• Aucun résultat trouvé

La conciliation travail-vie personnelle dans le secteur de la santé et des services sociaux : le cas des professionnelles d'un CSSS

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "La conciliation travail-vie personnelle dans le secteur de la santé et des services sociaux : le cas des professionnelles d'un CSSS"

Copied!
159
0
0

Texte intégral

(1)

La conciliation travail-vie personnelle dans le secteur de la

santé et des services sociaux;

le cas des professionnelles d’un CSSS

Mémoire

Stéphanie Audet

Maîtrise en service social

Maître en service social (M.Serv.Soc.)

Québec, Canada

(2)
(3)

Résumé

La problématique de la conciliation entre le travail et la vie personnelle fait l’objet d’études depuis plusieurs années. Les impacts négatifs possibles découlant de difficultés de conciliation sont connus et de nombreuses recherches en font d’ailleurs mention. Les chercheurs ainsi que l’État encouragent donc les établissements à instaurer des dispositions visant à faciliter cette conciliation ainsi qu’à entretenir une culture organisationnelle qui lui est favorable.

La présente étude vise à connaître les dispositions offertes au sein d’un Centre de santé et de services sociaux (CSSS), à comprendre de quelles façons ces dispositions s’actualisent sur le terrain selon des professionnelles du CSSS ainsi qu’à identifier quelles avenues gagneraient à être explorées davantage. Un devis qualitatif a été retenu afin de cerner ces dimensions. L’approche privilégiée a été l’étude de cas. Deux sources de données ont été utilisées, soit les documents et les entrevues. Les participantes interrogées (n=12) étaient toutes des professionnelles au sein des cinq CLSC du CSSS Alphonse-Desjardins.

Cette recherche a permis de constater que le CSSS Alphonse-Desjardins offre à ses employés plusieurs dispositions visant à faciliter la conciliation travail-vie personnelle. Des ententes locales viennent d’ailleurs bonifier les dispositions présentes dans la convention collective des CSSS. Les répercussions positives au sein de l’établissement et pour ses employées sont nombreuses. Cependant, certaines disparités découlant du statut d’emploi et du secteur d’emploi semblent incomprises de la part des professionnelles. Quelques améliorations pourraient être apportées afin de minimiser davantage les conflits de conciliation travail-vie personnelle.

(4)
(5)

Avant-propos

En préambule à ce mémoire, je souhaite adresser mes remerciements les plus sincères aux personnes qui m’ont apporté leur aide et qui ont contribué, de près ou de loin, à l’élaboration de ce mémoire.

Merci à mon directeur de recherche, M. Patrick Villeneuve, pour sa rigueur, son orientation ficelée et ses judicieux conseils. Le temps et la confiance qu’il m’a prodigués ont été déterminants dans la réalisation de ce travail.

Merci aux 14 participantes qui ont accepté de m’accorder une entrevue. Leur participation a permis une compréhension plus précise de la réalité.

Merci à ma mère et à mon père qui m’ont encouragé, chacun à leur façon, à persévérer à chacune des étapes ainsi qu’à surmonter les difficultés engendrées par les études. Je tiens également à remercier les membres de ma famille et de la famille de mon conjoint qui ont cru en moi et en mes capacités.

Un remerciement particulier à mon conjoint qui a su, au quotidien, me rassurer et me soutenir dans les moments les plus difficiles, et qui a su être présent pour célébrer les heureux moments. L’élaboration de ce mémoire a été grandement facilitée par son positivisme et sa grande générosité.

Finalement, merci à tous mes ami(e)s qui m’ont offert soutien moral et écoute tout au long de ce cheminement. Le réconfort qu’ils m’ont apporté est inestimable et j’en suis sincèrement reconnaissante.

(6)
(7)

TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ III

AVANT-PROPOS V

TABLE DES MATIÈRES VII

INTRODUCTION 1

CHAPITRE 1 : PROBLÉMATIQUE 3

1.1 Évolution du monde du travail et de la famille 3

1.1.1 Évolution sociétale des rôles parentaux 3

1.1.2 Évolution sociétale du marché du travail 5

1.2 Impacts des difficultés de conciliation travail-vie personnelle 6

1.2.1 Impacts pour les familles 7

1.2.2 Impacts pour l’employé 8

1.2.3 Impacts pour les établissements 9

1.3 Des solutions sont possibles 10 1.4 Contexte international 13 1.5 Politiques explicites en matière de conciliation travail-vie personnelle au Québec 14

1.5.1 Historique de la politique familiale au Québec 14

1.5.2 Les principales mesures de la politique familiale actuelle 16

1.6 La conciliation travail-vie personnelle dans le secteur public au Québec 17

1.6.1 Principes directeurs des dispositions de conciliation travail-vie personnelle 17 1.6.2 Les secteurs de l’éducation, de la santé et des services sociaux 18

1.6.3 Le milieu du travail social 21

1.7 Questions de recherche 22 1.8 Pertinence de la recherche 23

CHAPITRE 2 : CADRE CONCEPTUEL 25

2.1 Le concept de conciliation travail-vie personnelle 25 2.2 Le modèle de Tremblay-Bachmann concernant la conciliation travail-vie personnelle 26

2.2.1 Opérationnalisation de ces dimensions du modèle dans le contexte actuel 27

(8)

viii

CHAPITRE 3 : MÉTHODOLOGIE 31

3.1 Objectifs de recherche 31 3.2 L’approche privilégiée : une étude de cas qualitative 31

3.2.1 Recherche documentaire 32

3.2.2 Entrevues 33

3.3 La collecte de données 34

3.4 Échantillonnage 35

3.5 Considérations éthiques 36

3.6 L’analyse des données 37

CHAPITRE 4 : RÉSULTATS 39

4.1 Données provenant de la recherche documentaire 39 4.2 Données obtenues par entrevues 43

4.2.1 Caractéristiques des participantes 43

4.2.2 Famille et maternité 46

4.2.2.1 Rôle de mère 46

4.2.2.2 Vision de la maternité 47

4.2.2.3 Répartition des tâches 48

4.2.3 Conciliation travail-vie personnelle 50

4.2.3.1 Dispositions visant à faciliter la conciliation 50

4.2.3.2 Conciliation travail-vie personnelle selon l’accès ou non à une disposition 57

4.2.3.3 Accessibilité des dispositions 60

4.2.3.4 Impacts passés ou présents d’une mauvaise conciliation travail-vie personnelle 63 4.2.3.5 Impacts de l’utilisation des dispositions sur la vie personnelle 65

4.2.3.6 Impacts de l’utilisation des dispositions sur le travail 67

4.2.4 Temps de travail 72

4.2.4.1 Aspirent à réduire 72

4.2.4.2 Satisfaites du régime de travail 73

4.2.4.3 Activités souhaitées advenant une réduction du temps de travail 74

4.2.4.4 Opinion du conjoint 75

4.2.5 Influence des facteurs individuels sur la participation aux dispositions 76 4.2.6 Attitude et influence du milieu de travail sur la participation aux dispositions 80 4.2.6.1 Opinion de la haute direction, du supérieur immédiat et des collègues, selon les employées 80

4.2.6.2 Influence des opinions 84

4.2.6.3 Perceptions concernant des différences d’attitude selon la situation personnelle des cadres et des

employées 85

4.2.7 Améliorations souhaitées au niveau des dispositions 88

4.2.7.1 Accessibilité 88

4.2.7.2 Flexibilité dans l’aménagement des heures de travail 92

(9)

CHAPITRE 5 : DISCUSSION 97

5.1 Principaux constats 97

5.1.1 Rétention du personnel 97

5.1.2 Perception de productivité accrue 98

5.1.3 Dispositions les plus appréciées par nos participantes 100

5.1.4 Disparités dans l’accès aux dispositions découlant du statut d’emploi 102 5.1.5 Disparités perçues dans l’accès aux dispositions découlant du secteur d’emploi 103

5.1.6 Situation des mères en début de carrière 106

5.1.7 Influence du milieu de travail 108

5.1.8 Offre de postes temps partiel 109

5.1.9 Manque d’information 110

5.1.10 Roulement des gestionnaires 111

5.1.11 Impacts pour la vie personnelle 111

5.1.12 Répartition des tâches dans le couple 112

5.1.13 Comparaison avec d’autres milieux de travail 113

5.2 Pistes de réflexion 114

5.2.1 Maintenir les ententes actuelles 114

5.2.2 Encourager la diffusion de l’information concernant les dispositions offertes 115 5.2.3 Atténuer, le plus possible, les disparités découlant du statut d’emploi 115

