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Entre l'ici-bas et l'au-delà : monuments et stratégies funéraires de la famille d'Estouteville à l'abbaye de Valmont (XIIIe – XVIe siècles)

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(1)

Entre l’ici-bas et l’au-delà. Monuments et stratégies

funéraires de la famille d’Estouteville à l’abbaye de

Valmont (XIIIe – XVIe siècles)

Mémoire

Jimmy La Manna

Maîtrise en histoire de l'art - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

(2)

Entre l’ici-bas et l’au-delà.

Monuments et stratégies funéraires de la famille

d’Estouteville à l’abbaye de Valmont

(XIII

e

– XVI

e

siècles)

Mémoire

Jimmy La Manna

Sous la direction de :

(3)

Résumé

Importante famille aristocratique de la Normandie médiévale, les Estouteville ont participé à de nombreux événements qui ont marqué cette région de la France, de la Conquête normande à la Guerre de Cent Ans. Ces faits d’armes ainsi que divers mariages avec des familles de l’aristocratie normande et même de la royauté ont permis aux Estouteville de se hisser progressivement aux plus hautes sphères de la société médiévale. Plusieurs membres de cette famille ont été inhumés dans l’église abbatiale de Valmont, fondée par Nicolas Ier d’Estouteville au XIIe siècle. Les Estouteville ont utilisé leurs tombeaux pour affirmer ce

statut particulier au sein de la société féodale, que ce soit par l’emplacement de ceux-ci à l’intérieur de l’église abbatiale, par leur monumentalité, par leur matérialité ou par leur iconographie, par leurs inscriptions funéraires et par leur décor héraldique. En effet, en imitant ceux des autres grandes lignées féodales, les tombeaux des Estouteville participent pleinement à la construction identitaire de cette famille, notamment à travers ses relations avec la communauté monastique de Valmont.

(4)

Abstract

As an important aristocratic family in medieval Normandy, the Estoutevilles (or Stutevilles) took part in several events that shaped this region of France, from the Norman Conquest to the Hundred Years’ War. These feats along with various marriages with Norman aristocratic and even royal family members allowed the Estoutevilles to progressively climb the ranks to reach the highest echelons of medieval society. A lot of the members of this family was buried within the abbey church of Valmont, which was founded by Nicolas I d’Estouteville during the 12th century. The Estouteville family have used their monuments to

confirm their particular status within the feudal society, be it by the location of their burial grounds within the abbatial church they were buried, by their monumentality, the quality of the materials or by their epigraphic, heraldic and iconographic elements. Indeed, by imitating those of other great feudal lines, the tombs of the Estouteville truly participate in the construction of the identity of this family, notably through their relations with the monastic community of Valmont.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Liste des cartes, des fiches et des figures ... vii

Remerciements ... xiii

Introduction ... 1

-Fonctions et usages des monuments funéraires dans l’Occident médiéval ... - 2 -

Le tombeau médiéval : témoin de la construction identitaire ... - 7 -

La famille d’Estouteville et l’abbaye de Valmont ... - 10 -

Corpus à l’étude ... - 20 -

Les tombeaux des Estouteville et de l’abbaye de Valmont ... 20

-Description de la méthodologie ... - 26 -

Plan du mémoire ... - 28 -

Chapitre I : Burelé de gueules et d’argent de dix pièces ; au lion de sable couronné d’or, brochant sur le tout : les Estouteville ... 30

-L’origine de la famille d’Estouteville ... - 31 -

Les Estouteville au cœur de l’histoire de la Normandie ... - 32 -

La conquête normande et ses répercussions ... 33

-La Normandie des Plantagenêts ... 35

-La reconquête française de la Normandie ... 37

-Les révoltes contre la couronne française des XIIIe et XIVe siècles ... 38

-La guerre de Cent Ans ... 39

-Le rôle des femmes dans l’ascension sociale de la famille d’Estouteville ... - 40 -

Les XVe et XVIe siècles, l’apogée des Estouteville ... - 44 -

Chapitre II : Les tombeaux de la famille d’Estouteville (XIIIe–XVIe siècle) ... 47

-Les différents lieux d’inhumation ... - 47 -

Les monuments funéraires des XIIIe et XIVe siècles ... 51

-Les monuments funéraires du XVe siècle ... 56

-Les monuments funéraires du XVIe siècle ... 59

-Comparaisons diachronique et relationnelle des tombeaux des Estouteville ... - 61 -

Chapitre III : Requiescant in pace, les stratégies funéraires des tombeaux de la famille d’Estouteville à l’abbaye de Valmont ... 70

-Les Estouteville, seigneurs de Valmont ... - 72 -

L’emplacement des tombeaux dans l’église abbatiale de Valmont ... - 77 -

Paysage funéraire au XVIe siècle ... 77

-Paysage funéraire au XVIIIe siècle ... 79

-Paysage funéraire actuel ... 81

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L’église abbatiale de Valmont : les sépultures des Estouteville et celles des moines ... 83

Chapitre IV : Le cénotaphe du fondateur de l’abbaye de Valmont ... 90 -Description et historique du tombeau de Nicolas Ier d’Estouteville ... - 90 - Hypothèses sur l’époque, les raisons de la construction et le commanditaire du cénotaphe de Nicolas Ier d’Estouteville ... - 94 -

Les éléments épigraphiques, héraldiques et iconographiques ... 98

-Conclusion : Les monuments funéraires, témoins de la construction identitaire d’une noble famille normande au Moyen Âge ... 100 -Bibliographie ... 103 Annexe I : Transcription du procès-verbal du 14 septembre 1525 ... 119 Annexe II : Catalogue documentaire et archéologique des tombeaux des Estouteville et de l’abbaye de Valmont ... 121 Annexe III : Arbre généalogique de la branche aînée de la famille d’Estouteville ... 156 -Annexe IV : Les différents lieux d’inhumation de la famille d’Estouteville ... 160 Annexe V : Transcription de la plaque commémorative de la translation des tombeaux de l’abbaye de Valmont du Ier mai 1772 ... 164

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-Liste des cartes, des fiches et des figures

Carte I : Les Estouteville en Normandie (1350-1480) : © Élisabeth Charron

Carte II : Lieux d’inhumation de la famille d’Estouteville en Normandie Carte III : Murs ajoutés pour fermer la chapelle de la Vierge

Care IV : Paysage funéraire de l’église abbatiale de Valmont au XVIe siècle (selon la transcription du procès-verbal du 14 septembre 1525)

Carte V Paysage funéraire de l’église abbatiale de Valmont au début du XVIIIe

siècle (selon les dessins de la Collection Gaignières)

Carte VI : Paysage funéraire de l’église abbatiale de Valmont à la fin du XVIIIe

siècle

Carte VII : Paysage funéraire actuelle de l’église abbatiale de Valmont

Fiche I : Jean Ier d’Estouteville († avant 1280)

Fiche II : Robert V d’Estouteville († 1321) et Marguerite de Hotot († 1330) Fiche III : Jeanne Ière d’Estouteville († 1329) et Guillaume II de Beauvais († 1329)

Fiche IV : Isabelle de Chambly († 1361)

Fiche V : Thomas d’Estouteville († 1395) Fiche VI : Jeanne II d’Estouteville († 1476) Fiche VII : Robert d’Estouteville († 1477)

Fiche VIII : Guillaume d’Estouteville († 1483) Fiche IX : Nicolas Ier d’Estouteville († 1177)

Fiche X : Péronnelle Louise d’Estouteville († 1499) et Gilles dit Lancelot de

Honcourt († 1499)

Fiche XI : Jacques Ier d’Estouteville († 1489) et Louise d’Albret († 1494)

Fiche XII : Épitaphe de Jacques Ier d’Estouteville et de Louise d’Albret

Fiche XIII : Marie d’Estouteville († 1 537) Fiche XIV : Vincent Antebert († vers 1285)

(8)

Fiche XV : Nicolas de Cumelier (†1301) Fiche XVI : Gérard de la Roche († 1414)

Fiche XVII : Robert de Sotteville († 1437)

Fiche XVIII : Richard Gascoin ou Galant († 1454)

Fiche XIX : Simon Pauchemont ou Pauchevoust († 1479)

Fiche XX : Jean Ribaud († 1558)

Fiche XXI : Abraham Vibert († 1559)

Figure 1 : Dalle funéraire de Vincent Antebert

Figure 2 : Partie supérieure de la dalle funéraire de Vincent Antebert

Figure 3 : Reconstitution de la partie supérieure de la dalle funéraire de Vincent Antebert

