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ATELIER PAYSAGE DE LA HAUTE GARTEMPE : PREMIERE OPERATION PALYNOLOGIQUE SUR LES TOURBIERES DU MASFOREAU (Commune de Saint-Christophe, Creuse)

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(1)

Conseil départemental de la Creuse

Maison départementale des Patrimoines

11 rue Victor Hugo 23000 Guéret  

 

ATELIER PAYSAGE DE LA HAUTE GARTEMPE :

PREMIERE OPERATION PALYNOLOGIQUE

SUR LES TOURBIERES DU MASFOREAU

(COMMUNE DE SAINT-CHRISTOPHE, CREUSE)

2015-2016

        A

ASSOCIATION DE RRECHERCHE PPALEOECOLOGIQUE EN AARCHEOLOGIE Université Claude Bernard Lyon I - Bâtiment Géode

2 rue Raphaël Dubois 69622 Villeurbanne Cedex

(2)

Sommaire

1- Introduction : contexte de l’étude et problématique ... 2

2- Travail de terrain : carottages dans les tourbières du Masforeau... 2

2-­1  Technique... 2  

2-­2  Localisation  des  trois  sites ... 3  

3- Travail de laboratoire : préparation des échantillons... 9

3-­1  Susceptibilité  magnétique ... 9  

3-­2  Préparation  des  échantillons  pour  l'analyse  pollinique  (fig.  10)... 9  

3-­3  Echantillonnage  14C ... 11  

4- L'analyse pollinique : Protocoles de comptage et de représentation graphique... 11

5. Chronologie - Modèle d'âge ... 12

6- Masforeau 1 (MASF1)... 12

6-­1  Chronologie  de  MASF1 ... 12  

6-­2    Résultats  de  l'analyse  pollinique  de  MASF1  : ... 13  

6-­3  Microfossiles  non  polliniques... 20  

7- Masforeau 2 (MASF2)... 21

7-­1  Chronologie  de  MASF.2 ... 21  

7-­2  Résultats  de  l'analyse  pollinique  de  MASF2 ... 22  

7-­3  Les  microfossiles  non  polliniques... 29  

7-­4  Conclusion  MASF2 ... 31  

8- Masforeau 3 (MASF3)... 31

8-­1  Chronologie  de  MASF3 ... 32  

8-­2  Résultats  de  l'analyse  pollinique  de  MASF3 ... 34  

9- Synthèse palynologique et gestion du territoire du Masforeau (Saint-Christophe, Creuse) ... 39

9-­1    Le  contexte  géologique  : ... 39  

9-­2  Le  contexte  géomorphologique  : ... 42  

9-­3  Le  contexte  agropastoral  actuel  du  Masforeau... 43  

9-­4    Les  tourbières ... 43  

9-­5    Evolution  du  territoire  du  Masforeau... 44  

9-­5-­1    Comparaison  entre  les  trois  sites  MASF.1,    MASF.2  et  MASF.3.  : ... 44  

9-­5-­2  Interprétation ... 46  

10 – Conclusion générale :... 47

11 – Remerciements :... 47

(3)

Atelier géo-paysage de la Haute Gartempe :

première opération palynologique réalisée sur les tourbières

du Masforeau (commune de Saint Christophe, Creuse)

Jacqueline Argant

1- Introduction : contexte de l’étude et problématique

La Gartempe, rivière longue de 205 km, prend sa source en Limousin, dans les Monts de la Marche à 14 km au sud de Guéret, vers 600 m d’altitude. Ses eaux rejoignent la Creuse peu avant La Roche-Posay, puis la Vienne et enfin la Loire avant de se jeter dans l’Atlantique. Elle draine un réseau hydrographique à relief modéré mais alimentant une multitude de petits ruisseaux. Le ruisseau du Pré Chapitre et le ruisseau du Verguet traversant la commune de Saint-Christophe sont à l’origine de trois zones tourbeuses au niveau du hameau du Masforeau.

Devant l’intérêt écologique et patrimonial de cette zone, le Conseil Général de la Creuse a décidé de lancer l’atelier paysage de la Haute Gartempe en finançant une première opération palynologique sur cet ensemble de trois tourbières. La palynologie, ou étude des pollens et des spores fossiles conservés dans les sédiments et en particulier dans la tourbe, peut en effet permettre de reconstituer l’histoire végétale d’un lieu donné, histoire climatique pour les périodes les plus anciennes mais aussi histoire des activités humaines pour les périodes holocènes. Les tourbières se prêtent remarquablement bien à l’enregistrement des spectres polliniques au cours du temps, tant au niveau de leur conservation que de leur datation précise par le 14

C-AMS.

Le groupement de trois tourbières autour du Masforeau (Saint-Christophe, Creuse) : Masforeau 1, Masforeau 2 et Masforeau 3 dans un rayon de 200 à 300 m autour du hameau constitue une opportunité remarquable de préciser la chronologie et l’impact de l’activité humaine sur ce territoire et de suivre en parallèle l’évolution des rapports des hommes avec le milieu naturel au cours des deux derniers millénaires en Haute Gartempe.

2- Travail de terrain : carottages dans les tourbières du Masforeau 2-1 Technique

(4)

Les carottages ont été réalisés le 3 septembre 2015 par Alain Argant, Jacqueline Argant (ARPA) et Michel Manville accompagné de trois de ses collaborateurs (CAUE de la Creuse). Un carottier russe enfoncé manuellement dans la tourbe a été utilisé (fig. 1).

Avec ce type de sonde, la carotte remontée reste à l’abri dans son logement protégé par un volet que l’on a fait pivoter à la profondeur souhaitée et est ainsi à l’abri des pollutions extérieures. Les carottes extraites (demi cylindres de 4 cm de diamètre et de 50 cm de longueur) ont été numérotées, orientées, décrites et emballées globalement dans une gouttière de PVC, glissées dans de la gaine plastique scellée par du ruban adhésif. Elles ont été ouvertes et échantillonnées dans de bonnes conditions en laboratoire.

2-2 Localisation des trois sites

(5)

- Masforeau 1 (MASF.1), 46°06'42.9"N, 01°51'44.5"E, 509 m ; fonction actuelle : pâturage ; la tourbe s'y est développée en amont dans une zone en pente douce gorgée d'eau, drainée par un ruisseau qui rejoint le ruisseau du Pré Chapitre en contre bas (fig.3).

Fig. 3 : Masforeau 1. Emplacement du carottage.

- Masforeau 2 (MASF.2), 46°06'41"N, 01°51'35"E, 499 m ; fonction actuelle : pâturage ; la zone tourbeuse est drainée par le ruisseau du Pré Chapitre (fig. 4).

Fig. 4 : Masforeau 2. Emplacement du carottage et portion de carotte 120-150 cm montrant un remplissage limoneux.

(6)

- Masforeau 3 (MASF.3), 46°06'23"N, 01°51'53"E, 498 m ; zone tourbeuse boisée partiellement, défrichée dans sa moitié sud, limitée à l'ouest par le ruisseau du Verguet (fig. 5).

Fig. 5 : Masforeau 3. Carottage dans une clairière. En arrière plan, zone boisée riche en bouleaux et trembles.

2-3 Stratigraphie

La description des trois carottages est donnée sous forme de figures (fig. 6, 7, 8) comprenant : - la description sommaire de la stratigraphie,

- une photo des carottes, - un schéma interprétatif,

- la position des échantillons retenus pour la datation 14C-AMS, - la courbe de susceptibilité magnétique.

D'une manière générale, la tourbe proprement dite, épaisse de 128 à 150 cm selon le site, s'enrichit progressivement en limons puis en sable fin avant d'atteindre l'arène granitique du substrat. Dans MASF1 et MASF2, la tourbe est fibrique, c'est-à-dire peu décomposée, très peu compacte dans sa partie supérieure ; elle présente dans les carottes extraites de longues tiges et des racines disposées verticalement jusqu'à -100 cm pour MASF1, et -120 cm pour MASF2 ; des fragments de bois apparaissent vers - 90 et -120 cm à MASF1. Par contre dans MASF3, la tourbe est saprique - très décomposée - dès la surface et les fragments de bois qui se rencontrent dès -100 cm de profondeur deviennent plus volumineux et abondants à la base du sondage. Dans tous les cas, la couleur de la partie organique évolue peu et se situe toujours dans la gamme des bruns noirs plus ou moins foncés (10YR/2/2, 3/3, 3/4 de Munsell Soil Color Charts, édition 1975).