5.2.4 Atténuer les disparités découlant du secteur d’emploi 116

5.2.5 Créer davantage de postes à temps partiel 116

5.2.6 Assurer un suivi accru lors d’un changement de gestionnaires 116

5.3 Limites de l’étude 117

CONCLUSION 119

BIBLIOGRAPHIE 121

ANNEXE 1 : LES DISPOSITIONS FAVORISANT LA CONCILIATION TRAVAIL-FAMILLE DANS

LES CONVENTIONS COLLECTIVES AU CANADA 129

ANNEXE 2 : GUIDE D’ENTREVUE 135

ANNEXE 3 : DÉPLIANT D’INFORMATION 139

ANNEXE 4 : FORMULAIRE DE CONSENTEMENT 141

ANNEXE 5 : GRILLE DE CODIFICATION 145

ANNEXE 6 : DESCRIPTION DE CERTAINES DISPOSITIONS VISANT À FACILITER LA CONCILIATION TRAVAIL-VIE PERSONNELLE INSCRITES DANS LA CONVENTION

(10)
(11)

INTRODUCTION

La problématique de la conciliation entre le travail et la vie personnelle fait l'objet d'études depuis plusieurs années. Le marché du travail, la famille et les rapports sociaux de sexe ou de genre sont tous des sources potentielles de difficultés (Tremblay et De Sève, 2002). Plus de 40% des Canadiens mentionnent que leur travail a un impact négatif sur leur vie familiale (Barrette, 2009). Le gouvernement du Québec considère d’ailleurs que « la conciliation travail-famille est d’une importance capitale pour l’avenir de la société en

raison de son impact sur la décision d’avoir ou non des enfants » (Paquet, 2004; 7).

De nombreuses recherches avancent l’hypothèse selon laquelle il y a une relation significative entre les mesures de conciliation offertes par l’employeur et le succès de cette conciliation pour l’employé (Brochier, 1998; Lachance & Brassard, 2003; Tremblay & De Sève, 2002). L’amélioration des mesures offertes par l’organisme afin de faciliter la conciliation des sphères personnelle et professionnelle est bénéfique pour l’employé qui peut ainsi améliorer sa qualité de vie grâce à un meilleur équilibre entre ses diverses obligations. Elle l’est aussi pour l’employeur puisque la productivité et la rentabilité de son organisme augmentent, que cela permet une meilleure rétention du personnel et que celui-ci s'investit davantage envers l’établissement (Duxbury & Higgins, 2003; Nault & Tessier, 2007; St-Amour & al, 2005). Plusieurs auteurs discutent en outre de l’importance de la culture organisationnelle de l’organisme (Chrétien & Létourneau, 2010b; Gordon & al., 2007; Poelsman & Caligiuri, 2008; Prémaux & al., 2007; Tremblay, 2005). Selon eux, elle aurait une influence directe sur l’utilisation des dispositions offertes.

Les récentes études sur cette problématique dénotent cependant que certaines difficultés persistent, entre autres dans le secteur de la santé et des services sociaux, et ce, malgré les améliorations visées par le gouvernement du Québec (Roberge, 2007; Tremblay, 2005; Tremblay & De Sève, 2002; Tremblay & al, 2009). La recherche dont les résultats sont présentés ici vise à explorer la réalité de professionnelles des CLSC du CSSS Alphonse-Desjardins en ce qui concerne la conciliation vie personnelle - vie professionnelle et d’identifier notamment, à ce sujet, les éléments positifs et ce qui pourrait être amélioré.

(12)

2

En premier lieu, la problématique est présentée, traitant de l’évolution du monde du travail et de celui de la famille, des impacts possibles des difficultés de conciliation sur les deux sphères, de solutions possibles, de l’évolution des dispositions prises par l’État afin de soutenir les familles face à ces difficultés, ainsi que de l’état des politiques actuelles en la matière. La pertinence du projet et les objectifs de recherche sont ensuite présentés. Le deuxième chapitre porte sur le cadre conceptuel. Les concepts et modèles retenus y sont présentés. Il est question du concept de conciliation travail-vie personnelle, du modèle de Tremblay-Bachmann ainsi que des sept principes et des trois objectifs du Conseil de la famille et de l’enfance qui suggèrent ce que devraient être les actions actuelles et futures au Québec concernant la conciliation travail-vie personnelle. Le troisième chapitre traite de la méthodologie. L’approche privilégiée, soit l’étude de cas qualitative, y est présentée. Le chapitre quatre dévoile ensuite les résultats de cette recherche et le chapitre cinq, la discussion de ces résultats.

(13)

CHAPITRE 1 : PROBLÉMATIQUE

1.1 Évolution du monde du travail et de la famille

Le monde du travail était autrefois réservé majoritairement aux hommes. Le contexte dans lequel l’homme travaillait et la femme s’occupait des enfants et des tâches ménagères n’occasionnait théoriquement pas de problème de conciliation des sphères de la vie personnelle et du travail (Barrière-Maurisson, 1992). La Deuxième Guerre mondiale a exigé une adaptation des familles puisque l’homme, auparavant pourvoyeur, s’absenta pour une longue période. L’entrée des femmes sur le marché du travail, qui a pris de l’ampleur surtout à partir des années 60, a bouleversé les habitudes de vie des familles. Cette féminisation du marché du travail s’est concrétisée et accentuée avec les années (MSSS, 1994; OCDE, 2003). En effet, le taux de participation des femmes de 25 ans et plus à la population active est passé de 18,3% à 56,8% entre 1951 et 1995 (Tremblay & De Sève, 2002). Ce taux était à 84% en 2011 (Institut de la statistique du Québec, 2012). C’est chez les mères d’enfants de moins de six ans que se retrouve l’augmentation la plus marquée du taux de participation au sein de la population active (St-Amour & al, 2005).

Cette nouvelle réalité influence directement la relation entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Les exigences de l’une a des impacts sur l’autre, et vice versa (Brochier, 1998). Les sources des problèmes de conciliation travail-vie personnelle peuvent être au plan des modalités même du marché du travail, de la famille et des rapports sociaux de sexe ou de genre (Tremblay & De Sève, 2002). Le fait que l’État s’engage peu envers ces aspects explique également une majeure partie de l’impasse selon Vandelac (1994).

1.1.1 Évolution sociétale des rôles parentaux

La féminisation du marché du travail a engendré une redéfinition des rôles respectifs au sein des couples et des familles (Brochier, 1998; Conseil canadien de développement social, 1999). Les familles de type biactive, c’est-à-dire dont les deux conjoints assument un rôle de travailleur rémunéré, sont devenues de

(14)

4

plus en plus nombreuses au fil du temps. L’Institut Vanier (Daly, 2004) souligne que les familles canadiennes à double revenu constituent aujourd’hui la norme, représentant sept familles sur dix au Québec. Par ailleurs, le nombre de famille caractérisé par l’homme pourvoyeur et la femme au foyer a significativement diminué (Brochier, 1998, Lazzari-Dodeler & Tremblay, 2010). Les femmes ont ainsi acquis une autonomie financière et les familles ont pu maintenir leur pouvoir d’achat (Lazzari-Dodeler & Tremblay, 2010). De façon plus générale, les mœurs évoluent faisant place à une nouvelle réalité des rapports familiaux, caractérisée entre autres par une augmentation de familles monoparentales, un accroissement marqué de la recomposition familiale ainsi que des familles de moins en moins nombreuses (Tremblay & De Sève, 2002).