Figure 4 : Armoiries de Louis Ier d’Estouteville dans le manuscrit Miroir du

monde (ANONYME, Miroir du Monde, Oxford, Bodleian Library,

Douce 336-337)

Figure 5 : Armoiries de Louis Ier d’Estouteville dans le manuscrit Miroir du

monde (ANONYME, Miroir du Monde, Oxford, Bodleian Library,

Douce 336-337)

Figure 6 : Armoiries de Louis Ier d’Estouteville et de Jeanne Paynel dans le manuscrit Miroir du monde (ANONYME, Miroir du Monde, Oxford,

Bodleian Library, Douce 336-337)

Figure 7 : Armoiries de François Ier de Bourbon Saint-Pol et d’Adrienne d’Estouteville dans Gisors, martyrologue de l’Assomption,

amortissements de François de Bourbon († ) et d’Adrienne d’Estouteville en 1555-1556 (Arch. Dép. Eure, G 2120, fol. 156v)

Figure 8 : Tête de l’effigie de Robert V d’Estouteville

Figure 9 : Partie supérieure de l’effigie de Marguerite de Hotot Figure 10 : Lion aux pieds de l’effigie de Robert V d’Estouteville

Figure 11 : Chiens rongeant un os aux pieds de l’effigie de Marguerite de Hotot Figure 12 : Disposition des trous d’ancrage sur la dalle funéraire de Robert V

(9)

Figure 13 : Dalle funéraire de Jeanne Ière d’Estouteville et de Guillaume II de Beauvais (© Dépôt du musée des Antiquités de Rouen)

Figure 14 : Épée du gisant de Nicolas Ier d’Estouteville

Figure 15 : Dague à rondelle du gisant de Nicolas Ier d’Estouteville

Figure 16 : Chaîne autour du cou du gisant de Nicolas Ier d’Estouteville

Figure 17 : Coussin funéraire du cénotaphe de Nicolas Ier d’Estouteville

Figure 18 : Lions aux pieds de l’effigie de Nicolas Ier d’Estouteville

Figure 19 : Vue de face de la maquette de l’abbaye de Valmont de cénotaphe de

Nicolas Ier d’Estouteville

Figure 20 : Vue de côté de la maquette de l’abbaye de Valmont de cénotaphe de

Nicolas Ier d’Estouteville

Figure 21 : Dague à rondelle du gisant de Jacques Ier d’Estouteville

Figure 22 : Épée du gisant de Jacques Ier d’Estouteville

Figure 23 : Coussin funéraire sous la tête de l’effigie de Jacques Ier d’Estouteville

Figure 24 : Lions aux pieds de l’effigie de Jacques Ier d’Estouteville

Figure 25 : Coussin funéraire sous la tête de l’effigie de Louise d’Albret Figure 26 : Bélier aux pieds de l’effigie de Louise d’Albret

Figure 27 : Statue de saint Jean-Baptiste sur le soubassement du tombeau à gisants de Jacques Ier d’Estouteville et de Louise d’Albret

Figure 28 : Statue de saint Adrien sur le soubassement du tombeau à gisants de Jacques Ier d’Estouteville et de Louise d’Albret

Figure 29 : Statue de la Vierge à l’Enfant sur le soubassement du tombeau à gisants

de Jacques Ier d’Estouteville et de Louise d’Albret

Figure 30 : Statue de saint Louis sur le soubassement du tombeau à gisants de Jacques Ier d’Estouteville et de Louise d’Albret

Figure 31 : Vitrail de la Présentation de Jésus au Temple de la chapelle de la Vierge

(10)

Figure 33 : Dessin des blasons peints sur les vitraux dans la chapelle de la Vierge (Collection Gaignières)

Figure 34 : Entrée scellée du caveau familial des Estouteville sous la chapelle de la Vierge

Figure 35 : Dessin de l’abbaye de Valmont (Collection Gaignières)

Figure 36 : Plaque commémorative de la translation des tombeaux de l’abbaye de

Valmont du 1er mai 1772

Figure 37 : Enfeu du tombeau à gisants de Jacques Ier d’Estouteville et de Louise d’Albret dans la chapelle latérale saint Nicolas

Figure 38 : Enfeu du cénotaphe de Nicolas Ier d’Estouteville dans la chapelle

latérale saint Nicolas

Figure 39 : Photographies de Séraphin-Mérédic Mieusement et d’Alfred-Nicolas Normand (©Ministère de la Culture (France) - Médiathèque de l'architecture et du patrimoine – diffusion RMN)

Figure 40 : Photographies de Séraphin-Mérédic Mieusement et d’Alfred-Nicolas Normand (©Ministère de la Culture (France) - Médiathèque de l'architecture et du patrimoine – diffusion RMN)

Figure 41 : Marques laissées par le cénotaphe de Nicolas Ier d’Estouteville dans la chapelle des Six-Heures ou la chapelle de la Vierge

Figure 42 : Marques laissées par le tombeau à gisants de Jacques Ier d’Estouteville et de Louise d’Albret dans la chapelle des

Six-Heures ou la chapelle de la Vierge

Figure 43 : Cénotaphe de Nicolas Ier d’Estouteville du côté de l’épître dans le déambulatoire du sanctuaire de l’église abbatiale de Valmont

Figure 44 : Tombeau à gisants de Jacques Ier d’Estouteville et de Louise d’Albret du côté de l’évangile dans le déambulatoire du sanctuaire de l’abbaye de Valmont

Figure 45 : Dalle funéraire de Robert V d’Estouteville et de Marguerite de Hotot

dans la chapelle latérale du bas-côté sud à la hauteur de la nef principal (bras sud)

Figure 46 : Traces de polychromie sur le lion aux pieds de l’effigie de Jacques Ier

d’Estouteville

Figure 47 : Traces de polychromie sur le bélier aux pieds de l’effigie de Louise

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Figure 48 : Traces de polychromie dans les niches du soubassement du cénotaphe de Nicolas Ier d’Estouteville

Figure 49 : Traces de polychromie dans les niches du soubassement du tombeau à gisant de Jacques Ier d’Estouteville et de Louise d’Albret

Figure 50 : Deuillant sur le retour droit du cénotaphe de Nicolas Ier d’Estouteville

Figure 51 : Deuillant sur le retour gauche du cénotaphe de Nicolas Ier d’Estouteville

Figure 52 : Statue de saint Benoît sur le soubassement du cénotaphe de Nicolas Ier d’Estouteville

Figure 53 : Statue de sainte Catherine sur le soubassement du cénotaphe de Jacques Ier d’Estouteville et de Louise d’Albret

Figure 54 : Dalle de Robert V d’Estouteville et de Marguerite de Hotot

Figure 55 : Ange thuriféraire sur la dalle de Robert V d’Estouteville et de Marguerite de Hotot

Figure 56 : Inscriptions funéraires de la dalle funéraire de Vincent Antebert

Figure 57 : Inscriptions funéraires de la dalle de Robert V d’Estouteville et de

Marguerite de Hotot

Figure 58 : Soubassement du cénotaphe de Nicolas Ier d’Estouteville

Figure 59 : Retour gauche du cénotaphe de Nicolas Ier d’Estouteville

Figure 60 : Retour droit du cénotaphe de Nicolas Ier d’Estouteville

Figure 61 : Statue de la Vierge à l’Enfant sur le soubassement du cénotaphe de

Nicolas Ier d’Estouteville

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Remerciements

Ce mémoire n’aurait jamais vu le jour sans l’aide incommensurable de plusieurs personnes. Dans un premier temps, Andréane Vigneau, qui a non seulement corrigé mes fautes, relu attentivement mes textes à maintes et maintes reprises, mais qui m’a surtout soutenu et enduré tout au long de mon cursus universitaire. Dans un deuxième temps, mes parents, Pierre et Lynn, qui m’ont également offert leur soutien, autant moral que financier, sans quoi je n’aurais pu mener à bien ce mémoire. Mes deux sœurs, Judith et Eve-Lynn qui, malgré le fait qu’elles ne comprennent pas nécessairement pourquoi j’ai poursuivi mes études aux cycles supérieurs, m’ont tout de même encouragé à persévérer. Enfin, mon ami Stéphane, pour ses innombrables relectures, ses conseils, son soutien tout au long de ma rédaction et pour son amitié. Sans son aide, je n’y serais probablement jamais arrivé.