(7)

Fig. 6 : Masforeau 1. (A173 = échantillon daté 14

(8)

Fig. 7 : Masforeau 2 (A166 = échantillon daté 14

(9)

Fig. 8 : Masforeau 3 (A 176 = échantillon daté 14

(10)

3- Travail de laboratoire : préparation des échantillons 3-1 Susceptibilité magnétique

Fig. 9 : Mesure de la susceptibilité magnétique sur une carotte de MASF.3.

Principe :

La susceptibilité magnétique volumique permet d'estimer la teneur en composés ferromagnétiques d’un matériau. Elle augmente généralement dans les sédiments anthropisés, en particulier ceux renfermant des restes de foyer, dans les horizons ayant supporté le développement d'un sol pendant une longue durée, ou en présence d’une concentration de minéraux magnétiques allochtones comme celle par exemple provoquée par les retombées volcaniques. Même si le signal obtenu nécessite d'être conforté par des analyses complémentaires, il constitue un indicateur utile au décryptage à haute résolution des séquences pédosédimentaires et est facile à obtenir.

Méthodologie :

La susceptibilité magnétique a été mesurée par Mathieu Rué (UMR 5140 - Archéologie des Sociétés Méditerranéennes, Lattes) à l’aide d’un appareil Bartington MS2 muni d’un capteur MS2E qui diagnostique une surface d’environ 0,4 cm2

(fig. 9). Après nettoyage de la surface, le capteur est positionné directement sur le sédiment recouvert d'un film plastique très mince. Les mesures ont été effectuées tous les 2 cm du haut vers le bas du prélèvement, au centre de la carotte (sédiment frais, température ambiante, environ 20°C) l’appareil étant remis à zéro entre chaque mesure. La série de valeurs a été obtenue en utilisant une résolution à 1,0 CGS x 10-6.

Résultats :

Les valeurs de la susceptibilité magnétique enregistrées sont très faibles, nulles ou négatives, ce qui n'est pas surprenant dans ces dépôts de zones humides riches en matières organiques et en eau. Elles varient très peu. Seuls les matériaux sablo-argileux de la base des trois sondages montrent une augmentation notable signant leur origine détritique. Aucun autre apport détritique n'est mis en évidence, excepté très légèrement, près de la surface de MASF1 (environ 15 cm de profondeur) où on observe par ailleurs des paillettes de mica disséminées dans la tourbe.

3-2 Préparation des échantillons pour l'analyse pollinique (fig. 10)

Pour l'analyse pollinique deux grammes de tourbe en moyenne ont été prélevés régulièrement tous les trois centimètres, en éliminant autant que possible les bords de la carotte et les fibres verticales.

(11)

Ensuite, protocole du traitement habituel, classique et particulièrement efficace s’il y a des pollens et des spores fossiles dans le sédiment (ce qui n’est pas toujours le cas en palynologie) :

-­‐ après pesée, mise en suspension des échantillons dans l’eau avec de l’hexamétaphosphate de sodium comme puissant diffluant, 24 h au moins, décantation,

-­‐ mixage et tamisage pour éliminer les particules supérieures à 1 mm, décantation, -­‐ décarbonatation par l’acide chlorhydrique (solution à 27%),

-­‐ désilicification par l’acide fluorhydrique (solution à 40%, à froid),

-­‐ extraction de la matière organique par une solution de potasse (10%) à chaud (bain-marie 10 min),

-­‐ dans une solution dense (d=2), agitation mécanique 10 min dans un appareil puis centrifugation à 3000 tr/mn pour concentrer les pollens et les spores en surface du liquide, -­‐ dilution de la solution dense par ajout d’eau déminéralisée pour que le pollen et les spores

deviennent plus lourds que la solution et tombent au fond lors de la centrifugation suivante, -­‐ après rinçage à l’eau déminéralisée, le culot final restant, celui qu’on regardera au microscope, est placé dans quelques gouttes de glycérine, dans son tube de stockage avec bouchon à ailettes garantissant une longue durée de conservation.

Toutes les phases se terminent par un rinçage et une centrifugation avec rejet du surnageant et conservation du culot au fond du tube pour le traitement suivant. Seule la liqueur dense est récupérée, filtrée et reconcentrée pour être réutilisée.

a b

c d

Fig. 10 : Quelques étapes de l'analyse pollinique : a- pesée (2 à 3 g environ) et mise en pot de l'échantillon pour le début de la préparation (eau, hexamétaphosphate) ; b- centrifugation ;

(12)

3-3 Echantillonnage 14

C

 Une  série  de  datations  14C-­‐AMS  a  été  réalisée  en  2016  par  le  Centre  de  Datation  par  le  

Radiocarbone  de  l'Université  Lyon  1.  

Un tableau des résultats obtenus est donné pour chacun des sites (tab. 1, 2, et 3). Les datations réalisées à la base des carottages préliminaires réalisés par A. Tourman (Société Holocène) sont également rappelées.

Les âges mesurés en années BP au laboratoire ont été calibrés en utilisant le programme OxCal et la courbe de calibration "IntCal13" (Reimer et al., 2013 ; Bronk Ramsey, 2013).

La correspondance avec les périodes archéologiques a été établie sur les bases données pour le Massif central par Catteddu (2009), Carozza et Marcigny, (2007) et Demoule (2007).

4- L'analyse pollinique : Protocoles de comptage et de représentation graphique

Vingt microlitres du culot obtenu à l'issue de la préparation sont montés entre lame et lamelle pour l'observation au microscope (Leica DM 3000), grossissement 500 sauf pour les cas difficiles examinés au grossissement 1000, avec contraste de phase si nécessaire. Les déterminations ont été réalisées, parfois avec l'aide des atlas photographiques de Reille (1999) et des collections de comparaison de l'ARPA. Les Cyperaceae, les taxons de plantes aquatiques et les Ptéridophytes ne sont pas pris en compte pour le calcul de la somme pollinique totale afin de réduire le poids de ces catégories représentant une flore très locale surreprésentée. La somme pollinique est donc établie sur le nombre total de grains de pollen - arbres et arbustes (AP) + herbacées (NAP) - et les pourcentages de chaque taxon calculés par rapport à cette somme. Le nombre de grains de pollen comptés est au minimum 300 en principe et on considère que la pluie pollinique est valablement représentée si n = 20 taxons au moins peuvent être déterminés. Ces valeurs seuils sont largement dépassées (moyenne 856 grains comptés par échantillon et n ≥ 22) à Masforeau.

La richesse pollinique E(Tn) de chaque échantillon a également été évaluée. Il s'agit d'un indice obtenu par une analyse de raréfaction permettant d'évaluer le nombre théorique de taxons de tous les échantillons d'une séquence sur la base de la somme pollinique la plus faible obtenue (Birks et Line, 1992). Il permet de caractériser l'ouverture du milieu : à l'Holocène le cortège végétal est plus diversifié dans un milieu ouvert qu'en forêt. Au delà des fluctuations de la courbe des arbres, l'augmentation de cet indice permet donc de bien mettre en évidence les phases de déforestation.

Toutes ces données palynologiques sont représentées sous la forme de diagrammes dessinés à l'aide du logiciel Psimpoll 3.00 (Bennett, 2000). Des zones locales d'assemblage pollinique (ZP) ont été définies à l'aide d'une analyse statistique de classification hiérarchique stratigraphiquement contrainte de type CONISS (Grimm, 1987).

Trois formes de diagrammes sont présentées pour chaque site :

1- Un diagramme réduit permet d'avoir une vue d'ensemble des résultats. Dans ce cas les taxons qui apparaissent dans peu d'échantillons et/ou en quantité faible (<1%) sont regroupés sous le terme de varia AP ou varia NAP.

Varia AP = Abies, Salix, Ulmus, Acer, Viscum, Buxus, Prunus, Ligustrum, Rhamnus, Rosaceae, Vitis, Picea. Varia NAP = Stellaria, Crassulaceae, Drosera, Euphorbiaceae, Fabaceae, Gentianaceae, Geraniaceae,

Helianthemum, Hypericum, Liliaceae, Mercurialis, Papaveraceae, Melampyrum, Polygonum, Primulaceae, Digitalis, Rutaceae, Sanguisorba minor, Saxigragaceae, Scrophulariaceae, Thymeleaceae, Valerianaceae, Xanthium.

(13)

Remarque : Dans les diagrammes, tous les taxons d'Asteraceae sont regroupés sous le terme Asteraceae tot. Les composantes des landes à bruyères, Calluna et Erica, sont également regroupées.