Selon Tremblay (2005), près de 70% des femmes déclarent s’occuper davantage des tâches ménagères parallèlement avec leurs activités professionnelles. Ce contexte engendre, dans près de 50% des cas, des disputes conjugales concernant le partage des tâches. Duxbury et Higgins (2003) rapportent que les femmes consacrent plus d’heures par semaine que les hommes à des activités non liées au travail telles que les soins aux enfants et les tâches ménagères. Les auteurs expliquent cette particularité en fonction des types d’emploi différents dans lesquels sont cantonnées les femmes. Les auteurs rapportent aussi qu’elles sont moins satisfaites de leur performance en tant que parent que les hommes. Selon eux, les femmes comparent leur performance à des normes désuètes et peut-être irréalistes, par exemple celles de leur propre mère. Statistique Canada (2006) estime à plus de 50% les femmes qui trouvent moyennement difficile ou très difficile de concilier le travail et la vie personnelle. Les femmes les plus touchées par des difficultés de conciliation seraient celles ayant à charge de jeunes enfants ou des adolescents ainsi que les femmes qualifiées professionnellement (Tremblay, 2005; Vandelac, 1994; Villeneuve, 2001). La présence de jeunes enfants et le nombre d’enfants dont les parents sont responsables sont des facteurs de prédiction de difficultés plus élevées en termes de conciliation (Brochier, 1998; Tremblay & De Sève, 2002). L’âge des enfants est cependant considéré plus déterminant que leur nombre. (Caussignac 2000; Guérin & al, 1997; Tremblay, 2005).

Il est cependant important de préciser que les hommes semblent s’investir davantage dans leur rôle de père qu’auparavant et cela se reflète dans une augmentation du nombre de demandes auprès des employeurs dans l’objectif de mieux concilier le travail et la vie personnelle (Tremblay, 2003; Nepomnyaschy & Waldfogel, 2007; Tanaka & Waldfogel, 2007). Tremblay (2005) souligne que le soutien

(15)

du conjoint a une forte influence sur la réussite d’une conciliation des sphères professionnelles et familiales chez la femme. Le type de travail du conjoint a aussi un impact sur les conflits de conciliation selon Barrière-Maurisson (1992).

1.1.2 Évolution sociétale du marché du travail

Divers évènements sociétaux ont marqué l’évolution de la relation travail-vie personnelle dans le passé tels l’industrialisation et l’urbanisation (Barrière-Maurisson, 1992; Brochier, 1998; Lemieux & Mercier, 1992). Le marché du travail a été plus récemment influencé par le phénomène de la mondialisation. Les entreprises ont dû s’adapter en augmentant leur rythme de production à moindre coût afin de répondre à la concurrence sur le plan mondial (Duxbury & Higgins, 2003). Une progression rapide des emplois atypiques est observée (Duxbury & Higgins, 2001). Ces emplois sont à temps partiel, sur appel, en fonction d’horaires variables ou pour travailleurs autonomes. Un nombre croissant de salarié(e)s les occupent, particulièrement des femmes (Nault & Tessier, 2007). L’ouverture des services (magasins, épiceries, restaurants) sept jours sur sept, avec de longues plages horaires, peut expliquer ce phénomène (Lazzari-Dodeler & Tremblay, 2010). Une réduction d’effectifs est aussi constatée afin de réaliser des économies d’échelle. En conséquence, les employés doivent compenser les pénuries de personnel et de ressources par une charge plus importante de travail (Alvi, 1994; Duxbury & Higgins, 2001). Duxbury et Higgins (2003) mentionnent que les exigences professionnelles au sein des entreprises de moyenne et de grande taille au cours de la précédente décennie ont crû en parallèle avec l’aggravation du conflit entre le travail et la vie personnelle. Ce contexte affecte particulièrement les jeunes professionnels au début de leur carrière (Duxbury & Higgins, 2003; Villeneuve, 2001).

Le temps passé au travail a augmenté selon une étude de Duxbury et Higgins (2001). Entre 1991 et 2001, le nombre d’employés accumulant plus de 50 heures par semaine est passé de un sur dix à un sur quatre. Ces heures sont parfois travaillées à l’extérieur de l’entreprise, entre autres par l’entremise de récentes technologies. Ces technologies modifient les frontières entre le travail et la vie personnelle. Le courrier électronique, les ordinateurs portables, les téléphones cellulaires et intelligents accentuent la disponibilité des employés et, parallèlement, les attentes de l’entreprise. L’étalement urbain a aussi une conséquence directe sur le temps de déplacement des employés. Le temps passé sur la route et possiblement dans le

(16)

6

trafic pour les déplacements concernant le travail ou les enfants influence négativement la conciliation du travail et de la famille (Villeneuve, 2001).

Au début des années 2000, les heures supplémentaires étaient préférées aux dispositions de conciliation travail-vie personnelle. Ainsi, advenant que l’employé désirait maintenir son poste ou obtenir un avancement, la vie professionnelle devait primer sur les autres sphères de sa vie (Duxbury & Higgins, 2001). La mentalité de plusieurs entreprises a évolué au fil du temps, en particulier grâce à de nombreuses recherches qui ont publié les bienfaits d’un soutien organisationnel à l’utilisation des dispositions liés à la famille (Guérin & al, 1997; Hass & al, 2002; Lewis, 2001).

La culture organisationnelle, caractérisée par un ensemble de croyances, de valeurs et d’idéologies de l’établissement, influence fortement les priorités de l’organisme. L’offre de dispositions ne semble pas suffisante puisque selon plusieurs auteurs (Burke, 2006; Chrétien & Létourneau, 2010b; Duxbury & Higgins, 2001; Poelsman & Caligiuri, 2008), une culture organisationnelle défavorable à la conciliation travail-vie personnelle peut nuire au succès de conciliation des employés. À l’opposé, une culture favorable est négativement associée au conflit travail-famille (Gordon & al., 2007) et aux intentions de quitter l’entreprise (Thompson & al., 1999). La satisfaction au travail et le sentiment d’appartenance à l’établissement sont aussi positivement associés à cette culture (Chrétien & Létourneau, 2010a). Selon Premeaux et al. (2007), une culture profamille serait plus efficace pour aider les employés qui ont des enfants que les dispositions comme telles. L’attitude de l’organisme concernant les dispositions de conciliation travail-vie personnelle peut avoir une influence sur l’usage réel qu’en font les employés. Un manque de soutien de l’employeur ou une croyance entretenue selon laquelle il pourrait être pénalisé de profiter des dispositions offertes engendre une sous-utilisation (Caussignac, 2000; Tremblay, 2005).

1.2 Impacts des difficultés de conciliation travail-vie personnelle

Les difficultés vécues afin de concilier les sphères personnelles et professionnelles créent des effets négatifs tant sur les employés, les organisations que sur la société (Conseil canadien de développement social, 1999; Duxbury & Higgins, 2001; Johnson & al, 2001; Tremblay & De Sève, 2002).

(17)

1.2.1 Impacts pour les familles

L’interférence du travail sur la famille survient lorsque les exigences et les responsabilités professionnelles rendent difficile l’exécution des responsabilités familiales (Duxbury & Higgins, 2003). Plus de 40% des Canadiens mentionnent que leur travail a un impact négatif sur leur famille et interfère sur la quantité de temps passé avec elle (Barrette, 2009). Selon Tremblay (2005), les travailleurs rencontrant des difficultés de conciliation rapportent un manque de temps pour leur conjoint et leur(s) enfant(s). Ce contexte peut entraîner une diminution du temps passé en famille et parfois, une dégradation de la vie conjugale et familiale. Des conflits familiaux peuvent d’ailleurs éclater à la suite d’une insatisfaction de certains membres de la famille découlant de la problématique de conciliation (Brochier, 1998; Tremblay & De Sève, 2002). Nault et Tessier (2007) mentionnent que les parents peuvent diminuer le temps consacré aux enfants lors de telles difficultés. Ce contexte peut engendrer des incidences négatives sur le développement des enfants. Un stress découlant de difficultés de conciliation affecte le système familial et peut ainsi affecter le développement cognitif, comportemental et émotif des enfants (Barrette, 2009). Le stress parental peut notamment influencer le choix des stratégies disciplinaires, la qualité des interactions ou les capacités parentales (Barrette, 2009; Tremblay & De Sève, 2002).

Sur le plan conjugal, il semble que les parents aux prises avec une surcharge de rôle auraient tendance à adopter des comportements de retrait dans la vie du couple (Duxbury & Higgins, 2003, St-Amour & al, 2005). Des comportements agressifs liés à un haut taux d’anxiété et une réduction des comportements affectueux et de soutien entre conjoints sont aussi mentionnés par Barrette (2009). Celle-ci suggère un lien causal entre les conflits de conciliation et l’entente conjugale, c’est-à-dire que plus les conflits de conciliation sont importants plus l’entente conjugale diminue. Une diminution de la satisfaction de la vie conjugale, familiale et des compétences parentales ainsi qu’un fonctionnement entravé de la famille sont ainsi associés à un conflit important entre le travail et la vie personnelle (Duxbury & Higgins, 2001). Les indicateurs de cette association sont des niveaux plus faibles de bien-être et de stabilité familiale, une performance moindre des rôles parentaux, des niveaux plus faibles de satisfaction à l’égard de la vie familiale et des compétences parentales. Les difficultés de conciliation entravent donc les capacités d’un employé à soutenir sa famille et à profiter de sa vie familiale (Duxbury & Higgins, 2003; Tremblay & De Sève, 2002).

