant et suivant le divorce semblent être liés chez leurs enfants à la présence de

dépression, à des compétences sociales et à des performances académiques défaillantes ainsi qu’à des troubles de la conduite. Selon deux autres recensions plus récentes (Drapeau, Gagné, & Hénault, 2004; Lansford, 2009), lors d’un divorce, la séparation conjugale et les conflits pré-séparation contribuent tous deux de manière indépendante aux difficultés d’adaptation chez les jeunes. L’impact de la séparation et celui du conflit s’additionnent. Aussi, il est préférable pour un enfant de demeurer dans une famille unie conflictuelle que dans une famille désunie où le conflit perdure. Si la séparation n’apporte pas de solution aux conflits, les enfants qui la subissent présentent plus de difficultés d’adaptation que ceux des familles intactes

conflictuelles. De plus, il semblerait que les conflits qui perdurent après la séparation sont particulièrement préjudiciables pour l’enfant puisque ce dernier peut se retrouver plus directement impliqué dans les conflits. Il en devient l’un des enjeux cruciaux car il est l’un des seuls liens qui demeurent entre les ex-conjoints. De fait, les enfants semblent bénéficier de la fin d’une union très conflictuelle dans la mesure où les conflits ne perdurent pas après la rupture. D’un autre côté, les enfants souffrent de la séparation lorsque le niveau de conflit pré-séparation est peu élevé. Les enfants vivant dans des foyers hautement conflictuels ressentent un soulagement lors de la séparation car ils sont alors moins exposés aux conflits, alors que les enfants peu exposés à des conflits perçoivent la transition familiale comme un événement imprévu, négatif et incontrôlable.

Le niveau de conflit présent dans le couple prédirait mieux l’adaptation de l’enfant que la séparation en soi (Drapeau, Gagné, Saint-Jacques, Lépine, & Ivers, 2009; Lansford, 2009). Ainsi, dans une étude menée auprès de 275 parents impliqués dans des conflits de garde, Trinder, Kellet et Swift (2008) retrouvent le meilleur niveau d’adaptation chez les enfants dont le parent rapporte avoir le moins de tension avec l’autre parent et le moins de questionnement au sujet des capacités parentales de l’autre parent. Par contre, une adaptation plus difficile est rapportée, particulièrement chez les garçons, lorsque les parents sont impliqués dans des disputes légales concernant la garde suivant la séparation ou un divorce.

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9 Le portrait des familles québécoises a beaucoup changé au cours des dernières décennies, laissant place à une augmentation du taux de séparation et de divorce, et donc à une possibilité accrue de conflit post-séparation. Voyons, dans la section suivante, comment la situation se présente.

Taux de séparation et de divorce

Selon des données québécoises :

Les familles ont changé de façon marquée comparativement à 1984. Les familles biparentales intactes, qui représentaient alors 79% de l’ensemble de la population, ne forment plus que 67% des familles avec enfants en 2001. Le pourcentage de familles recomposées est passé de 5 à 11% entre 1984 et 1990 et s’est stabilisé par la suite. Le recul des familles intactes s’est surtout effectué au profit des familles monoparentales, dont le pourcentage a crû de 16% à 23%. (Le Bourdais et Lapierre-Adamyck, 2005, p.73)

Ces auteures précisent aussi que les familles en union libre (6% des familles avec enfants en 1984 et 25% en 2001) ont remplacé les familles de couples mariés (78% des familles avant 1984, 52% en 2001). De plus, en 2005, presque 60% des naissances se produisent hors mariage. L’instabilité conjugale est deux fois plus élevée chez les couples vivant en union libre que chez les couples qui se sont mariés. En résumé, le portrait de la famille québécoise s’est beaucoup modifié au cours des dernières décennies, laissant place, entre autres, à une forte augmentation du nombre de séparations et de recompositions familiales.

La séparation et le conflit en contexte de protection de la

jeunesse

La clientèle des services de protection de la jeunesse est particulièrement affectée par la séparation conjugale. Selon une étude de Saint-Jacques, Cloutier, Pauzé, Simard, Gagné et Poulin (2006) menée auprès de 741 enfants qui reçoivent des services de protection de la jeunesse, de 20 à 30 % de ces enfants viennent de familles recomposées et 75% viennent de familles dont les parents sont séparés. Les unions conjugales tendent à être instables dans les familles recomposées qui reçoivent des services de la protection de la jeunesse. Les enfants de ces familles vivent souvent des transitions multiples, avec plusieurs épisodes de recomposition familiale. En plus de l'accumulation de facteurs de stress associée aux transitions familiales, ces jeunes sont donc confrontés à une plus grande instabilité familiale que dans la population normale. L’échantillon à l’étude provient d’une population de nature clinique. Il faudra en tenir compte dans l’interprétation des résultats.