Le résultat de l'analyse CONISS est figuré sous forme graphique à droite du diagramme. 2- Le diagramme complet qui reste le document de base avec tous les taxons, est réparti sur plusieurs pages pour conserver une bonne lisibilité.

3- Un diagramme d'anthropisation ou diagramme "société-végétation" (Barbier et al., 2001).

5. Chronologie - Modèle d'âge

Pour chacun des trois sites on dispose d'une datation 14

C-AMS de la base des dépôts tourbeux effectuée lors de la phase préparatoire par différents laboratoires (en bleu dans les tab. 1, 2 , 3). Les trois nouveaux carottages destinés à l'analyse pollinique se situent à proximité des sondages exploratoires, mais la profondeur atteinte est parfois légèrement différente, de même que les dates obtenues pour le début du dépôt qui peuvent varier largement selon le matériau daté (dépôt organo-minéral, tourbe, bois). Les datations faites sur l'ensemble d'un carottage privilégient en principe les points où on peut observer des changements polliniques significatifs. Certaines dates paraissant incohérentes, trop anciennes ou trop récentes, ont dû être rejetées (marquées * dans les tableaux). Pour chaque site, l'ensemble des dates obtenues a permis la construction de modèles d'âge/profondeur permettant d'attribuer un âge théorique à chaque échantillon. Les courbes ont été calculées avec le logiciel OxCal 4.2 par une méthode de statistiques bayésiennes, en faisant l'hypothèse d'un modèle de sédimentation par processus de Poisson supposant une sédimentation non régulière (Bronk Ramsey, 2008 ; Bronk Ramsey & Lee, 2013).

6- Masforeau 1 (MASF1)

Les cinquante-sept échantillons analysés sont répartis sur 163 cm. La base est minérale (sable grossier puis argile). La tourbe commence à -150 cm mais reste mêlée à des éléments minéraux fins jusqu'à -139 cm. De -139 cm à -80 cm on a à faire à de la tourbe saprique avec des fragments de bois à -129 puis 92 cm. Elle devient ensuite de plus en plus fibrique jusqu'à la surface où poussent encore les sphaignes. Une passée enrichie en minéraux, mica en particulier s'observe entre 12 et 15 cm de profondeur (fig. 6).

6-1 Chronologie de MASF1

Elle repose sur 8 dates (tab. 1), mais trois d'entre elles ont été rejetées :

- A 173 : A173 à -148/-150 cm, base de la carotte analysée, diffère de celle, beaucoup plus récente, obtenue à -166/-167 cm lors du sondage préliminaire effectué par A. Tourman (Société Holocène). Cette dernière a été faite sur de la tourbe alors que A173 est un limon argilo-tourbeux qui peut être enrichi en matériaux d'origine plus ancienne. L'incertitude sur le démarrage de la sédimentation organique étant trop importante cette date n'a pas été retenue. - A181, mesurée à -110/-112 cm est trop proche de A 174 obtenue à - 122/-124 cm et qui la recoupe en partie.

- A175, sort du modèle statistiquement le plus fiable.

Le modèle d'âge construit à l'aide des 5 dates restantes permet d'évaluer l'âge de la base du dépôt tourbeux situé à -148 cm (fig. 11). Celui-ci correspond à une fourchette très large, -600 à -100 avec une probabilité de 95,4 %, ce qui placerait le début de la turfigenèse à l'Âge du Fer, sans pouvoir être plus précis. Cette estimation paraît acceptable au vu de l'évolution pollinique.

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Tab.  1  : MASF 1. Dates 14C -AMS. En caractères gras, dates retenues pour le modèle âge/profondeur. Les dates rejetées sont marquées * et dans les lignes en grisé.

 

 

Fig. 11 : MASF1. Modèle âge/profondeur (modèle de Poisson, P_Sequence (0.1)). 6-2 Résultats de l'analyse pollinique de MASF1 :

La concentration pollinique, relativement élevée dans la moitié inférieure en raison de la forte production pollinique de l'aulne, décroît fortement entre 70 et 0 cm (fig. 12a) à l'inverse de la richesse pollinique - c'est-à-dire la diversité taxonomique - qui s'accroît beaucoup dans le même temps (fig. 12b). Cette évolution va de pair avec les défrichements comme le montre l'étude pollinique.

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a b

Fig. 12 : MASF1. Graphique de la concentration pollinique (nombre de grains estimé par gramme) et analyse de raréfaction (richesse pollinique).

Sur le diagramme (fig. 13) divisé en 10 zones polliniques locales notées M1-1 à M1-10, les dates données en années BC/AD sont notées en face de l'échelle âge-profondeur établie par le programme Psimpoll (Bennett, 2000) en fonction des dates retenues (tab. 1).

M1-1 (-163 à -112 cm) : cette ZP correspond à la partie basale très minéralisée surmontée par la tourbe saprique compacte. Elle est caractérisée par le taux élevé du pollen d'arbres dont les pourcentages restent stables autour de 90%, indiquant un milieu très peu ouvert. Le pollen d'Alnus (l'aulne) représentant ici entre 50 et 60 % de la somme pollinique, prouve qu'une aulnaie s'est développée à la faveur d'un sol gorgé d'eau. L'aulne a en effet besoin de sols constamment alimentés en eau pour prospérer (Rameau et al., 1993). Héliophile, il ne supporte pas la concurrence de grands arbres. Aussi, le peuplement forestier qui se manifeste également nettement occupe plutôt la partie sommitale des reliefs. Il est représenté surtout par le hêtre (Fagus, 20 % en moyenne) et les arbres de la chênaie (Quercus et Tilia principalement, Ulmus, rare Fraxinus, autour de 10% pour l'ensemble). Noisetier (Corylus), bouleau (Betula), pin (Pinus) sont les essences héliophiles les mieux représentées, croissant en lisière de la forêt, tout comme les fougères dont les spores sont relativement abondantes. On trouve aussi le houx (Ilex), arbre de demi-ombre qui apprécie les sols assez secs à frais et se rencontre souvent dans les fûtaies de hêtres, et la bourdaine (Frangula alnus) qui peut être aussi bien au coeur du milieu humide occupé par l'aulnaie qu'en lisière avec le bouleau (Betula) et le noisetier (Corylus).

Les herbacées s'expriment à la faveur de petites ouvertures permettant quelques cultures comme l'atteste le pollen de céréales qui apparaît dès la base, en compagnie du plantain (Plantago) et de l'oseille (Rumex), mais leur diversité reste limitée et les surfaces cultivées sans doute de faible ampleur. Cette phase pourrait recouvrir une partie plus ou moins importante de l'Age du Fer.

M1-2 (-112 à -66 cm) : la première partie de cette ZP (M1-2a, -112 à -88 cm, de 65 à 1050 ap. J.C.) recouvre l'époque romaine et le Haut Moyen Âge selon le modèle d'âge établi (fig. 11). Elle est marquée par des coupes dans la hêtraie et dans l'aulnaie, nettement

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accompagnées par le développement du bouleau et l'essor important des céréales, du plantain, de l'oseille et des Poaceae, signifiant la conquête de nouvelles surfaces destinées aux cultures et peut-être aussi de pâturages même si les microfossiles non polliniques indices de cette pratique font ici défaut. A noter que, globalement, le chêne ne paraît pas affecté profondément par les coupes mais sa courbe montre une série de fluctuations qui peuvent évoquer des interventions périodiques de défrichage à ses dépens, et une gestion raisonnée de la forêt. Le tilleul, en tous cas, disparaît pratiquement à partir de ce moment.

Cette dynamique se modifie à partir de -88 cm (M1-2b), au début du Moyen Âge central (1050 ap. J-C.) : la forêt continue à être exploitée, la hêtraie surtout, mais localement l'aulnaie reprend l'avantage. Ce qui permet de supposer que les terrains cultivés et/ou les pâturages devaient avoir été gagnés sur cette formation de ripisylve, et que les activités agricoles se réduisent temporairement avec pour conséquence le recul des céréales et des Poaceae.

M1-3 (-66 à -60 cm) : à la transition entre Moyen Âge central et Bas Moyen Âge, vers 1300 ap. J-C., la destruction de l'aulnaie s'amorce et s'annonce rapide. Le taux de pollen d'aulne passe de plus de 60% à 40 puis 20 % de la somme pollinique et parallèlement les terrains libérés commencent à être utilisés plus intensivement. En témoignent l'accroissement du taux de pollen de céréales, de plantain, d'oseille, de noyer. De nouvelles formations herbacées ou buissonnantes se développent : les Cyperaceae et les grandes plantes hygrophiles s'étendent à la place de l'aulnaie ce qui accroît le potentiel de nourriture pour l'élevage, et les bruyères s'installent sur les zones les plus sèches.