Mes remerciements vont tout d’abord à mon directeur, Robert Marcoux qui, malgré mes multiples découragements et remises en question, a toujours été en mesure de me remettre sur le droit chemin. Il a également su me transmettre sa passion pour l’art et les monuments funéraires du Moyen Âge. Ses conseils et ses commentaires ont toujours été en mesure de me faire pousser plus loin mon raisonnement améliorant ainsi la pertinence de mes recherches. Je tiens également à remercier Didier Méhu, que ce soit pour ses conseils, ses commentaires pertinents et surtout formateurs, son temps (pour mon mémoire ou autres), pour m’avoir également transmis son amour du Moyen Âge et de m’avoir encouragé à poursuivre mes recherches. À Xavier Dectot qui, malgré le fait que nous nous connaissons pas du tout, a tout de même accepté d’être sur mon comité d’évaluation. Je lui en suis grandement reconnaissant.

Je remercie Marc Grignon pour m’avoir encouragé à poursuivre ma maîtrise au moment où je pensais tout abandonner. Laurent Hablot pour m’avoir fait parvenir plusieurs documents qui ont été fort pertinents pour mes recherches. Merci à tous ceux et celles qui ont répondu à mes courriels de même qu’à mes questionnements, je pense entre autres à Erik Follain et à Jean-Vincent Jourd’heuil.

Merci à mes collègues et ami(e)s médiévistes du GREPSOMM pour vos conseils, votre aide, vos réconforts et pour nos multiples discussions dans le bureau ou autour d’une bière : Christian Cloutier, Raphaëlle, Maude, Benoît, Martine, Christian Jaouich, ma jumelle cosmique Kim, Ariane, David-Alexandre, Patrice et Arnaud. Que loué soit Monseigneur Boule de Poil de Caerbannog premier du nom et que béni soit le doux nectar noir caféiné produit par Sainte Aethelthred à la grande panse. Je remercie également mes collègues et ami(e)s d’Artefact : Mathieu, Stéphanie, Layna, Éric, Emmanuel, Charles-Frédéric, Nathan et Michel. Je remercie Frédérik Guérin pour nos multiples rencontres et discussions qui m’ont été grandement utiles. Je tiens à remercier tout particulièrement Annick Gagné pour son aide, son soutien et pour nos innombrables conversations en fin de rédaction qui m’ont permises de mieux définir mes réflexions, mais qui m’ont surtout donné la force et le courage de terminer ce mémoire.

Je tiens à remercier du plus profond de mon cœur Catherine Beaudet-Lefebvre, Christian Cloutier, Maude Deschênes, Patrice Frigault-Hamel, Martine Geoffroy, Ève Mainguy, Alexandre Millette, Charles-Frédéric Murray et Guillaume Poirier pour leur soutien dans les moments plus difficiles auxquels j’ai dû faire face vers la fin de ma rédaction.

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Vous ne pouvez pas savoir à quel point votre aide a été appréciée. Je vous en serai éternellement reconnaissant. Je voudrais également remercier tous ceux et celles qui m’ont aidé de près ou de loin dans l’élaboration de ce mémoire. Je ne peux malheureusement pas tous les nommer, mais j’ose espérer qu’ils se reconnaîtront (je pense à Alexandre Catudal, Maude, Léah, Annie, Marie-Andrée, Hélène, Sarah et spécialement Charlie pour ses encouragements vers la fin de ce mémoire qui ont été très appréciés).

À la Société d’Histoire de Charlesbourg – Marc-André Bluteau, Jean Breton et René Cloutier – pour les emplois d’été, pour nos multiples conversations, mais surtout pour m’avoir permis de poursuivre mes recherches et mes lectures dans le confort de la Maison Éphraïm-Bédard. À Marianne Demers-Desmarais pour tout l’aide qu’elle m’a apporté au cours de ce mémoire, que ce soit avec les PEB, son aide pour les règles de présentations pour les archives et les ouvrages anciens ou tout ce qui touche les ouvrages spécialisés qu’elle a pu commander ou obtenir en un temps record.

Pour terminer, je tiens à remercier les moniales de l’abbaye de Notre-Dame-du-Pré à Valmont, en particulier sœur Marie-Agnès, et madame Françoise Chemin de m’avoir permis d’étudier en détails les monuments funéraires de l’abbaye de Valmont et de m’avoir donné plusieurs informations et documents qui m’ont été très précieux dans mes recherches. Je remercie Marine ainsi qu’Eugène, Nadine et Amélie pour m’avoir hébergé durant mon séjour en France en 2016. Je remercie Michaël Bloche non seulement pour tous les documents qu’il m’a fait parvenir, mais également pour les opportunités qu’il m’a offertes. Elles m’ont permis de mettre de l’avant mes recherches sur l’abbaye de Valmont et sur les Estouteville. Son aide a été précieuse en fin de rédaction.

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Introduction

« C’était un fort heureux personnage, en l’an de grâce 1482, que noble homme Robert d’Estouteville, chevalier, sieur de Beyne, baron d’Yvri et Saint-Andry en la Marche, conseiller et chambellan du roi, et garde de la prévôté de Paris »

VICTOR HUGO, Notre-Dame de Paris. Tome I. Paris, Charles Gosselin, 1831, p. 315.

C’est de cette manière que commence le quatrième livre de Notre-Dame de Paris rédigé par Victor Hugo en 1831. Malgré le fait que les informations au sujet de Robert d’Estouteville soient erronées1, Hugo fait son éloge pendant quelques pages et mentionne

qu’il est encore possible « [d’]admirer aujourd’hui [son bel habit de guerre] sculpté sur son tombeau à l’abbaye de Valmont en Normandie, et son morion tout bosselé à Montlhéry2 ».

La citation mise en exergue laisse deviner le statut qu’avait ce Robert d’Estouteville au XVe siècle. Mais qui étaient les Estouteville? Plusieurs membres de cette famille de l’aristocratie normande ont participé à des événements historiques marquants pour la Normandie de l’époque médiévale. Pourtant, peu d’études ont été réalisées sur cette famille malgré leurs divers titres ou fonctions qu’ils ont eus au cours de leur histoire et malgré leurs nombreux mariages avec des membres de familles de l’aristocratie normande (famille de Harcourt, Paynel, etc.) et de la royauté (famille de Bourbon et d’Albert). Il en est de même pour la recherche sur la manière dont les Estouteville ont construit leur identité, au sein de la société du Moyen Âge occidental, par l’entremise de leurs tombeaux. Toutefois, nombre de ces derniers nous sont connus, que ce soit par les dessins de la Collection Gaignières ou parce qu’ils existent toujours. Dans le cadre de ce mémoire, nous nous sommes concentrés sur les tombeaux de la famille d’Estouteville dans le but d’analyser leur rôle dans les stratégies identitaires, sociales et sotériologiques des membres de cette famille. Nous avons tenté de cerner la manière dont la famille d’Estouteville, à l’aide de ses tombeaux, a défini son identité au sein de la société féodale. Pour mieux comprendre les choix qu’ont faits les Estouteville,

1 L’intrigue de l’ouvrage de Victor Hugo se déroule en 1482 alors que Robert d’Estouteville est décédé en 1477.

Nous n’avons pas trouvé de mention d’un autre Robert d’Estouteville inhumé à l’abbaye de Valmont mis à part ce dernier et Robert V d’Estouteville. Toutefois, il a bel et bien eu un Robert d’Estouteville qui a été prévôt de Paris, mais il n’a pas été inhumé à Valmont, puisqu’il faisait partie de la branche de Torcy de la famille d’Estouteville, voir : JEAN-MARIE DURAND, Heurs et malheurs des prévôts de Paris, Paris, Harmattan, 2008,

p. 167-172.

2 VICTOR HUGO, Notre-Dame de Paris. Tome I, Paris, Charles Gosselin, 1831, p. 318. Victor Hugo doit faire

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nous devons non seulement prendre en considération les changements qui se sont opérés dans la société de l’Occident médiéval et connaître les fonctions qu’exerçaient les tombeaux à cette époque, mais également la place qu’ont occupée les Estouteville au sein de la société féodale, en particulier celle de la Normandie entre le XIIIe et le XVIe siècle.

Fonctions et usages des monuments funéraires dans l’Occident médiéval

Nous n’avons pas la prétention d’épuiser toutes les fonctions qu’ont exercées les tombeaux du Moyen Âge, mais nous souhaitons en exposer la diversité. Comme le démontre la vaste recherche sur le sujet, les monuments funéraires de cette époque ne répondaient pas qu’à une seule et unique finalité, mais remplissaient des fonctions pratique, identitaire et spirituelle. La dimension pratique des tombeaux n’a pas spécifiquement été abordée, dans la mesure où ils servaient, dans la majorité des cas, à conserver l’intégrité du corps dans l’attente du Jugement dernier, à l’exception du cénotaphe. Ce dernier avait surtout pour fonction de glorifier le passé et la mémoire d’un défunt (rétrospection), souvent au profit d’une communauté de vivants (famille, congrégation religieuse, etc.).