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Trajectoires conflictuelles post-séparation

Une étude de Gagné, Drapeau, Melançon, Saint-Jacques et Lépine (2007) menée auprès de 143 dyades parent-enfant de familles biparentales et séparées, révèle que les enfants de familles séparées rapportent des conflits parentaux plus sévères, plus de triangulation dans les conflits et des alliances plus intenses avec un des parents comparé à des familles biparentales intactes. De fait, bien que les conflits surviennent dans les familles biparentales intactes, séparées ou recomposées, des études canadiennes, états-uniennes et australiennes suggèrent la présence élevée de conflits dans 20 à 35% des séparations pour les 2 à 3 premières années suivant un divorce, pourcentage qui diminue ensuite progressivement (Drapeau, 2009). Une étude longitudinale questionne 123 enfants de 8 à 11 ans et leurs parents, séparés, quant à la perception qu’ils ont du conflit parental (Drapeau, et al., 2009). Cette étude identifie quatre trajectoires conflictuelles dans les familles séparées. La première trajectoire, recensée dans le quart des situations familiales, montre un niveau relativement élevé de conflits pendant la séparation, puis un déclin graduel du conflit dans les

premières années suivant la séparation. Une autre trajectoire, représentée par le quart des parents, montre un niveau bas de conflit pendant la séparation, ce niveau demeurant bas par la suite. Selon les auteures, cette trajectoire impliquerait le risque le plus bas pour les enfants, ceux-ci n’étant exposés à aucun conflit post-séparation. Les résultats montrent aussi que certains parents ont maintenu un haut niveau de conflit qui a perduré pendant plusieurs années suivant le conflit. Cette trajectoire représente le tiers de l’échantillon et constituerait un risque élevé pour les enfants parce qu’ils continuent à être chroniquement exposés au conflit parental. Une dernière trajectoire, représentée par 10% de l’échantillon initial, est formée de parents chez qui le niveau de conflits suivant la première année de séparation est bas, mais remonte par la suite. Dans cette étude, trois variables semblent caractéristiques des conflits qui durent, voire qui s’intensifient dans le temps : un faible revenu familial, la perception, par les parents, qu’un faible degré d’entente était présent pendant la séparation, ainsi que des problèmes relationnels de l’enfant avec la mère.

Circonscrire le lien entre mauvais traitements psychologiques et

conflits parentaux

La définition des mauvais traitements psychologiques inscrite dans la LPJ indique que l’enfant subit des comportements de nature à lui causer un préjudice (Québec, 2010). Tel qu’indiqué plus haut, les conflits intenses et ceux qui perdurent dans le temps sont les plus susceptible d’amener un impact négatif sur le développement psychologique et social de l’enfant. La présence de certains autres facteurs pourrait aussi augmenter les risques d’impact du conflit parental sur le développement de l’enfant. Ces facteurs, présentés ci-dessous, sont la coparentalité, la triangulation et le conflit de loyauté, l’aliénation parentale ainsi que la violence familiale et conjugale.

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Coparentalité

Un des mécanismes explicatifs de l’influence des conflits entre les conjoints sur l’adaptation des enfants implique que les problèmes relationnels entre les ex-conjoints ont le potentiel de modifier les autres sous-systèmes relationnels de la famille. Par une sorte d’effets en cascade, les conflits entre les conjoints nuisent à la qualité des relations parents-enfants et à l’exercice de la coparentalité, et ce sont ces processus plus proximaux qui agissent sur l’adaptation de l’enfant (Cox, Paley, & Harter, 2001; Doyle & Markiewicz, 2005). Le concept de coparentalité fait référence à la façon dont les parents, ou figures parentales, sont en rapport l’un avec l’autre dans leur rôle de parent. Plus précisément, il concerne le soutien et la coordination que les parents manifestent en matière d’éducation (McHale & Irace, 2011). L’exercice de la coparentalité est une tâche complexe, d’autant plus dans une situation de séparation conjugale. Dans les études sur la question, les auteurs présentent trois types de relations coparentales consécutives à la séparation (Baum, 2003;

Hetherington & Kelly, 2002; Maccoby, Depner, & Mnookin, 1990). Un type « coopératif », lequel décrit les parents qui communiquent fréquemment entre eux à propos de l’enfant et qui se disputent rarement. Un second type, dit « désengagé » ou « parallèle », implique des parents qui sont désengagés l’un envers l’autre, ce qui les amène à communiquer très peu entre eux. Le risque majeur associé à ce second type est une absence de coordination entre les maisonnées. Un troisième type, dit « conflictuel », est caractérisé par des parents qui gardent le contact, mais d’une manière hostile. Dans ce troisième type, les conflits à propos des enfants sont importants, les parents contestent mutuellement leurs compétences, sapent leur autorité respective et sabotent les contacts de l’enfant avec l’autre parent. Ce troisième type est celui qui représente les risques les plus élevés pour l’enfant sur le plan adaptatif. Ce type de coparentalité caractérise

probablement plusieurs des familles qui font l’objet d’une évaluation en protection de la jeunesse à cause de graves conflits conjugaux. En effet, selon les auteures, les études montrent que les conflits entre les ex-conjoints rendent plus difficile l’exercice de la coparentalité. Réciproquement, la reconnaissance mutuelle des compétences parentales de l’autre et de son rôle primordial dans la vie des enfants entraînerait une diminution des conflits entre les conjoints. La notion de coparentalité sera mise à profit lors de la description des

dynamiques familiales de notre échantillon.