C'est le début d'une longue période de prospérité agricole qui dure jusqu'au XVIème

-XVIIème siècles (M1-4, -60 à -38 cm) et pendant laquelle la culture du noyer se confirme, ainsi que celle du châtaignier (début XVème

siècle), et que les céréales atteignent leur développement maximum. Puis vient une phase de régression (M1-5, -38 à -30 cm, XVIIème

siècle) affectant les cultures de céréales et les prairies qui cessent apparemment d'être entretenues : Cyperaceae et hygrophytes se répandent, la lande à bruyères s'étend ainsi que le genévrier (Juniperus) et le bouleau qui atteignent ici leur développement maximum. La désaffection concerne aussi la forêt car le chêne reprend également du terrain. Par ailleurs on se met à cultiver le sarrasin (Fagopyrum). Cette évolution dans l'occupation de ce petit territoire se traduit par une augmentation momentanée de la richesse pollinique dont l'acmé se situe à -28 cm, proche du début du 19ème siècle. La phase M1-5 pourrait être une manifestation du Petit Age Glaciaire, dont les conditions plus fraîches auraient incité les hommes à privilégier les terrains situés en contre bas (MASF2) plus faciles à gérer : moins pentus, moins lourds (?), accessibles par des chemins plus commodes, proches des habitations...

L'exploitation de la chênaie et de la hêtraie, ainsi que la culture des céréales reprennent ensuite (M1-6, -30 à -24 cm) et redeviennent importantes (M1-7, -24 à -10 cm) mais la culture du sarrasin cesse progressivement puis est définitivement abandonnée. Les céréales connaîtront ensuite un déclin (M1-8, 9 et 10) et les prairies vouées au pâturage vont s'imposer dans le paysage comme le montre l'explosion du pourcentage des Poaceae.

Qu'il s'agisse des cultures ou des pâturages, la mise en valeur de la tourbière et de ses abords suppose des travaux de drainage importants qui interdisent la restauration de l'aulnaie éradiquée dans les siècles précédents.

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  Fig. 14 : MASF1. Diagramme société-végétation.

 

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Fig. 15 : Masforeau 1 . Diagramme pollinique des arbres.  

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Fig.  16  :  Masforeau  1.  Diagramme  pollinique    des  plantes  herbacées.    

   

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Fig.  17  :  Masforeau  1.  Diagramme  pollinique  des  herbacées  de  milieu  humide  et   microfossiles  non  polliniques.  

 

6-3 Microfossiles non polliniques

Il n'a pas été observé de diatomées, ni de microorganismes aquatiques, malgré les conditions édaphiques humides indiquées par l'aulnaie puis par le développement des Cyperaceae et des sphaignes, ces dernières prenant de l'importance près de la surface actuelle. Les kystes de l'algue Pseudoschizaea circula, indicateurs de conditions alternativement sèches et humides du substrat apparaissent surtout entre M1-2 et M1-4, comme reflet discret des perturbations du sol liées à la pression grandissante des cultures.

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7- Masforeau 2 (MASF2)

Le sondage MASF.2 se situe dans un pâturage occupant une sorte de cuvette limitée au nord et à l'est par une banquette formant un ressaut. Le carottage a été effectué sur la rive droite du ruisseau du Pré Chapitre qui traverse la prairie du nord au sud. La profondeur atteinte par le sondage est de 168 cm, et la tourbe s'enrichit progressivement en limons à partir de 130 cm (fig. 7). L'analyse pollinique repose sur 57 échantillons prélevés tous les 3 cm.

7-1 Chronologie de MASF.2

Le tableau des dates obtenues sur le carottage MASF2 montre que la séquence analysée entre 156-159 cm et 30 cm se situe entre 940 ± 30 BP (soit 1025 à 1160 ap. J-C.) et l'actuel, et se déroule donc à partir du Moyen Age central (tab.2). La date "C1a" du sondage préliminaire, effectuée à 170-171 cm sur de l'argile bleue, donnait un repère nettement plus ancien avec 2080 ± 20 BP (soit 167 à 46 BC). Ce genre de décalage entre l'âge de la base des colonnes tourbeuses et celui des parties minérales sous-jacentes n'est pas rare. Il s'explique par les phases d'érosion et de transport qui précèdent la sédimentation organique, et dont l'effet peut varier rapidement en fonction de la topographie de la surface, épargnant par endroit des lambeaux de dépôts anciens et faisant ainsi se juxtaposer à profondeurs équivalentes des sédiments d'âges parfois très différents.

Tab. 2 : MASF 2. Dates 14C -AMS. En caractères gras, dates retenues pour le modèle âge/profondeur. Les dates rejetées sont marquées * dans les lignes en grisé.

Deux couples de dates très proches l'une de l'autre (A167-A168 et A170-A182) ont obligé à faire le choix indiqué dans le tableau, effectué en respectant l'ordre paraissant le plus vraisemblable.

Sur la base des dates retenues le modèle âge / profondeur construit (fig. 18) met en évidence le rythme relativement régulier de la sédimentation, avec toutefois une accélération entre 60 et 90 cm correspondant à la phase M2-5 où on assiste à l'extension des cultures après

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l'éradication de l'aulnaie. L'ensemble de la séquence couvre le Moyen Âge central, le Bas Moyen Âge, la période moderne puis l'époque contemporaine.

Fig. 18 : MASF2. Modèle âge / profondeur (modèle de Poisson, P_Sequence (0.1)).  

7-2 Résultats de l'analyse pollinique de MASF2

Quantitativement les échantillons de ce sondage sont inégalement riches en pollen et la concentration est plus forte à la base que dans la tourbe fibrique supérieure. Cependant, le nombre de taxons est le plus souvent supérieur à 30-35 (maximum 46, minimum 22) et, tous échantillons confondus, on en compte une centaine. Cette analyse nous donne donc une bonne représentation de la végétation autour de cette zone Masforeau 2.

Neuf zones polliniques (ZP) locales notées M2-1 à M2-9 peuvent être distinguées (fig. 20). M2-1 (125 à 168 cm) : cette ZP correspond à la base de la carotte, partie la plus riche en éléments minéraux (fig. 6). Le taux de pollen d'arbres y est stable, voisin de 80 % et le plus important de la séquence. La quantité élevée de pollen d'Alnus glutinosa (40 à 50 % de la somme pollinique) indique la présence sur place d'une aulnaie liée au ruisseau qui irrigue le vallon. Le peuplement forestier qui se manifeste également nettement avec chêne caducifolié (Quercus, 10 à 15 %) et hêtre (Fagus, 10 à 15 %), atteste d'une chênaie-hêtraie développée plutôt sur les versants ou les sommets voisins. Le tilleul (Tilia), l'orme (Ulmus), le charme (Carpinus), éléments classiques de la chênaie apparaissent plus ou moins régulièrement mais toujours en faible quantité alors que le houx (Ilex) occupe régulièrement le sous-bois. Sa

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pollinisation par les insectes explique qu'on le trouve rarement en quantité importante et régulière dans les analyses polliniques. Ici, il paraît bien implanté et relativement abondant. Comme à MASF1 on relève aussi le pollen de la bourdaine (Frangula alnus) liée à l'aulnaie ou à la lisière de la forêt avec le bouleau (Betula) et le noisetier (Corylus).

Les autres taxons d'arbres jouent un rôle limité et on peut souligner la rareté du sapin sans doute absent de l'environnement proche et l'absence du frêne (Fraxinus). Le pollen noté

Cannabis/Humulus appartient probablement au houblon ; il est difficile à distinguer de celui

du chanvre, surtout quand il est en faible quantité. Humulus se rencontre souvent en milieu de ripisylve avec la vigne sauvage (Vitis silvestris) qui apparaît ici de façon sporadique.

Fig. 19 : MASF. 2. Analyse de raréfaction. Richesse pollinique.

Les herbacées qui représentent environ 20 % de la somme pollinique sont relativement diversifiées et attestent de milieux ouverts exploités pour la culture de céréales dont le pollen apparaît en quantité notable, de 1 à 3 %. Celle-ci est significative étant donné le faible pouvoir de dispersion de ce pollen qui reste prisonnier des glumes. Les plantes rudérales qui se manifestent (Poaceae, Plantago, Rumex, différentes Asteraceae, Apiaceae, Brassicaceae, Caryophyllaceae, Urticaceae...) confirment l'ouverture du milieu et les activités agricoles. Le pollen de noyer (Juglans) apparaît de temps en temps, preuve de sa culture, mais à distance du site.