(18)

8

1.2.2 Impacts pour l’employé

Les conflits de conciliation travail-vie personnelle se répercutent tant sur le plan familial qu’individuel. La vie personnelle est d’ailleurs le premier aspect négligé lors d’un manque de temps lié aux exigences professionnelles (Duxbury & Higgins, 2001). L’adulte qui fait face à ces difficultés peut ressentir des impacts négatifs sur le plan de sa santé mentale et physique tels que du stress, des symptômes dépressifs, de l’insomnie, des maux de tête, etc. (Duxbury & Higgins, 2003; St-Amour & al., 2005; Tremblay & De Sève, 2002) Guberman (2005) souligne quant à elle l’anxiété et l’isolement social. Un parent confronté à des difficultés de conciliation est d’ailleurs plus susceptible de développer un épuisement professionnel, particulièrement pour les femmes ayant des enfants de moins de six ans (St-Amour & al., 2005).

Le stress au travail est lié tant à la façon dont les heures sont réparties qu’au nombre réel d’heures travaillées. De longues heures de travail représentent un risque pour la santé et ont un effet négatif sur la vie familiale et personnelle puisque l’employé a moins d’heures à sa disposition pour les autres sphères de sa vie personnelle (Rochon, 2000). Une semaine de travail relativement courte disposée sur des quarts de travail de soir ou de nuit peut aussi engendrer des difficultés de conciliation. L’évolution du marché du travail en termes de concurrence, c’est-à-dire la diminution des effectifs et l’augmentation de la productivité souhaitée, peut en outre accentuer le stress des employés (Villeneuve, 2001). Ce stress a un impact sans précédent sur la santé des travailleurs qui influence directement leur productivité au travail.

Sur le plan financier et professionnel, diverses difficultés peuvent être rencontrées telles que la réduction des possibilités d’embauche ou d’avancement, des pertes de revenu associées à la réduction du temps de travail ou à la prise de congés sans solde pour raisons familiales. Une diminution de la satisfaction au travail peut aussi être associée à ces facteurs (Duxbury & Higgins, 2003; Villeneuve, 2001). Duxbury et Higgins (2003), ont estimé qu’entre 25 et 60% des employés des entreprises de moyenne et de grande taille rapportent vivre des niveaux élevés de conflits entre le travail et la famille. Ils établissent un lien entre la diminution de la satisfaction des employés et l’augmentation de la charge de travail, ces deux aspects combinés ayant une influence négative sur les difficultés de conciliation travail-vie personnelle.

(19)

Les femmes sont moins impliquées dans leur travail lorsqu’elles ont un enfant si on les compare aux hommes. En outre, elles accèdent moins fréquemment à un poste de cadre (Villeneuve, 2001). Elles sont aussi plus nombreuses à occuper un travail à temps partiel (Tremblay, 2003). Ces choix seraient effectués dans l’optique de faciliter la conciliation des sphères professionnelles et familiales, au détriment de leurs ambitions professionnelles et personnelles (Duxbury & Higgins, 2003; Tremblay, 2005). Selon Duxbury et Higgins (2003), la femme souffre davantage de problème de santé mentale liée à sa parentalité que l’homme. Elle serait plus lourdement affectée par les exigences contradictoires des rôles qu’elle tente d’assumer (Tremblay, 2005; Villeneuve, 2001). Duxbury et Higgins considèrent que ce sont les tâches plus difficiles assumées par la mère qui engendrent ce contexte, proposant qu’un partage plus équitable de l’éducation et des soins des enfants puisse améliorer la santé mentale des femmes au travail. Les répercussions sur la santé de ces femmes seraient considérables (Villeneuve, 2001).

1.2.3 Impacts pour les établissements

Bachmann (2000a) stipule que les principaux défis pour les organisations canadiennes sont les problèmes de recrutement et du maintien en fonction, le degré de stress des employés et leur absence de motivation. Ces impacts se répercutent notamment en regard de la dégradation des relations de travail, de l’augmentation de l’absentéisme, d’un rendement de l’organisation inférieur aux normes, de la perte de motivation des employés pour le travail et d’un plus grand roulement de personnel (Brochier, 1998; Nault et Tessier, 2007; St-Amour & al, 2005; Tremblay & De Sève, 2002). La surcharge de rôle est définie par Duxbury et Higgins (2003) comme étant

une forme de conflit entre le travail et la vie personnelle qui survient quand les exigences totales en matière de temps et d’énergie associées aux activités à entreprendre sont trop importantes pour remplir ses obligations adéquatement sans trop d’inquiétude. (p.2)

Ce contexte peut être associé à divers problèmes de santé physique et mentale. Les employés présentant une surcharge élevée sont moins dévoués envers l’entreprise, rapportent un plus grand stress lié à l’emploi, sont moins satisfaits de leur emploi, sont plus susceptibles de s’absenter du travail en raison de problèmes de santé physique ou mentale et ont une opinion moins favorable de leurs employeurs (Duxbury et Higgins, 2003). Les auteurs rapportent aussi que les employés stressés, épuisés et déprimés ne sont pas aussi productifs que ceux qui jouissent d’une bonne santé mentale. Ces employés sont susceptibles

(20)

10

d’absentéisme accru, d’une plus grande consommation de médicaments sur ordonnance, d’une utilisation accrue des programmes d’aide aux employés et de niveaux moindres de créativité, d’innovation et de prise de risque. Guberman (2005) mentionne en outre des problèmes de rendement et de concentration.

Ce contexte peut avoir une incidence négative sur les résultats de l’entreprise et sur les coûts associés à l’absentéisme plus élevé, aux ordonnances de médicaments ou à l’utilisation accrue des programmes d’aide aux employés (PAE) (Duxbury & Higgins, 2001). Les employés aux prises avec une surcharge de rôle s’absenteraient davantage et l’estimation des coûts directs s’élève à 3 milliards de dollars par année au Canada. En prenant en considération les coûts directs et indirects, le chiffre augmente entre 4,5 et 6 milliards.

1.3 Des solutions sont possibles

L’intérêt porté aux conséquences des difficultés de conciliation travail-vie personnelle par la communauté scientifique dans les années 1990 et 2000 a encouragé certains organismes à instaurer des stratégies de soutien à leurs employés (Tremblay, 2003). Une enquête menée par le Conference Board du Canada en 1999 révélait que 42% des travailleurs interrogés (52% des travailleuses) trouvaient moyennement difficile ou très difficile de concilier travail et vie personnelle. Le taux se trouvait à 26,7% dix ans plus tôt (McBride-King & Bachman, 1999). Des conventions collectives visant à soutenir les familles dans la recherche d’équilibre entre les rôles de professionnel et de parent ont donc pris forme, proposant une grande variété de dispositions favorisant la conciliation travail-vie personnelle (Rochon, 2000). Par exemple, les modalités de travail flexible, c’est-à-dire les horaires flexibles, la semaine de travail comprimée et les heures de travail annualisées, n’ont généralement pas d’influence sur le nombre total d’heures travaillées. Elles offrent cependant aux employés une plus grande maîtrise à l’égard de la répartition du temps consacré au travail et à leurs autres activités, telles que les soins aux enfants ou aux parents ou les loisirs (Rochon, 2000). Malgré les avantages possibles tant pour l’employé que l’employeur, ces dispositions ne sont pas toutes réalisables ou même pratiques dans certains contextes ou domaines d’emploi. L’étude de Bachmann (2000a) relève que 93% des employeurs offrent au moins un type de modalités de travail flexible. Cependant, seulement 63% prévoient des congés pour obligations familiales, 55% pour maternité prolongée et 43% pour une personne à charge. De nombreux rapports ont par la suite été publiés afin de

(21)

promouvoir les modalités de conciliation travail-vie personnelle (Duxbury et Higgins, 2003; Johnson & al, 2001; OCDE, 2003; Tremblay & De Sève, 2002 ; Rochon, 2000).