Triangulation et conflit de loyauté

Un autre facteur qui pourrait amener un conflit parental à être plus nocif qu’un autre pour l’enfant est le niveau d’implication de l’enfant dans le conflit. Selon Drapeau et ses collaboratrices : « Trianguler consiste à demander à l’enfant de prendre parti, d’espionner l’autre parent, de faire le messager à propos de sujets délicats et à dénigrer l’autre parent en présence de l’enfant sans que l’autre parent soit présent » (Drapeau, et al., 2004, p. 181).

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Ce phénomène pourrait contribuer au sentiment qu’a l’enfant d’être pris entre ses parents, à son sentiment d’être en conflit de loyauté. De Becker (2011), clinicien dans un service belgede psychiatrie infantile et juvénile,dans une recension des écrits et une réflexion clinique sur le conflit de loyauté, cite les nombreux impacts sur le développement des capacités relationnelles que peut avoir sur l’enfant le fait d’être plongé au cœur d’un conflit de loyauté. Il retient la définition suivante du conflit de loyauté:

D’une façon générale, le conflit de loyauté peut se définir comme un conflitintrapsychique dont l’origine est liée à l’impossibilité de choisir entre deux solutions possibles, choix qui engage le niveau des affects envers des personnes fondamentalesen termes d’attachement, à savoir chacun des parents. L’enfant ne peut gérer sereinement cet état, une situation rapidement insoutenable conduisant au désarroi puisque, dans l’absolu, père et mère lui sont chers (de Becker, 2011, p. 340).

Dans une étude effectuée auprès de 632 jeunes adultes, Amato et Afifi (2006) démontrent que les enfants de parents mariés vivant de hauts niveaux de conflits sont plus à risque de vivre un conflit de loyauté que les adolescents vivant dans des familles où des bas niveaux de conflits sont présents. Ce haut niveau de conflits est associé à un bien-être subjectif plus bas et à une plus faible qualité de la relation parent-enfant. Les auteurs notent que le conflit de loyauté décroît généralement dans la décennie suivant une séparation alors qu’il persiste même à l’âge adulte chez les enfants de familles biparentales très conflictuelles. La triangulation et le conflit de loyauté pourraient constituer des variables médiatrices ou modératrices de l’impact du conflit parental sur le développement de l’enfant. Aussi, lors de l’analyse, une attention particulière sera portée à l’identification de ces variables et à la façon dont elles se présentent dans les situations familiales.

Aliénation Parentale

Le « syndrome d’aliénation parentale » peut être décrit comme suit :

Un trouble qui survient presqu’exclusivement dans le contexte de disputes pour la garde légale des enfants. C’est un trouble dans lequel l’enfant, programmé par le parent dit « aimé », s’enrôle dans une campagne de dénigrement du parent dit « rejeté». L’enfant démontre peu sinon aucune ambivalence quant au rejet, qui s’étend souvent à la famille élargie du parent méprisé. (Gardner, 1998, pp. 1-2, traduction libre)

La définition avancée ici par Gardner, son idée de définir l’aliénation parentale comme un syndrome et l’idée, défendue par certains, de l’inclure dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) donne lieu à une polémique; plusieurs auteurs croient qu’il serait plus juste de faire d’une telle problématique une description systémique et contextualisée (Kelly & Johnston, 2001). Le fait de rejeter un parent ou de faire alliance avec l’autre serait lié à beaucoup de facteurs différents et complémentaires (Gagné, Drapeau, &

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13 Hénault, 2005). Décrire l’aliénation parentale comme un syndrome ne permettrait pas d’envisager tout le contexte d’apparition de comportements d’alliance ou de rejet.

Kelly et Johnston proposent une définition qui exclut le comportement ―programmateur‖ du parent et met l’accent uniquement sur le comportement aliéné de l’enfant:

Un enfant aliéné en serait un qui exprimerait, librement et de façon persistante, des émotions et des croyances déraisonnablement négatives à l’encontre d’un parent. Ces croyances sont significativement disproportionnées par rapport à l’expérience réelle qu’a l’enfant avec ce parent (Kelly & Johnston, 2001, p. 251, traduction libre).

Pour éviter le conflit de loyauté ou pour mettre en place un support mutuel suite à la séparation, il arrive en effet qu’un enfant forme alliance avec un de ses parents (Kelly & Johnston, 2001). De telles alliances peuvent être transitoires et réversibles, mais d’autres sont très fortes et entraînent le rejet de l’autre parent. Dans de tels cas, la relation entre un enfant et le parent rejeté peut en souffrir et l’enfant est alors privé d’un pilier développemental important. Dans un essai sur l’aliénation parentale inspiré de leur expérience clinique, Hayez et Kinoo (2005), deux psychiatres, font l’inventaire des motivations pouvant amener un enfant à faire alliance avec un parent ou à rejeter l’autre parent : à un extrême, les auteurs positionnent le parent rejeté comme étant le « repoussoir » de l’enfant; c’est lui qui, par les conduites précédant ou suivant la séparation, amène le rejet de l’enfant. Ainsi, ce parent peut avoir eu des comportements violents envers l’autre parent, avoir été très peu investi dans la relation avec l’enfant précédant la séparation, ou avoir commencé une nouvelle relation avec un partenaire qui rejette l’enfant, subtilement ou non. Les enfants peuvent s’être sentis trahis si ce parent est parti subitement avec un nouveau partenaire, ou même vivre des abus physiques, sexuels ou émotionnels de la part de ce parent ou de son entourage.