Le monument funéraire médiéval indique tout d’abord l’emplacement de la sépulture du défunt. Pour mieux comprendre cette fonction, il convient de préciser la conception médiévale de l’espace, puisqu’elle est totalement différente de la nôtre. L’espace médiéval était hétérogène et discontinu, car il était pensé en termes de lieux. Certains lieux étaient considérés plus prestigieux que d’autres. L’espace médiéval était également pensé en fonction des différents rapports sociaux inhérents à ces lieux (spatialité des rapports sociaux)3. Le terme latin locus (lieu) désignait plusieurs éléments dans l’Occident médiéval :

une église ou un monastère, qu’une sépulture (loculus) aussi bien que les reliques d’un saint. Les saints ont joué un rôle considérable dans le développement de l’espace médiéval. Étant donné qu’ils étaient déjà en présence de Dieu, leurs ossements étaient considérés comme des points de transitus, c’est-à-dire des lieux de communication entre l’ici-bas et l’au-delà (entre le terrestre et le céleste). Pour cette raison, à partir du IVe siècle, les reliques étaient placées

3 DIDIER MÉHU, « Locus, transitus, peregrinatio. Remarques sur la spatialité des rapports sociaux dans

l’Occident médiéval (XIe-XIIIe siècle) », Construction de l'espace au Moyen Âge : pratiques et représentations.

XXXVIIe Congrès de la SHMESP (Mulhouse, 2-4 juin 2006), Paris, Publications de la Sorbonne, 2007, p.

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à l’intérieur de l’autel lors du rituel de la consécration des lieux de culte4. Par la présence de

ces reliques, le bâtiment ecclésial est progressivement devenu le locus par excellence, en plus d’être considéré comme le pôle d’attraction le plus positif de la société du Moyen Âge occidental. L’église constituait alors le centre autour duquel s’est développé un espace de sépultures (le cimetière) et des zones d’habitat en périphérie, créant ainsi une promiscuité entre le monde des morts et celui des vivants5.

La majorité des chrétiens possédaient une sépulture plus ou moins anonyme dans les limites du cimetière, tandis que certains pouvaient affirmer leur présence en se prévalant d’un monument funéraire personnalisé qui s’est éventuellement retrouvé à l’intérieur d’un bâtiment ecclésial. La naissance du concept de Purgatoire autour du XIIe siècle a graduellement changé la conception du salut collectif en salut individuel. L’individualisation des tombeaux peut être associée à l’apparition de ce lieu de purification et d’expiation6. La

diffusion des messes privées en Occident au cours des XIe et XIIe siècles avait également changé cette conception. L’Église favorisait le salut de l’âme de personnes spécifiques – les saints, les abbés et les fondateurs – à travers les messes privées ou les fêtes des saints. Ce faisant, les fidèles ne concevaient plus le salut de manière collective, mais bien de façon personnelle. Dans La naissance du Purgatoire, Jacques Le Goff mentionne que le « Purgatoire devient une annexe de la terre et prolonge le temps de la vie et de la mémoire7 », car l’âme de chaque fidèle est jugée, momentanément, à la fin de sa vie charnelle. La durée du séjour de l’âme au Purgatoire était entre autres déterminée par la conduite, bonne ou mauvaise, de chacun en ce bas monde. En d’autres termes, le Purgatoire offre un nouvel espoir de rédemption pour les fidèles. Dans cette perspective, de nombreux chrétiens ont

4 DIDIER MÉHU, « Historiae et images de la consécration de l’église dans l’Occident médiévale », DIDIER

MÉHU (dir.), Mises en scène et mémoires de la consécration de l’église dans l’Occident médiéval, Turnhout, Brepols, 2007, p. 15-48.

5 MICHEL LAUWERS, La naissance du cimetière. Lieux sacrés et terre des morts dans l’Occident médiéval,

Paris, Aubier, 2005, p. 23-54. Pour en savoir davantage : MICHEL LAUWERS, « Le cimetière au village ou le village au cimetière ? Spatialisation et communautarisation des rapports sociaux dans l’Occident médiéval », CÉCILE TREFFORT (dir.), Le cimetière au village dans l’Europe médiévale et moderne, Toulouse, Presses Universitaires du Midi, 2015, p. 41-60 ; CÉCILE TREFFORT, « Consécration de cimetière et contrôle épiscopal des lieux d’inhumation au Xe siècle », MICHEL KAPLAN (dir.), Le sacré et son inscription dans l’espace à

Byzance et en Occident. Études comparées, Paris, Publication de la Sorbonne, 2001, p. 285-297.

6 MICHEL LAUWERS. « Mort(s) », Dictionnaire raisonné de l'Occident médiéval. JACQUES LEGOFF et JEAN

-CLAUDE SCHMITT (dirs.), Paris, Édition Fayard, 1999, p.771.

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utilisé des monuments funéraires individualisés pour attirer à eux les suffrages d’intercession nécessaires au salut de leur âme et ainsi réduire leur temps d’attente au Purgatoire.

L’emplacement privilégié pour les tombeaux est près d’un autel : d’abord celui du sanctuaire ou celui d’une chapelle se situant dans la nef ou dans le déambulatoire. Il a précédemment été mentionné que l’autel était considéré comme un lieu de contact entre le ciel et la terre en plus d’être l’endroit où se déroulaient la célébration de l’eucharistie, les prières, et les messes privées. Les défunts pouvaient donc continuellement bénéficier de la présence des saints et de la liturgie commémorative, ce qui permettait d’assurer leur salut. Ce privilège était uniquement destiné à quelques méritants (fondateurs ou grands prélats). Ce n’est qu’au tournant du XIIIe siècle que ce privilège a été accordé aux membres de

l’aristocratie laïque et du haut clergé, dans le but d’affirmer leur domination sociale. Le fait de se retrouver à l’intérieur d’un édifice religieux permettait aux tombeaux de remplir plusieurs fonctions (spatiale, sotériologique et identitaire). L’emplacement de la sépulture et du monument funéraire annonce le groupe social auquel appartenait le défunt, puisque ce n’était pas tous les chrétiens qui disposaient des moyens nécessaires à la construction d’un tombeau individualisé, encore moins du privilège de se faire inhumer dans une église.

Les différentes recherches menées sur les tombeaux médiévaux ont démontré que plusieurs membres d’une famille ou d’une dynastie se faisaient inhumer au même endroit. Les premières familles à avoir utilisé un seul bâtiment ecclésial comme nécropole ont été les familles royales, entre autres les rois de France avec la basilique de Saint-Denis8. Par la suite,

les autres membres de la noblesse, comme les ducs ou les comtes, ont imité le modèle des nécropoles royales et des tombeaux des rois pour se rapprocher de ce rang social supérieur9. L’aristocratie et la petite noblesse ont aussi imité ce modèle10. Les nécropoles se trouvaient

8 ALAIN ERLANDE-BRANDENBURG, Le roi est mort. Étude sur les funérailles, les sépultures et les

tombeaux des roi de France jusqu’à la fin du XIIIe siècle, 1975, Genève, Droz, 214 p. Collection « Bibliothèque

de la société française d’archéologie ; 7 ».

9 Pour le comte de Champagne : XAVIER DECTOT, « Les tombeaux des comtes de Champagne (1151-1284).

Un manifeste politique », Bulletin monumental, tome 162-1, Paris, Société française d’archéologie, 2004, p. 1-62. Pour la Provence :FLORIAN MAZEL, La noblesse et l’Église en Provence, fin Xe – début XIVe siècle.

L’exemple des familles d’Agoult-Simiane, de Baux et de Marseille, Paris, CTHS, 2002, 803 p.

10 Nous pensons notamment à ROBERT MARCOUX, « La terre, la famille et le ciel : Les sépultures de la maison

de Saulx aux XIIIe et XIVe siècles », Inhumations de prestige ou prestige de l’inhumation ? Expressions du

pouvoir dans l’au-delà, ARMELLE ALDUC-LEBAGOUSSE (dir.), Actes de la table ronde organisée par le CRAHM, Université de Caen (Mars 2007), Caen, CRAHM, 2009, p. 165-192.