Le milieu humide est souligné par la présence de sphaignes (aulnaie à sphaignes) et de plantes hygrophiles, telles la reine des prés (Filipendula) et des Cyperaceae mais toutes restent discrètes. Les massettes (Typha) et surtout le potamot (Potamogeton) traduisent l'existence d'eau libre, mais leur développement paraît très limité (rôle de l'aulnaie ?). Par contre on

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constate un développement assez important des fougères. Parmi elles, le polypode (Polypodium) peut pousser en épiphyte sur les aulnes.

M2-2 (107-125 cm) : cette ZP présente peu de différences avec M2-1. On y trouve les mêmes taxons, mais on voit s'amorcer la réduction de l'aulnaie, au profit de prairies à Poaceae et des cultures de céréales qui progressent. L'accélération de ce processus se manifeste dans le diagramme à partir de -110 cm avec la diminution drastique de l'aulne et celle, plus modérée, des arbres forestiers. En même temps, les cultures de céréales s'étendent et les Poaceae continuent à progresser, l'apogée de leur extension caractérise la ZP M2-3 (104-107 cm) qui marque, à la fin du Moyen Âge central, la transition vers une transformation profonde de la physionomie du vallon.

A partir de là, au Bas Moyen Âge puis à la période moderne, on observe de manière générale, de -104 cm à -17 cm (M2-4 à M2-8) une augmentation de la richesse pollinique (fig. 19) et donc de la biodiversité liée à l'ouverture de l'environnement, avec :

- l'extension des Cyperaceae

- le maintien d'une couverture herbacée diversifiée où les Poaceae prennent une large place - une courbe continue d'Ericaceae avec Calluna, Erica cf tetralix et Vaccinium, hôtes d'une lande tourbeuse à sphaignes qui succède à l'aulnaie. Outre les sphaignes, bien enregistrées, des taxons caractéristiques de ce milieu apparaissent telle Drosera, à deux reprises (-29 et -41 cm), et la gentiane pneumonanthe à -17 cm.

- la progression du pollen de plantes cultivées, avec les céréales dont le seigle. Celui-ci est attesté de façon sûre à -53 cm, mais ailleurs, malgré l'abondance de grains de pollen de grande taille répondant au signalement de Secale, il a été difficile de vérifier le caractère distinctif de la taille de l'annulus (> 11 µm) qui entoure le pore et de se prononcer avec certitude. L'arrivée du sarrasin (Fagopyrum) se situe au début de la ZP M2-5 (60-83 cm), en même temps que celle du châtaignier (Castanea). Le pollen de Cannabis/Humulus qui devient plus abondant correspond peut-être ici à une culture du chanvre. Le noyer s'implante également et amorce une courbe continue. En même temps, les plantes accompagnatrices progressent fortement, en particulier l'oseille (Rumex) et le plantain (Plantago).

- du côté des arbres forestiers, la courbe du hêtre fléchit légèrement, mais celle du chêne au contraire se renforce, ce qui laisse supposer une gestion de la forêt favorisant cette seconde essence. On remarque la raréfaction du houx (liée à des coupes dans la hêtraie ?) et la quasi disparition du tilleul. Les taxons héliophiles de bois clairs, de lisières, de landes à callune, se maintiennent ou progressent légèrement : c'est le cas par exemple du bouleau, de la bourdaine, du genévrier (Juniperus). Le buis (Buxus) apparaît à quatre reprises, dans les ZP M2-3 et M2-4 (planté ?).

- la zone humide subit elle aussi des fluctuations : des zones d'eau libre se maintiennent apparemment pendant les ZP M2-3 à M2-6, puis le milieu semble s'assécher (drainage ?). La ZP M2-9 (-19 cm à -2 cm) voit se réduire la cypéraie au profit des Poaceae. Elle enregistre aussi la fin de la culture du sarrasin et la réduction notable des céréales, signant un changement d'orientation dans l'économie agricole du secteur. Cette évolution se traduit par la réduction de la richesse pollinique.

Toute la période qui suit la destruction de l'aulnaie (début de M2-4) montre la montée en puissance de l'exploitation du territoire avec le développement des cultures mise en évidence par la palynologie. L'extension des Poaceae et celle des Cyperacées indiquent également des zones de prairies qui ont dû permettre le développement de l'élevage. Les rudérales (oseille et plantain) témoignent aussi de cette activité confirmée par ailleurs par l'apparition synchrone,

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et en abondance, des spores de champignons coprophiles (présence indiquée par une barre de couleur marron dans la fig. 24).

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Fig. 24 : Masforeau 2. Diagramme pollinique "société-végétation".

7-3 Les microfossiles non polliniques

L'étude des microfossiles non polliniques n'a pas été réalisée en détail, mais un certain nombre d'observations ont pu être notées :

- les diatomées : certains échantillons simplement dilués dans l'eau avant la préparation chimique, ont fait l'objet d'une observation rapide au microscope. La présence de diatomées a été décelée entre 110 et 168 cm, c'est-à-dire dans les ZP de la base (M2-1 et 2) (fig. 26 a et b).

- les spores de champignons microscopiques : elles abondent dans certains niveaux et présentent une grande diversité. Certaines appartiennent à des espèces coprophiles (fig. 26 c). - les algues d'eau douce apparaissent parfois, mais jamais en grande quantité. Ce sont surtout

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a b c d e f

Fig. 25 : Masforeau 2. Exemple de grains de pollen (nom, taille, profondeur échantillon): a - Cerealia, 46 µm, 53 cm ; b- Fagopyrum, 38 µm, 77 cm ; c- Juglans 32 µm, 53 cm; d- Cannabis/Humulus, 22 µm, 77 cm ; e- tétrade d'Erica cf tetralix, 40 µm, 53 cm ; f- tétrade de Drosera, 40 µm, 41 cm.

- des débris d'origine animale variés se manifestent dans la plupart des échantillons des ZP M2-4 à M2-9, parfois en abondance : Cladocères, Acariens, oocytes (fig. 26 e), cuticules d'insectes, poils et cuticules d'Arachnides (fig. 26 f) et de nombreuses formes indéterminées. Ils témoignent d'un milieu riche en nutriments abritant de nombreux organismes.

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a b c d e f

Fig. 26 : Masforeau 2. Exemples de microfossiles non polliniques :

a- Diatomée, 180 µm, 141 cm ; b- Diatomée, 42 µm, 141 cm (photo en contraste de phase) ; c- ascospore de champignon coprophile , 34 µm, 77 cm ; d- Spirogyra, 64 µm, 100 cm ; e- Neorhabdocoela (Gyratrix), 140 µm, 112 cm) ; f- fragment de cuticule avec poils (Arachnide ?), 17 cm.

7-4 Conclusion MASF2

L'analyse pollinique de la tourbière du Masforeau 2 apporte un lot important d'observations sur la mise en valeur du vallon au cours du Moyen-Âge, avec défrichement de l'aulnaie qui occupait le fond de ce vallon, aménagement et mise en culture de champs de céréales et de sarrasin, culture du châtaignier et du noyer, gestion de la forêt, élevage. Cette mise en valeur suppose d'importants travaux de drainage car la présence de nombreux organismes aquatiques, des algues d'eau douce surtout (Diatomées, Pediastrum, Botryococcus), témoigne à l'origine de l'existence d'un bas marais avec des nappes d'eau libre avant que l'aulnaie ne soit détruite.

8- Masforeau 3 (MASF3)

Les soixante-huit échantillons de MASF3 analysés sont répartis sur 200 cm. La base est de l'argile sableuse contenant des fragments de bois. La tourbe commence à -190 cm mais reste mêlée à des limons fins jusqu'à -162 cm. De -161cm à -50 cm une tourbe sombre et compacte, saprique, contient de temps à autre des fragments de bois, en particulier à -140 et -95 cm. Une passée plus claire s'observe à -60 cm. La tourbe reste compacte et sombre jusqu'à la surface et montre des passées plus sombres entre -20 et -35 cm (fig.8).