À l’autre extrême, les auteurs positionnent le parent aimé comme instigateur du rejet de l’autre parent par l’enfant. Le parent aimé a ainsi, dans le but d’influencer l’enfant ou non, subtilement ou non, un discours dénigrant à l’endroit de l’autre parent. Le parent gardien est ainsi aliénant de deux façons, en aliénant l’autre parent, en le rendant étranger à l’enfant, mais aussi en aliénant l’enfant à lui-même, en détruisant ou en manipulant l’image que l’enfant a de son autre parent. C’est à cet extrême, pas si fréquent selon les auteurs, que se situe le « syndrôme d’aliénation parentale ». Dans d’autres cas assez rares l’enfant serait le seul responsable du refus de contact avec un des parents. Les auteurs expliquent ce refus, chez les enfants très jeunes, par le fait que l’autre parent soit devenu étranger, par l’existence d’un conflit de loyauté lié à la séparation seule et non au comportement des parents, ou par des visites précédentes qui n’ont pas bien fonctionné, ce qui amène une première expérience de visite négative, qui fera anticiper avec angoisse les visites subséquentes. Les auteurs précisent que, dans la plupart des cas où il y a alliance, les causes sont

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14

multiples et complexes plutôt qu’uniques; la transmission de l’image négative de l’autre parent peut se faire de façon plus ou moins consciente, le parent peut être particulièrement méfiant envers l’autre parent, le conflit peut être très fort et les enjeux de pouvoir très importants, pouvant ainsi influencer indirectement l’enfant. L’enfant peut donc rejeter un de ses parents pour une variété de motifs réalistes et raisonnables; il faut donc bien distinguer ces situations des cas réels d’aliénation (Hayez & Kinoo, 2005; Kelly & Johnston, 2001). Pour ce faire, Kelly et Johnston (2001) mettent de l’avant un continuum représentant le niveau d’intensité de la réaction de l’enfant au conflit, en termes de maintien d’une relation positive avec les deux parents ou d’affinité, d’alliance, de détachement ou d’aliénation envers l’un d’eux (annexe B). Dans la recherche actuelle, une attention particulière sera portée à la relation de l’enfant avec chacun de ses parents ainsi qu’aux variables pouvant influencer cet aspect.

Violence conjugale

La présence de violence conjugale pourrait être un facteur qui augmente le risque d’impact sur le

développement de l’enfant. Buehler et ses collègues (1998) ont démontré que les types de conflits parentaux empreints d’une hostilité manifeste (attaques verbales et physiques et comportements tels que gifles, des cris, du mépris et de la dérision) seraient fortement associés à des problèmes de comportements extériorisés et intériorisés chez les enfants. Il faut distinguer la notion de conflit de couple et celle de violence conjugale ou familiale, bien que ces problématiques soient souvent associées. En effet, la violence familiale et conjugale peut être ou non présente dans les situations de conflit. À cet effet, notons que le système de la protection de la jeunesse fait référence à des comportements différents en ce qui a trait à l’exposition à des conflits et à l’exposition à de la violence conjugale et familiale (voir annexe A).

Dans une recension des écrits, Straka et Montminy (2008) mettent en lumière deux types de violence dans les relations conjugales. Le premier type implique de l’abus, du terrorisme. Des enjeux de pouvoir et de contrôle sont présents. Selon ces auteures, la violence y est à peu près toujours initiée par l’homme; la femme use rarement de violence physique et lorsqu’elle le fait c’est généralement pour se défendre. Un autre type de violence ressort, celui où la violence est plutôt utilisée de part et d’autre de façon ponctuelle, à bout

d’arguments, lorsqu’un conflit dégénère. Il y a distinction entre « abus » et « violence commune »; les termes « abus » et « abuseur » désignent une relation dans laquelle sont présents les enjeux de pouvoir et de contrôle, alors qu’ils sont absents dans les situations de « violence commune ».

Il est probable que, dans les faits, les enjeux de pouvoir et de contrôle soient présents à différents degrés, dans diverses situations et qu’ils soient présents chez les partenaires des deux sexes. Il est possible aussi que le conflit subisse une escalade et que de la violence « commune » puisse se transformer en abus. La

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15 distinction entre « abus » et « violence commune » proposée par Straka et Montminy (2008) inspire, dans la présente étude, une prise en compte des enjeux de pouvoir et de contrôle dans les familles où il y a signalement pour maltraitance psychologique caractérisée par des conflits entre les parents.