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généralement sur les terres qui étaient sous la domination de ces familles, permettant ainsi d’affirmer davantage leur importance au sein de la communauté des chrétiens, en plus de démontrer leur domination sur la terre et sur les hommes (dominium). La concentration de monuments funéraires d’une même famille à l’intérieur d’un seul bâtiment consolidait l’appartenance du défunt à un réseau de parenté, charnelle ou spirituelle, ainsi qu’à un lieu précis et soustrayait par là même les membres de cette famille à l’anonymat.

L’identification sociale des tombeaux s’exprime par le biais des inscriptions, de l’iconographie et du décor héraldique. Les éléments iconographiques permettent de définir et de reconnaître le groupe social auquel appartient le défunt par la présence d’attributs genrés (armure, écu, épée, couronne, coiffe, vêtements liturgiques, crosse, sceptre, calice, position des mains)11. En d’autres termes, l’effigie du défunt représente le corps social auquel il appartient12. Les inscriptions funéraires sont une source d’informations très importante sur la

vie du défunt. Elles tiennent compte des titres et des fonctions qu’avait le défunt au cours de sa vie et prennent parfois en considération son lignage en précisant certains liens de parenté. Le décor héraldique nous renseigne sur la ou les familles auxquelles appartenait le défunt par le biais des armoiries qui ornent la plupart des monuments funéraires du Moyen Âge. Les armoiries rattachent le défunt à une parenté charnelle ou spirituelle. En somme, ces divers éléments démontrent principalement le statut, le rang du défunt et le groupe social auxquels il appartenait au sein de la société médiévale, afin de bien le situer et de l’intégrer dans la communauté chrétienne.

Le fait de localiser le monument funéraire à l’intérieur des murs d’un bâtiment ecclésial ancrait les défunts dans la communauté et favorisait le salut de leur âme grâce aux suffrages d’intercession. De fait, à travers diverses locutions latines ou vernaculaires servant de déictiques (ci-gît, hic jacet, etc.), les inscriptions indiquent l’emplacement du corps du défunt, qui se trouve habituellement sous une dalle funéraire pouvant être considérée comme

11 Voir JUDITH HURTIG, The Armored Gisant Before 1400, New York & London, Garland Publishing, 1979,

450 p.; RACHEL ANN DRESSLER, Of Armor and Men in Medieval England: The Chivalric Rhetoric of Three

English Knight’s Effigies, Aldershot, Ashgate, 2004, 145 p.

12 JOSEPH MORSEL, « La noblesse dans la mort. Sociogenèse funéraire du groupe nobiliaire en Franconie

(XIVe-XVIe siècle) », Autour des morts. Mémoire et identité. Actes du Ve Colloque international sur la

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l’image ou le reflet de la personne13. Presque systématiquement présente, la date du décès est

inscrite avec la mention « LAN DE GRACE » suivie du millésime, du jour et du mois ou de la fête correspondante. De cette façon, la date du décès permet de conserver la mémoire du défunt au-delà de sa mort en l’intégrant dans la commémoration liturgique à l’endroit même où le corps est inhumé. Les inscriptions funéraires pouvaient également rappeler aux fidèles qui circulaient près du tombeau de prier pour l’âme du défunt.

Bien que ces inscriptions n’étaient pas nécessairement lisibles ou comprises par tous, une relation de prière s’établit entre le fidèle et le défunt sur le plan de la réception. Vincent Debiais soutient que la seule vue du tombeau pouvait inciter le fidèle à prier pour le salut de l’âme de la personne inhumée, et ce, peu importe le type de lecteur/spectateur. Ainsi, le lecteur passif n’avait pas besoin de comprendre les mots qu’il voyait sur les tombeaux pour savoir qu’il s’agissait d’inscriptions funéraires : « quand le spectateur se tenait au milieu d’un édifice contenant des inscriptions, il associait leur existence à une signification particulière : une inscription placée sur un monument funéraire impliquait sans doute l’existence d’une épitaphe donnant le nom du défunt, la date du décès et éventuellement d’autres renseignements biographiques14 ». Pour sa part, le lecteur actif était en mesure d’interpréter les mots qui se retrouvaient dans les inscriptions funéraires.

L’iconographie participe elle aussi à la fonction sotériologique des tombeaux. La microarchitecture15, tant sculptée que gravée, qui se retrouve sur certaines dalles funéraires pouvait préfigurer la Jérusalem céleste ou bien l’église dans laquelle le défunt était inhumé, bien que ce dernier point reste encore à démontrer. Certains éléments iconographiques enchevêtrés dans la microarchitecture, tels que les anges thuriféraires, céroféraires et le thème iconographique du sein d’Abraham, rendent davantage explicite la fonction sotériologique des tombeaux médiévaux. Les mains jointes témoignent de la piété du défunt et invitent

13 ROBERT MARCOUX, « Hac sub imagine : L’image du mort sur les dalles tumulaires du Moyen Âge (XIIIe

-XVe siècles) », Actes du colloque : L’art macabre en Europe médiévale à Montivilliers (8 et 9 novembre 2013),

Montivilliers, 2013, p. 40.

14 VINCENT DEBIAIS, Messages de pierre : la lecture des inscriptions dans la communication médiévale (XIIIe

XIVe siècle), Turnhout, Brepols, 2009, p. 279.

15 Nous entendons par microarchitecture « un décor [sculpté ou gravé] reproduisant en partie ou en totalité

certains motifs architecturaux dans une échelle réduite par rapport aux éléments structuraux », MAUDE

DESCHÊNES, « Ornement signifiant : la microarchitecture sur les dalles funéraires de la collection Gaignières (XIIe-XVe siècles) », Mémoire de maîtrise, Québec, Université Laval, 2018, p. 1.

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également le passant à la prière. La mort étant pour le christianisme une période de transition qui sépare la mort physique du Jugement dernier, l’emplacement de la sépulture et l’iconographie font en sorte que les tombeaux du Moyen Âge peuvent être considérés comme un locus qui agit en faveur du transitus du défunt.

À la lecture de récentes recherches sur les monuments funéraires médiévaux, nous pouvons conclure que ces derniers exerçaient une fonction mémorielle en répondant simultanément à deux finalités : d’une part, glorifier le passé du défunt (rétrospectif) et, d’autre part, assurer son salut (prospectif). Les diverses fonctions des tombeaux s’entrecroisent et nous pourrions même aller jusqu’à dire qu’elles convergent vers leur fonction mémorielle. Leurs deux finalités se manifestent par l’emplacement de la sépulture, des inscriptions funéraires, de l’iconographie et de l’héraldique. La glorification du passé du défunt se perçoit par la fonction spatiale et d’identification sociale des tombeaux, par la finesse de la taille, par le soin artistique accordé au monument funéraire et par le matériau utilisé pour sa confection. Les inscriptions funéraires nous renseignent sur la vie du défunt, tandis que l’iconographie indique au passant le groupe social auquel le mort appartient. L’emplacement nous informe aussi des ressources dont disposait le défunt pour la confection d’un monument funéraire et du lieu de son inhumation. Ces éléments démontrent bien l’aspect rétrospectif des tombeaux médiévaux. Pour ce qui est de la dimension prospective, la volonté d’assurer le salut de l’âme se traduit par les fonctions spatiale, pratique et sotériologique des monuments funéraires. Les inscriptions invitaient le fidèle à prier pour l’âme du défunt et la proximité d’un autel permettait aux défunts de bénéficier des grâces des saints en raison de la sacralité de l’autel. Les monuments funéraires étaient utilisés par les chrétiens pour conserver leurs ossements dans leur intégrité, s’ils voulaient renaître à la Fin des temps (fonction pratique). En somme, tous les éléments qui constituent les tombeaux participent conjointement aux rôles prospectif et rétrospectif des monuments funéraires de l’époque médiévale.