Selon Rochon (2000), l’amélioration des dispositions de conciliation travail-vie personnelle est souhaitée pour deux principales raisons. Premièrement, elles influencent la qualité de vie des employés puisqu’un meilleur équilibre entre leurs diverses obligations est atteint. Elles permettent en outre à l’employeur d’améliorer la productivité, la qualité et la rentabilité de son entreprise. L’étude de Développement des ressources humaines Canada présente les dispositions favorables à la conciliation travail-vie personnelle en cinq rubriques distinctes, c’est-à-dire l’aménagement de travail, les congés de maternité, parental, d’adoption et dispositions relatives à la grossesse, les autres congés liés aux responsabilités familiales, les services de garde d’enfants et les avantages sociaux des employés (Rochon, 2000). Le tableau 1 est un extrait d’un tableau présenté en annexe 1 qui résume les principales dispositions existantes dans les conventions collectives au Canada sous les cinq rubriques. L’extrait présente des exemples de dispositions afin de brosser un portrait de ce qui est actuellement accessible sur le marché du travail. Le tableau en annexe permet une vision d’ensemble des mesures possibles sur le plan de la conciliation travail-vie personnelle se retrouvant dans les principales conventions collectives au Canada. Toutes les entreprises ne répondent cependant pas à ces critères et certains milieux en sont encore loin (Tremblay & Amherdt, 2000).

(22)

12

Tableau 1 :

Extrait du tableau en annexe 1 ; Exemples de dispositions favorisant la conciliation travail-famille dans les conventions collectives au Canada

Aménagement du temps de travail

Heures supplémentaires : droit de refus

Horaire de travail : période de repos, nombre maximal de jours consécutifs, jours de repos consécutifs Modalités de travail flexible : horaire flexible, semaine de travail comprimé, heures annualisées

Réduction du temps de travail : travail à temps partiel, partage d’emploi, répartition des heures et de la charge de travail

Télétravail : clauses détaillées, conditions de travail et responsabilités de l’employé

Congé de maternité, congé parental, congé d’adoption et dispositions relatives à la grossesse

Congé de maternité : décisions à la discrétion de l’employé, dates prédéterminées, congé de maternité prolongé, prestations de maternité, préservation des avantages sociaux

Congé parental et congé d’adoption : accumulation et maintien de l’ancienneté, prestations parentales, congé de paternité

Dispositions relatives à la santé et à la sécurité des employées enceintes : retrait, réaffection à un autre travail, congé de maladie lié à la grossesse, choix du médecin

Autres congés liés aux responsabilités familiales

Congé liés à la garde et à la santé des membres de la famille : congé payé général, congé de longue durée non payé, congé pour maladie dans la famille, congé pour soins d’enfants

Grands évènements : congé pour divorce, séparation ou garde juridique, congé de mariage, congé de décès, durée ou prolongation du congé, congé pour fête religieuse

Congé pour raisons personnelles : congé de courte durée pour raison personnelle, congé autofinancé ou avec salaire différé, accumulation du salaire et paiement pendant le congé

Congés annuels et jours fériés : congé garanti pendant l’été, congé annuel fractionné, congé annuel supplémentaire, congés mobiles

Services de garde d’enfants

Garderies en milieu de travail

Subventions et financements des services de garde Comités syndicaux-patronaux sur la garde d’enfants

Avantages sociaux des employés

Étendue de la protection offerte : protection des personnes à charge, services juridiques Programme d’aide

Avantages non médicaux : déménagement et réinstallation, service de counselling, programme d’aide aux toxicomanes, services de soins infirmiers

(23)

1.4 Contexte international

Les recherches menées dans plusieurs pays au cours des dernières décennies révèlent que les problèmes de conciliation travail-vie personnelle ne cessent de s’accentuer (Duxbury & Higgins, 2003; Kotowska & al., 2010; Nomaguchi, 2009; Skinner & Pocock, 2008). Les idéologies et les valeurs des organismes sont fortement influencées par les politiques gouvernementales, ce qui explique en partie les variations perceptibles sur le terrain d’un pays à l’autre (Chrétien & Létourneau, 2010a).

Esping-Andersen compare différents pays du monde selon plusieurs indicateurs afin de construire des idéaux-types d’État-providence (Merrien & al., 2005). Le premier type identifié est le modèle libéral ou résiduel. Les États-Unis, l’Australie et le Canada sont sous ce régime. Dans celui-ci, les mécanismes du marché ont un rôle essentiel. Les plus faibles sont protégés par une aide très limitée. Les transferts universels et les plans d’assurances sociales sont généralement modestes. Le deuxième régime est dit corporatiste. Les pays sous ce régime sont entre autres l’Allemagne, la France et la Belgique. L’assurance sociale y est généralisée, adossée au travail salarié et vise le maintien total ou partiel des revenus advenant un arrêt de travail (accident, maladie, vieillesse, chômage). Finalement, il y a le type social-démocrate correspondant principalement aux pays scandinaves (Danemark, Finlande, Norvège et Suède). Un niveau élevé de protection sociale contre les risques et une offre importante de services sociaux s’y retrouve. Ce modèle se caractérise par un objectif de justice sociale redistributive.

Un quatrième type a par la suite été ajouté suite aux critiques de Leibfried et Ferrera (Merrien & al., 2005). Ces auteurs considèrent en effet que les États de l’Europe du Sud (Italie, Espagne, Portugal, Grèce) sont difficiles à classer dans la catégorie des États-providence corporatistes-conservateurs car seuls les réseaux familiaux et le secteur informel, en particulier les organismes rattachés à l'Église catholique, sont accessibles aux personnes faiblement intégrées à la société salariale. Les auteurs considèrent aussi que la faiblesse des structures étatiques de ces pays favoriserait les pratiques clientélistes et de corruption.

Ces auteurs classent donc les pays occidentaux en quatre catégories distinctes soit un régime scandinave social-démocrate, un régime bismarckien institutionnel, un régime latin rudimentaire et un régime

(24)

anglo-14

saxon résiduel. Le Canada est dans un régime anglo-saxon résiduel selon ce modèle. La province du Québec diffère cependant du reste du Canada sur certains aspects.

1.5 Politiques explicites en matière de conciliation travail-vie

personnelle au Québec

1.5.1 Historique de la politique familiale au Québec

L’Église catholique a, jusque dans les années 60, fortement influencé la société québécoise, et ce, particulièrement concernant l’institution familiale. Deux grandes guerres entrecoupées d’une grave crise économique et des ravages de l’industrialisation ont cependant forcé l’État à intervenir. Il a d’abord apporté son soutien dans un contexte où les familles rencontraient des conditions de vie extrêmement difficiles (Roberge, 2007). Les premières interventions publiques directes en faveur des familles, c’est-à-dire non limitées au soutien consenti aux organismes caritatifs, ont vu le jour en 1918 et en 1921, soit un crédit d’impôt pour les familles et la Loi de l’Assistance publique. En 1938 suivra le programme d’Assistance aux mères nécessiteuses (Paquet & Michaud, 2005). Il faudra par contre attendre de nombreuses années avant que l’État se détache des valeurs religieuses et ne cherche à définir lui-même ses propres politiques (ministère de la Famille et du Bien-Être social, 1965). Les années soixante sont synonymes de transformation pour la société québécoise, tant au plan des valeurs, de l’organisation sociale, du rôle de l’État que de l’institution familiale (Roberge, 2007). Les changements sociaux de l’époque sont liés à la non-obligation d’adhérer aux valeurs et à la pratique religieuse pour recevoir de l’aide de l’État et à la consolidation du rôle de l’État dans le soutien aux familles (Paquet & Michaud, 2005).

Le Ministère de la Famille et du Bien-Être social a été créé en 1961 et le Conseil supérieur de la famille en 1964 (Roberge, 2007). C’est à la suite de recommandations de ce Conseil qu’un régime québécois de prestations familiales a été établi en 1967 (Croisetière, 2004). Le ministère et le Conseil ont cependant été abolis au début des années 70, alors que le gouvernement tentait une mission d’intégration des grandes missions sociales. Le ministère des Affaires sociales a pris place, cumulant les responsabilités liées à la Famille et au Bien-Être social et celles autrefois dévolues au ministère de la Santé (Roberge, 2007). Le

(25)

Conseil des affaires sociales et de la famille a quant à lui remplacé le précédent. De nombreuses mesures telles que la déduction fiscale pour frais de garde (1972), la bonification des allocations familiales provinciales (1974), l’allocation de maternité PRALMA (1978), etc. ont été introduites au cours des années 70. Pourtant, ce n’est qu’au début des années 80 que le gouvernement demande à un de ses ministres : «

d’identifier la problématique de la famille québécoise et d’élaborer un projet de politique d’ensemble ».