Concernant les problématiques de violence conjugale, un modèle d’implication paternelle post-séparation différent est rapporté dans les situations d’abus ou et de violence « commune ». Ainsi, les pères qui ont abusé de la mère avant la séparation resteraient plus impliqués et utiliseraient leurs liens avec leurs enfants pour continuer d’exercer un contrôle sur leur ex-conjointe, alors que les pères des couples où a lieu une violence non liée aux enjeux de contrôle, auraient plutôt tendance à se désengager vis-à-vis des enfants (Hardesty & Ganong, 2006). En contexte d’abus, on rapporte une augmentation du risque de comportements violents entre conjoints suivant la séparation (Hotton, 2001). Dans une recherche qualitative menée auprès de 25 mères divorcées ayant vécu de la violence conjugale, Hardesty et al. (2008) identifient un lien entre la capacité des parents à exercer une coparentalité en lien avec les besoins des enfants et la présence ou non de

comportements d’abus avant la séparation.

En résumé, le conflit de couple et le conflit de séparation sont des problématiques qui surviennent souvent en contexte familial et leur prévalence tend à augmenter avec le taux de séparation et de recomposition familiale. Les conflits parentaux chroniques et la séparation conjugale auraient des impacts importants sur le

développement de l’enfant. Les conflits parentaux sévères et chroniques pourraient constituer, en soi, une forme de mauvais traitement psychologique, à cause de leur impact sur le développement de l’enfant. La présence d’une coparentalité de type parallèle ou hostile, de triangulation, d’un conflit de loyauté, d’aliénation parentale, de violence conjugale ou d’une combinaison de ces facteurs sont des éléments qui pourraient amplifier ou causer directement l’impact des conflits parentaux sur le développement de l’enfant. Les situations familiales qui font l’objet de la présente étude seront examinées à la lumière de ces différents facteurs.

Perspective théorique : l’approche systémique

Le présent projet de recherche propose une description qualitative des situations familiales dans lesquelles les conflits de couple ont été considérés par le système de protection de la jeunesse comme des mauvais traitements psychologiques envers les enfants. Les mauvais traitements psychologiques et les conflits conjugaux sont des problématiques familiales comptant de multiples acteurs et des interactions complexes. La perspective systémique permet d’envisager les dynamiques familiales dans toute leur complexité. Cette perspective exige qu’on s’intéresse aux interactions plus qu’aux comportements individuels. En effet, selon Minuchin (1985), d’un point de vue systémique, l’individu est en interdépendance avec le système dont il fait partie; il contribue à ce système qui, à son tour, influence son comportement. Cet auteur pose les trois

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principes de base du modèle systémique: (1) Chaque système forme un tout organisé dont les éléments sont nécessairement interdépendants; (2) Les patrons constituant un système sont circulaires plutôt que linéaires, c’est à dire que les modèles causals ne sont pas linéaires (A cause B) mais prendraient plutôt la forme d’un cercle ou d’une spirale (A et B s’inter influencent); (3) Les systèmes ont des caractéristiques homéostatiques qui les amènent à demeurer stables, formant ainsi des patrons de comportements répétitifs. L’analyse et l’interprétation des données recueillies dans la présente étude a été faite à la lumière de ces principes.

Question et objectifs de recherche

Question de recherche

La présente recherche permet de répondre à la question suivante : comment se présentent les situations familiales qui sont évaluées en contexte de protection de la jeunesse et pour lesquelles l’évaluation psychosociale fait ressortir la présence de conflits de couple ou de séparation qui sont qualifiés de mauvais traitements psychologiques envers le ou les enfant(s)?

Objectifs spécifiques

1. Décrire les situations familiales en fonction des dimensions suivantes: 1) les difficultés sociales ou personnelles des parents; 2) l’exercice de la coparentalité; 3) la présence de violence pendant la vie conjugale; 4) la présence de triangulation et de conflit de loyauté chez les enfants; 5) l’impact de la situation conflictuelle sur les enfants, en termes de préjudice à leur développement psychologique, social et affectif et du maintien de leur relation avec leurs parents.

2. Identifier des profils de cooccurrence entre ces différentes dimensions du fonctionnement familial, de manière à présenter un portrait plus intégré de ces familles.

3. Documenter, dans ces situations familiales, la présence de facteurs découlant du conflit et associés, dans la littérature, à la compromission du développement social et psychologique de l’enfant.

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17

Chapitre 2

Méthodologie

Contexte

Les données qui sont utilisées dans le présent mémoire ont été recueillies en 2009-2010 dans le cadre du projet de recherche : « Exploration de deux laboratoires naturels pour étudier l’aliénation parentale », dirigé par Marie-Hélène Gagné. Le but initial de l’étude de Gagné et de ses collègues était d’explorer les situations de maltraitance psychologique caractérisées par des conflits familiaux en contexte de centre jeunesse afin de vérifier s’il s’agit d’un terrain propice à l’étude de l’aliénation parentale. Sur une période de 7 mois, 51 situations familiales ont été recensées et documentées. Ces situations ont été évaluées par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) et on y a décelé la présence de mauvais traitements psychologiques caractérisés par des conflits de couple ou par des conflits entre les personnes qui ont la garde des enfants. L’échantillon du présent mémoire est issu de ces 51 situations.