Le tombeau médiéval : témoin de la construction identitaire

Les monuments funéraires du Moyen Âge permettaient de préserver la renommée du défunt et sa mémoire au-delà de la mort, tout en légitimant sa domination sur la terre et les hommes, de même que celle de ses descendants. Depuis les dernières décennies, les études

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sur les tombeaux de cette époque connaissent un essor considérable grâce à des médiévistes de divers horizons16. Dans le cadre de sa thèse à l’École des Chartres, Xavier Dectot s’est concentré sur les tombeaux champenois des XIIe et XIIIe siècles, plus particulièrement sur ceux des comtes de Champagne17. Il a démontré que pour étudier correctement les tombeaux

médiévaux et les éléments qui les constituent, nous devons les replacer dans le contexte culturel et spirituel dans lequel ils ont été conçus. Il déplore que les monuments funéraires soient rarement étudiés pour ce qu’ils sont réellement, c’est-à-dire des monuments érigés en mémoire de quelqu’un (monumentum). Pour sa thèse de doctorat, Dectot a étudié les tombeaux des familles royales de la péninsule ibérique au Moyen Âge afin de démontrer, à travers les pratiques funéraires des souverains de cette région, qu’ils entretiennent des relations avec l’art, la mort, la spiritualité, la société et la politique18. Ces travaux ont mené,

en 2006, à la publication d’une synthèse des monuments funéraires de l’Antiquité tardive jusqu’au XVIe siècle19. Bien qu’elle n’aborde pas nécessairement l’épigraphie et qu’elle

effleure l’histoire politique, sociale et religieuse, cette synthèse permet de revisiter « l’évolution » des tombeaux médiévaux, non pas dans le but de créer une chrono-typologie, mais pour cerner leurs différentes fonctions. Dans les premières pages de cette synthèse, Dectot insiste sur un élément qui viendra influencer les futures recherches sur les monuments funéraires de l’époque médiévale : leur double fonction commémorative. Cette dernière est essentielle si nous voulons convenablement étudier les monuments funéraires de cette époque, car « [l]a volonté de transmettre une mémoire semble être un souci au moins aussi important dans le monument funéraire, et il convient de prendre en compte cette tension perpétuelle entre spirituel et temporel, entre salut de l’âme et volonté de transmettre une mémoire, au moment d’aborder le problème du monument funéraire médiéval20 ».

Sous-jacentes à cette compréhension d’une « double commémoration » sont les catégories

16 Sur les recherches françaises : ManonDURIER, « La mort, les morts et les pratiques funéraires au Moyen

Âge : bilan historiographique des thèses de 3e cycle françaises (1975-2011) », Annales de Janua, No 1, 2013,

25 p.

17 Soutenue en 1998, sa thèse a été en partie publiée en 2004 dans le Bulletin monumental : XAVIER DECTOT,

« Les tombeaux des comtes de Champagne (1151-1284). Un manifeste politique », Bulletin monumental, tome 162-1, Paris, Société française d’archéologie, 2004, p. 1-62.

18 Soutenue en 2001, elle n’a été publiée qu’en 2009 : XAVIER DECTOT, Les tombeaux des familles royales de

la péninsule ibérique au Moyen Âge, Turnhout, Brepols, 2009, 311 p.

19 XAVIER DECTOT, Pierres tombales médiévales. Sculptures de l’au-delà, Paris, Desclée de Brouwer, 2006,

110 p.

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conceptuelles proposées par Erwin Panofsky dans son ouvrage Tomb Sculpture : Four

Lectures on its Changing Aspects from Ancient Egypt to Bernini, publié pour la première fois

en 196421. Il y est question de l’aspect « rétrospectif », une catégorie mémorielle orientée vers le passé du défunt (dans le but de glorifier ce dernier) et du « prospectif », une catégorie qui, quant à elle, est tournée vers le futur du défunt (dans une vision eschatologique pour le Moyen Âge). Malgré leur distinction, ces deux concepts ne sont aucunement contradictoires, mais bien complémentaires22. Avant d’aller plus loin, il convient de noter que l’ouvrage de

Panofsky a dépeint le tombeau médiéval et les éléments qui le constituent comme un fossile directeur à l’intérieur de l’histoire de la sculpture pour créer une typologie de l’art sépulcral d’hier à aujourd’hui. Cette approche a eu une influence pérenne dans l’histoire des monuments funéraires, jusqu’à ce que l’ouvrage de Panofsky soit « revisité » en 2016 par une nouvelle génération de chercheurs23.

Avant la parution de l’ouvrage de 2016, de nombreuses études se sont concentrées sur la manière dont les membres d’une même famille ont construit leur identité dans la société du Moyen Âge occidental par l’entremise de leurs tombeaux. Nigel Saul a étudié les monuments funéraires, majoritairement des dalles tumulaires en cuivre, des membres de l’influente famille Cobham d’Angleterre, dont plusieurs ont été inhumés à l’intérieur de l’église de Lingfield au courant des XIVe et XVe siècles. Saul s’est penché sur les autres lieux

d’inhumation de cette famille pour étudier leur statut social et les différents rôles qu’ont eus les Cobham au sein de la société anglaise de la fin du Moyen Âge. Le regroupement des tombeaux de cette famille à l’intérieur d’un bâtiment ecclésial montre tout particulièrement l’importance de la parenté charnelle des Cobham24. De son côté, Robert Marcoux a étudié

les tombeaux de la famille Saulx en se concentrant davantage sur leurs inscriptions, leur décor héraldique, leur iconographie et leur localisation. Son intention était de démontrer comment ces éléments ont participé aux stratégies sociales, identitaires et sotériologiques des

21 Publié en français en 1995 : ERWIN PANOFSKY, La sculpture funéraire : de l’Égypte ancienne au Bernin,

Paris, Flammarion, 1995, 268 p.

22 Comme le propose ROBERT MARCOUX, « Memory, Presence and the Medieval Tomb », ANN ADAMS et

JESSICA BARKER (dirs.), Revisiting the monument. Fifty Years since Panofsky’s Tomb Sculpture, Londres, Courtauld Books On-Line, 2016, p. 49-67.

23 ANN ADAMS et JESSICA BARKER (dirs.), Revisiting the monument. Fifty Years since Panofsky’s Tomb

Sculpture, Londres, Courtauld Books On-Line, 2016, 257 p.

24 NIGEL SAUL, Death, Art and Memory in Medieval England. The Cobham Family and their Monuments

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tombeaux de cette famille aristocratique de la Bourgogne médiévale25. Bien qu’il existe d’autres études sur les monuments funéraires d’une même famille, nos recherches s’insèrent dans cette lignée. De fait, nous tenterons de cerner la manière dont les Estouteville ont créé leur identité à l’aide de leurs tombeaux en étudiant leur épigraphie, leur iconographie et leur décor héraldique.

La famille d’Estouteville et l’abbaye de Valmont

L’histoire des Estouteville est étroitement liée à celle de l’abbaye de Valmont, étant donné que cette dernière a été fondée par Nicolas Ier d’Estouteville au XIIe siècle, et que son église est devenue la nécropole de plusieurs membres de cette famille, majoritairement pour les aînés mâles de la plus ancienne branche des Estouteville, jusqu’à la mort de la dernière descendante, Adrienne d’Estouteville (†1560). Par conséquent, notre recherche se base sur des ouvrages relatifs à cette famille et cette abbaye. Toutefois, la majorité de ces sources ont été écrites par des érudits locaux durant la deuxième moitié du XIXe siècle et au début du XXe siècle, une période teintée d’une forte pensée nationaliste. Ces érudits n’avaient bien entendu pas les mêmes normes qu’aujourd’hui en ce qui a trait à la rigueur scientifique : la provenance des informations n’est souvent pas citée. Sans négliger l’apport de ces ouvrages publiés il y a parfois plus d’un siècle, nous avons aujourd’hui un regard plus critique sur ceux-ci. Ainsi, une nouvelle recherche sur l’histoire de la famille d’Estouteville et de l’abbaye de Valmont dans leur ensemble peut être menée. De plus, les recherches de ces érudits ne s’intéressaient souvent qu’à un seul aspect de cette famille. Certaines de ces recherches étaient des descriptions de l’abbaye à une époque précise ou s’attardaient spécialement à la chapelle de la Vierge, construite au XVIe siècle par l’abbé Jean Ribault.

Les recherches des érudits français des XIXe et XXe siècles

Dans son ouvrage sur les arrondissements du Havre, d’Yvetot et de Neuchâtel publié en 1838, Alexandre-Auguste Guilmeth, membre de la société d’histoire de France, mentionne rapidement que Nicolas Ier d’Estouteville a fondé l’abbaye de Valmont en 1116, sans donner

25 RobertMARCOUX, « La terre, la famille et le ciel : Les sépultures de la maison de Saulx aux XIIIe et XIVe

siècles », Inhumations de prestige ou prestige de l’inhumation ? Expressions du pouvoir dans l’au-delà. ArmelleALDUC-LEBAGOUSSE (dir.), Actes de la table ronde organisée par le CRAHM, Université de Caen (Mars 2007), Caen, CRAHM, 2009, p. 165-192.