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8-1 Chronologie de MASF3

Nous avons dans un premier temps choisi cinq échantillons de tourbe en évitant les feuilles en lanières ou les tiges disposées verticalement, les fragments de bois et certains éléments pouvant être confondus avec des racines. Les résultats obtenus sur ces échantillons ne sont pas toujours satisfaisants et on relève des incohérences qui ont obligé à faire un tri, voire à écarter une série complète de dates, dates trop vieilles ou incohérentes. Ainsi en particulier à la base du sondage : la première mesure effectuée à -195/-196 cm a donné 9610±50 BP, la seconde, à -194 cm, 6945±40 BP, toutes deux incompatibles avec le contenu pollinique qui fait apparaître le hêtre en continu dès le début. Il est bien établi qu'à l'ouest du Massif central cet arbre ne figure pas en courbes continues dans les analyses avant 4000 BP (Cubizolle et al.,

2014). Un nouvel échantillonnage (7 prélèvements) a donc été réalisé en privilégiant cette fois les bois inclus dans la tourbe : il s'agit de fragments assez gros, parfois encore revêtus de leur écorce. Un seul peut être douteux car il est mince, en position verticale entre -185 et -191 cm, il pourrait s'agir d'un fragment de racine. En attendant les résultats de cette nouvelle série (dépôt au CRDC Lyon le 5/12/2016) nous avons envoyé un échantillon à dater en urgence (délai une semaine) au laboratoire Beta-Analytic (Miami, USA) : il s'agit avec certitude de fibres de bois (12 mg) appartenant à un fragment de branche assez grosse ou de tronc, peu susceptible d'avoir migré dans la tourbe. Le résultat reçu : 2430±30 BP (Beta-452405) est compatible avec le cortège pollinique, confirme la date obtenue à l'occasion du sondage exploratoire d'A. Tourman (2476±26 BP), se retrouve en harmonie avec le début de la turfigénèse de MASF.1 et d'une manière plus large avec l'âge du début de remblaiement des fonds de vallons des bas plateaux limousins. Nous l'avons donc retenue comme repère fiable.

Tab. 3 : MASF 3. Dates 14

C -AMS. Les dates rejetées sont marquées * dans les lignes en grisé.

Pour pouvoir établir un modèle âge / profondeur basé sur le principe appliqué à MASF1 et MASF2, une date arbitraire de 100±30 BP a été choisie pour l'échantillon de surface (fig. 27) . Ce modèle permet une estimation des dates des évènements intermédiaires, en particulier la chute de l'aulne à -35 cm (tab. 4) et une première interprétation des données polliniques.

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Tab. 4 : Modèle âge/profondeur : âges estimés pour 5 échantillons de MASF.3 (en italiques).

 

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8-2 Résultats de l'analyse pollinique de MASF3

Le diagramme (fig.30) peut être divisé en 8 zones polliniques locales notées M3-1 à M3-8. M3-1 (200 cm) : il s'agit de l'échantillon de base, qui se distingue des suivants par une forte proportion de spores monolètes, de Cyperaceae, et, pour les arbres les plus abondants, du pollen de pin, de noisetier et d'aulne surtout. Le hêtre et le chêne sont présents de même que le bouleau, mais restent discrets. La phase suivante, M3-2 (-200 à - 182 cm) enregistre un bref recul de tous les pollens d'arbres accompagné d'une forte poussée des Poaceae et d'autres herbacées, recul suivi rapidement par la progression des arbres héliophiles, bouleau, genévrier, noisetier et le retour de l'aulnaie. En même temps on note la présence de quelques grains de pollen de céréales, plantain, oseille, indices d'anthropisation de faible ampleur mais prouvant l'ouverture de clairières en lien avec une exploitation des ressources forestières en amont. Le ravinement accru des terrains ainsi dégagés peut expliquer la formation argilo-sableuse puis limoneuse observée à la base. La phase M3-3 (-182 à -165 cm) correspond à une poussée du noisetier qui repeuple les terrains préalablement conquis sur la forêt, tandis que surtout le hêtre et le chêne progressent. Le milieu se ferme et les héliophiles reculent sauf l'aulne qui continue à se développer sur les terrains gorgés d'eau proches de la rivière. Il s'impose dans la ZP suivante M3-4 (-165 à -150 cm) où l'on constate une nouvelle exploitation de la chênaie, alors que le hêtre est préservé et progresse. Puis, de nouveau l'aulnaie recule fortement (M3-5 a, b et c, de -150 à -132 cm), les héliophiles se redéploient et c'est la hêtraie qui recule. Ceci profite au chêne et au tilleul qui connaît ici son développement maximum. Il en est de même pour l'orme (Ulmus) qui reste toutefois très discret. Les ZP M3-1 à M3-5 recouvrent l'ensemble de l'Âge du Fer (Halstatt + La Tène).

   

Fig. 28 : Masforeau 3. Richesse pollinique.

La ZP M3-6 (-132 à -35 cm) qui correspond à une partie de la période gallo-romaine, au Haut Moyen-Age et au Moyen Âge central, est caractérisée globalement par une relative stabilité et

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un milieu fermé, où s'observent cependant des variations concernant les principaux arbres exploités tour à tour : l'aulne, le hêtre, le chêne, et le tilleul qui, lui, disparaît pratiquement à partir de - 70 cm. On constate ainsi une succession de quatre périodes d'ouvertures (fig. 28). Pendant tout ce temps, les indices polliniques d'anthropisation restent très réduits, voire absents, à l'exception d'une légère pointe à - 55 cm où l'homme intervient sur l'aulnaie et où la richesse pollinique s'accroît brusquement.

La chute définitive de l'aulne est brutale à -35 cm, au début du Bas Moyen Âge et tout indique alors une transformation très rapide du paysage (M3-7, -35 à -25 cm). La tourbière commence à s'assécher en surface permettant le début de l'installation d'une lande à Ericaceae (Calluna et Erica). Les arbres héliophiles gagnent à nouveau du terrain et on assiste à un accroissement très net des indices polliniques d'anthropisation (fig. 29) : céréales, plantain, oseille, et de celui des Poaceae. Cependant, le milieu forestier se maintient. Cette évolution se poursuit et s'accentue dans la ZP M3-8 au cours de laquelle on perçoit la culture du sarrasin (à partir de - 15 cm), l'extension des cultures de céréales et des landes à bruyères. Les Poaceae toujours très présentes avec le plantain et l'oseille traduisent la part importante des pâturages et une économie qui s'oriente sur l'élevage. Ce changement important dans l'enregistrement pollinique ne signifie pourtant pas forcément une transformation radicale du paysage en dehors de la tourbière, mais sans doute plutôt une modification des conditions de transport et de dépôt du pollen. Une aulnaie serrée et étendue au bord du Verguet pouvait en effet faire écran à la pluie pollinique et atténuer ainsi l'écho de champs et de pâturages possibles en dehors de la zone humide. En dehors de la zone occupée par les aulnes, cette dernière ne se manifeste que par l'extension des Cyperaceae au moment où l'aulnaie recule, et par la présence de la reine des prés (Filipendula) et du pigamon (Thalictrum). Les aquatiques (Potamogeton et Typha) s'observent en très faible quantité pendant les phases les plus prospères de l'aulnaie, et traduisent alors l'existence de quelques étendues d'eau libre.

   

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Fig. 30 : Masforeau 3. Diagramme pollinique simplifié.  

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Fig. 31 : Masforeau 3. Diagramme pollinique des arbres.  

   

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Fig. 32 : Masforeau 3. Diagramme pollinique des plantes herbacées.  

     

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Fig. 33 : Masforeau 3. Diagramme pollinique, plantes de milieu humide. Microfossiles non polliniques.

9- Synthèse palynologique et gestion du territoire du Masforeau (Saint-Christophe, Creuse)

Ce rapport d’étude regroupe les données palynologiques de trois tourbières proches (MASF1, MASF2 et MASF3), dans un rayon de 400 m environ. Il est rare de disposer d’une somme de données aussi importante, tant palynologiques (échantillons traités = 181, nombre de pollens comptés = 155 039) que chronologiques (n = 26 dates 14

C-AMS). Il devient possible de croiser ces données et de préciser la connaissance de ce petit territoire dans l’optique d’en reconstituer l’évolution depuis plus de 2000 ans et de mieux connaître l’histoire du paysage du Masforeau, hameau de Saint-Christophe (Creuse).

9-1 Le contexte géologique :

Le paysage correspond à une succession de croupes sommitales surplombant les replats de deux vallons, celui du ruisseau principal le Verguet et celui de son affluent le petit ruisseau du Pré Chapitre, encadrant le Masforeau. La géologie est celle d’un ensemble granito-gneissique. La forêt recouvre systématiquement les flancs et les sommets du relief (de 549 m à 686 m). On rencontre sur les points hauts des amas considérables des blocs arrondis des chaos granitiques (tors), encore en place mais dégagés par l’érosion maximale des points élevés.