(Rochon, 1986).

Un comité interministériel est alors créé afin de rassembler toutes les données et réflexions en vue d’une consultation publique où les mémoires des citoyens, de groupes et d’organisations désirant s’exprimer en regard de la politique pouvaient le faire. Le comité remet son rapport en 1986, le Rapport du comité de la

consultation sur la politique familiale : le soutien collectif réclamé pour les familles québécoises (Rochon,

1986). C’est en 1987 que le gouvernement annonce son «Énoncé de politique familiale» où il suggère les orientations futures en matière de politique familiale et les moyens de les mettre en œuvre (MSSS, 1987). Est aussi créé le Secrétariat à la famille dont l’objectif est de coordonner le développement de la politique familiale. Le Conseil de la famille refait surface en 1988 afin de faire le pont entre les préoccupations de la population et le gouvernement (Roberge, 2007). Le Secrétariat à la famille a publié trois plans d’action (1989-1991, 1992-1994, 1995-1997) et dans le processus d’élaboration, il est important de préciser que le gouvernement fait montre d’une plus grande ouverture d’esprit d’un plan d’action à l’autre, incluant de plus en plus d’acteurs susceptibles d’apporter un soutien aux familles lors de difficultés.

Ces plans d’action mènent à un changement radical des priorités gouvernementales, l’aide financière cédant sa place aux services à la famille (Roberge, 2007). Le gouvernement publie un Livre blanc intitulé «Les nouvelles dispositions de la politique familiale» en 1997. Trois principales mesures y sont annoncées, c’est-à-dire le développement accéléré des services de garde éducatifs à coûts minimes, la création d’un régime québécois d’assurance parentale et la réforme du soutien financier par l’instauration de l’allocation unifiée pour enfants. Afin d’actualiser ces mesures progressivement, le gouvernement crée un ministère dédié à la famille et à l’enfance et modernise le Conseil de la famille et de l’enfance. Divers changements en découlent, tels que l’augmentation des places en service de garde éducatif et l’accès à la maternelle à temps plein pour les enfants de 5 ans. C’est finalement en 2004 qu’a lieu une consultation dont l’objectif est de créer la première politique québécoise sur la conciliation travail-vie personnelle. Les mesures principales tentent de combler à la fois le besoin de soutien financier et d’accès aux services et ressources des

(26)

16

familles, et non seulement une des facettes, comme cela a été le cas dans le passé (Roberge, 2007). L’objectif n’est toujours pas atteint.

1.5.2 Les principales mesures de la politique familiale actuelle

Trois mesures constituent actuellement les fondements de la politique familiale au Québec : le soutien aux enfants, les services de garde éducatifs à l’enfance et le Régime québécois d’assurance parentale. La mise en place de ces mesures est récente ce qui ne permet pas encore d’obtenir des données concrètes sur leur utilisation (Roberge, 2007). Le soutien aux enfants consiste en un nouveau crédit d’impôt remboursable qui vient remplacer l’allocation familiale, l’allocation pour enfant handicapé, le crédit d’impôt pour enfants mineurs et la réduction d’impôt à l’égard des familles (Régie des rentes du Québec, 2007). L’objectif de cette réforme est d’« accroître l’aide gouvernementale aux familles et [d’]assurer une meilleure

harmonisation des mesures de soutien du revenu et d’incitation au travail ainsi que celles visant à compenser les besoins essentiels reconnus des enfants » (Site internet du ministère de la Famille et des

Aînés, cité dans Roberge, 2007; 29). Malgré les bénéfices annoncés par la Régie des rentes du Québec (RRQ), il semble que la mesure manque de visibilité en tant que mesure principalement destinée aux familles, et ce, malgré les améliorations apportées (Roberge, 2007).

Le développement des services de garde éducatifs à l’enfance à contribution réduite s’échelonne sur une période de dix ans. Ils sont aujourd’hui disponibles pour les enfants québécois de moins de cinq ans dans les Centres de la Petite Enfance (CPE), dans les services de garde en milieu familial reconnus par un bureau coordonnateur et dans les garderies à but lucratif. Les objectifs poursuivis par le gouvernement lors de l’élaboration de cette mesure sont de « faciliter la conciliation des responsabilités parentales et

professionnelles et de favoriser le développement des enfants et l’égalité des chances » (Roberge, 2007;

36). En plus de répondre au besoin des parents ayant des enfants d’âge préscolaire et scolaire, les services de garde fournissent une contribution significative aux entreprises puisqu’ils permettent la préservation d’une main-d’œuvre productive. Selon Cleveland (2007), les recettes fiscales générées par l’augmentation de la participation au marché du travail des femmes ayant un enfant de moins de quatre ans sont considérables et directement liées à l’accès aux services de garde pour les familles québécoises.

(27)

C’est en 2006, à la suite de l’aboutissement de négociations avec le gouvernement fédéral et à l’adoption de la Loi sur l’assurance parentale en 2001, que le Régime québécois d’assurance parentale entre en vigueur (Roberge, 2007). Ce régime est considéré comme un des fondements de la politique familiale au Québec (Conseil de la famille et de l’enfance, 2000). L’objectif de cette mesure est d’« élargir l’accessibilité

aux prestations de maternité et aux prestations parentales, et d’offrir une meilleure couverture que le programme fédéral d’assurance-emploi » (Roberge, 2007; 42). Il permet ainsi à certains groupes de

travailleurs, tels que les travailleurs autonomes et à temps partiel, auparavant exclus du programme fédéral, de bénéficier de congés parentaux. Une autre innovation du programme québécois concerne le congé de paternité non transférable à la mère afin d’encourager un partage plus équitable des tâches et responsabilités liées à la famille.

1.6 La conciliation travail-vie personnelle dans le secteur public au

Québec

1.6.1 Principes directeurs des dispositions de conciliation travail-vie personnelle

La famille est reconnue comme une valeur fondamentale de la société québécoise (Roberge, 2004). Un retard est pourtant perceptible quant à l’adaptation à la tension croissante entre les sphères personnelles et professionnelles (Tremblay & De Sève, 2002; Roberge, 2004). Le Conseil de la famille et de l’enfance a plaidé afin que l’on « admette la responsabilité collective en matière de conciliation famille-travail et que l’on

reconnaisse la relation d’interdépendance entre ces deux grands domaines de l’activité humaine »

(Roberge, 2004, 7). Un document de consultation émis par le Ministre de l’Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille du gouvernement du Québec propose sept principes qui sous-tendent les actions actuelles et futures au Québec. Ces principes sont :

- La famille constitue une richesse sociale et doit être soutenue par l’ensemble de la société. - Le travail est un gage d’autonomie et d’intégration à la société pour les femmes et les

hommes.

- La conciliation travail-famille est une responsabilité partagée entre les différents acteurs

socioéconomiques.

- Les parents sont les premiers responsables de l’éducation et du développement de leurs

(28)

18

- Les personnes qui prennent soin d’un parent ou d’un proche, malade ou ayant des

incapacités temporaires ou permanentes, ont une contribution sociale et économique majeure au sein de la société et leur apport doit être reconnu.

- L’accès égalitaire aux mesures de conciliation travail-famille doit être favorisé. Les mesures

doivent être destinées également aux femmes et aux hommes afin que les deux en profitent.

- Les mesures ne doivent pas créer d’effets secondaires porteurs d’inégalités sociales ou de

disparités plus prononcées entre la situation économique des femmes et celles des hommes

(Roberge, 2004 : 7-9).

Le Conseil de la famille et de l’enfance propose en outre trois objectifs afin d’assurer la jonction entre le milieu familial, le milieu de travail et le milieu de vie des familles :

- Le milieu familial : favoriser la participation active des femmes et des hommes à la vie familiale et au marché du travail.

- Le milieu de travail : engager et soutenir les employeurs, les travailleuses et les travailleurs et leurs représentantes ou leurs représentants dans une démarche commune pour la mise en place de mesures de soutien formel et informel.

- Le milieu de vie : adapter l’offre de service aux réalités des familles (Roberge, 2004 : 29).