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plus de détails26. L’abbé Jean Benoît Désiré Cochet, inspecteur des monuments historiques pour le département de la Seine-Inférieure, publie en 1852 un ouvrage sur les églises de l’arrondissement d’Yvetot, dans lequel il fait une description du canton de Valmont (paroisse, abbaye et château). Dans la partie sur l’abbaye de Valmont, Cochet souligne la confusion qui existe en ce qui concerne la date exacte de sa fondation. La charte de fondation de cette abbaye ne comporte aucune mention à cet effet, ce qui a engendré des erreurs de datation27.

Cochet mentionne que l’abbaye de Valmont est une dépendante de celle de Hambye, qui a été fondée en 1145. Valmont ne peut donc pas avoir été fondée en 1116 comme le prétendait Guilmeth. Selon Cochet, l’abbaye de Valmont aurait plutôt été fondée en 116928.

À son tour, Euphémie deBusserolle note la confusion sur la date de fondation de l’abbaye, dans son ouvrage sur le pays de Caux publié en 1859, et se range du côté de Cochet. Busserolle s’attarde sur le canton de Valmont, plus précisément sur la famille d’Estouteville et l’abbaye de Valmont. Bien qu’elle soit la première à tenter de faire une histoire de cette famille, elle ne fait qu’énumérer des noms et des dates pour indiquer que les Estouteville ont été les seigneurs de Valmont pendant plus de quatre siècles29. Busserolle continue avec une brève histoire de l’abbaye de Valmont en ne mentionnant que quelques faits marquants, sans nécessairement entrer dans les détails ou relater les liens entre les membres de la famille d’Estouteville et l’abbaye. L’élément le plus important de l’ouvrage de Busserolle est sans aucun doute sa liste des trente abbés de Notre-Dame-de-Valmont du XIIe jusqu’au XVIIIe siècle, et ce, même si elle ne mentionne pas d’où elle tire ces informations (probablement de la Gallia Christiana). Nous devons attendre 1861 pour avoir une recherche plus documentée sur les Estouteville et sur les terres qu’ils ont possédées. Robert d’Estaintot, membre de la société des antiquaires de Rouen, publie ses « recherches historiques, archéologiques et

26 ALEXANDRE-AUGUSTE GUILMETH, Description géographie, historique, monumentale et statistique des

arrondissements du Havre, Yvetot et Neuchâtel suivie de l’histoire communale des environs de Dieppe. 1ère partie : Arrondissement du Havre. Paris, Delaunay, 1838, p. 263.

27 Cette erreur provient entre autres des inscriptions funéraires du tombeau de Nicolas Ier d’Estouteville relevées

par Gaignières : « LEQUEL EN SON VIVANT FONDA CESTE PRESENTE ABBAYE EN LAN DE GRACE MIL CENT (ET) SEIZE ». Or, le tombeau du fondateur de l’abbaye de Valmont n’a été réalisé qu’au début du XVIe siècle, alors que Nicolas Ier d’Estouteville est décédé au XIIe siècle. Cet écart de quatre siècles sème donc

un doute sur la justesse de l’inscription.

28 Jean Benoît DésiréCOCHET, Les églises dans l’arrondissement d’Yvetot, Tome II, Paris, Didron & Derache,

1852, p. 148-149.

29 Euphémie deBUSSEROLLE, Recherches historiques sur Fécamp et sur quelques des anciens chateaux et

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féodales sur les sires et le duché d’Estouteville30 ». Dans ces recherches, il explique l’origine

de la famille d’Estouteville et les événements historiques auxquels certains d’entre eux ont pris part. Estaintot s’intéresse en premier lieu à la généalogie des Estouteville en accordant une certaine importance aux divers titres qu’ils ont eu au courant du Moyen Âge et au rôle qu’ils ont joué dans l’histoire de la Normandie. Tout comme Busserolle, Estaintot se penche principalement sur les seigneurs de Valmont, et sur le duché d’Estouteville érigé en 1534, du premier Estouteville jusqu’aux Grimaldi, princes de Monaco et héritiers des Estouteville.

L’Association normande publie en 1879, dans son ouvrage annuel, un texte intitulé

Archéologie. Excursion archéologique à Valmont et Cany31. Dans ce texte, dont l’auteur est

anonyme, est décrite une expédition menée par cette association à l’abbaye et au château de Valmont le 5 juillet 1878. Une histoire de l’abbaye de Valmont est faite et on y intègre les dimensions qu’avaient la nef et le chœur de l’église abbatiale au XVIIIe siècle. On s’attarde

sur la chapelle de la Vierge, sur ses vitraux, ses sculptures et ses tombeaux. L’auteur fait référence à un procès-verbal inédit daté du 14 septembre 1525 qui se trouvait dans le chartrier du château Valmont. Henry Barbet, ancien pair de France et propriétaire du château, avait donné l’autorisation à l’Association normande de retranscrire ce procès-verbal (Annexe I). Ce dernier dresse le paysage funéraire de l’abbaye de Valmont au XVIe siècle en indiquant tous les tombeaux qui se trouvaient dans l’église abbatiale. Un autre procès-verbal, dressé par le bailli d’Estouteville, est également mentionné et traite de l’état des tombeaux de Nicolas Ier d’Estouteville, ainsi que de Jacques Ier d’Estouteville et de Louise d’Albret, avant

et après leur déplacement le « 15 janvier et [le] 6 septembre 157232 ». Toutefois, l’auteur doit se tromper, puisque selon le contexte, il parle de la translation de 1772 dans la chapelle saint Nicolas et non du XVIe siècle. De fait, il poursuit avec le déplacement de ces deux tombeaux

dans la chapelle de la Vierge en mentionnant qu’il s’agit « [d’]un fait contemporain ». Contrairement au procès-verbal de 1525, l’auteur ne retranscrit pas celui qui fait état des tombeaux des Estouteville. Il revient sur l’histoire de l’abbaye et explique la confusion qui

30 Robert d’ESTAINTOT, « Recherches historiques, archéologiques et féodales sur les sires et le duché

d’Estouteville », Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie, Caen, Hardel 3e Série - 4e Volume :

XXIVe volume de la collection, 1861, p. 403-458.

31 ANONYME, « Archéologie : Excursion archéologique à Valmont et Cany », ASSOCIATION NORMANDE,

Annuaires des cinq départements de la Normandie. 1879 – Quarante-sixième année. Caen, Le Blanc-Hardel,

1879, p. 413-437.

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existe quant à sa fondation, tout en y remédiant. En citant différents ouvrages, précédemment mentionnés, l’auteur poursuit en dressant une liste des abbés de Valmont et de ce qu’ils ont accomplis durant leur abbatiat.

Publié en 1890, Une journée à l’abbaye de Valmont de Jules Claretie, romancier et membre de l’Académie Française, décrit l’état de cette abbaye à la fin du XIXe siècle33.

N’étant pas historien, Claretie reprend la date erronée de 1116 pour la fondation de Valmont et donne quelques anecdotes sur l’histoire de l’abbaye. Il mentionne également qu’elle était complètement en ruine lors de sa visite, à l’exception de la chapelle de la Vierge, qui était toujours intacte. Cet ouvrage décrit la chapelle construite au XVIe siècle, en passant par ses

vitraux, son autel monumental et les monuments funéraires qui s’y trouvaient. Claretie offre une description détaillée du tombeau de Nicolas Ier d’Estouteville en plus de retranscrire ses inscriptions funéraires. Il décrit aussi le tombeau de Jacques Ier d’Estouteville et de Louise

d’Albret, en plus d’identifier les statues des saints se trouvant sur son soubassement. Trois ans plus tard, Siméon Luce, vice-président de l’Académie des inscriptions et belles lettres et chef de section aux Archives nationales, publie « le château et l’abbaye de Valmont34 ». Luce décrit en quelques lignes l’histoire du château de Valmont qui s’étend du XIe au XVIe siècle, période durant laquelle les Estouteville en étaient les propriétaires. Quant à l’abbaye de Valmont, il s’attarde aux tombeaux qui s’y trouvent et ceux qui devraient y être, mais qui se trouvent ailleurs : celui de Louis Ier d’Estouteville (inhumé à Hambye) et celui de Guillaume d’Estouteville (inhumé à Rouen et à Rome). Luce donne beaucoup de détails sur les tombeaux qui se situaient dans la chapelle de la Vierge ou des Six-Heures en 1893, soit celui de Nicolas Ier d’Estouteville et celui de Jacques Ier d’Estouteville et de Louise d’Albret. Contrairement à Claretie, Luce mentionne la présence dans cette chapelle de la dalle funéraire de Robert V d’Estouteville et de Marguerite de Hotot. Il termine son ouvrage en décrivant la chapelle des Six-Heures, donne quelques faits historiques, mais s’attarde principalement à démontrer à quel point il s’agit d’un chef-d’œuvre de la Renaissance.