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Cette zone n’a jamais été englacée à cause d’une altitude insuffisante (500 à 600 m) bien que des calottes et leurs langues glaciaires descendant dans les vallées avec des moraines indubitables soient connues lors des maximums glaciaires dans les parties hautes (jusqu’à 1200 m d’altitude) en certains points du Massif Central. Par contre, toute la région a connu des conditions périglaciaires rigoureuses au Tardiglaciaire expliquant son évolution récente. C’est la cause principale du démantèlement rocheux des sommets, au pied desquels s’étalent des nappes de blocs et de l’arène granitique remaniée, glissant progressivement sur des névés et dans la pente.

Fig. 34 : Les deux modes d’incorporation des blocs dans l’arène (d’après Etlicher, 1990, p.30, fig.7)

La figure 34 explique justement l’importance de ces champs de blocs de grande taille. Leur ruissellement jusqu’en bas de pente constitue des accumulations arrivant parfois dans la vallée, constituant même dans certains cas un barrage de masse importante obligeant le cours d’eau à le contourner. Ces zones à blocs accumulés ont probablement été exploitées par les hommes, depuis longtemps, comme supports de leurs travaux d’hydraulique. A moins que ces accumulations de barrage ne soient directement sa création, l’homme profitant de l’abondance et de la proximité d’énormes quantités de matériaux mis naturellement à sa disposition. Il est difficile d’être catégorique sans une étude géomorphologique systématique plus approfondie.

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a b Fig. 35 : MASF.3. a - au nord de la tourbière, vue vers l'est : le vallon du Verguet, parcelles cultivées /pâturages humides; b - la tourbière

La zone du vallon du ruisseau du Verguet au sud de la butte du hameau du Masforeau constitue un cas exemplaire. Le ruisseau y change de direction, venant de l’est et prenant la direction sud, dans l’impossibilité de couler vers l’ouest à cause du relief supportant la route reliant le hameau à Saint-Christophe. A ce niveau, du côté est, une nappe de blocs constitue un relief venant du bas de la pente. Elle barre pratiquement la petite vallée sur deux tiers de sa largeur, repoussant le cours d’eau actuel du côté de la route. En amont de ce passage une vaste zone parfaitement horizontale correspond maintenant à une zone cultivée facilement inondable avec une zone tourbeuse latérale. Il s’agit manifestement d’un replat de divagation du cours d’eau naturel, recadré par l’homme qui a vraisemblablement créé un grand plan d’eau à une certaine époque (indéterminée), étang colmaté par la suite et mis en culture (fig. 35a). La tourbière du Masforeau 3 se trouve immédiatement au sud de ce barrage (naturel ou artificiel) (fig. 35b). Elle commence par une zone bordée de murs de blocs grossièrement empilés et alignés définissant un parcellaire et a conservé des vestiges de drainages (fig. 36). Fig. 36 : MASF.3. Murs de blocs au nord de la tourbière

Le cadastre de 1810 dessine à cet endroit un coude du cours du ruisseau qui n’existe plus maintenant (fig. 37a). C’est à ce niveau que l’eau se partage entre un bief constitué d’un mur de pierres monté parallèlement au pré du bas de la route (fig. 37b). L’eau à débit important arrive à une construction en coude, sans doute support d’une vanne ancienne disparue (ou amovible) en créant une chute d’une soixantaine de cm. L’eau rejoint le cours d’eau naturel immédiatement après. A l’est du cours d’eau devenu plus rectiligne à cet endroit, se trouve sous forme d’une bande de terrain allongée la tourbière sondée du Masforeau 3, d’abord avec une partie bien dégagée, puis largement colonisée par les arbustes (aulnes, saules, bouleaux, trembles) dans sa moitié sud.

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a b Fig. 37 : MASF.3. a - extrait du cadastre 1810 ; b - aménagement hydraulique sur le Verguet.

L’aménagement anthropique de ce vallon ne fait aucun doute et l’homme est manifestement responsable de la situation actuelle. Cela explique les problèmes rencontrés lors des datations 14

C/AMS. Si on ne peut exclure totalement dans l’état actuel des recherches l’existence de sédiments plus anciens d’une tourbière mise en place dès la fin du Tardiglaciaire, remaniés et incorporés dans la masse du sédiment prélevé lors du sondage palynologique (dates anciennes "aberrantes" rejetées), les données retenues sur des éléments cohérents correspondent bien à un milieu nettement anthropisé. Il n’est pas impossible non plus d’imaginer l’existence de fosses d’extraction de la tourbe en vue de son utilisation comme combustible, compliquant considérablement la continuité stratigraphique de certains points de la tourbière et pas d’autres.

9-2 Le contexte géomorphologique :

Les résultats donnés par les milieux humides de Masforeau doivent être replacés dans le contexte régional. Les fonds de vallons des bas plateaux limousins constituent les références les plus proches (Allée et al., 1997). Ils ont fait l'objet d'études paléoenvironnementales systématiques - géomorphologiques et polliniques notamment - permettant les conclusions suivantes :

- l'Holocène ancien et moyen représente une période de stabilité morphogénique, où les apports sédimentaires en provenance des versants restent faibles malgré un début de mise en valeur agricole révélée par les analyses polliniques effectuées sur la Montagne limousine. - tout change à partir de l'Âge du Fer, avec une augmentation considérable de la charge alluviale traduisant une forte érosion des versants et aboutissant au remblaiement des vallons par une sédimentation où alternent lentilles minérales et dépôts organiques.

- à l'échelle de l'Holocène, l'anthropisation croissante du milieu joue dans cette métamorphose, un rôle prépondérant par rapport au climat.

- à l'échelle des trois derniers millénaires, les crises détritiques ou sédimentaires alluviales majeures observées (1er Age du Fer, fin 2ème Fer/début Antiquité, début Haut Moyen Âge et Période moderne) ne coïncident pas forcément avec les temps forts de la mise en valeur agricole, comme au Moyen Âge par exemple. Ces crises hydrologiques obéissent donc aussi à des facteurs climatiques.

- les archives sédimentaires des fonds de vallons remontent donc, au plus tôt, à l'Âge du Fer et les analyses polliniques y prouvent la présence d'aulnaies, tandis que la chênaie-hêtraie entrecoupée de clairières occupe les versants. L'anthropisation des paysages s'accroît pendant

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l'Antiquité, mais c'est le Haut Moyen Âge qui marque le début d'une phase de développement important de l'agriculture se poursuivant ensuite jusqu'à la période moderne.

9-3 Le contexte agropastoral actuel du Masforeau

- Jusqu'au milieu du XXème siècle le paysage du Masforeau a correspondu au bocage, ce qui traduisait un territoire entièrement voué à la polyculture et à l'élevage. Aujourd'hui l’élevage reste l'activité dominante, les prairies occupent le fond des vallons où le remembrement a fait disparaître une grande partie des haies,

- les cultures : aujourd'hui réduites, il s'est agi jusque dans la première moitié du XIXème siècle de cultures vivrières sur terrains pauvres, à faible rendement, fortement améliorées par la suite grâce à l'amendement des terres par la chaux (Manville et al., 2014) ;

- la forêt occupe les sommets avoisinants non cultivables à cause des blocs granitiques (fig. 38). La chênaie y domine avec le hêtre, et quelques parcelles ont été enrésinées (en 1991, sapin < 10% du volume global des formations boisées de production, épicéa 10 à 15 %, Douglas 10 à 15 % d'après Atlas forestier, 1992, p. 25).

Fig. 38 : MASF. 3 : au premier plan, prairie chaulée; second plan arbres liés au fond de vallon humide : aulnes, bouleaux, trembles...; à l'horizon, sur le versant et les sommets, forêt de chênes et hêtres avec quelques parcelles enrésinées.

- l’importance de la gestion de l’eau dans le passé apparaît dans les vestiges d’aménagements destinés au drainage et à l’irrigation des terres, à l’utilisation de la force hydraulique : par exemple ceux repérés le long du Verguet à hauteur de la tourbière Masforeau 3 et les moulins situés en amont de celle-ci (moulin des Vergnes) et en aval à l’entrée du village de Saint-Christophe.