Le devis utilisé dans ce mémoire est un devis qualitatif. Il mettra aussi à profit certaines données quantitatives de type descriptives. Le bassin dans lequel l’échantillon a été sélectionné est constitué de tous les cas évalués par la DPJ dans la région de Québec entre le 1er octobre 2009 et le 1er mars 2010, desquels l’évaluation a confirmé la présence de conflits parentaux. Cela correspond à 56 situations familiales différentes, dont cinq ont été exclues; 3 situations familiales ont été exclues parce qu’elles ne correspondaient pas aux critères de l’étude, 2 l’ont été parce que l’intervenant ayant fait l’évaluation n’était plus à l’emploi du Centre jeunesse de Québec-institut universitaire (CJQ-IU) et que personne d’autre n’était en mesure de fournir de l’information détaillée sur le dossier. Il s’agit donc de 51 situations familiales dans lesquelles les enfants ont été exposés à des conflits parentaux importants, tel qu’évalué par la DPJ suite au signalement d’au moins un enfant de la famille. À l’issue de son évaluation, l’intervenant a jugé que les faits étaient fondés et les a qualifiés de « mauvais traitements psychologiques » en vertu de l’article 38 c de la Loi de la protection de la jeunesse.

Échantillon

Sélection de l’échantillon

Pour la présente étude qualitative, 23 situations familiales ont été sélectionnées sur les 51 recensées. Les critères d’inclusion étaient, premièrement, de présenter plusieurs indicateurs de conflit élevé (11 familles). Ces 11 situations ont été sélectionnées par un jury formé de la chercheure principale, de la directrice de recherche et d’une assistante de recherche. Ces situations présentaient de hauts niveaux de conflits entre les parents, des niveaux élevés de triangulation et une probabilité élevée que les relations parent-enfants soient affectées

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par le conflit. Afin de répondre au critère de diversification, 12 autres situations ont été sélectionnées aléatoirement dans le bassin de données à l’aide du logiciel « List Randomizer » (Haahr, 1998). La

diversification est présentée comme le critère majeur de sélection en ce qui touche les échantillons qualitatifs par cas multiples (Glaser & Strauss, 1967). En effet, selon Pirès (1997), ces recherches sont souvent appelées à donner le panorama le plus complet possible des problèmes ou situations, une vision d'ensemble ou encore un portrait global d'une question de recherche. D'où l'idée de diversifier les cas de manière à inclure la plus grande variété possible, indépendamment de leur fréquence statistique. Dans la présente recherche, le fait de recueillir à la fois des données issues de situations familiales regroupant plusieurs indicateurs de conflit élevé et des données issues d’un processus de sélection aléatoire a permis de varier la gamme possible de situations conflictuelles décrites.

Description de l’échantillon

Les 23 familles du corpus de données comptent entre 1 et 5 enfants par famille, M = 1,8, ÉT=1,1. En tout, ces 23 familles comptent 40 enfants signalés, 20 garçons et 20 filles, âgés entre 1 et 15 ans au moment du signalement, M = 6,85 ans, ÉT = 4,07 ans. Les parents sont séparés dans 19 des 23 familles. La majorité des familles sont recomposées (tableau1). Le temps écoulé depuis la rupture des parents va de quelques

semaines à plus de 10 ans (tableau 2). Dans la grande majorité des familles où les parents sont séparés, c’est la mère qui assume la garde de l’enfant au quotidien ou, s’il est placé, qui assumerait la garde au quotidien (14 situations, 60,9% des familles) (tableau 3).

Les enfants signalés avaient entre 0 et 13 ans au moment de leur premier signalement à la DPJ, M = 4,6 ans, ÉT = 3,8 ans. Le nombre de signalements à la DPJ, retenus ou non, pour chacun des jeunes se situe entre 1 et huit, avec deux cas qui vont jusqu’à 14 et 15 signalements. Le nombre de signalements moyen est de M=4,35, ÉT=3,08. Pour chacun des signalements, plus d’un motif peut être invoqué pour retenir le signalement. Au dernier signalement retenu, c’est dans 5 situations familiales seulement que le mauvais traitement psychologique caractérisé par des conflits entre les parents constitue le seul motif de signalement retenu après l’évaluation de la DPJ. En plus du mauvais traitement psychologique, qui est présent dans toutes les situations, le second motif de signalement le plus retenu est le risque sérieux de négligence (présent dans 43,5% des familles). La négligence sur le plan éducatif vient au 3e rang des motifs de signalement (30,4%). Les troubles du comportement (8,7%), les risques sérieux d’abus sexuel (4,3%), les abus physiques (4,3%) et les risques sérieux d’abus physiques (4,3%) constituent les autres motifs de signalement invoqués dans l’ensemble des 23 situations familiales (tableau 4).