L’État se doit donc de soutenir les familles qui font le choix de mettre un enfant au monde au cours de toute la période où ils ont un enfant à charge et non seulement lors de moments de crise (Roberge, 2004).

1.6.2 Les secteurs de l’éducation, de la santé et des services sociaux

Tremblay et De Sève (2002) et Tremblay (2005) ont effectué une recherche sur les dispositions de conciliation travail-vie personnelle offertes au sein de huit milieux de travail regroupant des organisations membres des Fédérations de la santé et des services sociaux et de la Fédération des professionnels et professionnelles de l’éducation. Ces milieux étudiés sont deux centres jeunesse, deux centres hospitaliers et quatre commissions scolaires. La première étude publiée en 2002 est un rapport de recherche de type qualitatif. Des entrevues auprès des établissements syndiqués ont été réalisées sur le thème du temps de travail et de la conciliation emploi-famille. Plus précisément, les sujets abordés étaient entre autres les mesures de conciliation existantes au sein de l’organisme, le rôle du syndicat et de l’organisation concernant ces dispositions, les pratiques des gestionnaires ainsi que l’attitude des employés envers ce qui leur est offert. Dans chaque organisme, un représentant syndical, un responsable patronal et deux groupes de parents salariés étaient rencontrés. Les pères et mères sélectionnés devaient représenter une certaine

(29)

diversité quant à leur situation familiale (famille biparentale intacte, garde partagée, famille reconstituée, etc.) afin que les résultats soient représentatifs de diverses situations.

Les résultats de recherche permettent de mettre de l’avant un changement réel concernant l’évolution des rôles traditionnels de vie familiale et domestique. Les pères et les mères se représentent différemment leur propre rôle au sein du foyer et envers leurs enfants, ainsi que sur le plan professionnel. Les femmes s’investissent davantage qu’auparavant au plan professionnel. Les hommes, quant à eux, passent plus de temps qu’auparavant avec les enfants et s’impliquent plus dans le travail domestique et familial. Cette réalité se reflète dans les demandes des employés au sein de certaines entreprises étudiées puisque les pères participent davantage aux dispositions de conciliation travail-vie personnelle offertes par l’organisme. Une certaine persistance des archétypes traditionnels est cependant perceptible.

La recherche a aussi permis de dresser un portrait des mesures de conciliation emploi-famille offertes au sein des organismes étudiés. Les résultats démontrent une pauvreté des mesures, accentuée par le témoignage des parents : « plusieurs parents en emploi considéraient que leur employeur n’offrait aucune

mesure de conciliation emploi-famille. […] D’autres en ont mentionné quelques-unes, mais en prenant soin très souvent d’indiquer les limites de leur mise en application réelle » (Tremblay & De Sève, 2002; 121).

Une certaine rigidité fonctionnelle et organisationnelle est mentionnée telle qu’un manque d’effectif, des difficultés de remplacement, un aménagement de l’horaire de travail complexe, etc. Ces préoccupations énumérées sont considérées plus importantes par les gestionnaires que le conflit travail-vie personnelle vécu par les employés. Il semble que les obstacles les plus fréquemment rencontrés sont d’une part l’accessibilité des mesures de conciliation et d’autre part, les modalités des dispositions accessibles telles que le Programme d’aide aux employés (PAE), l’horaire flexible et les congés personnels. Ces dispositions ne sont disponibles que dans la mesure où elles ne modifient pas l’organisation du travail en place. Ainsi, la rigidité organisationnelle, faisant référence à la culture organisationnelle mentionnée précédemment, demeure un des obstacles les plus importants à l’actualisation dans les faits des dispositions de conciliation travail-vie personnelle.

Un autre obstacle qui ressort de cette étude est la difficulté d’assumer la baisse de revenu souvent associée à l’utilisation de ces mesures. Les employés ne jouissent pas toujours d’une situation économique

(30)

20

pouvant leur permettre un revenu moindre afin d’augmenter le temps passé en famille. Les dispositions peuvent ainsi devenir une contradiction puisqu’en voulant venir en aide aux familles celles-ci doivent en réalité en assumer les conséquences au plan professionnel ou financier.

La seconde étude, publiée en 2005, fait état de la partie quantitative du même projet de recherche. Un questionnaire a été rempli par 490 personnes, hommes et femmes, sur les 3000 visées, ce qui est acceptable dans un contexte d’enquête postale. Les questionnaires étant distribués auprès des même huit syndicats que dans la précédente recherche, 40% des répondants proviennent du secteur de la santé et des services sociaux (centres hospitaliers et centres jeunesse) et 60% proviennent des syndicats de professionnels et professionnelles de l’éducation dans diverses régions du Québec. Le principal critère d’inclusion était d’avoir au moins un enfant ou une personne (handicapée ou âgée) à leur charge. Le questionnaire abordait entre autres le temps de travail, la conciliation travail-vie personnelle et l’attitude du supérieur et des collègues au travail.

Tremblay a identifié dans cette recherche les principaux facteurs pouvant expliquer les difficultés de conciliation des sphères personnelles et professionnelles. Il s’agit de l’âge moyen des enfants, la durée de travail hebdomadaire, le soutien concret du conjoint, le soutien du supérieur, le niveau de scolarité et le sexe. Ces variables permettent de conclure que l’augmentation de l’âge moyen des enfants, du soutien concret du conjoint et du supérieur diminuent les difficultés de conciliation. À l’opposé, une augmentation de la durée de travail hebdomadaire accroît ces difficultés. L’analyse statistique appuie aussi l’idée selon laquelle les hommes auraient moins de difficulté à concilier le travail et la famille que les femmes. Le niveau de scolarité quant à lui présente une corrélation positive. L’auteure souligne que la durée hebdomadaire de travail se classe comme une des variables les plus enclines à influencer la conciliation travail-vie personnelle ce qui est bénéfique puisque c’est la principale variable sur laquelle il est possible d’agir dans une majorité de milieux de travail. Il est aussi possible d’intervenir au niveau du soutien du conjoint et de celui du supérieur. Puisque le secteur de la santé et des services sociaux a un employeur unique, c’est-à-dire l’État, son rôle devient primordial dans l’élaboration de mesures visant à faciliter la conciliation. La recherche permet ainsi de conclure que l’offre d’une réduction de temps de travail associée à une accessibilité à des mesures de conciliation permettraient de faciliter l’articulation entre les sphères professionnelles et familiales.

(31)

Malgré la pertinence de ces études, certaines limites peuvent être énoncées. La principale est que les Centres de Santé et de Services Sociaux (CSSS) en sont exclus. Il s’agit pourtant de l’un des plus importants employeurs des travailleurs sociaux au Québec. Il pourrait s’avérer pertinent de comparer ce milieu de travail de professionnels du secteur public aux autres milieux de travail.

1.6.3 Le milieu du travail social

Une autre recherche pertinente a été effectuée sur le milieu du travail social au Québec afin d’évaluer l’impact possible du soutien organisationnel concernant la conciliation travail-vie personnelle (Tremblay & al., 2009). L’objectif était d’analyser dans quelle mesure l’organisation soutient – ou non – les employés dans leur tentative de concilier leur vie personnelle et professionnelle. L’enquête a été réalisée sur Internet en 2007 auprès de travailleurs sociaux et travailleuses sociales employés par les CSSS, adhérents de l’Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec (OPTSQ). Un volet sur la conciliation travail-vie personnelle était inclus dans le questionnaire et traitait des sujets tels que les mesures de soutien à la conciliation dans les milieux du travail social, le soutien du milieu professionnel de façon générale, le soutien des supérieurs et des collègues, etc. Le questionnaire a été envoyé au début de l’année 2007 à 1665 membres de l’OPTSQ travaillant en CSSS et 417 personnes ont répondu, soit un taux de réponse de 25%. Plus de 83% des répondants étaient des femmes ce qui correspond à peu près à la composition sexuée de la population des membres de l’Ordre en 2006 (16% d’hommes et 84% de femmes). Les répondants travaillaient en forte majorité (77%) en Centre local de services communautaires (CLSC) et en Centres hospitaliers (11%).