9-4 Les tourbières

Une tourbière est un écosystème caractérisé par sa saturation quasi permanente en eau, le développement d’une végétation spécifique, sphaignes et cypéracées essentiellement, et qualifié de turfigène. La tourbe est un matériau bio-hydro-géologique formé par l’accumulation de matière organique en conditions hydromorphes anoxiques. Sa matière organique doit dépasser, selon les auteurs, 30 à 50 % et le taux d’humidité peut atteindre jusqu’à 95 % de la masse fraîche.

Le facteur anthropique intervient souvent dans la mise en place des tourbières :

- les nombreux aménagements hydrauliques (barrages, digues ou petites levées, creusement de bief, de drains) causés par une occupation humaine intense (mais aujourd’hui révolue dans le Massif Central), ont bouleversé les écoulements de surface et ont contribué à augmenter l’accumulation de l’eau en amont des retenues, facilitant ainsi la mise en place de nombreuses petites tourbières sub-atlantiques (Argant et Cubizolle, 2005 ; Cubizolle et Argant, 2006 ; Cubizolle et al, 2012) :

- le défrichement issu de l’occupation humaine, dès le Néolithique, a contribué sans doute à la diminution de l’évapotranspiration de la végétation contribuant à la hausse du niveau des nappes phréatiques profondes des fonds des vallées hydromorphes. L’extension des pâturages ainsi gagnés et des cultures devenues plus extensives ont empêché toute reconquête par les

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arbres. L’érosion accrue des sols a forcément accéléré le transfert de l’eau et son accumulation dans les creux. L’impact des variations climatiques telles que l’Optimum Climatique Médiéval (700-1300), du Petit Âge Glaciaire (1550-1850) est loin d’être clairement établi sur la végétation du secteur du Masforeau mais il a dû également participer à l’évolution de la situation agricole, économique et humaine de ce site.

L’examen des trois tourbières du Masforeau en apporte une confirmation. La gestion de l’eau (Pingaud, 1984), depuis longtemps, par la population du territoire du Masforeau (et de Saint-Christophe), explique facilement la situation que l’on rencontre dans cette étude pour les trois tourbières.

9-5 Evolution du territoire du Masforeau

9-5-1 Comparaison entre les trois sites MASF.1, MASF.2 et MASF.3. :

Ces trois sites présentent de nombreux points communs :

! leur situation géographique : distants au plus de 660 m à vol d'oiseau les uns des autres, sensiblement à la même altitude (498 à 509 m) (fig. 2), ils occupent des fonds de vallons appartenant à un même bassin versant de petites dimensions drainé par le Verguet et son affluent, le ruisseau du Pré Chapitre.

! leur remblaiement organique correspond à un sédiment tourbeux sombre souvent enrichi en limons, reposant sur un fond de sédiment argilo-sableux plus ou moins grossier. L'épaisseur de la tourbe est de l'ordre de 125 à 190 cm selon le site.

! l'enregistrement pollinique traduit pour chacun d'entre eux une dynamique de végétation qui suit globalement les mêmes grandes lignes et doit beaucoup à l'emprise des sociétés humaines.

On observe néanmoins des différences notables. Pour les mettre en évidence, sept dates ont été schématiquement choisies entre 250 av. J-C et 1900 ap. J-C. Pour chaque site et chacune de ces dates figure un diagramme simplifié type "camembert" (fig. 39). Il est basé sur cinq variables principales : aulne lié au milieu naturel humide non drainé et non exploité ; arbres forestiers (forêt de chênes + hêtres principalement) ; arbres héliophiles (noisetier, bouleau) indicateurs de lisières et de clairières ; cultures et rudérales (céréales, sarrasin et mauvaises herbes accompagnatrices des cultures, noyer, châtaignier) ; Poaceae (indicatrices de pâturages) ; autres herbacées diverses (ouverture et biodiversité du milieu).

Analyse :

-­‐ Le début de la sédimentation organique n'est pas synchrone dans les trois séquences analysées : en considérant les dates les plus probables obtenues (tab. 1 à 4) il se situe pendant l'Age du Fer, vers 600 av. J.-C. à MASF3 et vers 300 av. J.-C. à MASF1; vers 1100, au début du Moyen Âge central à MASF2.

-­‐ Jusqu'à la période romaine le milieu reste relativement stable :

! à MASF1 l'aulnaie est prépondérante, et on perçoit des indices discrets de cultures,

! à MASF3 le milieu est un peu plus ouvert : les indices de cultures sont plus nets et l'aulnaie occupe moins d'espace. Les arbres héliophiles indiquant des lisières ou des clairières suggèrent que des éclaircissements ont eu lieu auparavant aux dépens de la forêt proche - héritage de l'Âge du Bronze ? - mais le terrain reste boisé.

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Fig. 39 : Evolution du paysage de Masforeau au cours du temps : diagrammes simplifiés et carte de situation des trois sites étudiés.

-­‐ Pendant la période gallo-romaine on observe peu de changement à MASF1, excepté une progression des cultures, mais à MASF3 celles-ci disparaissent et l'aulnaie reprend ses droits, ce qui signe un abandon de cette dernière zone.

-­‐ Le début du Moyen Âge central est marqué à MASF1 par un accroissement des signes d'anthropisation : cultures et pâturages, petite réduction de l'aulnaie ; cette tendance est

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également enregistrée à MASF2 où commence la sédimentation organique, ainsi que très faiblement à MASF3. Au cours de cette période le noyer et le châtaignier commencent à se manifester clairement dans les diagrammes, de façon encore discontinue prouvant leur présence à l'échelle régionale (fig. 40).

-­‐ Il faut attendre le XIVème

siècle, début du Bas Moyen Âge, pour assister à l'éradication de l'aulnaie dans les trois sites (un peu plus tardivement à MASF2) et à une extension sans précédent des cultures et des pâturages dont l'acmé est atteinte dès le début de l'époque moderne et se poursuit jusqu'au XXème siècle. Mais l'abandon des terres cultivées et de pâtures est déjà perceptible autour de MASF3 où les arbres héliophiles regagnent du terrain formant des taillis où le pâturage reste sans doute néanmoins possible. Enfin, en se rapprochant de la surface, la réduction des activités agricoles et pastorales peut se lire dans tous les sites sur les diagrammes complets.

   

Fig. 40 : Chronologie de l'apparition du noyer, du châtaignier et du sarrasin. 9-5-2 Interprétation

La tourbière de MASF3 s'est développée en rive gauche du ruisseau du Verguet, dans la partie où sa vallée s'élargit en amont du village de Saint-Christophe et conduit au hameau actuel du Masforeau. Elle est la première à montrer des preuves d'occupation et de mise en valeur de clairières pour la culture et l'élevage, ce qui tend à prouver que des populations s'y sont installées plus anciennement (expansion de l'Age du Bronze ?). Ceci a nécessité sans doute des aménagements du ruisseau dont on n'a pas de traces évidentes, mais dont on peut penser qu'ils sont à l'origine de la formation tourbeuse. La végétation aquatique toujours extrêmement réduite, prouve l'absence d'étendues d'eau stagnante et peut-être très tôt la mise en place d'un système de drainage. L'abandon du secteur de MASF3 à la fin de l'Âge du Fer se manifeste par le recul des indices de cultures et la colonisation de la tourbière par les aulnes. Cet abandon peut avoir plusieurs causes : climatiques ? hydrologiques ? période d'instabilité due à l'occupation romaine ? On sait que les itinéraires de crête très anciens, évitant les fonds de vallée hydromorphes, existaient sans doute déjà dès la préhistoire. Ils ont été en tous cas intensément empruntés aux premier et second Âges du Fer. La voie romaine reliant Lyon à Saintes passe quelques kilomètres plus au sud (Desbordes, 2010, p. 12 et 142). Bien qu'à l'écart de cette voie, le Masforeau devait être facilement accessible et la région forcément concernée par la présence romaine. Ceci peut être une cause de repli et d'extension des activités en amont dans la vallée affluente du ruisseau du Pré Chapitre à MASF1 mais, fait surprenant, la période gallo-romaine n'enregistre là qu'un accroissement très limité des indices d'anthropisation par rapport à l'Âge du Fer. Il faut attendre le début du Moyen Âge central, aux XIe

-XIIe

siècles pour assister, à MASF1, à l'augmentation sensible des indices de cultures et d'élevage qui se fait aux dépens de l'aulnaie. Il en est de même à MASF2 où subsistent cependant des étendues d'eau libre. MASF3 reste à cette époque le domaine de l'aulnaie, impliquant une non intervention humaine dans la tourbière existante.

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