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Tableau 1: Unions antérieures et recomposition familiale

Situation Fréquence

(n=23 familles, 46 parents)

Pourcentage

Union(s) antérieure(s) précédent la formation du couple parental à l’étude

Union antérieure sans enfants Mère seulement :1 4, 35

Union antérieure avec enfants Mères seulement : 2 Père et mère :1

8, 70 4, 35 Unions antérieures, total des situations familiales 4 situations familiales 17,39

Recomposition familiale après la rupture du couple à l’étude

Recomposition familiale sans enfants issus de la nouvelle union ni du nouveau conjoint Mère seulement : 2 Père seulement : 3 Père et mère : 7 8, 70 13,04 30, 43 Recomposition familiale avec enfants issus de cette recomposition

et/ou du nouveau conjoint

Mère seulement : 2 Père et mère : 2

8,70 8,70

(30)

20

Tableau 2:Temps écoulé depuis la rupture

Situation Fréquence Pourcentage

Pas de rupture 4 familles 17,4

0 à 6 mois 5 familles 21,7 1 à 2 ans 2 familles 8,7 2 à 3 ans 2 familles 8,7 3 à 4 ans 2 familles 8,7 5 à 6 ans 2 familles 8,7 7 à 8 ans 2 familles 8,7

10 ans et plus 4 familles 17,4

Tableau 3: Personne qui assume la garde de l'enfant au quotidien ou, si l'enfant est placé, qui en assumerait la garde au quotidien

Parent gardien Fréquence Pourcentage

N/A (parents vivent ensemble) 4 17,4

Père 4 17,4

Mère 14 60,9

Parents (garde partagée) 1 4,3

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Tableau 4: répartition des motifs de signalement retenus pour l'ensemble de tous les signalements recensés dans les 23 situations familiales

Article Nb de familles chez qui le motif de signalement est présent

% de familles

Mauvais traitements psychologiques 23 100%

Risque sérieux de négligence 10 43, 5%

Négligence sur le plan éducatif 7 30, 4%

Troubles de comportement 2 8,7%

Risque sérieux d'abus sexuel 1 4,3%

Abus physique 1 4,3%

Risque d'abus physique 1 4,3%

Total 100

Parmi les 40 enfants, 8 ont vécu au moins une application de mesure de protection de la jeunesse suite à une entente volontaire ou à une judiciarisation du dossier par la protection de la jeunesse. Le nombre d’application des mesures pour ces 8 enfants va de 1 à 3, M=1,8. La plupart des 40 enfants n’ont jamais été pris en charge par le système de protection de la jeunesse.

Les difficultés affichées par les enfants de l’échantillon regroupent une variété relativement hétérogène de comportements internalisés (8 familles) et externalisés (10 familles), de difficultés scolaires (7 familles), de difficultés d’attention (5 familles), de défauts de langage (3 familles) ou de comportements pseudo-matures (3 familles). De plus, plusieurs familles de l’échantillon sont affectées par un cumul de difficultés chez les enfants. Il reste que dans 7 familles sur 23, aucune difficulté psychologique, cognitive ou sociale n’est identifiée chez les enfants par l’intervenant qui a procédé à l’évaluation du signalement retenu.

Au cours de leur évaluation, les intervenants évaluent systématiquement les capacités parentales. Ils rapportent les résultats de leur évaluation en entrevue. Le tableau suivant (tableau 5) décrit la répartition des capacités parentales au sein des couples parentaux. Les mères sont présentées sur l’axe horizontal en fonction qu’elles ont été décrites comme ayant, ou non, des capacités parentales complètement adéquates par l’intervenant à l’évaluation, en dehors des capacités liées à la relation entre les conjoints. Toutes les situations où un certain niveau de négligence, de difficulté d’encadrement, d’imprévisibilité ou de violence était présent de la part du parent envers l’enfant ont été classées dans « non adéquat ». Les pères sont présentés sur l’axe vertical en fonction de ces mêmes caractéristiques. Une des situations n’est pas représentée dans ce tableau car le père est complètement absent de la situation. La zone grisée du tableau indique que, dans

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l’échantillon à l’étude, 5 familles seulement sont exemptes de difficultés quant aux capacités parentales des deux parents.

Tableau 5: Répartition des capacités parentales au sein des couples parentaux

Mère adéquate Mère non adéquate

Père adéquat ***** *******

Père non adéquat **** ******

Note : dans ce tableau, chaque astérisque représente un couple parental

Pour les 23 situations familiales, des données qualitatives ont été recueillies auprès de 20 intervenants, certains intervenants ayant répondu pour plus d’une famille. Le tableau 6 résume les caractéristiques de ces intervenants. Ceux-ci sont âgés entre 23 et 59 ans, M = 33,65 ans, ÉT = 9,72 ans, et 85% sont des femmes, ce qui est représentatif de la proportion d’homme et de femmes dans ce service. La majorité des intervenants (70%) sont formés en service/travail social et tous détiennent un diplôme universitaire, la plupart du temps de 1er cycle (75%). Le niveau d’expérience en intervention psychosociale varie considérablement à l’intérieur de ce groupe d’intervenant(e)s. Ils ont entre 1 et 34 ans d’expérience, pour une moyenne de 11,50 ans et un écart type de 8,51 ans.