Cette recherche relate que ce milieu n’est pas particulièrement soutenant en ce qui concerne les difficultés de conciliation travail-vie personnelle, les collègues palliant cependant en partie ce déficit organisationnel. La recherche permet d’établir que les travailleurs sociaux qui ont répondu aux questionnaires ne perçoivent pas leur milieu de travail comme étant favorable et ouvert aux mesures visant à faciliter la conciliation travail-vie personnelle. Les résultats permettent aussi de déterminer que les répondants ne considèrent pas leur supérieur attentif à la question de conciliation travail-vie personnelle. Une certaine hésitation quant à l’utilisation du congé parental lié à une grossesse semble être associée à la culture organisationnelle du milieu de travail qui envoie le message implicite qu’il est préférable de ne pas s’absenter trop longtemps

(32)

22

puisque cela pourrait avoir des effets négatifs sur leur carrière. Environ la moitié des répondants partageait l’avis selon lequel il n’était pas dans la culture du milieu de prendre un congé pour des motifs familiaux. Près de 50% des répondants mentionnent qu’un impact négatif est possible lors de la prise de congé pour causes familiales. Finalement, la recherche permet d’établir que la possibilité d’aménager le temps de travail dans l’optique de faciliter la conciliation des sphères personnelles et professionnelles est peu disponible dans le milieu du travail social québécois.

Concernant les limites de cette étude, la recherche est de type quantitatif uniquement. Les études quantitatives peuvent s’avérer très utiles, mais une étude qualitative permettrait d’approfondir les causes exactes de cette problématique. Il serait aussi possible d’évaluer si une amélioration est perceptible quelques années plus tard au sein des CSSS quant à la culture organisationnelle et aux dispositions offertes par l’employeur.

1.7 Questions de recherche

Par conséquent, ce mémoire vise à répondre aux questions suivantes :

1- Quelles sont les dispositions actuelles au sein des CLSC d’un CSSS visant à faciliter la conciliation travail-vie personnelle?

2- Comment ces dispositions s’actualisent-elles sur le terrain selon les employées ayant au moins un enfant à charge; concernant notamment :

- l’aménagement du temps de travail;

- les congés de maternité, parentaux ou d’adoption; - les autres congés liés aux responsabilités familiales; - avantages sociaux des employés;

- la culture organisationnelle.

3- À la lumière de ces données, est-ce que certaines avenues gagneraient à être explorées davantage?

(33)

1.8 Pertinence de la recherche

Une recherche sur les dispositions visant à faciliter la conciliation travail-vie personnelle dans le secteur de la santé et des services sociaux apparaît pertinente sur le plan social. Les dispositions actuelles sont récentes et parfois méconnues des employés. On peut donc se demander de quelle façon, au-delà des énoncés présentés dans les conventions collectives, elles s’actualisent concrètement sur le terrain. Le ministère énonce des principes concernant la famille au Québec et il est intéressant de déterminer si l’État, en tant qu’employeur, applique ces principes lors de la mise en œuvre des dispositions visant à faciliter la conciliation des sphères personnelles et professionnelles (Roberge, 2004). Il s’agit donc de déterminer ce qui fonctionne bien afin de le maintenir et d’améliorer ce qui peut l’être. L’État a tout avantage à s’intéresser à ce type de recherche puisque cela lui permet d’accentuer la satisfaction au travail de ces employés, et parallèlement leur productivité. Ce projet est en outre pertinent pour les cadres qui pourront s’ajuster au besoin afin de faciliter l’accès aux dispositions. Une culture organisationnelle axée sur la conciliation travail-vie personnelle engendre divers avantages, tels qu’un plus haut taux d’efficacité et une plus grande satisfaction au travail. Ce projet pourrait ainsi contribuer à l’évolution de cette culture organisationnelle afin que tant les employés que l’employeur en soient gagnants.

Sur le plan scientifique, les dispositions visant à faciliter la conciliation travail-vie personnelle dans le secteur public n’ont fait l’objet d’aucune recherche qualitative récente. Une partie des recherches sont de type quantitatif (Tremblay & de Sève, 2002; Tremblay & al., 2009) et permettent de déceler des pistes qui devraient être explorées. D’autres recherches, de type qualitatif, ont été effectuées (Tremblay, 2005) mais dans certains milieux seulement, laissant de côté les CSSS. On retrouve donc peu d’études qui s’attardent principalement aux dispositions offertes aux professionnels du domaine de la santé et des services sociaux. Puisque tous les CSSS ont un employeur unique, c’est-à-dire l’État, la généralisation des résultats est davantage possible. Cependant, il faut préciser que la culture organisationnelle peut varier d’un CSSS à l’autre, et ce malgré les recommandations de l’État et la convention collective.

(34)
(35)

CHAPITRE 2 : CADRE CONCEPTUEL

2.1 Le concept de conciliation travail-vie personnelle

Il est important de tout d'abord définir plus précisément le concept de la conciliation travail-vie personnelle et de préciser le sens que nous lui donnerons dans cette recherche. Tout d’abord, le terme de conciliation est bien défini dans un ouvrage de Germain Dulac (1998) :

Les termes anglais reconciliation ou conciliation n’impliquent pas le retour à une situation antérieure, mais signifient plutôt harmoniser ou fondre différentes activités et intérêts de manière à ce qu’il y ait le moins de désavantages, de friction, de stress entre les rôles parentaux et le travail. Le terme français conciliation n’est pas le synonyme du terme

family-friendly : il comporte la nécessité de trouver des arrangements entre les différents

besoins et intérêts des parties visées. En ce sens, cette notion se différencie par ses aspects interactionnels de la notion family-friendly, qui est plus statique». Le terme français conciliation présente un inconvénient : il sous-tend l’idée d’un équilibre parfait entre les différents intérêts en présence, il est en somme un processus dynamique où débats, négociations et conflits entre différents groupes d’intérêts interviennent. (Dulac, 1998 :46).

Le terme conciliation étant le plus utilisé au Québec, il est ici préféré aux termes articulation ou équilibre qu’on retrouve dans certains écrits. Il est nécessaire de préciser que le terme conciliation n’implique pas nécessairement un équilibre entre les différents intérêts ou responsabilités puisqu’il peut renvoyer aux compromis ou aux négociations permettant de parvenir à un arrangement. Le terme conciliation suppose un conflit, actuel ou potentiel, entre les deux sphères étudiées (Chrétien, 2005).

Le terme famille est sans doute le plus utilisé par la communauté scientifique et dans les écrits gouvernementaux. Cependant, ce terme se limite à une seule sphère de la vie personnelle, soit la sphère familiale. Les difficultés de conciliation peuvent être plus complexes et être influencées par d’autres sphères. Selon Duxbury et Higgins (2003), le terme vie personnelle peut être préféré à celui de famille étant donné les formes diverses que peuvent prendre les responsabilités personnelles des travailleurs. Ainsi, ce

Figure

Tableau 3 : Ententes d’aménagement du temps de travail applicables pour le personnel des  catégories syndicales 3 et 4 de la mission première ligne
Tableau 4 : Tableau descriptif des participantes  Participantes  Groupe  d’âge  Niveau  scolaire du  plus jeune  enfant  Heures  travaillées par semaine* Heures  travaillées  par semaine pour le  conjoint*  Revenu familial  Site  d’emploi  PPS1  30-39  Pré

Références

Documents relatifs

81 Figure 19 : Échographie de la veine jugulaire interne en coupe longitudinale montrant le cathéter en intraluminal avec un bout distal s’arrêtant en regard de la mastoïde. 81

The reference configuration on this machine has a model material consumption of 57.86 grams, with 74.55 grams of support and 8.02 kWh of electrical energy and

C'est au cours d'un stage de deuxième année que j'ai eu l'opportunité d'observer une séance de remédiation cognitive destinée à stimuler le

Platon admet l’existence d’Idées abstraites, les seules choses véritablement réelles, accessibles uniquement grâce à la RAISON, qui se trouvent dans le fameux «Monde

Ce projet qui porte sur la conception d’un modèle stratégique intégrateur pour les organisations du domaine socio-sanitaire et qui se propose de l’appliquer en

Several experimental studies have documented strong empirical regularities in linear public goods experiments including 1 the fact that people contribute more than predicted by

En effet, ces questions sont au cœur de la rhétorique d’un poète tel que Rutebeuf, et directement léguées, en premier lieu, par Isidore de Séville et ses continuateurs

Parallèlement, nous venons de créer le Centre de conseils en agriculture urbaine (C-CAU) dont l'ambition est d'accompagner les institutions publiques, le secteur immobilier, le