33 JULES CLARETIE, Une journée à l’abbaye de Valmont. 2e édition. Fécamp, Imprimerie de Monmarché,

1890, 16 p.

34 SIMEON LUCE, « Le château et l’abbaye de Valmont ». La Normandie monumentale et pittoresque. Édifices

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En 1899, Charles de Robillard de Beaurepaire, membre fondateur de la société de l’histoire de Normandie et archiviste aux archives départementales de la Seine-Inférieure, s’intéresse à l’histoire de l’abbaye de Valmont en donnant davantage d’informations que ses prédécesseurs35. Beaurepaire explique que le manque d’information vient du fait que ces

derniers n’avaient pas accès au chartrier de Valmont, puisqu’ils croyaient qu’il n’existait plus. Beaurepaire utilise donc ces documents pour expliquer comment était gérée l’abbaye de Valmont par les différents abbés et abbés commendataires. Il s’intéresse à l’économie de l’abbaye (dépenses, aumônes, etc.), à la succession des abbés du XVe au XVIIIe siècle et à

leur apport à la communauté monastique de Valmont (constructions, donations, etc.). La partie la plus intéressante de l’ouvrage de Beaurepaire est celle où il retranscrit certains passages des procès-verbaux de Jean-Baptiste-Michel Cherfils, procureur de roi à Cany, en ce qui concerne le déplacement des tombeaux de la famille d’Estouteville36. L’un de ces

procès-verbaux décrit l’état des trois monuments funéraires des Estouteville au XVIIIe siècle, et en décrit trois autres ayant appartenu à cette famille et qui n’avaient jamais été mentionnés auparavant : la dalle funéraire de Robert d’Estouteville, la « tombe de liais » de Marguerite de Harcourt et le tombeau de Jean II d’Estouteville, chanoine de Rouen.

Gabriel de la Morandière, historien et érudit valmontais, publie en 1903 un imposant ouvrage de plus de 700 pages intitulé Histoire de la Maison d’Estouteville en Normandie. Dans ce livre, il s’intéresse d’une part à la famille d’Estouteville de son origine jusqu’à la dernière descendante de la branche aînée de cette famille, Adrienne d’Estouteville († 1560), et d’autre part au comté de Valmont, puis par extension au duché d’Estouteville fondé en 1534, de sa fondation jusqu’au XIXe siècle. De la Morandière s’attarde principalement à la généalogie de la branche aînée des Estouteville en dressant une liste des événements historiques auxquels ils ont participé, tout en prenant soin de les séparer selon les différentes périodes (Conquête normande, réunification de la Normandie, guerre de Cent Ans, etc.). Il démontre les liens que les Estouteville avaient avec les grandes familles aristocratiques normandes, de même qu’avec les couronnes anglaise et française. L’ouvrage de cet érudit est

35 CHARLES DE ROBILLARD DE BEAUREPAIRE, « Note sur l’abbaye de Valmont ». Bulletin de la Commission

des antiquités de la Seine-Maritime. Rouen, Commission des antiquités de la Seine-Inférieure, 1899, p.

411-438.

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cependant très élogieux, puisqu’il vante la bravoure des Estouteville par le biais de leurs faits d’armes et de leur indéfectible fidélité aux rois de France. Malgré la lourdeur de la mise en page du texte, cette synthèse sur la famille d’Estouteville utilise des textes et documents perdus lors de la Seconde Guerre mondiale ou aujourd’hui inaccessibles. La généalogie de la famille d’Estouteville effectuée par de la Morandière prend en considération toutes les branches de cette famille, et ce, même s’il s’agit d’une simple liste des noms des membres des diverses branches, ainsi que de ceux de leurs époux et de leurs enfants.

Dans le cadre du 89e congrès archéologique de France, Jean Vallery-Radot, directeur

du Département des Estampes de la Bibliothèque national de France, publie en 1927 un texte intitulé Troisième excursion : Valmont37. Dans ses 17 pages, Vallery-Radot fait une brève synthèse de l’histoire de l’abbaye de Valmont, de sa fondation jusqu’à sa vente au lendemain de la Révolution française. Tout comme Charles de Robillard de Beaurepaire et Gabriel de la Morandière, Vallery-Radot utilise les procès-verbaux de Jean-Baptiste-Michel Cherfils pour décrire l’abbaye de Valmont qui était toujours en ruine en 1926. Il décrit ce qui reste de l’église abbatiale et de la chapelle de la Vierge en intégrant des photographies pour appuyer ses propos. Vallery-Radot parle des vitraux et des bas-reliefs de la chapelle de la Vierge et des monuments funéraires qui s’y trouvaient. À son tour, Vallery-Radot donne des détails sur le tombeau de Nicolas Ier d’Estouteville. Il retranscrit ses inscriptions funéraires, tout en corrigeant l’erreur de la date de fondation de l’abbaye de Valmont, et parle de la maquette de l’abbaye qui se trouve au-dessus de ce monument funéraire et non aux pieds de l’effigie de Nicolas Ier d’Estouteville, comme sur le dessin de la Collection Gaignières. Il parle également du tombeau à gisants de Jacques Ier d’Estouteville et de Louise d’Albret en identifiant les statues du soubassement. Cependant, il ne fait aucune mention de la dalle funéraire de Robert V d’Estouteville et de Marguerite de Hotot. Ce texte se termine en mentionnant que la Collection Gaignières possède plusieurs dessins des tombeaux des abbés de Valmont et des membres de la famille d’Estouteville et dresse une liste de ces dessins.

37 JEAN VALLERY-RADOT, « Troisième excursion. Valmont ». Congrès archéologique de France. 89e

session tenue à Rouen en 1926 par la Société française d’archéologie. Paris, Picard & Société générale

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Dans le cadre du Ve centenaire de la défense du Mont Saint-Michel, Eugène Niobey, né à Hambye et fondateur des Amis de l’Abbaye de Hambye, publie en 1934 un ouvrage consacré à Louis d’Estouteville, capitaine du Mont Saint-Michel, et à sa femme Jeanne Paynel38. La première partie de cet ouvrage est dédiée à l’histoire du Mont Saint-Michel

durant la guerre de Cent Ans, de 1434 à 1450, et aux différents assauts menés par les Anglais. Niobey y fait l’apologie de Louis Ier d’Estouteville en démontrant que sans lui, le Mont

Saint-Michel n’aurait jamais été en mesure de repousser les Anglais. Il intègre également quelques faits historiques et explique le fonctionnement interne du Mont Saint-Michel au cours de ces seize années. La deuxième partie est tout aussi élogieuse envers Louis Ier d’Estouteville,

puisqu’on y décrit les différents titres que ce dernier a eus au cours de sa vie. L’intérêt de cette recherche est sans aucun doute la partie sur les tombeaux de Louis Ier d’Estouteville et de sa femme Jeanne Paynel, tous les deux inhumés dans l’église abbatiale de Hambye, car ils n’existent plus. En reprenant les textes de la Gallia Christiana et ceux de l’historien normand Charles de Gerville (XIXe siècle), Niobey fait un bref historique de ces monuments funéraires et de leur emplacement. L’abbaye médiévale de Hambye est aujourd’hui en ruines.

Enfin, rappelons que la majorité de ces ouvrages ont été rédigés par des érudits normands, voire valmontais, et sont donc teintés d’un fort patriotisme. Ils tentent de démontrer comment les membres de famille d’Estouteville ou le comté de Valmont ont été indispensables pour la Normandie médiévale, que ce soit par les faits d’armes des Estouteville, qui se sont battus pour que cette région reste française, ou par la chapelle de la Vierge de l’abbaye de Valmont, qui est décrite comme étant un chef-d’œuvre de la Renaissance française. Ces ouvrages attribuent aux Estouteville un rôle décisif sans lequel la Normandie serait demeurée une possession anglaise durant toute son histoire. La famille d’Estouteville n’est pourtant que l’une des familles nobles parmi tant d’autres à s’être illustrée dans l’histoire normande. De surcroît, ces divers écrits sont très anciens. Néanmoins, ces recherches restent une bonne base pour notre étude, entre autres grâce aux descriptions des monuments funéraires des Estouteville qui ont souffert des dégâts du temps et de la Seconde Guerre mondiale.

38 EUGÈNE NIOBEY, Louis d’Estouteville, Capitaine et Défenseur du Mont Saint-Michel et Jeanne Paynel, son

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