Tableau 6: Caractéristiques des intervenants

Nombre d’intervenants Proportion (%) Sexe

Féminin 17 85

Masculin 3 15

Formation (diplôme obtenu)

Service social ou travail social 14 70

Psychoéducation 2 10

Autre 6 30

Niveau de scolarité

Universitaire, 1er cycle 15 75

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23 Lors du processus d’évaluation, les mères des 23 situations familiales sélectionnées ont toutes été

contactées par les intervenants. Le père de l’enfant et l’enfant lui-même ont presque systématiquement été contactés. Les données détaillées relatives au processus d’évaluation appliqué par ces intervenants sont présentées au tableau 7.

Tableau 7: Description du processus d'évaluation (n=23)

Personnes contactées Fréquence en

personne Proportion (%) Fréquence par téléphone Proportion (%) L'enfant signalé 22 95, 65 8 34, 78 La mère de l'enfant 23 100 13 56, 52 Le père de l'enfant 21 91, 30 12 52, 17

La nouvelle conjointe du père 7 30, 43 3 13, 04

Le nouveau conjoint de la mère 3 13, 04 1 4, 35

La fratrie ou la demie-fratrie 10 43, 48 3 13, 04

Un tiers (membre de la parenté, voisin, ami de la

famille...) 5 21, 74 8 34, 78

Autres intervenants (CLSC, école, médecin…) 10 43,48 16 69, 57

L'enfant signalé 22 95, 65 8 34, 78

La mère de l'enfant 23 100 13 56, 52

Format de la rencontre avec les parents Fréquence Proportion (%)

Parents rencontrés ensemble 10 43,48

Parents rencontrés séparément 13 56,52

Outil/Source d'information

SSP 22 95, 65

Dossier PJ antérieur 14 60, 87

Dossier scolaire 11 47, 83

Dossier médical de l’enfant 6 26, 09

Dossier médical des parents 7 30, 43

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Source de données

Entrevues

Des entrevues individuelles semi-structurées ont été menées avec les intervenants qui travaillent à l’étape « évaluation-orientation » au CJQ-IU et qui ont réalisé les évaluations des familles composant la population à l’étude. Ces entrevues ont été réalisées à l’aide d’un questionnaire comportant 16 questions ouvertes (annexe C). Le questionnaire a été conçu par Marie-Hélène Gagné et son équipe. Les différents thèmes abordés lors des entrevues sont une description détaillée de la situation familiale, la présence d’indices d’aliénation parentale et de violence psychologique, verbale ou physique entre les conjoints et envers l’enfant, le contexte et l’historique du conflit, le déclencheur de la séparation et la perception qu’avait l’intervenant de l’état de santé émotionnelle, mentale et physique des parents. La relation des parents entre eux et avec leur(s) enfant(s) a aussi été questionnée, en tenant compte des autres personnes pouvant être présentes et

influencer la situation. Le continuum de Kelly et Johnston (2001, voir annexe B) a aussi été intégré à l’entrevue afin de documenter la réaction de l’enfant au conflit entre ses parents.

Données extraites de la banque de données informationnelles (BDI)

Au Québec, les dossiers de protection de la jeunesse sont informatisés. Tous les intervenants doivent obligatoirement documenter un bon nombre d’informations sur les évaluations et les interventions qu’ils font avec chacun des acteurs liés aux problématiques familiales qui sont traitées. Le caractère obligatoire du dossier informatisé confère aux données qui y sont inscrites une validité et une uniformité importante. Une partie de l’information inscrite aux dossiers est extraite, dénominalisée et rendue accessible aux fins de recherche : il s’agit de la banque de données informationnelle du Centre Jeunesse (BDI). Dans le cas du présent mémoire, les données issues de la BDI ont supporté la description détaillée de l’échantillon.

Pour les besoins de l’étude principale (Gagné et al.), une requête a été faite dans la BDI pour identifier toutes les situations correspondant aux critères de sélection de l’étude, ainsi que les coordonnées de l’intervenant qui en a fait l’évaluation. Afin de compléter les données recueillies en entrevues, un certain nombre de variables ont été extraites à l’aide de la BDI: les dates relatives au signalement et à l’évaluation, l’âge, le sexe et l’origine ethnique du jeune, sa date de naissance, son statut d’autochtone, la personne qui en a la garde, l’article ou les articles et la ventilation précise en vertu desquels le signalement a été retenu, le rang selon lequel chaque article est classé en fonction de son importance aux yeux de l’évaluateur, la catégorie de personne qui a fait le signalement, le nombre de signalements, d’évaluations et de placements auxquels le jeune a eu à faire face depuis le début de son historique avec la DPJ. Dans un deuxième temps, le moteur de recherche a permis d’identifier, pour ces cas, le niveau d’urgence attribué à la situation au moment du

Figure

Tableau 2:Temps écoulé depuis la rupture
Tableau 4: répartition des motifs de signalement retenus pour l'ensemble de tous les signalements recensés dans les  23 situations familiales
Tableau 5: Répartition des capacités parentales au sein des couples parentaux
Tableau 7: Description du processus d'évaluation (n=23)
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Références

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